La Téléportation Quantique Groupe de Physique Appliquée, Université de Genève Homepage: www.gapoptique.unige.ch Deux photons «intriqués» Le photon On sait produire au laboratoire des paires de photons corrélés. Voici un exemple de ce que l’on peut observer avec ces paires: si on mesure la polarisation d’un photon de la paire, on peut trouver n’importe quelle direction; mais l’autre photon de la paire acquiert exactement la même polarisation, même si les deux sont séparés par une grande distance. En fait, la polarisation de chaque photon de la paire n’est pas définie, mais la relation entre les deux polarisations est définie. Une telle corrélation n’a pas d’analogue avec des objets de la vie de tous les jours (quand deux vélos ont la même couleur, chacun a aussi sa propre couleur bien définie). On parle d’intrication, c’est en fait le coeur de la physique quantique. Le photon est une «particule de lumière», c’est à dire la plus petite quantité de lumière que l’on puisse détecter. Le photon n’a pas de masse; son énergie est proportionnelle à la fréquence de la lumière, son impulsion au vecteur d’onde. Comme l’onde lumineuse qu’il forme, le photon peut prendre différents états de polarisation; chaque état de polarisation (linéaire) correspond à une direction dans l’espace, nous le représentons par un segment. La téléportation On parle de téléportation lorsqu’un objet disparaît à un endroit et reapparaît à un autre endroit, sans qu’il ait fallu le transporter par tous les endroits intermédiaires. On ne peut pas téléporter la matière ou l’énergie, mais on peut téléporter l’état de polarisation (ou plus généralement, l’état quantique). La téléportation de la polarisation s’effectue en trois étapes (voir les schémas): 1. On prépare trois photons, un photon (A) portant la polarisation que l’on veut téléporter et les deux autres (B et C) formant une paire intriquée. 2. On mesure le photon A et un photon de la paire (B) de manière judicieuse, dite Mesure de Bell: on leur demande de définir leur relation (même polarisation? polarisation opposée?) sans que chacun ne doive acquérir une polarisation bien définie. Selon la réponse, le troisième photon (C), initialement intriqué avec B, possède à présent une polarisation bien définie qui est: - la même que la polarisation initiale de A, si la Mesure de Bell a donné «même polarisation» - opposée à la polarisation initiale de A, si la Mesure de Bell a donné «polarisation opposée» 3. On envoie le résultat de la Mesure de Bell à l’endroit où se trouve C en utilisant un canal classique (téléphone, internet...): selon cette information, on laisse telle quelle (opération identité I) ou on tourne (rotation R) la polarisation de C. On retrouve sur C la polarisation qui avait été préparée sur A. 1. A B C 2. 3. «égaux» A «égaux» «opposés» A B I C R C B C «opposés» A «égaux» «opposés» A B C B Remarques importantes - Avant que l’information sur le résultat de la Mesure de Bell ne soit arrivée à l’endroit où se trouve C, on ne peut rien conclure, même si le changement de la polarisation de C est instantané. En particulier, on ne peut pas utiliser cet effet pour envoyer un signal voyageant plus vite que la lumière: la téléportation ne viole donc pas la relativité. - En fait, la Mesure de Bell peut donner quatre résultats, pas seulement deux; mais dans tous les cas on peut réussir la téléportation en envoyant le résultat de cette mesure. - Application: cryptographie quantique (envoi de messages secrets inviolables). Idée: coder le message dans des états de polarisation de photons et les téléporter: le message n’existe dans aucun endroit intermédiaire où pourrait se trouver un espion.