AL L O C U T I O N C O U L O U B A R I T S I S
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C’est ce point que j’aimerais aborder rapidement dans cette introduction à notre
journée d’aujourd’hui. Car on peut légitimement se demander quel est le rapport
entre le livre sur la proximité, conçue dans son rapport avec la souffrance, — et qui
implique donc une anthropologie de l’homme souffrant (sans connotation doloriste
toutefois) —, et l’hénologie comme étude des multiples pratiques de l’Un et du
Multiple. En d’autres termes, quel est le rapport entre une métaphysique de
l’hénologie, si importante dans la lecture que fait Couloubaritsis de l’histoire de la
philosophie, et son projet de « métaphysique concrète » prenant appui sur la
souffrance tel qu’il s’énonce dans le livre sur la proximité ? Je cite Couloubaritsis :
« A la place d’une métaphysique spéculative, trop éloignée de l’entendement
commun, je propose ici une métaphysique concrète, plus proche de l’homme. Cette
forme de métaphysique peut s’appuyer sur la souffrance en tant qu’expérience par
contact et immédiate, en tant qu’épreuve concrète et intime que chacun d’entre
nous vit intensément. La souffrance est en effet une épreuve qui, se tenant à
l’opposé de toute fiction, impose sa consistance par elle-même. A la fois familière
et quotidienne, elle est comprise par chaque être humain comme souffrance proche,
même si chacun l’éprouve d’une façon singulière en fonction du type de pression
qui s’impose à lui et selon son histoire singulière depuis sa naissance » (PS 61).
L’idée qui se dessine ici, c’est celle d’une métaphysique reposant sur une réalité
radicalement non représentationnelle, c'est-à-dire sur une épreuve du vécu
absolument présente à soi, et qui n’a besoin n i de représentation, ni d’aucune
médiation pour être. C’est en cela qu’elle est concrète. C’est en ce sens je pense
qu’il faut comprendre que cette épreuve du vécu, telle qu’incarnée dans la
souffrance, s’oppose à toute fiction. Traditionnellement, la fiction est ce qui
s’oppose à la réalité, mais Couloubaritsis oppose ici la fiction non à la réalité, mais
à la souffrance. Non que la souffrance ne soit pas réelle, bien sûr, mais c’est plutôt,
me semble-t-il, que la réalité, telle qu’on l’entend communément est, comme la
fiction, de l’ordre de la représentation ; l’opposition commune entre la réalité et la
fiction apparaît dès lors comme inessentielle. Ce qui est essentiel au contraire, c’est
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