Penser avec Spinoza - Les Mardis de la Philo

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Penser avec Spinoza
Les mardis de la philosophie
Sébastien Laoureux
Université de Namur
6 octobre 2015
Seconde séance « Le désir est l’essence même de l’homme ». Spinoza cri9que de Descartes. Plan de ce>e séance : -­‐L’anthropologie cartésienne -­‐L’anthropologie de Spinoza : 1-­‐L’esprit et le corps, c’est une seule et même chose 2-­‐L’esprit est l’idée du corps 3-­‐L’esprit n’agit pas sur le corps L’Ethique De 1661 à 1665 puis de 1670 à 1675. Par3e 1 : De Dieu Par3e 2 : De l’esprit Par3e 3 : Des affects Par3e 4 : De la servitude humaine Par3e 5 : De la liberté humaine Descartes (1596-­‐1650) Discours de la méthode, 1637 Médita@ons métaphysiques, 1641 Principes de la philosophie, 1644 « Il n'y a point d'âme si faible qu'elle ne puisse, étant bien conduite, acquérir un pouvoir absolu sur ses passions » (Les passions de l’âme, art. 50). Dieu í 
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substance pensante substance étendue Pensée Etendue Âme Corps Dieu : substance absolue et infinie qui subsiste par soi. Âmes et corps : substances finies, incommensurables à la substance infinie, mais également entre elles. Dieu í 
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Res cogitans Res extensa Cogito Etendue Libre volonté Principe de causalité Hors nature Nature Comment penser les rapports de l’âme et du corps chez Descartes ? Interac;ons pra;ques : Lorsque c’est le corps qui agit sur l’âme : passion Lorsque l’âme parvient à maîtriser le corps : ac;on La sagesse à entreprise de domina3on des passions. Spinoza va complètement changer les données du problème : "Deus, sive Natura » (Eth., IV, p. 4, dém.) Une seule substance (Dieu, la nature) composée d’une infinité d’a@ributs (dimensions, aspects). Nous en appréhendons deux : la Pensée et l’Etendue. Pour Spinoza, la pensée et l’étendue sont des aUributs de Dieu. ≠ des réalités dis3nctes = des aspects d’une seule et même réalité Les modes sont les réalités singulières et individuelles au sein de chacun de ces aUributs. Le réel repose sur un principe causal d’explica;on (la cause d’une idée est une autre idée, la cause d’un mouvement corporel, un autre mouvement). Dieu = nature í 
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aUribut pensée aUribut étendue idées corps "Est dite libre la chose qui existe par la seule nécessité de sa nature, et se détermine par soi seule à agir : et nécessaire, ou plutôt forcée, celle qu’autre chose détermine à exister et à opérer » (Eth., I, déf. 7) 1.  L’esprit et le corps, c’est une seule et même chose L’homme n’est pas un être double (dualisme âme-­‐corps). Il est considéré de façon unitaire : « L’esprit et le corps, c’est une seule et même chose, qui se conçoit sous l’aWribut tantôt de la Pensée, tantôt de l’Etendue » (Eth., III, prop. 2, scolie). L’esprit et le corps = deux façons différentes d’exprimer la même chose. Conatus : effort, tendance qui pousse chaque chose à persévérer dans son être. "Chaque chose, autant qu’il est en elle, s’efforce de persévérer dans son être" (Eth., III, prop. 6) Chaque corps…à persévérer dans l’étendue. Chaque idée…à persévérer dans la pensée. Ce qui amène l’homme à agir : sa puissance d’être, son désir. « Nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne ; c’est l’inverse : nous jugeons qu’une chose est bonne, parce que nous tendons vers elle par désir ». (Eth., III, prop. 9, scolie) L’homme est d’abord un être de désir avant d’être un être de libre volonté. « Le désir est l’essence même de l’homme ». (Eth. III, déf. 1 des affects) Ainsi, de la même façon que Dieu est nécessité, les ac3ons de l’homme (qui est une par3e de la Nature) sont-­‐elles le résultat d’un enchaînement rigoureux de causes. « Pour la plupart, ceux qui ont écrit des affects et de la façon de vivre des hommes semblent traiter, non de choses naturelles qui suivent les lois communes de la nature, mais de choses qui sont hors de la nature. On dirait même qu’ils conçoivent l’homme dans la nature comme un empire dans un empire. Car ils croient que l’homme perturbe l’ordre de la nature plutôt qu’il ne le suit, qu’il a sur ses ac3ons une absolue puissance, et n’est déterminé par ailleurs que par soi-­‐même. Ensuite, ils aUribuent la cause de l’impuissance et de l’inconstance de l’homme non pas à la puissance commune de la nature, mais à je ne sais quel vice de la nature humaine […]. Je sais, bien entendu, que le très célèbre Descartes, encore qu’il ait cru lui aussi que l’esprit avait sur ses ac3ons une absolue puissance, s’est pourtant appliqué à expliquer les affects humains par leurs premières causes, et à montrer en même temps par quelle voie l’esprit peut avoir sur les affects un empire absolu ; mais, à mon avis du moins, il n’a rien montré d’autre que la pénétra3on de son grand esprit ». (Ethique, III, Préface) 2. L’esprit est l’idée du corps L’homme est simultanément cons3tué d’un corps et de l’idée de corps. L’esprit est l’idée du corps, c’est à dire qu’il est la conscience du corps. Le corps est l’objet de l’idée de l’esprit. Importance du terme d’esprit (plutôt que celui d’âme) : "Au lieu de poser une chose pensante appelée âme, chose totalement autonome et indépendante quant à son existence et à sa nature, Spinoza décrit un esprit en le caractérisant par une ac;vité et non pas par une choséité". (R. Misrahi, Le corps et l’esprit dans la philosophie de Spinoza, p. 63). L’esprit est une ac;vité. Et d’abord l’ac;vité de penser le corps. Le corps comme objet premier de l’esprit. « L’objet de l’idée cons@tuant l’esprit humain est le corps, c’est-­‐à-­‐dire un mode de l’étendue existant en acte, et rien d’autre ». (Eth., II, prop. 13) Néanmoins, le corps n’agit pas sur l’esprit (ou l’esprit sur le corps). Ils expriment simultanément un même événement de la nature, mais de deux façons différentes. Deux expressions parallèles : dans l’ordre de l’esprit comme ac3vité de l’esprit (=idées), dans l’ordre du corps comme ac3vité du corps (=affec3ons du corps). L’esprit est l’idée (= la conscience) des affec3ons du corps. 3. L’esprit n’agit pas sur le corps « L’ordre ou enchainement des choses est un, qu’on conçoive la nature sous l’un ou l’autre de ces aWributs, par conséquent que l’ordre des ac9ons et passions de notre corps va par nature de pair avec l’ordre des ac9ons et passions de notre esprit ». (Eth., III, prop. 2, scolie). Une ac;on de l’esprit est aussi nécessairement une ac;on du corps. Une passion de l’esprit est aussi nécessairement passion au niveau du corps. Il n’est plus ques3on d’envisager une domina3on de l’esprit sur le corps ou du corps sur l’esprit. Pas d’éminence ou de supériorité d’une série sur une autre. Selon Descartes, « si donc nous déterminons notre volonté par des jugements sûrs et fermes suivant lesquels nous voulons diriger les ac3ons de notre vie, et si nous joignons à ces jugements les mouvements des passions que nous voulons avoir, nous acquerrons un pouvoir absolu sur nos passions. Tel est l’avis de cet homme clarissime (pour autant que je le conjecture de ses propos) et j’eusse eu peine à croire qu’il eût été soutenu par un si grand homme, s’il n’avait été si aigu. Et je ne puis assez m’étonner, certainement, de voir un philosophe, après avoir fermement décidé de ne rien déduire que de principes connus par soi, et de ne rien affirmer qu’il ne perçût clairement et dis3nctement, et après avoir reproché aux scolas3ques de vouloir expliquer les choses obscures par des qualités occultés, adopter une hypothèse plus occulte que toute qualité occulte. … …Qu’est-­‐ce qu’il entend, je le demande, par union de l’esprit et du corps ? […] Je voudrais bien qu’il eût expliqué ceUe union par sa cause prochaine. Mais il avait conçu l’esprit tellement dis3nct du corps qu’il ne put assigner aucune cause singulière, ni à ceUe union ni à l’esprit lui-­‐même, mais il dut recourir à la cause de tout l’univers, c’est-­‐à-­‐dire à Dieu » (Eth., V, préface) « Ce que peut le corps, personne jusqu’à présent ne l’a déterminé, c’est-­‐à-­‐dire, l’expérience n’a appris à personne jusqu’à présent ce que le corps peut faire par les seules lois de la nature en tant qu’on la considère seulement comme corporelle […]. Car personne jusqu’à présent n’a connu la structure du corps si précisément qu’il en pût expliquer toutes les fonc3ons pour ne rien dire ici du fait que, chez les bêtes, on observe plus d’une chose qui dépasse de loin la sagacité humaine, et que les somnambules, dans leurs rêves, font un très grand nombre de choses qu’ils n’oseraient faire dans la veille ; … …ce qui montre assez que le corps lui-­‐même, par les seules lois de sa nature, peut bien des choses qui font l’admira;on de son esprit. […] D’où suit que, quand les hommes disent que telle ou telle ac3on du corps naît de l’esprit, qui a un empire sur le corps, ils ne savent ce qu’ils disent, et ils ne font qu’avouer en termes spécieux, qu’ils ignorent sans l’admirer la vraie cause de ceUe ac3on » (Eth., III, prop. 2, scolie) Il y a un inconnu du corps…tout comme il y a un inconscient de la pensée. Pas de supériorité de l’un sur l’autre. (G. Deleuze, Spinoza. Philosophie pra@que, p. 28 et sv.) D’où vient ceUe ignorance ? D’où vient l’illusion du libre arbitre ? "Les hommes se trompent en ce qu’ils se pensent libres, opinion qui consiste seulement en ceci, qu’ils sont conscients de leurs ac9ons, et ignorants des causes qui les déterminent. Donc ceWe idée qu’ils ont de leur liberté vient de ce qu’ils ne connaissent aucune cause à leurs ac9ons". (Eth., II, prop. 35, scolie). To be con9nued… Séance 3 : Une éthique de la joie. Spinoza et la liberté Spinoza propose également une théorie de la libéra@on à travers la reconnaissance de trois genres de connaissance. 
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