Madame la Ministre,
Mesdames, Messieurs les Directeurs et Doyens,
Mesdames, Messieurs les Présidents de CME,
Chers Collègues,
Mesdames, Messieurs,
C’est avec beaucoup d’humilité que je me trouve aujourd’hui sur cette estrade. Je viens
représenter les auteurs d’une « première mondiale » au cours de ces cinquante dernières
années. En consultant la liste des 75 « premières » réalisées dans nos CHU j’y ai lu des noms
prestigieux dont un prix Nobel en la personne du Professeur Jean DAUSSET. En tant que
chirurgien urologue, permettez-moi d’évoquer la mémoire du Professeur René Küss, décédé
l’an dernier, et auteur de la première allogreffe de rein chez l’homme. Il faut également citer
le Professeur Jean-Michel DUBERNARD particulièrement actif dans le domaine de la
transplantation.
J’ai bien compris que si j’avais l’honneur et le plaisir de m’exprimer devant vous aujourd’hui
c’est parce que je représente un symbole : en effet, ayant réalisé la dernière « première »
mondiale en date, je témoigne de la vivacité de nos établissements.
Je vais donc vous expliquer en quelques mots en quoi consiste une greffe « domino » du rein
à partir d’un donneur vivant. La notion de greffe en domino figure dans la Loi de bioéthique
2004, « les organes prélevés à l’occasion d’une intervention chirurgicale, pratiquée dans
l’intérêt de la personne opérée, pouvant être utilisés à des fins thérapeutiques (…) sauf
opposition exprimée par elle après qu’elle a été informée de l’objet de cette utilisation ».
Il faut savoir que certaines maladies rénales peuvent récidiver sur le rein greffé en particulier
la micro-angiopathie thrombotique (MAT) et la hyalinose segmentaire et focale et à un degré
moindre ou plus tardif certaines glomérulopathies. L’explantation du rein greffé, même s’il
est encore fonctionnel et en dehors de tout rejet, peut s’avérer nécessaire pour le bien être du
receveur voire sa survie si les traitements appliqués deviennent trop lourds ou mal tolérés.
Ce fut le cas d’Isabelle L., 36 ans, porteuse d’une micro-angiopathie thrombotique ayant
entraîné une insuffisance rénale définitive traitée par hémodialyse depuis 2005. Elle a reçu
une greffe du rein en juillet 2007 mais sa maladie a récidivé sur le greffon entraînant, malgré
les traitements adaptés, une anémie hémolytique et une thrombopénie sévère. Une décision
d’ablation du greffon a donc été prise dans l’intérêt de la patiente. Ce greffon rénal avait une
fonction normale et il a donc été cidé, après accord des deux patientes et de l’agence de la
Biomédecine, de le proposer pour une nouvelle transplantation. L’acte a eu lieu près de trois
mois après la greffe initiale et ce rein a donc été utilisé pour une deuxième greffe chez une
patiente hémodialysée depuis 16 mois en raison d’une insuffisance rénale terminale
secondaire à une polykystose familiale sévère.
Les deux interventions ont été menées le même jour de façon consécutive. Le greffon a pu
être retiré dans un état parfaitement utilisable pour cette deuxième greffe. Une biopsie
extemporanée a confirmé le caractère limité des lésions liées à la MAT (moins de 20 %). Les
axes vasculaires de la receveuse initiale devenue donneuse, ont été restaurés ad integrum sans
utilisation de matériel synthétique. La transplantation n’a pas posé de problème spécifique
puisque nous avons utilisé la technique que nous utilisons de façon très courante dans le
contexte des transplantations à donneur vivant.
Les suites opératoires de la donneuse ont été marquées par un hématome qui a dû être évacué,
lié à sa thrombopénie. Les suites opératoires de la receveuse finale ont été très simples et trois
mois après la greffe, le rein avait retrouvé une fonction strictement normale.
Que faut-il retenir de cette expérience ? Nous avons montré qu’il était possible techniquement
d’explanter un greffon rénal viable chez un donneur vivant dans la limite des trois premiers
mois après la première greffe. Nous avons montque cette double utilisation d’un greffon
rénal ne posait pas de problème immunologique spécifique, à la condition d’avoir conservé un
sérum historique du donneur initial et que le cross match soit négatif avec le sérum du
receveur final.
Quels sont les perspectives ? On peut envisager d’utiliser cette technique dans les cas de
récidive de maladie rénale sur le greffon, en dehors du rejet : MAT, hyalinose segmentaire et
focale, et certaines glomérulopathies. Il faut rappeler que cette recherche s’est inscrite dans un
contexte de pénurie d’organes puisqu’à Toulouse comme en France, la liste d’attente de
greffon rénal s’allonge. En France, nous réalisons moins de 3 000 greffes / an alors qu’il y a
environ 3 000 nouveaux inscrits chaque année et plus de 6 000 patients déjà inscrits en liste
d’attente. C’est donc une perspective intéressante pour un certain nombre de patients. C’est
aussi un potentiel avantage au plan économique puisqu’un patient transplanté coût 5 fois
moins cher à la société qu’un patient dialysé (environ 100 000 €/an).
Cette « première » n’aurait pas été possible sans une étroite collaboration entre les différentes
équipes du CHU Rangueil impliquées dans la transplantation (Néphrologie : Pr Durand Pr
Rostaing Dr Kamar, Immunologie : Pr Abbal Dr Fort, Anatomopathologie : Pr Delisle
Dr Mazerolles, Anesthésie-Réanimation : Pr Samii Dr Ruiz Dr Taj). Il faut également
remercier Madame Frémeaux-Bacchi de l’hôpital Georges Pompidou pour son aide dans la
caractérisation des anomalies des facteurs de régression du complément et le Docteur Noury
coordinateur régional de l’Agence de la Biomédecine.
Mesdames, Messieurs, comme vous le voyez, une première mondiale n’est possible que grâce
à une étroite collaboration entre de nombreuses équipes et cette synergie est une des forces de
nos CHU.
A propos des CHU, je ne dirai que quelques mots puisque d’autres que moi se sont et vont
s’exprimer. Je voudrais simplement dire que la compétence des équipes est grande et qu’elle
est le fruit d’un enseignement de haute qualité. Il y a également une grande exigence dans le
choix des collaborateurs. Il faut à tout prix préserver la motivation des hommes et des femmes
qui assurent en permanence ce travail de soin et de recherche au service de la qualité et pour
nos patients. Il faut récompenser la disponibilité et je signale, à cet égard, que cette première
dont je viens de vous parler a eu lieu un dimanche.
Enfin, il faut encore réfléchir sur les moyens financiers qui doivent être alloués à ces activités
spécifiques aux CHU de France. Ceux sont de véritables entreprises qui ont besoin
d’investissements pour optimiser leur production. En matière de recherche, il existe une
véritable compétition internationale et notre pays, à cet égard, a du retard à rattraper que ce
soit pour le nombre de brevets déposés ou le nombre de publications (classement de
Shanghai). Des réformes sont en cours tant au plan universitaire qu’hospitalier. Nous en
attendons des résultats avec espoir et pragmatisme.
Je formule donc le vœu que ce jubilé marque surtout un nouveau départ.
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