De Bâle I à Bâle III: les principales avancées des accords

« De Bâle I à Bâle III:
les principales avancées
des accords prudentiels pour un
système financier plus résilient »
Rachida HENNANI
ES n°2015-01
De Bâle I à Bâle III: les principales avancées des accords
prudentiels pour un système financier plus résilient
Rachida HENNANI
LAMETA
Université de Montpellier
27 mars 2015
Résumé
1988-2010 : 22 ans se sont exactement écoulés entre les premiers accords de Bâle
signés suite à la faillite d’Herstatt et Bâle III, les nouveaux accords prudentiels adoptés
suite à la crise des subprimes. De Bâle I à Bâle III, les accords du Comité de Bâle
pour la supervision bancaire(CBSB) témoignent de l’évolution des marchés financiers,
de la nécessité de mieux appréhender les risques, de les comprendre et de les inté-
grer. La stabilité financière internationale est au cœur de ces différents accords qui
ne s’inscrivent pas dans le même cadre. Bâle I est surtout connu pour le ratio Cooke
même si les recommandations formulées par le CBSB sont beaucoup plus larges. Bâle
II introduit 3 piliers qui visent à couvrir intégralement le risque bancaire et à promou-
voir l’utilisation des modèles internes pour la gestion des risques. Ces deux accords
s’inscrivent surtout dans un cadre micro-prudentiel. Le risque systémique et la procy-
clicité révélée par la crise des subprimes conduisent le CBSB à formuler de nouvelles
recommandations dans un cadre micro et macro-prudentiel. À la lecture des différents
accords, il est possible de noter, outre l’évolution vers un cadre macro prudentiel, une
évolution dans la prise en compte des risques financiers. Les risques standards (risque
de crédit, de marché, ...) ont été naturellement intégrés dès les premiers accords alors
que de nouveaux risques ou des risques déjà existants ne sont pris en compte que dans
l’accord de Bâle III ou dans les amendements à Bâle II. Ces deux décennies d’accords
soulignent aussi l’évolution des pratiques financières, qui ont créé de nouveaux risques,
peu ou pas anticipés par les instances de règlementation et donc intégrés plus tard aux
recommandations.
Correspondance: LAMETA (UMR CNRS 5474), Université de Montpellier, Avenue Raymond Dugrand,
Site de Richter CS 79606, Montpellier Cedex 1, France. E-mail : [email protected]tp1.fr
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Introduction
La question des risques extrêmes revêt une importance particulière qui se justifie par
l’impact désastreux des pertes que peut subir un établissement financier. Elle constitue un
domaine d’intérêt public dans la mesure où elle représente une menace pour la stabilité du
système financier. Il existe plusieurs instances de règlementation de statut international
qui visent à garantir cette stabilité financière. Il en est ainsi de la Banque des Règlements
Internationaux(BRI) dont l’objectif est " to serve central banks in their pursuit of mone-
tary and financial stability, to foster international cooperation in those areas and to act
as a bank for central banks.1" Le comité sur le système global et financier s’intéresse aux
sources de stress sur les marchés financiers, aux fondements structurels des marchés et
tente d’apporter des améliorations dans le fonctionnement et la stabilité des marchés fi-
nanciers. Le comité sur les systèmes de paiements et règlements travaille sur la promotion
des systèmes de paiements et de compensations efficaces. L’institut de Stabilité Financière
est créé sous l’impulsion conjointe du Comité de Bâle sur la Supervision Bancaire et de la
BRI. Il vise à seconder les superviseurs du secteur financier et à améliorer et renforcer le
système financier. Ces différents comités exercent leurs activités sous l’égide de la BRI. Le
Comité de Bâle pour la supervision Bancaire(CBSB) vise surtout à promouvoir la coopéra-
tion entre superviseurs bancaires pour améliorer la surveillance bancaire. Il constitue ainsi
le principal organe international qui émet des recommandations précises sur un certain
nombre de problématiques aux superviseurs qui peuvent l’imposer à leurs établissements
financiers.
C’est à l’initiative du G10 que le comité de Bâle est crée en 1974 2. Son objectif est de
proposer des recommandations que les régulateurs nationaux peuvent adopter. Les diffé-
rentes recommandations formulées sont soumises aux pays membres mais n’ont pas force
de loi. Les principaux accords du CBSB font souvent suite à des crises financières.
La crise financière des subprimes a conduit le régulateur à repenser le cadre normatif
en imposant des exigences plus strictes notamment en ce qui concerne les fonds propres.
Néanmoins, les règles imposées par les instances de règlementation sont soumises à une
nécessité d’équilibre car des contraintes trop fortes conduiraient à un ralentissement de
l’activité économique et des exigences insuffisantes concèderaient à des prises de risques
démesurées. Au-delà des ces aspects règlementaires, les établissements financiers ont tout
intérêt à mettre en œuvre des modèles soucieux de cet équilibre.
Bâle I (1988) introduit les premières directives qui portent essentiellement sur le risque de
crédit. Le G10 recommande l’usage de la Value-at-Risk (VaR) dès 1993 et un amendement
à Bâle I (1996) recommande de recourir à un modèle standard pour la mesure du risque
de marché tout en autorisant les établissements bancaires à utiliser des modèles internes
fondés sur la VaR. Les réflexions sur un deuxième accord sont menées dès 2001 à l’initiative
des banques qui exigent des règles plus spécifiques au risque de crédit. Bâle II est adopté
par les banques centrales en 2004 et introduit fin 2006 dans les différents pays concernés.
Suite à la crise des subprimes, un amendement aux accords de Bâle II est mis en place en
2009. Il prévoit une meilleure prise en compte des risques en préconisant le recours à une
VaR stressée en plus de la VaR classique.
Nous présentons le Comité de Bâle, ses missions et ses objectifs dans une première section.
Nous détaillons les Accords Bâle I et les recommandations formulées antérieurement dans
une deuxième section. La troisième section est consacrée aux Accords Bâle II : nous dé-
taillons les différents projets d’extension de Bâle I et nous précisons les recommandations
1. Extrait du site de la BRI : www.bis.org
2. Il est initialement composé de 9 pays européens et de trois pays non-européens : Allemagne, Belgique,
Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse.
3
de Bâle II. Enfin, la dernière section revient sur la crise des subprimes qui a été à l’origine
des Accords Bâle III que nous détaillons.
1 Le comité de Bâle
Le caractère systémique des crises financières a déjà été identifié avant la crise de 2007. La
Grande Dépression qui suit le krach de 1929 témoigne de la menace systémique, aujour-
d’hui plus forte du fait de la globalisation financière. La volonté de regrouper et harmoniser
les normes de sécurité financières résulte des conséquences de la faillite de la banque alle-
mande Herstatt. Cette dernière a conduit à une paralysie des paiements interbancaires de
New-York et a révélé l’ampleur du risque systémique.
C’est à l’initiative de Peter Cooke, directeur de la banque d’Angleterre, que se réunit un
comité de Banques Centrales et d’autorités de supervision des pays du G10 à Bâle. Le
Comité Blunden (du nom de son premier directeur) puis Cooke devient par la suite le
Comité de Bâle pour la Supervision Bancaire(CBSB) 3.
Le Comité de Bâle est crée en 1974 par les gouverneurs des banques centrales du G10 et
de la Suisse. Il est conçu pour assister les gouverneurs dans leurs tâches de surveillance et
d’échange d’informations. L’idée de ce comité est d’encourager la convergence des cadres
normatifs des différents pays membres. Un des principaux objectifs lors de sa création
est de combler les insuffisances de la supervision internationale de telle sorte à ce que les
banques disposant d’un statut international soient soumises au même titre que les banques
nationales à une supervision. Le rapport de septembre 1975 sur le contrôle des établisse-
ments des banques à l’étranger, que nous détaillons par la suite, fait état de la nécessité
d’une coopération et présente " certaines orientations concernant la coopération entre au-
torités nationales en matière de contrôle des établissements des banques à l’étranger et [...]
suggère des moyens pour en améliorer l’efficacité." Les activités du comité sont liées à ces
exigences mêmes si les objectifs sont plus larges. Nous commençons par une présentation
du Comité. Nous exposons l’organigramme et le mode de fonctionnement de cette instance
pour finir par les objectifs visés par le Comité.
1.1 Présentation
Le Comité de Bâle pour la supervision des banques (CBSB) est le principal organisme
supranational pour la règlementation prudentielle des banques. En réalité le CBSB, n’est
pas une autorité supranationale, ses décisions n’ont pas force de lois. L’application des
recommandations que le CBSB formule repose sur les engagements des pays membres. Le
CBSB permet une coopération entre les différents pays membres dans le cadre du contrôle
bancaire. Les membres du CBSB incluent les autorités de surveillance bancaires et les
banques centrales des différents pays membres. Sur invitation du président du CBSB et
après consultation du comité, un certain nombre d’organismes peuvent devenir observa-
teurs du CBSB. L’entrée de nouveaux membres est soumise à l’organe de surveillance, au
groupe des gouverneurs et aux responsables du contrôle bancaire. La décision tient compte
de l’importance du secteur bancaire national du pays candidat dans la stabilité financière
internationale. Le CBSB met en place des normes pour la règlementation prudentielle
et la supervision des banques : l’application des normes est prévue par les membres du
comité et les banques disposant d’un statut international. Les normes formulées par le
comité sont des exigences minimales et il revient aux membres de formuler des exigences
3. Dénommé par la suite le Comité, le CBSB
41 LE COMITÉ DE BÂLE
supplémentaires, s’ils le désirent, à leurs établissements financiers. Les normes formulées
par le comité sont soumises à un processus juridictionnel qui permet de transposer les
décisions prises par le comité en règles juridiques selon les lois propres aux différents états
membres et ce dans un délai prédéfini par le comité. Les directives permettent l’élaboration
de normes dans des domaines particuliers où il est nécessaire, voire urgent, d’en formuler.
Elles viennent généralement en complément des normes fixées par le comité. Le comité
peut être amené à encourager des pratiques dites saines qui permettent de promouvoir la
compréhension et d’améliorer la surveillance et les pratiques bancaires. Les membres du
comité doivent comparer ces bonnes pratiques avec celles mises en place par le comité afin
d’identifier les domaines qui nécessitent des améliorations.
1.2 Organigramme du CBSB
Le Groupe des gouverneurs et des responsables du contrôle bancaire (GHOS) est l’or-
ganisme de surveillance du CBSB. Ce dernier rend compte au GHOS qui donne son
approbation pour les décisions importantes, pour la charte du CBSB et ses éventuelles
modifications. Il fournit une orientation générale au CBSB dont il nomme le président. La
structure organisationnelle interne du CBSB, schématisée dans la figure 1, comprend :
Le Comité : Il doit élaborer, orienter et suivre le programme du CBSB au sein de
la direction générale assurée par le GHOS. Il établit et encourage les normes du
comité en édictant des lignes directrices dites de bonne conduite. Il est en charge de
la création et de la dissolution des groupes de travail dont il approuve et modifie les
mandats. Il peut recommander la modification de la charte au GHOS et se prononce
sur les règles des organisations qui régissent ses activités. Il est l’ultime organe dé-
cisionnel du CBSB et se réunit 4 fois par an. Des réunions supplémentaires peuvent
être exigées par le président.
Les groupes de travail et les équipes spéciales : Les travaux du CBSB sont souvent
organisés en groupes et il revient au secrétariat de publier la liste des groupes de
travail. Il existe 3 catégories de groupes qui interviennent dans le cadre du comité.
La première inclue les groupes du comité. Ils font partie intégrante de CBSB et
sont composés de cadres supérieurs qui peuvent entreprendre l’étude d’une question
particulière. Ils rendent compte de leurs travaux directement au comité et ne sont pas
soumis à de quelconques contraintes temporelles. La seconde catégorie comprend les
groupes de travail composés d’experts des membres du Comité de Bâle dont le rôle
est de fournir une aide technique aux groupes du CBSB. La dernière catégorie est
composée d’équipes spéciales qui accomplissent des taches spécifiques sur une durée
limitée. Les équipes spéciales sont composées d’experts des pays membres mais des
équipes spéciales peuvent être crées par le comité. Ces dernières sont alors composées
uniquement de représentants du comité et s’intéressent à des questions spécifiques
nécessitant l’attention du comité. Ce sont des équipes spéciales de haut niveau.
Le président : Nommé par le GHOS pour un mandat de trois ans, renouvelable une
fois, le président dirige les travaux du comité. Il préside et convoque les réunions du
comité auxquelles assistent les membres du comité et les observateurs autorisés. Les
représentants qui assistent aux réunions sont des hauts fonctionnaires qui peuvent
engager les pays qu’ils représentent dans les décisions prises par le Comité. Les
décisions sont prises à l’unanimité et sont communiquées par le CBSB. Le président
doit surveiller les avancées dans le programme de travail du CBSB et éventuellement
fournir des orientations pour faire avancer les décisions. Enfin, il rend compte au
GHOS et peut représenter le CBSB à l’extérieur et en être le principal porte-parole.
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