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aussi d’une logique individualisante. Dans ce contexte, chacun est renvoyé à la responsabilité
de sa réussite, mais aussi de son échec. Nous voyons bien ici les limites du discours de
l’individualisation et de la responsabilisation.
Certes l’approche personnalisée, et permettant à chacun de (re)trouver du pouvoir sur lui-
même, est indispensable en ce qu’elle permet d’accompagner des parcours singuliers et de
plus en plus diversifiés. Mais peut-être, dans certains cas, serait-il aussi nécessaire de
« déresponsabiliser » les individus pour pouvoir commencer à travailler avec eux, la
culpabilité excessive n’étant pas nécessairement un levier efficace !
Les missions locales : une posture originale face aux publics à insérer
Les politiques publiques d’instruction publique et sanitaires et sociales au 19ème siècle
lorsqu’elles visaient les classes populaires s’inscrivaient dans une triple logique : éducatrice,
« hygiéniste » et de contrôle : Il fallait éduquer et protéger les « classes dangereuses »5. D’où
la mise en place d’une « police des familles » (J. Donzelot)6. On travaillait pour (donc
souvent contre) ces populations. Cette approche était fondamentalement « défectologique ».
L’histoire des missions locales s’inscrit en rupture avec cette tradition. Elles s’adressent certes
à des publics en difficultés d’insertion sociale et professionnelle, faiblement qualifiés ; mais
dans la logique théorisée par Bertrand Schwartz7, elles s’appuient, non pas sur les manques,
mais sur les ressources des individus, qu’elles mobilisent en vue de leur insertion sociale et
professionnelle.
Aujourd’hui, les politiques d’insertion, portées entre autres par les missions locales, les
politiques de jeunesse, les politiques de parentalité…, font toutes appel à un autre modèle
d’intervention : il s’agit de travailler avec les personnes concernées, dans une intervention
individuelle ou collective, s’organisant autour de quelques notions-clés, incontournables, qu’il
importe aussi d’interroger.
HISTOIRE DE MOTS (DE MAUX ?)
En effet, revenir sur les notions qui font le quotidien aujourd’hui des politiques publiques et
des professionnels permet de clarifier les prémisses de notre intervention, d’en lever les
ambiguïtés et, par là-même, d’éviter les « effets pervers », les maux qui pourraient naître
d’interventions inadaptées. Nous en évoquerons trois.
Autonomie
Etymologiquement, autonomie vient du grec autonomos, « qui est régi par ses propres lois ».
Selon le dictionnaire Robert, il s’agit à l’origine d’un terme d’usage philosophique (Kant,
« l’autonomie de la volonté »), qui acquiert une valeur psychologique à partir du 19ème siècle
(« liberté », « indépendance »).
Il s’oppose donc à l’hétéronomie, c’est-à-dire au fait de se voir imposer sa loi de l’extérieur.
On peut légitimement voir dans l’autonomie une figure de l’émancipation.
Cependant ce terme et son usage appellent quelques réflexions de notre part :
5 Chevalier L., Classes laborieuses, classes dangereuses, 1958, Plon.
6 Donzelot J., La police des familles, 1977, Minuit.
7 Schwartz B., Moderniser sans exclure, 1994, La Découverte.