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Maladies rares : ces Algériens qui souffrent en
silence
Souffrir d’une quelconque maladie, c’est difficile. Si celle-ci est orpheline, c’est plus compliqué.
Être privé de traitement, parce qu’il est indisponible par intermittence ou trop cher, c’est
carrément la déshérence.
Patients et praticiens témoignent des aléas du diagnostic, souvent tardif, de la prise en charge thérapeutique
parfois problématique, de la nécessité de sensibiliser contre les mariages consanguins, qui augmentent les
risques de survenue de pathologies congénitales héréditaires.
Amel, 36 ans, a appris qu’elle souffrait du HPN (hémoglobinurie paroxystique nocturne), une maladie
immunitaire orpheline, en 2011. C’est au hasard d’une hospitalisation pour une affection du foie que la
pathologie est dépistée. “Pendant des années, je me plaignais d’atroces douleurs abdominales. On me disait
que c’était le côlon. Comme les gastro-entérologues ne trouvaient rien, on me disait que c’était une douleur
psychosomatique”, raconte la jeune femme. Lors de son hospitalisation, il y a deux ans, les médecins traitants
ont cherché à trouver l’origine d’une forte anémie dont elle souffrait. On lui fait, au bout d’une longue chaîne
d’examens en tout genre, une analyse au cytométrie en flux. Le résultat est sans appel, Amel est atteinte du
HPN, une maladie causée par une anomalie génétique qui provoque la destruction progressive des globules
rouges. Ses effets sur la santé se manifestent par une anémie sévère, des douleurs abdominales, la jaunisse,
des problèmes rénaux, de troubles respiratoires et peuvent se compliquer en thrombose.
Avec le temps, la maladie devient invalidante. Un laboratoire pharmaceutique américain a développé une
molécule qui agit directement sur les symptômes : l’éculuzumab. Il guérit, au bout de quelques années la
pathologie. Il n’en demeure pas moins que ce traitement est extrêmement cher. Une cure d’une année au
bénéfice d’un seul patient revient à environ 30 millions de dinars, à la structure hospitalière. Amel est privée de
ce traitement depuis une année. “Au CHU Mustapha, où je suis suivie, on m’a dit qu’il n’y avait pas de budget
pour l’acheter. En janvier 2012, on m’a fourni des doses pour deux mois afin de savoir si le traitement me
conviendrait. Puis plus rien. Je suis actuellement sous corticoïdes. Je suis stable, mais l’hémoglobine est toujours
basse en plus des effets secondaires des corticoïdes”, témoigne la jeune patiente. Le Pr Abed, doyen des
pharmaciens hospitaliers confirme que les traitements des maladies rares, sont généralement issus de la
biotechnologie et donc chers. “Il y a deux ans, nous avons eu à l’hôpital Parnet un enfant dont le traitement
revenait à un milliard de centimes par an”, rapporte notre interlocuteur.
Il explique que dans une pharmacie classique d’un hôpital, “une série n’est intéressante que quand on misait
sur le nombre”, alors que les médicaments pour maladies rares sont commandés en petites quantités, sous ATU
(Autorisation temporaire d’utilisation). L’exemple est donné par le Dr Bougrida qui évoque le traitement
spécifique de la cystinose, “la cysteamine”. “Ce traitement, pris par voie orale, permet - en diminuant le taux de
cystine intracellulaire - de prévenir les complications de la maladie notamment l’insuffisance rénale et le
diabète. Il n’est, toutefois, pas disponible sur le marché algérien. Il est obtenu par ATU nominative pour chaque
patient atteint de cystinose dont le diagnostic est confirmé biologiquement”.
La contrainte majeure est posée par la procédure réglementaire imposée à l’obtention d’un médicament
orphelin, qui a vocation de produit hospitalier. Il est commandé, sur prescription du médecin traitant, par
l’administrateur de l’établissement hospitalier. Ce bon de commande est envoyé au ministère de tutelle pour
validation, avant d’être adressé à la PCH (Pharmacie centrale des hôpitaux), qui le commande à son tour au