La proprioception Corinne Arni W 2010/3 - Mai 2010 Intérêts de la proprioception Lors de toute mobilisation tissulaire, la fonction proprioceptive est concernée Définitions de la proprioception La proprioception est la sensibilité qui vient du corps et qui nous informe sur le corps, son mouvement et sa position. Son nom découle de son rôle: •! « proprio- » : en propre, à soi •! « -ception » : capter Définition de la proprioception par Oliver Sacks (1988): « flux sensoriel continu, mais inconscient, qui traverse les parties mobiles de notre corps (muscles, tendons, jointures) et grâce auquel leur position, leur tonus et leur mouvement sont en permanence contrôlés et adaptés d’une façon qui nous demeure cachée en raison de son caractère automatique et inconscient. » •!Proprioception consciente et inconsciente •! Proprioception consciente : sens de la position du corps dans l’espace et position des différents segments des membres les uns par rapport aux autres •! Proprioception inconsciente : mécanismes proprioceptifs non conscients d’adaptation rapide 1. La proprioception comme sens du mouvement 1.1 Proprioception articulaire Récepteurs sensitifs situés dans la capsule articulaire et les ligaments : corpuscules de Golgi, de Ruffini et de Pacini. Les récepteurs articulaires sont sensibles à la pression, à la mise en tension et dans les amplitudes extrêmes. Ne sont pas à la base de la connaissance du mouvement. 1.2 Proprioception musculaire •!Fuseaux neuromusculaires Les fuseaux neuromusculaires sont des récepteurs fusiformes cachés au cœur des muscles: plusieurs dizaines par gramme de tissu musculaire. Chaque fuseau neuromusculaire contient des fibres musculaires intrafusales. Innervation sensorielle par les fibres sensitives (1a) . Ces mécanorécepteurs sont sensibles à l’état de longueur des muscles et à leur allongement. Innervation motrice par les MTN ! qui maintient l’état d’allongement des fibres intrafusales. Les MTN ! subissent des influences supraspinales (attention, émotion, événement brusque…) Les informations émises par les fuseaux neuromusculaires sont des informations sensorielles de position ou de mouvement du corps. •!Expériences de Roll Les travaux du Prof. Roll (CNRS Marseille) ont mis en évidence la fonction sensorielle du muscle. Les informations émises par les fuseaux neuromusculaires sont des informations sensorielles, elles sont à la source de la sensation de mouvement. Expériences qui consistent à exercer des vibrations sur les tendons de certains muscles dans l’objectif d’activer les fuseaux neuromusculaires. 1ère expérience sur la sensation d’extension et de flexion (Roll, 1994) Conclusions : Activer la fonction sensorielle du muscle donne la sensation claire du mouvement physiologiquement associé à cette fonction. On peut donc dire que l’on sent que l’on bouge grâce à la sensibilité des muscles. 2e expérience (Roll, 1994) Conclusions: La sensation de mouvement se manifeste dans tout le corps dès lors que les muscles sollicités sont concernés dans la gestion de la posture globale du corps. La proprioception est un élément clé de la gestion de la posture et de l’équilibre. Le contexte environnemental est important et modifie la perception. 3e expérience (Roll) Conclusion: La proprioception musculaire n’intervient pas seulement dans les fonctions sensori-motrices de base mais également dans les fonctions cognitives. •!Applications thérapeutiques o! personnes plâtrées o! enfants infirmes moteurs-cérébraux qui présentent une distonie tronc/tête o! personnes qui ont un bras en triple flexion Proprioception et lenteur Dans les mouvements rapides volontaires, les informations proprioceptives des fuseaux neuromusculaires informent le système de la réussite ou de l’échec du mouvement réalisé. Dans les mouvements volontaires lents, tout commence par une levée de l’inhibition de la boucle myotatique. Le gain de cette boucle somesthésique augmente et le système nerveux intègre de façon permanente les informations proprioceptives. (Thierry Hasbroucq) Dans le cas d’un mouvement lent, tout commence par une prise d’information, par une action sensorielle. Donc à l’origine du mouvement lent se trouve la sensorialité. Effectuer un mouvement lent ou étirer lentement un tissu musculaire va intégrer de manière continue les informations proprioceptives. 1.3 Fonctions proprioceptives Fonction proprioceptive de la peau La peau a une sensibilité : •! extéroceptive : le tact (peau immobile) •! proprioceptive : étirement de l’élasticité de la peau renseigne sur l’orientation du segment dans l’espace (peau mobile) Fonction proprioceptive vestibulaire Les capteurs vestibulaires codent la position de la tête. Le système vestibulaire assure : •!la stabilisation posturale •!la stabilisation du regard Fonction proprioceptive visuelle Proprioception visuelle permet de situer l’œil dans l’espace. Phénomène d’illusion de mouvement propre du corps par un déplacement visuel : la vection •!En conclusion •!La proprioception permet de connaître la position de son corps dans l’espace •!Les muscles sont également des organes des sens •!La proprioception comme 6e sens : le sentiment de corporéité (sentiment d’existence incarné) •!La proprioception comme support aux fonctions cognitives 2. La proprioception comme sentiment d’exister Cas de Christina décrit par Oliver Sacks, dans son livre L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Christina est atteinte d’un maladie neurologique brutale touchant exclusivement les fibres proprioceptives (polynévrite aigüe sensorielle). Perte de toute proprioception. Gestion proprioceptive est remplacée par un ensemble de compensations essentiellement visuelles. Pas de guérison neurologique. En perdant son sens proprioceptif, Christina a perdu l’ancrage organique fondamental de son identité. Par sa rééducation, elle a réussi à manœuvrer, mais elle n’a pas réussi à être. Ce cas montre que les fonctions proprioceptives dépassent sa participation à la gestion de la posture et de l’équilibre, et au contrôle du mouvement. Il participe au sentiment d’exister à travers son corps. 3. Proprioception et fasciathérapie •!La particularité du champ de la fasciathérapie est faire appel au mouvement interne (force d’autorégulation du corps) •!La proprioception est une fonction non éducable – Son processus ne peut être conscientisé •! La rééducation en fasciathérapie (thérapie manuelle, yeux fermés) va solliciter la proprioception cutanée et musculaire : •! Privilégier l’étirement musculaire dans un relâchement donne des informations sensorielles •! Activer la fonction sensorielle du muscle donne la sensation claire du mouvement physiologique associé à cette fonction •! Exécuter un mouvement lentement offre plus d’informations sensorielles Rééducation sensorielle et proprioception •!C’est en partant du ressenti du geste (informations proprioceptives) que le geste est rééduqué : •! Conscientisation du mouvement gestuel pour modifier la perception du geste, du corps et de soi •! Accompagnement du mouvement sensoriel par le patient Bibliographie •! Berger, E. (1999). Le mouvement dans tous ses états. Paris : Editions Point d’Appui. •! Berthoz, A. (1997). Le sens du mouvement. Paris: Odile Jacob. •! Hasbrouck, T. (2001). Les modalités de contrôle du mouvement volontaire : mouvement lent / mouvement rapide. In Bois, D. (sous la direction). Thérapie & Mouvement. Paris : Point d’Appui. •! Roll, J.-P. (1994). Sensibilités cutanées et musculaires. In Richelle, M., Requin, J. & Robert, M. Traité de psychologie expérimentale. Tome 1. Paris: PUF. •! Roll, J.-P. (1998). Les muscles, organes de la perception. In Pour la science, No 248, Juin 1998. •! Sacks, O. (1988). L’homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Paris: Seuil.