De la vulnérabilité à l’adaptation au changement climatique 5
notamment évoqué et, à travers lui, les processus sociaux et économiques. Ainsi la
dimension socioculturelle de la vulnérabilité aux risques naturels émergea-t-elle,
imposant une distinction entre processus physiques (aléa) et humains (vulnérabilité).
La formule désormais classique « Risque = Aléa x Vulnérabilité » est d’ailleurs née
de cette évolution conceptuelle. Cette stricte séparation entre processus physiques et
humains s’est cependant révélée insatisfaisante en ce sens qu’elle ne permettait pas
de comprendre pourquoi divers groupes d’une même population subissaient
différemment les impacts d’une même perturbation, autrement dit pourquoi ils
présentaient des degrés de vulnérabilité variables.
Une troisième conception s’est donc manifestée dès les années 1990, donnant
naissance au paradigme complexe ou paradigme de la réciprocité4. Il s’agissait alors
de mettre en avant la mutualité des processus physiques et humains, rappelant que si
l’aléa exerce une influence directe sur le fonctionnement de la société, les activités
humaines ont en retour un impact sur la probabilité qu’un aléa se déclenche,
autrement dit sur la survenue d’une catastrophe. À une échelle locale, ce principe de
réciprocité est particulièrement évident lorsqu’on s’intéresse à la question de
l’érosion côtière : si la lutte contre ce phénomène, qui est avant tout inhérent à une
pénurie naturelle en sédiments, passe par l’implantation sur le trait de côte d’épis et
de murs de protection, cela a pour effet pervers d’accentuer à moyen terme les
difficultés de maintien du sable, et donc de renforcer le problème initial d’érosion. À
une échelle planétaire, les activités humaines tendent à renforcer la concentration de
gaz à effet de serre dans l’atmosphère, ce qui a pour conséquence une augmentation
des températures terrestres et des eaux marines de surface, d’une part, et une
accélération de la fonte des glaciers, d’autre part. Or, ces phénomènes se combinent
pour expliquer l’élévation du niveau de la mer. Ces deux exemples montrent bien
que processus physiques (les aléas) et humains s’influencent plus encore qu’ils ne se
rencontrent simplement à un moment précis, celui de la perturbation (Blaikie et al
1994). Si le paradigme de la réciprocité a indéniablement fait avancer les réflexions
sur les concepts de risque et de vulnérabilité, il a en même temps considérablement
compliqué l’identification de stratégies pragmatiques de réduction des risques
(Wisner 2004). D’abord parce qu’il a accru le nombre de variables à considérer (de
surcroît des variables de natures différentes), ensuite parce qu’il a imposé de tenir
compte à la fois des interactions entre ces variables et de leurs temps de latence
respectifs.
En effet, si les impacts d’une perturbation sont en premier lieu directs (pertes
humaines, dégradations diverses, ruptures des réseaux, etc.), ils peuvent également
s’étaler dans le temps suivant le principe des dominos (Dauphiné et Provitolo 2007,
3 Hewitt K., 1983. Interpretation of calamity from the viewpoint of human ecology. Landmark
publication.
4 « Mutuality paradigm » en anglais.