François SIGAUT – Homo Faber Documents Page 4
des rééditions d’Henri Berr ou de Halbwachs
. A ce stade, le projet d’ouvrage s’intitule alors
« Technique, pensée, société ».
Parallèlement il s’adresse aussi à certains de ses collègues. L’un d’entre eux à l’EHESS, Wiktor
Stoczkowski, est un anthropologue qui a publié Aux origines de l’homme en 1996. Celui-ci accueille
favorablement l’idée, mais s’étonne des choix de François Sigaut et manifeste notamment une
répugnance pour la métaphysique « spirite et occultiste » de Bergson. Mais il se promet de lire
Meyerson
, sur les conseils de François.
Qu’en advient-il, nous ne le savons pas. Mais un an plus tard, en mai 2000, ce dernier s’adresse aux
PUF et plus particulièrement aux responsables de la collection Philosopher qui ont publié La
technique du philosophe Jean-Pierre Séris en 1994
. Il s’adresse aussi à Lucien Scubla, philosophe et
anthropologue du Centre de recherche en épistémologie appliquée (Ecole polytechnique), qui l’oriente
vers les éditions du Seuil par l’intermédiaire d’un ami.
Suit un échange de courriers importants entre François Sigaut et Lucien Scubla
, qui venait de publier
Lire Lévi-Strauss en 1998. Cet échange éclaire le néophyte sur les enjeux et les perceptions possibles
du dossier proposé à la publication. L. Scubla commence par se réjouir de ce projet, car il se dit
intéressé par le thème de l’Homo faber. Mais il avance immédiatement une critique de fond au
présentateur, car il estime qu’il n’y a pas de « contradiction radicale » entre la thèse de l’Homo faber
soutenue par Bergson et celle de l’Homo religiosus, résultant de l’approche durkheimienne. Car le
rituel est lui-même une technique, une « technique d’auto-domestication de l’homme » précise Scubla
qui ajoute que pour Durkheim les « catégories » sont aussi des outils pour l’intellectuel. Il est vrai
qu’on peut jouer indéfiniment avec les mots…
Si, selon Scubla, « il n’y a pas d’incompatibilité entre Bergson et Durkheim
» – alors que tout
l’édifice de F. Sigaut repose sur cette contradiction – c’est le projet éditorial qui risque de s’effondrer.
Or il importe effectivement de comprendre le cœur de la démarche philosophique de François Sigaut,
illustrée abondamment par son autre projet de réédition inabouti – le Bon Sens du baron d’Holbach : il
veut montrer que le processus d’hominisation ne doit rien au phénomène religieux qu’il abhorre, mais
tout au contraire à ce qu’il appellera plus tard « l’action outillée »
.
Désireux d’aboutir, François Sigaut se propose d’amender son texte, de façon à montrer qu’il n’y a pas
« d’incompatibilité entre Bergson et Durkheim sur un plan proprement philosophique
», mais il
maintient qu’il y a eu « historiquement, une controverse ou du moins une opposition d’idées » entre
ces deux « philosophes » – car, pour Sigaut, Durkheim est surtout un philosophe reconnu comme tel
par ses collègues à son époque, et qu’il est moins le fondateur de la sociologie que le promoteur d’une
métaphysique particulière qu’il nomme le « sociologisme »
. Le désaccord, qui s’exprime en termes
cordiaux, est néanmoins fondamental et ne se résorbe pas dans les échanges suivants, même si les
Courrier d’E. Brian du 21 mai 1999.
Lettre de W. Stoczkowski du 30 mai 1999.
Lettre du 25 mai 2000 à B. Ogilvie et F. Wolff.
Lettres dactyl. de L. Scubla à F.S. du 29 juin, 24 juillet, 18 septembre, 30 octobre et 6 décembre. Lettres dactyl.
de F.S. à L. Scubla du 21 novembre et du 14 décembre 2000 (les premières lettres étaient vraisemblablement
manuscrites).
Lettre du 30 octobre 2000, p. 1.
Cf. Sigaut (François), Comment Homo devint faber. Comment l’outil fit l’homme. Paris, CNRS Éditions
(Biblis), 240 p.
Lettre du 21 novembre 2000, p. 1.
Voir la longue postface de F. Sigaut prévue pour l’ouvrage.