Introduction
L’économie traditionnelle accepte comme principe de base l’accès illimité à certaines
ressources naturelles. Dès lors, la croissance économique résulte, entre autres, de la vente
d’un maximum de produits élaborés à partir de ces ressources. Le problème de la raréfaction
des matières premières, cristallisée aujourd’hui autour des enjeux pétroliers, alimentaires ou
dans le secteur de la métallurgie, promet d’ores et déjà de s’installer dans la durée. Nous ne
vivons désormais plus dans un monde de ressources illimitées, et il devient inévitable de
prendre en compte ces changements pour revoir nos modèles économiques. Qui s’obstine à
vendre des objets coûteux en matières premières naturelles s’expose à un véritable risque sur
la pérennité de son activité. De façon indirecte mais non moins importante, l’économie des
services est également touchée de plein fouet par ce changement de la donne économique.
Ceux-ci se sont développés, comme aime à le rappeler Jean Gadrey, dans le terreau d’une
économie marquée par un usage dispendieux de ressources naturelles. Ils ne trouvent en effet
une demande que dans les économies où l’usage d’une énergie pétrolière bon marché a permis
de réduire drastiquement la main d’œuvre, d’augmenter la productivité et de libérer des
ressources et du temps pour consommer des services.
Face à ce constat, de nouvelles propositions ont fait leur apparition. L’idée de ne plus
vendre d’objets mais de vendre la fonction qu’ils remplissent correspond à une adaptation
judicieuse de l’économie traditionnelle à de nouveaux enjeux. Dans ce type de modèle, le
vendeur s’engage à fournir à l’acheteur un service identique à celui qui serait assuré par la
possession d’un objet. C’est alors au vendeur de gérer la problématique des flux de matières.
En amont, le modèle économique l’encourage à rationaliser son utilisation de matières
premières coûteuses en optimisant ses process : il honore ainsi l’offre commerciale en
réduisant ses coûts et son impact environnemental. En aval, il reste propriétaire des outils et
objets utilisés pour assurer l’offre commerciale, et demeure donc responsable de la fin de vie
de ceux-ci. Là encore son intérêt est de valoriser ces objets afin de diminuer ses coûts
opérationnels sur le long terme. Il s’inscrit ainsi de façon naturelle dans une logique de
recyclage. De façon générale, l’économie de fonctionnalité génère donc des incitations à
réduire les flux de matières extraites de la nature en conservant la même création de valeur.
On arrive ainsi à « dématérialiser » progressivement l’économie.
La naissance de ce concept, baptisé économie de fonctionnalité, date des années 2000.
Beaucoup s’interrogent aujourd’hui sur ce que pourrait être une société qui pratiquerait
l’économie de fonctionnalité. C’est dans cette visée que la Fondation Nicolas Hulot et le
Cabinet Goodwill Management se sont associés pour diriger la réalisation d’un rapport centré
sur la France. Ce travail a été confié à quatre étudiants du Mastère Management du
Développement Durable de HEC. Nous avons choisi de décrire ce que le concept d’économie
de fonctionnalité pourrait changer en France dans les vingt prochaines années, en optant
délibérément pour un scénario optimiste. Quatre angles d’attaque nous permettront
d’envisager les façons dont l’économie de fonctionnalité prendrait, selon ce scénario, une
place significative :
! L’approche macroéconomique nous permettra de comprendre à quel point l’économie
de fonctionnalité a le potentiel de se substituer à l’économie traditionnelle, en
différenciant les domaines où les progrès à espérer sont les plus cruciaux.