Que faire face à un trouble du désir ROBERT PORTO Marseille Définition "Le désir sexuel est l’énergie psychobiologique qui précède et accompagne l’excitation sexuelle et incite à avoir un comportement sexuel. Il résulte de l’interaction du système neuroendocrinien qui donne naissance aux pulsions, du processus cognitif qui génère le désir et du processus motivationnel qui induit l’empressement à se conduire sexuellement" Levine, S. B. 1987. More on the Nature of Sexual Desire. Jour Sex Mar Ther, vol. 13, no.1 Tableau "Désir Sexuel Hypo-Actif" Baisse du désir sexuel Désir sexuel hypo-actif DSM IV F52.0 [302.71] American Psychiatric Association (2000) • A : Déficience (ou absence) persistante ou répétée de fantaisies imaginatives (imaginaire érotique) d’ordre sexuel et de désir d’activité sexuelle (tenir compte de l’âge et du contexte). • B : La perturbation est à l’origine d’une souffrance marquée ou de difficultés interpersonnelles. • C : La dysfonction sexuelle n’est pas mieux expliquée par un autre trouble de l’Axe I (à l’exception d’une autre dysfonction sexuelle) et n’est pas due exclusivement aux effets physiologiques ni d’une substance ni d’une affection médicale générale. Troubles du désir sexuel Aversion sexuelle DSM IV F 52.10 [302.79] American Psychiatric Association (2000) • A : Aversion extrême, persistante ou répétée, et évitement de tout (ou presque tout) contact génital avec un partenaire sexuel • B : La perturbation est à l’origine d’une souffrance marquée ou de difficultés interpersonnelles • C : La dysfonction sexuelle n’est pas mieux expliquée par un autre trouble de l’Axe I (à l’exception d’une autre Dysfonction Sexuelle) Clarifier le diagnostic par des questions simples Afin de différencier trouble du désir et trouble de l’excitation : • Avez-vous envie d’avoir des rapports sexuels ? • Comparez votre intérêt actuel pour le sexe avec ce que vous éprouviez dans le passé • Malgré votre peu d’intérêt, avez-vous encore des érections ? • Si vous aviez une érection, auriez-vous envie d’avoir un rapport sexuel ? • Vous masturbez-vous ? • Avez-vous des fantasmes ou des rêves érotiques ? Prévalence du DSHA Population générale (hommes) : • 18 à 59 ans = 14 à 17% : désintérêt pour le sexe (Lauman E.O. et al, JAMA;281:537-544) • > 70 ans = 26% (Panser L.A. et al, J.Am. Geriartric society 1995;43:1107- 1111) La baisse du désir est directement corrélée à l’age, contrairement à la détresse qui l’accompagne qui elle est indirectement corrélée à l’age (Jim Pfaus, ESSM 2005). En effet seuls 25% des octogénaires souhaitent avoir une activité sexuelle régulière plusieurs fois par mois. (Holzaphel S., Canadian J.Human.Sexuality 1998;7:273-286) D.E. & Désir D.E. NON D.E. Baisse du désir 36% 18% Anxiété de performance 19% 3% Difficultés sexuelles de la partenaire 24% 13% Anorgasmie de la partenaire 19% 12% Manque d’initiatives de la partenaire 51% 43% Vie de couple non harmonieuse 16% 9% ENQUETE SOFRES / UPJOHN NOV. 1994 D.E. & Désir Causes potentielles évoquées par 1435 hommes atteints de D.E. sur 5099dossiers % cumulé (1re, 2e et 3e par ordre de citation) d’après Pierre Costa et al., Progrès en Urologie, 2003, 13, 85-91 60 54 53 50 40 34 34 29 27 30 20 16 21 20 10 10 0 Stress,Fatigue,Surmenage Vieillissement Baisse du Désir Sexuel Effets Iatrogènes Dépression Prostate Problèmes Cardio-Vasc Diabète HTA Autres Cycle de la réponse sexuelle • Désir : fantaisies sur l’activité sexuelle et le désir d’avoir une activité sexuelle • Excitation : capacité persistante ou répétée à atteindre ou à maintenir une activité sexuelle adéquate jusqu’à l’accomplissement de l’acte sexuel, accompagnée de changements physiologiques spécifiques (vasocongestion, intumescence, érection) • Orgasme : pic de plaisir sexuel et contraction rythmique des muscles périnéaux et organes reproductifs avec soulagement de la tension sexuelle Désir & neurotransmetteurs • La libido au sens de désir est le 1er stade de la réponse sexuelle humaine • Phénomène dopaminergique lié au centre de récompense dopaminergique mésolimbique impliqué dans « l’extase naturelle » aux endorphines, obtenue par toute performance intellectuelle ou sportive, mais aussi dans les « récompenses » artificielles par certaines drogues. • La Dopamine inhibe la libération de Prolactine (laquelle est inhibitrice du désir sexuel) alors que la Sérotonine stimule la libération de Prolactine. • Les neuroleptiques classiques, antagonistes D2, s’opposent à l’action inhibitrice de la Dopamine sur la sécrétion de Prolactine par l’épiphyse, augmentant ainsi la Prolactine. Pharmacologie de la réponse sexuelle D’après Stephen M. Stahl, Psychopharmacologie essentielle, 2002, Flammarion Paris, 601 pages Pharmacologie de la réponse sexuelle D’après Stephen M. Stahl, Psychopharmacologie essentielle, 2002, Flammarion Paris, 601 pages Frank H. Netter The Ciba Collection of Medical Illustrations 1954 Les auteurs ont soumis des hommes souffrant de DSHA généralisé à une stimulation sexuelle visuelle. Ils ont constaté qu’une petite zone du cortex orbito-frontal de l’hémisphère gauche était active chez ces sujets alors qu’elle se désactive chez les sujets témoins. Les lésions de cette zone entraînent un comportement impulsif. Les sujets avec DSHA inhiberaient de façon inconsciente leurs émotions instinctives tel le désir sexuel soit après un choc affectif soit après une expérience sexuelle négative soit par suite d’une éducation trop rigoriste. Stoléru et al (INSERM) Cerveau et Psycho. N°4,2005 Désir & excitation • Désir sexuel et Excitation sexuelle sont en théorie distincts, avec des neurotransmetteurs propres. • Mais il existe entre eux des liens… "conjugaux" non seulement dans le sens habituel désir-excitation mais également dans le sens excitation-désir. • Tout homme a pu vérifier qu’une érection spontanée ou provoquée suffit souvent à se sentir « en état de désir ». Quand la réaction périphérique est là le facteur d’amont s’en trouve activé (physiologiquement mais aussi par conditionnement). • Ceci est moins évident chez la femme chez qui la motivation semble un préalable nécessaire pour que les phénomènes locaux d’excitation soient éprouvés. D.E. & D.S.H.A. DESIR + - Capacité érectile • • • • Réussites rapports sexuels satisfaisants capacité de donner du plaisir confirmation narcissique anticipation érotique positive • • • • • • Renforcement Échecs anxiété de performance crainte de l’échec anticipation négative Ì des perceptions et des performances sexuelles envahissement de la pensée atteinte identitaire masculine Inhibition Formes cliniques • Selon l’historique du problème : – Primaire : depuis le début de la vie sexuelle – Secondaire : acquis après une certaine période de bon fonctionnement • Selon le contexte : – Généralisée : dans toutes les situations – Situationnelle : seulement dans des circonstances spécifiques • Selon l’étiologie : – psychologique, organique, mixte Point de vue psycho dynamique • Le désir est une pulsion (mouvement énergétique) qui tend vers le comblement d’un manque gravé par les premiers plaisirs comblant les besoins de l’enfant. • Cette dimension du manque va accompagner toute la psychogenèse du sujet (résolution de l’œdipe, processus identificatoire). • Les significations données aux perceptions vont modeler le désir. • L’homme devra trouver une partenaire suffisamment différente de sa mère pour éviter le blocage par fantasmes incestueux. « La femme mère », madone sacralisée, sera aimée mais demeurera indésirable. Point de vue cognitivo-comportemental • Le trouble du désir peut résulter d’un conditionnement négatif : – par expérience précoce malheureuse – par culpabilisation liée au sexe – par mauvais apprentissage – par traumatisme ou abus sexuel • s’accompagnant d’un manque de confiance et d’estime de soi. Sexual Dysfunction is More Common In Depressed Subjects CASE CONTROL STUDIES Depressed Kivelä 1988 91 men >= 60 yr Loss of libido is more common in depressed men Men 62% > 36% Women 53% >= 46% Loss of sexual interest more common in Depressed Subjects 72,7% 5% Sexual dysfunction significantly more common in depression 36,2% 13,3% 173 women >= 60 yr Casper 1985 132 Uni & Bipolar depressions Kockott 1996 58 MDI Controls Libido et dépression 134 états dépressifs caractérisés (MDD) avant traitement antidépresseur Série consécutive de 55 H et 79 F diagnostiqué par SCID-DSM - IV, SFQ, +(changements d'intérêt sexuel et d'activité sexuelle le mois précédent) – 50% des femmes et 75% des hommes ont une activité sexuelle pendant le mois précédent. – Plus de 40% des hommes et 50% de femmes ont un intérêt sexuel diminué – Les niveaux d’excitation réduits étaient plus fréquents chez les hommes et les femmes (40-50%) que les difficultés d’éjaculation ou d'orgasme (15-20%). Sexual dysfunction before antidepressant therapy in major depression.Kennedy SH et al. J.Affect Disord.1999 Désir et neuroleptiques 2391 patients (1259 H et 1132 F) Acta Psychiatrica Sandinavia 1987 La réduction du désir est le trouble le plus fréquent chez les patients sous neuroleptiques ; il se produit chez un patient sur trois. – Se produit à tout âge,mais davantage chez les patients plus âgés. – Le déficit sexuel augmente pendant les 6 premiers mois de traitement neuroleptique et persiste aussi longtemps que ce dernier. – Les effets sont dose-dépendants. Les troubles de la libido sont surtout en rapport avec une action AntiDopaminergique +++, comme pour le Sulpiride (Dogmatil, Synedil) et ses dérivés (Tiapridal, Barnetyl, Solian) (Benzamides), ou avec une action antagoniste sérotoninedopamine (Loxapac) avec HyperProlactinémie, baisse de la libido, DE, baisse de la testostérone et de la LH. Évaluation FACTEURS INDIVIDUELS Psycho pathologie : • • • • • • Anxiété de performance, peur de l’échec, crainte d’être jugé Stress, anxiété, dépression – personnalité obsessive compulsive : sexe = sale, perfectionnisme – personnalité paranoïaque : peur de l’intimité = contrôle Peur de l’engagement Peur d’être abandonné Peur de s’abandonner Troubles de l’identité Apprentissage négatif : • • • • • Ignorance, manque d’information Modèles parentaux véhiculant la culpabilité sexuelle Interdits religieux, culturels Absence de masturbation Traumatisme sexuel Autre dysfonction sexuelle (chronologie) Événements de vie Évaluation FACTEURS BIOLOGIQUES • Maladies générales Toutes les affections (surtout chroniques) qui : – diminuent la testostérone – augmentent la prolactine – lèsent le système nerveux uro-génital – agissent par la souffrance ou le handicap qu’elles entraînent • Iatrogénie – psychotropes : A.D., antipsychotiques, benzodiazépines, antiépileptiques – non-psychotropes : anti-HTA, anti-arythmiques, anti-néoplasiques histamine2 bloquants, hormones – substances addictives : alcool, tabac, drogues illicites • Mauvaise hygiène de vie – déséquilibre alimentaire, obésité – stress, fatigue, surmenage – sédentarité Évaluation FACTEURS RELATIONNELS • • • • • • • • • • • • Lassitude due à la routine Trouble de la communication Discordance des scénarios érotiques et des attentes de chacun Dysfonction sexuelle de la partenaire Conflit de pouvoir, différences culturelles Problématique de procréation Syndrome de la femme "madone" Syndrome du deuil non résolu Mésentente (contentieux, hostilité) Manque d’amour, adultère Personnalité de la partenaire (agressivité, possessivité, jalousie) Pathologie médicale ou psychiatrique de la partenaire Modalités d’évaluation Il existe une disproportion, allant du simple au triple, entre un trouble signalé spontanément et le même trouble interrogé spécifiquement. (Monteiro W.O.et al. Br.J.Psychiatry. 1987;151:107-112) Il faudra donc poser des questions précises après avoir écouté le patient. Mais l’homme n’admet pas aisément ne pas avoir de désir, il dira plutôt qu’il n’a pas d’érection. Reconnaître l’absence de désir, c’est presque ne pas être homme. Le plus souvent, l’homme déclare avoir des désirs alors qu’il peut s’agir d’un désir de désirer, d’un désir d’avoir une érection. Certaines questions indirectes permettront d’évaluer la réalité et l’intensité du désir du patient : – âge des premiers rapports – fréquence : des masturbations ? des initiatives sexuelles ? des rapports sexuels ? des fantasmes et des rêves érotiques ? Approche thérapeutique • • • • Détecter l’élément déclenchant et le traiter Trouver le médicament inhibant et le remplacer Identifier le facteur relationnel et le prendre en charge Investiguer : l’imaginaire érotique le scénario sexuel idéal et clarifier la discordance avec la situation réelle Prise en charge par : • Psychothérapie individuelle (T.Psychodynamique, T.C-C) • Thérapie de couple • Sexothérapie Associer un traitement pharmacologique : • Sexo-actif • Anti-dépresseur (30% de sujets répondeurs dans des études ouvertes, amélioration significative des scores CFSQ) • • Hormonal= Testostérone PT141= stimulant des récepteurs de mélanocortine (en développement) (Pfaus J.G. et al, PNAS. 2004 ; 101,27, 10201-10204) Traitement du DSHA avec diminution de testostérone La baisse de testostérone s’accompagne d’autres symptômes : • Dysfonction érectile • Fatigue • Somnolence • Perte de motivation • Baisse de vitalité physique (Bain J. Can.Fam.Phys 2001;47: 91-97) Tout ceci peut impliquer la diminution d’autres hormones thyroïdiennes, de croissance, DHEA… (Morales A. J.Urol. 200;163 : 705-712) Sujets carencés en androgènes : désir amélioré par la supplémentation, mais dépister les contre-indications. (Mc Nicholas T.A. et al B.J.U. Int. 2003;91 : 69-74) Traitement du DSHA & maladie chronique • La baisse du désir peut être une conséquence physiologique d’une maladie chronique (cirrhose…) ou résulter des effets de cette maladie en termes de : – souffrances physiques – handicap fonctionnel – altération de l’image du corps – dépression – pronostic vital • Traiter la maladie causale et soulager ses effets, en particulier douleur et dépression • Associer un counseling psycho sexuel (adaptation du comportement sexuel, maintien ou réveil de l’intimité…) (Nausbaum M.R. et al.Am.Fam.Phys.2003;67:347-354) • Chaque maladie chronique a des conséquences sexuelles spécifiques et nécessite des mesures appropriées (Sipski M.L.et al.Sexual Function in People with Disability &Chronic Illness: Aspen Publishers-Maryland,1997) Le désir sexuel hypo-actif Modifié de William L. Maurice, Sexuel Medecine in Primary Care, MOSBY 1999 Primaire Secondaire Secondaire Généralisé Généralisé spécifique HISTORIQUE HISTORIQUE HISTORIQUE HISTORIQUE Les deux partenaires sont intéressés à des degrés différents Depuis toujours peu ou pas de : • Désir • Imaginaire érotique • Masturbation • Partenaire sexuel Désirs dans le passé État actuel= primaire généralisé Pas de désir pour la partenaire Désir présent avec autre ou seul ETIOLOGIE ETIOLOGIE ETIOLOGIE ETIOLOGIE Conflit relationnel Éducation répressive Hormonale-Médicale Psychiatrique Relationnelle Socio-professionnelle Dysphorie de genre Discordance des désirs Conflit relationnel Liaison amoureuse Paraphilie TRAITEMENT TRAITEMENT TRAITEMENT TRAITEMENT Thérapie de couple Psychanalyse Pshychothérapie Traitement spécifique de la cause Psychothérapie individuelle Sexothérapie Counselling Th. Conjugale-Sexothérapie +- Th. de couple +- Tt. sexo-actif Le désir sexuel hypo-actif ENTRETIEN DIAGNOSTIQUE HISTOIRE SEXUELLE ET ETAT ACTUEL SYMPTOME SPECIFIQUE OU SITUATIONNEL SITUATION AMBIGUE PAS D’EXPLORATIONS SUPPLÉMENTAIRES ESSAI DE FACILITATION EROTIQUE & FANTASMIQUE Réponse EVALUATION DES CAUSES PSYCHOLOGIQUES ACTUELLES ET PLUS PROFONDES NECESSITE DE BILAN SUPPLEMENTAIRE Pas de Réponse DEPISTAGE MEDICAL MALADIES GENERALES DOULEURS CHRONIQUES BILAN HORMONAL MEDICAMENTS DROGUES ALCOOL BILAN PSYCHIATRIQUE IDENTIFIER DEPRESSION ET STRESS N NO OUI Normal Anormal TRAITEMENT ADEQUAT : SEXOTHERAPIE PSYCHOTHERAPIE INDIVIDUELLE THERAPIE DE COUPLE + SYMPTOME GENERAL Normal BILAN COMPLET MEDICAL ET ENDOCRINIEN - MEDICAMENTS SEXO-ACTIFS Anormal TRAITEMENT ADEQUAT : ANTIDÉPRESSEURS PSYCHOTHERAPIE + - MEDICAMENTS SEXO-ACTIFS (D’après Kaplan H.S. The evaluation of sexual disorders. Brunner Mazel, N.Y.,1983.) TRAITEMENT APPROPRIE: MEDICAL CHIRURGICAL, ENDOCRINIEN + - MEDICAMENTS SEXO-ACTIFS Points-clés pour comprendre le désir • Le manque • La distance • L’interdit • La régression CONNAIS - SENS