LES LYMPHOMES B DE LA ZONE MARGINALE: un nouveau modèle d’oncogenèse lymphoïde ?
Depuis de nombreuses années, l’équipe de recherche « Pathologie de Cellules Lymphoïdes » au sein de
l’UMR5239, en collaboration étroite avec les services d’Hématologie clinique, d’Anatomie
Pathologique et d’Hématologie Biologique du Centre Hospitalier Lyon-Sud des Hospices Civils
de Lyon (HCL) se consacre à l’étude des lymphomes B à petites cellules. Des travaux importants ont été
menés pour caractériser ces entités sur le plan clinique
1
2
3-5
,
morphologique
6, 7
, cytogénétique et
moléculaire. Le service clinique constitue un site de férence pour le développement de nouvelles
stratégies thérapeutiques dans les lymphomes, en phase précoce du développement (phases I/II) ou
dans des essais randomisés menés à l’échelle nationale ou internationale. Une entité a particulièrement
intéressé l’équipe ces dernières années : les lymphomes B de la zone marginale (ZM).
Ces lymphomes B indolents dérivés des cellules de la ZM (zone micro-anatomique) représentent un
groupe encore hétérogène de pathologies, dont certaines sont d’individualisation récente (classifications
OMS 2001 et 2008). Trois formes sont actuellement définies : les lymphomes extra-ganglionnaires du
MALT (Mucosae Associated Lymphoid Tissue), les lymphomes de la ZM splénique et les lymphomes de la
ZM ganglionnaire. Alors que des progrès considérables ont été alisées ces dernières années dans la
compréhension des mécanismes physiopathologiques du lymphome du MALT, qui constitue le paradigme
d’une tumeur déclenchée par un stimulus antigénique chronique, peu de données sont disponibles sur la
lymphomagénèse des autres types de lymphomes de la ZM. Les absences conjuguées de lignées
cellulaires et de modèles animaux ne permettent pas d’aborder dans des modèles expérimentaux les
questions concernant l’origine cellulaire et/ou les mécanismes d’oncogenèses à l’origine de ces
hémopathies. La description phénotypique et fonctionnelle des cellules de la ZM normale est incomplète
et l’absence de marqueur spécifique rend difficile l’analyse des cellules normales et l’identification des
tumeurs qui dérivent de leur transformation.
Ayant contribué à la rédaction des chapitres de la classification OMS des lymphomes de la ZM
splénique et ganglionnaire (2001 et 2008) et à plusieurs séries clinico-pathologiques
8-10
et
cytogénétiques
11
8-10, 12, 13
, ainsi qu’à des travaux moléculaires
14, 15
16
, les questions posées par l’équipe
s’articulent autour d’une approche multi-disciplinaire centrée sur 3 objectifs scientifiques
principaux : 1) le démembrement morphologique, immunophénotypique et moléculaire, 2) la
caractérisation des voies oncogéniques impliquées 3) le rôle éventuel du récepteur à l’antigène (BCR)
dans ces lymphomes. Pour répondre à ces objectifs, l’équipe travaille sur la plateforme de Cancérologie
Gerland Lyon Sud du Canceropole Rhône Alpes Auvergne associant: 1) une plateforme diagnostique
hospitalière avec un service clinique (G Salles, B Coiffier), et des unités d’hématopathologie (F Berger,
A Traverse-Glehen)(Tissu-Microarray, FISH paraffine), d’hématologie cellulaire (P Felman, M Ffrench, L
Baseggio)(cytométrie en flux 8 couleurs, ploïdie), de cytogénétique (Caryotype conventionnel, FISH, M-
FISH, CGH-array) et de biologie moléculaire hématologiques (JP Magaud, E Callet-Bauchu, S Gazzo, S
Hayette, L Jallade), 2) un Centre de Ressources Biologique appartenant à la Tumorothèque et
Cytathèque des HCL de Lyon comportant une importante collection de lymphomes de la ZM avec des
prélèvements tissulaires et sanguins, associant parfois chez un même patient différents stades de la
maladie et/ou différentes localisations ; 3) une plateforme de caractérisation moléculaire et
génétique (séquençage, QPCR, micro-ARN, tri cellulaire, phénotypage) (Verney A, A Traverse-Glehen,
Bouteloup M, Jallade L, Wenner T, G Salles).
Les travaux réalisés, certains au sein d’un consortium international dont nous sommes à l’origine avec
le Centre National d’Investigations Oncologiques (CNIO) à Madrid
17
18
, ont montré les particularités de ce
groupe de lymphomes : caractéristiques clinico-pathologiques
7
19
8
20
, absence de marqueur
phénotypique spécifique, aberrations chromosomiques récurrentes
11
12
21
mais inconstantes (délétions
7q, trisomie 3, 12 et 18) avec une représentation très faible des translocations impliquant les nes
d’Immunoglobulines (Ig) qui sont habituelles dans les autres lymphomes, biais d’utilisation des segment
VH1-2 des chaînes lourdes d’Ig. Les études d’expression génique, en partie financé par des subventions
« Appel d’offre jeunes chercheurs des HCL »
16
14
ont montré le rôle de certaines voies de signalisation
dans la pathogénie de ces lymphomes (TCL1-AKT1-PI3 kinase, NF-kappaB, Notch2). L’étude du BCR a
mis en évidence une empreinte de sélection antigénique (biais d’utilisation des VH, CDR3 identiques) et
suggère une cellule à l’origine impliquée dans une ponse immune T-indépendante distincte de la voie
classique de différenciation par les centres germinatifs des organes lymphoïdes secondaires (profil
mutationnel, absence de mutations sur BCL6 et CD95, surexpression de Notch2)
14, 15
. L’analyse
préliminaire du profil d’expression des micro-ARN a montré la surexpression de miR21
22
dans les formes
agressives et un profil différents entre les différentes entités de lymphomes B indolents analysés
(lymphome folliculaire, lymphocytaire, du manteau, et de la ZM). Ces sultats permettent de faire
l’hypothèse d’une oncogénèse survenant dans des cellules engagées dans la réponse de première ligne à
des antigènes T-indépendants. Leur interprétation est cependant limitée par le regroupement de
plusieurs entités distinctes sous le vocable de lymphome de la ZM, et d’eventuelles formes frontières avec
d’autres lymphomes B indolents. Notre équipe a d’ailleurs individualisé récemment un sous-groupe
(lymphomes de la pulpe rouge splénique) méconnu dans les travaux antérieurs publiés
13
. Nous avons
ainsi identifié une série de 37 patients présentant des caractéristiques clinico-pathologiques, moléculaires
et cytogénétiques intermédiaires entre les lymphomes de la zone marginale splénique et la leucémie à
tricholeucocytes, qui sont deux pathologies qui différent sur le plan thérapeutique et évolutif .
Figure 1 : Illustration cytologique et histologique du Lymphome splénique de la pulpe rouge
récemment mis en évidence par l’équipe
Figure 2 : Survie sans progression statistiquement significative entre le lymphome de la
pulpe rouge et le lymphome de la zone marginale splénique classique.
Progression free survival
Complete Censored
0 1095 2190 3285 4380 5475 6570 7665 8760 9855 10950
Time
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
Cumulative Proportion Surviving
SMZL
SLVL
p = ,03677
Pour mieux appréhender les mécanismes oncogéniques de ces pathologies, l’équipe s’est attachée à
réaliser une caractérisation exhaustive des cas étudiés par des approches moléculaires, rendue possible
par des analyses à haut débit (transcriptome, CGHarray, profil d’expression des microARN) sur des
échantillons bien annotés et phénotypés avec des techniques classiques. Une partie de ces questions fait
l’objet d’un projet soutenu par l’INCa, en collaboration avec le Cancéropole Grand Sud Ouest (analyse
transcriptomique et CGHarray pan-génomique des formes à différenciation plasmocytaire) qui comporte
aussi l’analyse de modèles animaux (T Defrance, INSERM U851). D’autres approches ont été rendues
possible par des financements de la Fondation de France et de la Ligue partementale contre le Cancer
du Rhône.
L’objectif des projets en cours, associant recherche clinique et fondamentale, est de pouvoir faciliter
l’évaluation diagnostique et pronostique de ces lymphomes par l’identification de marqueurs
phénotypiques et génétiques originaux et spécifiques. Cette étude de démembrement est incontournable
en cancérologie aujourd’hui car elle permet de préciser le devenir et le traitement des patients et
d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques.
Alexandra TRAVERSE-GLEHEN,
Service d’Anatomie Pathologique Centre Hospitalier Lyon Sud,
UMR CNRS 5239 « Laboratoire de Biologie Moléculaire de la cellule, Equipe "Pathologie des cellules
lymphoïdes" Université Claude Bernard Lyon I/ Hospices Civils de Lyon/Ecole Normale Supérieure.
Equipe Pathologie des cellules lymphoïdes-UFR Lyon Sud Charles Mérieux
1. Coiffier, B., Thieblemont, C., Felman, P., Salles, G. & Berger, F. Indolent nonfollicular
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2. Coiffier, B. et al. CHOP chemotherapy plus rituximab compared with CHOP alone in
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3. Coiffier, B. Monoclonal antibodies combined to chemotherapy for the treatment of
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4. Coiffier, B. Treatment of non-Hodgkin's lymphoma: a look over the past decade. Clin
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5. Coiffier, B. Rituximab therapy in malignant lymphoma. Oncogene 26, 3603-13 (2007).
6. Berger, F. et al. Nonfollicular small B-cell lymphomas: a heterogeneous group of
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20. Baseggio, L. et al. CD5 expression identifies a subset of splenic marginal zone
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21. Salido, M. et al. Cytogenetic aberrations and their prognostic value in a series of 330
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Lymphoma Group. Blood 116, 1479-88.
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