PS et la PIO, suscite de plus en plus d’intérêt. Il a également été
proposé que l’apoptose des fibres nerveuses pourrait résulter de
l’ectasie postérieure de la lame criblée. La distorsion des pores de
la lame criblée « étrangle » les fibres nerveuses. Cette ectasie
résulte de zones de faiblesse au niveau de la lame criblée ou d’une
PIO élevée. Dans les deux cas, le flux axoplasmique est inter-
rompu, causant progressivement la mort cellulaire.
Le mécanisme réel entraînant une atrophie optique glauco-
mateuse pourrait être une combinaison des deux théories. Cepen-
dant, la PIO joue un rôle important dans les deux théories. Une
PIO élevée est rarement causée par une surproduction d’humeur
aqueuse, mais est presque toujours due à une altération de son
écoulement. C’est pourquoi les glaucomes sont principalement
classifiés selon la cause sous-jacente de l’élévation de la PIO.
Glaucome primaire ou secondaire
La première distinction se fait au niveau du caractère pri-
maire (idiopathique) ou secondaire de l’atteinte. Le glaucome est
dit primaire lorsqu’il existe en soi, sans être la conséquence d’une
autre maladie oculaire ou systémique. Dans le cas contraire, on
parle de glaucome secondaire à un agent causal cliniquement
identifiable.
Glaucome à angle ouvert ou fermé
Le glaucome est également classifié d’après la configuration
de la première portion anatomique de la voie d’évacuation de
l’humeur aqueuse : l’angle irido-cornéen. Cette structure délimite
la portion la plus périphérique de la chambre antérieure, où se
rencontrent l’iris et la cornée à la portion antérieure du corps
ciliaire et du réseau trabéculaire3. Si l’angle d’ouverture de cette
structure ne pose aucune restriction à l’écoulement de l’humeur
aqueuse à la gonioscopie, on parle de glaucome à « angle ouvert ».
Dans le cas contraire, le glaucome sera dit à « angle fermé » en rai-
son de l’apposition du réseau trabéculaire et de la racine de l’iris.
La gonioscopie ou la tomographie par cohérence optique (TCO)
est utilisée pour déterminer l’ouverture de l’angle. Autant les
glaucomes à angle ouvert que ceux à angle fermé peuvent être pri-
maires ou secondaires.
Dans cet article, nous nous concentrons principalement sur
le glaucome primaire à angle ouvert (GPAO), la forme la plus
courante dans les pays occidentaux, où l’écoulement de l’humeur
aqueuse est réduit, malgré l’absence d’obstruction de l’angle
irido-cornéen.
Glaucome aigu ou chronique
Le glaucome est considéré comme aigu lorsque sa survenue
est soudaine. Il est caractérisé par une élévation de la PIO qui dans
certains cas peut atteindre 70 mm Hg. S’il n’est pas traité de façon
précoce, il se produira rapidement des lésions du nerf optique. Le
glaucome aigu survient généralement dans les cas de glaucome à
angle fermé ou à la suite d’un traumatisme oculaire fermé ou
sévère, mais se présente sous d’autres formes, incluant le glaucome
inflammatoire et la crise glaucomatocyclitique (syndrome de Pos-
ner-Schlossman). Le glaucome chronique est de nature plus insi-
dieuse, étant donné qu’il se développera très lentement,
demeurant principalement asymptomatique, et pourrait durer des
années s’il n’était pas traité. Les lésions sont plus progressives.
Glaucome congénital et associé à des troubles de développement
Une minorité de glaucomes sont définis comme étant congé-
nitaux (survenant avant l’âge de 3 à 5 ans)4-6 ou associés à des
troubles du développement (survenant entre 5 et 16 ans)4,7. Une
discussion de ces formes de glaucome dépasserait la portée de cet
article.
Hypertension oculaire
L’hypertension oculaire est une affection où la PIO est régu-
lièrement ≥ 21 mm Hg; soit la limite supérieure de l’intervalle de
95 % des valeurs de pressions normales observées dans une popu-
lation occidentale. S’il n’est pas possible d’objectiver cliniquement
une détérioration de la condition visuelle du sujet « hypertendu »
(dommages au niveau anatomique des structures oculaires ou au
niveau fonctionnel - démontrés par des mesures psychophysiques
de vision tel le champ visuel), on ne peut pas alors parler de glau-
come. Ces patients sont classifiés comme suspects de GPAO dans
les lignes directrices de la Société canadienne d’ophtalmologie
(SCO)8. Il est intéressant de noter que, tel que démontré par
l’étude OHTS (Ocular Hypertension Treatment Study)9, sur une
période de 5 ans, moins de 10 % des sujets présentant unique-
ment une hypertension oculaire (sans autre anomalie oculaire ou
systémique) ont développé un GPAO. Il va sans dire que les
patients souffrant d’hypertension oculaire nécessitent tout de
même un suivi particulier. À l’inverse, environ 61 % des glau-
comes primaires à angle ouvert présenteraient une pression
moyenne inférieure à 21 mm Hg10-12. En soi, la PIO n’est pas une
bonne option de dépistage en raison de sa faible sensibilité/spéci-
ficité, ce qui lui donne une valeur prédictive médiocre8. Cepen-
dant, on a constaté qu’une PIO élevée était un prédicteur
important du développement d’un GPAO, comme le montre
l’étude OHTS et la Barbados Eye Study13,14, ainsi qu’un marqueur
utile de la progression de la maladie15,16. La Baltimore Eye Survey11
a confirmé le lien direct existant entre une augmentation de la
PIO et le risque de lésion du nerf optique, et une revue de la litté-
rature par Bahrami17 a fortement démontré qu’il existe une rela-
tion causale entre la PIO et le GPAO. Ces constatations soulignent
que le glaucome est une entité multifactorielle et que la PIO n’est
qu’un facteur dans son développement. Cependant, la PIO repré-
sente plutôt le seul facteur de risque que les traitements médicaux
peuvent modifier à l’heure actuelle.
Épidémiologie
Après les cataractes, le glaucome est la deuxième cause de
cécité dans le monde, touchant 60 millions d’individus en
200618,19. Les projections indiquent que ce nombre atteindra 80
millions en 202020. Le GPAO serait à l’origine de 12 % des cas de
cécité dans le monde19. La prévalence de glaucome varie beau-
coup d’une étude à l’autre, mais on peut estimer qu’en Amérique
du Nord, de 45 à 55% des glaucomes sont des GPAO, environ 15 %
sont des glaucomes primaires à angle fermé (GPAF), 30 % sont
des glaucomes secondaires et 5 % des glaucomes seraient congé-
nitaux2. La coalition nationale pour la santé visuelle a indiqué en
2011 qu’au moins 300 000 Canadiens souffraient de glaucome21.
Dans les pays industrialisés, environ 50 % des individus souf-
frant de glaucome l’ignorent, ne sollicitent pas une évaluation
médicale et ne recevraient pas les soins appropriés11,22. Cepen-
dant, le rapport coût-bénéfice ne justifie pas une politique de
santé publique préconisant un dépistage systématique de la mala-
die. On considère plutôt qu’un mode de dépistage opportuniste
par un spécialiste des soins oculaires primaires est la méthode la
plus efficace pour résoudre ce problème.
Facteurs de risque
Les facteurs de risque les plus importants du GPAO sont l’âge,
les races noire et hispanique, une PIO élevée, une histoire familiale de
glaucome, la myopie et une faible pression de perfusion diastolique
(Tableau 1)8,11,22-31. Tuck et coll29 ont démontré qu’un âge plus grand
que 55 ans est associé à une augmentation significative de la préva-
lence du GPAO, qui atteint un taux maximal (4,3 %) chez les sujets
âgés plus de 80 ans. La Blue Mountain Eye Study30 a révélé un taux de
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