Le diagnostic du glaucome primaire à angle ouvert :
Données sur la détection, la classification et
la prise en charge précoces de cette maladie
PARNICOLAS FONTAINE, O.D., M.SC., ETPIERRE FORCIER, O.D., M.SC.
Le glaucome est la deuxième cause la plus fréquente de cécité dans le monde. La neuropathie progressive
associée au glaucome est souvent sous-diagnostiquée à son stade initial. La détection plus précoce par des
examens oculaires systématiques, en particulier chez les sujets à haut risque, et la réalisation de tests sen-
sibles et spécifiques permettraient d’instaurer un traitement de façon plus précoce après la survenue du
glaucome, et l’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que ces mesures réduisent sa progression et
améliorent les implications fonctionnelles chez le patient glaucomateux. Cette édition dOptométrie
Conférences scientifiques présente l’état actuel des connaissances sur les différents types de glaucome,
particulièrement sur le glaucome primaire à angle ouvert (GPAO), ainsi que les méthodes diagnostiques
et thérapeutiques les plus récentes.
Le glaucome est une neuropathie chronique et progressive du nerf optique. Les théories actuelles situent
le siège de l’atteinte au niveau de la papille1. D’un point de vue anatomique, l’atteinte est caractérisée par une
destruction des cellules ganglionnaires de la rétine et de leurs axones. Le résultat physiologique est une perte
de transfert d’une partie des influx nerveux provenant de la rétine vers le cortex visuel. Les manifestations cli-
niques sont multiples. L’atteinte la plus typique concerne une perte de sensibilité au niveau du champ visuel. Il
en résulte des scotomes qui peuvent être relatifs ou absolus et dont l’ampleur varie selon le stade de progres-
sion de la maladie. Certains patients subissent également une perte de sensibilité aux contrastes, allant même
jusqu’à une diminution d’acuité visuelle, tout dépendant de la localisation des fibres nerveuses ganglionnaires
atteintes. Dans les stades avancés de la maladie, on observe également une altération des réflexes pupillaires.
Les conséquences fonctionnelles d’un glaucome non contrôlé peuvent être majeures pour le patient ; par
exemple, perte du permis de conduire d’un véhicule motorisé, restrictions dans plusieurs activités sportives
et de loisir, réduction de mobilité, diminution d’indépendance pour de nombreuses activités de la vie quoti-
diennes, et cécité.
L’optométriste est le mieux placé pour détecter un glaucome à son stade initial, pour utiliser les tech-
niques d’exploration les plus efficaces afin de confirmer le diagnostic et pour initier rapidement un traite-
ment préservant la vision. Au moment de la rédaction de cet article, le législation sur le rôle des
optométristes varie d’une province à l’autrecelui-ci peut comprendre le diagnostic et le traitement de
façon indépendante du glaucome primaire à angle ouvert (GPAO; Ontario et Colombie-Britannique), la
prise en charge du patient en collaboration avec un ophtalmologiste (Alberta, Québec), le traitement en
urgence du glaucome par fermeture de l’angle (Nouveau-Brunswick) et la détection/le diagnostic et l’orien-
tation précoces (les autres provinces et territoires). Cet article vise à présenter les thodes actuelles et
futures de classification, de diagnostic et de prise en charge.
Classification
Le glaucome se subdivise en diverses sous-catégories, principalement fondées sur la compréhension
actuelle de l’anatomie et de la pathogenèse. Cette classification vise surtout à déterminer l’étiologie et les
mécanismes physiologiques qui mènent à cette neuropathie. Son utilité clinique est d’orienter le praticien
dans le choix de la thérapie la plus appropriée.
La compréhension actuelle des facteurs à l’origine de l’apoptose des fibres nerveuses qui traversent la
tête du nerf optique (TNO) permet d’établir deux hypothèses principales2. Selon la première, la TNO pour-
rait présenter une hypoperfusion, qui pourrait être due à plusieurs affections systémiques, incluant (sans s’y
limiter) des anomalies de l’auto-régulation des vaisseaux sanguins, des vasospasmes, une maladie cardiovas-
culaire, une hypotension vasculaire nocturne, une perfusion cérébrale réduite, des migraines et la maladie de
Raynaud. La perfusion de la TNO est également assurée grâce à un équilibre entre la pression sanguine (PS)
au niveau de la TNO (artères ciliaires postérieures courtes et cercle de Zinn) et la pression intraoculaire
(PIO). La mesure et l’interprétation de la pression de perfusion oculaire, qui représente la différence entre la
Volume 1, numéro 4 2013
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École d’Optométrie
PS et la PIO, suscite de plus en plus d’intérêt. Il a également é
proposé que l’apoptose des fibres nerveuses pourrait résulter de
l’ectasie postérieure de la lame criblée. La distorsion des pores de
la lame criblée « étrangle » les fibres nerveuses. Cette ectasie
résulte de zones de faiblesse au niveau de la lame criblée ou d’une
PIO élevée. Dans les deux cas, le flux axoplasmique est inter-
rompu, causant progressivement la mort cellulaire.
Le mécanisme réel entraînant une atrophie optique glauco-
mateuse pourrait être une combinaison des deux théories. Cepen-
dant, la PIO joue un rôle important dans les deux théories. Une
PIO élevée est rarement causée par une surproduction d’humeur
aqueuse, mais est presque toujours due à une altération de son
écoulement. C’est pourquoi les glaucomes sont principalement
classifiés selon la cause sous-jacente de l’élévation de la PIO.
Glaucome primaire ou secondaire
La premre distinction se fait au niveau du caractère pri-
maire (idiopathique) ou secondaire de l’atteinte. Le glaucome est
dit primaire lorsqu’il existe en soi, sans être la conséquence d’une
autre maladie oculaire ou systémique. Dans le cas contraire, on
parle de glaucome secondaire à un agent causal cliniquement
identifiable.
Glaucome à angle ouvert ou fer
Le glaucome est également classifié d’après la configuration
de la première portion anatomique de la voie d’évacuation de
l’humeur aqueuse : l’angle irido-cornéen. Cette structure délimite
la portion la plusriphérique de la chambre antérieure, où se
rencontrent l’iris et la core à la portion anrieure du corps
ciliaire et du réseau trabéculaire3. Si l’angle d’ouverture de cette
structure ne pose aucune restriction à l’écoulement de l’humeur
aqueuse à la gonioscopie, on parle de glaucome à « angle ouvert ».
Dans le cas contraire, le glaucome sera dit à « angle fermé » en rai-
son de l’apposition du réseau trabéculaire et de la racine de l’iris.
La gonioscopie ou la tomographie par cohérence optique (TCO)
est utilisée pour déterminer louverture de langle. Autant les
glaucomes à angle ouvert que ceux à angle fermé peuvent être pri-
maires ou secondaires.
Dans cet article, nous nous concentrons principalement sur
le glaucome primaire à angle ouvert (GPAO), la forme la plus
courante dans les pays occidentaux, où l’écoulement de l’humeur
aqueuse est réduit, malg l’absence d’obstruction de l’angle
irido-cornéen.
Glaucome aigu ou chronique
Le glaucome est considéré comme aigu lorsque sa survenue
est soudaine. Il est caractérisé par une élévation de la PIO qui dans
certains cas peut atteindre 70 mm Hg. S’il n’est pas traité de façon
précoce, il se produira rapidement des lésions du nerf optique. Le
glaucome aigu survient généralement dans les cas de glaucome à
angle fermé ou à la suite d’un traumatisme oculaire fer ou
sévère, mais se présente sous d’autres formes, incluant le glaucome
inflammatoire et la crise glaucomatocyclitique (syndrome de Pos-
ner-Schlossman). Le glaucome chronique est de nature plus insi-
dieuse, étant donné qu’il se développera très lentement,
demeurant principalement asymptomatique, et pourrait durer des
années s’il n’était pas traité. Les lésions sont plus progressives.
Glaucome congénital et associé à des troubles de développement
Une minorité de glaucomes sont définis comme étant congé-
nitaux (survenant avant l’âge de 3 à 5 ans)4-6 ou associés à des
troubles du développement (survenant entre 5 et 16 ans)4,7. Une
discussion de ces formes de glaucome dépasserait la portée de cet
article.
Hypertension oculaire
L’hypertension oculaire est une affection où la PIO est régu-
lièrement 21 mm Hg; soit la limite supérieure de l’intervalle de
95 % des valeurs de pressions normales observées dans une popu-
lation occidentale. S’il n’est pas possible d’objectiver cliniquement
une détérioration de la condition visuelle du sujet « hypertendu »
(dommages au niveau anatomique des structures oculaires ou au
niveau fonctionnel - démontrés par des mesures psychophysiques
de vision tel le champ visuel), on ne peut pas alors parler de glau-
come. Ces patients sont classifiés comme suspects de GPAO dans
les lignes directrices de la Socié canadienne d’ophtalmologie
(SCO)8. Il est intéressant de noter que, tel que démont par
l’étude OHTS (Ocular Hypertension Treatment Study)9, sur une
riode de 5 ans, moins de 10 % des sujets psentant unique-
ment une hypertension oculaire (sans autre anomalie oculaire ou
systémique) ont veloppé un GPAO. Il va sans dire que les
patients souffrant d’hypertension oculaire nécessitent tout de
même un suivi particulier. À l’inverse, environ 61 % des glau-
comes primaires à angle ouvert présenteraient une pression
moyenne inférieure à 21 mm Hg10-12. En soi, la PIO n’est pas une
bonne option de dépistage en raison de sa faible sensibilité/spéci-
ficité, ce qui lui donne une valeur prédictivediocre8. Cepen-
dant, on a constaté qu’une PIO élevée était un pdicteur
important du développement d’un GPAO, comme le montre
l’étude OHTS et la Barbados Eye Study13,14, ainsi qu’un marqueur
utile de la progression de la maladie15,16. La Baltimore Eye Survey11
a confir le lien direct existant entre une augmentation de la
PIO et le risque de lésion du nerf optique, et une revue de la litté-
rature par Bahrami17 a fortement démontré qu’il existe une rela-
tion causale entre la PIO et le GPAO. Ces constatations soulignent
que le glaucome est une entité multifactorielle et que la PIO n’est
qu’un facteur dans son développement. Cependant, la PIO repré-
sente plutôt le seul facteur de risque que les traitements médicaux
peuvent modifier à l’heure actuelle.
Épidémiologie
Aps les cataractes, le glaucome est la deuxième cause de
cécité dans le monde, touchant 60 millions dindividus en
200618,19. Les projections indiquent que ce nombre atteindra 80
millions en 202020. Le GPAO serait à l’origine de 12 % des cas de
cidans le monde19. La prévalence de glaucome varie beau-
coup d’une étude à l’autre, mais on peut estimer qu’en Amérique
du Nord, de 45 à 55% des glaucomes sont des GPAO, environ 15 %
sont des glaucomes primaires à angle fermé (GPAF), 30 % sont
des glaucomes secondaires et 5 % des glaucomes seraient congé-
nitaux2. La coalition nationale pour la santé visuelle a indiqué en
2011 quau moins 300 000 Canadiens souffraient de glaucome21.
Dans les pays industrialisés, environ 50 % des individus souf-
frant de glaucome l’ignorent, ne sollicitent pas une évaluation
dicale et ne recevraient pas les soins approprs11,22. Cepen-
dant, le rapport ct-fice ne justifie pas une politique de
santé publique préconisant un dépistage systématique de la mala-
die. On considère plutôt qu’un mode de dépistage opportuniste
par un spécialiste des soins oculaires primaires est la méthode la
plus efficace pour résoudre ce problème.
Facteurs de risque
Les facteurs de risque les plus importants du GPAO sont l’âge,
les races noire et hispanique, une PIO élevée, une histoire familiale de
glaucome, la myopie et une faible pression de perfusion diastolique
(Tableau 1)8,11,22-31. Tuck et coll29 ont démont qu’un âge plus grand
que 55 ans est associé à une augmentation significative de la préva-
lence du GPAO, qui atteint un taux maximal (4,3 %) chez les sujets
âgés plus de 80 ans. La Blue Mountain Eye Study30 a révélé un taux de
2
GPAO près de deux fois plus élevé (8,2 %) dans le même groupe
d’âge > 80 ans. Les Noirs présentent un risque 4 à 5 fois plus élevé
que les Caucasiens24, et le risque relatif pour les Hispaniques se situe
entre ceux des deux populations. Les taux de prévalence déterminés
par Rudnicka et coll23 étaient de 4,2 % pour les Noirs, de 2,1 % pour
les Blancs (incluant les Hispaniques) et de 1,4 % pour les Asiatiques.
Ils ont également constaté que les Blancs présentaient le rapport de
risque (odds ratio) le plus élevé par augmentation en une décennie
du GPAO (2,1) comparativement aux Noirs et aux Asiatiques (1,6
respectivement). Des antécédents familiaux positifs sont associés à
un risque 3,7 fois plus élevé24. D’autres facteurs de risque incluent
l’allongement de l’excavation du nerf optique, l’amincissement de la
cornée (associé à un amincissement de la lame criblée) et la réduc-
tion du flux sanguin vers le nerf optique, l’hypertension artérielle, le
diabète, les migraines et la forte myopie (longueur axiale accrue).
Tests diagnostiques
Le diagnostic de glaucome est fondé sur des modifications
anatomiques atrophiques, plus spécifiquement à la limite externe
du globe oculaire. Nous décrivons en détail ci-dessous les exa-
mens et les tests que les optométristes peuvent effectuer afin de
poser le bon diagnostic.
Examen de la tête du nerf optique
et des fibres nerveuses ganglionnaires
Plusieurs outils cliniques sont disponibles pour évaluer l’in-
tégrité de la papille optique. L’examen à la lampe à fente combi-
née à une lentille positive au fond de l’œil (60, 78, 90D) permet
une observation maximale stéréoscopique de la papille lorsque
l’iris est dila. Cet examen est indispensable pour observer les
modifications subtiles de late du nerf optique. Ces change-
ments peuvent se présenter sous différentes apparences : allonge-
ment localisé ou diffus de lexcavation papillaire, atrophie
ripapillaire ou encore modification des vaisseaux sanguins.
Le rapport excavation/papille est exprimé par la fraction de la
grandeur de l’excavation papillaire par rapport au diamètre total
de la tête du nerf optique. Ce diamètre est un facteur important
lorsqu’on évalue lexcavation papillaire puisqu’un grand nerf
optique produira une plus grande excavation physiologique com-
parativement à un plus petit nerf optique. Le rapport excava-
tion/papille est stable dans le temps. Une perte progressive des
axones du nerf optique produira un agrandissement localisé ou
rali du rapport excavation/papille. Cet agrandissement,
lorsque présent, est quasi-pathognomonique du glaucome, car
seules certaines conditions cliniques exceptionnelles telles que
l’artérite temporale, certaines tumeurs orbitaires, des affections
de la carotides peuvent également en être la cause. Puisque les
excavations sont habituellement bilatérales et symétriques, une
asymétrie de plus de 0,2 entre les yeux combiné à des diamètres
de nerf optique similaires est considéré suspecte pour le glau-
come. Lagrandissement de la papille est plus rapide en surface
par rapport à la profondeur. Lorsque la profondeur de l’excava-
tion augmente, on peut observer le « laminar dot sign » dû à l’ex-
position de la fenestration de la lame criblée.
Lintégride l’anneau neuro-rétinien est évaluée en obser-
vant la couleur, l’épaisseur de la couche des fibres ainsi que le res-
pect de la règle « ISNT ». Cette gle empirique stipule que
l’anneau neurorétinien possède sa portion la plus large dans la
portion inférieure (I) suivi par la section supérieure (S), le côté
nasal (N) et finalement le côté temporal (T). Le non-respect de la
règle « ISNT » et/ou une désaturation blanchâtre de la coloration
de l’anneau neuro-rétinien sont des signes caractéristiques des
atrophies optiques glaucomateuses.
L’hémorragie en flammèche de Drance est une des modifica-
tions vasculaires observées dans le glaucome. Ces hémorragies
sont discrètes, uniques et sont situées immédiatement au bord du
nerf optique et suivent l’architecture gulre des fibres ner-
veuses ganglionnaires. Elles sont linéaires et peuvent être confon-
dues avec un vaisseau sanguin. Le signe de baïonnette tant qu’à lui
est visible lorsquon perd le trajet du vaisseau sanguin au bord
profond de l’excavation et qu’on le retrouve décalé par rapport à
3
Tableau 1 : Facteurs de risque et signes de la présence
d’un glaucome à angle ouvert avec un niveau de preuve 1
Facteurs et signes de risque oculaire
PIO
PIO de base élevée
Disque optique
Non-respect de la règle ISNTa
– Diamètre accru du disque optique
– Atrophie parapapillaire
– Hémorragie au niveau du disque
PXF
ECC réduite
Dispersion pigmentaire
Myopie
Pression de perfusion oculaire réduite
Facteurs de risque non oculaires
Vieillissement
Origine africaine
Origine hispanique
Antécédents familiaux
Génétique
– Myocilline
– Optineurine
– Apolipoprotéine
Migraine
Corticostéroïdes
I
N
S
T
Figure 1 : Règle de l’ISNT. Dans une papille normale, l’anneau
neuro-rétinien est plus large en inférieur suivi en ordre
décroissant la portion supérieure, nasale et temporale. Le
schéma montre également un vaisseau circum-linéaire non
exclu dans la zone inférieur du disque optique.
aRègle ISNT; la majorité des disques optiques normaux ont un bord
neurorétinien d’une épaisseur en ordre décroissant—inférieur,
supérieur, nasal, temporal.
Reproduit avec la permission de la Société canadienne d’ophtalmologie
– Lignes directrices de pratique clinique pour la prise en charge du
glaucome chez l’adulte fondées sur des données probantes. Can J
Ophthalmol. 2009;44(Suppl 1):S7-S54. Copyright © 2009, Société
canadienne d’ophtalmologie.
son origine au bord de l’excavation. Finalement, on peut observer
l’exclusion d’un vaisseau circum-linéaire. Ce dernier est une
petite artériole ou une veinule qui se localise au bord interne de
l’anneau neuro-rétinien avant de se diriger vers la macula. On la
retrouve dans 50 % des papilles normales (Figure 1).
Enfin, on distingue 2 types d’atrophie péripapillaire. La zone b
correspondant au croissant temporal rencontré souvent chez les
myopes (sclère et vaisseaux choroidiens) et la zone α, située en
périphérie de la zone bcorrespondant à une combinaison d’hyper-
et hypopigmentation. Ces zones sont plus larges chez les patients
atteins de glaucome par rapport à une population normale32,33.
Gonioscopie
La gonioscopie est un examen essentiel dans le diagnostic et
le traitement de tous les types de glaucome. Sa principale fonction
est d’évaluer l’angle irido-cornéen (ouvert ou fer)8,34,35. La
gonioscopie est également utilisée pour exclure un glaucome néo-
vasculaire, la présence de pseudoexfoliation et toutes les autres
modifications anatomiques de l’angle irido-coren qui pour-
raient entraîner un glaucome2. La gonioscopie doit également être
réalisée lors des évaluations de suivi des patients atteints de glau-
come avéré. Le DrWallace Alward a créé un site Web très instruc-
tif sur la gonioscopie (http://www.gonioscopy.org).
Tonométrie
Puisque la seule option trapeutique pour contrôler les
dommages du nerf optique dans le glaucome demeure la diminu-
tion de la PIO, il va de soi que cette technique devient inévitable
pour le suivi des patients et l’établissement de la pression cible
visée par les difrentes modalis thérapeutiques. Il existe un
grand nombre de tonomètres sur le marché. Le tonomètre à apla-
nation Goldman dévelop en 1957 demeure toutefois la-
rence lorsqu’il s’agit de mesurer la PIO. Étant donque la PIO
subit des variations diurnes importantes, il est essentiel de
prendre plusieurs mesures à des heures différentes pour valider
une PIO élevée.
Pachymétrie
Il a édémontré que l’épaisseur cornéenne centrale (ECC)
est un facteur important dans le diagnostic du glaucome31,36 et
que la PIO est influencée de façon significative par l’épaisseur de
la cornée. De fon générale, plus la cornée est mince, plus la
valeur mesurée de PIO sera sous-évaluée. Il est suggéré de mesu-
rer l’épaisseur cornéenne centrale chez tous les patients, à tout le
moins systématiquement chez les patients dont le glaucome est
soupçonné ou confirmé, avec ou sans hypertonie oculaire8,34,35.
L’ECC est mesurée au moyen de la pachymétrie. Les instruments
ultrasoniques sont recommandés par rapport aux instruments
optiques, et ceux-ci sont précis, largement disponibles, peu coû-
teux, transportables et peuvent être utilisés lorsque la cornée est
opaque8. Il nexiste pas de formule précise acceptée par la com-
munauté scientifique permettant de faire la corrélation entre la
PIO et la pachymétrie, mais les tableaux de conversion élaborés
dans l’industrie indiquent qu’une modification de 1 mm Hg peut
être approximativement estimée par tranche de 15 m de change-
ment d’épaisseur. Il faut connaître les facteurs qui peuvent modi-
fier l’ECC, notamment la mesure dans les 2 heures suivant le
réveil du patient, la sécheresse oculaire, la dystrophie endothéliale
de Fuchs, le port prolongé de lentilles de contact et l’usage d’ana-
logues de la prostaglandine36.
Rigidité cornéenne
Une rigidité cornéenne relative peut être évaluée au moyen
d’un analyseur de la réponse oculaire. Cet appareil « corrige » la
mesure de la PIO par rapport à la résistance/rigidité et à l’épais-
seur du tissu cornéen. Certaines études ont montré qu’une cornée
faible est associée à une lame criblée plus faible, ce qui entraîne un
plus grand risque pour le patient lorsque sa PIO devient élevée37.
Périmétrie
Plusieurs appareils automatis mesurant le champ visuel
existent actuellement sur le marché. Ceux permettant la mesure
de seuils dans les 30° centraux (blanc-sur-blanc) sont considérés
comme le standard de pratique chez les patients suspects ou
atteints de glaucome. La mesure automatisée du champ visuel
permet de détecter les pertes fonctionnelles et d’établir un point
de référence pour évaluer l’évolution de la maladie dans le temps.
Afin d’obtenir des valeurs fiables et de tenir compte de la courbe
dapprentissage, il est recommandé de répéter les premières
mesures. Cependant, jusqu’à 50 % des axones de la TNO peuvent
être endommagés avant quun examen périmétrique automatisé
standardtecte une perte visuelle38. La majorité des appareils
d’aujourd’hui possèdent des logiciels d’analyse statistique inté-
grés afin de mettre en évidence l’évolution des changements du
champ visuel dans le temps.
Une autre approche pour la détection des pertes de champs
attribuables au glaucome est laritrie SWAP (short-wave-
length automated perimetry) qui utilise une cible bleue sur un
fond illuminé jaune39. Cette technologie est plus sensible que la
rimétriegulière, mais est parfois difficile à réaliser chez les
personnes âgées présentant des modifications d’indices de réfrac-
tion au niveau du cristallin.
Un deuxième type de champs visuel rapide et peu dispen-
dieux souvent utilisé cliniquement est la périmétrie par doublage
de fréquence. Bien que ts sensible et ts scifique pour le
pistage du glaucome par rapport à la périmétrie automatisé
standard, cet appareil possède des lacunes pour le suivi dans le
temps des atteintes du champ visuel40-44.
Imagerie médicale : analyseurs de la TNO
et de la couche de fibres nerveuses rétiniennes
Tomographie par cohérence optique (TCO)
La TCO est la technique la plus utilisée cliniquement dans
l’analyse des neuropathies optiques de nature glaucomateuse.
L’utilisation d’un interféromètre à cohérence optique permet de
réaliser in vivo des coupes rétiniennes de résolution quasi-histolo-
gique (< 10 μm) et ce malg une pupille non-dilatée et des
milieux oculaires lérement opaques45. Une base de données
normative tenant compte de l’âge et de l’ethnicité permet de com-
parer les paramètres du nerf optique du patient avec ceux d’une
population définie. Un logiciel statistique intégré permet de mon-
trer, à l’aide de graphes, l’évolution de la condition dans le temps.
La TCO du segment antérieur peut également aider le prati-
cien à déterminer la structure de l’angle irido-cornéen. Cet exa-
men fournit non seulement une vue précise de l’angle, mais il aide
également à quantifier l’angle et son évolution dans le temps. La
technologie de Scheimpflug est également un instrument utile qui
fournit un calcul automatide l’angle, du volume et de la pro-
fondeur de la chambre antérieure. La TCO du segment antérieur
et la technologie de Scheimpflug permettent également l’évalua-
tion de la pachymétrie cornéenne, mais sur toute la surface de la
core. Comparativement à la pachytrie ultrasonique, cette
cartographie pourrait également être utile dans les cas de cornée
extrêmement irrégulière.
La polarimétrie à balayage laser (GdxVCC)
La polarimétrie à balayage laser est une autre technique
d’imagerie qui permet de mesurer de façon objective l’épaisseur
4
des fibres nerveuses ganglionnaires péripapillaires et de les com-
parer avec une population de sujets sains. La technique utilise un
phénone de bifringences des axones des fibres ganglion-
naires afin de mesurer le retard de phase de la lumière polarisée.
Le délai induit est directement proportionnel à l’épaisseur des
fibres ganglionnaires. Cette technique est fiable et reproductive.
L’appareil analyse 17 paramètres et les compare avec une base de
données. Un score de probabilité (nerve fibre indicator) est ensuite
calculé afin de faciliter l’analyse des paramètres.
L’ophtalmoscope confocal
Plusieurs images séquentielles parallèles sont capturées à dif-
férentes profondeurs, butant au-dessus de la surface de la
rétine. Une fois les images alignées, le logiciel crée une image tri-
dimensionnelle du nerf optique. Le diagnostic et la détermination
du degré de progression sont facilités par un logiciel facile d’utili-
sation. Les résultats impris sont faciles à lire et peuvent être
comparés statistiquement de visite en visite afin de détecter des
changements subtils pouvant se développer au nerf optique.
Photographie oculaire
Peu coûteuse, cette technique (sréoscopique ou non)
demeure une méthode simple de documenter la papille optique
afin d’identifier une éventuelle évolution de la maladie dans le
temps. En effet, l’agrandissement de l’excavation de la papille, qui
est une manifestation de l’atrophie progressive des fibres ganglion-
naires, sera plus aisément dépispar une comparaison dans le
temps des images de la papille. Cette technique permet une bonne
visualisation de la TNO et facilite le diagnostic de l’hémorragie de
Drance. D’ailleurs les logiciels d’acquisition d’images permettent
aujourd’hui une comparaison facile des photos. Cependant, la
majorité des études réalisées jusqu’à présent n’ont révéqu’un
accord faible à modéré parmi les experts dans l’évaluation des
modifications progressives par la photographie du disque optique,
seulement quelques-uns montrant un accord bon à excellent8.
Traitement
Stratégie de traitement
La première étape du traitement est l’identification du stade
de la maladie. Le Canadian Glaucoma Strategy Forum définit 4
stades cliniques de GPAO23 (tableau 2)46. La gradation de ces
stades indique un niveau croissant de risque de perte de vision
fonctionnelle. En conséquence, un traitement plus agressif sera
associé aux stades plus avancés de la maladie. Les objectifs fixés
doivent également tenir compte de l’espérance de vie du patient,
des facteurs de risque, des variations diurnales de la PIO et de l’at-
titude du patient face au traitement (observance).
Traitement pharmacologique
À l’heure actuelle, le seul facteur de risque de GPAO sur lequel
une intervention médicale peut avoir un effet est la PIO. L’étude
OHTS9a néanmoins démontré qu’une réduction de la PIO par des
moyens pharmacologiques permet de duire le risque de conver-
sion de simple hypertonie oculaire à GPAO de moitié (4,4 % vs
9,5 % dans le groupe d’observation; p < 0,0001). Les lignes direc-
trices de la SCO recommandent l’établissement d’une limite supé-
rieure pour la PIO cible initiale pour chaque œil et une
réévaluation lors des visites de suivi sur la base des modifications
structurelles/fonctionnelles du nerf optique8. Il existe plusieurs
classes de médicaments qui permettent un contrôle de la PIO.
Analogues de prostaglandine
Les analogues de la prostaglandine sont les gouttes prescrites
en première intention, à l’heure actuelle, pour le traitement du
glaucome. Ils se sont montrés plus efficaces pour abaisser la PIO
que les bêta-bloquants et ont entraîné des effets indésirables sys-
témiques moins nombreux47-49. Les principales molécules dispo-
nibles sont le latanoprost 0,005%, le travoprost 0,004% et le
bimatoprost 0,03% ; la posologie est 1 goutte h.s. Le mécanisme
d’action est une augmentation de l’évacuation uvéo-sclérale. La
réduction moyenne de PIO serait de 28 à 33%8. Les effets systé-
miques oculaires sont l’allergie, changements de pigmentation de
l’iris, l’hypertrichosis et la périorbitopathie (atrophie des graisses
périorbitaires, plus rare).
Bêta-bloquants
Les bêta-bloquants abaissent la PIO par une réduction de la
production d’humeur aqueuse. Des agents sélectifs (betaxolol) ou
non lectifs (timolol, lévobunolol) peuvent être utilis, tous
étant disponibles à des concentrations de 0,25 % ou 0,5 %. Le
mécanisme d’action est une réduction de la production d’humeur
aqueuse. La duction de PIO moyenne est de 20 à 30 %8. Ce
dicament est contre-indiqué chez les patients souffrants de
problèmes bronchorespiratoires, mais aussi chez certains patients
atteints de maladies cardio-vasculaires et également chez des
sujets hypoglycémiques.
5
Tableau 1 : Les 4 stades cliniques de glaucome primaire à angle ouvert23
Stade Éléments Objectifs de traitement avec
décision de traiter
1– Suspect de
glaucome
PIO 22 mm Hg
Asymétrie du rapport e/p vertical > 0.2 entre les deux yeux
Aspect suspect de la papille
Défaut du champ central suspect
20% de réduction de la PIO
PIO finale < 25 mm Hg
2– Glaucome
débutant
Légère modification glaucomateuse de l’excavation avec e/p 0.65 pour un nerf
optique de diamètre moyen
Défaut du champ visuel léger à l’extérieur des 10° centraux
20% de réduction de la PIO
PIO finale < 21 mm Hg
3– Glaucome
modéré
Modification glaucomateuse modérée de l’excavation avec rapport e/p entre
0.7–0.85
Défaut du champ visuel moyen à l’extérieur des 10º centraux
30% de réduction de la PIO
PIO finale < 18 mm Hg
4– Glaucome
avancé
Importante modification glaucomateuse de l’excavation avec rapport e/p 0.9
Défaut du champ visuel à l’intérieur des 10º centraux
30% de réduction de la PIO
PIO finale < 15 mm Hg
PIO = pression intraoculaire ; e/p = excavation / papille
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