
L. Fardet et al. / La Revue de médecine interne 30 (2009) 113–118 117
évalué prospectivement cette fréquence après trois mois d’une
corticothérapie systémique prescrite initialement à fortes doses
(≥0,5 mg/kg) [8]. Au moins un effet indésirable était observé
chez 57 des 80 patients inclus dans cette étude (71 %). Parmi
ces 57 patients, 53 se disaient gênés ou très gênés dans leur vie
quotidienne par ces effets indésirables. Des troubles neuropsy-
chiatriques étaient rapportés par 52 % des patients et étaient cités
comme le deuxième effet indésirable le plus gênant dans la vie
quotidienne, derrière les modifications morphologiques (lipo-
dystrophie et prise de poids) [8]. Nous constatons donc que les
résultats obtenus grâce à l’étude actuelle, transversale, sont rela-
tivement comparables à ceux obtenus lors de l’étude prospective
précédente.
Notre travail montre une discordance importante entre
l’opinion des médecins et le vécu des patients concernant les
troubles neuropsychiatriques et l’insomnie. Puisque, concernant
la fréquence de ces effets indésirables, les données obtenues
auprès des 115 patients qui ont répondu à notre questionnaire
sont relativement superposables à celles disponibles dans la litté-
rature [9–13], nous pensons que ces troubles de l’humeur doivent
être mieux pris en compte par les praticiens afin d’améliorer
la prise en charge des patients recevant une corticothéra-
pie systémique prolongée. S’il n’existe, à notre connaissance,
aucune mesure adjuvante permettant de prévenir l’apparition de
ces manifestations neuropsychiatriques, les patients doivent au
moins pouvoir bénéficier d’une information détaillée concer-
nant ces effets indésirables. Par ailleurs, les patients doivent être
régulièrement évalués au cours du traitement afin de pouvoir
éventuellement bénéficier d’une prise en charge adaptée.
Notre travail présente plusieurs limites. Premièrement,
concernant les praticiens il est possible que les 477 médecins
internistes qui n’ont pas répondu à notre questionnaire aient des
pratiques médicales très différentes des 336 qui l’ont fait. On
peut ainsi penser que ces praticiens n’ont pas souhaité répondre
au questionnaire car ils ne prescrivaient pas de corticothérapie
prolongée. Nous avons mené une enquête brève auprès des non-
répondeurs mais seules dix réponses ont été obtenues, ce qui
est largement insuffisant pour tirer des conclusions pertinentes.
Puisqu’il est probable que l’impression des praticiens concer-
nant les effets indésirables d’une corticothérapie dépend de leur
expérience, nos résultats pourraient avoir été biaisés par un taux
de non-réponse élevé. Cependant, il faut noter que l’étendue des
niveaux d’expérience des médecins ayant répondu à ce ques-
tionnaire est large tant en terme de durée d’exercice que de
nombre de patients suivis recevant une corticothérapie systé-
mique prolongée. En ce sens, nous pensons que nos résultats
reflètent la perception (ou l’opinion) générale des internistes
franc¸ais. Deuxièmement, il faut souligner que le questionnaire
soumis aux patients n’a permis de colliger que des informations
déclaratives. A aucun moment, la présence ou l’absence des
effets indésirables n’a été confirmée par un médecin. Puisque
l’on sait que les effets indésirables des corticothérapies sys-
témiques sont bien connus des patients, qu’ils soient ou non
traités par corticoïdes [6], la fréquence de certains effets indési-
rables a ainsi pu être surestimée. Il est par exemple envisageable
que, pour des effets indésirables bien connus des patients tels
que la prise de poids ou la lipodystrophie [6], la fréquence
rapportée soit supérieure à la fréquence réelle. Cependant, les
résultats que nous obtenons ici en interrogeant les patients à
l’aide d’un questionnaire sont peu différents de ceux que nous
avons obtenus à l’aide d’un examen médical systématique réa-
lisé après trois mois de traitement [8]. Troisièmement, seuls
les patients d’un centre ont été interrogés et ces patients ne
sont peut-être pas représentatifs de tous les patients traités par
corticoïdes en termes d’âge, d’ethnie ou de pathologie. Cepen-
dant, on observe qu’en ce qui concerne les diagnostics portés
par les médecins (diabète, hypertension artérielle...), les fré-
quences estimées par les praticiens franc¸ais et celles rapportées
par les patients du centre concordent. On peut donc penser que
la majorité des patients recevant une corticothérapie systémique
prolongée en France sont peu différents des patients inclus dans
cette étude.
Quoiqu’il en soit et malgré ces limites méthodologiques,
cette étude a montré que la fréquence et la gêne induite par
certains des principaux effets indésirables d’une corticothérapie
systémique semblaient sous-estimées par les praticiens. Puisque
l’on sait que la crainte des effets indésirables est la raison la
plus fréquemment citée par les patients qui se disent réticents
à recevoir une corticothérapie [6] et que la présence d’effets
indésirables altère l’observance thérapeutique au cours de la
plupart des thérapies prolongées (traitement anti-hypertenseur,
traitement antirétroviral, traitement psychotrope...)[14–23],
il est possible que la gêne induite par les effets indésirables
du traitement altère la compliance à la corticothérapie. La
sous-estimation de cette gêne par les praticiens fait qu’ils
n’appréhendent peut-être pas de manière adéquate les raisons de
l’inobservance.
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