10 Actualités de réadaptation cardiaque et de prévention de la maladie cardiovasculaire
Notre étude
Notre évaluation repose sur une liaison entre plusieurs bases
de données : base de données des hospitalisations en C.-
B. (victimes d’infarctus aigu du myocarde), statistiques de
l’état civil (tous décès confondus) et PharmaCare (registre
d’utilisation des médicaments chez les 65 ans et plus en
Colombie-Britannique). L’étude s’est déroulée de 1997 à
2002.
La population à l’étude regroupait tous les résidents de la
C.-B. âgés de 65 ans et plus, vivants au moment de leur congé
après une hospitalisation consécutive à un infarctus aigu du
myocarde. Ont été exclus les patients qu’on a transférés à
un centre de soins de longue durée, ceux qui sont décédés
dans les 120 jours suivant l’obtention du congé et ceux
qui n’adhéraient pas au régime d’assurance-médicaments
PharmaCare au cours des 120 jours suivant l’obtention du
congé. La cohorte finale comptait donc 7 487 patients.
Comme l’AAS est couramment obtenu sans ordonnance,
son utilisation n’est pas représentée fidèlement dans le
registre PharmaCare. Notre analyse s’est donc concentrée
sur les bêtabloquants, les statines et les inhibiteurs de
l’ECA. Aux fins de notre analyse, la prise de médicaments
avant l’hospitalisation correspondait à l’exécution de toute
ordonnance au cours des 120 jours précédant l’admission.
De même, la prise de médicaments après l’hospitalisation
correspondait à l’exécution de toute ordonnance au cours
des 120 jours suivant l’obtention du congé.
Les facteurs, cliniques et autres, pouvant être associés à
l’exécution d’une ordonnance ont été examinés d’abord au
moyen d’une analyse unidimensionnelle, puis à l’aide d’un
modèle de régression logistique multivariable. Les patients
étaient jugés admissibles à la prise des 3 médicaments s’ils
n’avaient pas présenté d’hépatopathie (non admissibles aux
statines) ni de MPOC (non admissibles aux bêtabloquants)
pendant leur séjour à l’hôpital. Ainsi, chez le patient
souffrant à la fois d’hépatopathie et de MPOC, le traitement
médicamenteux optimal n’inclurait qu’un seul des 3 agents
possibles (soit l’inhibiteur de l’ECA), tandis que chez le patient
qui ne présente aucune de ces affections, il comprendrait les
3 agents. On a également examiné le lien entre la prise de
médicaments éprouvés en médecine factuelle et le taux de
mortalité ou d’infarctus aigu du myocarde à 1 an.
Nos observations
D’après notre évaluation des contre-indications, 92 % des
sujets étaient admissibles à la prise des 3 médicaments et les
8 % restants, à la prise de 2 médicaments. Après 120 jours,
seuls 20 % des sujets avaient fait exécuter les ordonnances
des 3 médicaments; 34,5 % en avaient fait exécuter 2, et
30 %, une seule. Mais le plus inquiétant, c’est que 15,5 %
des sujets n’avaient fait exécuter aucune des 3 ordonnances.
La bonne nouvelle, c’est qu’on a observé une
augmentation significative de l’utilisation de ces agents entre
1997 et 2001. L’emploi des inhibiteurs de l’ECA est passé de
51,5 à 71,2 %; celui des bêtabloquants, de 54,4 à 66,1 % et
celui des statines, de 35,2 à 52,7 %; le taux d’emploi optimal
des médicaments est passé de 14,7 à 35,4 %.
« … on a observé une augmentation
significative de l’utilisation de ces agents
entre 1997 et 2001. »
Fait intéressant, l’utilisation des bêtabloquants et des
statines chutait significativement avec l’âge, tandis que
l’utilisation des inhibiteurs de l’ECA n’était pas affectée par
ce facteur. Par exemple, on a prescrit des statines à 57 % des
65 à 74 ans, mais à seulement 10,7 % des sujets de 85 ans et
plus. On a également remarqué des différences relatives au
sexe; les femmes étaient significativement plus susceptibles
que les hommes de recevoir des inhibiteurs de l’ECA (60,4 %
vs 56,1 %), mais moins susceptibles de se faire prescrire des
statines (39,1 % vs 43,5 %). Quant à l’emploi optimal des
médicaments, le taux d’utilisation était, quoique légèrement,
significativement plus élevé chez les hommes que chez les
femmes (22,6 % vs 20,1 %).
Outre l’augmentation significative de la prise de
médicaments au fil du temps, la prise antérieure de
bêtabloquants, d’inhibiteurs de l’ECA ou de statines a été
le facteur ayant influé le plus fortement sur les traitements
médicamenteux subséquents. Chez les patients qui avaient
déjà été traités par les agents éprouvés en médecine factuelle,
la prescription de ces derniers après l’obtention du congé
ne variait pas selon la spécialité du médecin prodiguant les
soins cardiaques. Cependant, l’instauration d’un traitement
chez les patients qui n’avaient jamais reçu ces agents
dépendait fortement de la spécialité du médecin traitant.
Cette corrélation, qui a été observée avec les 3 agents, a été
la plus étroite avec les statines (figure 1). Comparativement
aux cardiologues, les internistes et les omnipraticiens étaient
moins susceptibles de prescrire les agents éprouvés aux
patients qui n’en avaient jamais pris.
La présence d’insuffisance cardiaque s’est également
révélée un facteur prédictif indépendant de l’utilisation
d’inhibiteurs de l’ECA (rapport de cotes [odds ratio] de 2,25
comparativement à l’absence d’insuffisance cardiaque).
Comme l’illustrent les courbes de Kaplan-Meier
(figure 2), le devenir des patients à qui l’on a prescrit le
traitement optimal a été significativement plus favorable
que celui des patients qui prenaient moins de médicaments
ou des agents non éprouvés en médecine factuelle. Dans
un modèle de hasards proportionnels multivariable,
les traitements sous-optimaux et à base d’agents non
éprouvés ont été associés à une augmentation du risque
de mortalité et d’infarctus aigu du myocarde de 38 et de
52 %, respectivement, comparativement au traitement
médicamenteux optimal. Ces données ont été corrigées
pour tenir compte des affections concomitantes (diabète,
insuffisance cardiaque, MPOC, insuffisance rénale et AVC),
de l’âge et du sexe.