Revue Médicale Suisse
www.revmed.ch
25 mars 2009 693
Il y a banque et banque de données…
nistration de statines et d’inhibiteurs de
l’enzyme de conversion, deux types de
médicaments dont l’effet préventif favo-
rable sur le pronostic de la maladie coro-
narienne ne fait guère de doute, était
d’autant plus bas que le risque d’issue
mortelle était élevé : c’est le paradoxe
risque-traitement dont fait état le titre
de l’article. Pour le quidam moyen, en ef-
fet, il paraîtrait logique
d’adapter la prescrip-
tion de médicaments
aurisque. Or c’est le
contrairequi fut rele-
! Ce paradoxe con-
cernait surtout ces mé-
dications préventives,
ainsi que l’aspirine à
un moindredegré, mais
non les nitrates, anticalciques et bêtablo-
quants qui agissent sur les symptômes.
Deuxième constatation :lorsque cette
prescription apparemment insuffisante de
statines et d’inhibiteurs de l’enzyme de
conversion était corrigée pour la présence
d’un état dépressif et/ou d’une diminution
de la performance fonctionnelle, elle se
normalisait et le paradoxe disparaissait.
Ce qui aurait pu êtrepris pour un simple
et indiscutable manque de qualité de la
part des médecins traitants devenait quel-
que chose de plus complexe, que les
informations généralement disponibles
dans les banques de données ne per-
mettaient pas de décoder.Deux explica-
tions furent proposées : le corps médical
pourrait, face à des patients dépressifs,
renoncer à faireprévaloir l’intérêt d’un
traitement à visée préventive ou ne le faire
qu’avec une molle insistance. Il est en
effet connu qu’une imprégnation psychia-
trique des patients altèresubstantielle-
ment le comportement de leurs médecins
et aboutit parfois à une prise en charge
inadéquate. Il y aurait aussi, en ce cas,
déficit de prise en charge, mais autre en
serait la raison. L’autrehypothèse, et les
chercheurs canadiens semblent lui ac-
corder leur préférence, serait une absence
d’adhésion des patients et leur non-obser-
vance pour ce type de thérapie, qui con-
trasterait avec leur attitude plus docile
vis-à-vis des médicaments qui agissent
sur les symptômes. Il paraît logique en
effet d’attribuer aux patients la cause de
ce comportement différentiel vis-à-vis de
ces deux classes de médicaments.
Quelle que soit la cause de ce phéno-
mène, une conclusion demeure:les ban-
ques de données socio-démographiques
et médicales conventionnelles permettent
peut-êtred’identifier des situations anor-
males, mais ne sont pas toujours capa-
bles de les expliquer correctement. Des
analyses plus fines, portant sur d’autres
éléments jusqu’alors négligés, telles la
tendance dépressive et la capacité phy-
sique fonctionnelle, permettent un diag-
nostic plus fin qui relativise, voire infirme
le jugement initial. Et il est permis de
penser que d’autres composantes de la
situation médicale du patient non encore
explorées peuvent aussi affecter la prise
encharge. A un mo-
ment où, dans la bou-
che des responsables
administratifs et des
caisses-maladie, l’ex-
pression «contrôle de
qualité» est synonyme
de parole d’évangile,
l’utilisation systémati-
que de banques de
données inappropriées ou insuffisamment
nuancées devrait être considérée avec un
esprit sainement critique et susciter un
doute raisonnable sur la validité de leurs
conclusions. Il en est sans doute de mê-
me des «Diagnosis Related Groups (DRG)»
sur la base desquels le remboursement
des séjours hospitaliers va s’effectuer,
DRG dont sont absentes les dimensions
psychologiques des patients. A ce titre,
il est rassurant et encourageant pour les
médecins, trop souvent considérés com-
me des fauteurs de trouble par ces orga-
nismes si gourmands en données, de
savoir que l’analyse de la prise en charge
des malades ne peut se résumer à la
prise en compte de seuls éléments pré-
tendument objectifs parce que colligés
dans de gigantesques fichiers, mais qu’elle
dépend également des infinies variations
de la personnalité des sujets et de leurs
réactions. Une lapalissade pour beaucoup
de praticiens sans doute, mais une vérité
que devraient méditer nos gestionnaires
de santé.
Pr Alain F. Junod
10B, chemin Rojoux
1231 Conches
Sous la pression des structures pu-
bliques ou privées qui assurent le
financement des soins, les ban-
ques de données sont devenues un outil
largement utilisé pour évaluer la qualité de
la prise en charge des patients. A partir
detoute une série d’informations, tant ad-
ministratives que médicales, des scores
ont été développés et validés, qui défi-
nissent des catégories de risque, un pro-
nostic. Les diverses modalités de traite-
ment de la maladie coronarienne après
coronarographie n’ont pas échappé à cette
tendance, j’oserais presque parler de mo-
de. Suivant l’âge du patient, le nombre
delésions coronariennes, son passé mé-
dical, ses comorbidités, etc., il est ainsi
possible de lui attribuer un risque d’issue
mortelle bas, moyen ou élevé. Des chiffres
de mortalité trop élevée pour la catégorie
de bas risque devraient attirer l’attention
des responsables médicaux sur un pos-
sible problème de qualité, d’où l’utilisation
de ces scores comme un outil de con-
trôle de cette dernière. Ces index de ris-
que ont toutefois des faiblesses, la plus
importante d’entreelles étant une relative
imprécision pour un patient individuel. Leur
utilisation comme critèrede qualité devrait
donc êtreréservée à des groupes numé-
riquement suffisamment importants de
patients. Mais, même dans ce cas, les
banques de données peuvent se mé-
prendre ou induire des conclusions falla-
cieuses, c’est ce que nous apprend un
récent article dans les Archives of Internal
Medicine.
Les meilleures conditions de succès
étaient apparemment réunies dans cette
étude qui va vous être relatée : elle vient
d’Alberta (Canada), elle est récente (pa-
tients enregistrés entre2004 et 2005), elle
porte sur plus de 3800 sujets soumis à une
coronarographie montrant une sténose d’au
moins 50% d’au moins un vaisseau, elle
répond au doux acronyme APPROACH
laissant entrevoir des dispositions d’es-
prit plutôt favorables.1Utilisant le bien con-
nu Duke Coronary Index score, elle sé-
para ses patients en trois groupes :celui
àbas risque (3% de mortalité à un an),
alors que les moyens et hauts risques
présentaient une mortalité de 7 et 11%.
Pour approfondir ses connaissances sur
ses patients, elle les soumit à d’autres
questionnaires, dont le non moins connu
Seattle Angina Questionnairequi donne
des indications sur la performance phy-
sique fonctionnelle, l’inamovible EuroQol
5D qui porte sur la qualité de vie et l’iné-
vitable CES-D qui mesure sur une échelle
appropriée l’intensité d’un état dépressif.
Nos auteurs firent tout d’abordla cons-
tatation surprenante que le taux d’admi-
doutes et certitudes
Bibliographie
1McAlister FA, et al. Exploring the treatment-
risk paradoxin coronarydisease.Arch Intern
Med 2007;167:1019.
00 Revue Médicale Suisse
www.revmed.ch
25 mars 2009
«… le taux d’adminis-
tration de statines et
d’inhibiteurs de l’enzyme
de conversion était
d’autant plus bas que le
risque d’issue mortelle
était élevé …»
34022_693.qxp 19.3.2009 8:57 Page 1
1 / 1 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !