Qui se souvient de la Grèce

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 9 février 2017
Qui se souvient de la Grèce ?
La crise économique de la Grèce ne fait plus partie des manchettes concernant l’Europe. Elle a été supplantée par d’autres
sujets : les négociations prochaines du Brexit, les conséquences de l’élection de Donald Trump, le calendrier électoral
européen, la menace terroriste et la poursuite de la crise des migrants. Mais si elle n’est plus sous les feux de la rampe
médiatique, la crise grecque continue de faire rage sans faiblir.
L’économie grecque encore au bord du gouffre
À première vue, on pourrait penser que le pire est passé pour la Grèce. Le FMI prévoit que son économie, qui a rétréci
d’environ 25% − c’est-à-dire sensiblement autant que l’économie américaine pendant la dépression des années 1930 −,
croîtra de 2.7% en 2017. Mais pour beaucoup de Grecs, cette projection de reprise n’est rien de plus qu’un mirage.
Le chômage se maintient à 23% globalement et à près de deux fois plus (44%) chez les jeunes de 15 à 24 ans. On estime
que plus de 20% des Grecs n’ont pas les moyens de se payer du chauffage et 52% des ménages comptent sur des rentes
de retraite pour payer leurs factures. Or, comme les retraités ne représentent qu’environ 25% de la population, cela veut
dire que beaucoup de grands-parents soutiennent leurs enfants et leurs petits-enfants1. En plus de cela, la décision de la
Macédoine de fermer sa frontière l’an dernier laisse la Grèce avec environ 60,000 réfugiés sur les bras.
Nouveau bras de fer entre la Grèce, l’UE et le FMI au sujet de la dette
Le FMI aurait annoncé à l’Union européenne qu’il ne participera pas à de nouveaux prêts à la Grèce si rien n’est fait pour
restructurer la dette massive du pays. Il a aussi demandé une réduction de l’objectif d’excédent primaire de la Grèce de
3.5% du PIB à 1.5%. Mais les créanciers de la zone euro, Allemagne en tête, ne veulent pas d’un nouvel allégement de
la dette. Ils préconisent plutôt de nouvelles réductions des dépenses si les objectifs de déficit ne sont pas respectés.
Avec des élections en vue aux Pays-Bas, en France et en Allemagne, les politiciens ne peuvent pas se permettre de
paraître mous sur cette question de peur d’apporter de l’eau au moulin des partis politiques antisystème.
La participation du FMI à un nouveau prêt à la Grèce bute contre un nouvel obstacle : les États-Unis, son premier
bailleur de fonds, ont élu Donald Trump à la présidence. Interrogé à propos de la Grèce en 2015, M. Trump a dit :
« Nous avons assez de problèmes; laissons l’Allemagne s’en charger. L’Allemagne s’en occupera. Des peccadilles
(peanuts) pour l’Allemagne. »2 Les États-Unis ont un droit de veto sur toute décision du FMI qui ne leur convient pas.
Quant à la Grèce, elle a averti que de nouvelles compressions porteraient un préjudice grave à sa population déjà appauvrie
et risqueraient de déclencher une instabilité politique encore plus grande. Après tout, les retraites ont déjà été amputées de
pas moins de 40% l’an dernier3.
En juillet, la Grèce devra rembourser quelque 6 milliards €. Sans de nouveaux prêts, elle ne pourra pas honorer ces
engagements. L’essentiel de la dette grecque est détenu par des organismes publics, dont la BCE, le FMI et les deux
fonds de sauvetage de la zone euro. Cela veut dire que tout allégement de la dette grecque serait assumé par les
contribuables d’autres pays.
Dans un rapport qui a fuité, le FMI conclut que même si la Grèce respectait tous ses objectifs de réforme et de compression
budgétaire (ce qui est très improbable), son profil de dette continuerait de s’aggraver à moins d’un nouvel allégement.
Le FMI a estimé que, dans les conditions actuelles, la dette de la Grèce en pourcentage du PIB baisserait légèrement
de son niveau actuel de 180% du PIB à 170% d’ici 2020, mais qu’elle exploserait à 275% d’ici 2060. Cela s’explique par
l’augmentation du coût du service de la dette à mesure que le financement par le marché remplacera les emprunts
subventionnés auprès du secteur public.
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« A Greek tragedy: how much can one nation take? », The Financial Times, 20 janvier 2017
« Trump on Greece's Debt Crisis: ’Putin Probably Comes In To Save The Day », Real Clear Politics, 1er juillet 2015
« A Greek tragedy: how much can one nation take? », The Financial Times, 20 janvier 2017
Géopolitique en bref
L’évaluation du FMI est raide comparativement aux prévisions officielles de la zone euro, qui projette un ratio dette/PIB
de 104.9% seulement à l’horizon 2060 si la Grèce applique complètement son programme de renflouement4.
Résultat de cette confrontation au sujet de la dette : le taux à 10 ans des obligations du gouvernement grec a augmenté de
6.5% au début de décembre à environ 7.8% aujourd’hui.
De nouvelles élections en vue?
Le parti d’extrême gauche SYRIZA a pris le pouvoir en 2015 sur la base d’une vive critique des mesures d’austérité imposées à
la Grèce par l’UE. Mais devant la menace d’un arrêt du financement des banques grecques par la BCE, SYRIZA a fait machine
arrière et a accepté de se plier à de nouvelles mesures d’austérité. Évidemment, en acceptant de mettre en place les
politiques qu’il avait dénoncées, le gouvernement a entaché sa popularité.
D’après un sondage de février, le parti de centre droit Nouvelle démocratie arrive en tête des intentions de vote avec 25.8%,
suivi par le parti SYRIZA au pouvoir, avec 15.6%. La troisième place est occupée par le parti Aube dorée d’extrême droite
avec 5.6%, suivi par le Parti communiste et le PASOK (parti de centre gauche qui s’est effondré à cause de son rôle dans la
crise de la dette), avec 5% chacun5. Ces chiffres laissent penser que le prochain gouvernement issu du suffrage serait une
coalition composée de deux partis ou plus.
La coalition gouvernementale actuelle ne contrôle que 153 des 300 sièges au parlement grec, ce qui implique que même
une défection mineure pourrait déclencher des élections.
L’UE se féliciterait d’un retour aux affaires des partis de gouvernement traditionnels, mais un nouveau gouvernement
hériterait des mêmes difficultés et finirait probablement par présenter les mêmes demandes concernant l’allégement
de la dette que le précédent.
Ce qui est potentiellement plus inquiétant, c’est que pour la première fois depuis l’éclatement de la crise,
une majorité de Grecs se prononce contre l’euro. Un récent sondage effectué par Alco Polling de Grèce a constaté
que 53% des Grecs pensent que l’euro est une erreur pour leur pays. Un tiers serait favorable d’un retour à la drachme6.
Conclusion
Si le passé peut éclairer l’avenir, il y a des chances que la Grèce et ses créanciers s’entendent sur une série de mesures qui
permettront de sauver la face juste avant l’échéance de juillet. Mais une chose est certaine : la faiblesse de l’économie de
la Grèce et la fragmentation de son paysage politique impliquent que l’appartenance du pays à la zone euro continuera
d’être remise en question. En outre, les sondages indiquant que pour la première fois une majorité de Grecs regrettent
leur adhésion à la zone euro et des rapports selon lesquels le gouvernement allemand ne serait plus fortement opposé à
l’idée que la Grèce abandonne la monnaie commune ne font qu’ajouter à l’incertitude. Seule une réduction importante
de la dette (à laquelle la plupart des créanciers de l’UE sont opposés) mettrait fin à cette spéculation.
Les défis croissants entourant la Grèce se posent à un moment où l’Europe doit déjà faire face à la popularité des partis
antisystème, à la menace terroriste, à la crise des migrants et à une croissance économique faible dans beaucoup de ses
États membres.
Les Néerlandais (mars), les Français (avril/mai) et les Allemands (septembre) se rendront aux urnes en 2017. L’Italie et
la Grèce pourraient être forcées de tenir des élections anticipées. Les partis antisystème devraient recueillir une part
importante des suffrages dans ces consultations et forcer les partis de gouvernement à adopter des positions beaucoup
plus fermes sur l’UE afin de ne pas perdre davantage de terrain. Cela rendra d’autant plus difficile politiquement pour
les États membres de s’entendre sur une stratégie pour relever les nombreux défis de l’UE.
Le principal risque est qu’une confrontation continue sur la question de la dette n’empoisonne davantage le climat socioéconomique en Grèce et conduise à la chute du gouvernement juste au moment où l’Europe subit de nouveaux revers.
Celui-ci pourrait prendre la forme d’une montée en puissance étonnamment forte des partis antisystème dans les
prochaines élections ou d’une détérioration de la crise des migrants, voire des deux.
Angelo Katsoras
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« MF Assesses Greek Debt as ‘Highly Unsustainable », Wall Street Journal, 27 janvier 2017
« New Poll Shows New Democracy 10.2% Ahead of SYRIZA », Greek Reporter, 1er février 2017
« Greece has three weeks to deal with 'potentially disastrous' debt », The Guardian, 31 janvier 2017
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