Analyse des modifications post- traductionnelles par spectrométrie

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Master 2 Expression Génique et Protéines Recombinantes
Analyse des
modifications posttraductionnelles par
spectrométrie de masse
Promo 16 – 2015/2016
1
2
Table des matières
I. INTRODUCTION
5
II. METHODES DE FRAGMENTATION
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1. COLLISION INDUCED DISSOCIATION – CID
5
2. HIGHER-ENERGY COLLISIONAL DISSOCIATION – HCD
7
3. ELECTRON TRANSFERT DISSOCIATION – ETD
7
III. MODIFICATIONS POST-TRADUCTIONNELLES
9
1. GLYCOSYLATIONS
9
N-GLYCOSYLATION
O-GLYCOSYLATION
9
21
2. MODIFICATIONS LIPIDIQUES.
25
GLYPIATION
MYRISTYOLATION ET PALMITOYLATION
PRENYLATION
25
25
27
3. MODIFICATIONS PEPTIDIQUES
31
PHOSPHORYLATION
METHYLATION
ACETYLATION
SUMOYLATION
UBIQUITINYLATION
S-NITROSYLATION
CITRULLINATION
31
33
33
35
35
37
37
IV. CONCLUSION.
39
V. BIBLIOGRAPHIE
41
3
4
I. Introduction
Les protéines subissent de nombreuses modifications covalentes pendant et après
leurs synthèses, celles-ci étant regroupées sous le nom de modifications post-traductionnelles
(MPT). Ces MPT ont des rôles dans la régulation de l’activité protéique, l’adressage à différents
compartiments, l’ancrage aux membranes, dans certaines cascades de signalisation et dans la
reconnaissance par les systèmes de dégradation protéique. Parmi les MPT que l’on peut
retrouver dans une protéine, nous retrouvons les glycosylations, les glypiations, les
myristoylations et palmitoylations, les prénylations, les phosphorylations, les méthylations,
les acétylations, les S-nitrosylations, la citrullination, la SUMOylations et l’ubiquitinylation. La
méthode de choix pour la détection de ces modifications est la spectrométrie de masse (Doll
et Burlingame 2015). En effet, cette méthode permet la détection de façon spécifique,
sensible et hautement résolutive de ces structures mais aussi la quantification relative ou
absolue de celle-ci (les techniques de quantification ne seront pas décrites ici). Il est
fréquemment nécessaire d’enrichir l’échantillon en protéine portant des MTP pour l’analyse
en spectrométrie de masse. Ces études sont donc directement corrélées aux méthodes de
séparation et d’enrichissement existantes.
Cette revue établie par la promotion 16 du Master EGPR, s’applique à regrouper différentes
publications et différentes stratégies pour l’étude de modifications post-traductionnelles.
Nous retrouverons dans un premier les différentes méthodes fragmentation en MS/MS
permettant l’élucidation de la composition en MPT puis dans une deuxième partie nous avons
rassemblé les différentes publications et résumé leur méthode pour l’étude de chacune des
MPT listées précédemment.
II. Méthodes de fragmentation
1. Collision induced dissociation – CID
Le CID (collision-induced dissociation) est une technique de spectrométrie de masse
pour induire la fragmentation d’un ion moléculaire tel que des peptides en phase gazeuse.
Dans la source, cet ion moléculaire est généralement accéléré par un potentiel électrique pour
acquérir une haute énergie cinétique. Sa collision avec un gaz neutre (tel qu’hélium, azote ou
argon) va provoquer la fragmentation de l’ion moléculaire précurseur en ions fils qui seront
analysés en spectrométrie de masse en tandem (MS/MS).
Les ions fils obtenus sont des ions b (b = ΣR + 1 où R = résidu) ou des ions y (y = ΣR + 19). La
collision entraîne aussi une fragmentation des modifications post-traductionnelles telles que
les O- et N-glycosylations.
5
6
2. Higher-energy Collisional Dissociation – HCD
Le HCD (Higher-energy Collisional Dissociation) est un mode de fragmentation
initialement décrit par Olsen sur un appareil LTQ Orbitrap (Olsen et al. 2007). Ce mode de
fragmentation est très proche du CID. En effet, comme en CID, la dissociation des ions parents
se fait par collision avec un gaz inerte, et donne des ions fragments b et y.
Cependant, contrairement au CID qui a lieu dans un piège à ion linéaire, la fragmentation HCD
se déroule dans une cellule de collision octopôlaire spécialement conçue, permettant
d’augmenter l’énergie de fragmentation. Cela entraîne deux conséquences principales.
Premièrement, par rapport au CID, on observe au total moins d’ions fragments sur le spectre.
Deuxièmement, on s’affranchit d’une limite inhérente au CID: le « low-mass cutoff ». Ce
phénomène consiste en l’absence des fragments de basse masse (inférieurs à un tiers de l’ion
précurseur) sur les spectres CID classiques. Contrairement au CID, le HCD permet d’observer
ces fragments.
3. Electron transfert dissociation – ETD
Le mécanisme de l’electron capture dissociation ou electron transfert dissociation (ETD)
permet une fragmentation en phase gazeuse d’ions protéiques ou peptidiques généralement
multi chargés après la capture d’un électron de faible énergie (<1eV) ou un transfert
électronique, toujours en phase gazeuse. Les espèces portant un ou plusieurs électrons
supplémentaires vont subir un réarrangement avec clivage possible de la liaison N-C du
squelette peptidique. Ces fragmentations induisent une très grande majorité d’ions c et z, sans
perte de l’information massique apporté par les MPTs potentiellement présentent. Cette
approche présente l’avantage de pouvoir sélectionner comme ions parents le peptide
complet, de le fragmenter et d’accéder au site de la MPTs, ainsi que d’approfondir sa
caractérisation.
Ce mode de fragmentation est particulièrement utile dans l’étude des phosphorylations, O et
N-glycosylation, nitrosylation, formation de ponts disulfures et sulfonation.
7
8
III. Modifications post-traductionnelles
1. Glycosylations
La glycosylation correspond à un ajout d’oses au cours de la biosynthèse de protéines.
Cette addition d’oligosaccharides a un rôle primordial dans la maturation des protéines et
dans leurs fonctions. On distinguera ici les N-glycosylations, impliquant des asparagines, des
O-glycosylations sur sérines et thréonines.
N-glycosylation
Les N-glycosylations sont des modifications co- et post-traductionnelles. Elles ont lieu
pendant la traduction dans le réticulum endoplasmique puis continuent dans l’appareil de
Golgi. Ce motif commence généralement par une N-acétylglucosamine et est lié aux protéines
par le biais d’une asparagine. Une séquence consensus du type N-X-S/T (où X peut-être
n’importe quel acide aminé sauf une proline) est admise. Les N-glycosylations possèdent une
plus grande variabilité c’est pourquoi leur étude est parfois complexe et nécessite l’utilisation
de méthodes d’enrichissements couplée à différentes méthodes de fragmentation.
► Méthode d’enrichissement et détermination des sites de N-glycosylations
La publication que nous allons présenter propose une méthode d’enrichissement de
peptides N-glycosylée permettant l’étude de cette glycosylation et notamment l’identification
des sites de glycosylations (Asperger et al. 2015). La protéine étudiée est le lysozyme de blanc
d’œuf de poule, largement utilisée lors de production de protéines recombinantes chez E.coli.
Une des formes minoritaires de cette protéine a été décrite comme étant N-glycosylée,
malgré le fait que cette protéine ne présente pas de séquence consensus N-X-S/T. D’anciennes
recherches avaient été effectuées sur cette protéine mais la limitation principale qui
apparaissait était la faible abondance de cette forme (Trudel et Asselin 1995). Une colonne de
phase directe, la ZIC-HILIC (Zwitterionic Hydrophilic Interaction Liquid Chromatography),
permet un enrichissement en peptides glycosylés. C’est une colonne qui utilise l’eau et de
l’acétonitrile comme solvant, pour enrichir les composés polaires, dans notre cas les peptides
glycosylés issus d’une digestion trypsique. (Di Palma et al. 2011)
Deux types de fragmentations ont été utilisés, le CID, permettant la fragmentation de
ses parties osidique et peptidique et l’ETD, permettant uniquement la fragmentation de la
partie peptidique. Ces deux fragmentations et leurs couplages à différentes protéases les
PNGase F et endoglycosidases F1-3 et l’endoglycosidase H ont permis la détermination des
sites de glycosylations qui demeuraient pour l’instant purement spéculatives.
9
Figure 1 Spectres MALDI-TOF issus de la digestion
trypsique du HEL avant et après séparation via colonne
ZIC-HILIC.
Figure 2 Spectre MALDI-MS/MS du
peptide N-glycosylé à 3051,2 après
enrichissement via la colonne ZIC-HILIC.
Le panel droit représente un zoom du
spectre au niveau de la région 1400 et
1650 m/z, laissant apparaître trois pics
correspondant (i) au peptide ; m/z =
1428,7 (ii) au peptide avec le premier
ose fragmenté en X0,21 ; m/z = 1511,8 (iii)
au peptide avec le premier ose, un N-acétylhexosamine (HexNAc) ; m/z = 1631,8.
Figure 3 Détermination
de la position de N
glycosylation par UPLCESI-ETD-MS/MS
après
digestion
à
l’endoglycosidase F1-F3
et
H:
(A)
chromatogramme
et
spectres MS des peptides
(1)
et
(2)
après
enrichissement
en
peptide N-glycosylés et
digestion enzymatique.
Les
carrés
noirs
représentent les positions
des N-Glycosylation. (B)
schéma de la digestion
par les endoglycosidases
F1-F3 et H. (C) Portions
des tableaux des masses
théoriques issues des spectres de masse des peptides (1) (spectre 1) et (2) (spectre 2). Les N oranges
correspondent aux asparagines portant les N-Glycosylations. La présence de la modification est identifiable
par l’incrément de masse égale à la masse d’un résidu asparagine (114) et d’un N-acétylhexosamine (203).
10
Après la digestion trypsique du lysozyme, une étude comparative avant et après l’utilisation
de la colonne ZIC-HILIC. Cette colonne est composée d’une sulfobétaïne greffée sur une
colonne de silice. Elle permet ainsi des interactions hydrophiles et polaires, séparant les
peptides N-glycosylées de ceux qui ne le sont pas. Après l’utilisation de la colonne ZIC-HILIC
couplé à l’analyse en MALDI-TOF, on observe l‘apparition de peptides à un m/z plus élevé, qui
correspondent aux peptides portant des N-glycosylations (Fig. 1). Il n’était pas possible
d’observer ces peptides avant leurs enrichissements à cause du phénomène de suppression
d’ions, dû à la compétition entre les peptides abondants non glycosylés et peu abondants,
glycosylés. Le peptide le plus abondant observé après colonne ZIC-HILIC pour un m/z de
3051,3 a ensuite été analysé en MALDI-MS/MS-TOF-TOF (Fig. 2). Les ions y et b issus de la
fragmentation CID permettent de déterminer la séquence du peptide portant des Nglycosylations FESNFNTQATNR. Un zoom du spectre laisse apparaître trois pics particuliers
à 1428,7, 1511,8 et 1631,8. Le premier correspond au peptide entier, le dernier correspond
au peptide et au premier sucre (HexNac) de la N-glycosylation. Le pic pour le m/z de 1511, 8
correspond à une fragmentation X0,21.interne de HexNac associée au peptide.
L’hétérogénéité des N-glycosylations a été étudiée à partir du spectre MALDI-TOF
après séparation sur colonne ZIC-HILIC. Les auteurs ont pu déterminer quelle était
l’abondance relative des différents motifs osidiques, avec le nombre d’hexoses et de Nacétylhexosamines qui les composent. Les deux motifs les plus abondants sont ceux composés
de (Hex)5(HexNAc)4 et dans une moindre mesure le (Hex)4(HexNAc)4.
Afin de déterminer le(s) site(s) de glycosylation(s), deux méthodes de dé-glycosylations
couplées à deux techniques de fragmentation ont été étudiées. Une première méthode de déglycosylations a été utilisée avec les endoglycosidases F1, F2, F3 et H permettant une
hydrolyse de la liaison entre le motif osidique et le premier sucre (Fig. 3). Cette méthode
couplée à une fragmentation ETD permet la conservation du premier sucre et donc l’obtention
d’un incrément de masse de 203 correspondant au résidu osidique du N-acétylglucosamine.
Une deuxième méthode utilise la PNGase F hydrolysant la liaison entre le motif osidique et
l’asparagine, transformant cet acide aminé en aspartate Les auteurs ont réalisé cette
expérience en présence 18O, permettant d’augmenter l’incrément de masse de la modification
de l’asparagine en aspartate, de 1 à 3. Ces deux méthodes ont permis de déterminer la
présence de deux sites de glycosylations sur les asparagines N44 et N39. Ces deux asparagines
font partis de sites NXN et NXQ, identifiées à ce jour comme des sites non consensus de Nglycosylations.
11
Figure 4 Stratégie et caractérisation des deux isoformes de la glycoprotéine CLEC-2 recombinant. (A) Présentation de la stratégie
utilisé. (B) Résultat de la migration sur gel SDS-PAGE de CLEC-2 recombinant, ayant subi (piste +) ou non (piste -) une digestion à la
PNGase F. La bande 1 correspond à la forme HMW, la bande 2 à la forme LMW et la bande entourée en rouge correspond au peptide
sans le glycane. (C) LC-MS-MALDI-QIT-TOF du lysat glycopeptidique, pour la forme HMW (panel de gauche, temps de rétention à 21.83
min) et pour la forme LMW (panel de droite, temps de rétention à 23.98 min). Les encadrés rouges indiquent les résultats de la LC pour
les deux formes (courbe noire = HMW et courbe violette = LMW). Pour HMW, des fragments de grande intensité sortent dans la zone
des hautes masses (3549.4, 3794.5, 3956.5 et 4077.3 m/z) tandis que pour LMW des fragments de grandes intensités sortent dans la
zone des basses masses (1440.4 et 1457.4 m/z). (D) LC-MS/MS (CID)-MALDI-QIT-TOF de l’ion parents à 3954.4 (à gauche) et 1457.4
m/z (à droite). Pour le spectre de gauche, on remarque la présence d’un fragment représentant le peptide complet sans sa partie
glycanique (en bleu) et les pertes des monosaccharides du glycane (en vert). Le spectre de droite montre que la forme LMW n’est pas
glycosylé au niveau de l’asparagine 134.
12
► Caractérisation de fragments glycaniques et élucidation structurale en un run de
MS/MS
Notre premier exemple s’applique à la caractérisation d’un récepteur plaquettaire humain, le
C-type lectin-like receptor 2 (CLEC-2), retrouvé sous deux formes de poids moléculaire
différents (HMW et LMW) divergeant seulement au niveau de leurs fragments glycaniques
(Zhou et al. 2015). Le second exemple étudie l’impact de trois différents modes de
fragmentation couramment utilisés lors d’approches de glycoprotéomique pour l’élucidation
structurale d’une protéine, l’Irregular Xyleme 9 (AoIRX9) de l’asperge (Ford et al. 2015).
Le récepteur CLEC-2 a été décrit dans les années 2000 comme étant exprimé à la surface des
plaquettes et pouvant reconnaitre différents ligands comme des toxines de serpents. Il est
impliqué dans une multitude de fonctions : les mécanismes d’agrégations plaquettaires,
l’invasion métastatique ou encore dans les infections par le HIV. Ces études mettent en avant
le fait que ce récepteur natif, purifié et analysé par SDS-PAGE, est retrouvé sous deux formes
de poids moléculaires distincts alors que le squelette peptidique reste inchangé (229 résidus
d’AA, 27kDa). L’enjeu de la publication de L. Zhou et al et de caractériser simplement avec une
bonne sensibilité les deux formes du récepteur CLEC-2 afin de comprendre plus en détail les
mécanismes biologiques et fonctionnelles qui n’ont pas été clairement défini.
La stratégie choisie de glycoprotéomique combine une chromatographie en phase liquide
(nano LC) avec une analyse par MALDI-QIT-TOF MS/MS (CID) (Fig. 4A) pour déterminer
directement les différences entre les formes HMW et LMW de CLEC-2. Dans un premier
temps, les auteurs ont vérifié la présence de ces deux formes par digestion ou non à la PNGase
F de CLEC-2 recombinant suivi d’une migration sur SDS-PAGE coloré au bleu de Coomassie. Ils
ont pu déterminer que la différence de masse provenait bien d’un profil glycanique différent.
Sans digestion à la PNGase F, deux bandes sont retrouvées (27kDa et 35kDa) tandis qu’après
digestion, un seul bande (22kDa) est majoritairement présente (Fig. 4B). Après avoir récupéré
les bandes d’intérêts du gel SDS-PAGE qui n’ont pas subi le traitement à la PNGase F, les
auteurs les digèrent par la trypsine puis séparent le lysat glycopeptidique par nano-LC (C18).
La détection se fait par UV (214nm et 280nm). Ils mettent en évidence deux temps de
rétentions au niveau de deux pics chromatographiques distincts : à 21.83 minutes pour la
forme HMW et à 23.98 minutes pour la forme LMW. Ces deux fractions sont récupérées pour
une analyse par MALDI-QIT-TOF MS (Fig. 4C) et MS/MS (CID) (l’argon est utilisé pour
fragmenter).
Pour la forme HMW, le MALDI-QIT-TOF MS révèle trois pics de forte intensité (m/z 3549.4,
m/z 3956.5 et m/z 4077.3) absent au niveau de la même analyse faite sur la forme LMW. Cette
dernière montre des signaux intenses dans des zones de bas poids moléculaire (m/z 1440.4 et
m/z 1457.4) absents au niveau de HMW (Fig. 4C).
13
14
Dans le cadre d’une étude par MS/MS, pour gagner en informations structurales, les
auteurs ont choisi les ions parents sortant à m/z 3549.4, m/z 3956.5 et m/z 4077.3 pour la
forme HMW et à m/z 1440.4 pour la forme LMW. Seuls les spectres pour les ions parents à
m/z 3549.4 et à m/z 1440.4 sont présentés (Fig. 4D). Premièrement, lorsque l’ion m/z 3956.5
est pris comme précurseurs, le spectre montre des incréments de masses caractéristiques de
fractions osidiques (146, 162 ou 203 Da) dans les zones de hautes masses ainsi que la
génération d’un ion fils à 1643.4 m/z qui correspond à la masse du peptide total lié à un résidu
d’HexNAc (1440.3 + 203 = 1643.3 m/z). Ces résultats indiquent que l’ion parent est un
glycopeptide. Par interprétation manuel du spectre MS/MS combiné à divers outils de calcul
de masse (GlycoWorkbench et GlycoModtool), la structure du peptide, QYCTDMNATLLK et du
glycane (tétra antenne, HexNAc6 Hex7 Fuc1) sont déterminées (Fig. 4D, gauche).
Deuxièmement, les mêmes analyses sont réalisées sur les ions à m/z 3956.5 et m/z 4077.3 et
donnent des résultats identiques pour la séquence peptidique. En revanche, ces ions
montrent une « micro-hétérogénéité » de leurs parties saccharidiques, l’ion à m/z 4077.3
présente une tri antenne glycanique (HexNAc5 Hex9 Fuc1) et l’ion à m/z 3549.4 présente un
bi antenne glycanique (HexNAc4 Hex7 Fuc1). L’ion a m/z 1457.5, provenant de la forme LMW,
et supposé non glyqué (par le calcul), montre aucuns ions fils pouvant être attribué à une
partie glycanique ou glycopeptidique. La séquence peptique est donc la même que celle les
trois ions précédemment analysés (Fig. 4D, droite).
Mises en commun, ces analyses comparatives en MALDI-QIT-TOF MS/MS ont permis de
déterminer précisément les différences structurales existantes entre les formes HMW et LMW
de CLEC-2. Après avoir déterminé que les deux formes avaient la même séquence peptidique,
les auteurs remarquent que la forme HMW porte au niveau de l’Asparagine 134 trois motifs
glycaniques distincts absent de la forme LMW. En résumé, l’utilisation d’un seul run de nano
LC- MALDI-QIT-TOF MS/MS (CID), sans étapes préalables d’enrichissements ou de digestion
aux PNGases, a permis l’obtention de données structurales de la partie glycanique et
peptidiques des deux isoformes de CLEC-2, à condition de posséder des informations
préliminaires (position de la glycosylation, choix de l’ion parent pour la CID).
Tout n’est pas si simple, c’est pourquoi nous avons décidé de vous présenter les avantages
qu’apportent les trois modes de fragmentation les plus couramment utilisé dans le cadre
d’étude de glycoprotéomique, nous permettrons d’aborder d’autres solutions
dedétermination structurale.
Dans le cadre de cette étude, les auteurs comparent trois modes de fragmentations,
CID, HCD et ETD, en LC-MS/MS pour la détermination structurale d’une glycoprotéine
végétale : AoIRX9, soupçonnée de porter une glycosylation (Ford et al. 2015).
15
Figure 5 Analyse comparative des spectres MS/MS obtenus par CID (A), HCD (B) et ETD (C) d’un glycopeptide provenant du lysat
trypsique d’AoIRX9 recombinante.(B) Le spectre obtenu par HCD porte deux informations primordiales : la signature glycanique, figuré
par les cercles bleus. L’ion à 204.09 m/z est significatif d’un résidu HexosamineN-Acétylé+H+ et l’ion à 366.14 m/z correspond à une
hexosamine N-Acétylé lié à un résidu d’hexosamine + H+. L’ion di-chargé à 1137.54 m/z (entouré en rouge) correspond au peptide
entier sans sa partie glycanique et a permis de déterminer la masse de ce dernier à 1576.6 Da.(C) Par ETD, seul le peptide est fragmenté
en ions c et z majoritairement. Les ions c72+ et c6+ (entouré en jaune) ont permis la détermination du site de N-glycosylation. L’analyse
par MS3 de l’ion penta-chargé à 770.94 m/z, correspondant au glycopeptide entier, a permis la détermination complète de la séquence
peptidique.
16
La protéine AoIRX9 est clonée dans une construction plasmidique (fusionnée à la protéine
fluorescente vénus). Ce vecteur est utilisé pour transformer une souche d’Agrobacterium
compétente qui sera injecté dans les feuilles de Nicotiana benthamiana. Ainsi ils se servent de
cette plante pour exprimer transitoirement la protéine. Quatre jours après l’infection, les
feuilles sont récupérées et les protéines microsomales sont isolées. Avant les analyses en MS
et dans le but d’enrichir leurs extraits en protéines AoIRX9, les auteurs réalisent une
immunoprécipitation avec le kit GFP-Trap, suivant les indications du fournisseur. Après
digestion trypsique de l’extrait enrichit, les premières analyses en LC-MS indiquent que la
protéine AoIRX9 se retrouve considérablement enrichie dans le lysat.
Le premier type de fragmentation étudié est le CID, il permet de mettre en évidence très peu
de fragments peptidiques, seules les ions y6 et b2 sont retrouvées sur le spectre et des
fragments glycopeptidiques multichargés (Fig. 5A). A ce niveau, aucune structure complète
n’a pu être déterminée, la nécessité d’utiliser des techniques complémentaires est bien
présente. Par HCD, deux informations capitales apparaissent. Cette méthode permet de
mettre en évidence une signature glycanique comme l’ion retrouvé à 204.09 m/z
(caractéristique d’une HexNAc) ou à 366.14 m/z (HexNAc – Hex) et un ion di-chargé à 1137.54
m/z, représentant le peptide sans son glycane. Cette valeur de m/z a permis le calcul de la
masse du glycane, établit à 1576.6 Da et correspondant à un HexNAc4 Pent1 Fuc1 Hex3. En
revanche, comme pour la fragmentation par CID, peu de fragments peptidiques sont obtenus
(b2, y3 et y9)(Fig. 5B). Il est important de noter que pour avoir une meilleure détermination
structurale du glycane, il est nécessaire de coupler un séquençage enzymatique (par des
exoglycosidases par exemple) avec une analyse plus détaillée des fragments obtenus par
MS/MS (Harvey 2005).L’ETD est particulièrement décrite comme ayant la capacité de fournir
des ions c et z provenant du peptide uniquement, laissant la partie glycanique intacte. Ce
mode de fragmentation permet la détermination du site de N-glycosylation en comparant les
ions c6 et c7, le septième résidu étant l’asparagine qui porte le glycane (Fig. 5C) (c72+
(M+2H)2+ = 1240.56 m/z  (M+H)+ = 2480.12 m/z et c6+ = 789.52 m/z. c72+ - c6+ - Masse résidu
Asn = 1576.6 Da). De plus, en analysant par MS3 (ETD/ETD) l’ion à 770.94 m/z (penta-chargé),
les auteurs ont pu déterminer précisément la séquence du peptide : HLTYKENFTDAKAEADHQR
(data not shown).Il est intéressant de noter que d’autres équipes de recherche (Catalina et al.
2007)ont pu produire des informations de séquences et structurales très précises en utilisant
seulement une MS3 (ETD combiné avec une CID).
En conclusion, pour l’étude de la protéine AoIXR9, les modes de fragmentations HCD et ETD
se sont révélés les plus efficaces dans la détermination structurale du peptide et du glycane.
La HCD pour la signature glycanique et l’obtention de la masse du peptide seul et l’ETD pour
la détermination de la séquence peptidique et du site de N-glycosylation. L’utilisation du CID
n’a pas été d’une grande aide, mais peut cependant apporter des informations
complémentaires de séquence du glycane.
17
Figure 6 Spectres MS/MS d’un peptide N-glycosylé de la fétuine, par las fragmentations CID (A) et HCD (B). (A) En CID, les fragments
de rapport m/z inférieurs au tiers de la masse de l’ion parent ne sont pas détectés. Les nombreuses fragmentations du glycopeptide
permettent de remonter à la structure du glycane. (B) En HCD, les fragments observés sont moins nombreux qu’en CID. Les fragments
B de basse masse, caractéristiques de la partie osidique du glycopeptide sont détectés. Le fragment Y1 provenant du glycopeptide est
le plus abondant dans la région des hautes masses (m/z > 800).
18
► L’application de la méthode de fragmentation HCD pour l’identification de Nglycosylation
Segu Z.M. et Mechref Y. se sont intéressés à l’application des fragmentations CID et
HCD à l’étude des N-glycosylations (Segu et Mechref 2010). D’une part, les auteurs ont
comparé les spectres MS/MS obtenus par les deux types de fragmentation. L’accent a été mis
sur les spécificités du HCD. D’autre part les auteurs ont proposé une stratégie automatisable,
permettant l’identification des peptides N-glycosylés et la détermination de leurs structures
par l’utilisation conjointe du CID et du HCD.
La fétuine, une protéine N-glycosylée connue, a été digérée par la trypsine et les cystéines ont
été alkylées. Les peptides obtenus ont été séparés par la chromatographie liquide (nano-LC),
ionisés par la technique d’électrospray et soumis à la spectrométrie de masse en tandem
(MS/MS).
Les spectres MS/MS sont obtenus par les fragmentations CID et HCD d’un glycopeptide parent
trichargé (Fig. 6). Ils montrent des fragments glycopeptidiques Y dichargés et des fragments
glycaniques B monochargés.
Premièrement, sur le spectre CID on observe davantage d’ions fragments que sur le spectre
HCD. En CID, les nombreux fragments glycopeptidiques permettent de remonter à la
composition osidique de l’ion parent. Ceci n’est pas possible en analysant le spectre HCD, où
seuls trois fragments glycopeptidiques sont attribués. Cette propriété est décrite par les
auteurs comme une faiblesse de la fragmentation HCD.
Deuxièmement, sur le spectre CID, dans la région des m/z inférieurs à un tiers du m/z de l’ion
parent, on ne détecte aucun fragment significativement abondant. Ceci constitue une limite
de la fragmentation CID. Au contraire, sur le spectre HCD dans la région des basses masses,
on détecte les fragments B provenant des oses du glycopeptide. Ces fragments ont des
rapports m/z caractéristiques : 204,1 pour la N-acétylhexosamine (HexNAc) ; 292,1 pour
l’acide sialique (NeuNAc) ; 366,1 pour le fragment HexNac-Hex et 657,2 pour le fragment
NeuNAc-Hex-HexNAc. Ces rapports m/z constituent la « signature glycanique » du spectre, et
permettent d’identifier l’ion parent en tant que glycopeptide. La présence systématique de
ces fragments glycaniques caractéristiques sur les spectres MS/MS HCD est considérée
comme un atout de cette technique de fragmentation. Enfin, on remarque que l’ion Y1 du
glycopeptide constitue l’ion le plus abondant. L’abondance systématique de l’ion Y1 dans les
hautes masses (ion le plus intense à m/z > 800) est un autre avantage du HCD. En effet, sur les
spectres CID ce n’est pas toujours le cas. De ce fait, et contrairement au HCD, l’attribution de
l’ion Y1 sur les spectres CID est souvent difficile et ne peut pas être automatisée.
19
20
Les auteurs font les mêmes observations sur les spectres CID et HCD provenant de protéines
différentes, ce qui les conduit à proposer une stratégie d’identification et de caractérisation
des glycopeptides. Les peptides provenant d’une protéine N-glycosylée inconnue sont soumis
à la MS/MS HCD. Les peptides N-glycosylés sont identifiés par la présence des fragments
caractéristiques du glycane, et le rapport m/z le plus abondant dans les hautes masses est
attribué au fragment Y1. D’une part, le fragment Y1 est analysé en MS3. Le spectre MS3 du
fragment Y1 permet de séquencer le peptide et de confirmer la position de la glycosylation.
D’autre part, le glycopeptide parent identifié par le HCD est soumis à fragmentation en CID
afin de déterminer la composition en oses du glycane. Ainsi, le glycopeptide est entièrement
caractérisée par l’utilisation conjointe des deux techniques de fragmentation.
O-glycosylation
L’O-glycosylation est une modification post-traductionnelle qui s’effectue
spécifiquement dans l’appareil de Golgi. Les vésicules apportant les protéines au Golgi
proviennent en général du réticulum endoplasmique et leur maturation se continue dans cet
autre organite cellulaire. Elle contribue ainsi aux différents rôles biologiques des
glycosylations comme l’adhésion et la communication cellulaire, le repliement de protéines
ou encore l’interaction avec le système immunitaire. La modification est réalisée par une
oligosaccharyl-transférase et consiste en l’ajout, sur des résidus thréonine ou serine de la
protéine, d’un motif osidique plus ou moins complexe. Il est à noter que, contrairement à la
N-glycosylation, il n’y a pas de motifs consensus permettant de prédire la position d’une Oglycosylation, ce qui constitue une difficulté majeure dans son analyse. De plus, il n’existe pas
d’enzymes capables d’enlever le motif osidique lié au peptide dans le cas d’une Oglycosylation, contrairement à la PNGase qui permet de retirer les N-glycanes intégralement.
Nous allons vous présenter ici deux articles, le premier traitant d’une méthode
d’enrichissement des peptides O-glycosylés, ainsi que différentes dé-glycosylations
permettant la détermination des sites de O-glycosylation. La seconde publication présente
une stratégie de détermination du motif osidique par l’utilisation de fragmentation ETD.
► Détermination des sites de O-glycosylation.
Bai et ses collaborateurs ont voulu mettre en place un protocole permettant de
déterminer les sites de O-glycosylations dans un échantillon complexe tel que le plasma
humain(Bai et al. 2015). À partir d’échantillon de plasma humain, les auteurs ont tout d’abord,
grâce à un kit, éliminé l’albumine sur colonne de chromatographie d’affinité. Étant la protéine
majoritaire du plasma, son élimination permet d’augmenter la sensibilité et la qualité de
l’analyse en spectrométrie de masse. Le mélange protéique déplété de l’albumine est réduit
au DTT et dérivé à l’iodoacétamide. Cette dérivation entraîne un incrément de masse sur les
cystéines de 57 et permet un accès facilité pour la trypsine à ses sites de coupures (K, R).
21
Figure 7. Localisation du site de Oglycosylation après purification Jacalin
et
Nano-LC-CID-LTQ-Orbitrap
MS/MS (A) spectre représentant la
fragmentation
du
peptide
TPIVGQPSIPGGPVR, le carré jaune
montrant les ions portant la Oglycosylation. (B) Tableau comparatif
montrant les masses théoriques des
ions b et y mono- et dichargés sans la Oglycosylation avec les masses mesurées
par les auteurs. Les cases jaunes
montrent les incréments de masse de
203m/z correspondant au GalNAc fixé
sur la sérine (site de O-glycosylation).
Figure 8. Détermination de la
composition du motif osidique en
ETD (A) Spectre représentant la
fragmentation
du
peptide
ETGATEKPTVIDSTIQSEFPTY.
(B)
Tableau comparatif montrant les
masses théoriques des ions c et z mono, di-, et trichargés sans la Oglycosylation avec les masses mesurées
par les auteurs. Les cases bleues
représentent les incréments de masse
de la première O-glycosylation sur les
ions C. Les cases jaunes représentent
les incréments de masse la première Oglycosylation sur les ions Z. les cases
vertes représentent les incréments de
masse des 2 O-glycosylations sur les
ions C et Z. L’incrément de masse sur un
ion monochargé correspond à
947.49m/z, le dichargé correspond à
473.75m/z et le trichargé correspond à 315.83m/z.
22
L’apport de la méthode proposée par les auteurs se démarque par la N-déglycosylation totale
et une O-glycosylation partielle par digestion enzymatique (PNGase F, β(1-3,4)galactosidase,
β-N-acetylglucosaminidase, sialidase A). Le premier sucre établissant la liaison entre la
protéine et le reste du motif osidique a été décrit comme étant un N-acétylgalactosamide. La
digestion partielle permet de conserver uniquement ce premier sucre sur les sérines ou les
thréonines qu’ils le portent. Les peptides O-glycosylés, purifiés par chromatographie d’affinité
Jacalin (composée de lectines), sont analysés par Nano-LC-CID-LTQ-Orbitrap. L’incrément de
masse de Ser ou Thr lors de la perte du résidu osidique de N-acétylgalactosamide sur le résidu
d’acide aminé est alors de 203 (Fig. 7).
► Détermination du motif osidique
Dans une deuxième publication, les auteurs ont utilisé des analyses en MS/MS via une
fragmentation ETD pour l’étude du motif osidique d’O-glycosylations. La fragmentation de la
partie peptidique en ETD produit des ions c et z qui permettent de localiser le site de
glycosylation et d’étudier cette dernière. Ainsi l’écart de masse observé (Fig.8) entre le
peptide portant la modification post-traductionnelle et le peptide libre conduit à la
composition en oses du motif. La composition de ce motif est déterminée par comparaison
de l’incrément de masse obtenu avec une table de motifs de O-glycosylation, c’est-à-dire une
table regroupant les combinaisons possibles en oses (Windwarder et al. 2015). Cependant,
ces méthodes de fragmentation ne permettent pas de connaître l’enchaînement des oses les
uns avec les autres. Pour cela, il faut avoir recours à l’analyse des acétates d’alditol
partiellement méthylés qui reste à ce jour la seule méthode permettant d’accéder à ces
informations.
23
Figure 9 Différentes modifications de protéines par des lipides(A) Les protéines peuvent être glypiées, myristoylées, palmitoylées
et isoprénylées de façon co- ou post-traductionnelle afin de pouvoir s’ancrer à la membrane et intervenir dans la signalisation
cellulaire (B) Protéine à ancre GPI (glycosylphosphatidylinositol), ayant subi une glypiation. Les sites d’hydrolyse et de clivage sont
respectivement effectués par la phosphatidylinositol phospholipase C (PI-PLC) et le fluoride d’hydrogène (HF). (C) Protéine
myristoylée sur un résidu glycine en N-terminale par une myristoyltransférase. (D) Protéine palmitoylée sur une cystéine par une
palmitoylacétyl transférase.
24
2. Modifications lipidiques.
Les protéines subissent de nombreuses modifications co et post traductionnelles qui
peuvent impliquer des acides gras (Fig. 9A). Ces lipoprotéines se décomposent en trois
familles : les protéines à ancre GPI (glypiation) (Fig. 9B), les protéines myristoylées(Fig. 9C) ou
palmitoylées(Fig. 9D) et les protéines prénylées qui peuvent être farnésylées ou géranylgéranylées (prénylation : farnésylation et géranylgéranylation).
Glypiation
Les protéines à ancre GPI (glycosylphosphatidylinositol) (GPI-AP) sont retrouvées au
niveau des rafts lipidiques des membranes cellulaires. Après traduction des précurseurs des
GPI-APs, ces derniers sont clivés au niveau d’une séquence de clivage qui permet de libérer la
partie C-terminale protéique qui possède un caractère hydrophobe. Une ancre GPI est alors
ajoutée à la partie C-terminale par le complexe transamidase. Le groupement lié à la protéine
est composé d’une éthanolamine suivie d’un phosphate, de trois mannoses, d’une
glucosamine et d’un phosphatidylinositol, lui-même lié au lipide ancré à la membrane (Fig.
9B). La partie C-terminale hydrophobe contient entre 20 et 30 résidus d’acides aminés et est
appelée le site ω. Afin d’identifier de nouvelles protéines à ancre GPI, la séquence en acides
aminés de ce site peut être déterminée par spectrométrie de masse. Des étapes d’extraction
aux détergents (Triton X-100 et X-114) sont nécessaires pour récupérer les GPI-APs. Suite à
cela, les GPI-APs sont hydrolysés par l’enzyme PI-PLC (phosphatidylinositol phospholipase C)
et une digestion par différentes endoprotéinases est effectuée (trypsine, Glu-C, Lys-C, Asp-N,
chymotrypsine). Les peptides sont enfin traités à l’acide fluoridrique HF qui clive le
groupement GPI de la protéine. La séparation des peptides s’effectue par nano-LC (colonne
C18 et gradient d’acétonitrile) puis l’analyse de leur composition par spectrométrie de
masse(Masuishiet al. 2013).
Myristyolation et palmitoylation
La myristoylation est une modification protéique co-traductionnelle qui consiste à
ajouter un acide myristique (C14 :0) sous la forme de myristoyl-CoA à une glycine N-terminale
via une liaison amide (Fig. 9C). La réaction est catalysée par une myristoyltransférase. La
palmitoylation est une modification protéique post-traductionnelle qui résulte de
l’attachement d’un groupe palmitoyl (C16 :0) sur l’atome de soufre de 1 à 4 résidus cystéine
via une liaison thioester (Fig. 9D). Cette réaction est catalysée par des palmitoylacétyl
transférases. On parle de S-palmitoylation lorsque des cystéines internes sont liées à un acide
palmitique via une liaison thioester. On parle de N-palmitoylation lorsque la cystéine Nterminale est liée à un acide palmitique via une liaison amide.
Pour l’analyse de protéines acylés en général, l’utilisation d’un agent réducteur neutre tel que
le TCEP (tris (2-carboxyethyl)phosphine) est préféré à l’utilisation du dithiothréitol DTT pour
éviter les pertes d’acylations (Ji et al. 2013).
25
26
Pour l’analyse en MALDI-TOF de peptides myristoylés ou faiblement palmitoylés, il est
souhaitable d’utiliser une matrice HCCA (acide α-cyano-4-hydroxy cinnamic) en présence de
OG (détergent non ionique n-octylglucoside) pour augmenter l’intensité des pics sur le spectre
(Jagannadham et Nagaraj 2005). Par contre pour des peptides multipalmitoylés, employer une
matrice DHB (acide 2,5-dihydroxy benzoique) en présence de OG est préférable afin de
permettre une déacylation et donc une fragmentation plus facile(Jagannadham et Nagaraj
2005). De plus, la dérivatisation des cystéines libres avec une étiquette perfluoalkyle permet
l’analyse en simultané de peptides palmitoylés ou non-plamitoylés et ainsi permet de
quantifier les palmitoylations en LC-MS. Et l’ETD semble être la méthode de fragmentation la
plus adaptée pour des analyses de peptides palmitoylés en MS en tandem car cette méthode
produit de nombreuses fragmentations avec un minimum de perte de la palmitoylation(Ji et
al. 2013).
Prénylation
La fixation d’une protéine sur la face interne d’une membrane plasmique cellulaire
joue un rôle important par la suite dans la régulation de la voie de transduction du signal
cellulaire. Ce processus nécessite une modification post-traductionnelle, la prénylation, qui
ajoute un lipide isoprénoïdefarnésyl (15 carbones) ou géranylgéranyl (20 carbones), via une
liaison thio-éther, sur une cystéine dans la partie C-terminale. Les groupements farnésyl et
géranylgéranyl sont des poly-isoprènes insaturés qui augmentent l’hydrophobicité des
protéines et par conséquent leur affinité pour les membranes cellulaires. Les séquences
consensus de prénylation en C-terminale sont « CAAX », où C est une cystéine, A un acide
aminé aliphatique et X un acide aminé (souvent sérine, thréonine, glutamine, alanine ou
méthionine), « CXC » et enfin « CC ». L’attachement du lipide isoprénoïde a toujours lieu sur
une des cystéines en C-terminal. Chez l’Homme, la réaction de prénylation fait intervenir trois
protéines prényltransférases : la farnésyl-transférase (FT) et les géranylgéranyl-transférase 1
et 2 (GGT1 et GGT2).
Dans le passé, les différentes méthodes utilisées pour étudier les peptides prénylés étaient
l’utilisation d’un précurseur radioactif, l’acide mévalonique marqué ([3H]-mévalonique), de
sondes chimiques, de biotines ou fluorophores conjugués aux prénylations. Cependant ces
méthodes se révélaient longues, fastidieuses et présentaient un faible rendement. Le MALDITOF-MS ou encore la LC-MS sont utilisées pour identifier des protéines prénylées mais du fait
de leur hydrophobicité et de leur faible abondance, leur analyse dans des échantillons
complexes reste difficile. De plus, une étude récente(Wotskeet al. 2012) s’est penchée sur
l’identification et la séparation des peptides farnesylés par ESI-MS/MS en s’aidant d’une étape
préalable de « Multidimensional Protein Identification Technology » (MudPIT). Cependant,
aucune de ces méthodes ne permet l’étude à grande échelle de peptides prénylés ni la
différentiation entre les peptides farnésylés et géranygéranylés en une seule étape.
27
Figure 10. Schéma de la stratégie mise en place par les
auteurs pour l’identification des peptides prénylés. (A)
Oxydation des groupements thio-éther au peroxyde
d’hydrogène H2O2 et analyse après fragmentation des
peptides prénylés par MS3. (B)Epoxydation des
groupements thio-éther et des groupements farnésyl ou
géranylgéranyl à l’acide m-chloroperoxybenzoïque (mCPBA) et analyse après fragmentation des peptides
prénylés par MS3.
Figure 11. Analyse en MALDI-QTrap-TOF des
peptides farnésylés et géranylgéranylés
chimiquement. (A) RGDC farnésylé. L’ion 654,19
est refragmenté pour donner les fragments
[M+H]+- NH3 à 637, [M+H]+- farnésylation de m/z
450, le fragment b3 à 330,14 et b2 –NH3 à 198,09.
L’ion de m/z 679,18 correspond à un adduit de
Na+ (22 Da) (B) RGDC géranylgéranylé. L’ion
721.86 est refragmenté en b3 et b2-NH3 qui sont
retrouvés chez le RGDC farnésylé. L’ion de m/z
743,51 correspond à un adduit de Na + (22 Da)
(C)REKKFFC(far)AIM.
L’ion
1476,22
est
refragmenté pour donner les ions y10-NH3 de m/z
1459, b9 de m/z 1328, y8 de m/z 1189, b5-H2O de
m/z 690, b4 de m/z 543, b3 de m/z 415
(D) REKKFFC(ger)AIM. L’ion 1544,41 est
refragmenté pour donner les ions y10-NH3 de m/z
1527, b9 de m/z 1396, y8 de m/z 1257, y7 de m/z
de 1129, et de b5-H2O de m/z 690, b4 de m/z 543,
b3 de m/z 415 (E) m/z théoriques et
expérimentales des peptides prénylés.
Figure 12. Analyse en MALDI-QTrap-TOFMS/MS
du
peptide
REKKFFC(far)AIM
époxydé.(A) Spectre MS/MS du peptide
REKKFFCAIM farnésylé (m/z 1476.22) époxydé.
Les produits d’époxydation ont un delta de
masse de 15.99 Da correspondant aux atomes
d’oxygène. (B) Spectre MS3 qui met en évidence
des différences de masse en fonction du nombre
d’oxygène impliqué dans l’époxydation. Le
fragment de m/z 1257,45 est présent quel que
soit l’époxydation, il correspond au peptide
REKKFFCAIM non farnésylé et ayant perdu
l’atome de soufre de la cystéine. (Ba)) Les ions
1524,24, 1540,27, 1556,23 du spectre A sont
respectivement refragmentés (Ba)), (Bb)), (Bc)).
28
Pour remédier à cela, une étude de 2015 (Bhawal et al. 2015)développe une approche de
spectrométrie de masse clivable. Les résultats sont analysés en LC-MS/MS, MALDI-QTrap-TOF
ou nano ESI-Trap-TOF-MS.
La stratégie des auteurs (Fig. 10) consiste à mettre au point leur analyse à partir de peptides
trypsiques prénylés chimiquement sur des cystéines en C-terminal (peptides utilisés :
RGDC(far/ger), REKKFFC(far/ger)AIM, REKKFFC(far/ger)AIL, KHSSGC(far/ger)AFL et
DAEFRHDSGYEVC(far/ger)). Dans un premier temps, les auteurs utilisent le peroxyde
d’hydrogène (H2O2) pour oxyder les atomes de soufre impliqués dans la liaison thio-éther des
farnésylations et géranygéranylations, dans le but d’instaurer un site de clivage sélectif qui
permettra la coupure de la prénylation lors de la fragmentation. En plus des cystéines, les
méthionines peuvent également être oxydées sur leur atome de soufre. Leur fragmentation
engendrera la perte de –SOHCH3 (64 Da) alors que pour la cystéine, elle sera de -SOH (sans
prénylation) (49Da) ou R-SOH avec prénylation (R+49 Da).
Les auteurs ont analysés dans un premier temps les peptides oxydés RGDC(far ou ger)
et REKKFFC(far ou ger)AIM en MALDI-QTrap-TOF-MS (Fig.11). Par rapport à la masse
monoisotopique du peptide RGDC, un incrément de masse de 204 Da correspondant à la
farnésylation est observé (Fig. 11E). Concernant la géranylgéranylation, l’incrément de masse
est de 272 Da. Le spectre permet de montrer que les peptides synthétisés ont bien été
prénylés.
L’étude de ces peptides par spectrométrie de masse étant longue et fastidieuse du fait
de la forte hydrophobicité des peptides prénylés, les peptides sont oxydés au mCPBA (acide
m-chloroperoxybenzoïque), les doubles liaisons étant époxydés et les soufres étant oxydés.
L’époxydation permet de diminuer leur hydrophobicité et ainsi diminuer les temps d’élution
de ces peptides prénylés. Cela permet également d’instaurer le site de clivage (S=O)
permettant de séparer la partie protéique de la partie lipidique lors de la fragmentation en
MS. La masse perdue lors de la fragmentation correspondant au « -RSOH » (R=
prénylationépoxydé/non époxydé) permet d’identifier le type de prénylation.
Les peptides prénylés sont époxydés et analysés en MALDI-QTrap-TOF-MS/MS. Après
fragmentation, les peptides générés ont un incrément de masse de 16 Da en fonction du
nombre d’atome d’oxygène présents sur les groupements isoprénoïdes. Le peptide
REKKFFC(far)AIM de masse m/z expérimentale 1476.22 (Fig. 11C) a une masse m/z de 1524.24
après une triple époxydation(Fig. 12A). En effet, ce peptide a trois atomes d’oxygène :
[M+H++far+3O]+ = 1476.22 + 3*16 = 1524.22 m/z. Tous les produits époxydes génèrent le
même fragment de 1254.45 m/z qui correspond au peptide REKKFFCAIM non farnésylé et
ayant perdu l’atome de soufre de la cystéine (Fig. 12B).
29
Figure 13. Vérification de la méthode d’époxydation dans un mélange peptidique complexe en MALDI-QTRAP-TOF.(A) Spectre de
masse du mélange peptidique BSA + peptides prénylés, avant époxydation(B) Spectre de masse du mélange peptidique BSA + peptides
prénylés, après époxydation(C) Spectres MS/MS des peptides RGDC(époxy-far) où le fragment de m/z 416,38 correspond au peptide
RGDC sans l’atome de soufre a) Fragmentation de l’ion 702,19 [M+H+Far+3O] + b) et de l’ion 718,46 [M+H+Far+4O]+ du spectre B. (D)
Spectres MS/MS des peptides REKKFFC(époxy-far)AIL où le fragment de m/z 1220 correspond au peptide REKKFFCAIL sans l’atome de
soufre. a) Fragmentation de l’ion 1490,96 [M+H+Far+2O] + b) de l’ion 1506,96 [M+H+Far+3O]+ c) et de l’ion 1522,95 [M+H+Far+4O]+
du spectre B. (E) Spectres MS/MS des peptides REKKFFC(époxy-far)AIM où le fragment de m/z 1270 correspond au peptide REKKFFCAIM
sans l’atome de soufre a) Fragmentation de l’ion 1556,89 [M+H+Far+5O]+ b) et de l’ion 1572,92 [M+H+Far+6O]+ du spectre B.
Figure 14. Spectre de MS/MS d'un peptide phosphorylé ((M+H +)+ m/z=722.3) issu de la digestion trypsique du VEGFR. Le spectre est
réalisé en ESI-CID avec un LTQ-Orbitrap-XL de résolution 60000.
30
Pour vérifier que la méthode d’identification des peptides prénylés est applicable à un
échantillon complexe, les auteurs ont réalisé un mélange des peptides précédemment étudiés
avec de la BSA (ratio 1 :100), digérée au préalable à la trypsine. Le mélange est époxydé et
analysé en MALDI-QTRAP-TOF MS/MS (Fig.13). Les spectres A et B montrent respectivement
la fragmentation du mélange avant et après époxydation. Suite à cela, les fragments sont de
nouveau fragmentés (spectre C,D,E). Les résultats montrent qu’il est possible dans un mélange
complexe d’identifier des peptides qui ont été farnésylés puisqu’une perte de la farnésylation
époxydée est observée ainsi qu’un fragment correspondant au peptide sans le soufre des
cystéines et sans la farnésylation.
Les auteurs voulaient identifier les peptides farnésylés ou géranylgéranylés dans un mélange
complexe cependant ils n’ont testé que des peptides farnésylés alors qu’ils auraient dû réaliser
un mélange de peptides farnésylés et géranylgéranylés pour pouvoir les différencier et ainsi
valider leur méthode. Les auteurs auraient pu effectuer également une simple oxydation et
en LC-MS utiliser une colonne C4 pour diminuer les temps d’élution plutôt que d’effectuer
une époxydation.
3. Modifications peptidiques
D’autres modifications post-traductionnelles existent et ont une importance
biologique particulièrement grande.
Phosphorylation
Les récepteurs membranaires (VEGFR et FPR1) ont des domaines conservés. On
retrouve notamment dans ces domaines des sites de phosphorylations sur les tyrosines (Y),
les sérines (S) et les thréonines (T) (Maaty et al. 2013). La phosphorylation S/T est souvent
issue de la fixation de ligand sur ces récepteurs, qui entrainent une voie de signalisation
spécifique. Dans le VEGFR, la phosphorylation des Y se fait en amont de celle des résidus S/T
puisque ce sont ces tyrosines qui transmettent le groupement phosphate (Rahimi et Costello
2015). Pour les récepteurs, ce genre de MPT est régulé dans le temps et dans l’espace.
La fixation du groupement phosphate se fait par l’action d’une kinase spécifique de l’acide
aminé en question et en présence d’ATP. Le groupement hydroxyl OH des acides aminés va
être remplacé par un groupement phosphate PO4H2. Un peptide qui sera phosphorylé aura
un incrément de masse Δ=79.9663Da (Fig. 14). Cet incrément de masse permet de discriminer
les phosphorylations des sulfatations si la résolution est suffisamment haute.
Les protéines cibles sont séparées par une colonne d’affinité (immunoprécipitation). L’éluat
est séparé en gel SDS-PAGE et la bande d’intérêt est prélevée pour être digérée à la trypsine
avant l’analyse en LC-MS/MS (Maaty et al. 2013; Rahimi et Costello 2015)
31
Figure 15. Stratégie de détection des méthylations dans une souche de
levure auxotrophe pour SAM. Les levures auxotrophiques sont incubées
avec SAM ou [CD3]SAM pendant 24h, puis les cellules sont récupérée et
lysées. Les lysats cellulaires sont mélangés et les protéines sont
extraites, digérées à la trypsine et analysées par µHPLC-MS/MS.
Figure 16. Spectre de MS/MS d'un peptide acétylé (en vert) (ion parent (M+2H +-64)2+ m/z=347.8) issu de la
digestion trypsique du p53. Le spectre est réalisé en ESI-CID avec un LTQ-Orbitrap-Velos de résolution 100000
après séparation en UPLC en phase inverse. La méthionine oxydée est marquée en marron.
32
Méthylation
La méthylation est une modification post-traductionnelle qui consiste à l’ajout d’un ou
plusieurs (jusqu’à trois) groupement méthyle sur les extrémités N- et C-terminale des
protéines ou sur les chaînes latérales des acides aminés portant des fonctions amine (K, R, H),
amide (N, Q), acide (D, E) ou thiol (C). L’ajout du groupement méthyle se fait par des méthyltransférases sur l’azote des protéines durant l’incorporation des acides aminés dans la chaîne
polypeptidique. Cette MPT a un rôle dans les processus d’interaction protéine-protéine, la
localisation cellulaire, la transduction du signal, la régulation et la transcription des gènes via
la modification des histones (Wang et al. 2015).
La S-adenosyl-L-méthionine (SAM) est un groupement donneur de méthyl activé qui provient
de l’activation de la méthionine par l’ATP. SAM va permettre la méthylation de la protéine
cible via l’activité catalytique de la méthyl-transférase dépendante des SAM. Le rajout d’un,
deux et trois groupements méthyls sur une protéine entraîne un incrément de masse ∆
respectivement de 14.0157, 28.0314 et 42.0471Da (Wang et al. 2015).
Une nouvelle stratégie pour confirmer les sites de méthylation des protéines consiste à faire
des cellules ne produisant pas SAM de façon endogène pour rajouter SAM couplée à un CH3
ou un CD3 avant l’analyse en MS. Avec [CD3]SAM, on observe un incrément de masse de 3n
(n=1,2 ou 3 méthylations) comparé au spectres obtenus avec [CH3]SAM (Fig. 15) (Wang et al.
2015).
Acétylation
L’acétylation peut se faire sur l’extrémité N-terminale des protéines par des N-terminal
acétyl-transférases (NAT) mais peut également se faire sur les lysines (K). Les acétylations sont
des facteurs de régulation de l’activité des protéines ciblées. Pour p53, l’acétylation des lysines
présentes dans le domaine C-terminal est connue pour moduler l’apoptose et l’arrêt du cycle
cellulaire induits par p53 (DeHart et al. 2014).
La fixation de l’acétyle sur l’azote se fait par l’action d’acétyl-transférases spécifiques à la
protéine ciblée et en présence d’acétyl-coA. Le groupement amine NH2 va être remplacé par
un groupement amide NH-CO-CH3. L’acide aminé qui sera acétylé aura un incrément de masse
de Δ=42,010565Da (Fig. 16). Cet incrément de masse permet de discriminer les triples
méthylations des acétylations si la résolution est là aussi suffisamment haute.
La stratégie d’enrichissement des protéines acétylées se fait souvent par l’immunoprécipitation de la protéine ciblée ou par immuno-précipitation de toutes les protéines
portant des lysines acétylées. Cette étape peut être suivie d’une migration sur gel SDS-PAGE
dans le but de récupérer un moins grand nombre de protéines, avant d’être analysées par
UPLC-MS/MS (LTQ orbitrap) (DeHart et al. 2014).
33
Figure 17 Identification de la SUMOylationde EGFR sur la lysine 37 en Mascot. Les spectres des peptides issus de la digestion
trypsiquede EGFR natif ou sumoylé ont été analysés en LC-MS/MS. Les peptides natifs (M+2H+)+ 952.99m/z ont gardé leur site de
clivage à la trypsique sur la lysine37 et sont donc plus petits que les peptides sumoylés. Le peptide sumoylé a un incrément de masse
de 137.1 par rapport à la masse théorique du peptide 30-53.
Figure 18 Spectre de MS/MS d'un peptide ubiquitinylé (en violet) (ion parent (M+H+)+ m/z=932.5) issu de la digestion trypsique du
p53. Le spectre est réalisé en ESI-CID avec un LTQ-Orbitrap-Velos de résolution 100000 après séparation en UPLC en phase inverse.
34
Sumoylation
La sumoylation est une MPT semblable à l’ubiquitination et consiste en la fixation de
la protéine SUMO (Small Ubiquitin-like Modifier) sur les lysines des protéines cibles. Cette
MPT permet la stabilité des protéines, la localisation subcellulaire, les interactions protéineprotéine, la réparation ADN et la transcription de gène (Packham et al. 2015).
Après digestion trypsique, il reste un ou deux résidus de la protéine SUMO sur la lysine
modifiée. Le peptide modifié présente donc un incrément de masse ∆ de 57,05 ou 114,04Da
et ne sera plus sensible à la trypsine (Fig. 19).
L’analyse de cette MPT se fait par la purification en chromatographie d’affinité avec un
anticorps anti-SUMO suivi de la digestion à la trypsine de la protéine. Les peptides sumoylés
sont analysés en LC-MS/MS en HCD (similaire au CID) ou en ETD et identifiés avec une matrice
Mascott(Packham et al. 2015).
Ubiquitinylation
L’ubiquitination est une MPT hautement sélective et régulée chez les eucaryotes, les
archées et certaines bactéries. Cette MPT se déroule aussi bien dans le noyau que dans le
cytoplasme et nécessite de l’énergie fournie par hydrolyse de l’ATP. L’ubiquitination est la
liaison de l’ubiquitine en C-term (≈ 8800 Da) sur la protéine cible et induit la dégradation de
la protéine par le protéasome. La fixation peut se faire sur le N-term de la protéine ou la chaine
latérale d’acides aminés portant une fonction amine (K), alcool (S, T) ou thiol (C).
L’ubiquitination joue un rôle important dans l’homéostasie cellulaire (transduction du signal,
trafic et localisation intracellulaire, division, apoptose…) et les processus nucléaires
(remodelage de la chromatine, réparation de l’ADN…) (Parker et al. 2005).
Le signal de l’ubiquitination dépend du contexte du signal, des enzymes impliquées et des
protéines cibles qui peuvent être mono ou poly-ubiquitinylées. L’ubiquitination fait intervenir
trois grandes classes d’enzymes : E1 qui active l’ubiquitine, E2 qui amène l’ubiquitine à la
protéine cible et E3-ligase qui lie l’ubiquitine à la protéine cible.
L’analyse de cette MPT se fait par digestion trypsique qui clive la chaîne d’ubiquitine en
laissant une étiquette de deux résidus glycine (clivage complet) ou en laissant une étiquette
LRGG (clivage incomplet) sur le peptide ubiquitinylé. Le clivage complet de la chaine
d’ubiquitine entraîne un incrément de masse de 114.04Da (Fig. 20)(DeHart et al. 2014). Il
est nécessaire d’avoir beaucoup de matériel de départ pour faciliter l’analyse à cause de la
nature transitoire des protéines ubiquitinylées.
35
Figure 19 Les S-nitrosylations sont modifiées avec un groupement biotine pour les rendre plus stable pour l’analyse en MS/MS.(A)
Stratégie du traitement chimique des S-nitrosylations pour couplé les cystéines modifiées à la biotine. Le delta de masse permettant la
détection de ces cystéines S-biotinylées est de 428 unités de masse (uma). (B) Spectre MS/MS d’un peptide S-nitrosylé issu de la
digestion trypsique de AHP1. Le spectre est réalisé en LC-MS/MS. Les paramètres de recherche de modification sont réglés sur 428
uma.
Figure 20 Spectre de MS/MS d'un peptide citrulliné ((M+H+)+ m/z=1747.9) issu de la digestion trypsique du GFAP. Le spectre est
réalisé en AXIMA MALDI-QIT-TOF.
36
S-nitrosylation
La S-nitrosylation est la fixation d’un oxyde nitrique (NO) sur la fonction thiol d’une
cystéine réduite, c'est-à-dire qui n’est pas impliquée dans un pont disulfure. Le NO est une
molécule de signal du stress cellulaire et la médiation de ce signal se fait par l’oxydation des
protéines. Cette MPT permet la régulation de protéines et ne peut se faire uniquement quand
les concentrations de NO sont importantes dans la cellule. Cette modification a été montrée
comme étant impliquée dans la régulation de la croissance des plantes mais également dans
la régulation du stress oxydatif au sein des muscles squelettiques.
La fixation du NO sur la cystéine peut se faire in vitro par l’action de S-glutathione NO
transférase. L’oxydation des cystéines peut être réversible. La cystéine qui portera cette
modification aura un incrément de masse de Δ=28,990154Da mais l’analyse de ce genre de
MPT se fait généralement par une dérivatisation à la biotine.
Les protéines d’un extrait total ou partiel sont traitées par le MMTS qui permet de rendre
inactif les groupements thiols libres par S-méthylation. Les protéines sont ensuite
débarrassées du MMTS présent, par un passage sur colonne ou par précipitation à l’acétone,
et sont traitées à l’ascorbate qui permet la réduction des cystéines S-nitrosylées. Enfin les
groupements thiols libres sont oxydés par la biotine-HPDP. L’incrément de masse dû à la
biotine est plus élevé (Δ=428,191585) et donc plus facilement analysable (Fig. 17) (Feng et al.
2013).
Citrullination
La citrullination est la déimination d’une arginine par les peptidylarginine deiminases
(PAD). Ce genre de MPT induit la perte de charges positives et influe sur la structure et la
fonction des protéines cibles. Il a récemment été montré que les PADs et les protéines
citrullinées sont impliquées dans l’inflammation et les maladies neurodégénératives(Ishigami
et al. 2015). Certaines PADs sont aussi capables de citrulliner les histones changeant la stabilité
de la chromatine (décondensation) et donc la transcription.
La réaction catalysée par les PADs nécessite la présence d’O 2 et de NADPH et Ca2+ en
cofacteur. La réduction de l’imine en urée se traduit par un incrément de masse ∆ de +1Da sur
le peptide modifié. De plus le remplacement de l’arginine par une citrulline induit la perte d’un
potentiel site de clivage à la trypsine (Ishigami et al. 2015).
Les protéines recombinantes citrullinées sont clivées à la trypsine et les peptides sont purifiés
par chromatographie d’affinité avec un anticorps anti-citrulline. Après élution, ces peptides
sont purifiés sur colonne en phase inverse (C18) pour éliminer les sels du tampon d’élution et
éluées avec un mélange d’acide 2,5-dihydroxybenzoic (10mg/ml)/0.1% d’acide
trifluoroacetique/40% acétonitrile. Les peptides sont analysés en MALDI-QIT-TOF et identifiés
par Mascot (Fig. 18).
37
38
IV. Conclusion.
Les différentes publications présentées ont permis de mettre en évidence différentes
méthodes d’analyse des modifications post-traductionnelles. Le CID permet de déterminer la
séquence peptidique, glucidique et lipidique. Cependant, les modifications glucidiques sont
plus facilement déterminées quand la fragmentation est faite à haute énergie (HCD). L’ETD
quant à lui, permet de déterminer certains sites d’attachement des modifications posttraductionnelles aux protéines en les laissant intactes et en fragmentant la séquence
peptidique.
Les méthodes d’enrichissement sont primordiales pour l’analyse en spectrométrie de masse.
En effet, les protéines modifiées sont présentes en plus faible concentration par rapport aux
protéines totales. Généralement, une chromatographie (en phase inverse, directe et
d’affinité) permet de réaliser cet enrichissement.
On peut résumer les différentes modifications post-traductionnelles dans le tableau suivant.
Modification
Incrément de masse
Glycosylations
→
→
→
→
→
Masse de résidu osidique
HexNAc
Hex
Pentose
Fucose
NeuNAc
203,089935
162,063385
132,052826
146,156480
291,2699
Modifications lipidiques
Masse du résidu lipidique
→ Farnesylation
→ Géranylation
205
273
Modifications peptidiques
Phosphorylation
Méthylation
→ Mono→ Di→ Tri-
79,966333
14,0157
14,0157
28,0314
42,0471
Acétylation
S-nitrosylation
→ Biotinylée
Citullination
Sumoylation
Ubiquitination
42,010565
28,990154
428
0,984016
57,05 ou 114,1
114,1
39
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