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Quelle que soit la méthode d'ionisation utilisée, c'est un ensemble d'ions de masses, voire de charges,
différentes qui est produit dans la source. L'ion moléculaire ou la molécule protonée sont accompagnés
par des ions-fragments, des ions de matrice (FAB, MALDI) ou des ions de gaz réactif (IC). Le terme
d'analyse (de masse) est donc à comprendre dans son sens premier, à savoir au sens de séparation.
L'analyse du faisceau ionique consiste en effet à séparer les ions les uns des autres selon leur rapport
masse/nombre de charge (m/z).
L'information primordiale apportée par la spectrométrie de masse, à savoir la valeur de m/z des
particules chargées, découle de l'analyse d'un phénomène unique: la déviation de ces ions par des
champs électromagnétiques. C'est d'ailleurs par la mise en évidence de l'effet de champs électriques et
magnétiques sur la trajectoire d'un faisceau de particules émises par des décharges électriques dans un
tube à faible pression que Wien pu démontrer, en 1898, leur nature ionique.1
Avant d'aborder la description des analyseurs de masse dans la suite du chapitre, une mise au point
doit être faite au sujet d'un facteur instrumental important: la résolution.
Qu'est-ce que la résolution ?
La résolution est la capacité d'un instrument de mesure à distinguer entre eux deux signaux voisins.
Plus la résolution est élevée, plus la différence entre deux signaux distincts est faible sur le paramètre
mesuré. En spectrométrie, la résolution correspond également à la finesse des pics. A chacune de ces
définitions correspond un mode de calcul particulier. En considérant le pouvoir séparatif, on peut
définir la résolution en spectrométrie de masse comme le rapport m/∆m où m est la masse d'un ion
considéré et ∆m la différence minimale entre le pic considéré et son voisin le plus proche dont il peut
être distingué. Selon cette définition, un instrument qui est en mesure de distinguer des ions de
masses 100 et 100,1 possède une résolution de 100/(100,1 – 100) = 1000.
Si l'on considère la largeur des pics, la résolution est donnée par un rapport analogue m/∆m où ∆m
est cette fois-ci la largeur du pic à mi-hauteur. Dans ce cas, une résolution de 1000 est atteinte pour
un ion de masse 100 dont la largeur à mi-hauteur représente 0,1 Th. Dans ce cas, il est également
d'usage d'employer le rapport ∆m/m exprimé alors en ppm (parties par million).
Les mesures dites "en haute résolution" sont surtout effectuées pour obtenir des valeurs de masse
exacte. Il faut cependant faire attention au fait suivant: la résolution permet d'obtenir des mesures
précises mais pas nécessairement des mesures exactes. L'exactitude dépend en effet de la qualité de
l'étalonnage. Les interprétations parfois hardies qui sont faites des résultats obtenus en spectrométrie
de masse en haute résolution ont amené Michael L. GROSS, éditeur du Journal of the American
Society for Mass Spectrometry à faire la mise au point suivante (J. Am. Soc. Mass Spectrom., 1994):
"L'incertitude acceptable pour une mesure analytique doit être évaluée en fonction de son
adéquation avec l'usage que l'on veut faire de cette donnée. Les données spectrales en spectrométrie
de masse à haute résolution sont souvent utilisées pour confirmer l'identité de produits naturels ou
synthétiques. L'incertitude sur la mesure de masse exacte utilisée pour la vérification de structure
doit être mentionnée en même temps que le résultat. (…) Elle peut être évaluée par toute méthode
statistique valide, par exemple en déterminant la précision et l'exactitude de mesures répétées ou en
évaluant les caractéristiques, en terme de performance, du spectromètre utilisé.
Lorsque le résultat d'une mesure de masse exacte est utilisé pour la confirmation d'une formule
brute, tous les candidats qui correspondent à la valeur déterminée expérimentalement et qui
prennent en compte l'incertitude de la mesure doivent être considérés. Fixer une valeur d'erreur
1 W. Wien, Ann. Phys., 65, 440 (1898)
CHAPITRE II ANALYSEURS DE MASSE