Les animaux dans la Bible 1 - Eglise protestante de Bruxelles

publicité
Les animaux dans la Bible
1 – sur la trace des animaux
Avec Laurence, lorsque nous avons choisi de vous proposer une série de prédications sur les animaux
dans la Bible, nous n’avions peut-être pas forcément en tête la vaste étendue de ce sujet. Bien sûr,
nous savions déjà quelques figures animales particulières sur lesquelles nous allions revenir dans les
dimanches de cette période. Par exemple, celle de l’âne qui, entre autre, porta Jésus lors de son
entrée à Jérusalem – et qui suivant la tradition parabiblique était aussi présent, avec le bœuf, à la
nativité ; il y a aussi les petits chiens de la Cananéenne, déjà croisés ici ; Jonas et la grande
poissonne ; le lion de Juda ; l’antique serpent de la Genèse et de dragon de l’Apocalypse ; et tant
d’autres possibles. C’est tout un bestiaire qui pourrait être dressé. Le Moyen Âge ne s’est pas privé
de développer ce genre de littérature, il en fut même l’âge d’or, les bestiaires provenant
principalement des milieux monastiques. Faites donc un tour dans une église ou une cathédrale
gothique. En regardant bien, vous serez surpris de découvrir le nombre de représentations animales
qui s’y trouvent. Cela va de l’animal le plus commun (le chien, par exemple, animal de compagnie de
tel ou tel prédicateur comme celui au pied de la chaire de la cathédrale de Strasbourg), aux animaux
les plus extraordinaires qui soient notamment par les gargouilles, en passant par ceux plus
symboliques qui donnent à voir autre chose que leur propre figure : le lion de saint Marc, le taureau
de saint Matthieu, l’aigle de saint Jean… et l’homme de saint Luc… les évangélistes. Quatre animaux,
dont un homme ! Voilà qui dit déjà quelque chose sur la manière dont la Bible considère les animaux,
et au-delà — d’elle sur la lecture que des générations de croyants en ont faite d’elle.
Avant d’entrer plus à même dans l’univers biblique, jetons un œil sur le milieu dans lequel la Bible a
été composée, même si cela couvre une très longue période. Dans son Premier Testament, elle
raconte l’histoire du peuple hébreu, attaché à sa terre donnée par Dieu lui-même : le pays de
Canaan, devenu par la suite Israël, puis un royaume séparé en deux (au Nord Israël et au Sud Juda),
avant de disparaître en tant que tel jusqu’au vingtième siècle de notre ère et de porter le nom de
Palestine. Ce petit bout de terre est entouré de voisins dont certains ont eu une grande influence sur
lui. En chacun d’eux, la représentation animale tient une place prépondérante, notamment en
matière de religion. Dans les régions du Nord et de l’Est, sous le terme générique de Baal, on trouve
toute une multitude de divinités (Baal, en hébreu, signifiant le puissant, le seigneur – il existe même
un rabbin célèbre qui porte le nom de Baal Shem Tov). Ces Baals sont des dieux vers lesquels les
Hébreux auront tendance à se tourner pour personnifier Élohim, leur Dieu invisible. La grande figue
est alors celle du taureau dont les cornes sont le symbole de la force fougueuse et le sexe celui de sa
puissance féconde. Baal, un dieu fort et viril ! Ces peuples ne sont pas les seuls à faire du taureau une
image de la divinité. En Crète, il y a le Minotaure qui dévore ses enfants ; en Grèce, Zeus se
métamorphose en taureau pour séduire Io ; dans l’Empire romain, le culte de Mithra était l’occasion
d’immoler un taureau et d’asperger les fidèles avec son sang ; en Égypte, Apis, le dieu à tête de
taureau était très vénéré. Le panthéon égyptien est rempli de ces divinités à corps humains et têtes
animales : Ra (le dieu soleil) a tête de faucon, Horus (dieu du ciel) aussi, avec une queue de taureau,
Thot (dieu de l’écriture et du savoir) a tête d’ibis, Anubis (dieu de la momification) avec sa tête de
chacal, Amon et sa tête de bélier ; Seth le dieu du désert et du mal, toujours avec un corps d’homme,
mais avec une tête animalière indéterminée (âne, chien… ?), l’indétermination pouvant alors être le
symbole du mal. Il faut reconnaître que l’Égypte ancienne était le pays par excellence de la zoolâtrie,
on sait la dévotion des Égyptiens pour les chats, animaux sacrés s’il en est. Hérodote, l’historien grec
né en 484 avant Jésus Christ, rapporte qu’un Égyptien, lors de l’incendie de sa maison, pouvait laisser
brûler sa demeure et ses meubles, mais exposait sa vie pour sortir un chat du brasier. Les
archéologues ont mis à jour bon nombre de momies d’animaux. Soigner les sépulcres d’animaux était
à l’époque un devoir. J’ai ainsi lu un passage dans un document, dont la première phrase aurait pu
Les animaux dans la Bible — 1
Page 1
trouver place dans le Nouveau Testament. Il y est écrit : « J’ai donné du pain à l’homme affamé, de
l’eau à l’assoiffé, des habits au dénudé. J’ai pris soin des ibis, faucons, chats et chiens divins, et je les
ai rituellement inhumés, oints d’huiles et emmaillotés d’étoffes. »
Partant du premier commandement qui affirme l’unicité de Dieu – Je suis l’Éternel ton Dieu, tu
n’auras pas d’autre dieu devant ma face – et de l’interdit de toute représentation de ce qui est, entre
autres, au ciel, les Hébreux ne pourront en aucun cas s’adonner à la zoolâtrie ou succomber au
zoomorphisme divin : donner à Dieu une forme animale. Ainsi, lorsque Moïse, descendu de l’Horeb,
découvre que son peuple a fabriqué un taurillon en or – non pas d’ailleurs en acte de défiance envers
Dieu ou pour adorer un autre Dieu que l’Éternel qui l’a fait sortir du pays de l’esclavage, mais
simplement pour lui donner une forme visible et pouvoir lui rendre plus facilement le culte qui lui est
dû – de colère, il [Moïse] laisse tomber les deux tables de la Loi qui se brisent en touchant le sol. Le
peuple hébreu, dans l’expression de sa foi, ne peut être semblable aux autres peuples qui
l’environnent. Aucun animal n’est divin ni ne peut être la représentation de Dieu Adonaï. Il est de
même inconcevable que Dieu puisse s’incarner dans un animal quelconque. L’animal est une
créature de Dieu, comme toutes les autres et ne saurait être sorti de ce rôle.
Cependant, dans l’ordre de la création tel que rendu dans le récit mythologique du premier chapitre
de la Genèse, le règne animal occupe une place particulière. Les animaux sont créés au cinquième
jour pour les poissons – « les grands monstres marins, tous les êtres vivants et remuants selon leur
espèce dont grouillent les eaux » — et « tout oiseau ailé selon son espèce » ; au sixième jour, c’est au
tour des « bestiaux, bestioles et bêtes sauvages selon leur espèce » qui sont sur terre ; enfin l’homme
et la femme au terme de ce dernier jour avant le repos de Dieu. Tous reçoivent la même consigne :
« Soyez féconds et prolifiques, remplissez » votre espace de vie. En cela, la Bible dit qu’ils sont
semblables et appartiennent bien au groupe des êtres vivants, même si l’humain reçoit une parole
supplémentaire de dominer sur tout ce qui vit sur la terre, dans les eaux et dans les airs ; dominer ne
signifiant nullement la possibilité de détruire, bien au contraire : soumettre n’est pas démettre.
Dans le second récit de la Genèse, aux chapitres deux et trois, la proximité de l’humain et de l’animal
est encore plus grande. Tous deux sont tirés de la poussière. Ils ont organiquement et
symboliquement même milieu d’origine. Et comme l’affirme l’Ecclésiaste, « le sort des fils d’Adam,
c’est le sort de la bête, c’est un sort identique : telle la mort de celle-ci, telle la mort de ceux-là ; ils ont
tous un souffle identique : la supériorité de l’homme sur la bête est nulle, car tout est vanité » (3, 19).
Tous les fils et les filles d’Adam et toutes les bêtes sont bien des êtres vivants (hyx vpn), ils ont
même souffle et même destinée de retourner à la poussière, de mourir – sans oublier qu’en latin
l’animal et l’humain sont animal-animalis, c’est-à-dire formé d’air l’un et l’autre ; ils sont bien « être
vivant » ayant même souffle, toujours en latin anima-animae… ce qui a donné l’âme et son mystère.
La proximité entre les humains et les animaux s’exprime encore dans la Bible par une certaine forme
de lien fraternel. Ainsi, tantôt c’est l’homme qui vient en aide aux animaux (à l’image de Noé
accueillant un couple de chaque animal dans l’arche pour les protéger du déluge), tantôt c’est
l’animal qui vient en aide à l’homme (telle l’ânesse de Balaam, Nb 22, 22). La Bible rappelle ainsi que
Dieu ne cesse de répandre ses bienfaits sur tous les êtres vivants, et Jésus de prendre en exemple les
oiseaux du ciel. Le psalmiste chante : les animaux, « tu [Dieu] donnes, ils ramassent ; tu ouvres tes
mains, ils se rassasient » (Ps 104, 27). Plus encore, dans la Loi, il est prescrit qu’ils doivent aussi
bénéficier du Sabbat : « Six jours, tu feras ce que tu as à faire, mais le septième tu chômeras, afin que
ton bœuf, ton âne se reposent » (Ex 23, 12).
La conséquence directe qu’en tire la Bible, c’est que tous les deux – l’homme et l’animal – sont
concernés par l’alliance avec Dieu. C’est la conclusion de l’épisode mythique du déluge. Au sortir de
l’arche, Dieu déclare à Noé et aux siens : « Je vais établir mon alliance avec vous, avec votre
descendance après vous, avec tous les êtres vivants qui sont avec vous : oiseaux, bestiaux, toutes les
bêtes sauvages qui sont avec vous. Bref, tout ce qui est sorti de l’arche avec vous, même les bêtes
sauvages… Voici le signe que je mets entre moi, vous et tout être vivant avec vous, pour toutes les
Les animaux dans la Bible — 1
Page 2
générations futures. J’ai mis mon arc dans la nuée… » (Gn 9, 9ss). L’arc dans le ciel est un signe pour
tout ce qui respire, alliance de Dieu pour les humains et pour les animaux aussi.
Dès lors, il n’est pas surprenant que ces derniers soient également associés à la vision du Royaume et
à sa préfiguration. Au début de son ministère, Jésus a passé quarante jours dans le désert.
L’évangéliste Marc dit de lui qu’il y séjournait en harmonie avec les bêtes sauvages (Mc 1, 13). Quant
aux disciples, suivant le même évangéliste, Jésus ressuscité leur annonce comme signe qu’ils
prendront des serpents par la main sans rien craindre (Mc 16, 18). Dans le Royaume, cette harmonie
sera totale : « Le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le
lionceau seront nourris ensemble, un petit garçon les conduira. La vache et l’ourse auront même
pâture, leurs petits, même gîte. Le lion comme le bœuf mangera du fourrage. Le nourrisson s’amusera
sur le nid du cobra. Sur le trou de la vipère, le jeune enfant étendra la main » (Ésaïe 11, 6ss).
Alors, je ne sais pas si tous les attributs que les auteurs de la Bible ont donnés aux animaux ne sont,
comme le dit un de mes dictionnaires, que des projections de qualités, défauts, sentiments propres
aux humains. De même, je ne sais toujours pas si les animaux ont une âme ou pas – mais les humains
non plus, après tout… et qu’est-ce que l’âme ? Cela dit, n’en déplaise au « Chat du rabbin » qui aurait
bien voulu être Dieu et être seul pour sa maîtresse, l’humain et l’animal sont ensemble face à Dieu,
et cela devrait influencer radicalement tout discours chrétien écologique.
Au terme de ce premier parcours sur les animaux de la Bible, il me vient que, même si ce n’est pas
ma tasse de thé ou que ce n’est pas protestant du tout, les célébrations faites en présence des
animaux peuvent avoir du sens. Dieu ne proclame-t-il pas par Ésaïe que « les bêtes sauvages [lui]
rendront un culte, les chacals et les autruches » (Es 43, 20) ? Et le psalmiste, encore lui, invite toutes
les bêtes à louer Dieu : « Alléluia, louez le Seigneur depuis les cieux… Louez le Seigneur depuis la
terre : dragons et vous tous les abîmes… bêtes sauvages et tout le bétail, reptiles et oiseaux, rois de la
terre et tous les peuples, princes et tous les chefs de la terre, jeunes gens, vous aussi jeunes filles,
vieillards et enfants » (Ps 148). L’homme et l’animal sont indissociablement liés à la fois par leur
condition d’être, mais également en face du regard de Dieu. Atteindre à l’un, c’est atteindre à
l’autre… et c’est toucher Dieu.
Bruneau Joussellin
Bruxelles-Musée
le 29 août 2015
Les animaux dans la Bible — 1
Page 3
Téléchargement