qui contribuent par ailleurs à une meilleure trans-
parence et une lisibilité de l’action de l’État.
Les auteurs proposent, dans une première partie,
une réflexion sur la notion d’« instrumentation de
gestion » et décrivent trois types de comportements
face aux outils de gestion : le déni de la technique
et l’occultation de la place de ces instruments,
l’euphorie technophile où la technique s’appa-
rente à une passion et une modernité folle et la
technophobie où la technique est vécue comme une
oppression. Cette première partie permet égale-
ment de revenir sur les approches traditionnelles
des outils de gestion dans la théorie des organi-
sations, avec l’histoire de la pensée en sciences
de gestion et les travaux fondateurs de Frédéric
Winslow Taylor et Henri Fayol.
La partie centrale de l’ouvrage traite de l’analyse
sociale des outils de gestion à partir d’une copieuse
revue de littérature dans laquelle trois courants
théoriques sont repérés. Tout d’abord, les études
critiques qui considèrent que les outils de gestion
sont des leviers de domination ou d’exploitation
des travailleurs. L’une des manifestations de ce
courant porte sur la critique du technicisme et
l’évacuation de la subjectivité où la méconnais-
sance du travail effectif et l’idéologie de la trans-
parence ont des effets néfastes sur la santé des
salariés (Christophe Dejours, Yves Clot). Une autre
approche assimile l’outil de gestion à un vecteur
de déshumanisation et d’aliénation des sujets : des
cliniciens considèrent que certaines techniques de
management peuvent s’apparenter à de la mani-
pulation (Nicole Aubert, Vincent De Gaulejac).
Les études institutionnalistes qui s’intéressent au
rôle joué par les institutions dans le développement
des outils de gestion sont présentées en deuxième
partie de l’ouvrage. L’un des exemples porte sur
les normes proposées par des organisations inter-
nationales [Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), Union euro-
péenne, International Organization for Standar-
dization (ISO)] qui se révèlent être sources
d’homogénéité plus forte que la centralisation du
pouvoir et des décisions. Une autre approche
considère l’outil comme un « investissement de
forme », expression de François Eymard-Duvernay
et Laurent Thévenot qui sont également à l’origine
de l’approche conventionnaliste. La convention
permet à la fois de régler la coordination de l’action
dans un contexte d’incertitude mais elle permet
également de coordonner non seulement les
comportements mais également les représentations.
Le courant de l’approche néo-institutionnaliste
repose sur des études qui s’appuient sur les inter-
actions entre outils et acteurs. L’accent est porté
sur l’autonomie de ces derniers. Le statut de l’outil
de gestion est différent selon les thèses mobilisées.
En voici trois types illustratifs :
•la théorie de l’acteur-réseau (Michel Callon,
Bruno Latour, Madeleine Akrich) où « la société et
les sciences se mélangent », et où les chercheurs
s’intéressent au rôle que les outils de gestion
jouent dans les organisations et à la façon dont ils
agissent ;
•l’outil comme être de langage où l’accent est
mis sur la dimension communicationnelle des
organisations et qui confirme la simultanéité de
l’outil et du langage (travaux du réseau de recherche
Langage et Travail autour d’Anni Borzeix et
Béatrice Fraenkel) ;
•la théorie de l’acteur stratégique élaborée par
Michel Crozier et Erhard Friedberg où les compor-
tements ne résultent pas d’un déterminisme mais
d’une intention stratégique des acteurs sociaux et
où les stratégies individuelles dans le changement
et la régulation de l’action dans les organisations
sont importantes.
La dernière partie de l’ouvrage est constituée de
quatre études de cas réalisées par de jeunes
chercheurs qui complètent et illustrent les aspects
théoriques présentés précédemment. Les thèmes
abordés sont variés : le choix des indicateurs de
performance de l’enseignement supérieur et de
la recherche, les ratios prudentiels de l’activité
bancaire, le rôle d’un progiciel dans un processus
de changement des pratiques de gestion de la
relation-clientèle, les dispositifs de financement
de l’action sociale. Chaque outil est éclairé d’un
point de vue théorique pour en montrer les consé-
quences et les enjeux.
Deux études de cas ont retenu notre attention de
par leur proximité avec les problématiques de la
branche Famille. Tout d’abord celui présenté par
Bernard Grall sur la mise en place d’un progiciel
CRM dans une entreprise. Cet outil permet notam-
ment de gérer les contacts avec les clients, les
usagers ou les partenaires, d’identifier et de définir
leurs profils et d’organiser la communication
avec eux. Le projet a duré trois ans et s’est révélé
complexe à mettre en œuvre, les logiques de
conception de la relation client étant différentes
entre celles inscrites dans le progiciel et celles
des commerciaux de l’entreprise. Par ailleurs,
des défaillances techniques lors de la phase de
lancement ont montré le rôle important de la
technique dans le processus d’appropriation par
les acteurs. Au final, le progiciel est un acteur à
part entière du processus d’appropriation par les
utilisateurs.
La seconde étude de cas présentée par Corine
Eyraud examine la mesure des actions publiques
mise en place dans le cadre de la loi organique
relative aux lois de finances. Elle décrit ces pro-
cessus de quantification comme le produit de
rapports de force entre les différentes administrations
ministérielles, et souligne combien la construction
de l’information chiffrée sur le monde peut contri-
buer à orienter l’action publique, subordonnant
ici l’attribution des moyens à la performance des
établissements. Cette étude de cas confirme que
Politiques sociales et familiales n° 116 - juin 2014
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