Hervé Douris
Pitons, cirques
et remparts
de lîle de La Réunion
(France)
Des sites exceptionnels
proposés au Patrimoine Mondial
Dans la grande famille des îles océaniques tropicales, La Réunion fait figure d’exception.
Son cœur montagneux abrite des paysages grandioses, dominés par deux massifs
volcaniques voisins, mais d’âges distincts, et trois cirques tardivement colonisés.
De hauts remparts aux dimensions spectaculaires dessinent un relief souvent inaccessible,
riche en milieux naturels préservés. Ce bout de terre à l’humeur volcanique est également
reconnu comme un des points chauds de la biodiversité mondiale.
Il recèle une faune et une flore rares, marquées par une proportion élevée d’espèces
endémiques. Concentré d’histoire naturelle, le centre de l’île offre une lecture inédite
d’évolutions fulgurantes.
Habitée depuis moins de quatre siècles, La Réunion est un laboratoire du vivant,
dont le potentiel scientifique et touristique ne demande qu’à s’offrir un peu plus au monde.
La valeur de ce patrimoine a été consacrée, en mars 2007, par la création du neuvième
parc national français, couvrant plus de 40% de la superficie de l’île et l’essentiel de son
cœur montagneux. Le Parc national porte aujourd’hui la candidature des « Pitons, cirques
et remparts de l’île de La Réunion » au Patrimoine Mondial de l’Unesco, au titre de Bien
naturel. L’élaboration de ce projet, soutenu par l’Etat, la Région, le Département et
l’Association des Maires, a mobilisé l’ensemble du monde scientifique local.
Universel autant qu’exceptionnel, le patrimoine réunionnais demande à être davantage
étudié, toujours mieux protégé et valorisé. Son inscription au Patrimoine Mondial
permettra de franchir une étape supplémentaire vers cet objectif. Quand elle aura rejoint
les 878 autres Biens classés sur la planète depuis 1978, La Réunion deviendra une
référence environnementale : le monde y découvrira un livre ouvert sur l’histoire
de la Terre et sur la dynamique de la Vie.
Pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion
Des sites exceptionnels proposés au Patrimoine Mondial
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Cirque de Salazie
CÔTE AU VENT
CÔTE SOUS LE VENT
Piton des Neiges
Piton de la Fournaise
Cirque de Cilaos
Cirque de Mafate
Un livre ouvert sur l’histoire de la Terre
OCÉAN INDIEN
Hervé Douris
Sources : Modèle numérique de terrain. Parc national de La Réunion - Document Institut Géographique National
NS
O
E
Île de La Réunion
Pitons, cirques et remparts de l’île de La Réunion
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Le sommet du Piton de la Fournaise
(2 632 m), volcan actif.
Le Piton de la Fournaise se trouve, à vol d’oiseau, à vingt kilomètres
de son aîné, le Piton des Neiges.
La proximité de deux massifs volcaniques d’âges différents
est une originalité forte de la géographie réunionnaise.
La Réunion est un des sept
sites mondiaux
nés d’un point chaud profond,
en relation avec le cœur de la Terre.
Les autres points chauds
(une quarantaine sur la planète)
prennent naissance dans des zones
plus superficielles du manteau
ou de la croûte terrestre.
Hervé Douris
Manteau supérieur
Manteau inférieur
AFAR
RÉUNION
LOUISVILLE
HAWAII
Axe de rotation de la Terre
Noyau externe
Noyau interne
A F R I Q U E
P A C I F I Q U E
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Située au sud-ouest de l’océan Indien,
à 800 kilomètres des côtes malgaches et
à 200 kilomètres au nord du tropique du Capricorne,
La Réunion a surgi de l’océan il y a trois millions
d’années. Issue d’un « point chaud » océanique
enfoui à 2 400 kilomètres sous l’écorce terrestre,
l’île ne partage le secret de sa naissance qu’avec six
autres endroits du monde, dont Big Island (Hawaii).
Depuis, elle n’a cessé de se construire et d’évoluer.
Aujourd’hui, le tiers de ce décor est encore intact,
préservé de la colonisation humaine qui reste
concentrée sur le littoral.
Trois massifs volcaniques ont successivement
façonné le relief de l’île. Le plus ancien, le Piton
des Neiges, est le point culminant de l’océan Indien
(3 071 m). L’existence du second a été découverte
très récemment : baptisé « Volcan des Alizés » par
les scientifiques, il s’est effondré et ses décombres
ont été recouverts en quasi-totalité par le Piton de
la Fournaise (2 632 m). Ce dernier est aujourd’hui
un des volcans les plus actifs de la planète.
Ses fréquentes éruptions valent à La Réunion
sa réputation d’île à grand spectacle.
La présence de deux grands massifs volcaniques
sur une terre aux dimensions réduites (2 500 km2)
est une richesse rare. Cette particularité permet une
étude inédite de l’histoire des paysages volcaniques.
La dimension des deux volcans conditionne aussi
le climat de l’île. Ils opposent une barrière
montagneuse à la circulation des alizés, générant
deux façades climatiques très différentes.
A l’est, la « côte au vent » est soumise à l’influence
des entrées maritimes. Ainsi, la façade orientale du
Piton de la Fournaise est l’une des régions les plus
arrosées au monde, en raison de son exposition et
de ses fortes pentes. En une année, un record de
pluie supérieur à 18 mètres a été enregistré sur son
versant sud-est, à 1 600 m d’altitude.
A l’inverse, louest de lîle, aussi appelé « côte sous
le vent » et protégé par le relief, est relativement
abrité des alizés et des précipitations.
Si ce phénomène s’observe sur de nombreuses îles
montagneuses, La Réunion se distingue par ses
régions sommitales, où le climat tempéré a créé
un étage de végétation altimontaine rarissime dans
le monde insulaire tropical.
Les sommets centraux du massif du Piton des Neiges (3 071 m),
vus de la côte est de La Réunion.
L’altitude du massif a vraisemblablement atteint 3 400 m au moment
de sa pleine activité volcanique, qui a cessé il y a douze mille ans.
L’île ressemble à une montagne posée sur la mer,
le relief conditionne fortement le climat.
Lîle aux deux volcans
Jean-Cyrille Notter
D’après Courtillot et al.
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Le relief de La Réunion ne cesse d’évoluer.
Il continue à se construire, dans la région du Piton
de la Fournaise, au rythme des coulées de lave ou
d’effondrements spectaculaires comme celui d’avril
2007 au cratère Dolomieu, sur trois cents mètres
de dénivellation.
Ce sont aussi de grands effondrements et
glissements de terrain qui ont mis en place
les cirques, autour du massif du Piton des Neiges.
Les violentes et abondantes pluies cycloniques ont
participé largement, et participent encore, au
creusement des vastes amphithéâtres que sont les
cirques de Salazie, Mafate et Cilaos.
Leurs paysages sont exceptionnels à l’échelle de la
planète. Chaque cirque a une forme de poire,
délimitée par de hauts remparts qui forment, en
aval, des vallées encaissées débouchant à proximité
de la mer.
Le fond des cirques est chaotique, dévoré en
permanence par l’érosion torrentielle.
De rares espaces plats et instables permettent
l’installation de l’homme, dans un habitat typique
organisé en « îlets ».
Les trois cirques, disposés en as de trèfle tout
autour du Piton des Neiges, ont un air de famille.
Mais chacun a ses particularités :
Salazie accueille en son centre un énorme bloc
détaché du Gros Morne, le Piton d’Anchain.
Mafate se distingue par une série de crêtes
parallèles, orientées dans le sens amont-aval :
crêtes de la Marianne, d’Aurère, des Calumets,
des Orangers. En amont, Cilaos possède de vastes
espaces plats – Bras-Sec, Cilaos Village,
Ilet-à-Cordes – complètement absents en aval.
Le trèfle n’a pas toujours eu trois feuilles.
Lest de lîle a vu naître puis disparaître un
quatrième cirque, celui de Bébour, comblé par
les dernières coulées du Piton des Neiges il y a plus
de douze mille ans. L’évolution actuelle du relief
devrait aboutir, à très long terme, à la formation
de nouveaux cirques dans le massif du Piton
de la Fournaise.
Le spectacle des cirques
Cilaos
Le Cirque de Cilaos (ci-contre)
s’est creusé au sud-ouest
du Piton des Neiges.
Dans sa partie la plus haute,
il abrite plusieurs plateaux qui ont permis
l’implantation humaine.
Le relief est plus chaotique dans sa partie basse.
Chacun des trois cirques réunionnais présente
une morphologie particulière.
Mafate
Les gorges de la Rivière des Galets
(bas, page de droite)
s’enfoncent dans le Cirque de Mafate,
marqué par la présence
de grandes crêtes alignées
de l’amont vers l’aval.
Paysage majuscule de La Réunion,
Mafate fait partie, dans son intégralité,
du périmètre candidat
au Patrimoine Mondial.
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La Réunion a trois millions d’années, mais elle
est occue par lhomme depuis moins de quatre
siècles. En vagues successives venues de plusieurs
continents, le peuplement sest progressivement
étendu sur les zones littorales. Le cœur montagneux
de lîle, protégé par un formidable relief,
est longtemps resté une terra incognita.
Les Hauts ont dabord servi de refuge aux esclaves
en fuite. Puis, au XIXesiècle, la culture intensive
de la canne à sucre a repoussé vers les terres
ingrates de linrieur les colons les plus modestes.
Les traces de ce peuplement pluriel se lisent,
aujourd’hui encore, dans de nombreux noms
de lieux, ainsi que dans les traditions artisanales et
dicinales, telle la tisanerie. Des relations
profondes unissent les hommes à la nature des
Hauts, espaces de liberté où le modèle unique de vie
sociale des Bas laisse place à une identité rurale et
plurielle. On vient y rechercher ses racines,
retrouver un art de vivre authentique.
Au fil du temps, les Réunionnais ont pris conscience
de la richesse mais aussi de la fragilité de ce double
patrimoine naturel et culturel.
Les espèces exotiques introduites par lhomme,
parfois envahissantes, menacent en effet la nature
originelle jusque dans les zones les moins
accessibles.
À partir des années 1970, des sociétés de défense
de la nature ont vu le jour. A la fin de la précédente
cennie, la coordination des efforts de l’Etat,
de la Région et du Département a permis
d’importantes avancées environnementales
(adoption dun Schéma dAménagement Régional,
création dEspaces Naturels Sensibles, inventaire
des Zones d’Intéts Ecologique, Faunistique
et Floristique...)
La création dun parc national, initiée en 2001,
a abouti le 5 mars 2007 après une vaste
concertation avec tous les acteurs de la société
unionnaise et l’obtention dun consensus sur
ses limites territoriales et ses objectifs.
Le cœur du Parc couvre 42% de la superficie
de lîle et l’essentiel des espaces naturels
de son centre montagneux.
L’homme a progressivement
asservi la nature insulaire,
en commençant par défricher
les zones littorales
les plus propices à l’agriculture.
En revanche, une large part
de l’intérieur montagneux
n’a pu être colonisée
et conserve
ses caractéristiques originelles.
Un impact humain limité par le relief
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Salazie
Le Piton d’Anchain trône au milieu du Cirque de Salazie.
L’action de l’érosion torrentielle est énorme dans ce cirque,
le plus oriental de l’île, qui reçoit d’importantes précipitations.
Les pluies alimentent d’innombrables cascades
au flanc des remparts verticaux.
Historique de la colonisation des terres à La Réunion
Sources : IGN-CNRS, PNRun et BDTopo
Réalisation : Parc national de La Réunion
Fond cartographique : Estompage de la BDAlti IGN
Zone non colonisée
Zone colonisée au XXesiècle
Zone colonisée au XIXesiècle
Zone colonisée avant 1800
Foyer d’implantation initial
Limite communale
Limite du Bien
Hervé Douris
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