Sociétés anonymes d’HLM depuis 1853 UNE CERTAINE PHILOSOPHIE DE L’ACTION PRIVÉE POUR UNE MISSION D’INTÉRÊT GÉNÉRAL Vincent VIET Chercheur associé à l’institut d’Histoire du Temps présent (C.N.R.S.), il est un spécialiste en histoire sociale ; il a consacré ses travaux à l’histoire de l’Inspection du Travail (« Les voltigeurs de la République » édition du C.N.R.S. 1994), aux questions migratoires, et à la prévention des risques professionnels. Roger-Henri GUERRAND Historien de la vie quotidienne en milieu urbain, il compte parmi les fondateurs des nouvelles écoles d’architecture créées en 1969. Il a, en 1966, soutenu la première thèse française consacrée à l’histoire du logement populaire. Sociétés anonymes d’HLM 1853 depuis UNE CERTAINE PHILOSOPHIE DE L’ACTION PRIVÉE POUR UNE MISSION D’INTÉRÊT GÉNÉRAL Une histoire d’hommes et de femmes des sociétés anonymes et fondations d’HLM, et de leur fédération. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Cet ouvrage a été achevé d’imprimer et façonné sur les presses de l’imprimerie Alençonnaise en octobre1997. - 2 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Sociétés anonymes d’HLM depuis 1853 UNE CERTAINE PHILOSOPHIE DE L’ACTION PRIVÉE POUR UNE MISSION D’INTÉRÊT GÉNÉRAL Paris Octobre 1997. - 3 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ce livre est un ouvrage collectif. Il a été réalisé à partir des travaux historiques menés par Vincent Viet (Institut d’Histoire du Temps présent - CNRS) et par Roger-Henri Guerrand, en collaboration avec Patrick Kamoun. L’élaboration de ce livre a été suivie par un groupe de conseillers fédéraux : Maurice Becker (Vice-Président de la SAREL), Jean Foscoso (administrateur de Logirep) et Maurice Masseron (administrateur de la SA l’Audoise et l’Ariégeoise). La coordination de l’édition a été assurée par Jean-Marie Cornaire, Vincent Lourier et Béatrix Mora. - 4 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Sommaire Préface p. 7 Introduction « Au commencement furent les sociétés anonymes... » p. 9 I - 1850-1900 Les ressorts de l’initiative privée ■ La dynamique patronale ■ Du logement ouvrier aux habitations à bon marché ■ L’essor des sociétés anonymes d’HBM ■ L’élan novateur des philanthropes p. 17 p. 17 p. 21 p. 24 p. 34 II - 1900-1945 L’action libérale et les politiques publiques ■ Le temps des incertitudes ■ Attendre ou innover ? ■ Naissance et premiers pas de la Fédération ■ Un regroupement des initiatives patronales précurseur des CIL p. 41 p. 41 p. 44 p. 49 p. 52 III - 1945-1957 Répondre à l’urgence ■ La part décisive des SA d’HLM à l’effort de reconstruction et de construction ■ Répondre à la diversité des besoins tout en traitant l’urgence, un impératif pour la Fédération des SA ■ Naissances et renaissances p. 57 IV - 1957-1967 Les bâtisseurs ■ La mobilisation des SA pour faire face à l’explosion des besoins ■ L’industrialisation et la fièvre de croissance ■ La professionnalisation des SA p. 71 p. 71 p. 81 p. 90 V - 1967-1983 L’habitat dans toutes ses dimensions ■ Les SA, acteurs de la construction des villes nouvelles ■ Le passage de la production à la gestion de l’habitat ■ Une réforme attendue de la politique du logement ■ La diversification des activités p. 95 p. 95 p. 99 p. 107 p. 108 VI - 1983-1997 Des entreprises pour la cohésion sociale ■ Se moderniser ■ Dialoguer, tisser des liens, insérer p. 123 p. 124 p. 127 Conclusion Un passé, source du futur p. 135 SOMMAIRE - 5 p. 57 p. 59 p. 63 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Souvenir, souvenir… Que me veux-tu ? Paul VERLAINE Poèmes saturniens PRÉFACE - 6 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Préface Constituée voici soixante-dix ans, la Fédération des SA d’HLM commémore l’événement : soixante dix ans , cela compte… et cela se raconte. Célébrer un anniversaire, c’est mesurer le temps, revivre le passé, ses projets, ses efforts, ses réussites, ses joies, quelquefois aussi ses peines, ses difficultés, ses revers. C’est bien ainsi que le souvenir interpelle et la réponse à la question du poète, c’est un regard lucide et sans complaisance sur le passé, c’est l’examen attentif du présent mais ce sont aussi les préoccupations de l’avenir. Car il est bon de s’interroger : l’interrogation est une sagesse ! Que reste-t-il de ces soixante-dix années de vie de nos sociétés et de leur Fédération ? Quelle contribution ont-elles apporté à cette cause du logement social que d’autres aussi partagent avec nous ? Sur quoi donc a débouché notre action fédérale ? Des centaines de milliers de logements réalisés, des générations entières de familles mieux logées, des apports significatifs à la réorganisation des régions sinistrées comme à la résorption des habitats insalubres, des apports remarquables à l’expansion économique, au développement des villes aussi, mais surtout le souci du mieux être de tous sans oublier les isolés, les personnes âgées, les situations de précarité, le lien social… Tout ceci doit être rappelé et mériterait d’être répertorié, inventorié bien au-delà des aperçus qu’en donnent les auteurs de cet ouvrage qui n’ont pu que limiter les exemples. Mais encore, voilà une Fédération qui milite pour l’octroi d’une aide au logement des familles, qui défend la qualité et la diversité, qui élargit sa légitimité sociale, qui met en place des instances de concertation, qui exige rigueur et prudence dans la gestion, qui invente des dispositifs d’autocontrôle, qui se dote d’une charte de déontologie… etc. Tout cela, ce sont des actions solides et des fondations pour aller plus loin. Assumer une mission d’intérêt général, au service des hommes et des femmes de notre pays, en opérateurs responsables et solidaires, telle est notre exigence dont notre passé que relate cet ouvrage est et reste le garant. Amis de la Fédération et de nos Sociétés, permettez au doyen de votre Conseil Fédéral de vous dire en ces jours de souvenir ses souhaits de bon anniversaire et ses vœux pour faire demain, avec l’enthousiasme et le dévouement qui vous caractérisent, encore plus et encore mieux que ce qui est raconté ici. Maurice BECKER Membre du Conseil Fédéral depuis 1957 Vice-Président de la SAREL PRÉFACE - 7 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 INTRODUCTION - 8 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 « Au commencement furent les Sociétés anonymes...* » L a Fédération des sociétés anonymes et des fondations d’HLM fête, en cette année 1997, son soixante-dixième anniversaire. Cet événement fait date, si l’on songe que l’histoire des SA l’a précédée de quelque... soixante-dix années, avec la création de la « Société Mulhousienne des Cités Ouvrières » (SOMCO) en 1853. Soixante-dix années d’un côté, soixante-dix de l’autre : étonnante symétrie des durées qui jamais plus ne se reproduira ! Mais aussi bonne occasion de rappeler que l’histoire des SA fut d’abord et reste encore affaire d’hommes et de femmes aux prises avec les réalités du terrain. Cet anniversaire est donc avant tout le leur et celui des SA qui, nées à des époques différentes, ont trouvé place au sein d’une famille rassemblant aujourd’hui plus de 330 sociétés pour un patrimoine de plus d’un million cinq cent mille logements. Se tourner vers ses origines, c’est entreprendre une quête de sens : d’où vient-on, de quelle étoffe est-on fait ? La réponse à cette question est loin d’être simple, car la famille des SA d’HLM, née de l’initiative privée, a dû progressivement s’appuyer sur un cadre légal défini par les pouvoirs publics, sans jamais renoncer à ses liens avec le monde des entreprises. Par ailleurs, les premières sociétés anonymes d’habitations à bon marché avaient un idéal ou une philosophie très proches des valeurs qui étaient celles de la IIIe République. Leur filiation est donc double : l’initiative patronale d’une part, les liens culturels et politiques qu’elles ont entretenus avec le « parti républicain » d’autre part. * Préface de l’ouvrage « Cent ans d’habitat Social » INTRODUCTION - 9 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 F AIRE DU LOGEMENT UNE QUESTION SOCIALE INDÉPENDANTE DE LA RELATION DE TRAVAIL Ci-dessous : Une réalisation de la SA, les logements économiques de Lyon, au début de ce siècle. Pour les promoteurs des HBM, le logement populaire doit donner le goût du travail et de l’économie aux plus modestes. L’histoire des sociétés anonymes spécialisées dans la construction d’habitations à bon marché apparaît à l’origine inséparable des pratiques patronales concernant le logement des ouvriers travaillant en fabrique ou dans un établissement industriel. La famille des SA d’HLM s’est progressivement détachée de l’initiative patronale en dissociant le contrat de logement du contrat de travail. Ce faisant, elle a contribué à faire du logement une question publique et même sociale, indépendante de la relation de travail. L’initiative de cette dissociation est venue de réformateurs sociaux, influencés par les idées de Frédéric Le Play, qui souhaitaient faire disparaître les taudis nés de l’exode rural - dû à la révolution industrielle - et des travaux d’aménagement des grandes villes. Fait remarquable, ces réformateurs, philanthropes ou hommes publics, œuvraient en parfaite intelligence avec les milieux industriels qui, bien souvent, partageaient leurs idées mais appliquaient d’autres méthodes. Avec la loi Siegfried du 30 novembre 1894 créant l’appelation « HBM », le mouvement en faveur du logement populaire a pris une forme autonome : des SA d’HBM se sont constituées pour loger des personnes répondant aux critères retenus par la législation, que ce soit pour le compte d’entreprises ou de municipalités. Cette loi a étendu le champ de l’intervention privée en permettant à des employeurs, soucieux de construire des logements pour leur personnel salarié, d’utiliser, s’ils le souhaitaient, un nouveau cadre : celui des HBM. C’est ainsi que les industriels Michelin ont créé, le 31 janvier 1909, la SA des HBM de Clermont-Ferrand, tandis que d’autres sociétés, comme la SOMCO, sont restées en dehors du mouvement HBM avant de devenir ultérieurement des SA d’HLM. La famille des SA est, en tout cas, restée proche de l’initiative patronale dont les formes se sont diversifiées avec l’apparition en 1943, puis le développement, des organismes collecteurs au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. INTRODUCTION - 10 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L ES DIFFÉRENTES FACETTES DE L’INITIATIVE PRIVÉE Les SA ont puisé leur inspiration à de multiples courants, allant du libéralisme au christianisme social (catholique ou protestant) en passant par l’hygiénisme et le solidarisme, troisième voie entre le socialisme d’Etat et le libéralisme. Or, c’est précisément à la confluence de ces différents courants qu’est né, dans les années 1880 et 1890, un véritable « modèle social républicain » dont les valeurs se sont diffusées par le canal de l’école de la République. Ce modèle, en parfaite adéquation avec la promotion des classes moyennes, tirait de la philosophie des Lumières la croyance dans un progrès indéfini, fondé sur l’effort personnel, le travail et l’épargne, vertus que les sociétés anonymes ont incarnées à travers un actionnariat aussi diversifié que représentatif des forces vives du pays : dès le départ, l’actionnariat des SA comprenait des personnes physiques mais aussi des institutions financières (caisses d’épargne, notamment) et des collectivités locales. INTRODUCTION - 11 Ci-dessous : Édifié à Boissy-Saint-Léger de 1926 à 1929, ce lotissement de la Société d’HBM « Le Progrès » abritait 95 pavillons en accession à la petite propriété. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 U NE CERTAINE PHILOSOPHIE DE L’ACTION PRIVÉE POUR UNE MISSION D’INTÉRÊT GÉNÉRAL Ci-dessous : Le quartier des « Champs Montants », à Audincourt au début des années 60. Plus de 1 000 logements y furent construits par la SAFC. Des nuances existaient avant la Première Guerre mondiale entre les libéraux, présents au pouvoir jusqu’en 1899 et leur successeurs, les radicaux. S’il convient de les évoquer, c’est parce qu’elles se retrouvent aussi parmi les SA. Les libéraux estimaient, à la suite de Gambetta, qu’il n’appartenait pas à l’Etat de régler la question sociale, mais seulement de créer les conditions nécessaires à sa solution. Dans leur esprit, le suffrage universel et l’école obligatoire et gratuite suffisaient à asseoir le progrès social sans l’intervention de l’Etat. Membre d’honneur de la « Société française des Habitations à bon marché », Jules Simon se plaisait notamment à opposer un « libéralisme d’Etat » au « socialisme d’Etat », ne demandant qu’une chose : « que l’Etat permette à l’initiative privée de se mouvoir plus librement, en supprimant les obstacles de la législation existante et en accordant des facilités nouvelles pour susciter les efforts des particuliers ». Pour leur part, les radicaux considéraient depuis les années 1840 que l’Etat devait intervenir en protégeant les plus faibles et les plus démunis et en favorisant l’accession à la propriété, garantie de la liberté et de la dignité humaine.A la fin du 19e siècle, leur projet s’incarnait dans la doctrine contractuelle du solidarisme qui visait l’harmonie des classes (et non pas la lutte des classes). Cette doctrine consensuelle permettait de fédérer autour d’un même dessein des catholiques sociaux, des mutualistes, des syndicalistes réformistes, des fonctionnaires, des réformateurs laïcs, des socialistes, des modérés et des radicaux. Plus interventionnistes, les radicaux n’en partageaient pas moins avec les libéraux le même projet social, fondé sur la promotion des plus travailleurs et des plus méritants par le logement et l’éducation. INTRODUCTION - 12 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 La famille des SA d’HLM a adhéré à ce projet social en s’appuyant d’abord sur l’initiative privée puis, durant les Trente Glorieuses, sur l’intervention publique. L’histoire des SA reflète ainsi une certaine philosophie de l’action privée dans le cadre d’une mission d’intérêt général, fondée sur la responsabilité individuelle et sur la volonté d’allier souplesse et innovation, professionnalisme et force de proposition, rigueur et désintéressement. L A DIVERSITÉ DE LA FAMILLE DES SA Il importe, au-delà de ces caractères profondément originaux, de mettre en évidence la diversité grandissante de la famille des SA depuis ses origines. Se réclamant de principes fondateurs communs et vouées aux mêmes finalités, les premières sociétés offraient au départ une certaine unité : leur capital social était en général de faible importance, la structure de leur actionnariat ne présentait pas de grandes disparités (le poids des personnes physiques était décisif avant le développement des comités interprofessionnels du logement, CIL), et leur patrimoine immobilier fut, à de rares exceptions près, peu étendu jusque dans les années 1950.Toutes ces données ont été bouleversées dans les décennies suivantes au point d’aboutir à de grandes différences d’une société à l’autre, d’un groupe à l’autre, tant au niveau de l’étendue du patrimoine immobilier que des effectifs employés ou des fonds engagés. Cette diversité est le signe d’une remarquable aptitude à s’adapter à des besoins locaux d’ampleur variable, à tisser des liens durables avec les collectivités locales et tous les acteurs impliqués, à des titres divers, dans le logement social. INTRODUCTION - 13 Ci-dessous : A Mulhouse, la SOMCO poursuit son œuvre en faveur du logement depuis quasi 150 ans. Ici, le programme « Flammarion » édifié entre 1986 et 87. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Quelle est l ’origine du statut des Sociétés anonymes d’HLM ? Bien que la forme juridique des sociétés anonymes date de 1867, il semble légitime de rattacher le mouvement ultérieur de création de sociétés anonymes d’HBM aux sociétés par actions qui existaient auparavant et avaient le même objet. Lorsque le label HBM fut créé avec la loi Siegfried du 26 novembre 1894, quinze sociétés fondées entre 1867 et 1894, demandèrent l’approbation de leurs statuts comme SA au ministre du Commerce et de l’Industrie. Dès lors, l’histoire des SA et de leurs émules (Coopératives et Sociétés de crédits immobiliers) s’est confondue avec celle des Habitations à bon marché, jusqu'à la création des Offices en 1912. La loi du 24 juillet 1867 fixant la forme juridique générale des sociétés anonymes supprima le régime de l’autorisation préalable auquel étaient assujetties les sociétés par actions, mais la loi Siegfried du 26 novembre 1894 le rétablit de fait pour celles d’entre elles qui s’étaient donné ou se donnaient pour objet exclusif soit de procurer l’acquisition d’habitations salubres et à bon marché à de personnes non propriétaires, soit de mettre en location des habitations de cette nature, soit d’améliorer les habitations déjà existantes. Pour bénéficier des faveurs fiscales et financières de la loi, ces sociétés devaient, en effet, soumettre leurs statuts à l’agrément du ministère du Commerce et de l’Industrie. INTRODUCTION - 14 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Il existe un passé qui n’est qu’un cimetière de l’histoire. Il en existe un autre d’où jaillit, dans sa profondeur vivante, la source du futur. Gregorio Marañón y Posadillo INTRODUCTION - 15 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 16 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : Cité Menier à Noisiel. Page précédente : Premier Groupe d’Habitations à bon marché réalisé sur concours en France en 1892-93 par la Société des Habitations Economiques de Saint-Denis (architectes : Guyon et Picard). Programme mi-locatif, mi-accession de 24 pavillons et de petits immeubles collectifs destinés à des ouvriers et petits employés habitant Saint-Denis,Aubervilliers et les environs. 1850/1900 Les ressorts de l’initiative privée L Première époque A DYNAMIQUE PATRONALE Le modèle patronal restait, depuis l’Exposition universelle de 1867, la référence centrale en matière de logements ouvriers et le terreau commun de l’initiative privée. S’il existait, depuis le milieu des années 1850, un petit nombre de sociétés spécialisées dans la construction d’habitations ouvrières à un coût inférieur à ceux ordinairement pratiqués (environ une trentaine), leur patrimoine était loin d’égaler en importance celui que la grande industrie avait progressivement constitué depuis 1810. Le patrimoine immobilier constitué par la grande industrie Le problème du logement de masse fut d'abord posé par les industriels. Le type le plus achevé de la satisfaction totale des besoins et des aspirations du personnel d'une entreprise a été longtemps représenté LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 17 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 par le « Familistère de Guise » fondé, sous le Second Empire, par J.-B. A. Godin, l'inventeur des fameux poêles et un moment le plus important fabricant d'appareils de chauffage du monde. Bien plus qu'un industriel avisé, Godin fut essentiellement un utopiste dont l'idéal ne pouvait s'inscrire que dans une communauté transparente soudée autour de son initiateur gouvernant à la fois son usine et la vie familiale de ses compagnons. De là, un « palais sociétaire » dont l'aspect régimentaire avait effrayé Emile Zola. Pour sa ville idéale de Beauclair, il choisit le pavillon unifamilial et c'est effectivement ce modèle qui fera école chez les grands patrons français. Ci-contre : Godin s’efforca de convertir ses contemporains à son « palais social ». Dans un livre publié en 1874, il en décrit les avantages et les innovations. Ci-contre : La fête de la gymnastique au Familistère de Guise. En haut de la page 19 : La cour centrale. C’est en 1858 que Godin entreprit de construire, sur un terrain de 18 hectares, le « Familistère ». Composé d’un pavillon central, et de quatre autres bâtiments, l’ensemble abritait 465 logements et de nombreux services collectifs. Après le rachat de l’entreprise, les logements seront vendus aux locataires en 1968. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 18 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Dans le secteur minier, si important pour l'économie nationale jusque bien après la Libération, la plupart des sociétés entreprirent également de loger leur personnel. A la fin du 19e siècle, la Compagnie des Mines d'Anzin, fondée en 1757, offre en location plus de 3 500 maisons de quatre pièces-cuisine. Au début du 20e siècle, la Société des Mines de Lens tenait à la disposition de ses 14 500 ouvriers et employés 5 724 maisons regroupées en 14 cités. En Lorraine, la plus belle réussite des Wendel dans le domaine du logement fut le village de Joeuf, dans le bassin de Briey : 800 logements furent édifiés entre 1880 et 1914. A leur tour, les compagnies de chemins de fer ne négligèrent pas la question : elle s'imposa à l'ordre du jour du 3e Congrès international des chemins de fer tenu à Paris en 1889.Toutes les sociétés allaient construire : le logement fut une pièce capitale dans la formation de la corporation cheminote. De trop rares enquêtes ont rendu compte du patrimoine immobilier privé des grandes entreprises françaises. Il est possible que sa relative importance ait freiné une prise de conscience de l'importance du problème par les pouvoirs publics. Ci-contre : La Cité édifiée par le chocolatier Emile Menier à Noisiel en 1870. Moyennant un loyer minime de 150 francs par an, les ouvriers disposaient d’un pavillon avec buanderie et jardin. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 19 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L’œuvre pionnière de Jean Dollfus L’exposition universelle de 1889 Pour fêter le centenaire de la Révolution française en 1889, le gouvernement décida de commémorer cet évènement non seulement sur le plan politique mais aussi sur le plan social. La section Onze de l'Exposition universelle se proposa de présenter, « dans un nombre suffisant de classes, l'ensemble des sources du bien-être, le tableau complet des institutions de prévoyance et l'habitation sous toutes ses formes ». Une rue des Habitations ouvrières fut tracée sur l'esplanade des Invalides : on y circulait entre des maisons construites en vraie grandeur ; des stands abritaient des maquettes, dont celle du Familistère de Guise. Les pionniers furent récompensés. Le Grand Prix des Habitations ouvrières fut dédié à la mémoire de Jean Dollfus, président-fondateur de la cité de Mulhouse. La Compagnie des Mines d'Anzin, celle des Mines de Blanzy, Menier à Noisiel, Schneider au Creusot, la Société philanthropique à Paris, l'architecte rouennais Lecœur, reçurent des médailles d'or. C'est pour répondre à la pression démographique suscitée par l’essor industriel de Mulhouse et de sa région que le manufacturier Jean Dollfus constitua en 1853 la Société mulhousienne des cités ouvrières (SOMCO), avec un capital de 300 000 francs (60 actions de 5 000 francs). La réputation de ces réalisations, grâce aux expositions universelles, allait franchir les frontières. Le modèle retenu fut le pavillon unifamilial. Des équipements collectifs permettaient de vivre dans la cité en autarcie complète : salle d'asile, local de consultations et de soins gratuits pour les malades, établissement de bains, lavoir doté d'une essoreuse à force centrifuge, boulangerie, restaurant fournissant des plats préparés à bas prix, magasin de vente à bon marché d'objets de première nécessité. Cependant, la grande originalité de la cité de Mulhouse consista dans son système d'accession à la propriété : la location-vente par mensualités après un apport. Par souci d'intégration à la ville, la cité n'était pas réservée au personnel des filatures : on y dénombrait 80 professions différentes. Cette initiative fit école en Alsace : en 1914, on y dénombrait 12 sociétés de construction et une fondation. Ci-contre : La Cité ouvrière de Mulhouse. Avec la création de la Somco en 1853 débute l’histoire des sociétés anonymes d’HLM. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 20 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 D U LOGEMENT OUVRIER AUX HABITATIONS BON MARCHÉ Jules Siegfried, promoteur des HBM La dynamique patronale fut renforcée dans les deux dernières décennies du 19e Siècle par l’action novatrice de quelques réformateurs Jules SIEGFRIED (1837-1922) : Né à Mulhouse, il s'établit au Havre comme négociant en coton dès 1862. Elu maire de cette ville, il y crée le Premier bureau d'Hygiène de France après avoir fondé une société anonyme construisant des pavillons en accession à la propriété. Député républicain à partir de 1885 puis Ministre du Commerce et de l’Industrie, il fera voter la loi de 1894 qu’il a préparée avec les membres de la SFHBM. Plus tard, la loi de 1919, premier texte sur les plans d'aménagement et d'extension des villes, sera également son œuvre. Très soutenu par son épouse qui lutta pour le vote des femmes, Siegfried représente un type achevé de militant social au début du 20e siècle. sociaux qui impulsèrent un mouvement en faveur du logement populaire. L’un des ses principaux animateurs, Jules Siegfried (1837-1922), était natif de Mulhouse, l’un des plus grands centres manufacturiers d’Alsace, mais aussi un des plus brillants foyers d’initiatives sociales et philanthropiques de la France du 19e siècle. De confession protestante, ce républicain de Emile CHEYSSON (1836-1910) : Ingénieur des Ponts et chaussées et statisticien de réputation internationale, c'est un partisan convaincu de l'initiative privée. Membre de plusieurs dizaines de sociétés s'occupant de « réforme sociale », il publie de très nombreuses contributions sur les problèmes du logement populaire. Avec ses amis Picot et Siegfried, il forme un trio de « militants sociaux » qui ont lancé des idées et des actions dont les prolongements sont toujours actuels. Georges PICOT (1838-1909) : Magistrat passionné par les recherches historiques, il est élu à quarante ans par l'Académie des Sciences morales et politiques. Après la guerre de 1870, leader du mouvement philanthropique, il est persuadé que l’initiative privée pourra suffire à résoudre les problèmes sociaux posés par la révolution industrielle. Mais G. Picot pense surtout que sans un bon logement assuré à la population ouvrière, la démocratie est privée de sens. Dans ce but, il figurera parmi les fondateurs de la « Société française des Habitations à bon marché ». LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 21 conviction a toujours eu soin de relier la question du logement aux questions d’hygiène publique : l’une des premières SA, la « Société havraise des cités ouvrières » fut fondée sous son autorité, le 26 novembre 1870, au capital de 200 000 francs. Cet homme et son ami Cheysson (ingénieur, disciple de Frédéric Le Play et pilier du Musée Les Fondateurs des HBM Ces notables, assistés de Jules SIMON, Eugène ROSTAND et Charles ROBERT, présidèrent à la naissance du mouvement HBM. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessous : Jules Siegfried fonda en 1870 la Société havraise des cités ouvrières, marquant ainsi son intérêt pour le logement populaire et le mouvement hygiéniste. Ici, la première opération de la société : 40 maisons ouvrières au Havre même. social fondé en 1894), pourtant si proches des milieux de la grande industrie, n’ont pas cherché à avantager l’initiative patronale. Ils eurent plutôt à cœur d’obtenir du législateur l’octroi de facilités fiscales aux sociétés anonymes qui, tournées vers des objectifs ponctuels, comptaient avant tout sur leur détermination et la fidélité de leurs actionnaires. Comme contrepartie, ils proposaient le respect des normes attachées à l’appelation « HBM ». A leur engagement bien des raisons. D’abord, l’horizon de ces philanthropes souvent rentiers et retirés des affaires, n’était ni les corons ni les manufactures, mais bien la ville avec ses taudis dénoncés par les hygiénistes depuis la Monarchie de Juillet, d’où pouvaient surgir aussi bien les maladies contagieuses que la désespérance révolutionnaire. Qu’elles émanent de médecins comme Villermé, de philanthropes comme le baron de Gérando, d’enquêteurs engagés comme Eugène Buret, ou d’écrivains tels que Victor Hugo ou Eugène Sue ayant élevé la dénonciation des taudis au rang de genre littéraire, toutes les descriptions insistaient depuis longtemps sur le caractère sordide des logements populaires. Par ailleurs, la dispersion de l’habitat ouvrier était ressentie comme une nécessité, en l’absence de lien formel entre le logement et le contrat de travail. S’il s’agissait, conformément aux principes de Le Play, de favoriser la propriété ouvrière pour développer le sentiment de prévoyance chez l’ouvrier, Georges Picot reconnaissait que le caractère trop précaire des gains dans la société industrielle du moment s’y opposait, et qu’il fallait, en tout état de cause, développer la location. La SFHBM, rassemblement des forces vives de l’initiative privée Des intentions aux propositions concrètes, le pas fut franchi lors du Congrès international des HBM (juin 1889), coïncidant avec le premier centenaire de la Révolution française. Au fait des progrès réalisés à l’étranger (en GrandeBretagne et en Belgique), le président de cette manifestation, Jules Siegfried, annonça la création imminente d’une société apolitique, ayant pour but de « préparer les voies et les moyens à ceux qui voudront créer des HBM ». Dès lors née pour stimuler, la « Société française des HBM » (SFHBM) put créer un courant d’opinion LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 22 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 favorable à une intervention du législateur dans le respect scrupuleux de l’initiative privée. De son Conseil d’administration allaient naître des propositions concrètes quant au rôle exact qu’il convenait d’impartir à l’Etat. Les philanthropes modifiaient les règles énoncées par le pouvoir sous le Second Empire : à l’initiative privée, toujours les investissements ; à l’Etat, d’être le gardien d’un cadre conçu par les philanthropes pour développer le logement populaire et se porter garant d’une appellation qui ne pouvait se concevoir sans un minimum de garanties. La loi fondatrice de 1894 Avec le vote de la loi Siegfried en 1894, c’est le cadre institutionnel du logement social qui se dessine : il est fondé sur l’idée libérale qu’il n’appartient pas à l’Etat de régler cette question, mais seulement de créer les conditions nécessaires à sa prise en charge par l’initiative privée. C’est aussi la fin du monopole de l’initiative patronale qui liait le logement au travail ou qui en faisait un instrument de gestion parmi d’autres. Pour bénéficier des faveurs fiscales et financières prévues par la loi, les sociétés anonymes, comme du reste les sociétés coopératives, devaient faire approuver leurs statuts par le ministère du Commerce et de l’Industrie, sous réserve qu’elles aient pour objet exclusif, soit de permettre l’acquisition d’habitations salubres et à bon marché à des personnes non propriétaires, soit de mettre en location des habitations de ce type, soit d’améliorer les habitations déjà existantes. L’objectif du législateur La Société française des HBM La SFHBM, créée en 1890 à la suite du Congrès international des HBM, peut être considérée comme le lieu de rassemblement de toutes les forces vives de l’initiative privée, quelles que fussent ses formes. De fait, SA, fondations, coopératives, mais aussi sociétés de construction patronales et, plus tard, sociétés de crédit immobilier (1908) et offices (1912) y trouveront place jusqu'à la création de l’Union des HBM en 1925. Par les nombreux services qu’elle rendit à ses affiliés (envoi de statuts types, de plans, d’un bulletin trimestriel d’information comportant tous les textes et rapports officiels, de modèles de comptabilité simples et précis en fonction de la nature des organismes, ouverture de concours d’architecture, etc.), cette société oecuménique ou d’émulation philanthropique joua, à bien des égards, le rôle qui sera plus tard dévolu, en tant qu’interlocuteur direct des pouvoirs publics, à l’Union et aux diverses fédérations du mouvement HBM. Il n’est pas sûr que les fondateurs de l’appelation HBM aient voulu créer une « institution HBM » ; leur intention profonde était plutôt de susciter, en vue de finalités communes, un courant d’émulation. Conçu comme un modèle de référence, d’exigence et de rigueur, le label créé avait bien davantage une fonction normative et évolutive (car les normes varient en fonction de l’évolution des techniques et des aspirations d’une société) ; il était tout à la fois cet aiguillon destiné à stimuler l’initiative privée et un modèle dont celle-ci pouvait s’inspirer. A partir de 1907, la SFHBM réunit chaque année une conférence nationale où sont débattus tous les problèmes posés par les HBM. Cependant, après la première guerre mondiale, les pionniers disparaissent, Siegfried le dernier, en 1922. Le militantisme des « libéraux » va être repris par la Fédération des SA où se retrouvent les meilleurs éléments de la SFHBM qui disparaît en 1940. était d’aider les constructeurs, en facilitant leur recours au crédit et en réduisant les charges de la propriété immobilière. Il n’entrait nullement dans ses intentions de modérer l’initiative patronale qui avait fait ses preuves, encore moins d’encadrer celle-ci dans le nouveau dispositif. Des faveurs étaient simplement consenties aux sociétés qui ne demandaient qu’à se LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 23 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 La loi Siegfried de 1894 Le 5 mars 1892, Siegfried dépose un projet de loi qui avait été préparé par les membres de la SFHBM.Votée par le Parlement en 1894, la loi ouvrait la possibilité à la Caisse des Dépôts, aux caisses d'épargne et aux établissements de bienfaisance de consentir des prêts à des organismes créés en vue de construire des HBM. Elle offrait également exonérations fiscales, exonération de la taxe de la mainmorte et de l’impôt sur le revenu des actions, exemption de la patente ainsi que dispense de timbre d’enregistrement. Pour bénéficier des faveurs fiscales et financières prévues par la loi, les sociétés anonymes, tout comme les sociétés coopératives, devaient faire approuver leurs statuts par le ministère du Commerce et de l’Industrie, sous réserve qu’elles aient pour objet exclusif, soit de permettre l’acquisition d’habitations salubres et à bon marché à des personnes non propriétaires, soit de mettre en location des habitations de ce type, soit d’améliorer les habitations déjà existantes. développer, mais dont les moyens n’étaient ni ceux de la grande industrie ni ceux de la philanthropie argentée. Le rôle de l’Etat n’était pourtant pas négligeable, puisque quatre missions lui étaient assignées : vérifier l’étendue du mal par des enquêtes répétées, comme en Grande-Bretagne ou en Belgique ; organiser la stabilité de la propriété ; prendre des mesures générales contre l’insalubrité des logements, assurer la salubrité extérieure des habitations (tout à l’égout) et la viabilité entre celles-ci, entre les centres des villes et les banlieues ouvrières ; faciliter indirectement la construction d’HBM en invitant la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et les Caisses d’épargne à consentir des prêts, d’une part, en accordant des avantages fiscaux aux sociétés existantes ou à venir, d’autre part. En dehors de ces missions d’intérêt public assurées par l’Etat, l’initiative privée conservait sa pleine liberté ; ses fondements restaient indemnes, puisqu’elle restait fidèle à cette certitude optimiste que, « les obstacles étant levés, les hommes iront individuellement vers le progrès, réaliseront leur ascension sociale dès lors qu’ils auront les moyens de la concevoir et de l’entreprendre ». L’ ESSOR DES SOCIÉTÉS ANONYMES D’HBM Les pionnières : 1867-1894 Lorsque la loi Siegfried fut votée à l’unanimité en 1894, la question du logement ouvrier relevait entièrement d’une initiative privée qui se partageait en de multiples tendances ou sensibilités, incarnées par des industriels, des hygiénistes, des utopistes et des philanthropes. Ainsi, les quelques SA existantes n’avaient pas attendu que des faveurs leur soient consenties pour naître et exercer leur activité. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 24 Si peu nombreuses soient ces sociétés, leurs dénominations sont déjà éloquentes : elles reflètent d’abord le souci commun de construire à des prix inférieurs à ceux du marché, l’expression « bon marché » ou « économique » étant, à elle seule, tout un programme. La toponymie a également son mot à dire, puisque chaque société se réclame d’un point d’ancrage urbain, signe d’un profond attachement à l’aspect local SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les sociétés antérieures à la loi Siegfried de la question du logement. Cette dernière a beau se poser au plan national depuis la loi Siegfried, son règlement requiert une mobilisation de l’initiative privée in situ, qui soit « appropriée à chaque cas particulier ». Très rapidement, c’est-à-dire dès avant la Première Guerre mondiale, les dénominations des sociétés intégreront des préoccupations en phase avec les priorités de l’époque : c’est ainsi que les qualificatifs « salubre » et « familial » ou des expressions s’en approchant (« foyer ») apparaîtront, faisant écho au souci, constamment rappelé à l’époque, de lutter contre l’insalubrité et la dépopulation. C’est au fond la mission fondamentale des SA qui transparaît à travers leur dénomination : loger dans des conditions meilleures et à moindre coût. Voici, dressée par le Bulletin de la SFHBM, la liste des SA qui demandèrent le statut de société anonyme d’HBM en 1894, avec la date de leur fondation : « SA des maisons ouvrières d’Amiens » (1867) ; « Société havraise des cités ouvrières » (1870) ; « Société des Cités ouvrières de Bolbec » (1877) ; « SA des habitations ouvrières de Passy-Auteuil » (1882) ; « Société rouennaise d’habitations à bon marché » (1887) ; « SA des habitations salubres à bon marché de Marseille » (1889) ; « Société belfortaine des HBM » (1890) ; « SA des habitations économiques de la Seine » (1891) ; « Société rochelaise des habitations à bon marché » (1891) ; « Société des habitations salubres et à bon marché d’Armentières » (1893) ; « Société des habitations à bon marché de Longwy » (1894) ; « Société bordelaise des habitations à bon marché » (1894). L’engagement d’hommes de conviction Si fort peu de traces subsistent des toutes premières sociétés anonymes, l’exemple de la « Société des habitations salubres à bon marché de Marseille » (1889) montre que l’initiative privée pouvait fort bien fonctionner sans l’appui des pouvoirs publics, pour peu qu’elle fût mise en œuvre par des hommes de conviction, doués d’un sens avisé de la gestion. Ces qualités, Eugène Rostand, père du poète et grand-père du naturaliste, les réunissait avec éclat. Economiste éminent, président pendant plus de trente années du Conseil d’Administration de la Caisse d’épargne des Bouches-du-Rhône, il était issu de cette brillante dynastie de négociants-armateurs qui firent la fortune de la cité phocéenne. C’est à lui qu’on doit la première participation des caisses d’épargne à l’œuvre du logement populaire. Des autorisations spéciales lui permirent, avec dix années d’avance sur la loi Siegfried, d’inaugurer un mode de placement de ses réserves : souscrire des actions d’une société de construction et consentir directement des prêts hypothécaires. Marseille fut longtemps la seule ville de France à combiner, LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 25 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessous : Conscients de la misère des conditions de vie des classes laborieuses, les philanthropes et les bourgeois éclairés s’attachèrent dans la deuxième moitié du 19e siècle à diffuser leurs thèses hygiénistes et sociales. Ci-dessus : Deux modèles de maisons ouvrières édifiées par la Société des habitations à bon marché de l’Oeuvre bordelaise. avant la lettre, la plupart des formules du logement populaire : location, accession coopérative, prêts hypothécaires, et même réhabilitation, au point de faire de la Société des habitations salubres de Marseille un véritable généraliste de l’habitat avant la lettre. A Paris, une expérience sans précédent va être lancée par un groupe de personnalités. En 1880, la « SA des Habitations ouvrières de PassyAuteuil » est déclarée. Son objectif était de faire accéder les ouvriers à la propriété immobilière. Sur une parcelle de terrain située dans le 16e arrondissement, alors le plus cher de Paris avec le 8e, furent édifiés 67 pavillons de 4 pièces munis de l'eau, du gaz et du tout-à-l'égout. Ils étaient payables en vingt ans mais le montant de l'annuité (650 francs) les réservaient plutôt à une frange supérieure LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 26 d'ouvriers « laborieux et rangés » et surtout d'employés. A Rouen, un groupe de notables, « pénétrés des conditions déplorables dans lesquelles se trouvent logées les familles d'ouvriers ou de petits employés » de leur ville, créent en 1885 la « SA immobilière des petits logements ». Ils choisirent comme maître d'oeuvre l'un de leurs concitoyens, l'ingénieur-architecte Edouard Lecoeur. Sur un emplacement cédé par la municipalité, en bordure de la rue d'Alsace-Lorraine, fut bâti, en un an, un bâtiment de quatre étages en briques fondé sur caves et muni d'un grenier à double office : séchoirs à linge placés en façade, cellules fermées à claire-voie. L’ensemble comporte 100 logements de une à quatre pièces. Les principaux spécialistes du logement social, français et britanniques, vinrent visiter le SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 groupe Alsace-Lorraine.Avec raison, ils le considèrent comme un jalon important dans le progrès de l’habitation confortable autant que salubre. Une première expérience du logement de masse L’initiative privée, la première, s’intéressa aux conditions de logement des populations ouvrières à Lyon, ville natale de François Coignet, l’un des inventeurs du béton. Fondée en juin 1886 par trois industriels, Mangini, Aynard et Jules Gillet, la « Société des Logements économiques », fut d’abord civile avant de devenir, dès l’année suivante, anonyme. Son capital social, fixé initialement à 300 000 francs fut, par la même occasion, porté à un million de francs, grâce au concours de la Caisse d’épargne de Lyon (fondée en 1822) qui puisa sur ses fonds propres. Fait notable, cette société resta anonyme, sans prendre le titre de « société d’habitations à bon marché », et se refusa à solliciter la moindre aide de l’Etat, bien que les loyers réclamés fussent d’environ 25 à 30 % inférieurs au-dessous de ceux pratiqués à Lyon. La Société bénéficiait des apports des fondateurs qui, en retour, en attendaient une simple rémunération de 3 à 4 % par an. En 1902, à la mort de Mangini, qui fut tout à la fois l’architecte, l’entrepreneur et le gérant, sa société occupait le rang de second propriétaire de la ville (après les Hospices), avec 130 immeubles comprenant 1 500 logements (8 000 personnes). Réussite enviable car isolée : elle peut être considérée comme l’une des toutes premières expériences du logement de masse en France. Avec elle tombait notamment le préjugé d’insol- vabilité des ouvriers : le montant des impayés s’élevait, en 1902, à 536,80 francs pour une masse de loyers de 389 818 francs à percevoir ! Ci-dessus : Le groupe « AlsaceLorraine » à Rouen construit en 1896, œuvre de la « SA immobilière des petits logements ». Tous les spécialistes de l’habitat social saluèrent le caractère novateur de cet ensemble unique dans l’Ouest de la France. Ci-contre : L’industriel Mangini peut être considéré comme l’un des pionniers du logement populaire. A Lyon, sa « Société des logements économiques » (1886) édifia 130 immeubles et 1 500 logements en moins de 20 ans. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 27 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessous : La liste des premiers souscripteurs de la SA Grassoise d’HBM, le 17 juin 1905, témoigne de la diversité des actionnaires et de l’ancrage local des SA d’HBM. Parmi les souscripteurs : des entrepreneurs, des notables, des parfumeurs, des employés ainsi que des rentiers. La seconde vague : 1894-1939 Les informations dont on dispose sur les sociétés constituées entre 1894 et 1920 sont plus nombreuses que celles se rapportant à la période antérieure. L’œuvre des notables Les fondateurs étaient, en général, des notables (médecins, avocats, banquiers, propriétaires, ingénieurs civils) agissant en leur nom propre ou répondant à l’appel du maire de leur commune ou d’un comité visant à mobiliser les bonnes volontés autour d’un projet de construction. Peuvent être notamment rangées dans cette catégorie la « Société anonyme grassoise d’HBM », créée en 1905 à l’initiative du docteur Perrimond, maire de la ville, ou « Le Foyer dijonnais », fondé en 1919, sous le titre de « Société anonyme des habitations pour familles nombreuses de Dijon », par un « comité des fondateurs » auquel s’étaient ralliés la Caisse d’épargne de Dijon, les Hospices civils de la Ville, mais aussi des médecins, des notaires, des ingénieurs et des industriels. C’est Henri Gorse, qui présida le 1er juillet 1909 à la fondation de la « Société tararienne des HBM » (aujourd’hui « Habitat d’Entre Rhône et Loire »). Le mouvement gagna l’Alsace puisqu’en 1907 fut fondée la « Société de logements ouvriers de Buhl ». Le 12 octobre 1920, une soixantaine de Cherbourgeois convergea d’un pas décidé vers la Chambre de commerce. Auguste Simon, qui avait pris la tête d’un comité provisoire, les reçut le cœur sur la main : « Le jour où les travailleurs, et particulièrement les pères de familles nombreuses seront bien logés, il y aura du changement dans les relations capital-travail, parce que plus de justice sociale apparaîtra » : « La Société anonyme cherbourgeoise de constructions à bon marché pour familles nombreuses » était née. Le courant hygiéniste La « Société anonyme des logements économiques pour familles nombreuses », fondée à Paris en 1903 par un chirurgien, Auguste Broca, voulait prouver qu’il était possible de procurer aux familles nombreuses - trois enfants au moins, mais cinq enfants en moyenne dans ses immeubles en 1911 - un logement suffisant, hygiénique et bon marché, tout en rémunérant convenablement le capital à 3 %. Elle devait rester, pendant plusieurs années, la seule société parisienne à construire en faveur de la frange la plus démunie de la population ; non sans suc- Ci-contre : La naissance de la « SA Cherbourgeoise de constructions à bon marché pour familles nombreuses » le 12 octobre 1920. Chantier ouvert en 1921. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 28 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 cès d’ailleurs, puisque les loyers y étaient inférieurs de 20 % à ceux des logements de même catégorie de confort. Cet exemple évoque également celui de la « Société des logements populaires hygiéniques », créée en 1908 à l’initiative de plusieurs médecins, qui s’étaient donné pour tâche de fournir un logement décent aux ouvriers ayant un salaire d’environ 6 francs par jour. Elle conçut un modèle de logements d’insertion qui sera repris par la ville de Paris. Une autre société parisienne aimait aussi cultiver sa singularité : la « Société des logements hygiéniques », la seule, semble-t-il, qui fût de mouvance socialiste. Parrainée par Anatole France et fondée en 1903, elle se rattachait ouvertement à l’Université populaire « l’Education sociale ». Ses animateurs opposaient volontiers le volontarisme qui faisait de l’instruction un facteur d’émancipation, à la compassion philanthropique, se refusant à séparer l’éducation du peuple de « l’hygiène en action ». Son administrateur délégué, Frantz Jourdain, par ailleurs maître d’œuvre des premiers magasins de la Samaritaine, avait eu, ces propos annonciateurs d’une nouvelle conception de l’action sociale, fondée non plus sur la charité mais sur la solidarité : « Nous estimons que les mots de charité, de pitié, ne sont plus de notre temps, et que l’on doit, LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 29 Ci-dessus et dessous : Trois actions de sociétés anonymes d’HBM : la Société foncière d’habitations salubres, la Société générale des maisons familiales et le Foyer. A partir de 1894, de nombreuses sociétés anonymes d’HBM vont se constituer pour profiter des avantages consentis par la loi Siegfried. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 simplement, rendre au peuple ce qui lui est dû. Nous n’avons donc pas fait une œuvre de philanthropie, mais une œuvre de solidarité humaine ». Ci-contre : Un autre témoignage de cité ouvrière : celle construite par la SA d’HBM de Livarot, dans le Calvados (aujourd’hui HPE 14). Le même Frantz Jourdain présidait la « Société des logements économiques à bon marché » qui, en juin 1904, inaugura son premier immeuble en présence du ministre radical du Commerce. Cet immeuble était implanté à Paris, 7, rue de Trétaigne, dans le 18e arrondissement, un quartier très marqué par les événements de la Commune. Jourdain s’inscrivait dans le courant hygiéniste qui traversait alors l'architecture. Il fit appel à un jeune confrère, Henri Sauvage, qui s'était fait admettre dès 1898 parmi les créateurs de l’Art nouveau aux côtés de son ami Guimard. Rue de Trétaigne, il va donner l'un des premiers chefs d'oeuvre du mouvement moderne en même temps qu'un parfait exemple de logement social. L’immeuble de la rue de Trétaigne Cet édifice d'avant-garde, squelette en béton, remplissage de briques, construit par la Société des logements économiques à bon marché (Aedificat), est le premier de ce type en France, en même temps que celui d’Auguste Perret, rue Franklin dans le 16e arrondissement. Les quatre premiers étages, desservis par un escalier central, contiennent quatre appartements, chacun de trois pièces avec eau courante et WC. Ceux du côté rue disposent de bow-windows ; de forme triangulaire, ils reçoivent la lumière des deux directions. En outre, de petits compartiments extérieurs forment saillie sur la façade, ce sont les garde-manger. Le cinquième étage était divisé en unités d'une ou deux chambres pour les travailleurs célibataires, 15 au total. Le sixième, niveau de faîtage, offrait un équipement que Le Corbusier allait plus tard vivement prôner, un jardin suspendu pour les cures de soleil. Les services collectifs tenaient naturellement une place importante : dans la cour, bains-douches et un local pour une « université populaire », un mouvement alors en plein essor. Au rez-de-chaussée, côté rue, un magasin destiné à une coopérative de consommation, « La Prolétarienne », et un restaurant hygiénique. Jusqu’en 1909, Henri Sauvage construira encore cinq immeubles sociaux pour la Société de Jourdain. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 30 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les SA au service du logement des fonctionnaires Si le poids des notables était bien réel,l’élan pouvait aussi venir de l’Administration ou des pouvoirs publics. C’est à la demande du secrétariat d’Etat aux PTT que fut fondée, en Janvier 1905, par les députés Jules Siegfried et André Menier ainsi qu’André Frouin, ingénieur en chef du Service téléphonique de Paris, la SA coopérative d’HBM « La Maison des Dames des PTT », destinée à loger des jeunes femmes peu fortunées, principalement fonctionnaires de l’administration des PTT. Un premier foyer de 110 chambres est aussitôt bâti rue de Lille. En 1928, est fondé à Paris le « Foyer du Fonctionnaire » par quatre sociétés et 40 actionnaires physiques, fonctionnaires pour la plupart. Ci-dessous : Comme le souligna le directeur départemental de l’Equipement à l’occasion du XXe anniversaire de la « Société des habitations hygiéniques à bon marché pour les familles nombreuses », les sociétés anonymes doivent beaucoup à la mobilisation d’hommes de conviction comme Maurice Bellemain (1880-1961), fondateur de la SA. Le soutien des caisses d’épargne L’impulsion pouvait aussi venir des caisses d’épargne, légalement habilitées à prêter leur concours financier aux sociétés d’HBM : celle de Dieppe décida d’avancer une somme de 30 000 francs à toute société s’engageant à construire Ci-contre : L’acte de création de la « Société Dieppoise d’HBM » le 29 octobre 1900. Cette création fut largement encouragée par la Caisse d’épargne de Dieppe, qui lui accorda une avance importante. Un peu partout en France, des caisses d’épargne contribuèrent à la création des sociétés anonymes d’HBM, le plus souvent sur leurs fonds propres. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 31 Ci-dessus : Fondée en 1905 afin de procurer un logement décent aux employées célibataires de l’administration des Postes, la Société anonyme coopérative « La Maison des Dames des Postes » (aujourd’hui la SA les HLM réunis) construit en 1906 son premier foyer au 41, rue de Lille à Paris. Le foyer de 110 chambres comporte à chaque étage des bains- douches,WC, vide- ordures, gaines à linge sale... Au rez-de-chaussée, on trouve le restaurant, la salle de lecture, la véranda et un petit jardin d’agrément de 300 m2. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 des maisons ouvrières, sous réserve qu’elle eût un capital de 15 000 francs au moins. Dès lors, des notables locaux purent réunir la somme requise et fonder en 1912 la « Société dieppoise d’HBM » (« Sodineuf HLM »), trente et unième du genre. « Le Foyer Rémois » (1912), société anonyme d’HBM pour familles nombreuses, au capital de 1 250 000 francs fut, elle aussi, créée avec l’aide de la Caisse d’épargne de Reims par un groupe de philanthropes se réclamant du catholicisme social, emmené par une personnalité qui s’était auparavant penchée sur la situation démographique de sa ville, Georges Charbonneaux. Ci-dessus et ci-dessous : C’est en 1896 que l’Abbé Lemire, député du Nord, fonda la « Ligue du Coin de Terre et du Foyer ». On y retrouve Jules Siegfried et Georges Picot. A travers plusieurs sociétés d’HBM, le mouvement se lança dans la construction de maisons individuelles avec bien entendu un jardin ouvrier. A Lyon, la Caisse d’épargne du Rhône qui, depuis 1886, affectait une partie de ses fonds à l’amélioration du logement des familles ouvrières, décida en avril 1911 de constituer une société de construction, la « Société des habitations hygiéniques à bon marché pour les familles nombreuses » (aujourd’hui « Société LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 32 Lyonnaise pour l’Habitat »). Elle souscrivit les 2/3 du capital initial. La Société apporta son concours actif à l’effort de construction entre les deux guerres dans la région lyonnaise. Les engagements confessionnels Il convient également de faire mention des engagements guidés par des convictions religieuses : la « Société carcassonnaise de logements populaires » (« Société audoise et ariégeoise d’HLM ») fut fondée en 1912 par un groupe de militants catholiques animant les Conférences de Saint-Vincent de Paul ; la SA « Le Progrès », fut créée en 1905 par des industriels se réclamant des principes de l’encyclique Rerum Novarum (1891), et présidée jusqu’en 1932 par le banquier Fernand Fourcade. « Air et Lumière » doit, quant à elle, son origine à l’initiative des membres du Comité de bienfaisance israélite de Paris qui, en 1912, furent « émus de voir leurs coreligionnaires logés dans des taudis ». Ces engagements pouvaient très bien se défendre de tout prosélytisme : quand l’abbé Jean Viollet fonda, en juillet 1902, la « Société du Logement Ouvrier », association qui se proposait d’assurer, dans le 14e arrondissement de la capitale, le « relèvement des familles misérables par l’organisation du foyer », ce fut avec la ferme intention de réaliser « l’union avec tous pour le bien », sans se soucier des protestations des congrégations rudoyées par la République. Forte de ces convictions, la Société du Logement Ouvrier étendit son action à onze arrondissements, ce qui lui valut d’être reconnue d’utilité publique dès 1911 sous le titre « l’Amélioration du Logement Ouvrier ». A cette SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 date, cette société aidait deux SA d’HBM, « Le Foyer » et la « Société des Logements économiques des familles nombreuses », investissant 400 000 francs dans la construction d’immeubles rue du Moulin-Vert dans le 14e arrondissement. En 1908 l’abbé Viollet créa sa propre Société d’Habitation Familiale, aujourd’hui la SA Immobilière du Moulin Vert. Le mouvement syndicaliste Les initiatives de la « base » furent peu nombreuses en France à cause de l’hostilité du Parti ouvrier de Jules Guesde. Une initiative est tout de même signalée dans le nord : en janvier 1907, l’Union syndicale des ouvriers et employés métallurgistes de Maubeuge obtint l’accord d’employeurs pour former une commission paritaire chargée de lancer un appel public à souscription. Très conscient de l’enjeu, l’ancien ministre du Commerce et de l’Industrie, Jules Siegfried, avait pris son bâton de pèlerin pour appuyer de son autorité morale la société en formation, futur « Foyer de l’Ouvrier » ( aujourd’hui « Promocil ») et développer, devant un auditoire de 400 personnes, « les avantages de la combinaison qui permet à l’ouvrier de devenir propriétaire dans un certain nombre d’années d’une maison dont il a de suite la jouissance en versant des annuités qui ne sont pas plus élevées que le prix d’un loyer ordinaire ». Ci-contre : En 1907, une souscription publique est lancée à Maubeuge pour la constitution d’une SA d’HBM, « Le Foyer de l’ouvrier ». Son souci : permettre à l’ouvrier d’accéder à la propriété. L’appel s’adresse aussi bien aux travailleurs qu’aux capitalistes, à qui l’on vante la « haute portée morale et sociale » de l’œuvre poursuivie par la SA d’HBM. Ci-contre : Un procès-verbal de police établi à l’occasion d’une conférence de Jules Siegfried pour soutenir l’action du « Foyer de l’ouvrier » montre que la mobilisation des ouvriers ne laissait pas indifférent. Ces sociétés semblent bien nées, en définitive, d’une rencontre entre des préoccupations d’ordre public tendant, selon le mot de Georges Picot, à « réconcilier l’économiste, le moraliste et l’hygiéniste », et des engagements divers, confessionnels ou non, qui tous se réclamaient d’une philosophie de l’action proprement libérale. Des motivations différentes mais une cause commune ; des styles différents, mais un même modèle de référence : voilà de quoi déjà caractériser la première famille du mouvement HLM. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 33 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L’ ÉLAN NOVATEUR DES PHILANTHROPES Les Fondations ont, par leur rayonnement et la qualité de leurs réalisations, joué un rôle d’entraînement jusqu’à la Première Guerre mondiale. Elles auront non seulement innové en créant un art nouveau (l’ouvrier a droit à une architecture de qualité) ; elles auront aussi suscité des vocations : c’est à ce moment-là qu’apparaissent des architectes spécialisés dans la construction d’HBM. Mais elles auront également fait école : des SA parisiennes ont suivi leur exemple. L’essor des fondations dans le domaine du logement ouvrier remonte à l’année 1888, lorsque le banquier Michel Heine décida de financer une « œuvre nouvelle » en faveur des ouvriers, en s’adressant à la « Société philanthropique », qui depuis sa création en 1780, avait créé des dispensaires, hospices ou asiles. Cette société se lança alors dans la construction d’habitations économiques sur le modèle de la Fondation Peabody de Londres, devenant, du même coup, le premier constructeur parisien de logements économiques. Les fondations se donnaient pour mission de « gérer les âmes » et d’élever les classes laborieuses au mode de vie des classes possédantes. Jusqu’en 1914, les fondations furent, en tout cas, un laboratoire de recherche. En 1927, elles quitteront le giron de la SFHBM pour adhérer sans attendre à la « Fédération des sociétés anonymes et fondations d’HBM » à peine constituée. La forme juri- LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 34 dique des Fondations, pourtant à part, ne fut pas un obstacle à leur intégration dans la famille des SA. La Fondation Rothschild En juin 1904, les barons Edmond, Alphonse et Gustave de Rothschild annoncèrent leur intention de consacrer une somme de 10 millions de francs (200 millions de francs actuels) « à l’amélioration de l’existence matérielle des travailleurs ». Pour utiliser au mieux cette somme, une fondation fut créée, dont le comité comprenait, outre les fondateurs, Picot, Siegfried et Cheysson. La volonté affirmée aussitôt de dégager une rentabilité de 3 à 4 % n’était pas nouvelle et restait conforme au principes de la philanthropie avisée ; en revanche, l’ouverture par le comité d’un concours d’architecture, après examen des réalisations anglaises en la matière, l’était assurément. Lauréat du concours, l’architecte Augustin Rey put superviser, au titre de salarié de la Fondation, la construction du « Louvre de l’habitation populaire » (Groupe d’habitation de la rue de Prague à Paris), dont l’agencement général fit une très large place aux services collectifs. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Le Louvre de l ’habitation populaire Parmi les réalisations de la Fondation Rothschild, celle de la rue de Prague (1909), dans le faubourg Saint-Antoine, est sans conteste la plus célèbre. On la surnomma le « Louvre de l'habitation populaire » car elle rassemblait tout le matériel imaginé par les utopistes du logement populaire depuis un siècle : lavoir avec machines perfectionnées y compris un séchoir à air chaud, bains-douches, dispensaire, garderie pour les enfants de trois à six ans, salle d'étude accueillant les écoliers chaque jour à la sortie des classes, école ménagère, cuisine vendant des plats chauds deux fois par jour dans le but de vulgariser une alimentation saine et rationnelle. Dans une aile du groupe, les logements disposaient d'ateliers pourvus de la force motrice : les artisans du faubourg Saint-Antoine y trouvaient un cadre adapté à leurs besoins de fabricants de petits articles de Paris. Aucun de ces services n’était toutefois gratuit, quoique leur prix modique ne permît pas d’en couvrir les frais. En cela, les philanthropes appliquaient les principes de « l’Alliance d’hygiène sociale » destinés à inspirer aux locataires le souci de l’ordre, de la propreté et de l’épargne. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 35 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 La Fondation Lebaudy Ci-après : Trois exemples de bâtiments édifiés par la Fondation de Madame Jules Lebaudy. Antérieure, puisqu’elle fut fondée à Paris en octobre 1899, la société civile « Groupe des Maisons Ouvrières » (GMO) décida, en 1905, de calquer ses statuts sur ceux de la Fondation Rothschild, et prit ainsi le nom de « Fondation GMO » avant d’adopter celui de « Fondation Madame Jules Lebaudy ». Son originalité tient à l’ambition qu’elle eut jusqu’en 1914 de développer, sous l’impulsion de Madame Jules Lebaudy, observatrice avisée des problèmes sociaux de son temps, et sur ses fonds personnels, « une expérimentation très large sur les différentes Ci-contre : La cour intérieure du groupe de la rue Ernest Lefèvre (20e arrondissement) : 174 logements édifiés entre 1904 et 1905 avec tous les services communs. Entre 1900 et 1914, la Fondation de Madame Jules Lebaudy construira plus de 1 200 logements à Paris, un foyer de 743 chambres et 15 logements « pour vieillards ». LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 36 formes de logements populaires ». Qu’il s’agisse des logements construits pour des familles ouvrières, appartenant aux couches supérieures intégrées des ouvriers parisiens, comme rue Ernest Lefèbvre, rue de l’Amiral Roussin, ou rue d’Annam, ou des logements pour familles issues des taudis et de la « zone », comme rue de la Saïda ; ou encore, du foyer pour hommes célibataires de la rue de Charonne, toutes ces réalisations témoignaient du souci de différencier les formes d’habitat en fonction des populations à loger. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : Le foyer de célibataires de la rue de Charonne (11e arrondissement) comprenait 743 chambres de 9 m2 réparties sur 5 étages et un nombre impressionnant de services concentrés au rez-de-chaussée. Ci-contre : Un intérieur dans l’immeuble de la rue de l’Amiral Roussin : en 1906, 126 logements furent construits dans le 15e arrondissement de Paris. Le bâtiment incluait une salle de lecture, un fumoir, un lavoir à eau chaude, une remise pour voitures d’enfants et bicyclettes et des bains-douches. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 37 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (avant 1900) PHOCEENNE D'HABITATIONS 1889 MARSEILLE SA D’HLM FRANÇAISE DES HABITATIONS ECONOMIQUES 1891 PARIS HABITAT BEAUJOLAIS VAL-DE-SAONE 1897 VILLEFRANCHE-SUR-SAONE ESPACE HABITAT 1898 CHARLEVILLE-MEZIERES SA D’HLM HAVRAISE DE LOGEMENTS ECONOMIQUES 1899 LE HAVRE SAMOPOR 1899 MARSEILLE LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 38 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L’émergence d’experts s’imposant comme les nouveaux spécialistes des programmes de construction et de la gestion des logements populaires constitue le signe le plus manifeste d’une professionnalisation des acteurs privés du logement social. Ce processus concernait aussi bien les Fondations que les SA, dont nombre de dirigeants seront appelés à siéger dans les Conseils d’administration des Offices à partir de 1912. En l’espace d’une décennie, le mouvement philanthropique aura donc réussi à faire naître une nouvelle génération d’experts, de techniciens et de gestionnaires, capables d’exercer les fonctions de représentants des maîtres d’ouvrage. LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE - 39 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 40 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : Dès sa construction en 1929, la cité du Champs des oiseaux à Bagneux fut dotée d’équipements collectifs, notamment d’un jardin d’enfants. Page précédente : Cité ouvrière du Nord. 1900/1945 L’action libérale et les politiques publiques L Deuxième époque E TEMPS DES INCERTITUDES L’initiative privée s’est développée dans des conditions peu propices à son épanouissement jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale. Les courbes de construction de l’entre-deuxguerres montrent, du moins jusqu'à la promulgation de la loi Loucheur en 1928, que le marasme de la construction était un phénomène général, aussi bien au sein du mouvement HBM que pour le logement dans son ensemble. Que l’absence d’une véritable politique publique du logement se soit fait sentir ne fait aucun doute ; tous les organismes d’HBM n’ont eu de cesse de le souligner durant les années 1920 et 1930. L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 41 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessous : Deux annonces de création de SA d’HBM : « La Sablière », en Septembre 1930 et la « SA d’HBM Méditerranée » en 1949. Les lois qui se succèdent au début du 20e siècle encouragent la constitution de telles sociétés mais elles n’ont pas toujours les moyens de se développer. La complémentarité des acteurs publics et privés Les contretemps économiques et politiques Il est frappant de constater que toutes les grandes lois ayant jalonné, jusqu’en 1912, l’histoire du mouvement HBM, ont eu pour objet de susciter l’apparition de nouveaux opérateurs ou d’accorder de nouvelles faveurs fiscales. Les quelque vingt années qui séparent la loi Siegfried de la loi Bonnevay ont donc été consacrées à diversifier et à structurer un réseau, dont les branches étaient complémentaires. On constatait d’ailleurs une forte mobilité du personnel des organismes : les administrateurs des Offices (établissements publics) ont, pour beaucoup, été recrutés dans le vivier des SA et des Fondations en raison de l’expérience qu’ils avaient acquise depuis la fin du 19e siècle. Les dispositions en matière de financement se sont toujours révélées trop timides à l’usage, n’ayant jamais pu, alors que le contexte économique s’y prêtait, sortir les institutions financières para-étatiques de leur prudente réserve. Sur 545 caisses d’épargne, 26 seulement avaient consenti, entre 1895 et 1904, des prêts pour la modique somme de 2 953 694,98 francs ! De 1898 à décembre 1905, la Caisse des Dépôts et Consignations n’aura consenti que 75 prêts à 38 sociétés d’HBM pour un montant de 4,5 millions de francs. Aussi n’est-il guère surprenant que le nombre des opérateurs n’ait pas crû en fonction des besoins. En 1905, sur les 174 sociétés d’HBM (contre 500 en Allemagne) recensées par la SFHBM, 69 étaient des SA et 7 des sociétés civiles (Fondations). L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 42 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Le deuxième contretemps est de nature économique, bien qu’il résulte d’une décision politique : le blocage des loyers, décidé en pleine guerre et reconduit après les hostilités par la loi sur les moratoires du 9 mars 1918. Jusqu’en 1914, la construction et les loyers étaient libres, sauf sous le rapport de la salubrité ; le loyer représentait 15 à 20 % du revenu. En 1945, le rapport du loyer au revenu moyen était tombé à 3 %. La modicité des loyers n’incitait plus à construire, mais à conserver un patrimoine dégradé ; l’insuffisance de la construction retardait les progrès techniques qui auraient permis d’abaisser les coûts de construction. Le dernier contretemps est de nature politique. Les destructions provoquées par la Première Guerre mondiale étaient d’une ampleur suffisante pour justifier une politique du logement. Fils d’un architecte roubaisien et polytechnicien de formation, Louis Loucheur l’avait bien compris. Dès 1920, il envisageait la réalisation, étalée sur dix années, de 500 000 logements. Mais ce n’est qu’en juillet 1928, après bien des aléas, que la loi Loucheur sera promulguée, sur la base d’un programme de constructions réduit quasiment de moitié (260 000 logements à construire en cinq ans). Si l’élan provoqué par cette loi fut réel, entraînant la création de nombreux organismes d’HBM et hissant la famille des SA à la tête du mouvement HBM et si les objectifs furent dans l’ensemble tenus grâce à la compréhension de la CDC, la crise économique des années 1930 l’a brisé net en suspendant les crédits à la construction. Les débuts de l ’institutionnalisation : les lois de 1906, 1908, 1912 et 1928 Après celle du 30 novembre 1894, la loi Strauss du 12 avril 1906 a, d’une part, autorisé les communes à prêter, donner, garantir aux sociétés d’HBM, sans leur reconnaître le droit de construire elles-mêmes et, d’autre part, fixé le statut des coopératives HBM. Puis la loi Ribot du 10 avril 1908, « conçue pour enrayer l’exode rural, favoriser le retour à la terre et freiner la concentration urbaine », a marqué un tournant décisif en créant des « sociétés de crédit immobilier », sorte de « sociétés-tampons entre l’Etat et les particuliers », auxquelles, fait nouveau, l’Etat prêtait lui-même au taux de 2 %. La loi Bonnevay du 23 décembre 1912 est venue compléter l’édifice, en ajoutant, aux trois familles d’organismes HBM existantes, celle des Offices publics. Enfin, en 1928, la loi Loucheur prévoit le financement de 260 000 HBM sur 5 ans. Alexandre RIBOT (1842-1923) : Avocat, magistrat, puis député à partir de 1878, il deviendra le chef du parti républicain conservateur, ministre des Finances en août 1914 et Président du Conseil en 1917. Partisan de l'accession à la propriété pour tous les salariés, il obtient, en 1908, la création des Caisses de Crédit Immobilier, un complément utile à la loi de 1894. Paul STRAUSS (1852-1942) : D'abord journaliste défenseur des idées de la gauche républicaine, il sera conseiller municipal de Paris puis sénateur radical-socialiste de la Seine. Ministre de l'Hygiène après la guerre, il incarne le militantisme laïque dans tous les domaines de la protection de la mère et de l'enfant : dès 1902, il a fondé la « Ligue contre la mortalité infantile ». On le retrouve ensuite à l'origine de plusieurs lois sociales : 1905, assistance aux vieillards infirmes ; 1906, refonte de la loi Siegfried ; 1913, repos des femmes en couches. Louis LOUCHEUR (1872-1931) : Fils d'un architecte roubaisien, cet ingénieur sorti de Polytechnique se lance immédiatement dans les affaires en fondant la « Société générale d'entreprises » (SGE).Excellent fournisseur de matériel militaire, il devient ministre de l’armement en 1917. Républicain « social », il avait soutenu, avant la guerre, l'abbé Lemire, le promoteur des « Jardins ouvriers », et l'abbé Trochu, fondateur de « l'Ouest-Eclair », premier quotidien catholique et républicain publié en Bretagne en 1900. Après avoir présenté, dès 1921, un projet de loi portant sur la construction de 500 000 logements en dix ans, il lui faudra attendre 1928 pour voir son texte accepté avec un objectif réduit, 260 000 en cinq ans. L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 43 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 A TTENDRE OU INNOVER ? Une nouvelle vague de création de SA Le contexte qui vient d’être évoqué n’a curieusement pas pesé sur le nombre de créations des SA. A la différence des Fondations dont le nombre stagnait, celles-ci ont continué de croître régulièrement, passant de 182 en 1919 à 330 en juin 1928 puis 533 en 1939. Avec une progression spectaculaire de 46 % entre juin 1928 et octobre 1929, il s’agit là, à n’en pas douter, d’une seconde vague de créations, plus importante encore que celle des débuts. Evoquons, entre autres, l’apparition des SA : le 20 octobre 1919, la « Société anonyme Nantaise d’habitations et de jardins ouvriers » (aujourd’hui la « Nantaise d’habitation ») est fondée par plusieurs industriels, soucieux de la qualité de vie de leurs personnels ; « Le Foyer du Fonctionnaire », créé en 1928 par Léon Douarche, directeur de l’Office international de vins, et Roger Hackspill, chef de bureau au ministère de l’Intérieur ; c’est le 3 mai 1928 que le journal d’annonces légales « Les petites affiches » informent de la création de la SA d’HBM « Le Foyer noiséen » à Noisy-le-Sec. « La cité du Souvenir » fut fondée par l’abbé Keller pour loger les victimes de la Grande guerre ; en 1915, ce fut le tour de la « SA de la région de Voiron et des Terres froides » et, en 1925, de la « SA d’HLM de Laval » ; le « Foyer de l’Armée et du Combattant » (aujourd’hui « Foyer du Mineur et du Combattant ») fut créé en 1929 pour loger les militaires le long de la ligne Maginot. La SA « Les Biens lotis » fut fondée à Auvers-sur-Oise dans la foulée de la loi Loucheur pour construire des pavillons économiques à destination des pensionnés de guerre ou anciens combattants, pères de trois enfants au minimum ; « L’Habitat du Fonctionnaire » est créé, en 1930, à Strasbourg à l’initiative de fonctionnaires regroupés « pour participer d’une manière efficace sur la base de la loi Loucheur à la lutte indispensable contre la pénurie de logements » ; la même année, « La Sablière », fut constituée par la Société immobilière des chemins de fer de l’Etat... Ci-contre : La ligue nationale contre le taudis, fondée en 1924 et présidée par la femme du ministre de la Marine, Georges Leygues, fut reconnue d’utilité publique en 1927. Son action passait par la création d’une SA d’HBM baptisée « le Nouveau Logis », qui réalisa la cité-jardin d’Orly. L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 44 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : La Cité du Souvenir en construction.Voulue par le Père Alfred Keller pour construire une cité HBM destinée aux victimes de guerre, mutilés, veuves et orphelins, la SA de la Cité du Souvenir est fondée le 18 Juillet 1925. On retrouve plusieurs personnalités éminentes dans son comité d’honneur : le Maréchal Foch, le Cardinal Dubois et Jean Keller, ingénieur civil des mines et père de l’abbé. Le bâtiment de 190 logements, édifié entre 1926 et 1927 à l’emplacement d’un terrain vague, comporte des services collectifs et une chapelle.A côté du nom des locataires, une plaque devait porter le nom d’un soldat disparu, au choix des souscripteurs pour la concrétisation du souvenir. Ci-dessus : Le terrain de la rue Saint-Yves dans le 14e arrondissement de Paris sur lequel est édifiée la Cité du Souvenir. En revanche, le marasme de la construction est confirmé, dans bien des cas, par la faiblesse de l’activité des organismes d’HBM durant l’entredeux-guerres. Plus nombreuses, les SA ont construit moins que les Offices entre 1919 et 1939 (75 000 logements à l’actif des SA et des coopératives contre 100 000 pour les Offices), mais les contraintes pesant sur elles ont été nettement plus fortes. De là une certaine « léthargie » dont les SA ne se remettront que dans les années 1950. Ci-contre : La Cité du Combattant, réalisée à Vitry-sur-Seine par le « Foyer des invalides et des anciens combattants » en 1931-32. Lors d’une manifestation de chômeurs sur le chantier en construction, où travaillaient plus de 400 ouvriers plus de 8 heures par jour, une bagarre éclata et les forces de l’ordre tirèrent, faisant un mort et un blessé parmi les manifestants, entraînant un mouvement de grève nationale. L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 45 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Georges Charbonneaux, promoteur du « Foyer Rémois », outil d’une politique d’aménagement urbain Georges Charbonneaux 1865-1933 Fils d’un industriel verrier de Reims, Georges Charbonneaux anima tout d’abord plusieurs entreprises, notamment des distilleries.Très préoccupé par le problème de la dénatalité et les difficultés que les familles ouvrières, notamment les familles très nombreuses, éprouvaient pour se loger, il lança une enquête sur le logement à Reims. Face aux résultats, il œuvra à la promotion du logement des familles nombreuses, tant au niveau local par la création d’une société d’HBM, qu’au niveau national. Il eut le souci de réaliser des programmes de grande qualité urbanistique et architecturale avec un nombre d’équipements suffisants pour permettre la bonne insertion des populations. Membre actif de la Fédération des SA, il y défendra l’idée d’une allocation-logement. Alliée à la détermination mais aussi à l’ingéniosité, l’innovation pouvait néanmoins avoir raison des difficultés tirées d’un contexte peu favorable. Dès 1918, le « Foyer Rémois » sut réunir ces ingrédients de la réussite, face aux destructions massives dont sa ville d’élection avait souffert. L’ampleur des destructions requérait un plan d’aménagement municipal. La nouvelle municipalité radical socialiste se rallia au Plan de G. Ford, qui prévoyait le développement concentrique de la ville par alternance de zones industrielles et de zones résidentielles séparées entre elles par des espaces verts. De son côté, le Foyer Rémois ne fit pas mystère de son intention de fonder une cité-jardin à la française. Son président, Georges Charbonneaux, eut alors l’idée très ingénieuse de racheter les droits à indemnités de guerre des petits propriétaires impatients qui ne souhaitaient pas reconstruire eux-mêmes, et d’utiliser les subventions accordées aux propriétaires au titre du cœfficient de réemploi. Le Parlement se rallia à ses vues en votant une loi dérogatoire qui autorisait les organismes d’HBM à acquérir des dommages de guerre. De cette façon, et grâce à un emprunt consenti par la CDC, la société anonyme se trouvait en mesure de réaliser le programme de construction qu’elle s’était fixé. L’étude du plan et des types de maison, 12 différents pour les 600 logements prévus, fut confiée à Marcel Auburtin. L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 46 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 La Cité du Chemin vert (Le Foyer Rémois) Ci-dessus : Journal des locataires. La Cité du Chemin vert conçue par l’urbaniste Aubertin est l’une des premières cités-jardins de France. Fidèle au schéma d’Ebenezer Howard, elle obéit aux principes suivants : - concentrer autour d’un espace central les services importants : maison commune, écoles, crèche, église, centres alimentaires, atelier de bricolage ; - marquer les limites de la cité par des « portes » ; - axer la voie d’accès principale en mettant en relation visuelle la cathédrale de Reims et l’église de la cité ; - tracer un réseau secondaire qui obéit plus à l’observation du développement d’un village du sud de la Loire qu’aux lois du pittoresque unwinien (disciple d’Ebenezer Howard, l’inventeur du concept de citéjardin) ; - élaborer une typologie (12 types différents) pour les 600 logements prévus qui répondent à la variété des situations rencontrées. Commencés en 1921, les travaux s’achèvent deux années plus tard. Chaque pavillon comprend généralement quatre pièces de 3,50 mètres sur 4, un petit caveau, un grenier, une buanderie et un poulailler-clapier dans le jardin privatif. Cinquante logements, destinés aux petits artisans, comportent un atelier doté de la force motrice. La « Maison pour tous » abrite une bibliothèque, une salle des fêtes de 600 places, des salles de réunion et de gymnastique ainsi que cinquante cabines de bains-douches. La « Maison de l’enfance » englobe les consultations prénatales et celles des nourrissons, une crèche, une garderie et un jardin d’enfants. Pour compléter le ravitaillement familial, chaque pavillon disposait d’un petit potager, sans préjudice d’une parcelle plus étendue (700 m2) propriété du Foyer Rémois et à la disposition des habitants. Ci-dessous : La cité aujourd’hui après réhabilitation. L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 47 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Comme les matériaux de construction faisaient défaut, le Foyer Rémois entreprit de les fabriquer lui-même et commença l’installation de baraquements sur une surface de 10 000 m2. A l’intérieur, furent fabriqués tous les agglomérés et les tuiles en ciment nécessaires à la construction de la cité qui prit le nom de « Cité du chemin vert ». Ci-dessous et haut de la page suivante : La Cité du champs des oiseaux à Bagneux. La Cité est réalisée en 1929-32 par la « Société anonyme d’HBM Pax ». Les architectes en sont Lods et Beaudoin. 805 logements dans des immeubles de trois étages sont édifiés avec une ossature de poutrelles métalliques et les façades en béton vibré. L’accès aux logements se fait par l’intermédiaire de petites cours intérieures agrémentées d’espaces verts. La liaison des bâtiments se fait par des galeries.Au rez-de-chaussée, on trouve des commerces, des écoles et un dispensaire. C’était bien la première fois qu’une SA d’HBM réalisait un programme de construction s’inscrivant avec force dans le cadre d’une politique d’aménagement urbain. Le fait mérite d’être souligné, dans la mesure où l’atonie générale de l’activité constructrice conduisait les SA de l’époque à réaliser de petites opérations sur des terrains exigus et surtout enclavés. Il faudra attendre les années 1950 pour que des chantiers aussi vastes, issus des destructions de la guerre, s’ouvrent à nouveau. Toujours est-il que la « Cité du Chemin Vert » semble constituer, avec le recul du temps, un modèle de transition entre une époque déjà révolue, celle des philanthropes dont le dessein était à la fois moralisateur et hygiéniste, et une époque encore non advenue, celle des grands bâtisseurs. La nouveauté réside également dans le souci de promouvoir de nouvelles formes de sociabilité en tissant des liens étroits avec le monde associatif. Juridiquement distinctes du Foyer Rémois, les associations créées pour gérer les oeuvres sociales de la Cité participaient de la volonté de grouper en communautés locales les familles mal logées où croissent de jeunes enfants - trois au moins, pour l’ordinaire -, de les incorporer ainsi à la vie sociale de la ville, d’assembler les foyers domestiques en foyers urbains, dans le rayonnement du grand foyer national. La Cité du Champ des Oiseaux, premier grand quartier d’habitat collectif Une autre expérience mérite d’être citée. C’est en 1928 que fut créée la Société « Pax » sous le nom de « SA d’HBM pour les zoniers et les familles nombreuses » (SAZ) par des dames d’œuvre (Mmes Odier de Lacroix, Max Lazard, Deutsch de la Meurthe), à la suite d’un incendie, survenu le 21 mai 1927, le soir où Lindbergh atterrit à Paris. L’idée était de faire appel, à travers le prestige de Lindbergh, à la charité américaine pour construire la « Cité Lindbergh » destinée au logement des « zoniers », ces habitants des taudis implantés dans la zone inconstructible qui entourait les fortifications de Paris. L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 48 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Lindbergh ayant refusé de cautionner l’opération, les fondateurs de la SAZ décidèrent de s’intéresser aux ouvriers et obtinrent un prêt de la CDC avec la garantie du Département de la Seine. Dans le même esprit que celui de Madame Lebaudy dont on a vu les initiatives, les militantes firent plusieurs enquêtes préliminaires à travers les ensembles d’HBM les mieux conçus. La réalisation de la cité du « Champ des oiseaux » à Bagneux, dans la banlieue sud de Paris, fut confiée à l’agence Baudoin-Lods. Les immeubles de l’ensemble (797 appartements) furent d’une totale nouveauté technique avec leur ossature métallique remplie par des éléments de béton préfabriqués. Pour la seconde fois après l’expérience Sauvage rue de Trétaigne, au début du Siècle, les théories les plus avant-gardistes de l’architecture moderne pouvaient s’exprimer dans le logement social. N AISSANCE ET PREMIERS PAS DE LA FÉDÉRATION « L’an 1927, le jeudi 23 juin à 16 heures, des représentants de plusieurs SA se sont réunis en assemblée générale constitutive au Musée social, 5 rue Las Cases, à Paris, sur la convocation de l’une des sociétés en ayant pris l’initiative ». Il s’agissait de la « SA de Logements économiques pour familles nombreuses ». Les statuts de la jeune Fédération furent déposés à la Préfecture le 19 octobre de la même année. Présidée par l’ingénieur Richard Bloch, le viceprésident étant Georges Charbonneaux, la « Fédération nationale des sociétés anonymes et fondations d’HBM de France et d’Algérie » a d’emblée réservé, dans ses instances, une place de premier choix aux représentants des SA spécialisées dans le logement des familles nombreuses. Que la Fédération des SA soit apparue tardivement (les Coopératives ont créé leur fédération en 1908, les Crédits immobiliers en 1912 et les Offices publics en 1921), alors que les SA d’HBM avaient donné son élan au mouvement HBM, invite à s’interroger sur les motivations L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 49 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les statuts de la Fédération des SA d’HBM de France et d’Algérie Aux termes de ses statuts, la nouvelle Fédération se fixait pour buts de « développer l’application de la législation sur les HBM, d’étendre l’action des sociétés anonymes et Fondations d’HBM existantes et de favoriser la création de sociétés nouvelles ; de grouper les sociétés anonymes d’HBM de France et d’Algérie existantes ou en voie de création, de les renseigner, de les documenter, de leur faciliter l’étude collective des conditions d’améliorations de leur fonctionnement, la défense de leurs droits et intérêts et la recherche des améliorations qui pourraient être signalées aux pouvoirs publics comme susceptibles d’être apportées à la législation sur la prévoyance sociale ». qui ont présidé à sa naissance. De toutes les composantes du mouvement HBM, la famille des SA était celle qui se sentait le plus proche de l’esprit des fondateurs de la SFHBM dont le rôle d’entraînement avait été essentiel avant 1914. Or, par suite de la disparition de ses principaux animateurs, cette société avait perdu une grande partie de son autorité morale. De plus, depuis la création de l’Union des HBM en 1925, elle n’était plus l’interlocuteur exclusif des pouvoirs publics, et rassemblait des sociétés parfois sans liens avec le mouvement HBM. Dès son assemblée constitutive, la nouvelle Fédération demande son adhésion à l’Union des HBM dont le Président, Georges Risler, est également président d’honneur de la Fédération des SA. Les premières préoccupations de la Fédération : l’indexation des loyers et la création d’une allocation-logement La jeune Fédération défendra, en particulier, le label HBM, n’hésitant pas « à manifester son émotion en présence des tentatives devenues fréquentes depuis l’application de la loi Loucheur de constitution de sociétés d’HBM qui dissimulent à peine des spéculations parfois frauduleuses ou pour le moins des organismes mercantiles d’architectes et d’entrepreneurs ». Mais c’est surtout le décalage entre le prix de revient des immeubles et les maxima légaux des loyers qui retiendra son attention. D’où la réclamation pressante d’une formule plus souple qui aurait consisté à indexer ces maxima sur les coûts à la construction, pour éviter que l’écart ne se creuse entre les deux. Les statuts de la Fédération sont adoptés le 23 juin 1927 et sont enregistrés à la Préfecture de Police le 19 octobre de la même année. L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 50 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Par ailleurs, la Fédération se montrera très attentive à la question du logement des familles nombreuses. Elle pouvait, sur ce point, s’appuyer sur l’expérience très solide du « Foyer Rémois », dont le Président avait imaginé un système de « location-épargne » permettant à toute famille nombreuse, d’acquérir, moyennant un certain effort financier, un logement en dix, vingt ou trente ans. Conscient de l’importance du sacrifice demandé, Georges Charbonneaux réclama l’instauration d’une « allocation de loyer » en faveur des familles nombreuses, sous réserve qu’elle fût directement versée aux organismes propriétaires. Formule qui « provoquerait automatiquement l’augmentation du prix des loyers des locataires au fur et à mesure du décroissement de leurs charges de famille, l’allocation versée par l’Etat disparaissant progressivement par suite de l’âge des enfants ». Le message ne sera entendu qu’en 1948, avec l’apparition de l’allocation logement. Sans revendiquer formellement un pouvoir de résiliation, la Fédération réclamera, par ailleurs, la possibilité d’obtenir, « avec l’aide des autorités judiciaires, le transfert des locataires (dont les charges de familles ont diminué) dans des logements en rapport avec leur situation nouvelle de famille, de manière à rendre libres les logements plus vastes indûment occupés par eux ». Voeu inspiré, à vrai dire, par la pénurie criante de logements. Lors de l’Assemblée générale de Juin 1939, de nouvelles personnalités furent élues au Conseil fédéral, en qualité de membres suppléants : Raoul Dautry, directeur-général de la SNCF et créateur de la cité-jardin de Tergnier, le docteur Piot, président de la Fondation Lebaudy et Monsieur Fantoux, administrateur de la société d’HBM « Pax ». Un démarrage du mouvement fédéral obéré par la crise économique Les débuts de la Fédération furent difficiles, car nombre de sociétés anonymes végètaient ou étaient même en sommeil. La crise économique Ci-contre : Le groupe d’HBM améliorés de Dugny. Ce groupe fut réalisé dans le cadre de la loi Loucheur par une société d’HBM commanditée par un diamantaire hollandais. Construit en sept mois en 1932, il compte près de 300 logements destinés aux ouvriers et employés du terrain d’aviation voisin et des usines de la région. des années 1930 ne fit qu’amplifier le phénomène, en confrontant l’ensemble des SA à l’épineux problème des loyers impayés. La crise économique tendait insidieusement à brouiller la frontière entre les locataires de « mauvaise foi » et ceux toujours plus nombreux à en subir les effets. Les SA devaient composer avec des associations de locataires parfois puissantes. Une chose est sûre : en dépit des difficultés engendrées par la crise, les SA d’HBM confirmaient, en rejoignant l’Union des HBM, leur confiance dans un mouvement HBM qui avait mis, compte tenu de sa diversité, plus d’une trentaine d’années à se structurer (1894-1927). Ce mouvement était devenu, grâce aux institutions qu’il avait façonnées (Union et Fédérations), un partenaire obligé des pouvoirs publics, capable d’analyser les causes profondes de la crise du logement social en France, d’en tirer les conséquences et de formuler des propositions. En son sein, la famille des SA pouvait se prévaloir de l’expérience la plus longue et d’un professionnalisme dont avaient bénéficié depuis longtemps les familles plus récentes du mouvement. L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 51 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 U N REGROUPEMENT DES INITIATIVES PATRONALES PRÉCURSEUR DES CIL L’émergence de dispositifs de mutualisation Ci-dessus : Albert Prouvost, patron de la Lainière de Roubaix, crée avec Victor Provo, maire de Roubaix, le premier Comité Interprofessionnel du Logement (C.I.L.). Dès après la promulgation de la loi Siegfried, un partage des rôles s’était dessiné entre l’initiative patronale proprement dite et le mouvement HBM. Le Conseil Supérieur des HBM avait notamment estimé, en 1899, que le logement des ouvriers incombait naturellement aux entreprises qui les employaient. Dans la mesure où cette charge dépassait les possibilités de la grande majorité des entreprises, l’Union des Industries métallurgiques et minières (UIMM) avait pris l’initiative de créer, en 1919, une « Caisse foncière de crédit pour favoriser l’amélioration du logement dans l’industrie ». Cet organisme avait pour but de faciliter, en dehors de toute aide de l’Etat, la construction de logements pour l’industrie. Cette organisation purement patronale était complétée par un « Comptoir général du logement populaire », chargé de procurer aux industriels le matériel et les fournitures destinés à la construction, à l’aménagement des logements et des dépendances. Pareille évolution se retrouve dans le monde des grandes sociétés parisiennes d’assurances. Dès avant 1914, celles-ci avaient pris l’habitude L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 52 d’affecter chaque année à la construction d’immeubles à usage d’habitations une part importante des capitaux destinés à former leurs réserves locales. Mais les fluctuations des changes et l’alourdissement de leurs charges fiscales consécutifs au conflit avaient brutalement mis fin à ces placements. Ce n’est qu’au début de l’année 1926, à la suite d’un accord passé avec le gouvernement, que ces compagnies s’engagèrent de nouveau à construire des immeubles à loyers modérés. Le « Comité général des Assurances », qui regroupait plus de quarante sociétés, était chargé de coordonner le projet. Certaines compagnies bâtirent ellesmêmes ; d’autres devinrent d’importants actionnaires de sociétés d’HBM. La création du CIL de RoubaixTourcoing : une première expérience de gestion paritaire du logement C’est en 1943, dans une France entièrement occupée, qu’Albert Prouvost, patron de « La Lainière de Roubaix », et Victor Provo, maire socialiste de Roubaix (qui avait l’approbation des mouvements de la Résistance), fondèrent le « Comité interprofessionnel du Logement (CIL) de Roubaix-Tourcoing et environs ». L’objectif SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 était double : d’une part, répartir la charge de la construction entre des industriels qui contribuaient jusque-là individuellement à l’effort de logement ; d’autre part, instituer un partenariat autour de la question du logement à l’intérieur d’une structure paritaire où des employeurs et des ouvriers seraient représentés sur un pied d’égalité. Ci-dessus : L’initiative d’Albert Prouvost et de Victor Provo va faire tâche d’huile : c’est le 11 janvier 1946 qu’est fondé le 2e CIL de France, à Mazamet. Sous l’impulsion de Marcel Escande et de Jacques Bonneville, 153 entreprises acceptèrent de verser volontairement 1 % de leur masse salariale pour loger les salariés dont les besoins étaient très importants. L’idée de faire du logement un objet de concertation entre employeurs et ouvriers syndiqués constituait une innovation majeure. Le dispositif proposé allait, en tout cas, très rapidement séduire les industriels locaux qui souhaitaient asseoir la reconstruction future du pays sur des bases consensuelles. D’emblée, le premier CIL se donna pour but « d’inciter à l’initiative privée, de rendre la construction rentable et de permettre aux ouvriers de payer un loyer en rapport avec le coût de la construction, en créant, à la charge de l’employeur l’allocation logement ». C’était, d’un trait, reprendre l’ensemble des vœux que la Fédération nationale des Sociétés anonymes et Fondations d’HBM de France et d’Algérie formait depuis sa création. L’allocation logement fut mise en place, le 1er janvier 1944, dans l’agglomération de RoubaixTourcoing. Prise en charge par les entreprises adhérentes au CIL, proportionnelle au loyer, et tenant compte du nombre de personnes occupant le logement, elle était réservée aux ménages ne disposant que d’un seul revenu professionnel, et pouvait atteindre de 15 à 20 % du salaire. L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 53 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (1900-1945) SODINEUF SA D’HLM DU HAINAUT PROPRIETE FAMILIALE DE L'ILE DE FRANCE LES HLM REUNIES SA D’HLM GRASSOISE PAX - PROGRES - PALLAS SA D’HLM DE LILLE ET ENVIRONS FONDATION MADAME JULES LEBAUDY SA D’HLM DE BUHL LE FOYER FLAMAND BRANCHE PROMOCIL SA D’HLM DAUPHINOISEDU COIN DE TERRE ET DU FOYER HABITAT D'ENTRE RHONE ET LOIRE LES CITES JARDINS DE SAINT ETIENNE SA D’HLM LORRAINE LYONNAISE POUR L'HABITAT ORLY PARC SA D’HLM AUDOISE ET ARIEGEOISE SA D’HLM DEPARTEMENTALE DE SAONE ET LOIRE LE FOYER REMOIS LES LOGEMENTS FAMILIAUX SA D’HLM MELLOISE SA D’HLM ATLANTIQUE ESPACE DOMICILE LA NAVALE L'HABITAT EN FRANCE NOREVIE IMMOBILIERE DU MOULIN VERT S.I.A.P. DE LA REGION D'ELBEUF SA D’HLM DE COLIGNY SA D’HLM DES MARCHES DE L'OUEST LA NANTAISE D'HABITATIONS LE FOYER DIJONNAIS SA D’HLM DU COTENTIN LA PLAINE NORMANDE LE TOIT FAMILIAL OZANAM PALOISE - GROUPE ALLIANCE HABITAT SA D’HLM REGIONALE DES CITES JARDINS SA D’HLM DES ALPES PLURALIS HABITAT SUD ATLANTIC LOGICIL S.I.A. SOCIETE IMMOBILIERE DE L'ARTOIS SAGECO SA D’HLM D'AMENAGEMENT DE HAUTE-NORMANDIE SA D’HLM GOURNAISIENNE 1900 1901 1903 DIEPPE VALENCIENNES SANNOIS 1904 1905 1905 1906 1906 1907 1907 PARIS GRASSE PARIS LILLE PARIS BUHL COUDEKERQUE 1907 1908 MAUBEUGE GRENOBLE 1909 1910 1910 1911 1911 1912 1912 1912 1913 1913 1913 1913 1914 1914 1917 1919 1919 1919 1919 1920 1920 1920 1920 1920 1920 TARARE SAINT ETIENNE NANCY LYON LEVALLOISPERRET CARCASSONNE CHALON-SURSAONE REIMS PUTEAUX MELLE PARIS SAINT NAZAIRE LA DEFENSE DOUAI PARIS PITHIVIERS ELBEUF BORDEAUX NANTES NANTES DIJON CHERBOURG CAEN ROANNE SCHOELCHER PAU LILLE 1921 1921 1921 1921 1921 1922 VOIRON BAYONNE TOURCOING DOUAI PARIS YVETOT 1922 GOURNAY-ENBRAY DREUX PARIS PAVILLY 1912 1912 LE LOGIS DROUAIS S.O.F.I. SA D’HLM DES VALLEES DE L'AUSTREBERTHE ET DU CAILLY L'AIDE SOCIALE DES HAUTES-PYRENEES LE FOYER MANCEAU LE MONT BLANC SOMCO SA D’HLM DE GRAND QUEVILLY 1922 1922 1923 1923 1923 1923 1923 1924 FONDATION DES PETITS LOGEMENTS IMMOBILIERE BASSE-SEINE 1924 1924 LE LOGIS SOCIAL DU VAL-D'OISE LOGIS 47 SA D’HLM DE LAVAL SA D’HLM INTERPROFESSIONNELLE DE LA REGION PARISIENNE L'ATHEGIENNE LE FOYER DES INFIRMIERES LA STRASBOURGEOISE HABITAT TRAVAIL ET PROPRIETE SA D’HLM DE LA VALLEE DE MUNSTER SA D’HLM DE MONTARGIS SA D’HLM DE SELESTAT SA D’HLM DES CANTONS D'ARMENTIERES BAILLEUL MERVILLE LE LOGEMENT DU TRAVAILLEUR LE NOUVEAU LOGIS MAISON DES ELEVES DE L'ECOLE CENTRALE DES ARTS ET MANUFACTURES AOTEP - TRADITION ET PROGRES SA D’HLM DE L'EST F.I.A.C. IMMOBILIERE 3 F LA VINCENNOISE LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES LE FOYER NOISEEN LES CITES JARDINS DE LA REGION PARISIENNE LES MAISONS SAINES AIR ET LUMIERE LOGEMENT URBAIN POUR LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE SOGEMAC HABITAT AUVERGNE HABITAT SA D’HLM AUXERROISE ET TONNERROISE SA D’HLM DE LA VILLE DU PRE SAINT GERVAIS SA D’HLM DES LANDES HABITAT 2036 LA LUTECE LA MOUCHONNIERE LA ROSERAIE LA SARRIANNE LE FOYER DU MINEUR ET DU COMBATTANT LE FOYER MAURIENNAIS Elles construisirent ces années-là… 1924 1924 1925 1925 1925 1925 1926 1926 1927 1927 1927 1927 1927 1927 1927 PONTOISE AGEN LAVAL MEUDONLA-FORET ATHIS-MONS PARIS STRASBOURG LE KREMLIN BICETRE MUNSTER MONTARGIS SELESTAT ARMENTIERES 1928 1928 1928 1928 1928 1928 1928 1928 OIGNIES PARIS CHATENAYMALABRY PARIS NANCY PARIS PARIS VINCENNES DUNKERQUE NOISY-LE-SEC ARGENTEUIL 1928 1928 PARIS PARIS 1928 1929 1929 1929 VERSAILLES CLERMONTFERRAND AUXERRE PARIS 1929 1929 1929 1929 1929 1929 1929 DAX CHATEAUROUX PANTIN TOURCOING CHARTRES PARIS SAINT-AVOLD 1929 SAINT JEAN DE MAURIENNE LE FOYER NORMAND LE FOYER STEPHANAIS LE FOYER VELLAVE LE LOGIS STRASBOURGEOIS LES RIANTES CITES 1929 1929 1929 1929 1929 LOGIS FAMILIAL LOGISEINE 1929 1929 MON LOGIS SA D’HLM NORMANDE 1929 1929 SA D’HLM REGIONALE DE L'HABITAT SA D’HLM REGIONALE DE LYON SAHLMAP SOFILOGIS SA D’HLM VILLEURBANNAISE CIPCO LOCATIF SA D’HLM DE NOUZONVILLE HABITAT DU FONCTIONNAIRE IMMOBILIERE DE CONSTRUCTIONS ET D EQUIPEMENT - SICE L'ABRI LA SABLIERE LA SEIMAROISE LE VAL-DE-LOIRE SA D’HLM NOUVELLE DE MARSEILLE SA D’HLM REGIONALE DE POITIERS SA D’HLM RURALE DE L'EURE SA D’HLM DE L'ARCHE SA D’HLM DE PETIT QUEVILLY 1929 1929 1929 1929 1929 1930 1930 1930 1930 1930 1930 1930 1930 1930 1930 1930 1931 1931 L'HABITATION CONFORTABLE LA CITE JARDINS LA MAISON DES AVEUGLES LE BREAU HABITAT 1931 1931 1931 1931 LE FOYER BOURBONNAIS ET THERMAL 1931 SA D’HLM REGIONALE DE LIMOGES LA PLAINE DE FRANCE PATRIMOINE - LANGUEDOCIENNE SAGECO - RHONE-ALPES EFIDIS 1931 1932 1932 1932 1933 COLOMBELLES SAINT ETIENNE DU ROUVRAY LE PUY EN VELAY STRASBOURG VERRIERES-LEBUISSON NICE MONT SAINT AIGNAN TROYES BOIS GUILLAUME MARSEILLE LYON PARIS LYON LYON DIJON NOUZONVILLE STRASBOURG PARIS METZ PARIS PARIS ANGERS MARSEILLE POITIERS GISORS PARIS LE PETIT QUEVILLY PARIS BLAGNAC STRASBOURG FONTAINE BLEAU CLERMONT FERRAND LIMOGES LA COURNEUVE TOULOUSE LYON CACHAN Nombre de logements 25 000 20 000 15 000 10 000 PARIS LE MANS ANNECY MULHOUSE LE GRANDQUEVILLY ROUEN LE HAVRE Le nombre de logements locatifs dans le patrimoine des SA d’HLM (1920-1944) 5 000 0 Avant 1920 SA L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 54 1924 1929 1934 1939 Année d'achèvement 1944 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Etonnante (r)évolution ! Le mouvement HBM s’était construit primitivement autour de sociétés anonymes qui s’étaient détachées du modèle de référence patronal sans nullement renier ses acquis. Il avait réalisé, à travers l’action de ses promoteurs, philanthropes et réformateurs sociaux très proches de la grande industrie mais également de la classe politique, la jonction entre l’économie politique et l’économie sociale. Et voici que l’initiative patronale relançait une initiative privée qui n’avait pu pleinement s’épanouir, faute d’une politique publique du logement audacieuse. Les acteurs étaient là, les rôles étaient pratiquement distribués. Certes, une source de financement complémentaire se dessinait et, avec elle, des possibilités nouvelles de construction ; mais que pesaient ces virtualités en face de l’ampleur des destructions provoquées par la guerre ? Ce n’est plus d’un sursaut dont le pays avait besoin, mais bien d’un changement d’échelle. L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES - 55 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 RÉPONDRE À L’URGENCE - 56 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : La cité d’urgence, une solution d’habitat provisoire. Page précédente : Les raisins de la colère : immigrés italiens quittant le bidonville de Nanterre pour un HLM à Fos en 1957. 1945/1957 Répondre à l’urgence L Troisième époque A PART DÉCISIVE DES SA D’HLM À L’EFFORT DE RECONSTRUCTION ET DE CONSTRUCTION Les relations entre les pouvoirs publics et les acteurs privés de l’économie s’étaient radicalement transformées par rapport à l’avant-guerre. Les nationalisations et les nécessités de la reconstruction portaient désormais l’Etat à revendiquer un rôle d’organisateur, alors que son intervention n’avait été sollicitée jusque-là que pour mieux aménager les conditions néces- saires à l’épanouissement de l’initiative privée. L’une des conséquences de cette transformation, structurelle et culturelle, fut, dans le domaine du logement, le transfert de la tutelle des HBM du ministère de la Santé au ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU). Du même coup, les organismes d’HBM devenaient les principaux leviers de la reconstruction et RÉPONDRE À L’URGENCE - 57 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 même de la construction, rôle qu’ils n’avaient pu remplir au lendemain du premier conflit en raison du nombre réduit d’opérateurs et d’une aide financière de l’Etat insuffisante. Les évolutions propres aux Trente Glorieuses ont requis des organismes d’HLM un effort de construction sans précédent, auquel les sociétés anonymes ont pris une part décisive. Plus de trente années s’écouleront avant que la « crise sociale » du logement ne soit résorbée avec la disparition symbolique des derniers grands bidonvilles au milieu des années 1970. Les organismes d’HLM durent en effet répondre à la pénurie de logements et au rattrapage dû à la reconstruction ; ils furent ensuite sollicités sans relâche par les effets du baby-boom et par des flux migratoires d’une très grande ampleur, d’origine française ou étrangère. Les SA s’apprêtaient ainsi à affronter le plus dur challenge de leur histoire depuis la loi Siegfried. A son Assemblée générale du 17 juin 1950, la La crise sociale du logement En 1945, la France comptait 457 000 logements entièrement détruits et 1 719 000 logements endommagés. A ces destructions, il fallait ajouter les deux millions de logements restés debout mais qui auraient dû être détruits pour vétusté depuis 1914. L’évaluation des besoins en logements s’élevait ainsi à 4,5 millions sur 10 ans. Or, la reprise de la construction achoppait sur des problèmes conjoncturels liés à la désorganisation de l’économie, mais également sur des problèmes structurels : pénurie de main-d’œuvre et retard technique de la construction sur d’autres branches de l’industrie. Le décalage considérable entre les besoins de la reconstruction et la production des matériaux nécessaires à celle-ci explique notamment le retard apporté au renouvellement des logements : aucune politique publique du logement n’était envisageable sans la résorption préalable de cet écart. RÉPONDRE À L’URGENCE - 58 Fédération affirmait tout de suite leur rang d’égalité avec les Offices : « le drame du logement est d'une telle acuité que tous les efforts en faveur de la construction d'habitations doivent être acceptés et soutenus. Aucune distinction ne doit être faite entre les OPHLM et les SA ou coopératives ; aucun privilège ne doit être accordé à une catégorie au détriment de l'autre. Offices et SA ont droit aux mêmes égards, à la même sollicitude de la part des Pouvoirs publics ». L’originalité des SA d’HLM résidait dans les liens très étroits que ces sociétés tissèrent avec les partenaires socio-économiques (entreprises, institutions, collectivités locales). Telle société s’est mise au service d’entreprises pour loger leur personnel, telle autre s’est investie résolument dans le logement des populations défavorisées, telle autre s’est conduite en généraliste de l’habitat. On observe ainsi une pluralité d’attitudes, de sensibilités et d’engagements également légitimes ; pas une, mais plusieurs manières possibles de répondre aux urgences et aux défis, d’apporter des solutions adaptées aux circonstances et aux besoins locaux des populations concernées. Cette diversité est issue d’une subtile combinaison entre plusieurs facteurs : d’abord, l’histoire individuelle des SA qui conditionne leur développement et leurs orientations ; ensuite, le pragmatisme, cette vertu commune à ces sociétés, qui les porte, leurs statuts aidant, à tirer parti des méthodes propres à l’initiative privée, mais aussi des facilités consenties par la puissance publique ; enfin, les considérations locales qui amènent chacune d’elles à inventer des solutions différenciées. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 R ÉPONDRE À LA DIVERSITÉ DES BESOINS TOUT EN TRAITANT L’URGENCE : UN IMPÉRATIF POUR LA FÉDÉRATION DES SA La période de reconstruction a permis d’assainir la situation financière des organismes d’HLM, condition nécessaire à la reprise de la construction. Celle-ci a redémarré, avec le Plan Courant de 1953, sur des bases nouvelles, avec l’appui du 1 % logement institué par le décret du 9 août 1953. Mais, pour la première fois depuis la naissance du mouvement HBM, la tutelle des pouvoirs publics s’exerçait de manière insistante, conduisant les organismes d’HLM à construire des logements selon des normes précises, définies par le Ministère. Cette tutelle était Ci-contre : Le début d’un chantier de 4 000 logements à Bagnolet en 1956. Il faudra plusieurs années pour parvenir à améliorer de manière significative les conditions de logement des Français. La mise en place d’une politique du logement également une aide personnelle au logement dont les bénéficiaires sont les familles nombreuses ou les ménages à faibles revenus. La loi du 21 juillet 1950 remplaça l’appellation HBM par celle « d’Habitation à Loyer Modéré ». Loger le plus grand nombre de personnes possible dans des conditions décentes devenait plus important que de les loger dans les meilleures conditions possibles. Le Plan Courant de 1953 prévoyait la construction de 240 000 logements par an et non plus comme en 1928 sur cinq ans. La construction fut enfin reliée à une politique foncière : la loi du 6 août 1953 donna aux collectivités publiques la possibilité d’exproprier les terrains nécessaires à la réalisation de zones d’habitation. Des normes techniques, destinées à favoriser l’industrialisation de la construction, entourèrent le nouveau label HLM. La loi du 3 septembre 1947 relance l’activité de tous les organismes d’HBM en leur accordant des facilités financières nettement plus avantageuses : prêts au taux de 2 % remboursables en 65 ans ; au cours des deux premières années de la durée du prêt, remise totale des intérêts et, au cours des huit années suivantes, une remise égale à la moitié des intérêts ; différé d’amortissement de cinq ans. Réclamée depuis 1946 par le député de la Loire, Claudius-Petit, la vérité des loyers est restaurée par la loi du 1er septembre 1948. Son objectif est « la détermination d’un loyer juste, tenant compte de la rentabilité du capital investi, de la nécessité de l’entretien, des frais de gestion, du service rendu et, dans sa finalité, du rapport devant exister entre les loyers et les revenus ». Cette loi institue RÉPONDRE À L’URGENCE - 59 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 jugée pesante, et même tatillonne, car la Direction générale de l’urbanisme et de l’habitation, flanquée de son « Service de l’architecture », imposait, depuis Paris et sans être au fait des besoins locaux, ses vues, ses règles, ses objectifs quantifiés, et très souvent dans les opérations importantes ses architectes. Du même coup, les sociétés d’HLM, dont les statuts-types étaient imposés de manière plus restrictive qu’avant guerre, perdaient certains des attributs qui faisaient auparavant leur originalité : la maîtrise totale de l’ouvrage puisqu’il leur fallait utiliser les modèles architecturaux imposés par l’administration ; la faculté de désigner ellesmêmes leurs architectes ; la possibilité d’être à l’écoute de la population. Eugène Claudius-Petit 1907-1989 Nommé en Septembre 1948 Ministre de la reconstruction et de l’urbanisme, Eugène Claudius-Petit est un ancien ouvrier ébéniste, influencé par le catholicisme social de Marc Sangnier et profondément marqué par la Résistance. Il va négocier le passage d’une reconstruction timorée à une construction ambitieuse tournée vers le long terme. Sous son ministère de quatre années, la restructuration et la modernisation de la branche bâtiment furent résolument amorcées, l’accent étant mis sur l’industrialisation pour diminuer les coûts à la construction et compenser la pénurie de main-d’œuvre. On doit également à Claudius-Petit la mise au point, en 1950, d’un système de primes à la construction et des prêts spéciaux du Crédit foncier destinés à encourager la reprise de l’initiative privée dans la bâtiment. Enfin, sur au moins trois points, son action se démarquait nettement des orientations prises avant-guerre : la nette primauté donnée au locatif sur l’accession à la propriété, l’intérêt porté à l’urbanisme et le souci d’aménager le territoire en recherchant une meilleure répartition des hommes en fonction des ressources naturelles et des activités économiques. Claudius-Petit présida également la Sonacotra à sa naissance en 1956 et suscita la constitution de sociétés filiales au statut HLM, les « Logi ». Il fut aussi membre du Conseil fédéral de la Fédération de sociétés anonymes d’HLM. RÉPONDRE À L’URGENCE - 60 Ci-dessus : Eugène Claudius-Petit, inlassable tribun défendant un urbanisme à visage humain : à la fin des années 40 et en 1983 à la tribune de l’Assemblée générale de la Fédération des SA d’HLM. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Construire pour le plus grand nombre Destinées à soulager la crise sociale du logement, les nouvelles orientations allaient, de manière frappante, à rebours de celles qui s’étaient dessinées dès la fin des années 1920, où l’élargissement de la mission du mouvement HBM avait entraîné l’apparition d’habitations à loyer moyen (1928) puis celle d’Habitations à bon marché améliorées (HBMA) destinées aux classes moyennes. D’un élargissement timide vers le haut, on était passé, à la faveur de la guerre et de la reconstruction, à une extension vers le bas, dont la nécessité était dictée par la crise du logement. Les deux mouvements avaient certes leurs limites : le premier n’avait pas supprimé les taudis ; le second avait pour inconvénient de peser sur la qualité des logements construits, et présentait le risque de développer des phénomènes de ségrégation sociale. Mais pouvait-on revenir sur la dernière orientation, alors que la crise du logement était devenue « sociale », aiguë pour les sans-logis, très vive pour la majorité des français ? Dans ce débat aux résonances très actuelles, la Fédération nationale des sociétés anonymes et Fondations d’HLM estima qu’il fallait : « continuer à construire tous les types de logements, tant que l’initiative privée ne recommencerait pas à construire pour les classes dites aisées ; mais il fallait en même temps remplir la mission des HLM qui est de fournir des logements aux familles pauvres ». Si donc, pour des raisons de solidarité, il fallait bien édifier des logements d’urgence, ceux-ci, en aucun cas, ne devaient constituer une fin en soi, ni remettre en cause la mission fondamentale des organismes d’HLM axée, depuis la fin des années 1920, sur la construction de logements de qualité pour le plus grand nombre. RÉPONDRE À L’URGENCE - 61 Ci-dessus : Dans les années d’après-guerre, la vetusté du parc immobilier se révèle avec toute son ampleur, comme ici à Rouen en 1951. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L’Abbé Pierre en avril 1955. En 1954 et 1955, la SA construit 440 logements en cités d’urgence et 241 logements HLM. L’émergence d’un « droit au logement » L’appel de l ’abbé Pierre Au cours de l’hiver 1954, un enfant est retrouvé, mort de froid, dans l’un des abris de fortune que l’abbé Pierre avait improvisés avec ses compagnons de la Communauté d’Emmaüs. En février, c’est une femme qui trouve la mort, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant contre elle l’avis d’expulsion qui avait signé sa fin. Alors que les effets du baby-boom se faisaient désormais sentir et que l’on croyait dur comme fer qu’ils étaient liés à une politique nataliste, soucieuse de protection sociale et d’hygiène conquérante, les décès d’un enfant et d’une femme faute de logement ou par la faute de mesures policières était révoltant. C’est sur les ondes de la radio que l’abbé Pierre lance, le 1er février 1954, son appel à la générosité des Français. Lui répondant, une foule d’anonymes envahit l’hôtel Rochester qui avait proposé quelques unes de ses chambres. Des lignes téléphoniques furent installées à la hâte, tandis que la RATP ouvrait quatre de ses stations de métro désaffectées aux sans-abri. Des postes de police se transformèrent en centres d’accueil, et 85 restaurants sociaux offrirent leurs services. C’est par centaines que des comités d’aide aux sans-logis se constituèrent ; les élus furent interpellés, des meetings de masse s’organisèrent, les manifestations de rue se multiplièrent. Un mouvement était bel et bien né. Qui était l ’abbé Pierre... Fils de soyeux lyonnais, Henri Grouès est né en 1912. Il entre à dix-huit ans dans l'ordre des Capucins et est ordonné prêtre en 1938. Il prend le nom d’« abbé Pierre » quand il entre dans la Résistance. Fondateur (1949) de l'association « Emmaüs », communauté de chiffonniers-bâtisseurs en même temps que de la société anonyme d'HLM du même nom, il se consacre à la frange la plus démunie de la population. RÉPONDRE À L’URGENCE - 62 Le cri de révolte de l’abbé Pierre lancé, le 1er février 1954 à 13 heures, sur Radio Luxembourg, eut pour conséquence la revendication, en des termes humanitaires, d’un droit au logement : contenu en filigrane dans la Constitution de 1946, celui-ci ne sera explicitement confirmé que par la loi Besson de 1990. C’etait aussi le souci de prendre en compte la situation des plus démunis, avec l’émergence d’un dilemme que l’on retrouvera plus tard à propos des immigrés : faut-il traiter le problème en faisant du spécifique au risque d’induire certaines formes de ségrégation sociale, ou, au contraire, faire du général avec le risque de méconnaître les besoins particuliers des populations concernées ? Il semble que la première option, soufflée par l’urgence, mais contraire à la philosophie traditionnelle de la Fédération des SA d’HLM, ait pour un temps prévalu. De fait, le ministre Maurice Lemaire ne put qu’appuyer la requête de l’abbé Pierre tendant à la construction de plusieurs milliers de logements de première nécessité. Un grand concours d’architectes et d’entrepreneurs fut ouvert en vue de réaliser, avec les organismes d’HLM et les municipalités, plus de 12 000 Logements économiques de première nécessité (LEPN) ou « cités d’urgence ou de transit », plus tard relayés par les logements de l’opération « million », et les LOPOFA. Le risque existait de fabriquer, au nom de l’urgence, des « taudis neufs », appelés à se surajouter à moyen terme aux nombreux taudis restant à éradiquer. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 N AISSANCES ET RENAISSANCES Depuis la fin du 19e siècle, beaucoup des sociétés anonymes d’HLM étaient apparues à l’occasion de lois fondamentales, comme celles de 1894 ou de 1928 qui avaient ouvert des perspectives prometteuses et suscité des vocations. Au cours de la période 1945-1958, certaines sociétés se sont constituées comme par le passé, c’est-à-dire au gré des besoins locaux ou du débat public national ; d’autres ont été soit fondées ou ranimées par des CIL, soit associées de près à leur activité. C’est ce double mouvement, l’un pouvant s’appréciant comme un facteur de stabilité, l’autre comme un facteur de mutation, qu’il convient de présenter. Dans tous les cas, l’existence même des SA « ne résulte pas d’une structure a priori, mais d’une création issue de besoins précis en face desquels des personnes conscientes ont mis en place des organes capables d’apporter des solutions ». La Cité d’urgence du Plessis-Trévise Le 8 février 1954, la toute jeune SA d’HLM « Emmaüs » débute les travaux de sa première réalisation sur un terrain de 4 hectares acquis grâce aux dons recueillis. La cité d’urgence sera achevée le 18 octobre : composée de petits pavillons, l’opération est entièrement préfinancée sur fonds propres, la SA ne recevant les aides de l’Etat qu’au lendemain de l’inauguration. Chaque maisonnette revient à environ 800 000 francs de l’époque, terrain et viabilité compris pour une surface habitable de 83 m2. Ce sont des logements de transition permettant de régler pour quelques temps les cas d’urgence. L’Association Emmaüs y crée un centre social pour l’accueil et l’encadrement. En 1954 et 1955, la SA réalisera 5 cités d’urgence et 440 logements. Les SA comme réponse aux besoins locaux La « Société d’HLM Emmaüs » est née dans un contexte très particulier, à une époque où la question du logement était perçue comme cruciale. Dans le droit fil des abbés Lemire,Viollet et Keller, l’abbé Pierre créa sa propre société anonyme d’HLM grâce aux fonds recueillis et aux milliers de mètres cubes de matériel récuRÉPONDRE À L’URGENCE - 63 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessous : La cité d’urgence de Chaville.Terminée en 1956 par la SA d’HLM Emmaüs, elle comprenait 40 logements LEPN individuels. pérés dans la gare d’Orsay qui permirent de lancer les premiers chantiers de logement. Avec cette création, approuvée par un arrêté ministériel en date du 19 février 1954, la famille des SA renouait avec une vocation sociale que certains de ses membres avaient assumée dès la fin du 19e siècle. En même temps que l’abbé Pierre et avec des préoccupations humanitaires identiques, on avait vu la SA « Le Foyer du Fonctionnaire et de la Famille » relancer son activité sous la direction de Marcel Lair : fin 1954, 1 000 logements économiques de première nécessité avaient été réalisés. Mais dès 1952, son Président, Roger Hackspill, attirait l’attention sur les risques de dégradation rapide des cités d’urgence : « Les constructions économiques permettent évidemment des réalisations plus nombreuses pour un volume global de crédits déterminés. Nous pensons également qu’ils apportent une solution immédiate au problème du logement des jeunes ménages et des familles peu chargées d’enfants. Il est impossible cependant de les considérer comme une panacée, car ils conviennent mal aux familles nombreuses. De plus, il sera indispensable, pour qu’ils ne se transforment pas en taudis, que les loyers qui leur seront appliqués permettent un entretien normal et complet ». Ci-dessous : La cité d’urgence de Sucy-en-Brie en 1956, réalisée par la SA « Le Foyer du Fonctionnaire et de la Famille ». Des logements provisoires au confort rudimentaire pour gérer la pénurie... RÉPONDRE À L’URGENCE - 64 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 La liste est longue des Coopératives qui, pour des raisons diverses se sont transformées ou ont suscité la création de sociétés anonymes d’HLM. Si des coopératives ont troqué leur statut contre celui de SA, c’est bien souvent pour développer une activité qui se limitait à l’accession à la propriété. Avant d’être une Société anonyme, « Provence Logis » s’appelait « Logis Coopérative ». Cette société à capital variable avait été fondée, en 1948, par des fonctionnaires de l’administration des PTT, rompus depuis longtemps à la coopération. C’est notamment pour faire face, dès 1956, à l’afflux des premiers rapatriés d’Afrique du Nord que Logis Coopérative s’est transformée en « Provence Logis » dans le but de se consacrer au locatif. Autre exemple, « Le Cottage social des Flandres » tire aussi son origine d’une coopérative, « Les Coopérateurs des Flandres et d’Artois », dont les actionnaires décidèrent, le 2 mai 1959, « pour faire face aux besoins locatifs engendrés par le développement économique de la région dunkerquoise, une modification des statuts tendant à transformer la SA coopérative en SA » . C’est par une assemblée générale extraordinaire en date du 18 avril 1966 que la « Coopérative de Colomiers », en HauteGaronne, prit la décision de se transformer en société anonyme afin de poursuivre une activité en location simple. Une année plus tôt, en mars 1965, la coopérative d’HLM « Amicale Habitation » et le Crédit Immobilier de SaintMalo suscitent, autour de Messieurs Debroise et Pinçon, la naissance de la SA d’HLM « La Rance ». Autre conséquence très importante du mouvement d’opinion de l’année 1954 : la création de la « Société centrale immobilière de la Caisse des Dépôts » (SCIC), à l’initiative du directeur général de la CDC, François Bloch-Lainé. Fondée, le 11 juin 1954, dans le but « de répondre à la crise du logement en construisant massivement, vite et peu cher ». Il décida, dès novembre 1956, d’aider des SA d’HLM qui recherchaient de solides appuis et constitua de cette façon un véritable réseau HLM. Parmi ces SA, « Travail et propriété » qui regroupait en fait trois SA nées entre 1917 et 1927, ou « Le Nouveau Logis », issu de la « Ligue nationale contre le taudis », fondée par Mme Leygues en 1929 et de la « Fédération nationale de propagande et d’action contre le taudis » (PACT), créée sous l’occupation. C’est en 1977 que la SA « Le Foyer bourbonnais et thermal », qui avait été fondé en 1931 par le maire de SaintYorre, rejoint le groupe SCIC. RÉPONDRE À L’URGENCE - 65 Ci-dessus : Le bâtiment adopte de nouvelles techniques : au pied d’une construction traditionnelle, la SA « Pierres et Lumières » édifie en 1958 à Velizy-Villacoublay un immeuble LOPOFA de 72 logements. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L’institution de la Participation des employeurs à l ’effort de construction C’est par le décret du 9 août 1953 que le ministre de la Reconstruction et du Logement, Maurice Lemaire, rendit obligatoire l’investissement patronal dans la construction à hauteur de 1 % de la masse salariale pour toutes les entreprises industrielles et commerciales de plus de dix salariés. L’initiative d’Albert Prouvost et de Victor Provo de 1943, à laquelle la Fédération des SA était très favorable, recevait du même coup force de loi, non sans une importante concession : la contribution était certes obligatoire, mais son usage restait libre.Aide à l’investissement et véritable catalyseur de la construction, la participation des employeurs viendra opportunément réduire les charges financières de gestion ; elle aidera nombre de SA d’HLM à obtenir des financements d’origine publique, à préfinancer l’acquisition des terrains, à accorder des avances de démarrage de chantiers, à limiter le recours à l’emprunt et à alléger les charges, donc les loyers. Les SA créées ou ranimées par des CIL Avec les SA d’HLM créées et animées par des Comités paritaires pour le logement (CPL) ou des Comités interprofessionnaux pour le logement (CIL), une espèce nouvelle d’organismes apparaissait. La famille des SA ne faisait toutefois que récolter les fruits d’une longue tradition de proximité avec les milieux industriels. Les organismes collecteurs ont joué un rôle d’entraînement ; ils ont bien souvent lancé plusieurs sociétés, civiles immobilières et/ou anonymes d’HLM. A Montbéliard, c’est un CIL, constitué en 1946, qui fonda, deux années plus tard, la « Société immobilière du Comité régional du logement de Belfort/Montbéliard », appellation qui illustre la fonction instrumentale dévolue à cette société. Celle-ci ne s’émancipera du CRL (la « SA d’HLM de Franche-Comté ») que sous l’effet des restructurations opérées dans l’industrie automobile de Montbéliard à la fin des années 1970. Ci-contre : Les deux fondateurs du COPLORR, Bertrand de Vogüé représentant le patronat et Charles Guggiari représentant les syndicats. Créé en 1947, « l’Effort Rémois » se veut l’expression du paritarisme local. « Cette même foi anime le patronat et le syndicalisme de Reims. Sans doute, ne nous fera-t-elle pas transporter des montagnes. Ainsi les réalisations de l’EFFORT REMOIS seront-elles au XXe siècle, la manifestation tangible de la même foi et du même enthousiasme qui, au Moyen Age firent se dresser dans le ciel les tours de la Cathédrale de Reims (B. de Vogüé). RÉPONDRE À L’URGENCE - 66 A Angers, le CIL local décida de se doter en 1949 d’une SA d’HLM, le « Toit Angevin », qui fut présidée au cours des premières années par Monsieur De Lamberterie. A Rennes, la « SA d’HLM d’Ille-et-Vilaine », de nos jours « Espacil », est créée le 28 août 1955 par le transfert d’actions de la « SA d’HBM de SaintServan-sur-Mer » à l’initiative d’un collecteur patronal. Filiale d’un autre CIL, le Comité interprofessionnel du Logement de Guyane et de Gascogne, « DomoFrance » (à l’origine la « SA d’HLM La Gironde ») nait en 1958. Emanation du principal partenaire local des entreprises en matière de logement, DomoFrance est créé pour être l’opérateur du logement des salariés d’entreprises. Le « Comité paritaire du Logement de Reims et sa région » (COPLORR) fournit encore un remarquable exemple. Une fois de plus, la Ville de Reims s’était projetée dans l’avenir, voulant maîtriser son destin en planifiant la construction de logements. Des organismes d’HBM, elle en possédait déjà deux (« Le Foyer Rémois » et un Office), mais pouvaient-ils suffire à la tâche SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 quand tout était à reconstruire ? C’est le 4 février 1947 que naquit, grâce aux efforts conjoints de Bertrand de Vogüe (représentant patronal) et de Charles Guggiari (CGT) que la déportation avait réunis, le COPLORR, association loi 1901 à but non lucratif. Le 20 juin 1947, Il décida de créer un outil de construction au capital de 100 000 francs , la SA d’HBM répondant au nom de « L’Effort Rémois ». La société était administrée par quatre employeurs et quatre salariés, tous issus de chacun des deux collèges formant le Conseil d’administration du COPLORR. En décembre 1948, les premiers logements étaient inaugurés, inspirant au président du COPLORR, Bertrand de Vogüe, cette déclaration qu’Albert Prouvost n’eût pas reniée : « Une équipe s’est constituée. Les membres viennent d’horizons les plus éloignés et que l’on croyait jusqu’alors les plus opposés. Patronat et syndicalisme ouvrier, lassés par cette méfiance mutuelle, cet état de guérilla latent qui formaient entre eux une cloison étanche, tentèrent enfin de s’unir pour une réalisation concrète. L’exécution en commun d’un programme précis et défini à l’avance ne supprime pas et ne doit pas supprimer l’indépendance de chacun. [...] Sachant que nous restons, patrons et ouvriers, libres dans nos actions comme dans nos opinions, nous pouvons être avant tout francs les uns envers les autres ». L’attachement du COPLORR et de l’Effort Rémois au strict paritarisme ne s’est jamais démenti ; le fait mérite d’être souligné. Les CIL ne se sont pas contentés de créer ; ils ont, pour certains d’entre eux, ranimé des sociétés anonymes que l’inertie des pouvoirs publics et plusieurs années de guerre avaient quasiment asphyxiées. Fondée dans le sillage de la loi Loucheur, la SA « Mon Logis » (1929) fut, par exemple, remise en selle, au début des années 1950, par le « Comité interprofessionnel Aubois pour la construction » (CIAC), dont l’apport se révéla décisif pour obtenir le financement par la CDC de programmes de construction. De même, la « SA d’HLM Val de Loire », fondée le 26 septembre 1930, dut sa renaissance à l’Association interprofessionnelle d’aide au logement qui décida, en 1955, de relancer la SA. Réanimée en 1948 par la Caisse d’allocations familiale de Nantes, la Coopérative « La Maison familiale de Loire-Atlantique » obtint le soutien du CIL de Loire-Atlantique, de la Caisse d’épargne et de quelques autres pour créer en 1968 « Loire Atlantique Habitations ». Pour leur part, les industriels du Haut-Rhin demandèrent en 1948 la transformation de la RÉPONDRE À L’URGENCE - 67 Ci-dessus : Les premières réalisations de l’Effort Rémois, à proximité immédiate de l’usine. Société mulhousienne des Cités ouvrières (SOMCO), en SA d’HBM, seule manière de survivre dans un département sinistré par la guerre. L’incorporation de cette société dans la famille des SA validait a posteriori l’idée que la SOMCO, créée en 1853, était bien l’ancêtre légitime des SA d’HBM. Dans tous les cas, les SA d’HLM, liées ou associées à des CIL, étaient particulièrement bien placées pour jouer un rôle charnière entre les employeurs et les municipalités, alors que, dans bien des cas, les uns et les autres s’ignoraient. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (1945-1956) DOMICIL 1944 MARSEILLE COOPERATION ET FAMILLE 1952 PARIS SA DOLOISE DES HLM DU JURA 1947 DOLE SA D’HLM ESPACE HABITAT CONSTRUCTION 1952 PARIS SA D’HLM FAMILIALE DU NORD-EST 1947 LONGWY SA D’HLM CITE NOUVELLE 1953 SAINT-ETIENNE L'EFFORT REMOIS 1947 REIMS SA D’HLM LES MALICOTS 1953 IVRY-SUR-SEINE SA D’HLM DAUPHINOISE POUR L'HABITAT 1948 ECHIROLLES 1954 BELFORT SA D’HLM DE FRANCHE COMTE - S.A.F.C. 1948 MONTBELIARD SA D’HLM DELLE FRANCHE COMTE HABITAT SA D’HLM DE PAPUS 1948 TOULOUSE SA D’HLM EMMAUS 1954 PARIS LE TOIT FAMILIAL DES HAUTES PYRENEES 1948 TARBES LES CITES CHERBOURGEOISES 1954 CHERBOURG LE MANS PROMOLOGIS S.A.M.A.I. 1954 TOULOUSE PARIS SA D’HLM V.T.B. 55 1954 VERDUN 1955 VILLENEUVE-SUR-LOT SAINT-DIE SA MANCELLE D’HLM SA D’HLM POUR PARIS ET SA REGION 1948 1948 S.A.R.E.L. 1948 METZ HABITAT DE LA VALLEE DU LOT SA D’HLM DE L'I GIONS DU NORD ET DE L'EST 1949 PARIS LE TOIT VOSGIEN 1955 LOGIREP 1955 SURESNES SA D’HLM DES REGIONS DU SUD EST 1949 LYON VITRY-HABITAT 1955 VITRY-LE-FRANÇOIS SA D’HLM DE L'AIN POUR LE DEVELOPPEMENT DE LA CONSTRUCTION 1956 PERONNAS FRANCE-HABITATION 1949 PARIS H M F RHONE-ALPES 1949 LYON IMMOBILIERE NORD-ARTOIS 1949 VILLENEUVED'ASCQ SA D’HLM DE LA CHARENTE - LE FOYER 1956 ANGOULEME SA D’HLM DE PARIS ET SES ENVIRONS - SAPE 1956 PARIS LA RENAISSANCE IMMOBILIERE CHALONNAISE 1949 CHALONS-ENCHAMPAGNE SA D’HLM DU NORD 1956 VILLENEUVED'ASQ LE TOIT ANGEVIN 1949 ANGERS ESPACIL HABITAT 1956 RENNES SA D’HLM MEDITERRANEE 1949 MARSEILLE HABITAT FAMILIAL D'ALSACE 1956 THANN SA D’HLM ATHENEE 1950 PARIS IMMOBILIERE PICARDE 1956 AMIENS SA D’HLM DE L'UNIVERSITE DE TOULOUSE 1950 TOULOUSE LE LOGEMENT CHARENTAIS 1956 LA ROCHELLE SA D’HLM DU CPILL 1950 LIMOGES LOGEMENT FRANÇAIS 1956 PARIS LA DEFENSE PRESENCE HABITAT 1950 METZ 1956 PARIS SA D’HLM DE LA GUYANE 1951 CAYENNE SA D’HLM RESIDENCES LE LOGEMENT DES FONCTIONNAIRES CONSTRUCTIONS FAMILIALES INTERREGIONALES 1952 AURILLAC Elles construisirent ces années-là… Nombre de logements 35 000 30 000 25 000 20 000 15 000 Le nombre de logements locatifs dans le patrimoine des SA d’HLM (1945-1956) 10 000 SA RÉPONDRE À L’URGENCE - 68 5 000 0 1945 1947 1949 1951 1953 1955 Année d'achèvement SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les premières années de l’après-guerre vont propulser les SA d’HLM parmi les acteurs de premier rang de la reconstruction, puis de la construction. S’appuyant à la fois sur les initiatives patronales, la volonté des pouvoirs publics et un large partenariat socio-économique, elles relèveront le défi posé par l’ampleur des besoins en faisant preuve de dynamisme et d’imagination. Elles se placeront dans le droit fil des fondateurs de la Fédération. Rejetant le principe de formules figées une fois pour toute, elles chercheront toujours à ajuster leurs initiatives pour prendre en compte la dimension locale des besoins à satisfaire. RÉPONDRE À L’URGENCE - 69 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 LES BÂTISSEURS - 70 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre et page précédente : Pour faire face à l’ampleur des besoins, les Sociétés et tous les organisme HLM mettent en œuvre les dernières techniques d’industrialisation du bâtiment. 1957/1967 Les bâtisseurs L Quatrième époque A MOBILISATION DES SA POUR FAIRE FACE À L’EXPLOSION DES BESOINS C’est dans un cadre concurrentiel mais toujours marqué par une très forte pénurie de logements que les SA d’HLM, recomposées ou créées depuis peu, évolueront. Sans doute l’interventionnisme de l’Etat n’avait-il pas désarmé, mais la possibilité pour ces sociétés de se déve- lopper n’avait jamais été aussi forte depuis la fin du 19e siècle, bien que le problème foncier fût de plus en plus aigu dans les grandes villes où le prix des terrains avait triplé entre 1945 et 1949, sextuplé entre 1949 et 1957. LES BÂTISSEURS - 71 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L’urgence constamment reconduite A la fin des années 50, paramètres démographiques et phénomènes migratoires de grande ampleur se conjuguent pour reconduire l’urgence des lendemains de la Libération. Les effets du « baby-boom » se font déjà sentir et posent la question du logement futur des classes d’âge qui en sont issues, dans une société où l’espérance de vie ne cesse de croître et où la mortalité recule sous l’effet des progrès de la médecine. La révolution agricole s’accélère à un rythme sans précédent en provoquant un exode rural massif : de 1954 à 1962, la population urbaine s’accroît de 25,5 millions d’habitants à 31,3 millions. Par ailleurs, les pouvoirs publics encouragent l’immigration pour pallier la pénurie de main d’oeuvre : de 1954 à 1975, la population étrangère passe de 1,5 à 3,4 millions. Il faut enfin tenir compte de l’afflux des rapatriés issus d’Algérie (800 000 personnes), du Maroc et de la Tunisie. A tous ces facteurs s’ajoutent les besoins non satisfaits depuis la Libération.Ainsi, au milieu des années 1950, 500 000 ménages logeaient encore à l’hôtel ou en « meublé », souvent avec des enfants : le nombre des taudis délabrés et insalubres était évalué à 450 000. On estimait à 25 % la proportion des logements surpeuplés d’une façon critique ou en surpeuplement temporaire, 20 % des logements étant dépourvus de postes d’eau, 60 % de cabinets de toilette, 72 % de salles de bains. Assurer le logement des travailleurs dans les grands bassins d’emploi Dans les grands bassins d’emplois que formaient les régions sidérurgiques (industrie prioritaire en 1945) ou les mines de charbon, les industriels durent faire face aux difficultés de logement d’une main d’œuvre qui ne cessait de croître. C’est ainsi que des SA comme la « Mosellane d’HLM » ou « Le Foyer du Mineur et du Combattant » furent sollicitées, dès la Libération, par des sociétés sidérurgiques ou par les Houillères afin de contribuer à un effort de construction dépassant les capacités d’une réalisation patronale directe. Le cas de la sidérurgie mosellane est riche d’enseignements. Eperonnée par l’aide accordée dans le cadre du Plan Marshall, le groupe Sollac, né de la fusion de neuf sociétés sidérurgiques, fut dès la fin des années 1940, confronté à la nécessité d’attirer une main-d’œuvre jeune et dynamique dans une région excentrée. Pour y faire face, la direction de Sollac créa une filiale, « L’Immobilière Thionvilloise », tout en faisant appel à une société anonyme d’HLM, « La Mosellane d’HLM ». Si ces deux sociétés ne possédaient pas le même statut, leur implantation géographique était la même, leurs locataires étant employés par la sidérurgie, leurs « métiers » se ressemblaient. Sans le savoir, les dirigeants de Sollac avaient tissé la trame du Groupe Batigère, organisé les branches d’activité d’un GIE qui ne verra le jour que trentecinq années plus tard. Dans le bassin industriel de Montbéliard, la forte croissance des emplois, liés notamment aux usines Peugeot, amena le Comité régional du logement (CRL, CIL patronal) à mettre en œuvre un programme de logements de masse pour accueillir cette nouvelle population. En Les grands ensembles La loi-cadre du 7 août 1957 marque un tournant dans les politiques urbaines : pour la première fois depuis la Libération, sont pris en compte, parallèlement à la construction des logements, les besoins correspondants d’équipements collectifs. Un décret de décembre 1958, portant création des zones à urbaniser en priorité (ZUP), définira le cadre réglementaire de ces opérations. Les HLM font l’objet d’un programme quinquennal réclamé depuis longtemps par les organismes. Grâce à cette mesure, les organismes d’HLM pourront planifier leurs opérations, mener une politique financière et foncière plus cohérente. L’objectif que se fixent les pouvoirs publics est la réalisation de 300 000 logements par an pendant cinq années. Le locatif est, sous l’impulsion du ministre Bernard Chochoy, nettement avantagé par rapport à l’accession à la propriété. LES BÂTISSEURS - 72 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessus : A Sérémange, les acieries Sollac (ici en 1957) imposent leur gigantisme dans le paysage. Ci-contre : L’usine sidérurgique et les pavillons bien ordonnés édifiés par l’entreprise : la Cité d’Amnéville et la Cité Albert Bosment à Sérémange en 1976. Par l’intermédiaire de la Mosellane d’HLM et de l’Immobilière Thionvilloise, Sollac participa activement au logement des ouvriers et de leur famille. LES BÂTISSEURS - 73 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessous et ci-contre : Le quartier de la Chiffogne à Montbéliard en 1957. La SAFC y édifia 570 logements. Les SA d’HLM eurent la responsabilités de véritables morceaux de ville. Ci-dessous : Le quartier des Fougères à Grand-Charmont, dans la banlieue de Montbéliard, avant sa réalisation puis en cours de construction par la SAFC.Au cours des années 50 et 60, les sociétés anonymes d’HLM allèrent à la conquête de larges espaces en friche afin de répondre aux besoins en logement suscités par la grande industrie. LES BÂTISSEURS - 74 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 moins d’une décennie, sa filiale, la « SA HLM du CRL » (aujourd’hui la « SAFC ») construisit près de 10 000 logements locatifs. Les effets sont immédiats : à Béthoncourt, le petit village de 1 928 habitants s’est transformé en une cité de 10 000 habitants en l’espace d’une décennie. Insérer les familles étrangères La question, lancinante depuis la fin des années 1960, du logement des travailleurs étrangers n’avait pas reçu de traitement spécifique jusqu’en 1956, car l’immigration était grosso modo contrôlée par l’Administration depuis l’ordonnance du 2 novembre 1945 : chaque employeur souscrivant un contrat d’introduction était tenu, aux termes de celui-ci, d’assurer le logement des travailleurs étrangers. C’est en fait de la migration algérienne (la libre circulation entre la métropole et les trois départements algériens était légale et effective depuis 1947), bientôt aggravée par la guerre d’Algérie, qu’est née la question du logement des Français Musulmans d’Algérie, avec, notamment, l’apparition des premiers grands bidonvilles.Très rapidement, cette question allait s’élargir à l’ensemble des migrations étrangères en raison de l’ouverture des frontières opérée dans le double but de favoriser les échanges commerciaux et de faciliter l’entrée de travailleurs étrangers si nécessaires à l’économie. gers) exprime précisément la reconnaissance par les pouvoirs publics d’un problème devenu structurel. Sa présidence fut confiée à l’ancien ministre Eugène Claudius-Petit qui sollicita, dès 1958, la création de filiales rentrant dans le cadre de la législation HLM, requête appuyée par le Fonds d’Action sociale dont l’aide complémentaire allait, au fil du temps, se révéler particulièrement utile. C’est ainsi que cinq filiales SA d’HLM virent le jour au tournant des années 1950-1960 : Logi-Ouest à Angers en 1958, Logirel à Lyon et Logirem à Marseille en 1960, Logirep à Paris en 1961 et enfin, en 1962, LogiEst à Metz. En 1984, à la demande des pouvoirs publics, les Logi prirent leur autonomie vis-à-vis de la Sonacotra. Les Logi eurent pour mission principale d’édifier des logements pour des familles françaises et étrangères, non seulement dans le cadre des opérations menées par la Sonacotra, mais plus généralement comme de simples sociétés d’HLM. Elles jouèrent à cette époque un rôle d’aiguillon pour prouver qu’il était possible de faciliter par le logement l’insertion des familles étrangères parmi des familles françaises. La création, en 1956, de la Sonacotral (Société nationale de construction pour les travailleurs algériens, devenue Sonacotra en 1963 par élargissement de sa raison sociale à tous les étran- LES BÂTISSEURS - 75 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Résorber l’habitat insalubre et les bidonvilles Ci-contre : Le quartier d’habitat insalubre SaintBarthélémy à Marseille, en 1960. Sept ans plus tard, Logirem y édifia les 650 logements de la Cité de Font Vert pour loger les habitants du bidonville, principalement originaires du Maghreb. Ce quartier, comme beaucoup de cités construites à cette époque, allait connaître une histoire urbaine et sociale difficile qui conduisit Logirem, 25 ans plus tard, à engager un programme d’envergure de restructuration et de dédensification. Créée en 1960 par la Sonacotra, Logirem fut en première ligne pour accueillir les rapatriés d’Algérie comme pour résorber les bidonvilles. Les Logi ont également contribué à la résorption des bidonvilles et aux grandes rénovations urbaines, comme à Metz-Pontifroy, à Bagnolet, à Montreuil, à Marseille et à Grenoble. Ces opérations permettaient de surmonter les réticences des élus et d’acquérir des terrains bien placés en centre ville. En 1965, on dénombrait 89 bidonvilles aux portes de Paris : celui de Nanterre a commencé à se développer à partir de 1946 et ne sera résorbé qu’en 1971. Il fallut attendre 1976 pour que le bidonville de Nice, « La digue des Français », soit éradiqué. Il abritait entre 2 000 et 5 000 personnes. Le « Foyer du Fonctionnaire et de la Famille » (3F) avait participé, dès le début des années 1950, à des opérations de résorption de l’habitat insalubre dans certaines communes de la région parisienne. A Montmorency, une opération fut menée par l’architecte Emile Aillaud dans le cadre de la procédure des logements à normes simplifiées. Son coût global fut inférieur de 10 % au prix maximum fixé par le ministre. L’Assemblée générale de 3F qui se tint en 1954 témoigna du progès accompli : « Les occupants des anciens logements insalubres auxquels sont destinées ces constructions ont accepté, sans réticence, les nouveaux appartements. L’opération lancée conjointement avec la coopérative HLM « Le Home familial » a permis de remplacer le vieux quartier insalubre de la place de la Justice de Paix par un ensemble d’immeubles sains et confortables... Certaines autorités nous ont reproché toutefois l’inélégance de nos bâtiments oubliant les taudis et les Ci-contre : Le quartier d’habitat insalubre du Cap Janet à Marseille, en 1962.Au fond de la photo, les trois tours construites par Logirem. Les 260 logements accueilleront les habitants du bidonville qui laissera la place à un jardin et un terrain de sport. LES BÂTISSEURS - 76 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 masures antérieurs. Certes, ce sont des constructions très simples, mais les conditions mêmes du financement qui nous étaient imposées ont contraint notre architecte à une telle simplicité. Nous persistons à penser que l’architecture sobre et dépouillée prévue pour cette opération répondait le mieux au problème. » A Bordeaux, la SA « L’Habitation économique » a été constituée en 1962 à l’initiative du PACT de la Gironde, avec le CILG et la ville de Bordeaux, pour répondre aux besoins des personnes ou familles défavorisées, jeunes ou âgées, issues notamment des bidonvilles, de l’habitat insalubre, des quartiers en transformation... L’Habitation économique jouera ainsi un rôle important dans la lutte contre l’insalubrité du logement dans le département (au quartier Mériadeck notamment), dans la résorption des bidonvilles (Mérignac, par exemple) et à l’occasion de l’aménagement du port de Bassens. Au Havre, le Conseil municipal confia en 1958 la rénovation de « l’îlot urbain défectueux de la rue de la Ligne » à la SA « Immobilière BasseSeine ». Il faudra 15 ans pour rénover cinq hectares, reloger les 134 familles de l’îlot et construire 540 logements. LES BÂTISSEURS - 77 Ci-dessous : Le quartier de Mériadeck à Bordeaux. Le relogement de ses habitants fut du ressort d’une SA créée pour la circonstance, « l’Habitation économique ». SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessus et ci-contre : Le quartier de Beau Désert à Mérignac au début puis à la fin des années 60. En 1962, le bidonville, constitué jusque là de quelques baraques occupées par des Français voit arriver ses premiers immigrés portugais, fuyant le régime dictatorial de l’époque. En 1968, l’Habitation économique est chargée de la construction d’une cité de transit de 80 logements, d’une antenne sociale et d’une cité de relogement de 87 logements. La presse se fit largement l’écho de ces opérations de résorption spectaculaires qui transformaient les conditions de vie de la population concernée. (Extrait du journal Sud-ouest, de1970). LES BÂTISSEURS - 78 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessus et ci-contre : Le quartier de la rue de la ligne, au Havre. En 1958, la Mairie en confia, par convention, la rénovation à l’Immobilière Basse-Seine.Après 6 années d’études, la SA débuta la rénovation, en cinq tranches. L’opération s’acheva en 1973. Une collaboration étroite entre la SA et la Ville permit de veiller au bon relogement des populations. 64 familles locataires furent relogées sur place et 10 familles propriétaires ont réinvesti leurs créances par l’achat d’un appartement dans l’îlot rénové. LES BÂTISSEURS - 79 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : Le quartier des Brotteaux, à Lyon, au début de sa rénovation. La Société Lyonnaise pour l’Habitat apporta sa quote-part à la rénovation de ce quartier, notamment en construisant, sur des terrains loués aux Hospices civils de Lyon, deux immeubles destinés à reloger les habitants des constructions vétustes à démolir. La lutte contre les bidonvilles Le 14 décembre 1964, le Parlement adopte une loi de Michel Debré permettant l’expropriation des terrains où se sont édifiés les bidonvilles. Elle sera complétée, en 1970, par un texte coercitif : « Toute personne qui aura mis à disposition, à titre gratuit ou onéreux, aux fins d’habitation, des caves, sous-sols, combles et pièces dépourvues d’ouverture vers l’extérieur... sera passible d’amende ou d’emprisonnement. » LES BÂTISSEURS - 80 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 La Cité des Canibouts à Nanterre En région Parisienne la Cité des Canibouts est construite par la SA Logirep dans les années 60 sur le terrain d'un des principaux bidonvilles à Nanterre. Elle innove au plan de l'expérimentation de la cohabitation inter ethnique : un tiers des ménages logés vient du bidonville, un tiers sont des rapatriés d'Algérie, un tiers des ménages sont logés au titre du 1 % patronal. Elaborée par trois équipes d'architectes, la cité surprend par ailleurs par la diversité de ses bâtiments peu habituelle pour un grand ensemble des années 1963-1967. Dans les années 1984-1987, à l'issue d'une procédure Habitat-Vie Sociale, les Canibouts bénéficient d'un programme ambitieux de réhabilitation (primé au 5e Palmarès National de l'Habitat), visant à préserver l'architecture d'origine tout en favorisant la dédensification des deux grandes « barres ». Dans les années 1990, les Canibouts sont parmi les premiers quartiers d'habitat social à voir la mise en œuvre des différentes procédures Politique de la Ville. Le partenariat solide construit par Logirep avec la Ville de Nanterre, les pouvoirs publics, les associations locales et les habitants s’est traduit en 1995 par un projet global de développement économique, social et urbain, lauréat du Concours de la Délégation interministérielle à la Ville, « Partenaires pour la Ville ». L’ INDUSTRIALISATION ET LA FIÈVRE DE CONSTRUCTION Un effort quantitatif sans précédent La construction massive de logements fut la réponse générale aux défis d’une demande en augmentation constante. Ce fameux changement d’échelle tant attendu depuis la Libération se produisit au tournant des années 1950 et 1960.Tous les chiffres le confirment. De 1954 à 1977 (1957 étant l’année du bond en avant), près de trois millions d’HLM ont été construites, toutes catégories confondues : 75 % en locatif, 25 % en accession à la propriété. Ce bond en avant fut rendu possible par la restructuration du secteur du Bâtiment qui se poursuivait avec une vigueur accrue, toujours à l’aide de concours. De là l’apparition progressive de grosses entreprises, capables de mettre sur pied des usines de fabrication des différents éléments du bâtiment ou des procédés industriels promis à un bel avenir. De là également une amélioration considérable de la productivi- LES BÂTISSEURS - 81 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : Extrait du journal « L’Est Républicain » du 17 août 1963 LES BÂTISSEURS - 82 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 té des chantiers, obtenue par leur concentration, la répétition des plans et la standardisation de plus en plus poussée des produits et des composants, mais qui ne s’est pas réellement répercutée sur le prix des logements construits en raison de la hausse du prix des terrains. Les plans allaient obéir à la rationalité du « chemin de grue ». Aux fins de limiter et de faciliter le travail des appareils de levage, la mise en place des coffrages, banches et autres systèmes nécessaires au coulage du béton, ils tendront à la plus grande orthogonalité dans la disposition des bâtiments les uns par rapport aux autres. De 1958 à 1975, le rythme de construction s’élèvera de 291 000 à 514 000 logements par an ; entre 1956 et 1962, 110 grands ensembles de 1 000 logements et plus furent édifiés en région parisienne. Ces importantes réalisations auront fait grandir certaines SA d’HLM. Frénésie des chiffres, envolée des courbes, histogrammes en formes de tours tutoyant les sommets : une nouvelle culture était née, battant au rythme effréné des constructions et de la croissance économique, assurément fière des résultats qui s’amoncelaient. Hormis dans les petites villes épargnées par les ZUP, les SA, encouragées par les politiques publiques nationales et locales, n’échapèrent pas à cette fascination de l’accumulation qui leur renvoyait l’image flatteuse de leur propre développement. En inférer que les organismes d’HLM se sont détournés du qualitatif pour faire uniquement du quantitatif serait néanmoins inexact. D’une part, les logements des grands ensembles étaient neufs et pourvus d’un confort que n’avaient jamais connu leurs occupants issus des taudis et meublés incommodes et sans lumière ; d’autre part, ils étaient en phase avec une société aux accents de plus en plus consuméristes, LES BÂTISSEURS - 83 Ci-dessous : La construction du quartier des Minguettes à Lyon. Logirel a participé au développement urbain de l’agglomération lyonnaise. Avec un patrimoine de 10 000 logements sociaux et 1 600 logements pour travailleurs immigrés, Logirel a acquis, au contact d’une réalité urbaine complexe et en pleine mutation, un ensemble de savoir-faire d’une entreprise de promotion sociale. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 qui sortait des limbes du 19e siècle dans un mouvement d’accélération fulgurant ; en bref, ils hissaient la population à un niveau de vie et de consommation qui paraissait celui de l’avenir. En 1958, le « Foyer du Fonctionnaire et de la Famille » (Immobilière 3F) s’attelle, avec l’accord du secrétariat d’Etat à la Reconstruction et au Logement, à une opération du « secteur industrialisé ». Le site retenu est celui d’Athis-Mons. Le permis obtenu, les travaux peuvent com- Ci-dessus : La construction standardisée et industrialisée. Pour répondre aux nombreux besoins qui s’expriment, les pouvoirs publics encouragent la constitution d’une filière industrialisée du bâtiment. Les techniques évoluent et l’on peut désormais construire un immeuble en quelques mois. Ci-contre : Athis-Mons, avant 1957 puis après 1960. Immobilière 3F réalisa sur le terrain des « Froides bouillies » 1 268 logements. Les barres seront longues de 150 à 250 mètres, la hauteur étant limitée à quatre étages, en raison de la proximité de l’aéroport d’Orly. Il s’agit d’une opération-pilote d’emploi des techniques industrialisées du bâtiment, menée en collaboration avec le Secrétariat d’Etat à la reconstruction et au logement. LES BÂTISSEURS - 84 mencer, tendus vers un seul but : la réalisation de 1 078 logements (1 268 seront en fait réalisés). Les barres, longues de près de 200 mètres, furent conçues par les architectes Favette, Gravereaux et Prévert dont l’imagination eut toutes les peines du monde à s’écarter des rails linéaires des chemins de grue. En 1960, le cap du 10 000e logement est franchi. D’autres grands chantiers suivront : la Dame Blanche, à GargesLes-Gonesse (1 860 logements), un à Thiais et bien d’autres encore. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 « Logement français », fondé en 1957 à l’initiative de grands groupes nationalisés entrainés par l’UAP et de collecteurs 1 %, fut également l’un des grands acteurs des ZUP en région parisienne : Aulnay-sous-bois, Sartrouville, CorbeilEssonnes mais aussi Mantes-la-Jolie. Elle a contribué à loger les salariés des grandes entreprises de l’industrie automobile mais aussi à accueillir les rapatriés d’Algérie, notamment à Savigny-sur-Orge. Ci-dessous : Deux vues d’ensemble de Ris-Orangis, au début des années 70 et de nos jours. Essonne-Habitat contribua à l’urbanisation de cet espace, notamment avec le grand ensemble du Plateau. De son côté, « La Sablière », SA regroupant peu à peu les logements réservés aux cheminots, n’en possédait que 162 en 1948. Elle en avait 7 500 en 1962 et 10 000 en 1967. « Essonne Habitat », créé en 1965 à l’initiative du conseil d’administration de la coopérative HLM « Le Foyer du Travailleur » construira le grand ensemble du Plateau à Ris-Orangis. De 1965 à 1970, ce sont 1 800 logements qui seront édifiés pour accueillir notamment les français rapatriés d’Algérie. Pour la première fois dans son histoire, l'ensemble des classes populaires françaises put bénéficier du confort que les hygiénistes réclamaient depuis un siècle. La romancière Christiane Rochefort a parfaitement exprimé ce changement de cadre dans un passage de son livre intitulé « Les petits enfants du siècle » (1961) : « Maintenant, notre appartement était bien. Avant, on habitait dans le 13e, une seule chambre avec l'eau sur le palier. Quand le coin avait été démoli, on nous avait mis ici ; on était prioritaire ; dans cette cité, les familles nombreuses étaient prioritaires. On avait reçu le nombre de pièces auquel nous avions droit selon le nombre d'enfants. Les parents avaient LES BÂTISSEURS - 85 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Le quartier des Etats-Unis à Lyon Au début du siècle, il n'existait aux lieux dits « les Hérideaux », « Combe Blanche » et « Grange-Rouge » que des champs cultivés, quadrillés par quelques chemins. Seule, l'avenue Berthelot, en bordure de laquelle s'élevaient de petits immeubles d'habitation, avait un caractère de voie urbaine. En fait, là se terminait la ville. Des usines et ateliers s'installèrent progressivement ; la première usine Berliet s'était implantée en bordure de ces vastes terrains, d'autres industries suivirent. Ce n'est qu'en 1932 que fut amorcée une première opération d'urbanisme, coïncidant avec l'achèvement du premier tronçon du boulevard des Etats-Unis. Sur les plans de l'architecte Tony Garnier, la première tranche de constructions de 1 688 logements fut bâtie par l'Office Municipal des HLM de Lyon. Ce fut alors la construction de grands ensembles d'immeubles collectifs. De 1955 à 1960 furent édifiés plus de 5 000 logements, parmi lesquels 650 sont à inscrire à l’actif de la Société Lyonnaise d’HLM. LES BÂTISSEURS - 86 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 une chambre, les garçons une autre, je couchais avec les bébés dans la troisième. On avait une salle d'eau, la machine à laver était arrivée quand les jumeaux étaient nés, et une cuisine-séjour où on mangeait ; c'est dans la cuisine, où était la table, que je faisais mes devoirs ». Toutes les très nombreuses enquêtes menées par divers instituts de recherches sociologiques jusqu'à l'aube des années 75 concluaient à la satisfaction générale des habitants des Grands Ensembles. Mais cette population de pionniers avait un point de comparaison : dans son immense majorité, elle venait des taudis et des logements sans confort. Lors des inaugurations des logements dans la ZUP, les élus et l’administration vantaient la qualité exceptionnelle de ces réalisations. Ci-dessous : Extrait du journal « L’Est Républicain » du 19/20-11-1960. Pour répondre aux besoins de logements de Besançon Le Conseil Municipal demande la création d’une “zone à urbaniser par priorité” Cette zone, située à Planoise, recevrait dans les 5 années à venir entre 3.500 et 4.000 logements, elle serait le point de départ d’une véritable cité satellite Premières arrivées au quartier des Fougères à Grand-Charmont qui comptera 4 000 habitants fin 1960 Heureux de quitter les hôtels ou le logis éloigné ne trentaine de familles occupe les logements construits. « Nous nous sommes mariés il y a trois mois. Nous habitions une maisonnette en bois. Comme ça nous change. Ici, le logement est impeccable. Il y fait bien chaud » nous déclare le jeune postier, heureux d’avoir un nid tout neuf. U « Nous habitions dans une mansarde à Sainte-Suzanne. Ici, le loyer coûte plus cher. Mais quelle différence, et les gosses seront bien. Tout ira bien lorsque nous aurons des magasins sur place », surenchérit une jeune mère de famille. Ouvrier chez Peugeot, un jeune métallo décharge de sa 203 les Ci-dessus : Extrait du journal « L’Est Républicain » 1960. LES BÂTISSEURS - 87 « éléments précurseurs » de l’emménagement : deux pots de fleurs. Sa femme prépare les pièces avant l’arrivée du mobilier. Ils sont heureux de quitter les vieux logements dans les cités de Béthoncourt. Ainsi, un bref sondage indique la satisfaction des habitants qui trouvent au « Fougères » une amélioration de leurs conditions de vie. Il indique aussi que des familles domiciliées en Haute-Saône, par exemple, viennent se fixer à proximité du lieu de travail. Il indique encore que les ouvriers de Peugeot, domicilés jusqu’alors aux hôtels sociaux de Sochaux, reconstituent sur place, à proximité des usines, la cellule familiale. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 LES BÂTISSEURS - 88 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : Le quartier Palmer, édifié en 1966 sur la commune de Cenon par la SA d’HLM « La Gironde » (aujourd’hui Domofrance). Sur un périmètre de 25 hectares, 1 500 logements sont prévus, organisés autour d’un batîment de 21 étages et de 4 immeubles de 17 étages. Les équipements collectifs ne sont pas oubliés : un centre commercial, un groupe scolaire et des services sociaux y sont implantés. (Extrait du « Sud-Ouest » du 15 octobre 1966) LES BÂTISSEURS - 89 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 A contre-courant du gigantisme Des actions d’un genre très différent ont été menées par des SA hors des grandes agglomérations ou des grands bassins d’emplois. Soumises à une demande moins forte et à l’écoute des populations locales, elles ont spontanément cherché à intégrer leurs opérations dans un environnement moins bouleversé. Elles sont, de ce fait, restées fidèles à une conception de l’habitat collectif assez proche de l’habitat individuel (compromis inventé par Georges Picot à la fin du 19e siècle), ou à un habitat pure- ment individuel et ont préparé, sans le savoir, une alternative à la démesure. L’architecte Emile Fays a pu notamment dessiner, pour le compte de la « SA HLM du Hainaut », un groupe de maisons à atrium, tandis que l’équipe Guislain, Goguois et Van Kim concevait, à Valenciennes, des HLM en harmonie avec leur zone d’implantation. De la même façon, la « SA d’HLM de l’Isère » s’est distinguée en construisant, en étroite concertation avec la municipalité de Grenoble, le village olympique des Jeux d’hiver de 1968 (ZUP de 2 500 logements programmés), formant un ensemble équilibré et harmonieux. L A PROFESSIONNALISATION DES SA Ces évolutions contrastées n’ont en fait rien de contradictoire : la diversité des origines et des buts s’accompagne d’une diversité de moyens. Les initiateurs ont ajusté moyens et méthodes d’une part à leurs possibilités et, d’autre part, aux objectifs concrets qu’ils avaient à résoudre. Diversité, tel est ainsi le caractère majeur d’une famille d’HLM en prise sur les réalités locales, mais soumise également aux injonctions d’une politique nationale du logement constamment travaillée par l’urgence. Ce n’est que lorsque celle-ci sera desserrée, au milieu des années LES BÂTISSEURS - 90 1970, au terme d’un effort quantitatif sans précédent, que la sérénité architecturale reprendra ses droits sans se défaire de l’épineuse question de la réhabilitation des grands ensembles. Enfin, le métier de professionnel de la construction a, lui aussi, changé de dimension dans les années 1950 et 1960 et ce, tout particulièrement dans le monde des SA d’HLM. De l’empirisme au professionnalisme, la conversion s’est faite à travers l’expansion, comme le résume Maurice Becker : « Nous avons appris en marchant, nous avons inventé un métier ». De fait, le SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : En 1961, la Fédération des Sociétés anonymes d’HLM revendiqua de nouveau son souhait de répondre à l’ensemble des besoins en logements. statut de ces sociétés leur permettait « d’accueillir en leur sein toutes les compétences nécessaires et de créer toutes les variétés de postes que requiert la multitude de fonctions qu’elles assurent. Ainsi, ouvertes sur les recrutements dans le monde socio-économique, le personnel apporte avec lui ses connaissances du monde extérieur, tel du secteur bancaire, tel d’une entreprise privée, tel autre de l’administration, tel autre du secteur associatif... donnant ainsi une dynamique et une ouverture d’esprit incomparable ». C’est bien durant cette période que les directeurs des SA d’HLM et leurs équipes ont acquis les bases d’un nouveau savoir, de nouvelles techniques et de nouvelles pratiques. LES BÂTISSEURS - 91 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (1957-1966) ARMORIQUE HABITAT SA D’HLM DE L'ARRONDISSEMENT DE SENS SA D’HLM DE LA REGION PARISIENNE - SAREPA 1957 1957 1957 HALPADES LE LOGEMENT RURAL LES TROIS VALLEES TOIT ET JOIE SA D’HLM CARPI CLAIRS LOGIS D'AQUITAINE SA D’HLM D'EURE-ET-LOIR DOMOFRANCE SA D’HLM DU VAL DE SEINE - SOVAL FAMILLE ET PROVENCE LE FOYER DE LA GIRONDE LE FOYER VENDEEN LOGI-OUEST LOIR ET CHER LOGEMENT PROVENCE LOGIS SA D’HLM DE LA NIEVRE SA D’HLM DU DEPARTEMENT DE L'OISE LA MAISON DU CIL LE FOYER POUR TOUS LOGIS TRANSPORTS YONNE HABITATION BATIR CENTRE BATIR ET LOGER SA D’HLM DE LOIR ET CHER - JACQUES GABRIEL LA SAUVEGARDE IMMOBILIERE LE FOYER DE LA CHARENTE MARITIME LES FOYERS LOGIREL LOGIREM SA D’HLM D'AMENAGEMENT ET DE GESTION IMMOBILIERE SAGIM SA D’HLM DE L'ARDECHE SA D’HLM DE LA DORDOGNE SA D’HLM DU CALVADOS SA D’HLM DU VAR - LE LOGIS FAMILIAL VAROIS 1957 1957 1957 1957 1958 1958 1958 1958 1958 1958 1958 1958 1958 1958 1958 1959 1959 1959 1959 1959 1959 1960 1960 1960 1960 1960 1960 1960 1960 1961 LANDERNEAU SENS SAINT-MAUR-DESFOSSES ANNECY ARRAS PARIS PARIS CAMBRAI BORDEAUX LUCE BORDEAUX MANTES-LA-JOLIE AIX-EN-PROVENCE LE BOUSCAT LA ROCHE-SUR-YON ANGERS BLOIS MARSEILLE NEVERS BEAUVAIS ST-QUENTIN PARIS PARIS AUXERRE ORLEANS SAINT-ETIENNE BLOIS LYON LA ROCHELLE RENNES LYON MARSEILLE ALENÇON 1961 1961 1961 1961 AUBENAS BERGERAC CAEN TOULON SA D’HLM PORTE DE L'EUROPE - HPE 14 L'HABITATION ECONOMIQUE LA GARONNAISE D'HABITATION SA D’HLM POUR L'ACTION SOCIALE RHONE LOGIS TROIS MOULINS HABITAT SA D’HLM DE BOURGES ET DU CHER SA D’HLM DU TARN LACS ET MONTAGNES LANGUEDOC LOGIS LOGIEST NOTRE LOGIS COLOMIERS HABITAT ESPACE DOMICILE DE SAINT-NAZAIRE ET REGION L'AVESNOISE LE FOYER D'ARMOR LE FOYER JURASSIEN SA D’HLM DE HAUTE-SAONE SA D’HLM IMMOBILIERE DU LOGEMENT DE L'EURE - SILOGE SA D’HLM ABEILLE AVEYRON LOGEMENT SA D’HLM DES DEUX-SEVRES ET DE LA REGION ESSONNE HABITAT LA MAISON AUDOISE LA RANCE LE TOIT CHAMPENOIS SA D’HLM DE COUTANCES - GRANVILLE SA D’HLM DES ALPES DE HAUTE-PROVENCE SA D’HLM DES CHALETS SA D’HLM DU PAS-DE-CALAIS ET DU NORD IMMOBILIERE VAL DE LOIRE LA RESIDENCE URBAINE DE FRANCE LOGIS 62 SA D’HLM ORLEANAISE RURALE SUD HABITAT SA D’HLM TOURANGELLE VAUCLUSE LOGEMENT Elles construisirent ces années-là… Patrimoine locatif des SA d’HLM (1957-1966) SA LES BÂTISSEURS - 92 1961 1961 1961 1961 1961 1961 1962 1962 1962 1962 1962 1962 1963 1963 1963 1963 1963 1964 1964 LISIEUX BORDEAUX MONTAUBAN LYON RILLIEUX-LA-PAPE MELUN BOURGES ALBI BONNEVILLE MONTPELLIER METZ HALLUIN COLOMIERS SAINT-NAZAIRE FOURMIES LORIENT CHAMPAGNOLE VESOUL EVREUX 1965 1965 1965 1965 1965 1965 1965 1966 1966 1966 1966 1966 1966 1966 1966 1966 1966 1966 CACHAN SAINT-AFFRIQUE NIORT RIS-ORANGIS CARCASSONNE SAINT-MALO EPERNAY COUTANCES DIGNE-LES-BAINS TOULOUSE CALAIS ORLEANS PARIS BOULOGNE SUR MER ORLEANS MARSEILLE TOURS AVIGNON Nombre de logements 80 000 70 000 60 000 50 000 40 000 30 000 20 000 10 000 0 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 Année d'achèvement SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 La Fédération des SA d’HLM aura, depuis les années 1950, constamment revendiqué le droit et la possibilité d’ouvrir au maximum l’éventail des catégories de logements, répondant par conséquent à des normes de confort différenciées, pour satisfaire à une demande très large n’excluant aucune des composantes des classes moyennes. Cette vocation généraliste apparaît cohérente avec la manière dont le logement s’est « socialisé » depuis plus de cent ans. LES BÂTISSEURS - 93 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 94 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : Villeneuve d’Ascq : une nouvelle conception de l’habitat. Page précédente : Les Linandes, 374 logements locatifs sociaux édifiés en 1978 par la SA Les Trois Vallées dans la ville nouvelle de Cergy-Pontoise. 1967/1983 L’habitat dans toutes ses dimensions L Cinquième époque Avec la fin de la République gaullienne, une nouvelle ère se dessina, qui ne fut plus celle de l’urgence (même si beaucoup restait à faire) mais celle des bilans et de la réflexion. En réaction contre les grands ensembles, mais aussi parce que le desserrement de l’urgence permettait enfin de mettre en avant une exigence de la qualité, plusieurs signes de changement se manifestèrent. ES SA, ACTEURS DE LA CONSTRUCTION DES VILLES NOUVELLES En premier lieu, s’affirma le mouvement des Villes nouvelles, dont la conception prenait le contre-pied des ZUP. Nées de la réflexion du préfet de la région parisienne, Paul Delouvrier, ces cités se proposaient de corriger tous les défauts de celles-ci, en rapprochant leurs habi- tants de l’emploi, des loisirs et de la culture, selon une fonctionnalité destinée à remédier aux problèmes de circulation. Vaste dessein, puisqu’elles étaient initialement programmées pour accueillir entre 300 et 400 000 habitants. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 95 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Un lieu d’expérimentation privilégié Ci-dessous à gauche : Un détail des Arènes de Picasso à Noisy-le-Grand, construit par Immoblière 3F en 1984. Ci-dessous à droite : Le Belvédère, un ensemble édifié par Immoblière 3F à Cergy-Pontoise en 1982 selon les plans de l’architecte Ricardo Bofill. En 1966, la première pierre d’Evry était posée par Edgar Pisani. L’expérience des cinq villes nouvelles de la région parisienne (Evry, Cergy, Saint-Quentin-en-Yvelines, Marne-la-Vallée et Melun-Sénart) fut ensuite étendue à deux agglomérations de province, Lille et Lyon, et à deux sites encore peu urbanisés : Le Vaudreuil et l’Etang de Berre. Ces villes allaient être, bien davantage que les ZUP, un lieu d’expérimentation privilégié pour l’urbanisme et l’architecture, dont les orientations nouvelles des années 1970 sauront tirer profit. Certaines SA en pro- L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 96 fitèrent pour faire leur deuil du gigantisme et se tourner vers un logement de qualité en faisant appel à des architectes de renom. La démarche des concours engagés par les aménageurs leur donne l’occasion d’intégrer de nouveaux éléments sur la mixité et la pratique des espaces publics. A Evry, 28 SA ont construits 90 % des 10 000 logements locatifs sociaux et une part significative des logements en accession à la propriété. A Cergy, ce sont 17 SA d’HLM qui réaliseront 80 % du parc locatif social composé de 8 000 logements. Dans ces lieux sans mé-moire vont se dérouler des opérations qui comptent parmi les plus intéressantes dans une tentative de renouer avec l’urbanité. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Stimulé par son extension territoriale, le « Groupe Immobilier 3F » s’engagea dans plusieurs opérations, dans les villes nouvelles du Vaudreuil, d’Evry 1, de Lille-Est. Les concours qu’il remporta, grâce à des procédés de construction alliant industrialisation, souplesse, variété de logements et rapidité d’exécution, lui valurent d’être finalement présent dans toutes les villes nouvelles, à l’exception de Fos-sur-Mer. Cergy-Pontoise et sera notamment lauréate du concours pour un îlot dans le quartier SaintChristophe. Elle réalisa avec l’architecte Ricardo Bofill l’ensemble monumental du Théâtre et de l’Arc à Noisy-le-Grand (Marne-la-Vallée). Fin 1976, la SA « Les Trois Vallées » (1957) fut sollicitée pour réaliser deux résidences universitaires, l’une à Evry, l’autre à Cergy. Cette collaboration fut prolongée par de nombreuses autres opérations, tant en accession qu’en locatif. La société participa également à plusieurs concours organisés par la ville nouvelle de Ci-dessous : Le Groupe de la Fontaine des Crieurs à Villeneuve d’Ascq construit en 1981/84 par la SLE. Ce groupe abrite dix familles dans dix appartements individuels regroupés autour de plusieurs pièces communes. C’est à l’initiative de ces dix familles que la SLE a conçu cette forme originale d’habitat locatif favorisant la vie collective. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 97 Ci-dessous : La construction du Théatre, à Noisy-le-Grand. Les Trois Vallées sont intervenues dans plusieurs villes nouvelles en participant à de nombreux concours. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Le premier programme de la ville nouvelle d’Evry, le Parc aux lièvres, sera réalisé par « Essonne Habitat » de 1971 à 1972. Les 870 logements furent destinés en priorité aux fonctionnaires et aux employés des nouvelles administrations et entreprises. Au total, ce sont 2 200 logements qui seront édifiés par la SA dans les différents quartiers de la ville nouvelle. Ci-contre : Des bâtiments d’habitations construits par Essonne Habitat dans la ville nouvelle d’Evry. Ces villes permirent le développement de nouvelles formes urbaines. Une politique de qualité Zac : la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 instaure un nouvel outil d’aménagement plus souple que la ZUP. La zone d’aménagement concerté peut aussi bien s’appliquer à l’organisation d’une zone d’extension urbaine, de rénovation urbaine, de rénovation urbaine, l’aménagement d’une zone industrielle ou d’un pôle commercial. La procédure prévoit une concertation préalable entre les aménageurs et les collectivités publiques, les propriétaires privés et les usagers. C’est la commune qui est responsable de la ZAC, que celle-ci soit animée par un intervenant public ou privé. Villes nouvelles : en 1969, une réflexion menée sur le développement de la région parisienne conduisait à la définition d’un « schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme » (SDAU). Ce document fixait et nommait les « villes nouvelles » à construire autour de Paris ainsi que celles proches des métropoles de province. Implantées sur des zones relativement vierges, ces créations ex-nihilo voulaient être des pôles d’attraction liant habitat et travail, avec des centres urbains aux nombreux équipements publics. Dans ces lieux sans mémoire vont se dérou- ler, à partir des années 70, des opérations qui comptent parmi les tentatives les plus intéressantes de renouer avec l’urbanité. PAN : Paul Delouvrier et Robert Lion (directeur de la Construction de 1969 à 1974) lancèrent en 1971 un Plan construction, organe d’aide à la recherche publique et privée dont l’objet était de promouvoir une industrialisation du bâtiment plus souple adaptable à des chantiers de plus petite taille, de façon à produire des bâtiments différenciés. Ce plan avait pour corollaires les programmes d’architecture nouvelle (PAN) destinés à susciter au moyen de concours une architecture innovante ; la justification qui en fut donnée était caractéristique d’un changement d’état d’esprit : « Le nouveau concours répond à une situation de rejet des grands ensembles collectifs et de l’extension non contrôlée du pavillonnaire, et exprime la volonté de renouveler la qualité architecturale dans l’habitat social. Les premières sessions portent sur l’idée des modèles de logement, produits adaptables en tout lieu à divers types de programme ». L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 98 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessus : Marcel Lair, président du Groupe Immobilier 3F, et l’architecte Ricardo Bofill visitent le chantier de Noisy-le-Grand. L E PASSAGE DE LA PRODUCTION À LA GESTION DE L’HABITAT Ayant assuré, dans toute la mesure de leurs moyens, une part importante de l’implantation des ZUP et des ZAC, le logement des immigrés, celui des rapatriés, l’éradication des bidonvilles, les SA furent amenées à développer une nouvelle approche de leur métier, tant dans l’intervention sur le bâti existant, que dans la gestion sociale de leurs ensembles immobiliers. Dans les quartiers d’habitat social, elles s’efforcèrent de maintenir le cap de la mixité sociale, objectif constant tout au long de leur histoire. Les restructurations liées à la désindustrialisation Les SA d’HLM qui avaient été fortement sollicitées pour répondre aux besoins de logement de la main d’oeuvre des grands bassins industriels furent, dès le milieu des années 70, confrontées à la nécessité d’ajuster leur patrimoine immobilier aux restructurations des grandes entreprises sidérurgiques, automobiles et textiles. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 99 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 En Lorraine Ci-dessous : La démolition de la tour C dans le quartier des tours Manhès, à Hagondange, le 24 Septembre 1985. Sur les 334 logements du quartier, seuls 254 seront conservés et intégrés au patrimoine de la Mosellane d’HLM. La recomposition en 1968 des sociétés sidérurgiques pour rationnaliser leur production d’acier modifia sensiblement les données du problème du logement. Le nouveau groupe Wendel-Sidélor se retrouvait à la tête d’un parc de 24 000 logements soumis à des statuts différents et dont l’état était hétérogène. En outre, la restructuration de l’activité sidérurgique entraînait d’importants déplacements de maind’œuvre internes au groupe et, de ce fait, la vacance de nombreux logements. Ces difficultés furent à l’origine d’un fructueux rapprochement entre L’Immobilière Thionvilloise et la « Mosellane d’HLM » (actuellement SAREL) qui avait été son partenaire dans les années de reconstruction. En cela ce concrétisait l’idée-force du responsable du Service central d’administration des bâtiments mis en place pour gérer ce patrimoine immobilier, Robert Schoenberger, pour qui il fallait conduire le parc immobilier vers son indépendance, autrement dit « sortir les logements des usines ». Les années 1980 furent marquées par l’approfondissement de la crise de l’industrie sidérurgique. Tout l’Est sidérurgique fut sinistré ; les villes se vidèrent, poussant à la hausse les taux d’inoccupation : à Uckange, par exemple, le taux de vacance passa de 20 % en 1975 à 54 % en 1981. Compte tenu des difficultés croissantes de la sidérurgie soumise aux replâtrage des plans acier, les deux sociétés décidèrent de fonder un Groupement d’intérêt économique (GIE) : le 1er janvier 1985, le « Groupe Batigère » était constitué autour de 22 300 logements. Avec pugnacité, la « Mosellane d’HLM » entreprit, de L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 100 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : Le quartier des Provinces, à Laxou, près de Nancy. La SA d’HLM Est y recensa, à la fin des années 80, plus de 8 000 logements à restructurer. Pour le groupe Batigère, la politique patrimoniale passe par la consolidation du bâti existant et la mise en oeuvre d’opérations de remise à niveau, ainsi que par l’adaptation du patrimoine aux besoins locatifs et sa diversification. 1982 à 1988, une action volontariste de restructuration. A titre d’exemple, pour relever le défi immobilier d’Uckange, Thionville, Fameck et Hagondange, plus de 350 millions de francs furent investis pour moderniser 2 770 logements, en démolir 1 220, reloger 800 familles et aménager une dizaine d’hectares. En Franche-Comté Dans le pays de Montbéliard, le mouvement de désindustrialisation fut dans les années 80 particulièrement marqué : durant la seule année 1985, ce ne sont pas moins de 5 000 étrangers (salariés de l’industrie automobile et leurs familles) qui quittent la région et libèrent du même coup des pans entiers du patrimoine de la « SA de Franche-Comté » (SAFC). En 1985, L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 101 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : L’immeuble « Le Picardie », surnommé « le Paquebot », dans le quartier des Fougères à GrandCharmont. Construit en 1961 par la SAFC, il accueillait dans ses 300 logements les ouvriers et employés des usines de la région de Montbéliard. Subissant de plein fouet la crise industrielle des années 70, la SAFC a dû affronter une vacance très importante. « Le Picardie » fut alors appelé à évoluer : en 1985, l’équipe de Banlieue 89 proposa sa réhabilitation et la transformation de l’immeuble en deux tours reliées par une galerie couverte. Préférant l’opportunité d’une requalification en profondeur du quartier, la commune et la SAFC décidèrent de le démolir, le 18 juillet 1987. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 102 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 cette société dénombrait 1 000 logements vacants et 800 logements murés pour 18 000 logements gérés. Pour faire face, elle élabora un « plan de patrimoine » prévoyant des démolitions de certains immeubles, la rénovation et la restructuration des autres. Symbole des années de forte croissance, « le Picardie », un grand immeuble des années cinquante de 300 appartements situé à Grand-Charmont, est dynamité pour laisser place à des maisons de villes... Dans le Nord Construit au cours des années 60 et 70 pour reloger les ouvriers habitant dans les courées et les rapatriés d’Algérie, les quartiers d’habitat social de l’agglomération Lille-RoubaixTourcoing ont subi les conséquences de la restructuration de l’industrie textile qui s’est accompagnée d’une perte de 50 000 emplois en 20 ans. La désaffection qui a frappé une grande barre, véritable muraille de Chine, à Hem générant une vacance de 75 %, illustre ce phénomène de récession économique. La « SLE » et « Logicil », qui ont beaucoup construit dans ces quartiers, ont, dès 1982, engagé des opérations de restructuration et de démolitions en partenariat avec l’Etat et les collectivités locales. Autre conséquence des mutations industrielles dans le nord, « l’Immobilière de l’Artois », créée en 1921 par la Compagnie des mines de Vicoigne, Nœux et Drocourt, fusionna en 1967 avec deux autres SA nées elles-aussi en 1921 : la « SA HLM du bassin houiller d’Anzin » (suscitée par la Compagnie des mines d’Anzin) et la « Société immobilière de la région nord de Douai » (de la Compagnie des mines de l’Escarpelle). Ci-dessus : Construits en 1962 par la SLE, les deux bâtiments de 18 étages des « Biscottes » à Lille-Sud furent réhabilités en 1980 pour être rebaptisés la « Résidence Sud ». Cependant, face au cumul des problèmes touchant ces deux immeubles, la SLE pris le parti de les démolir, l’un en 1989, l’autre en 1990, plutôt que d’entreprendre une nouvelle réhabilitation coûteuse et aux effets incertains. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 103 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Le défi de la réhabilitation des grands ensembles Ci-dessous : Journal « Sud-Ouest » du 11 mai 1989. En moins d’une décennie, les grands ensembles seront l’objet d’une contestation diffuse, issue d’un double rejet : refus des valeurs encore prégnantes du 19e siècle et refus des valeurs inhé- L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 104 rentes à la société de consommation. Cette protestation ambivalente s’accentuera dans les années 1970 sous l’effet de la récession économique. Les opérations ultérieures de réhabilitation viseront bien souvent à estomper ou à maquiller les signes d’un futurisme devenu anachronique et obsolète, en tentant, dans la SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 mesure du possible, de réintégrer les grands ensembles dans leur environnement : rendre, autrement dit, moins visible ce qui naguère était la marque la plus visible d’un volontarisme prométhéen. C’est en fait tout le cadre social et sociologique qui s’est trouvé bouleversé par l’extension du chômage et la paupérisation corrélative d’une partie de la population. Du même coup, la fonc- tion d’intégration sociale traditionnellement dévolue au logement prit une acuité toute particulière. Dans un tel contexte, les sociétés anonymes, avec l’aide de leur Fédération, relevèrent les défis de la qualité, de la réhabilitation, de l’aménagement urbain et de la concertation avec les usagers. Dès la fin de l’année 1981, les SA avaient déjà réhabilité près de 10 000 logeL’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 105 Page précédente et ci-contre : Du déclin au renouveau : le quartier de Saige,à Pessac. En 1989, la fermeture de la grande surface alimentaire provoqua un vif émoi et l’inquiétude de la population. 4 ans plus tard, l’implication de Domofrance et de la municipalité porte ses fruits : un nouveau supermarché est construit. Les sociétés anonymes d’HLM jouent un rôle essentiel dans l’animation des quartiers d’habitat social. (Extrait du journal « Sud-Ouest » du 11 mars 1993.) SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 ments. Aujourd’hui, 68 % des logements antérieurs à 1977 ont été améliorés. Cet effort de requalification du cadre de vie s’est accompagné de toute une panoplie d’actions d’insertion des habitants et d’animation de la vie sociale des quartiers. Ci-contre : La SA d’HLM Logement Français conduit une politique volontariste de requalification physique et de diversification sociale de ses grands ensembles qui représentent la moitié de son patrimoine. Elle oriente ses efforts sur la qualité du service de proximité. Un exemple : le réaménagement des espaces de proximité dans le quartier des Indes à Sartrouville pour les adapter aux usages des habitants. Ci-contre et ci-dessous : La résidence « Pont-Yblon » à Dugny. Construite dans les années 30, la résidence a fait récemment l’objet d’une réhabilitation par la SA d’HLM Efidis. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 106 Les logements furent remis aux normes actuelles de confort. Ils continuent de participer à la diversité des produits offerts aux locataires, par leur bonne localisation, leurs surfaces réduites et leurs faibles loyers. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 U NE RÉFORME ATTENDUE DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT En 1975, la Fédération, au cours de son Assemblée générale, soulignait les blocages du système de financement du logement et appelait à une réforme : ■ que soient améliorées les modalités d’intervention des sociétés anonymes d’HLM dans les opérations d’aménagement, de rénovation et de restauration immobilière permettant de lui donner une finalité sociale. » « Constatant que les sociétés d’HLM se trouvent dans une situation de blocage qui les amène à hésiter à lancer leur programme de construction pour 1975 ; ■ qu’au delà des difficultés conjoncturelles, l’ensemble des dispositions qui régissent la construction sociale et l’urbanisation doivent être refondues ; ■ que la demande de logements sociaux, notamment celle qui émane des jeunes ménages, est accrue par la situation économique actuelle et qu’elle demeure très forte, tant dans les grandes agglomérations que dans les villes petites et moyennes ; » ■ « Demandent que dans le courant de 1975, les pouvoirs publics mettent efficacement en place un nouveau dispositif de financement permettant une réelle politique sociale du logement ; ■ que ces réformes prévoient, afin de permettre la réalisation d’un habitat moins ségrégatif, une plus large place à l’aide personnalisée, et que soient instaurées des procédures simplifiées, favorisant une réalisation plus souple des objectifs poursuivis en matière d’habitat. ■ C’était poser, dans le prolongement du Livre blanc de l’Union des HLM, les jalons d’une réforme des modalités de financement et de gestion du logement social. La loi Barre du 3 janvier 1977 fera de l’aide personnalisée au logement la pièce maîtresse du nouveau système. La Fédération marquera sa satisfaction dans la motion de son Assemblée générale de 1977 : « [La Fédération] constate que l’action vigoureuse de l’Union et des Fédérations ainsi que l’attitude ferme et résolue de l’ensemble du Mouvement HLM ont largement contribué à apporter à la loi réformant l’aide au logement, des améliorations qui vont dans le sens de ses propositions ». Elle souligna néanmoins qu’elle poursuivrait son action pour que « les barèmes de l’aide personnelle et les mécanismes de financement soient adaptés aux objectifs sociaux de la réforme, c’est-à-dire qu’ils permettent effectivement aux ménages les plus modestes d’accéder à la location ou à la propriété d’un logement de qualité ». L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 107 La réforme du logement de 1977 La loi du 3 janvier 1977 tend à substituer l’aide personnalisée au logement (APL) à l’aide à la pierre, conçue pour favoriser la construction de logements sociaux. Cette réforme confirme le processus de socialisation du logement en voulant solvabiliser tous ceux dont l’accès à un habitat de qualité peut être freiné par insuffisance de revenus, c’est-à-dire en renforçant les mécanismes de redistribution. L’APL est, en effet, l’une des manifestations de l’Etatprovidence, puisqu’elle cherche à rétablir plus d’équité en adaptant l’effort demandé aux locataires à leur situation sociale et économique. L’aide à la pierre n’est pas absente du dispositif, mais les PLA (prêts locatifs aidés) qui en tiennent lieu sont d’une durée plus courte (34 ans au lieu de 40) et à des taux plus élevés que les anciens prêts HLM ; conçus en période de forte inflation, ils sont de surcroît à intérêt progressif, ce qui allait entraver l’action des SA une fois l’inflation maîtrisée. Maintien donc d’une aide à la pierre, évolution vers un logement de qualité non ségrégatif, grâce à l’APL, possibilité de réhabiliter l’habitat existant grâce au conventionnement, telles sont, en définitive et dans un souci de plus grande équité sociale, les grandes lignes de la réforme de 1977. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L A DIVERSIFICATION DES ACTIVITÉS Fidèles à la conception de leurs missions, les SA d’HLM, après avoir participé activement à l’effort de construction de masse, s’appliquèrent à élargir et à diversifier leur champ d’intervention. Les SA acquièrent la compétence d’aménageur La Fédération des SA continuait d’affirmer son attachement à la « mission sociale des sociétés anonymes » et revendiquait l’élargissement de la Ci-contre : En 1994, le quartier des Chartrons, à Bordeaux. Domofrance s’est vu confier l’aménagement et la construction des nouveaux logements dans le périmètre des anciens chais. Le projet repose sur la dédensification et la réhabilitation d’une partie du patrimoine ainsi que la construction de nouveaux bâtiments, dans le respect du parcellaire d’origine. (Extrait du journal « Le Moniteur » du 16 septembre 1994). L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 108 capacité d’intervention de celles-ci dans l’aménagement et l’habitat ancien. Cette revendication fut satisfaite par la loi de 1976 qui permet aux SA de prétendre à la qualité d’aménageur pour le compte de tiers : on peut dès lors leur confier l’aménagement d'une ZAC, d'un lotissement, d'une zone de rénovation urbaine, d'opérations de restauration et de résorption de logements insalubres. En 1981, 35 SA exerçaient une activité d’aménageur après avoir obtenu un agrément de la part de l’autorité administrative locale. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre et ci-dessous : A la Réunion, le Panon, à Saint-André et les Frontons de Sainte-Thérèse à la Possession : deux illustrations de la diversité des activités de la SA d’HLM de la Réunion. Créée en 1971, elle intervient aussi bien dans la résorption de l’habitat insalubre et l’encadrement de l’autoconstruction que dans la réalisation de logements intermédiaires. Ci-dessous : En Martinique, les deux sociétés, la Martiniquaise d’HLM et Ozanam, participent au relogemment des habitants concernés par le desserrement et la restructuration des quartiers d’habitat spontané, et au développement urbain des communes. Deux exemples de leurs réalisations dans le nouveau quartier de la Meynard à Fort de france Les SA, opérateurs des rénovations urbaines et de la valorisation des patrimoines anciens Les Sociétés anonymes d’HLM ne furent pas que des bâtisseurs : elles furent partie prenante du mouvement de retour vers les centres-villes et de la valorisation du patrimoine historique. A Fécamp, dans le cadre de la procédure des contrats « Villes moyennes », la municipalité décida d’engager en 1975 la restructuration de l’Ilot Arquaise, avec le souci de créer un parc de logements locatifs sociaux situés en centre-ville. Elle en confia la maîtrise à la « SA d’HLM de Normandie » qui depuis son origine travaillait étroitement avec la ville (et aujourd’hui intégrée à la SA Immobilière Basse-Seine). La SA s’attacha à préserver la qualité architecturale de ce centre historique en conservant dans la mesure du possible les maisons du 18e et 19e, tout en intégrant un nouvel ensemble immobilier de 130 logements locatifs sociaux. A Dieppe, à la demande de la Ville, « Sodineuf HLM » a accepté de réhabiliter un ensemble architectural remarquable, l’Ilot SainteCatherine, édifié à la fin du XVIIe siècle par Monsieur De Ventabren. L’enjeu était d’importance pour Sodineuf : il s’agissait, à partir de la L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 109 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 structure existante, de réaliser une cinquantaine de logements locatifs sociaux aux normes actuelles de qualité. L’opération, achevée en mars 1985, se compose de 51 logements, ayant chacun son caractère original du fait des liaisons et circulations réalisées entre les différentes pièces des immeubles. Ainsi, Sodineuf et la ville de Dieppe on relevé ensemble un défi : le sauvetage d’un patrimoine et la reconquête d’un quartier ancien qui se dépeuplait et qui se dégradait. Ci-contre : La ville de paris a confié une mission d’aménagement au logement Français dans le cadre de la RHI du quartier de l’Orillon (à Paris 11e arrondissement) Cette opération de rénovation urbaine s’est traduite par la construction de 128 logements sociaux avec un Foyer Soleil intégré, d’une résidence pour personnes âgées de 89 appartements, d’une crèche et de locaux commerciaux en pied d’immeuble. Ci-contre : L’îlot Sainte-Catherine, à Dieppe, après sa réhabilitation par Sodineuf. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 110 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Dans les centres et les quartiers anciens des petites localités et des villes plus importantes la population diminue, vieillit, le patrimoine immobilier se dégrade et l’activité commerciale cesse. En Haute-Loire, l’intervention du « Foyer Vellave » permet de rétablir un équilibre et de satisfaire une demande de logement confortable favorisant le retour en centre-ville. Ci-contre et ci-dessous : La rue des Faussets à Bordeaux, avant et après réhabilitation par Domofrance. Les SA d’HLM sont partenaires des collectivités locales dans la préservation et la mise en valeur du patrimoine architectural. (Les cahiers techniques du bâtiment N° 100 juin-juillet 1988). L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 111 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessus : La résidence d’Hannoncelle, avant et après l’intervention de la SA d’HLM Logiest, en novembre 1979. Édifiée pour partie au XIIIe siècle, cet hôtel particulier abrita successivement la prison de l’Évêque de Metz, le Jeu de Paume, une salle d’opéra puis de spectacles. Reconstruit en 1803, il connut diverses fortunes avant d’être abandonné en 1976. C’est avec le concours des Monuments Historiques que Logiest a pu réaliser 25 logements locatifs sociaux insérés dans un cadre volontairement fidèle au passé. La valorisation du patrimoine ancien Ci-contre : A Arles, l’hôtel de Castillon, réhabilité par Vaucluse Logement. Cette très belle maison de ville avec cour intérieure date du début du 20e siècle. Elle abrite aujourd’hui 14 logements locatifs sociaux. Fondée en 1954 sous la forme coopérative,Vaucluse Logement réalisa plus de 2 000 logements en accession à la propriété et 5 000 logements locatifs avant de se transformer, en 1965, en société anonyme. Depuis plusieurs années, l’accentuation de la crise économique et sociale conduit Vaucluse Logement à diversifier son activité au delà des fonctions traditionnelles des organismes d’HLM. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 112 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les SA affirment leur rôle dans l’accession à la propriété L’engouement des Français pour la maison individuelle transparaît nettement dès le début des années 70. Sans doute le phénomène était-il ancien, mais l’enrichissement général de la population, joint au développement de l’épargne-logement (fortement encouragée par les pouvoirs publics qui créent le PEL en 1970), réunissait désormais des conditions très favorables. Le relatif échec du concours de la Maison individuelle lancé par le ministre Albin Chalandon en mars 1969, n’entamait en rien ce désir noté dans toutes les enquêtes : de 1965 à 1977, la part des maisons individuelles dans le nombre des logements construits (secteur aidé et promotion libre confondus) est passée de 30 % à 57 % (43 % en 1972). Ce nouveau marché sera très favorable aux SA qui purent renouer avec l’idéal de la propriété individuelle si cher aux fondateurs du mouvement HLM. Ci-dessus : Aiguillon Construction, née en 1969 (Groupe Arcade), construit aussi bien des logements locatifs sociaux que des programmes en accession à la propriété, dans cinq départements de l’Ouest . « Près de 8 000 logements HLM loués et gérés, ainsi que 2 500 maisons ou appartements construits et vendus en accession à la propriété, ancrent la société dans sa fonction d’opérateur d’habitat social et donnent sens à sa mission d’acteur de la cohésion sociale ». En 1980, cent SA édifient 23 000 pavillons financés principalement par les prêts aidés à l’accession à la propriété (PAP) et par les prêts et primes du Crédit Foncier de France. Ci-contre : Le Hameau du Tillay, à Saint-Herblain, une opération d’accession à la propriété de la SA d’HLM Atlantique Logement, SA fondée en 1975 par deux coopératives d’HLM et spécialisée dans l’accession à la propriété. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 113 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les SA d’HLM apportent des réponses adaptées à la diversité des besoins Ci-contre : Dans le quartier des Saules de la ville nouvelle de Saint-Quentin-enYvelines, Logirep a réalisé un immeuble de 60 logements locatifs sociaux. Les 14 appartements du rez-de-chaussée constituent un foyer pour adultes handicapés dont la gestion est confiée à une association spécialisée. Si l'activité principale des sociétés est le logement familial, elles se sont résolument engagées dans la réponse à apporter aux besoins spécifiques de certaines catégories de population, En 1954, au Muret, à l’initiative d’acteurs locaux, naît la société Promologis pour faire face à la demande de cette Sous-Préfecture située à 20 kms de Toulouse. Forte aujourd’hui d’un patrimoine de 10 000 logements sur tout le Département de la Haute-Garonne, la société a su s’adapter aux évolutions du temps et répondre, en tant que généraliste de l’habitat, à toute la demande de logement des familles, des personnes agées, des étudiants (leader sur l’Agglomération Toulousaine avec 2 000 logements) ainsi que des plus modestes (350 logements PLATS, réalisés en habitat diffus). Elle a depuis longtemps placé la gestion au cœur de son métier avec ses Agences décentralisées instituées depuis plus de 20 ans. Elle a notamment mis en place un service aux locataires 24 H/24 et un réseau d’îlotiers à raison de 1 pour 500 logements. Ci-contre : la résidence d’étudiants Services « Castelbou » dans le centre de Toulouse : elle offre à la location 128 logements étudiants, meublés et équipés. Parallèlement, des services et équipements communs à usage collectif sont mis à la disposition des locataires : salle de gymnastique, salle informatique, salle audio-visuelle, salon d’information et salles d’étude. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 114 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 personnes âgées, travailleurs migrants, jeunes travailleurs, étudiants, populations démunies, tant par la construction de foyers que par l'adaptation des logements et des services dans leur patrimoine : elles offrent ainsi dans leurs foyers et résidences une capacité d'accueil de 201 000 lits dont la moitié est à vocation d'hébergement des personnes âgées. Les sociétés se sont en effet fortement impliquées depuis une vingtaine d'années dans la politique d'amélioration du logement des personnes âgées, à la fois dans l'aide au maintien à domicile pour préserver leur autonomie, dans la recherche d'innovations pour leur hébergement dans des foyers ou résidences bien intégrées dans la vie de la cité, et dans la construction de structures médicalisées. Ci-contre : En plein cœur du 3e arrondissement de Lyon, Logirel a aménagé la résidence sociale Ferdinand Buisson qui accueille des jeunes de 18 à 30 ans en situation de rupture familiale ou en difficulté sur le plan psychique et psychologique. Conçue comme un lieu de vie à l’échelle humaine, la résidence s’ouvre sur un jardin où adultes et enfants des maisons voisines peuvent se retrouver. Logirel gère ce lieu d’insertion en lien avec des associations partenaires regroupant des professionnels du logement, de la santé et du social. La prise en compte des besoins des personnes handicapées a été également leur préoccupation. Elles ont cherché à apporter des solutions graduées en fonction de la nature du handicap, depuis de simples aménagements, dans le parc banalisé, du logement et de son environnement jusqu'à la construction de centres d'hébergement en partenariat avec des associations spécialisées. Les sociétés ont également pris des initiatives pour réaliser des structures d'accueil des personnes marginalisées, en rupture sociale, adaptées aux différentes étapes de leur insertion depuis l'hébergement d'urgence et l'hébergement temporaire jusqu'à l'accès à un logement autonome : hôtels sociaux, résidences sociales, logements relais, structures d'accueil de nuit et de jour pour les personnes sans abris, maisons d’insertion pour les sortants de prison, sont autant d'expériences qu'elles ont développées. Ci-contre : Les Hauts-de Sainte-Croix à Metz. Cet immeuble des XIIIe et XIVe siècle a été réhabilité puis aménagé, de 1977 à 1979, en foyer pour personnes agées par la Mosellane d’HLM (SAREL). L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 115 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 A partir d’une analyse fine des besoins locaux, les sociétés mettent en œuvre des politiques d’accuel des populations spécifiques en collaboration étroite avec les réseaux de professionnels et bénévoles en charge de ces questions. La société Efidis offre un exemple de ce type d’engagement. Résultant de la fusion de plusieurs sociétés anonymes d’HLM, Efidis, dont le principal actionnaire est le Crédit Foncier de France, nait en 1991. Dès l’hiver 1993, la société s’est impliquée dans le logement des populations spécifiques. Dans Ci-dessus et ci-contre : Rue Dunois, dans le 13e arrondissement de Paris et à Gentilly, rue Gabriel-Péri, EFIDIS a réalisé deux centres d’hébergement d’urgence. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 116 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 des bâtiments, en attente de travaux de réhabilitation ou de démoliton, des logements temporairement vacants, sont mis à la disposition d’une association. Grâce au professionnalisme des différents partenaires, la cohabitation avec les locataires en titre ne pose aucun problème. Efidis s’est également illustrée par son offre globale de prestations pour accompagner le développement universitaire des villes nouvelles : elle est intervenue dans les campus d’HEC, à Jouyen-Josas, à Cergy-Pontoise, à Saint-Quentin-enYvelines. A Gif-sur-Yvette, elle a aussi réhabilité l’ancienne résidence de SUPELEC et édifie à côté une nouvelle résidence de 210 unités de vie. Ci-dessus : A Cergy-Pontoise, un même bâtiment abrite la résidence universitaire François Rabelais et une résidence sociale. Ci-contre : Les résidences de SUPELEC à Gif-sur-Yvette. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 117 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (1967-1982) SA D’HLM BERRY SOLOGNE 1967 VIERZON L'HABITAT COMMUNAUTAIRE LOCATIF 1970 PARIS SA D’HLM C.I.F.N. DIALOGE 1967 LE HAVRE LA CAMPINOISE D'HABITATION 1970 CHAMPIGNY-SUR-MARNE SA D’HLM DE LA GUADELOUPE 1967 POINTE-A-PITRE LA MAISON FLAMANDE * 1970 DUNKERQUE FDI HABITAT 1967 MONTPELLIER LOGIS METROPOLE 1970 LA MADELEINE FRANCE LOIRE 1967 ORLEANS ROUSSILLON HABITAT 1970 PERPIGNAN LES AJONCS 1967 LORIENT SA D’HLM DE LA REUNION 1971 SAINT-DENIS LOIRE-ATLANTIQUE HABITATIONS 1967 SAINT-HERBLAIN SA D’HLM MARTINIQUAISE 1971 FORT-DE-FRANCE PIERRES ET LUMIERES 1967 ANTONY CITE NOUVELLE HABITAT 2000 1972 CACHAN ANJOU CASTORS 1968 ANGERS 1972 LYON ARTOIS LOGEMENT 1968 LENS SA D’HLM DE LA REGION LYONNAISE GABRIEL ROSSET COOPERER POUR HABITER 1968 VINCENNES SA D’HLM CODELOG 1973 NEUILLY-SUR-SEINE SA D’HLM DE LA VALLEE DU THORE 1968 MAZAMET ATLANTIQUE LOGEMENT 1974 NANTES SA D’HLM DE LA VILLE D'ALENÇON ET DE L'ORNE LE LOGIS FAMILIAL 1968 ALENÇON SA D’HLM DU VAL D'OISE 1974 SAINT-GRATIEN L'HABITAT SOCIAL FRANCAIS 1974 PARIS LE HOME ATLANTIQUE 1968 SAINT-HERBLAIN MANCHE CALVADOS HABITATION 1974 SAINT LO LE LOGEMENT FAMILIAL DE L'EURE 1968 EVREUX PROVENCE MEDITERRANNEE 1974 MARSEILLE PICARDIE HABITAT MAISON DE L'HABITAT 1968 COMPIEGNE ARIEGE-MIDI-PYRENEES 1975 FOIX SA D’HLM POUR LE DEVELOPPEMENT DE L'HABITAT 1968 VALENCE BATIMENTS ET STYLES DE BRETAGNE 1975 SAINT-BRIEUC SA D’HLM DU VAL DE SOMME 1975 AMIENS TOURAINE LOGEMENT 1968 TOURS LE FOYER DES ALLOBROGES 1975 CHAMBERY AIGUILLON CONSTRUCTION 1969 RENNES LE FOYER MODERNE 1975 CHOLET SA D’HLM DE L'ESTUAIRE DE LA SEINE 1969 LE HAVRE LE LOGIS FAMILIAL MAYENNAIS 1975 LAVAL SA D’HLM GASCONNE 1969 AUCH SA D’HLM PROLETAZUR 1975 TOULON LA MAISON GIRONDINE 1969 BORDEAUX SA D’HLM RENAISSANCE 1975 PARIS LE FOYER DU TOIT FAMILIAL 1969 SOTTEVILLE-LES-ROUEN DOMOCENTRE DU MASSIF CENTRAL 1977 CLERMONT-FERRAND LE LOGEMENT FAMILIAL DE SOISSONS ET DE L'AISNE 1969 SOISSONS SA D’HLM DE BESSEGES ET SAINT AMBROIX 1978 BESSEGES LE TOIT FOREZIEN 1969 SAINT-ETIENNE EST-HABITAT CONSTRUCTION 1978 NANCY LOZERE HABITATIONS 1969 MENDE SOLLAR - LE LOGEMENT ALPES-RHONE 1978 LYON S.I.S.M. 1969 MELUN APEC HABITATION 1981 PARIS ALSACE HABITAT 1982 STRASBOURG UN TOIT POUR TOUS 1969 NIMES AEDIFICAT 1970 PARIS * Des sociétés anonymes d’HLM ont des filiations bien plus anciennes : ainsi, la Maison Flamande est issue de la fusion en 1970 entre la SA de Bourbourg née en 1925 et rebaptisée Maison des Flandres en 1968, et de la SA Hazebroukoise d’HLM. Elles construisirent ces années-là… Patrimoine locatif des SA d’HLM (1967-1982) Nombre de logements 80 000 70 000 60 000 50 000 40 000 30 000 20 000 10 000 0 1967 SA L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 118 1969 1971 1973 1975 1977 Année d'achèvement 1979 1981 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L’élan sans précédent de la construction en France, dont les SA d’HLM furent partie prenante, s’achevait sur une réforme et par le bilan qualitatif et social des organismes d’HLM. L’urgence, ce formidable défi lancé à ceux-ci, avait été maîtrisée. Dans cette lutte, les SA d’HLM s’étaient distinguées en portant leurs efforts tant vers la construction de masse que vers le sur-mesure. Elles avaient, en outre, renforcé leur ancrage dans les forces vives de l’économie, en « plongeant leurs racines dans le monde socio-économique qui alimente la plupart des corps intermédiaires du pays, que ce soit les syndicaux patronaux, les syndicats des salariés, à travers les établissements consulaires, les caisses d’allocations familiales, les CIL, mais aussi, à travers les collectivités locales » (Jacques Richard, Assemblée générale de 1980). Elles étaient, enfin, devenues des généralistes de l’habitat, des instruments de l’aménagement du territoire et de la rénovation urbaine. L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS - 119 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les Présidents Richard BLOCH (1927 - 1934) Georges MINORET (1934 - 1951) Paul VOISIN (1951 - 1975) Président de la SA « Logements économiques pour Familles nombreuses » Président de la SA « Le Progrès » Directeur de la SA « Le Foyer Rémois » Président de la SA parisienne s’intéressant au logement des plus démunis, Richard Bloch fit travailler au début des années 20 les architectes Baudoin et Lods sur la standardisation des méthodes de construction pour en abaisser le coût sans diminuer la qualité des prestations. En 1927, il prit l’initiative de créer la Fédération des SA et Fondations d’HLM, qu’il présida jusqu’à son décès en 1934. Membre du Conseil d’administration de la SA « Le Progrès » de sa création en 1905 à 1954, Georges Minoret fut également administrateur-délégué de l’Office public d’HLM de Paris. S’inscrivant dans le mouvement du catholicisme social, il fut appelé à la Présidence de la Fédération en 1934. Appelé par Georges Charbonneaux en 1928 pour prendre la direction du « Foyer Rémois », Paul Voisin demeure à ce poste jusqu’en 1969. Poursuivant l’œuvre de son fondateur, il développe l’activité de la SA qui se distingue notamment dans les années d’après-guerre par la réalisation du quartier de l’Europe à Reims (2 000 logements en collectifs ou pavillons). Paul Voisin accède à la présidence de la Fédération en 1951 et accompagne les SA tout au long des années 50 et 60, si décisives pour elles. DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 120 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 de la Fédération Jacques RICHARD (1975 - 1983) Marcel LAIR (1983 - 1992) Directeur de la SA « L’Effort Rémois » Président du « Groupe Immobilier 3F », Paris Nommé secrétaire-général de la SA « L’Effort Rémois » en 1957, Jacques Richard en devient le directeur quelques années plus tard.Avec lui, L’Effort Rémois va édifier plus de 15 000 logements en Champagne-Ardennes. Sa compétence et ses qualités humaines le conduisent en 1975 à prendre la succession de Paul Voisin à la tête de la Fédération des SA. Il renforce la Fédération et s’attache à donner plus de poids à la singularité des SA. Licencié en droit et en lettres, diplômé de l’Ecole libre des sciences politiques, Marcel Lair a 28 ans lorsqu’il quitte l’Office national de la Navigation pour prendre la direction du Groupe Immobilier 3F en 1950. Avec lui, l’ancien « Foyer du Fonctionnaire et de la Famille » va prendre une part remarquée dans l’effort de construction des années 50 et 60. VicePrésident en 1955 puis Président, il transforme 3F en véritable groupe HLM et en fait le premier bailleur social privé de France. Son engagement en faveur du logement social le mène à prendre une part active aux actions de la Fédération. Elu à sa présidence en 1983, il conduit les SA sur le chemin de la modernisation. DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 121 Jacques BERKÉ (1992) Administrateur de la SA « La Propriété familiale de l’Ile-de-France » Ingénieur civil des Ponts et Chaussées, Jacques Berké débute sa vie professionnelle au sein du bureau d’études OTH avant d’entrer à l’Union des HLM. Là, ses qualités d’expert en économie de l’habitat l’amènent au CREPAH, au Conseil aux organismes puis à la Mission économique de l’Union. En 1988, Jacques Berké est nommé directeur de la Fédération des SA, puis quatre années plus tard Président. « D’un cœur ferme et avec vigilance », pour reprendre les propos de Marcel Lair, il plaide pour une plus grande autonomie des S.A. et un partenariat en toute intelligence avec les pouvoirs publics et locaux. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 122 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-contre : Dans la Cité « Derrière-les-murs de Monseigneur » (Villiers-Le-Bel, SA HLM Travail et propiété), l’aménagement des espaces verts favorise la convivialité et les échanges. Page précédente : Le « Dolmen » à Nantes en 1991. Édifié par la Nantaise d’Habitations en 1961, il fut réhabilité en 1987/88. 1983/1997 Des entreprises pour Sixième époque la cohésion sociale Au cours des quinze dernières années, les organismes d’HLM affrontèrent une nouvelle donne économique que la réforme du financement du logement de 1977 n’avait nullement envisagée. Cette réforme reposait, en effet, sur trois hypothèses qui n’ont pas résisté à l’épreuve des faits : poursuite de la croissance économique à un rythme relativement élevé ; progression du pouvoir d’achat des revenus des ménages à un rythme soutenu ; maintien de l’inflation à un niveau voisin de 8 % l’an. Conçue dans l’espoir d’une croissance retrouvée qui devait en principe entraîner sa disparition, l’aide à la personne a connu une ascension vertigineuse au détriment de l’aide à la pierre : d’aide compensatoire, elle s’est transformée en instrument de lutte contre l’exclusion sociale avec la paupérisation d’une partie croissante de la population. Dans le même temps, la déréglementation du marché financier, l’affirmation d’une culture de marché et la décentralisation administrative ont modifié sensiblement les conditions d’exercice de la politique de l’habitat. Dans un tel contexte, les sociétés anonymes jouèrent résolument la carte de la modernisation en assumant, dans DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 123 le droit fil de leurs statuts et de leurs objectifs sociaux, la responsabilité financière de leur action en développant leur champ d’intervention Parallèlement, la Fédération s’est réorganisée : en 1980, les élections des conseillers fédéraux eurent lieu pour la première fois au plan régional. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 S E MODERNISER Tout en continuant de développer un vaste éventail de pratiques et de métiers pour s’affirmer comme des généralistes de l’habitat, les SA d’HLM cherchèrent à renforcer leur autonomie de gestion par un effort de rigueur financière. La modernisation des SA requérait une meilleure connaissance statistique de l’activité et de la situation des diverses sociétés, qui passait par le renforcement des moyens de la Fédération. Dès 1979, une résolution tendait à instituer un dispositif d’alerte : l’Assemblée générale recommandait aux SA adhérentes à la Fédération « de procéder à échéance régulière à une analyse financière structurelle et prévisionnelle ». Cette mesure était prise en parfaite cohérence avec le souci des SA d’assumer pleinement leur responsabilité financière : mieux valait en somme prévenir des situations délicates plutôt que d’avoir à prendre des mesures drastiques à la suite d’un contrôle tatillon de la part des services publics de vérification. La Fédération se trouvait ainsi renforcée dans son rôle d’instance de réflexion, de prestataire de services et de conseiller technique. Les orientations fédérales définies 1. Saisir toutes les opportunités possibles en fournissant une gamme de services de plus en plus large (aménagement des villes, construction de logements intermédiaires pour les cadres et les entreprises, réalisation d’opérations de tourisme social, etc.). 2. Elargir le cercle des interlocuteurs des SA en renforçant la légitimité sociale de celles-ci. 3. Constituer un « réseau fort de sociétés fortes » et « occuper le terrain dans tous les comités, associations ou commissions ». « Nos instances ne sont pas politiques. Dans un pays où les élus développent leurs pouvoirs, il nous faut des contrepoids économiques et sociaux ». DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 124 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 L’affirmation de la spécificité SA Il est non moins clair que la modernisation des SA impliquait la reconnaissance de leur spécificité, comme devait le demander Jacques Richard au Ministre de l’Equipement de l’époque à la tribune de l’Assemblée générale de 1982 : « Les SA souhaitent que vous leur reconnaissiez leur spécificité de sociétés, dans le cadre d’une déontologie du logement social ; que vous laissiez à leurs dirigeants leur responsabilité pleine et entière des décisions qu’ils jugent utiles de prendre pour l’avenir des organismes ; que vous leur fassiez confiance pour mettre en œuvre votre politique urbaine et votre politique de l’habitat, en liaison avec les pouvoirs publics et les représentants de la vie locale ». D’où la référence, de plus en plus fréquente, à la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et ce glissement dans le discours de la notion de « mission de service public » vers la notion « de mission d’intérêt général ». C’est en s’appuyant sur leur caractère commercial qui « nous rend responsables de nos actes et de nos décisions et nous force à être les meilleurs » que les SA ont affirmé leur identité collective. Leur identité était jusque-là surtout individuelle, puisque nombre d’entre elles pou- par l ’Assemblée générale de 1983 4. Partir à la recherche de nouveaux financements : « Nous ne devons pas rester dans une tour d’ivoire, nous devons proposer des collaborations ou des participations autour de nous. Nous devons nous rendre encore plus utiles, encore plus indispensables à un maximum de partenaires ». 5. Agir quotidiennement sur tous les facteurs de gestion et sur tous les éléments de production de logements. DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 125 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Ci-dessous : Elbeuf, réhabilitation du Parc St-Cyr. SA de la Région d’Elbeuf. vaient se prévaloir d’une longue histoire qui leur appartenait en propre. Or, en tenant un discours responsable face aux pouvoirs publics d’une part, et en se montrant solidaire des sociétés en difficulté d’autre part, la Fédération tissait progressivement la trame d’une histoire collective en renouant avec les plus anciennes références des SA. Elle réhabilitait le principe de responsa- bilité inhérent à l’idéologie libérale qui avait fait la fierté des fondateurs ; elle appliquait aussi ce principe de solidarité, inséparable de l’effort individuel, qui était au cœur du projet « radical » des premières sociétés anonymes. La modernisation des entreprises Sous la présidence de Marcel Lair (5 mai 198329 avril 1992), le ton se fit cependant plus ferme : « Les sociétés qui négligent leurs finances sont condamnées si elles ne se réforment pas. Car la mansuétude du destin ne s’adresse qu’aux forts. Je suis convaincu que, dans la difficulté des temps qui s’annoncent, la rigueur d’une gestion et d’une gestion autonome, sera, pour chaque société, la condition de la survie d’abord, du succès ensuite ». La rigueur financière procédait d’une « stratégie d’entreprise » : les dirigeants des SA étaient appelés à exercer les fonctions de managers sociaux, de gestionnaires organisateurs recherchant systématiquement de nouvelles capacités d’autofinancement. Mise à l’honneur et encouragée par la Fédération et soutenue par l’Association des directeurs, dans un souci de modernisation et d’efficacité, la culture d’entreprise gagnait, à n’en pas douter, du terrain. Les résultats de la modernisation des SA ne se firent pas attendre. Dès 1984, la croissance de la marge d’autofinancement fut, pour la première fois depuis plusieurs années, au rendez-vous. En 1986, cette marge avait même progressé de 20 %. La rénovation du parc se poursuivit également dans des proportions identiques. DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 126 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Entre la modernisation et l’harmonisation nécessaires des outils de gestion, d’une part, et le respect d’une vocation sociale qui veut être assumée, d’autre part, sans doute faut-il trouver un subtil compromis. L’équilibre financier constitue assurément la préoccupation majeure des sociétés anonymes, mais les valeurs « humanistes et humanitaires » sont d’autant plus prégnantes qu’elles ont contribué à structurer l’identité individuelle des sociétés anonymes. Dans une conjoncture particulièrement difficile, les SA ont donc réussi, sous l’impulsion de leur Fédération, à étendre leurs compétences, à restaurer une grande partie de leur parc mais aussi à amortir les effets de la récession économique en logeant de plus en plus de familles à revenus modestes. Ci-contre : Assemblée Générale de la fédération en avril 1996. D IALOGUER, TISSER DES LIENS, INSÉRER Affaire de gestion, la modernisation des sociétés anonymes est aussi affaire de partenariat, entendu dans son acception la plus large. Le temps est venu de se tourner « vers une élaboration beaucoup plus locale des produits et des règles du jeu associant l’ensemble des partenaires concernés, en adéquation avec le marché local, et de manière à pouvoir ouvrir le parc social à des populations qui n’ont pas d’autres solutions pour se loger » (Jacques Berké lors de son allocution du 29 avril 1992). Si donc le logement des plus modestes et même des plus défavorisés restait la priorité, l’intervention « sur l’ensemble de la gamme des produits d’habitat » était réclamée avec force. Le partenariat avec les collectivités locales C’est naturellement avec les collectivités locales que l’évolution est la plus nette. La décentralisation en œuvre depuis le début des années 1980 a incité les SA à resserrer quotidiennement leurs liens avec les collectivités locales ; en retour, ces dernières se montrent sensibles au professionnalisme de ces sociétés en recourant toujours davantage à leurs compétences. Dans leur stratégie d’entreprise, certaines SA affichent un rôle d’opérateur urbain local. DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 127 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Face à la décentralisation, la Fédération des SA tenait une position très souple : « Nos sociétés anonymes sont des partenaires qualifiés dans ce vaste mouvement de redistribution des pouvoirs : organismes locaux, largement décentralisés sur tout le territoire, ils sont partie intégrante de l’économie locale. A chacun de s’insérer localement dans le nouveau dispositif, au fur et à mesure de sa définition. Et peut-être, à terme, faudra-t-il revoir l’organisation interne de notre fédération pour s’adapter aux nouvelles lois nées de la décentralisation » (Assemblée générale des 3 et 4 février 1982). DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 128 Bien ancrées localement, les SA d’HLM ont très vite développé avec les maires des relations exemptes de la méfiance ancienne entre le public et le privé. Les relations avec les locataires Le client et le service Face à l’arrivée de nouvelles catégories de locataires, en lien avec la résorption de l’habitat insalubre, et de populations modestes et immi- SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 grés, la Fédération, partant du principe intangible depuis la fondation des SA que leur rapport avec les locataires se situait au-delà du simple paiement du loyer, réaffirmait la nécessité d’une gestion humaniste. Dès 1977 le Conseil fédéral rappelait que « les sociétés anonymes d’HLM ne peuvent se limiter à bâtir des logements dont elles auraient seulement à assurer la gestion technique et financière. La Fédération recommande aux sociétés de définir clairement les domaines et les niveaux où s’exercera le dialogue, ainsi que les pouvoirs des instances que chaque société pourra librement mettre en place. Elle rappelle à chacune d’elles qu’en matière de charges locatives et de prestations, une information claire et précise doit être donnée aux habitants, et que les moyens d’exercer le droit de contrôle que leur donne la loi doivent être mis à leur disposition. De façon plus générale, elle considère comme allant de soi, que soit étudié avec les habitants tout ce qui touche à la vie quotidienne de leurs ensembles d’habitations, sans que soient jamais perdus de vue les charges qui en résulteront ». En 1981, 184 SA affirmaient rencontrer régulièrement les amicales de locataires, alors qu’il existait 202 sociétés où les locataires étaient, à des degrés divers, organisés, même partiellement, en amicales ; 60 sociétés participaient à des commissions mixtes HLM-usagers ; une cinquantaine avait mis en place des conseils d’habitants ou de résidents, des commissions spécialisées, ou avaient expérimenté des modalités diverses de concertation. Enfin, en 1983, 39 SA avaient fait entrer des représentants des locataires dans leurs conseils, 32 des militants syndicalistes, 13 avaient créé DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 129 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 des comités consultatifs. Cette dynamique a précédé l’obligation faite aux organismes d’HLM d’accueillir des représentants des locataires élus au sein de leurs conseils d’administrations. Depuis 1994, la Commission mixte nationale HLM-habitants est présidée par René Lallement, administrateur du « Foyer Rémois » et membre du Bureau fédéral de la Fédération des SA. Dans les relations avec les locataires, le gardien est devenu un personnage-clé qui n’a plus rien à voir avec le « Monsieur Pipelet » des immeubles de rapport. Il occupe un emploi stratégique : étant proche des habitants, il peut en permanence mesurer les variations du climat social et prévenir les dérapages et incidents. Les SA se sont attachées à adapter leur organisation, leurs compétences, leurs savoir-faire, pour développer des relations personnalisées avec leurs locataires-clients, être mieux à l’écoute de leurs besoins, et améliorer la professionnalisation des réponses à apporter à leurs attentes. Nombre de sociétés se sont engagées dans des démarches qualité garantissant à leurs locataires un bon niveau de prestations de service pour l’entretien du logement, des parties communes et l’animation de la vie quotidienne collective. La coopération avec le milieu associatif et le renforcement d’une gestion sociale de proximité Au Congrès de Grenoble (1987), le président Marcel Lair revendiquait un rôle de coordonnateur de l’insertion des populations logées : « L’insertion ou la réinsertion des familles exige aussi l’aide conjointe des communes, des caisses d’allocations familiales, des organisations professionnelles et syndicales, comme aussi d’associations diverses. C’est à nous d’éveiller leurs sensibilités, de mobiliser leurs énergies, de les rendre efficaces. Bref ! Nous devons susciter les chaînes des solidarités. » Les SA ont tissé des liens avec le milieu associatif au point de former de véritables réseaux de solidarités locales. Si les liens des SA avec le mouvement associatif sont très anciens (certaines SA sont issues d’associations ou d’un mouvement coopératif qui s’en approchait), DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 130 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 l’enracinement de la récession depuis le second choc pétrolier a nettement contribué à les réveiller et à les affermir au point de leur conférer un caractère institutionnel. 54% des sociétés anonymes ayant répondu à une enquête réalisée en 1996 participent au mouvement associatif en étant représentées dans le Conseil d’administration d’une ou de plusieurs associations, et 20 % d’entre elles ont des associations représentées dans leur propre Conseil d’administration. La conduite d’actions conjointes procède d’une reconnaissance mutuelle de compétences et d’une répartition complémentaire des rôles : tandis que les SA renforcent leurs efforts pour améliorer la vie quotidienne des quartiers d’habitat social et les réinscrire dans les dynamiques de la ville, les associations jouent un rôle essentiel dans le maintien de la cohésion sociale et dans la vie quotidienne des habitants. Ces relations vont donc bien au-delà de la simple concertation ; elles se sont élargies à la coproduction et à la cogestion de projets complexes qui exigent la mobilisation d’un ensemble de savoir-faire. On le voit : leur culture profondément solidariste incite les SA à resserrer quotidiennement les mailles d’un tissu social que l’extension du chômage ne cesse de distendre. Difficile, au demeurant, de rendre compte de l’extrême diversité des actions sociales engagées par les sociétés anonymes ! De l’ouverture de centres d’accueil pour les exclus ou les personnes sans domicile fixe au rachat de patrimoine « social de fait », en passant par la création d’entreprises d’insertion ou de régies de quartiers, la même volonté d’agir se manifeste, le même désir d’avoir raison de la fatalité se fait jour. Une chose est sûre, les initiatives prises par les SA se développent et donnent naissance à de nouvelles pratiques sociales. La gestion locative évolue : la gestion de proximité s’affine, le recrutement de conseillers sociaux devient pratique courante, des animateurs de quartiers, des agents d’ambiance assurent leur tâche d’accompagnement social, en relation avec les gardiens qui sont devenus de véritables médiateurs sociaux. Il s’agit là, à n’en pas douter, d’une évolution conforme au projet social des origines : le logement ne garantit pas l’insertion, mais il en est une condition essentielle. Loger ne suffit plus, il faut travailler à l’insertion des habitants. DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 131 En haut : Quand les SA créent l’événement dans les quartiers d’habitat social : un podium dressé par Domofrance à Lormont, en 1989. En bas : A Marseille, le restaurant associatif de « La Bricade », abrité par Logirem. SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (1983-1997) LE NOUVEAU LOGIS AZUR 1984 NICE LE NOUVEAU LOGIS MERIDIONAL 1984 TOULOUSE LE NOUVEAU LOGIS PROVENÇAL 1984 MARSEILLE LE NOUVEAU LOGIS ALSACIEN 1985 STRASBOURG LE NOUVEAU LOGIS CENTRE-LIMOUSIN 1985 TOURS LE NOUVEAU LOGIS DES MARCHES DU NORD - S.A.M.A.N.O.R. - 1985 PARIS SA D’HLM DU BEAUVAISIS 1989 BEAUVAIS LES FOYERS DE SEINE-ET-MARNE 1989 MELUN SA D’HLM DU LIBOURNAIS 1990 LIBOURNE LOGEMENT POUR TOUS 1992 PARIS RESIDENCES D’ALSACE 1993 THANN IMMOBILIERE RHONE-ALPES 1994 LYON Elles construisirent ces années-là… Patrimoine locatif des SA d’HLM (1983-1995) Nombre de logements 40 000 35 000 30 000 25 000 20 000 15 000 10 000 5 000 0 1983 1985 1987 1989 1991 Année d'achèvement SA DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 132 1993 1995 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Les SA d’HLM, avec l’appui de leur Fédération, se sont efforcées de conjuguer capacité d’adaptation, responsabilité et autonomie de gestion de l’entreprise. Jacques Berké, président de la Fédération depuis 1992, soulignait lors de l’Assemblée générale de 1994 cette recherche constante d’un élargissement et d’un renforcement de leur professionnalisme : « les SA d’HLM conduisent des améliorations permanentes en matière d’écoute des locataires, de réponse à la diversité des situations, d’approfondissement de leur métier de base, tout en allant très loin dans la réponse aux problèmes sociaux. » Et il réaffirmait l’ambition des sociétés d’être des opérateurs de l’habitat dans toutes ses dimensions : « Non seulement nous devons contribuer aux réponses en direction des défavorisés dans toute la gamme des solutions d’habitat et d’accompagnement, mais nous devons également répondre au logement des catégories moyennes, voire, dans certains marchés spécifiques, à l’ensemble des problèmes d’habitat. » DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE - 133 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 UN PASSÉ SOURCE DU FUTUR - 134 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 Un passé, source du futur Au-delà de la diversité des Sociétés Anonymes d’HLM et de l’originalité des initiatives de leurs fondateurs, leur histoire démontre à l’évidence leur appartenance à une communauté d’idées et d’objectifs : apporter aux hommes par le logement un moyen de mieux vivre et de mieux être. Elles sont fortes de leur propre histoire, fières de leurs fondateurs et de leurs réalisations, attachées aussi à leur autonomie qu’elles se sont toujours efforcées de préserver. Leur volonté d’autonomie et de responsabilité a toujours été une force, elle n’a pas son pareil pour tisser des liens d’homme à homme, d’organisme à organisme, pour développer des solidarités d’actions et de compétences. Pour donner plus d’écho à leurs messages et à leurs actions qui devenaient chaque jour un peu plus une mission d’intérêt général, les sociétés ont cherché à se rassembler autour de valeurs communes. Et c’est ainsi qu’elles ont, voici 70 ans, affirmé leur perception commune des besoins et des attentes d’une population modeste en se constituant en une Fédération qui venait alors rejoindre, dans une position d’autonomie constructive, l’union confédérale des acteurs du logement social récemment créée. Dès lors s’est formée au fil des ans une identité collective des Sociétés Anonymes d’HLM et la reconnaissance publique du rôle essentiel qu’elles jouent dans leur domaine spécifique : tous les ministres présents à leurs Assemblées Générales l’ont attesté et les exemples cités dans ce livre en apportent une preuve incontestable. L’histoire des 330 Sociétés Anonymes d’HLM témoigne aussi de leur adaptation permanente aux enjeux de société. Les Société Anonymes d’HLM ont toujours su répondre présent aux moments forts de l’histoire de notre pays, pour loger les salariés en accompagnement du développement industriel, participer à l’émergence et au développement de l’accession, s’engager résolument dans les ambitieuses, voire utopiques, politiques d’aménagement des années 60/70, contribuer dans des temps plus récents au développement urbain et à la qualité de vie dans les villes. De même elles ont pris leur part dans les temps d’urgence, à la reconstruction, à la résorption des bidonvilles et de l’insalubrité, à l’accueil des rapatriés ; tout comme aujourd’hui, elles prennent leur part dans l’accueil des personnes démunies, l’intégration des quartiers dans les villes, et le renforcement de la cohésion sociale. Tout en s’obligeant à préserver ce passé, cette histoire au service de la collectivité, les SA d’HLM sont à l’écoute des évolutions de la société dans le nouveau cadre politique et économique européen qui se construit. Elles doivent saisir toutes les opportunités qu’offre ce nouveau contexte afin de relever les défis qui se présentent dans toutes les dimensions de l’habitat. Cela exige une cohésion, locale et nationale, entre les sociétés dans le cadre du mouvement HLM. Cela exige une rénovation indispensable pour leur permettre de rester fidèle à leur histoire, à leurs valeurs originelles. C’est là tout l’enjeu de demain, tout l’enjeu de leur projet. Jacques BERKÉ Président de la Fédération Nationale des Société Anonymes et Fondations d’HLM. UN PASSÉ SOURCE DU FUTUR - 135 SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853 La Fédération Nationale des Sociétés Anonymes et Fondations d’HLM remercie les sociétés qui ont apporté leur contribution à la réalisation de cet ouvrage, qui ont mis à la disposition de la Fédération, leurs archives, leurs documents iconographiques et les publications sur leur histoire. Conception réalisation Foka Kampinga-Pettenati / Luciole graphic Tél. : 01 47 45 42 59 Impression Imprimerie Alençonnaise Tél. : 01 45 44 48 40 © Photos Patrick Kamoun : p. 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 29, 30, 31, 32, 35, 36, 37, 40, 41, 43, 46, 48, 49, 51 Musée Social : p. 21, 27, 43, 47 François Xavier Bouchard, photothèque UNFOHLM : p. 13, 47, 97, 112, 126 Photothèque UNFOHLM : p. 94, 131 • Institut Français d’Architecture : p. 26 • La Voix du Nord : p. 52 L’Est Républicain : p. 82 • Mémoire de Bordeaux,Vincent Olivar : p. 77 • Sud-Ouest : p. 88, 89, 104, 105 G. Lienhard : p. 67 • Mission des Travaux Historiques de la Caisse des Dépôts et Consignations : p. 70 MELT/SIC : p. 59, 61, 65, 71 • Alain Gesgon CIRIP : p. 62 • G. Paoli : p. 76 • J.P. Jaufret : p. 76 François Ferney : p. 79 • Robert Durandaut : p. 84 • Guy Borge : p. 89 • Jean-Louis Halbout : p. 89 Hervé Abbadi : p. 106 • GABORIT : p. 110 • Achdou : p. 116 • Thierry Chassepoux : p. 115 J.L. Luyssen : p. 122 • G. Grossay (MELT) : p. 123 • Mario Ponta : p. 128, 129, 130 Actualités HLM : p. 109 • Christian Legay : p. 115 La Fédération remercie également pour la recherche iconographique : Michèle Levrier et Danielle Leroy de l’UNFOHLM, Patricia Repérant du Ministère de l’Équipement e Ce livre a été édité le 15 octobre 1997 à l’occasion du 70 anniversaire de la Fédération Nationale des SA et Fondations d’HLM, association membre de l’UNFOHLM, 14, rue Lord Byron , 75008 Paris. ISBN : 2-9511774-0-2 Toute reproduction même partielle est réservée. - 136 «Au commencement donc furent les SA d'HLM...» La famille des Sociétés Anonymes d’HLM se caractérise par une grande diversité. C’est le signe d’une remarquable aptitude à s’adapter à des besoins locaux d’ampleur variable, à tisser des liens durables avec les collectivités locales et tous les acteurs impliqués à des titres divers dans le logement social. L’histoire des 330 sociétés témoigne aussi de leur adaptation permanente aux enjeux de société. Les Sociétés Anonymes d’HLM ont toujours su répondre présent aux moments forts de l’histoire de notre pays, pour loger les salariés en accompagnement du développement industriel, participer à l’émergence et au développement de l’accession, s’engager résolument dans les ambitieuses, voire utopiques, politiques d’aménagement des années 60/70, contribuer dans des temps plus récents au développement urbain et à la qualité de vie dans les villes. De même, elles ont pris leur part dans les temps d’urgence, à la reconstruction, à la résorption des bidonvilles et de l’insalubrité, à l’accueil des rapatriés ; tout comme aujourd’hui, elles prennent leur part dans l’accueil des personnes démunies, l’intégration des quartiers dans la ville, et le renforcement de la cohésion sociale. FÉDÉRATION NATIONALE DES SOCIÉTÉS ANONYMES ET FONDATIONS D’HLM 14, RUE LORD BYRON - 75008 PARIS • TÉL. : 01 40 75 78 00 • FAX : 01 40 75 68 04 Association membre de l’UNFOHLM 225 F TTC Sociétés anonymes d’HLM depuis 1853 La famille des Sociétés Anonymes d’HLM est née de l’initiative privée. Une initiative partagée en de multiples tendances ou sensibilités incarnées par des industriels, des hygiénistes, des utopistes et des philanthropes. Des engagements divers, des motivations différentes mais une cause commune.