Sociétés anonymes d`HLM depuis1853

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Sociétés anonymes
d’HLM
depuis
1853
UNE CERTAINE PHILOSOPHIE DE L’ACTION PRIVÉE
POUR UNE MISSION D’INTÉRÊT GÉNÉRAL
Vincent VIET
Chercheur associé à l’institut d’Histoire du
Temps présent (C.N.R.S.), il est un spécialiste
en histoire sociale ; il a consacré ses travaux
à l’histoire de l’Inspection du Travail
(« Les voltigeurs de la République » édition du C.N.R.S. 1994), aux questions
migratoires, et à la prévention des risques
professionnels.
Roger-Henri GUERRAND
Historien de la vie quotidienne en milieu
urbain, il compte parmi les fondateurs des
nouvelles écoles d’architecture créées en 1969.
Il a, en 1966, soutenu la première thèse
française consacrée à l’histoire du logement
populaire.
Sociétés anonymes d’HLM
1853
depuis
UNE CERTAINE PHILOSOPHIE DE L’ACTION PRIVÉE
POUR UNE MISSION D’INTÉRÊT GÉNÉRAL
Une histoire d’hommes et de femmes des sociétés anonymes
et fondations d’HLM, et de leur fédération.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Cet ouvrage a été achevé d’imprimer et façonné
sur les presses de l’imprimerie Alençonnaise
en octobre1997.
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Sociétés anonymes
d’HLM
depuis
1853
UNE CERTAINE PHILOSOPHIE DE L’ACTION PRIVÉE
POUR UNE MISSION D’INTÉRÊT GÉNÉRAL
Paris
Octobre 1997.
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ce livre est un ouvrage collectif.
Il a été réalisé à partir des travaux historiques
menés par Vincent Viet (Institut d’Histoire du Temps présent - CNRS) et
par Roger-Henri Guerrand, en collaboration avec Patrick Kamoun.
L’élaboration de ce livre a été suivie par un groupe de conseillers fédéraux :
Maurice Becker (Vice-Président de la SAREL), Jean Foscoso (administrateur de Logirep)
et Maurice Masseron (administrateur de la SA l’Audoise et l’Ariégeoise).
La coordination de l’édition a été assurée par Jean-Marie Cornaire,
Vincent Lourier et Béatrix Mora.
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Sommaire
Préface
p. 7
Introduction « Au commencement furent les sociétés anonymes... » p. 9
I - 1850-1900 Les ressorts de l’initiative privée
■ La dynamique patronale
■ Du logement ouvrier aux habitations à bon marché
■ L’essor des sociétés anonymes d’HBM
■ L’élan novateur des philanthropes
p. 17
p. 17
p. 21
p. 24
p. 34
II - 1900-1945 L’action libérale et les politiques publiques
■ Le temps des incertitudes
■ Attendre ou innover ?
■ Naissance et premiers pas de la Fédération
■ Un regroupement des initiatives patronales précurseur des CIL
p. 41
p. 41
p. 44
p. 49
p. 52
III - 1945-1957 Répondre à l’urgence
■ La part décisive des SA d’HLM à l’effort
de reconstruction et de construction
■ Répondre à la diversité des besoins tout en traitant l’urgence,
un impératif pour la Fédération des SA
■ Naissances et renaissances
p. 57
IV - 1957-1967 Les bâtisseurs
■ La mobilisation des SA pour faire face à l’explosion des besoins
■ L’industrialisation et la fièvre de croissance
■ La professionnalisation des SA
p. 71
p. 71
p. 81
p. 90
V - 1967-1983 L’habitat dans toutes ses dimensions
■ Les SA, acteurs de la construction des villes nouvelles
■ Le passage de la production à la gestion de l’habitat
■ Une réforme attendue de la politique du logement
■ La diversification des activités
p. 95
p. 95
p. 99
p. 107
p. 108
VI - 1983-1997 Des entreprises pour la cohésion sociale
■ Se moderniser
■ Dialoguer, tisser des liens, insérer
p. 123
p. 124
p. 127
Conclusion Un passé, source du futur
p. 135
SOMMAIRE
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5
p. 57
p. 59
p. 63
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Souvenir, souvenir…
Que me veux-tu ?
Paul VERLAINE
Poèmes saturniens
PRÉFACE
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Préface
Constituée voici soixante-dix ans, la Fédération des SA d’HLM commémore
l’événement : soixante dix ans , cela compte… et cela se raconte.
Célébrer un anniversaire, c’est mesurer le temps, revivre le passé, ses projets, ses
efforts, ses réussites, ses joies, quelquefois aussi ses peines, ses difficultés, ses revers.
C’est bien ainsi que le souvenir interpelle et la réponse à la question du poète, c’est un
regard lucide et sans complaisance sur le passé, c’est l’examen attentif du présent mais
ce sont aussi les préoccupations de l’avenir.
Car il est bon de s’interroger : l’interrogation est une sagesse !
Que reste-t-il de ces soixante-dix années de vie de nos sociétés et de leur Fédération ?
Quelle contribution ont-elles apporté à cette cause du logement social que d’autres
aussi partagent avec nous ? Sur quoi donc a débouché notre action fédérale ?
Des centaines de milliers de logements réalisés, des générations entières de familles
mieux logées, des apports significatifs à la réorganisation des régions sinistrées comme
à la résorption des habitats insalubres, des apports remarquables à l’expansion économique, au développement des villes aussi, mais surtout le souci du mieux être de tous
sans oublier les isolés, les personnes âgées, les situations de précarité, le lien social…
Tout ceci doit être rappelé et mériterait d’être répertorié, inventorié bien au-delà des
aperçus qu’en donnent les auteurs de cet ouvrage qui n’ont pu que limiter les
exemples.
Mais encore, voilà une Fédération qui milite pour l’octroi d’une aide au logement des
familles, qui défend la qualité et la diversité, qui élargit sa légitimité sociale, qui met en
place des instances de concertation, qui exige rigueur et prudence dans la gestion, qui
invente des dispositifs d’autocontrôle, qui se dote d’une charte de déontologie… etc.
Tout cela, ce sont des actions solides et des fondations pour aller plus loin.
Assumer une mission d’intérêt général, au service des hommes et des femmes de notre
pays, en opérateurs responsables et solidaires, telle est notre exigence dont notre
passé que relate cet ouvrage est et reste le garant.
Amis de la Fédération et de nos Sociétés, permettez au doyen de votre Conseil Fédéral
de vous dire en ces jours de souvenir ses souhaits de bon anniversaire et ses vœux
pour faire demain, avec l’enthousiasme et le dévouement qui vous caractérisent, encore
plus et encore mieux que ce qui est raconté ici.
Maurice BECKER
Membre du Conseil Fédéral depuis 1957
Vice-Président de la SAREL
PRÉFACE
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7
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
INTRODUCTION
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
« Au commencement furent
les Sociétés anonymes...* »
L
a Fédération des sociétés anonymes et des fondations d’HLM fête, en
cette année 1997, son soixante-dixième anniversaire. Cet événement fait date, si l’on songe que
l’histoire des SA l’a précédée de quelque... soixante-dix années, avec la création de la « Société
Mulhousienne des Cités Ouvrières » (SOMCO) en 1853. Soixante-dix années d’un côté,
soixante-dix de l’autre : étonnante symétrie des durées qui jamais plus ne se reproduira ! Mais
aussi bonne occasion de rappeler que l’histoire des SA fut d’abord et reste encore affaire
d’hommes et de femmes aux prises avec les réalités du terrain. Cet anniversaire est donc avant
tout le leur et celui des SA qui, nées à des époques différentes, ont trouvé place au sein d’une
famille rassemblant aujourd’hui plus de 330 sociétés pour un patrimoine de plus d’un million
cinq cent mille logements.
Se tourner vers ses origines, c’est entreprendre une quête de sens : d’où vient-on, de quelle
étoffe est-on fait ? La réponse à cette question est loin d’être simple, car la famille des
SA d’HLM, née de l’initiative privée, a dû progressivement s’appuyer sur un cadre légal défini par
les pouvoirs publics, sans jamais renoncer à ses liens avec le monde des entreprises. Par ailleurs,
les premières sociétés anonymes d’habitations à bon marché avaient un idéal ou une philosophie très proches des valeurs qui étaient celles de la IIIe République. Leur filiation est donc
double : l’initiative patronale d’une part, les liens culturels et politiques qu’elles ont entretenus
avec le « parti républicain » d’autre part.
* Préface de l’ouvrage « Cent ans d’habitat Social »
INTRODUCTION
-
9
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
F
AIRE DU LOGEMENT UNE QUESTION SOCIALE
INDÉPENDANTE DE LA RELATION DE TRAVAIL
Ci-dessous :
Une réalisation de la SA,
les logements économiques
de Lyon, au début de ce
siècle. Pour les promoteurs
des HBM, le logement
populaire doit donner
le goût du travail et de
l’économie aux plus
modestes.
L’histoire des sociétés anonymes spécialisées dans la construction d’habitations à bon marché
apparaît à l’origine inséparable des pratiques patronales concernant le logement des ouvriers
travaillant en fabrique ou dans un établissement industriel. La famille des SA d’HLM s’est progressivement détachée de l’initiative patronale en dissociant le contrat de logement du contrat
de travail. Ce faisant, elle a contribué à faire du logement une question publique et même
sociale, indépendante de la relation de travail. L’initiative de cette dissociation est venue de
réformateurs sociaux, influencés par les idées de Frédéric Le Play, qui souhaitaient faire disparaître les taudis nés de l’exode rural - dû à la révolution industrielle - et des travaux d’aménagement des grandes villes. Fait remarquable, ces réformateurs, philanthropes ou hommes
publics, œuvraient en parfaite intelligence avec les milieux industriels qui, bien souvent, partageaient leurs idées mais appliquaient d’autres méthodes.
Avec la loi Siegfried du 30 novembre 1894 créant l’appelation « HBM », le mouvement en faveur
du logement populaire a pris une forme autonome : des SA d’HBM se sont constituées pour
loger des personnes répondant aux critères retenus par la législation, que ce soit pour le compte d’entreprises ou de municipalités. Cette loi a étendu le champ de l’intervention privée en
permettant à des employeurs, soucieux de construire des logements pour leur personnel salarié, d’utiliser, s’ils le souhaitaient, un
nouveau cadre : celui des HBM. C’est
ainsi que les industriels Michelin ont
créé, le 31 janvier 1909, la SA des
HBM de Clermont-Ferrand, tandis
que d’autres sociétés, comme la
SOMCO, sont restées en dehors du
mouvement HBM avant de devenir
ultérieurement des SA d’HLM.
La famille des SA est, en tout cas,
restée proche de l’initiative patronale dont les formes se sont diversifiées avec l’apparition en 1943, puis
le développement, des organismes
collecteurs au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale.
INTRODUCTION
-
10
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L
ES DIFFÉRENTES FACETTES
DE L’INITIATIVE PRIVÉE
Les SA ont puisé leur inspiration à de multiples courants, allant du libéralisme au christianisme
social (catholique ou protestant) en passant par l’hygiénisme et le solidarisme, troisième voie
entre le socialisme d’Etat et le libéralisme. Or, c’est précisément à la confluence de ces différents courants qu’est né, dans les années 1880 et 1890, un véritable « modèle social républicain »
dont les valeurs se sont diffusées par le canal de l’école de la République. Ce modèle, en parfaite adéquation avec la promotion des classes moyennes, tirait de la philosophie des Lumières
la croyance dans un progrès indéfini, fondé sur l’effort personnel, le travail et l’épargne, vertus
que les sociétés anonymes ont incarnées à travers un actionnariat aussi diversifié que représentatif des forces vives du pays : dès le départ, l’actionnariat des SA comprenait des personnes
physiques mais aussi des institutions financières (caisses d’épargne, notamment) et des collectivités locales.
INTRODUCTION
-
11
Ci-dessous :
Édifié à Boissy-Saint-Léger de
1926 à 1929, ce lotissement
de la Société d’HBM
« Le Progrès » abritait
95 pavillons en accession
à la petite propriété.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
U
NE CERTAINE PHILOSOPHIE DE L’ACTION
PRIVÉE POUR UNE MISSION
D’INTÉRÊT GÉNÉRAL
Ci-dessous :
Le quartier des « Champs
Montants », à Audincourt
au début des années 60.
Plus de 1 000 logements y
furent construits par la
SAFC.
Des nuances existaient avant la Première Guerre mondiale entre les libéraux, présents au pouvoir jusqu’en 1899 et leur successeurs, les radicaux. S’il convient de les évoquer, c’est parce
qu’elles se retrouvent aussi parmi les SA. Les libéraux estimaient, à la suite de Gambetta, qu’il
n’appartenait pas à l’Etat de régler la question sociale, mais seulement de créer les conditions
nécessaires à sa solution. Dans leur esprit, le suffrage universel et l’école obligatoire et gratuite
suffisaient à asseoir le progrès social sans l’intervention de l’Etat. Membre d’honneur de la
« Société française des Habitations à bon marché », Jules Simon se plaisait notamment à opposer
un « libéralisme d’Etat » au « socialisme d’Etat », ne demandant qu’une chose : « que l’Etat permette à l’initiative privée de se mouvoir plus librement, en supprimant les obstacles de la législation existante et en accordant des facilités nouvelles pour susciter les efforts des particuliers ».
Pour leur part, les radicaux considéraient depuis les années 1840 que l’Etat devait intervenir en
protégeant les plus faibles et les plus démunis et en favorisant l’accession à la propriété, garantie de la liberté et de la dignité humaine.A la fin du 19e siècle, leur projet s’incarnait dans la doctrine contractuelle du solidarisme qui visait l’harmonie des classes (et non pas la lutte des
classes). Cette doctrine
consensuelle permettait
de fédérer autour d’un
même dessein des catholiques sociaux, des mutualistes, des syndicalistes
réformistes, des fonctionnaires, des réformateurs
laïcs, des socialistes, des
modérés et des radicaux.
Plus interventionnistes, les
radicaux n’en partageaient
pas moins avec les libéraux
le même projet social,
fondé sur la promotion
des plus travailleurs et des
plus méritants par le logement et l’éducation.
INTRODUCTION
-
12
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
La famille des SA d’HLM a adhéré à ce projet social en s’appuyant d’abord sur l’initiative privée
puis, durant les Trente Glorieuses, sur l’intervention publique. L’histoire des SA reflète ainsi une
certaine philosophie de l’action privée dans le cadre d’une mission d’intérêt général, fondée sur
la responsabilité individuelle et sur la volonté d’allier souplesse et innovation, professionnalisme
et force de proposition, rigueur et désintéressement.
L
A DIVERSITÉ DE LA FAMILLE DES SA
Il importe, au-delà de ces caractères profondément originaux,
de mettre en évidence la diversité grandissante de la famille
des SA depuis ses origines. Se réclamant de principes fondateurs communs et vouées aux mêmes finalités, les premières
sociétés offraient au départ une certaine unité : leur capital
social était en général de faible importance, la structure de
leur actionnariat ne présentait pas de grandes disparités
(le poids des personnes physiques était décisif avant le développement des comités interprofessionnels du logement,
CIL), et leur patrimoine immobilier fut, à de rares exceptions
près, peu étendu jusque dans les années 1950.Toutes ces données ont été bouleversées dans les décennies suivantes au
point d’aboutir à de grandes différences d’une société à
l’autre, d’un groupe à l’autre, tant au niveau de l’étendue du
patrimoine immobilier que des effectifs employés ou des
fonds engagés. Cette diversité est le signe d’une remarquable
aptitude à s’adapter à des besoins locaux d’ampleur variable,
à tisser des liens durables avec les collectivités locales et tous
les acteurs impliqués, à des titres divers, dans le logement
social.
INTRODUCTION
-
13
Ci-dessous :
A Mulhouse, la SOMCO poursuit son œuvre en faveur du logement
depuis quasi 150 ans. Ici, le programme « Flammarion »
édifié entre 1986 et 87.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Quelle est l ’origine du statut
des Sociétés anonymes d’HLM ?
Bien que la forme juridique des sociétés anonymes date de 1867, il semble légitime de rattacher
le mouvement ultérieur de création de sociétés anonymes d’HBM aux sociétés par actions qui
existaient auparavant et avaient le même objet. Lorsque le label HBM fut créé avec la loi
Siegfried du 26 novembre 1894, quinze sociétés fondées entre 1867 et 1894, demandèrent l’approbation de leurs statuts comme SA au ministre du Commerce et de l’Industrie. Dès lors, l’histoire des SA et de leurs émules (Coopératives et Sociétés de crédits immobiliers) s’est confondue
avec celle des Habitations à bon marché, jusqu'à la création des Offices en 1912.
La loi du 24 juillet 1867 fixant la forme juridique générale des sociétés anonymes supprima le
régime de l’autorisation préalable auquel étaient assujetties les sociétés par actions, mais la loi
Siegfried du 26 novembre 1894 le rétablit de fait pour celles d’entre elles qui s’étaient donné
ou se donnaient pour objet exclusif soit de procurer l’acquisition d’habitations salubres et à bon
marché à de personnes non propriétaires, soit de mettre en location des habitations de cette
nature, soit d’améliorer les habitations déjà existantes. Pour bénéficier des faveurs fiscales et
financières de la loi, ces sociétés devaient, en effet, soumettre leurs statuts à l’agrément du ministère du Commerce et de l’Industrie.
INTRODUCTION
-
14
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Il existe un passé qui n’est
qu’un cimetière de l’histoire.
Il en existe un autre d’où jaillit,
dans sa profondeur vivante,
la source du futur.
Gregorio Marañón y Posadillo
INTRODUCTION
-
15
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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16
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
Cité Menier à Noisiel.
Page précédente :
Premier Groupe d’Habitations à bon marché
réalisé sur concours en France en 1892-93
par la Société des Habitations Economiques
de Saint-Denis (architectes : Guyon et Picard).
Programme mi-locatif, mi-accession de
24 pavillons et de petits immeubles collectifs
destinés à des ouvriers et petits employés
habitant Saint-Denis,Aubervilliers
et les environs.
1850/1900
Les ressorts de l’initiative privée
L
Première
époque
A DYNAMIQUE PATRONALE
Le modèle patronal restait, depuis l’Exposition
universelle de 1867, la référence centrale en
matière de logements ouvriers et le terreau
commun de l’initiative privée. S’il existait, depuis
le milieu des années 1850, un petit nombre de
sociétés spécialisées dans la construction
d’habitations ouvrières à un coût inférieur à
ceux ordinairement pratiqués (environ une
trentaine), leur patrimoine était loin d’égaler en
importance celui que la grande industrie avait
progressivement constitué depuis 1810.
Le patrimoine immobilier
constitué par
la grande industrie
Le problème du logement de masse fut d'abord
posé par les industriels.
Le type le plus achevé de la satisfaction totale
des besoins et des aspirations du personnel
d'une entreprise a été longtemps représenté
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
-
17
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
par le « Familistère de Guise » fondé, sous le
Second Empire, par J.-B. A. Godin, l'inventeur
des fameux poêles et un moment le plus important fabricant d'appareils de chauffage du
monde. Bien plus qu'un industriel avisé, Godin
fut essentiellement un utopiste dont l'idéal ne
pouvait s'inscrire que dans une communauté
transparente soudée autour de son initiateur
gouvernant à la fois son usine et la vie familiale
de ses compagnons. De là, un « palais sociétaire » dont l'aspect régimentaire avait effrayé
Emile Zola. Pour sa ville idéale de Beauclair, il
choisit le pavillon unifamilial et c'est effectivement ce modèle qui fera école chez les grands
patrons français.
Ci-contre :
Godin s’efforca de
convertir ses
contemporains à son
« palais social ».
Dans un livre publié
en 1874, il en décrit
les avantages
et les innovations.
Ci-contre :
La fête de la
gymnastique au
Familistère de Guise.
En haut de
la page 19 :
La cour centrale.
C’est en 1858
que Godin
entreprit de
construire,
sur un terrain
de 18 hectares,
le « Familistère ».
Composé
d’un pavillon
central,
et de quatre
autres bâtiments,
l’ensemble abritait
465 logements
et de nombreux
services
collectifs.
Après le rachat
de l’entreprise,
les logements
seront vendus
aux locataires
en 1968.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
-
18
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Dans le secteur minier, si important pour l'économie nationale jusque bien après la Libération,
la plupart des sociétés entreprirent également
de loger leur personnel. A la fin du 19e siècle, la
Compagnie des Mines d'Anzin, fondée en 1757,
offre en location plus de 3 500 maisons de
quatre pièces-cuisine.
Au début du 20e siècle, la Société des Mines de
Lens tenait à la disposition de ses 14 500
ouvriers et employés 5 724 maisons regroupées
en 14 cités. En Lorraine, la plus belle réussite
des Wendel dans le domaine du logement fut le
village de Joeuf, dans le bassin de Briey : 800
logements furent édifiés entre 1880 et 1914.
A leur tour, les compagnies de chemins de fer
ne négligèrent pas la question : elle s'imposa à
l'ordre du jour du 3e Congrès international des
chemins de fer tenu à Paris en 1889.Toutes les
sociétés allaient construire : le logement fut une
pièce capitale dans la formation de la corporation cheminote.
De trop rares enquêtes ont rendu compte du
patrimoine immobilier privé des grandes entreprises françaises. Il est possible que sa relative
importance ait freiné une prise de conscience
de l'importance du problème par les pouvoirs
publics.
Ci-contre :
La Cité édifiée par
le chocolatier
Emile Menier à
Noisiel en 1870.
Moyennant un loyer
minime de 150 francs
par an, les ouvriers
disposaient d’un
pavillon avec
buanderie et jardin.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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19
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L’œuvre pionnière
de Jean Dollfus
L’exposition universelle de 1889
Pour fêter le centenaire de la Révolution française en 1889, le gouvernement décida
de commémorer cet évènement non seulement sur le plan politique mais aussi sur
le plan social. La section Onze de l'Exposition universelle se proposa de présenter,
« dans un nombre suffisant de classes, l'ensemble des sources du bien-être, le tableau
complet des institutions de prévoyance et l'habitation sous toutes ses formes ». Une
rue des Habitations ouvrières fut tracée sur l'esplanade des Invalides : on y circulait
entre des maisons construites en vraie grandeur ; des stands abritaient des maquettes,
dont celle du Familistère de Guise. Les pionniers furent récompensés. Le Grand Prix
des Habitations ouvrières fut dédié à la mémoire de Jean Dollfus, président-fondateur
de la cité de Mulhouse. La Compagnie des Mines d'Anzin, celle des Mines de Blanzy,
Menier à Noisiel, Schneider au Creusot, la Société philanthropique à Paris, l'architecte
rouennais Lecœur, reçurent des médailles d'or.
C'est pour répondre à la pression démographique suscitée par l’essor industriel de
Mulhouse et de sa région que le manufacturier
Jean Dollfus constitua en 1853 la Société mulhousienne des cités ouvrières (SOMCO), avec
un capital de 300 000 francs (60 actions de
5 000 francs). La réputation de ces réalisations,
grâce aux expositions universelles, allait franchir
les frontières.
Le modèle retenu fut le pavillon unifamilial.
Des équipements collectifs permettaient de
vivre dans la cité en autarcie complète : salle
d'asile, local de consultations et de soins gratuits
pour les malades, établissement de bains, lavoir
doté d'une essoreuse à force centrifuge, boulangerie, restaurant fournissant des plats préparés
à bas prix, magasin de vente à bon marché
d'objets de première nécessité.
Cependant, la grande originalité de la cité de
Mulhouse consista dans son système d'accession à la propriété : la location-vente par mensualités après un apport. Par souci d'intégration
à la ville, la cité n'était pas réservée au
personnel des filatures : on y dénombrait
80 professions différentes. Cette initiative fit
école en Alsace : en 1914, on y dénombrait
12 sociétés de construction et une fondation.
Ci-contre :
La Cité ouvrière de
Mulhouse.
Avec la création de la
Somco en 1853
débute l’histoire
des sociétés anonymes d’HLM.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
D
U LOGEMENT OUVRIER AUX HABITATIONS BON MARCHÉ
Jules Siegfried,
promoteur des HBM
La dynamique patronale fut renforcée dans les
deux dernières décennies du 19e Siècle par l’action novatrice de quelques réformateurs
Jules SIEGFRIED (1837-1922) :
Né à Mulhouse, il s'établit au Havre
comme négociant en coton dès 1862.
Elu maire de cette ville, il y crée le
Premier bureau d'Hygiène de France
après avoir fondé une société anonyme
construisant des pavillons en accession
à la propriété. Député républicain à
partir de 1885 puis Ministre du
Commerce et de l’Industrie, il fera voter
la loi de 1894 qu’il a préparée avec les
membres de la SFHBM. Plus tard, la loi
de 1919, premier texte sur les plans
d'aménagement et d'extension des
villes, sera également son œuvre. Très
soutenu par son épouse qui lutta pour
le vote des femmes, Siegfried représente un type achevé de militant social
au début du 20e siècle.
sociaux qui impulsèrent un mouvement en
faveur du logement populaire. L’un des ses principaux animateurs, Jules Siegfried (1837-1922),
était natif de Mulhouse, l’un des plus grands
centres manufacturiers d’Alsace, mais aussi un
des plus brillants foyers d’initiatives sociales et
philanthropiques de la France du 19e siècle. De
confession protestante, ce républicain de
Emile CHEYSSON (1836-1910) :
Ingénieur des Ponts et chaussées
et statisticien de réputation internationale, c'est un partisan
convaincu de l'initiative privée.
Membre de plusieurs dizaines de
sociétés s'occupant de « réforme
sociale », il publie de très nombreuses contributions sur les problèmes du logement populaire.
Avec ses amis Picot et Siegfried, il
forme un trio de « militants
sociaux » qui ont lancé des idées
et des actions dont les prolongements sont toujours actuels.
Georges PICOT (1838-1909) :
Magistrat passionné par les
recherches historiques, il est élu à
quarante ans par l'Académie des
Sciences morales et politiques.
Après la guerre de 1870, leader
du mouvement philanthropique, il
est persuadé que l’initiative privée pourra suffire à résoudre les
problèmes sociaux posés par la
révolution industrielle. Mais
G. Picot pense surtout que sans
un bon logement assuré à la
population ouvrière, la démocratie est privée de sens. Dans ce
but, il figurera parmi les fondateurs de la « Société française des
Habitations à bon marché ».
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
-
21
conviction a toujours eu soin de relier la question du logement aux questions d’hygiène
publique : l’une des premières SA, la « Société
havraise des cités ouvrières » fut fondée sous
son autorité, le 26 novembre 1870, au capital de
200 000 francs.
Cet homme et son ami Cheysson (ingénieur,
disciple de Frédéric Le Play et pilier du Musée
Les
Fondateurs
des
HBM
Ces notables,
assistés
de Jules SIMON,
Eugène ROSTAND
et Charles
ROBERT,
présidèrent à la
naissance du
mouvement HBM.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessous :
Jules Siegfried fonda
en 1870 la Société
havraise des cités
ouvrières, marquant
ainsi son intérêt pour
le logement populaire
et le mouvement
hygiéniste.
Ici, la première
opération
de la société :
40 maisons ouvrières
au Havre même.
social fondé en 1894), pourtant si proches des
milieux de la grande industrie, n’ont pas cherché
à avantager l’initiative patronale. Ils eurent plutôt à cœur d’obtenir du législateur l’octroi de
facilités fiscales aux sociétés anonymes qui,
tournées vers des objectifs ponctuels, comptaient avant tout sur leur détermination et la
fidélité de leurs actionnaires. Comme contrepartie, ils proposaient le respect des normes
attachées à l’appelation « HBM ».
A leur engagement bien des raisons. D’abord,
l’horizon de ces philanthropes souvent rentiers
et retirés des affaires, n’était ni les corons ni les
manufactures, mais bien la ville avec ses taudis
dénoncés par les hygiénistes depuis la Monarchie
de Juillet, d’où pouvaient surgir aussi bien les
maladies contagieuses que la désespérance révolutionnaire. Qu’elles émanent de médecins
comme Villermé, de philanthropes comme le
baron de Gérando, d’enquêteurs engagés comme
Eugène Buret, ou d’écrivains tels que Victor
Hugo ou Eugène Sue ayant élevé la dénonciation
des taudis au rang de genre littéraire, toutes les
descriptions insistaient depuis longtemps sur le
caractère sordide des logements populaires.
Par ailleurs, la dispersion de l’habitat ouvrier
était ressentie comme une nécessité, en l’absence de lien formel entre le logement et le contrat
de travail. S’il s’agissait, conformément aux principes de Le Play, de favoriser la propriété
ouvrière pour développer le sentiment de prévoyance chez l’ouvrier, Georges Picot reconnaissait que le caractère trop précaire des gains
dans la société industrielle du moment s’y
opposait, et qu’il fallait, en tout état de cause,
développer la location.
La SFHBM, rassemblement
des forces vives de l’initiative
privée
Des intentions aux propositions concrètes, le
pas fut franchi lors du Congrès international des
HBM (juin 1889), coïncidant avec le premier
centenaire de la Révolution française. Au fait
des progrès réalisés à l’étranger (en GrandeBretagne et en Belgique), le président de cette
manifestation, Jules Siegfried, annonça la création imminente d’une société apolitique, ayant
pour but de « préparer les voies et les moyens
à ceux qui voudront créer des HBM ». Dès lors
née pour stimuler, la « Société française des
HBM » (SFHBM) put créer un courant d’opinion
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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22
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
favorable à une intervention du législateur dans
le respect scrupuleux de l’initiative privée. De
son Conseil d’administration allaient naître des
propositions concrètes quant au rôle exact qu’il
convenait d’impartir à l’Etat. Les philanthropes
modifiaient les règles énoncées par le pouvoir
sous le Second Empire : à l’initiative privée, toujours les investissements ; à l’Etat, d’être le gardien d’un cadre conçu par les philanthropes
pour développer le logement populaire et se
porter garant d’une appellation qui ne pouvait
se concevoir sans un minimum de garanties.
La loi fondatrice
de 1894
Avec le vote de la loi Siegfried en 1894, c’est le
cadre institutionnel du logement social qui se
dessine : il est fondé sur l’idée libérale qu’il n’appartient pas à l’Etat de régler cette question,
mais seulement de créer les conditions nécessaires à sa prise en charge par l’initiative privée.
C’est aussi la fin du monopole de l’initiative
patronale qui liait le logement au travail ou qui
en faisait un instrument de gestion parmi
d’autres. Pour bénéficier des faveurs fiscales et
financières prévues par la loi, les sociétés anonymes, comme du reste les sociétés coopératives, devaient faire approuver leurs statuts par
le ministère du Commerce et de l’Industrie,
sous réserve qu’elles aient pour objet exclusif,
soit de permettre l’acquisition d’habitations
salubres et à bon marché à des personnes non
propriétaires, soit de mettre en location des
habitations de ce type, soit d’améliorer les habitations déjà existantes. L’objectif du législateur
La Société française
des HBM
La SFHBM, créée en 1890 à la suite du Congrès
international des HBM, peut être considérée
comme le lieu de rassemblement de toutes les
forces vives de l’initiative privée, quelles que fussent ses formes. De fait, SA, fondations, coopératives, mais aussi sociétés de construction
patronales et, plus tard, sociétés de crédit immobilier
(1908) et offices (1912) y trouveront place jusqu'à la création de l’Union des
HBM en 1925. Par les nombreux services qu’elle rendit à ses affiliés (envoi de statuts types,
de plans, d’un bulletin trimestriel d’information comportant tous les textes et rapports officiels, de modèles de comptabilité simples et précis en fonction de la nature des organismes,
ouverture de concours d’architecture, etc.), cette société oecuménique ou d’émulation philanthropique joua, à bien des égards, le rôle qui sera plus tard dévolu, en tant qu’interlocuteur
direct des pouvoirs publics, à l’Union et aux diverses fédérations du mouvement HBM.
Il n’est pas sûr que les fondateurs de l’appelation HBM aient voulu créer une « institution
HBM » ; leur intention profonde était plutôt de susciter, en vue de finalités communes, un courant d’émulation. Conçu comme un modèle de référence, d’exigence et de rigueur, le label créé
avait bien davantage une fonction normative et évolutive (car les normes varient en fonction
de l’évolution des techniques et des aspirations d’une société) ; il était tout à la fois cet
aiguillon destiné à stimuler l’initiative privée et un modèle dont celle-ci pouvait s’inspirer.
A partir de 1907, la SFHBM réunit chaque année une conférence nationale où sont débattus tous les problèmes posés par les HBM. Cependant, après la première guerre mondiale,
les pionniers disparaissent, Siegfried le dernier, en 1922. Le militantisme des « libéraux » va
être repris par la Fédération des SA où se retrouvent les meilleurs éléments de la SFHBM qui
disparaît en 1940.
était d’aider les constructeurs, en facilitant leur
recours au crédit et en réduisant les charges de
la propriété immobilière. Il n’entrait nullement
dans ses intentions de modérer l’initiative
patronale qui avait fait ses preuves, encore
moins d’encadrer celle-ci dans le nouveau dispositif. Des faveurs étaient simplement consenties aux sociétés qui ne demandaient qu’à se
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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23
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
La loi Siegfried de 1894
Le 5 mars 1892, Siegfried dépose un projet de loi qui avait été préparé par les membres
de la SFHBM.Votée par le Parlement en 1894, la loi ouvrait la possibilité à la Caisse des
Dépôts, aux caisses d'épargne et aux établissements de bienfaisance de consentir des
prêts à des organismes créés en vue de construire des HBM. Elle offrait également exonérations fiscales, exonération de la taxe de la mainmorte et de l’impôt sur le revenu des
actions, exemption de la patente ainsi que dispense de timbre d’enregistrement. Pour
bénéficier des faveurs fiscales et financières prévues par la loi, les sociétés anonymes, tout
comme les sociétés coopératives, devaient faire approuver leurs statuts par le ministère
du Commerce et de l’Industrie, sous réserve qu’elles aient pour objet exclusif, soit de
permettre l’acquisition d’habitations salubres et à bon marché à des personnes non
propriétaires, soit de mettre en location des habitations de ce type, soit d’améliorer les
habitations déjà existantes.
développer, mais dont les moyens n’étaient ni
ceux de la grande industrie ni ceux de la philanthropie argentée.
Le rôle de l’Etat n’était pourtant pas négligeable,
puisque quatre missions lui étaient assignées :
vérifier l’étendue du mal par des enquêtes répétées, comme en Grande-Bretagne ou en
Belgique ; organiser la stabilité de la propriété ;
prendre des mesures générales contre l’insalubrité des logements, assurer la salubrité extérieure des habitations (tout à l’égout) et la viabilité entre celles-ci, entre les centres des villes
et les banlieues ouvrières ; faciliter indirectement la construction d’HBM en invitant la
Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et
les Caisses d’épargne à consentir des prêts,
d’une part, en accordant des avantages fiscaux
aux sociétés existantes ou à venir, d’autre part.
En dehors de ces missions d’intérêt public assurées par l’Etat, l’initiative privée conservait sa
pleine liberté ; ses fondements restaient
indemnes, puisqu’elle restait fidèle à cette certitude optimiste que, « les obstacles étant levés,
les hommes iront individuellement vers le progrès, réaliseront leur ascension sociale dès lors
qu’ils auront les moyens de la concevoir et de
l’entreprendre ».
L’
ESSOR DES SOCIÉTÉS ANONYMES D’HBM
Les pionnières :
1867-1894
Lorsque la loi Siegfried fut votée à l’unanimité
en 1894, la question du logement ouvrier relevait entièrement d’une initiative privée qui se
partageait en de multiples tendances ou sensibilités, incarnées par des industriels, des hygiénistes, des utopistes et des philanthropes. Ainsi,
les quelques SA existantes n’avaient pas attendu
que des faveurs leur soient consenties pour
naître et exercer leur activité.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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24
Si peu nombreuses soient ces sociétés, leurs
dénominations sont déjà éloquentes : elles reflètent d’abord le souci commun de construire à
des prix inférieurs à ceux du marché, l’expression « bon marché » ou « économique » étant,
à elle seule, tout un programme. La toponymie a
également son mot à dire, puisque chaque
société se réclame d’un point d’ancrage urbain,
signe d’un profond attachement à l’aspect local
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les sociétés antérieures à la loi Siegfried
de la question du logement. Cette dernière a
beau se poser au plan national depuis la loi
Siegfried, son règlement requiert une mobilisation de l’initiative privée in situ, qui soit « appropriée à chaque cas particulier ». Très rapidement, c’est-à-dire dès avant la Première Guerre
mondiale, les dénominations des sociétés intégreront des préoccupations en phase avec les
priorités de l’époque : c’est ainsi que les qualificatifs « salubre » et « familial » ou des expressions s’en approchant (« foyer ») apparaîtront,
faisant écho au souci, constamment rappelé à
l’époque, de lutter contre l’insalubrité et la
dépopulation. C’est au fond la mission fondamentale des SA qui transparaît à travers leur
dénomination : loger dans des conditions
meilleures et à moindre coût.
Voici, dressée par le Bulletin de la SFHBM, la liste des SA qui demandèrent le statut de
société anonyme d’HBM en 1894, avec la date de leur fondation : « SA des maisons ouvrières
d’Amiens » (1867) ; « Société havraise des cités ouvrières » (1870) ; « Société des Cités
ouvrières de Bolbec » (1877) ; « SA des habitations ouvrières de Passy-Auteuil » (1882) ;
« Société rouennaise d’habitations à bon marché » (1887) ; « SA des habitations salubres à
bon marché de Marseille » (1889) ; « Société belfortaine des HBM » (1890) ; « SA des habitations économiques de la Seine » (1891) ; « Société rochelaise des habitations à bon
marché » (1891) ; « Société des habitations salubres et à bon marché d’Armentières »
(1893) ; « Société des habitations à bon marché de Longwy » (1894) ; « Société bordelaise
des habitations à bon marché » (1894).
L’engagement d’hommes
de conviction
Si fort peu de traces subsistent des toutes
premières sociétés anonymes, l’exemple de la
« Société des habitations salubres à bon marché
de Marseille » (1889) montre que l’initiative
privée pouvait fort bien fonctionner sans l’appui
des pouvoirs publics, pour peu qu’elle fût mise
en œuvre par des hommes de conviction, doués
d’un sens avisé de la gestion. Ces qualités,
Eugène Rostand, père du poète et grand-père
du naturaliste, les réunissait avec éclat.
Economiste éminent, président pendant plus de
trente années du Conseil d’Administration de
la Caisse d’épargne des Bouches-du-Rhône, il
était issu de cette brillante dynastie de négociants-armateurs qui firent la fortune de la cité
phocéenne. C’est à lui qu’on doit la première
participation des caisses d’épargne à l’œuvre du
logement populaire. Des autorisations spéciales
lui permirent, avec dix années d’avance sur la loi
Siegfried, d’inaugurer un mode de placement de
ses réserves : souscrire des actions d’une
société de construction et consentir directement des prêts hypothécaires. Marseille fut
longtemps la seule ville de France à combiner,
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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25
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessous :
Conscients de la misère des
conditions de vie des classes
laborieuses, les philanthropes
et les bourgeois éclairés
s’attachèrent dans la deuxième
moitié du 19e siècle à diffuser
leurs thèses hygiénistes
et sociales.
Ci-dessus :
Deux modèles de
maisons ouvrières
édifiées
par la Société des
habitations
à bon marché
de l’Oeuvre
bordelaise.
avant la lettre, la plupart des formules du
logement populaire : location, accession
coopérative, prêts hypothécaires, et même
réhabilitation, au point de faire de la Société des
habitations salubres de Marseille un véritable
généraliste de l’habitat avant la lettre.
A Paris, une expérience sans précédent va être
lancée par un groupe de personnalités. En 1880,
la « SA des Habitations ouvrières de PassyAuteuil » est déclarée. Son objectif était de
faire accéder les ouvriers à la propriété immobilière. Sur une parcelle de terrain située dans
le 16e arrondissement, alors le plus cher de
Paris avec le 8e, furent édifiés 67 pavillons
de 4 pièces munis de l'eau, du gaz et du
tout-à-l'égout. Ils étaient payables en vingt ans
mais le montant de l'annuité (650 francs) les
réservaient plutôt à une frange supérieure
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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d'ouvriers « laborieux et rangés » et surtout
d'employés.
A Rouen, un groupe de notables, « pénétrés des
conditions déplorables dans lesquelles se trouvent logées les familles d'ouvriers ou de petits
employés » de leur ville, créent en 1885 la « SA
immobilière des petits logements ». Ils choisirent comme maître d'oeuvre l'un de leurs
concitoyens, l'ingénieur-architecte Edouard
Lecoeur. Sur un emplacement cédé par la municipalité, en bordure de la rue d'Alsace-Lorraine,
fut bâti, en un an, un bâtiment de quatre étages
en briques fondé sur caves et muni d'un grenier
à double office : séchoirs à linge placés en
façade, cellules fermées à claire-voie. L’ensemble
comporte 100 logements de une à quatre
pièces. Les principaux spécialistes du logement
social, français et britanniques, vinrent visiter le
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
groupe Alsace-Lorraine.Avec raison, ils le considèrent comme un jalon important dans le
progrès de l’habitation confortable autant que
salubre.
Une première expérience du
logement de masse
L’initiative privée, la première, s’intéressa aux
conditions de logement des populations
ouvrières à Lyon, ville natale de François
Coignet, l’un des inventeurs du béton. Fondée
en juin 1886 par trois industriels, Mangini,
Aynard et Jules Gillet, la « Société des
Logements économiques », fut d’abord civile
avant de devenir, dès l’année suivante, anonyme.
Son capital social, fixé initialement à 300 000
francs fut, par la même occasion, porté à un million de francs, grâce au concours de la Caisse
d’épargne de Lyon (fondée en 1822) qui puisa
sur ses fonds propres. Fait notable, cette société resta anonyme, sans prendre le titre de
« société d’habitations à bon marché », et se
refusa à solliciter la moindre aide de l’Etat, bien
que les loyers réclamés fussent d’environ 25 à
30 % inférieurs au-dessous de ceux pratiqués à
Lyon. La Société bénéficiait des apports des fondateurs qui, en retour, en attendaient une simple
rémunération de 3 à 4 % par an. En 1902, à la
mort de Mangini, qui fut tout à la fois l’architecte, l’entrepreneur et le gérant, sa société occupait le rang de second propriétaire de la ville
(après les Hospices), avec 130 immeubles comprenant 1 500 logements (8 000 personnes).
Réussite enviable car isolée : elle peut être
considérée comme l’une des toutes premières
expériences du logement de masse en France.
Avec elle tombait notamment le préjugé d’insol-
vabilité des ouvriers : le montant des impayés
s’élevait, en 1902, à 536,80 francs pour une
masse de loyers de 389 818 francs à percevoir !
Ci-dessus :
Le groupe « AlsaceLorraine » à Rouen
construit en 1896,
œuvre de la
« SA immobilière des
petits logements ».
Tous les spécialistes de
l’habitat social saluèrent
le caractère novateur de
cet ensemble unique
dans l’Ouest de la
France.
Ci-contre :
L’industriel Mangini peut
être considéré comme
l’un des pionniers du
logement populaire.
A Lyon, sa
« Société des logements
économiques » (1886)
édifia 130 immeubles
et 1 500 logements
en moins de 20 ans.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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27
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessous :
La liste des premiers souscripteurs de la SA
Grassoise d’HBM, le 17 juin 1905, témoigne de la
diversité des actionnaires et de l’ancrage
local des SA d’HBM. Parmi les souscripteurs :
des entrepreneurs, des notables, des parfumeurs,
des employés ainsi que des rentiers.
La seconde vague :
1894-1939
Les informations dont on dispose sur les sociétés constituées entre 1894 et 1920 sont plus
nombreuses que celles se rapportant à la
période antérieure.
L’œuvre des notables
Les fondateurs étaient, en général, des notables
(médecins, avocats, banquiers, propriétaires,
ingénieurs civils) agissant en leur nom propre
ou répondant à l’appel du maire de leur
commune ou d’un comité visant à mobiliser les
bonnes volontés autour d’un projet de
construction. Peuvent être notamment rangées
dans cette catégorie la « Société anonyme grassoise d’HBM », créée en 1905 à l’initiative du
docteur Perrimond, maire de la ville, ou « Le
Foyer dijonnais », fondé en 1919, sous le titre de
« Société anonyme des habitations pour familles
nombreuses de Dijon », par un « comité des
fondateurs » auquel s’étaient ralliés la Caisse
d’épargne de Dijon, les Hospices civils de la
Ville, mais aussi des médecins, des notaires, des
ingénieurs et des industriels. C’est Henri
Gorse, qui présida le 1er juillet 1909 à la fondation de la « Société tararienne des HBM »
(aujourd’hui « Habitat d’Entre Rhône et
Loire »). Le mouvement gagna l’Alsace puisqu’en
1907 fut fondée la « Société de logements
ouvriers de Buhl ». Le 12 octobre 1920, une
soixantaine de Cherbourgeois convergea d’un
pas décidé vers la Chambre de commerce.
Auguste Simon, qui avait pris la tête d’un
comité provisoire, les reçut le cœur sur la main :
« Le jour où les travailleurs, et particulièrement
les pères de familles nombreuses seront bien
logés, il y aura du changement dans les relations
capital-travail, parce que plus de justice sociale
apparaîtra » : « La Société anonyme cherbourgeoise de constructions à bon marché pour
familles nombreuses » était née.
Le courant hygiéniste
La « Société anonyme des logements économiques pour familles nombreuses », fondée à
Paris en 1903 par un chirurgien, Auguste Broca,
voulait prouver qu’il était possible de procurer
aux familles nombreuses - trois enfants au
moins, mais cinq enfants en moyenne dans ses
immeubles en 1911 - un logement suffisant,
hygiénique et bon marché, tout en rémunérant
convenablement le capital à 3 %. Elle devait
rester, pendant plusieurs années, la seule société parisienne à construire en faveur de la frange
la plus démunie de la population ; non sans suc-
Ci-contre :
La naissance de la
« SA Cherbourgeoise
de constructions
à bon marché
pour familles
nombreuses »
le 12 octobre 1920.
Chantier ouvert
en 1921.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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28
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
cès d’ailleurs, puisque les loyers y étaient inférieurs de 20 % à ceux des logements de même
catégorie de confort.
Cet exemple évoque également celui de la
« Société des logements populaires hygiéniques », créée en 1908 à l’initiative de plusieurs
médecins, qui s’étaient donné pour tâche de
fournir un logement décent aux ouvriers ayant
un salaire d’environ 6 francs par jour. Elle conçut
un modèle de logements d’insertion qui sera
repris par la ville de Paris.
Une autre société parisienne aimait aussi cultiver sa singularité : la « Société des logements
hygiéniques », la seule, semble-t-il, qui fût de
mouvance socialiste. Parrainée par Anatole
France et fondée en 1903, elle se rattachait
ouvertement à l’Université populaire « l’Education sociale ». Ses animateurs opposaient
volontiers le volontarisme qui faisait de l’instruction un facteur d’émancipation, à la compassion philanthropique, se refusant à séparer
l’éducation du peuple de « l’hygiène en action ».
Son administrateur délégué, Frantz Jourdain, par
ailleurs maître d’œuvre des premiers magasins
de la Samaritaine, avait eu, ces propos
annonciateurs d’une nouvelle conception de
l’action sociale, fondée non plus sur la
charité mais sur la solidarité : « Nous
estimons que les mots de charité, de pitié, ne
sont plus de notre temps, et que l’on doit,
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
-
29
Ci-dessus et dessous :
Trois actions de sociétés
anonymes d’HBM :
la Société foncière d’habitations
salubres, la Société générale des
maisons familiales et le Foyer.
A partir de 1894, de nombreuses
sociétés anonymes d’HBM
vont se constituer pour profiter
des avantages consentis
par la loi Siegfried.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
simplement, rendre au peuple ce qui lui est dû.
Nous n’avons donc pas fait une œuvre de philanthropie, mais une œuvre de solidarité
humaine ».
Ci-contre :
Un autre
témoignage de
cité ouvrière :
celle construite
par la SA d’HBM
de Livarot, dans
le Calvados
(aujourd’hui
HPE 14).
Le même Frantz Jourdain présidait la « Société
des logements économiques à bon marché »
qui, en juin 1904, inaugura son premier
immeuble en présence du ministre radical du
Commerce. Cet immeuble était implanté à
Paris, 7, rue de Trétaigne, dans le 18e arrondissement, un quartier très marqué par les événements de la Commune.
Jourdain s’inscrivait dans le courant hygiéniste
qui traversait alors l'architecture. Il fit appel à un
jeune confrère, Henri Sauvage, qui s'était fait
admettre dès 1898 parmi les créateurs de l’Art
nouveau aux côtés de son ami Guimard. Rue de
Trétaigne, il va donner l'un des premiers chefs
d'oeuvre du mouvement moderne en même
temps qu'un parfait exemple de logement social.
L’immeuble de la rue de Trétaigne
Cet édifice d'avant-garde, squelette en béton, remplissage de briques, construit par la
Société des logements économiques à bon marché (Aedificat), est le premier de ce type
en France, en même temps que celui d’Auguste Perret, rue Franklin dans le 16e arrondissement. Les quatre premiers étages, desservis par un escalier central, contiennent
quatre appartements, chacun de trois pièces avec eau courante et WC. Ceux du côté
rue disposent de bow-windows ; de forme triangulaire, ils reçoivent la lumière des deux
directions. En outre, de petits compartiments extérieurs forment saillie sur la façade, ce
sont les garde-manger. Le cinquième étage était divisé en unités d'une ou deux
chambres pour les travailleurs célibataires, 15 au total. Le sixième, niveau de faîtage,
offrait un équipement que Le Corbusier allait plus tard vivement prôner, un jardin suspendu pour les cures de soleil. Les services collectifs tenaient naturellement une place
importante : dans la cour, bains-douches et un local pour une « université populaire », un mouvement alors en plein essor. Au rez-de-chaussée, côté rue, un magasin
destiné à une coopérative de consommation, « La Prolétarienne », et un restaurant hygiénique. Jusqu’en 1909, Henri Sauvage construira encore cinq immeubles sociaux pour la
Société de Jourdain.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les SA au service
du logement
des fonctionnaires
Si le poids des notables était bien réel,l’élan pouvait aussi venir de l’Administration ou des pouvoirs publics. C’est à la demande du secrétariat
d’Etat aux PTT que fut fondée, en Janvier 1905,
par les députés Jules Siegfried et André Menier
ainsi qu’André Frouin, ingénieur en chef du
Service téléphonique de Paris, la SA coopérative d’HBM « La Maison des Dames des PTT »,
destinée à loger des jeunes femmes peu fortunées, principalement fonctionnaires de l’administration des PTT. Un premier foyer de 110
chambres est aussitôt bâti rue de Lille. En 1928,
est fondé à Paris le « Foyer du Fonctionnaire »
par quatre sociétés et 40 actionnaires physiques,
fonctionnaires pour la plupart.
Ci-dessous :
Comme le souligna le directeur départemental de
l’Equipement à l’occasion du XXe anniversaire de la
« Société des habitations hygiéniques à bon marché pour
les familles nombreuses », les sociétés anonymes doivent
beaucoup à la mobilisation d’hommes de conviction
comme Maurice Bellemain (1880-1961), fondateur de la SA.
Le soutien des caisses
d’épargne
L’impulsion pouvait aussi venir des caisses
d’épargne, légalement habilitées à prêter leur
concours financier aux sociétés d’HBM : celle de
Dieppe décida d’avancer une somme de 30 000
francs à toute société s’engageant à construire
Ci-contre :
L’acte de création de la « Société Dieppoise d’HBM »
le 29 octobre 1900. Cette création fut largement encouragée par la Caisse d’épargne de Dieppe, qui lui accorda une
avance importante. Un peu partout en France, des caisses
d’épargne contribuèrent à la création des sociétés
anonymes d’HBM, le plus souvent sur leurs fonds propres.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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31
Ci-dessus :
Fondée en 1905 afin de procurer un logement décent aux
employées célibataires de l’administration des Postes,
la Société anonyme coopérative « La Maison des Dames
des Postes » (aujourd’hui la SA les HLM réunis) construit
en 1906 son premier foyer au 41, rue de Lille à Paris. Le
foyer de 110 chambres comporte à chaque étage des
bains- douches,WC, vide- ordures, gaines à linge sale...
Au rez-de-chaussée, on trouve le restaurant, la salle de
lecture, la véranda et un petit jardin d’agrément de 300 m2.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
des maisons ouvrières, sous réserve qu’elle eût
un capital de 15 000 francs au moins. Dès lors,
des notables locaux purent réunir la somme
requise et fonder en 1912 la « Société dieppoise d’HBM » (« Sodineuf HLM »), trente et
unième du genre. « Le Foyer Rémois » (1912),
société anonyme d’HBM pour familles nombreuses, au capital de 1 250 000 francs fut, elle
aussi, créée avec l’aide de la Caisse d’épargne de
Reims par un groupe de philanthropes se réclamant du catholicisme social, emmené par une
personnalité qui s’était auparavant penchée sur
la situation démographique de sa ville, Georges
Charbonneaux.
Ci-dessus et ci-dessous :
C’est en 1896 que l’Abbé Lemire,
député du Nord, fonda la
« Ligue du Coin de Terre et du Foyer ».
On y retrouve Jules Siegfried et Georges Picot.
A travers plusieurs sociétés d’HBM,
le mouvement se lança dans la construction
de maisons individuelles
avec bien entendu un jardin ouvrier.
A Lyon, la Caisse d’épargne du Rhône qui,
depuis 1886, affectait une partie de ses fonds à
l’amélioration du logement des familles
ouvrières, décida en avril 1911 de constituer
une société de construction, la « Société des
habitations hygiéniques à bon marché pour les
familles nombreuses » (aujourd’hui « Société
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
-
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Lyonnaise pour l’Habitat »). Elle souscrivit les
2/3 du capital initial. La Société apporta son
concours actif à l’effort de construction entre
les deux guerres dans la région lyonnaise.
Les engagements
confessionnels
Il convient également de faire mention des
engagements guidés par des convictions religieuses : la « Société carcassonnaise de logements populaires » (« Société audoise et ariégeoise d’HLM ») fut fondée en 1912 par un
groupe de militants catholiques animant les
Conférences de Saint-Vincent de Paul ; la SA
« Le Progrès », fut créée en 1905 par des industriels se réclamant des principes de l’encyclique
Rerum Novarum (1891), et présidée jusqu’en
1932 par le banquier Fernand Fourcade. « Air et
Lumière » doit, quant à elle, son origine à l’initiative des membres du Comité de bienfaisance
israélite de Paris qui, en 1912, furent « émus de
voir leurs coreligionnaires logés dans des taudis ». Ces engagements pouvaient très bien se
défendre de tout prosélytisme : quand l’abbé
Jean Viollet fonda, en juillet 1902, la « Société du
Logement Ouvrier », association qui se proposait d’assurer, dans le 14e arrondissement de la
capitale, le « relèvement des familles misérables
par l’organisation du foyer », ce fut avec la ferme
intention de réaliser « l’union avec tous pour le
bien », sans se soucier des protestations des
congrégations rudoyées par la République.
Forte de ces convictions, la Société du
Logement Ouvrier étendit son action à onze
arrondissements, ce qui lui valut d’être reconnue d’utilité publique dès 1911 sous le titre «
l’Amélioration du Logement Ouvrier ». A cette
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
date, cette société aidait deux SA d’HBM, « Le
Foyer » et la « Société des Logements économiques des familles nombreuses », investissant
400 000 francs dans la construction d’immeubles rue du Moulin-Vert dans le 14e arrondissement. En 1908 l’abbé Viollet créa sa propre
Société d’Habitation Familiale, aujourd’hui la
SA Immobilière du Moulin Vert.
Le mouvement syndicaliste
Les initiatives de la « base » furent peu nombreuses en France à cause de l’hostilité du Parti
ouvrier de Jules Guesde. Une initiative est tout
de même signalée dans le nord : en janvier 1907,
l’Union syndicale des ouvriers et employés
métallurgistes de Maubeuge obtint l’accord
d’employeurs pour former une commission
paritaire chargée de lancer un appel public à
souscription. Très conscient de l’enjeu, l’ancien
ministre du Commerce et de l’Industrie, Jules
Siegfried, avait pris son bâton de pèlerin pour
appuyer de son autorité morale la société en
formation, futur « Foyer de l’Ouvrier » ( aujourd’hui « Promocil ») et développer, devant un
auditoire de 400 personnes, « les avantages de
la combinaison qui permet à l’ouvrier de devenir propriétaire dans un certain nombre d’années d’une maison dont il a de suite la jouissance en versant des annuités qui ne sont pas plus
élevées que le prix d’un loyer ordinaire ».
Ci-contre :
En 1907, une souscription
publique est lancée à Maubeuge
pour la constitution
d’une SA d’HBM,
« Le Foyer de l’ouvrier ».
Son souci : permettre à l’ouvrier
d’accéder à la propriété.
L’appel s’adresse aussi bien aux
travailleurs qu’aux capitalistes, à
qui l’on vante la « haute portée
morale et sociale »
de l’œuvre poursuivie
par la SA d’HBM.
Ci-contre :
Un procès-verbal de police établi à l’occasion
d’une conférence de Jules Siegfried pour
soutenir l’action du « Foyer de l’ouvrier »
montre que la mobilisation des ouvriers
ne laissait pas indifférent.
Ces sociétés semblent bien nées, en définitive, d’une rencontre entre des préoccupations
d’ordre public tendant, selon le mot de Georges Picot, à « réconcilier l’économiste, le moraliste et l’hygiéniste », et des engagements divers, confessionnels ou non, qui tous se réclamaient d’une philosophie de l’action proprement libérale. Des motivations différentes mais
une cause commune ; des styles différents, mais un même modèle de référence : voilà de quoi
déjà caractériser la première famille du mouvement HLM.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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33
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L’
ÉLAN NOVATEUR DES PHILANTHROPES
Les Fondations ont, par leur rayonnement et la
qualité de leurs réalisations, joué un rôle
d’entraînement jusqu’à la Première Guerre
mondiale. Elles auront non seulement innové en
créant un art nouveau (l’ouvrier a droit à une
architecture de qualité) ; elles auront aussi
suscité des vocations : c’est à ce moment-là
qu’apparaissent des architectes spécialisés dans
la construction d’HBM. Mais elles auront également fait école : des SA parisiennes ont suivi
leur exemple.
L’essor des fondations dans le domaine du logement ouvrier remonte à l’année 1888, lorsque le
banquier Michel Heine décida de financer une
« œuvre nouvelle » en faveur des ouvriers, en
s’adressant à la « Société philanthropique », qui
depuis sa création en 1780, avait créé des dispensaires, hospices ou asiles. Cette société se
lança alors dans la construction d’habitations
économiques sur le modèle de la Fondation
Peabody de Londres, devenant, du même coup,
le premier constructeur parisien de logements
économiques.
Les fondations se donnaient pour mission de
« gérer les âmes » et d’élever les classes laborieuses au mode de vie des classes possédantes.
Jusqu’en 1914, les fondations furent, en tout cas,
un laboratoire de recherche.
En 1927, elles quitteront le giron de la
SFHBM pour adhérer sans attendre à la
« Fédération des sociétés anonymes et fondations d’HBM » à peine constituée. La forme juri-
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
-
34
dique des Fondations, pourtant à part, ne fut pas
un obstacle à leur intégration dans la famille
des SA.
La Fondation Rothschild
En juin 1904, les barons Edmond, Alphonse et
Gustave de Rothschild annoncèrent leur intention de consacrer une somme de 10 millions de
francs (200 millions de francs actuels) « à l’amélioration de l’existence matérielle des travailleurs ».
Pour utiliser au mieux cette somme, une fondation fut créée, dont le comité comprenait, outre
les fondateurs, Picot, Siegfried et Cheysson.
La volonté affirmée aussitôt de dégager une
rentabilité de 3 à 4 % n’était pas nouvelle et restait conforme au principes de la philanthropie
avisée ; en revanche, l’ouverture par le comité
d’un concours d’architecture, après examen des
réalisations anglaises en la matière, l’était assurément.
Lauréat du concours, l’architecte Augustin Rey
put superviser, au titre de salarié de la
Fondation, la construction du « Louvre de l’habitation populaire » (Groupe d’habitation de la
rue de Prague à Paris), dont l’agencement général fit une très large place aux services collectifs.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Le Louvre de l ’habitation populaire
Parmi les réalisations de la Fondation Rothschild, celle de la rue
de Prague (1909), dans le faubourg Saint-Antoine, est sans
conteste la plus célèbre. On la surnomma le « Louvre de
l'habitation populaire » car elle rassemblait tout le matériel
imaginé par les utopistes du logement populaire depuis un
siècle : lavoir avec machines perfectionnées y compris un
séchoir à air chaud, bains-douches, dispensaire, garderie pour
les enfants de trois à six ans, salle d'étude accueillant les écoliers chaque jour à la sortie des classes, école ménagère, cuisine vendant des plats chauds deux fois par jour dans le but de
vulgariser une alimentation saine et rationnelle. Dans une aile
du groupe, les logements disposaient d'ateliers pourvus de la
force motrice : les artisans du faubourg Saint-Antoine y trouvaient un cadre adapté à leurs besoins de fabricants de petits
articles de Paris. Aucun de ces services n’était toutefois gratuit,
quoique leur prix modique ne permît pas d’en couvrir les frais.
En cela, les philanthropes appliquaient les principes de
« l’Alliance d’hygiène sociale » destinés à inspirer aux locataires
le souci de l’ordre, de la propreté et de l’épargne.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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35
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
La Fondation Lebaudy
Ci-après :
Trois exemples de
bâtiments édifiés par
la Fondation de
Madame Jules
Lebaudy.
Antérieure, puisqu’elle fut fondée à Paris en
octobre 1899, la société civile « Groupe des
Maisons Ouvrières » (GMO) décida, en 1905, de
calquer ses statuts sur ceux de la Fondation
Rothschild, et prit ainsi le nom de « Fondation
GMO » avant d’adopter celui de « Fondation
Madame Jules Lebaudy ». Son originalité tient à
l’ambition qu’elle eut jusqu’en 1914 de développer, sous l’impulsion de Madame Jules Lebaudy,
observatrice avisée des problèmes sociaux de
son temps, et sur ses fonds personnels, « une
expérimentation très large sur les différentes
Ci-contre :
La cour intérieure du
groupe de la rue
Ernest Lefèvre
(20e arrondissement) :
174 logements édifiés
entre 1904 et 1905
avec tous les services
communs.
Entre 1900 et 1914, la
Fondation de Madame
Jules Lebaudy
construira plus de
1 200 logements à
Paris, un foyer
de 743 chambres
et 15 logements
« pour vieillards ».
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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36
formes de logements populaires ». Qu’il s’agisse
des logements construits pour des familles
ouvrières, appartenant aux couches supérieures
intégrées des ouvriers parisiens, comme rue
Ernest Lefèbvre, rue de l’Amiral Roussin, ou rue
d’Annam, ou des logements pour familles issues
des taudis et de la « zone », comme rue de la
Saïda ; ou encore, du foyer pour hommes célibataires de la rue de Charonne, toutes ces réalisations témoignaient du souci de différencier
les formes d’habitat en fonction des populations
à loger.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
Le foyer de
célibataires de la rue
de Charonne
(11e arrondissement)
comprenait
743 chambres
de 9 m2 réparties
sur 5 étages
et un nombre
impressionnant de
services concentrés
au rez-de-chaussée.
Ci-contre :
Un intérieur dans
l’immeuble de la rue
de l’Amiral Roussin :
en 1906,
126 logements furent
construits dans le
15e arrondissement
de Paris.
Le bâtiment incluait
une salle de lecture,
un fumoir, un lavoir à
eau chaude, une
remise pour voitures
d’enfants et
bicyclettes et des
bains-douches.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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37
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (avant 1900)
PHOCEENNE D'HABITATIONS
1889
MARSEILLE
SA D’HLM FRANÇAISE
DES HABITATIONS ECONOMIQUES
1891
PARIS
HABITAT BEAUJOLAIS VAL-DE-SAONE
1897
VILLEFRANCHE-SUR-SAONE
ESPACE HABITAT
1898
CHARLEVILLE-MEZIERES
SA D’HLM HAVRAISE
DE LOGEMENTS ECONOMIQUES
1899
LE HAVRE
SAMOPOR
1899
MARSEILLE
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
-
38
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L’émergence d’experts s’imposant comme les
nouveaux spécialistes des programmes de
construction et de la gestion des logements
populaires constitue le signe le plus manifeste
d’une professionnalisation des acteurs privés
du logement social. Ce processus concernait
aussi bien les Fondations que les SA, dont
nombre de dirigeants seront appelés à siéger
dans les Conseils d’administration des Offices
à partir de 1912. En l’espace d’une décennie,
le mouvement philanthropique aura donc
réussi à faire naître une nouvelle génération
d’experts, de techniciens et de gestionnaires,
capables d’exercer les fonctions de représentants des maîtres d’ouvrage.
LES RESSORTS DE L’INITIATIVE PRIVÉE
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39
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
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40
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
Dès sa construction
en 1929, la cité du
Champs des oiseaux
à Bagneux fut dotée
d’équipements
collectifs, notamment
d’un jardin d’enfants.
Page précédente :
Cité ouvrière
du Nord.
1900/1945
L’action libérale et les
politiques publiques
L
Deuxième
époque
E TEMPS DES INCERTITUDES
L’initiative privée s’est développée dans des
conditions peu propices à son épanouissement
jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale.
Les courbes de construction de l’entre-deuxguerres montrent, du moins jusqu'à la promulgation de la loi Loucheur en 1928, que le marasme
de la construction était un phénomène général,
aussi bien au sein du mouvement HBM que
pour le logement dans son ensemble. Que
l’absence d’une véritable politique publique du
logement se soit fait sentir ne fait aucun doute ;
tous les organismes d’HBM n’ont eu de cesse de
le souligner durant les années 1920 et 1930.
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
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41
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessous :
Deux annonces
de création de SA d’HBM :
« La Sablière », en
Septembre 1930
et la « SA d’HBM
Méditerranée » en 1949.
Les lois qui se succèdent
au début du 20e siècle
encouragent
la constitution de telles
sociétés mais elles n’ont
pas toujours les moyens
de se développer.
La complémentarité
des acteurs publics et privés
Les contretemps économiques
et politiques
Il est frappant de constater que toutes les
grandes lois ayant jalonné, jusqu’en 1912, l’histoire du mouvement HBM, ont eu pour objet de
susciter l’apparition de nouveaux opérateurs ou
d’accorder de nouvelles faveurs fiscales. Les
quelque vingt années qui séparent la loi Siegfried
de la loi Bonnevay ont donc été consacrées à
diversifier et à structurer un réseau, dont les
branches étaient complémentaires. On constatait d’ailleurs une forte mobilité du personnel
des organismes : les administrateurs des Offices
(établissements publics) ont, pour beaucoup, été
recrutés dans le vivier des SA et des Fondations
en raison de l’expérience qu’ils avaient acquise
depuis la fin du 19e siècle.
Les dispositions en matière de financement se
sont toujours révélées trop timides à l’usage,
n’ayant jamais pu, alors que le contexte économique s’y prêtait, sortir les institutions financières para-étatiques de leur prudente réserve.
Sur 545 caisses d’épargne, 26 seulement avaient
consenti, entre 1895 et 1904, des prêts pour la
modique somme de 2 953 694,98 francs ! De
1898 à décembre 1905, la Caisse des Dépôts et
Consignations n’aura consenti que 75 prêts à 38
sociétés d’HBM pour un montant de 4,5 millions de francs. Aussi n’est-il guère surprenant
que le nombre des opérateurs n’ait pas crû en
fonction des besoins. En 1905, sur les 174 sociétés d’HBM (contre 500 en Allemagne) recensées
par la SFHBM, 69 étaient des SA et 7 des sociétés civiles (Fondations).
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
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42
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Le deuxième contretemps est de nature économique, bien qu’il résulte d’une décision politique : le blocage des loyers, décidé en pleine
guerre et reconduit après les hostilités par la loi
sur les moratoires du 9 mars 1918. Jusqu’en
1914, la construction et les loyers étaient libres,
sauf sous le rapport de la salubrité ; le loyer
représentait 15 à 20 % du revenu. En 1945, le
rapport du loyer au revenu moyen était tombé
à 3 %. La modicité des loyers n’incitait plus à
construire, mais à conserver un patrimoine
dégradé ; l’insuffisance de la construction retardait les progrès techniques qui auraient permis
d’abaisser les coûts de construction.
Le dernier contretemps est de nature politique.
Les destructions provoquées par la Première
Guerre mondiale étaient d’une ampleur suffisante pour justifier une politique du logement.
Fils d’un architecte roubaisien et polytechnicien
de formation, Louis Loucheur l’avait bien
compris. Dès 1920, il envisageait la réalisation,
étalée sur dix années, de 500 000 logements.
Mais ce n’est qu’en juillet 1928, après bien des
aléas, que la loi Loucheur sera promulguée, sur
la base d’un programme de constructions réduit
quasiment de moitié (260 000 logements à
construire en cinq ans). Si l’élan provoqué par
cette loi fut réel, entraînant la création de nombreux organismes d’HBM et hissant la famille
des SA à la tête du mouvement HBM et si les
objectifs furent dans l’ensemble tenus grâce à la
compréhension de la CDC, la crise économique
des années 1930 l’a brisé net en suspendant les
crédits à la construction.
Les débuts de l ’institutionnalisation : les lois de
1906, 1908, 1912 et 1928
Après celle du 30 novembre 1894, la loi Strauss du 12 avril 1906 a, d’une part, autorisé les
communes à prêter, donner, garantir aux sociétés d’HBM, sans leur reconnaître le droit de
construire elles-mêmes et, d’autre part, fixé le statut des coopératives HBM. Puis la loi Ribot
du 10 avril 1908, « conçue pour enrayer l’exode rural, favoriser le retour à la terre et freiner
la concentration urbaine », a marqué un tournant décisif en créant des « sociétés de crédit
immobilier », sorte de « sociétés-tampons entre l’Etat et les particuliers », auxquelles, fait nouveau, l’Etat prêtait lui-même au taux de 2 %. La loi Bonnevay du 23 décembre 1912 est
venue compléter l’édifice, en ajoutant, aux trois familles d’organismes HBM existantes, celle
des Offices publics. Enfin, en 1928, la loi Loucheur prévoit le financement de 260 000 HBM
sur 5 ans.
Alexandre RIBOT (1842-1923) : Avocat, magistrat, puis député à
partir de 1878, il deviendra le chef du parti républicain conservateur,
ministre des Finances en août 1914 et Président du Conseil en 1917.
Partisan de l'accession à la propriété pour tous les salariés, il obtient, en
1908, la création des Caisses de Crédit Immobilier, un complément utile
à la loi de 1894.
Paul STRAUSS (1852-1942) : D'abord journaliste défenseur des
idées de la gauche républicaine, il sera conseiller municipal de Paris puis
sénateur radical-socialiste de la Seine. Ministre de l'Hygiène après la
guerre, il incarne le militantisme laïque dans tous les domaines de la protection de la mère et de l'enfant : dès 1902, il a fondé la « Ligue contre
la mortalité infantile ». On le retrouve ensuite à l'origine de plusieurs lois
sociales : 1905, assistance aux vieillards infirmes ; 1906, refonte de la loi
Siegfried ; 1913, repos des femmes en couches.
Louis LOUCHEUR (1872-1931) : Fils d'un architecte roubaisien, cet
ingénieur sorti de Polytechnique se lance immédiatement dans les
affaires en fondant la « Société générale d'entreprises » (SGE).Excellent
fournisseur de matériel militaire, il devient ministre de l’armement en
1917. Républicain « social », il avait soutenu, avant la guerre, l'abbé
Lemire, le promoteur des « Jardins ouvriers », et l'abbé Trochu, fondateur
de « l'Ouest-Eclair », premier quotidien catholique et républicain publié
en Bretagne en 1900. Après avoir présenté, dès 1921, un projet de loi
portant sur la construction de 500 000 logements en dix ans, il lui faudra attendre 1928 pour voir son texte accepté avec un objectif réduit,
260 000 en cinq ans.
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
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43
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
A
TTENDRE OU INNOVER ?
Une nouvelle vague
de création de SA
Le contexte qui vient d’être évoqué n’a curieusement pas pesé sur le nombre de créations des
SA. A la différence des Fondations dont le
nombre stagnait, celles-ci ont continué de
croître régulièrement, passant de 182 en 1919
à 330 en juin 1928 puis 533 en 1939. Avec une
progression spectaculaire de 46 % entre juin
1928 et octobre 1929, il s’agit là, à n’en pas douter, d’une seconde vague de créations, plus
importante encore que celle des débuts.
Evoquons, entre autres, l’apparition des SA : le
20 octobre 1919, la « Société anonyme Nantaise
d’habitations et de jardins ouvriers » (aujourd’hui la « Nantaise d’habitation ») est fondée
par plusieurs industriels, soucieux de la qualité
de vie de leurs personnels ; « Le Foyer du
Fonctionnaire », créé en 1928 par Léon
Douarche, directeur de l’Office international de
vins, et Roger Hackspill, chef de bureau au
ministère de l’Intérieur ; c’est le 3 mai 1928 que
le journal d’annonces légales « Les petites
affiches » informent de la création de la SA
d’HBM « Le Foyer noiséen » à Noisy-le-Sec.
« La cité du Souvenir » fut fondée par l’abbé
Keller pour loger les victimes de la Grande
guerre ; en 1915, ce fut le tour de la « SA de la
région de Voiron et des Terres froides » et, en
1925, de la « SA d’HLM de Laval » ; le « Foyer
de l’Armée et du Combattant » (aujourd’hui
« Foyer du Mineur et du Combattant ») fut créé
en 1929 pour loger les militaires le long de la
ligne Maginot. La SA « Les Biens lotis » fut fondée à Auvers-sur-Oise dans la foulée de la loi
Loucheur pour construire des pavillons économiques à destination des pensionnés de guerre
ou anciens combattants, pères de trois enfants
au minimum ; « L’Habitat du Fonctionnaire » est
créé, en 1930, à Strasbourg à l’initiative de fonctionnaires regroupés « pour participer d’une
manière efficace sur la base de la loi Loucheur à
la lutte indispensable contre la pénurie de logements » ; la même année, « La Sablière », fut
constituée par la Société immobilière des chemins de fer de l’Etat...
Ci-contre :
La ligue nationale contre le taudis, fondée en
1924 et présidée par la femme du ministre de
la Marine, Georges Leygues, fut reconnue
d’utilité publique en 1927.
Son action passait par la création
d’une SA d’HBM baptisée « le Nouveau Logis »,
qui réalisa la cité-jardin d’Orly.
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
La Cité du Souvenir en
construction.Voulue par
le Père Alfred Keller
pour construire une cité
HBM destinée aux
victimes de guerre,
mutilés, veuves et
orphelins, la SA de la
Cité du Souvenir est
fondée le 18 Juillet 1925.
On retrouve plusieurs
personnalités éminentes
dans son comité d’honneur : le Maréchal Foch,
le Cardinal Dubois et
Jean Keller, ingénieur
civil des mines et père
de l’abbé. Le bâtiment
de 190 logements, édifié
entre 1926 et 1927 à
l’emplacement d’un
terrain vague, comporte
des services collectifs et
une chapelle.A côté du
nom des locataires, une
plaque devait porter le
nom d’un soldat disparu,
au choix des souscripteurs pour la concrétisation du souvenir.
Ci-dessus :
Le terrain de la rue Saint-Yves dans le 14e arrondissement
de Paris sur lequel est édifiée la Cité du Souvenir.
En revanche, le marasme de la construction est
confirmé, dans bien des cas, par la faiblesse de
l’activité des organismes d’HBM durant l’entredeux-guerres. Plus nombreuses, les SA ont
construit moins que les Offices entre 1919 et
1939 (75 000 logements à l’actif des SA et des
coopératives contre 100 000 pour les Offices),
mais les contraintes pesant sur elles ont été
nettement plus fortes. De là une certaine
« léthargie » dont les SA ne se remettront que
dans les années 1950.
Ci-contre :
La Cité du Combattant, réalisée à Vitry-sur-Seine par le
« Foyer des invalides et des anciens combattants »
en 1931-32. Lors d’une manifestation de chômeurs
sur le chantier en construction, où travaillaient plus de
400 ouvriers plus de 8 heures par jour, une bagarre éclata
et les forces de l’ordre tirèrent, faisant un mort et un
blessé parmi les manifestants, entraînant
un mouvement de grève nationale.
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Georges Charbonneaux,
promoteur du « Foyer
Rémois », outil d’une politique
d’aménagement urbain
Georges
Charbonneaux
1865-1933
Fils d’un industriel verrier de Reims,
Georges Charbonneaux anima tout
d’abord plusieurs entreprises, notamment des distilleries.Très préoccupé par
le problème de la dénatalité et les difficultés que les familles ouvrières, notamment les familles très nombreuses,
éprouvaient pour se loger, il lança une
enquête sur le logement à Reims. Face
aux résultats, il œuvra à la promotion
du logement des familles nombreuses,
tant au niveau local par la création
d’une société d’HBM, qu’au niveau
national. Il eut le souci de
réaliser des programmes de grande
qualité urbanistique et architecturale
avec un nombre d’équipements suffisants pour permettre la bonne insertion des populations. Membre actif de
la Fédération des SA, il y défendra l’idée
d’une allocation-logement.
Alliée à la détermination mais aussi à l’ingéniosité, l’innovation pouvait néanmoins avoir raison
des difficultés tirées d’un contexte peu favorable. Dès 1918, le « Foyer Rémois » sut réunir
ces ingrédients de la réussite, face aux destructions massives dont sa ville d’élection avait souffert. L’ampleur des destructions requérait un
plan d’aménagement municipal. La nouvelle
municipalité radical socialiste se rallia au Plan de
G. Ford, qui prévoyait le développement
concentrique de la ville par alternance de zones
industrielles et de zones résidentielles séparées
entre elles par des espaces verts. De son côté,
le Foyer Rémois ne fit pas mystère de son intention de fonder une cité-jardin à la française. Son
président, Georges Charbonneaux, eut alors
l’idée très ingénieuse de racheter les droits à
indemnités de guerre des petits propriétaires
impatients qui ne souhaitaient pas reconstruire
eux-mêmes, et d’utiliser les subventions accordées aux propriétaires au titre du cœfficient de
réemploi.
Le Parlement se rallia à ses vues en votant une
loi dérogatoire qui autorisait les organismes
d’HBM à acquérir des dommages de guerre. De
cette façon, et grâce à un emprunt consenti par
la CDC, la société anonyme se trouvait en
mesure de réaliser le programme de construction qu’elle s’était fixé. L’étude du plan et des
types de maison, 12 différents pour les 600 logements prévus, fut confiée à Marcel Auburtin.
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
La Cité du Chemin vert
(Le Foyer Rémois)
Ci-dessus :
Journal des locataires.
La Cité du Chemin vert conçue par l’urbaniste Aubertin est l’une des
premières cités-jardins de France. Fidèle au schéma d’Ebenezer
Howard, elle obéit aux principes suivants :
- concentrer autour d’un espace central les services importants : maison commune, écoles, crèche, église, centres alimentaires, atelier de
bricolage ;
- marquer les limites de la cité par des « portes » ;
- axer la voie d’accès principale en mettant en relation visuelle la cathédrale de Reims et l’église de la cité ;
- tracer un réseau secondaire qui obéit plus à l’observation du développement d’un village du sud de la Loire qu’aux lois du pittoresque
unwinien (disciple d’Ebenezer Howard, l’inventeur du concept de citéjardin) ;
- élaborer une typologie (12 types différents) pour les 600 logements
prévus qui répondent à la variété des situations rencontrées.
Commencés en 1921, les travaux s’achèvent deux années plus tard.
Chaque pavillon comprend généralement quatre pièces de 3,50 mètres
sur 4, un petit caveau, un grenier, une buanderie et un poulailler-clapier
dans le jardin privatif. Cinquante logements, destinés aux petits artisans, comportent un atelier doté de la force motrice.
La « Maison pour tous » abrite une bibliothèque, une salle des fêtes de
600 places, des salles de réunion et de gymnastique ainsi que cinquante cabines de bains-douches. La « Maison de l’enfance » englobe
les consultations prénatales et celles des nourrissons, une crèche, une
garderie et un jardin d’enfants.
Pour compléter le ravitaillement familial, chaque pavillon disposait d’un
petit potager, sans préjudice d’une parcelle plus étendue (700 m2) propriété du Foyer Rémois et à la disposition des habitants.
Ci-dessous :
La cité aujourd’hui après réhabilitation.
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
-
47
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Comme les matériaux de construction faisaient
défaut, le Foyer Rémois entreprit de les fabriquer lui-même et commença l’installation de
baraquements sur une surface de 10 000 m2. A
l’intérieur, furent fabriqués tous les agglomérés
et les tuiles en ciment nécessaires à la construction de la cité qui prit le nom de « Cité du
chemin vert ».
Ci-dessous et haut de la page suivante :
La Cité du champs des oiseaux à Bagneux. La Cité est
réalisée en 1929-32 par la « Société anonyme d’HBM Pax ».
Les architectes en sont Lods et Beaudoin.
805 logements dans des immeubles de trois étages sont
édifiés avec une ossature de poutrelles métalliques et les
façades en béton vibré. L’accès aux logements se fait par
l’intermédiaire de petites cours intérieures agrémentées
d’espaces verts. La liaison des bâtiments se fait par
des galeries.Au rez-de-chaussée, on trouve des commerces,
des écoles et un dispensaire.
C’était bien la première fois qu’une SA d’HBM
réalisait un programme de construction s’inscrivant avec force dans le cadre d’une politique
d’aménagement urbain. Le fait mérite d’être
souligné, dans la mesure où l’atonie générale de
l’activité constructrice conduisait les SA de
l’époque à réaliser de petites opérations sur des
terrains exigus et surtout enclavés. Il faudra
attendre les années 1950 pour que des chantiers aussi vastes, issus des destructions de la
guerre, s’ouvrent à nouveau.
Toujours est-il que la « Cité du Chemin Vert »
semble constituer, avec le recul du temps, un
modèle de transition entre une époque déjà
révolue, celle des philanthropes dont le dessein
était à la fois moralisateur et hygiéniste, et une
époque encore non advenue, celle des grands
bâtisseurs. La nouveauté réside également dans
le souci de promouvoir de nouvelles formes de
sociabilité en tissant des liens étroits avec le
monde associatif. Juridiquement distinctes du
Foyer Rémois, les associations créées pour
gérer les oeuvres sociales de la Cité participaient de la volonté de grouper en communautés locales les familles mal logées où croissent
de jeunes enfants - trois au moins, pour l’ordinaire -, de les incorporer ainsi à la vie sociale de
la ville, d’assembler les foyers domestiques en
foyers urbains, dans le rayonnement du grand
foyer national.
La Cité du Champ
des Oiseaux, premier grand
quartier d’habitat collectif
Une autre expérience mérite d’être citée. C’est
en 1928 que fut créée la Société « Pax » sous
le nom de « SA d’HBM pour les zoniers et les
familles nombreuses » (SAZ) par des dames
d’œuvre (Mmes Odier de Lacroix, Max Lazard,
Deutsch de la Meurthe), à la suite d’un incendie,
survenu le 21 mai 1927, le soir où Lindbergh
atterrit à Paris. L’idée était de faire appel, à travers le prestige de Lindbergh, à la charité américaine pour construire la « Cité Lindbergh »
destinée au logement des « zoniers », ces habitants des taudis implantés dans la zone inconstructible qui entourait les fortifications de Paris.
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
-
48
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Lindbergh ayant refusé de cautionner l’opération, les fondateurs de la SAZ décidèrent de
s’intéresser aux ouvriers et obtinrent un prêt
de la CDC avec la garantie du Département de
la Seine. Dans le même esprit que celui de
Madame Lebaudy dont on a vu les initiatives, les
militantes firent plusieurs enquêtes préliminaires à travers les ensembles d’HBM les mieux
conçus. La réalisation de la cité du « Champ des
oiseaux » à Bagneux, dans la banlieue sud de
Paris, fut confiée à l’agence Baudoin-Lods.
Les immeubles de l’ensemble (797 appartements) furent d’une totale nouveauté technique
avec leur ossature métallique remplie par des
éléments de béton préfabriqués. Pour la seconde fois après l’expérience Sauvage rue de
Trétaigne, au début du Siècle, les théories les
plus avant-gardistes de l’architecture moderne
pouvaient s’exprimer dans le logement social.
N
AISSANCE ET PREMIERS PAS DE LA FÉDÉRATION
« L’an 1927, le jeudi 23 juin à 16 heures, des
représentants de plusieurs SA se sont réunis en
assemblée générale constitutive au Musée
social, 5 rue Las Cases, à Paris, sur la convocation de l’une des sociétés en ayant pris l’initiative ». Il s’agissait de la « SA de Logements
économiques pour familles nombreuses ». Les
statuts de la jeune Fédération furent déposés à
la Préfecture le 19 octobre de la même année.
Présidée par l’ingénieur Richard Bloch, le viceprésident étant Georges Charbonneaux, la
« Fédération nationale des sociétés anonymes
et fondations d’HBM de France et d’Algérie » a
d’emblée réservé, dans ses instances, une place
de premier choix aux représentants des SA
spécialisées dans le logement des familles
nombreuses.
Que la Fédération des SA soit apparue tardivement (les Coopératives ont créé leur fédération
en 1908, les Crédits immobiliers en 1912 et les
Offices publics en 1921), alors que les SA
d’HBM avaient donné son élan au mouvement
HBM, invite à s’interroger sur les motivations
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
-
49
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les statuts de la Fédération
des SA d’HBM
de France et d’Algérie
Aux termes de ses statuts, la nouvelle Fédération se fixait pour buts de
« développer l’application de la législation sur les HBM, d’étendre l’action des sociétés anonymes et Fondations d’HBM existantes et de favoriser la création de sociétés nouvelles ; de
grouper les sociétés anonymes d’HBM de France et d’Algérie existantes ou en voie de création, de les renseigner, de les documenter, de leur faciliter l’étude collective des conditions
d’améliorations de leur fonctionnement, la défense de leurs droits et intérêts et la recherche
des améliorations qui pourraient être signalées aux pouvoirs publics comme susceptibles
d’être apportées à la législation sur la prévoyance sociale ».
qui ont présidé à sa naissance. De toutes les
composantes du mouvement HBM, la famille
des SA était celle qui se sentait le plus proche
de l’esprit des fondateurs de la SFHBM dont le
rôle d’entraînement avait été essentiel avant
1914. Or, par suite de la disparition de ses principaux animateurs, cette société avait perdu une
grande partie de son autorité morale. De plus,
depuis la création de l’Union des HBM en 1925,
elle n’était plus l’interlocuteur exclusif des pouvoirs publics, et rassemblait des sociétés parfois
sans liens avec le mouvement HBM. Dès son
assemblée constitutive, la nouvelle Fédération
demande son adhésion à l’Union des HBM dont
le Président, Georges Risler, est également président d’honneur de la Fédération des SA.
Les premières préoccupations
de la Fédération : l’indexation
des loyers et la création d’une
allocation-logement
La jeune Fédération défendra, en particulier, le
label HBM, n’hésitant pas « à manifester son
émotion en présence des tentatives devenues
fréquentes depuis l’application de la loi
Loucheur de constitution de sociétés d’HBM
qui dissimulent à peine des spéculations parfois
frauduleuses ou pour le moins des organismes
mercantiles d’architectes et d’entrepreneurs ».
Mais c’est surtout le décalage entre le prix de
revient des immeubles et les maxima légaux des
loyers qui retiendra son attention. D’où la réclamation pressante d’une formule plus souple qui
aurait consisté à indexer ces maxima sur les
coûts à la construction, pour éviter que l’écart
ne se creuse entre les deux.
Les statuts de la Fédération sont adoptés
le 23 juin 1927 et sont enregistrés
à la Préfecture de Police le 19 octobre
de la même année.
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
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50
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Par ailleurs, la Fédération se montrera très
attentive à la question du logement des familles
nombreuses. Elle pouvait, sur ce point, s’appuyer
sur l’expérience très solide du « Foyer
Rémois », dont le Président avait imaginé un système de « location-épargne » permettant à
toute famille nombreuse, d’acquérir, moyennant
un certain effort financier, un logement en dix,
vingt ou trente ans. Conscient de l’importance
du sacrifice demandé, Georges Charbonneaux
réclama l’instauration d’une « allocation de loyer »
en faveur des familles nombreuses, sous réserve
qu’elle fût directement versée aux organismes
propriétaires. Formule qui « provoquerait automatiquement l’augmentation du prix des loyers
des locataires au fur et à mesure du décroissement de leurs charges de famille, l’allocation
versée par l’Etat disparaissant progressivement
par suite de l’âge des enfants ». Le message ne
sera entendu qu’en 1948, avec l’apparition de
l’allocation logement.
Sans revendiquer formellement un pouvoir de
résiliation, la Fédération réclamera, par ailleurs,
la possibilité d’obtenir, « avec l’aide des autorités judiciaires, le transfert des locataires (dont
les charges de familles ont diminué) dans des
logements en rapport avec leur situation nouvelle de famille, de manière à rendre libres les
logements plus vastes indûment occupés par
eux ». Voeu inspiré, à vrai dire, par la pénurie
criante de logements.
Lors de l’Assemblée générale de Juin 1939, de
nouvelles personnalités furent élues au Conseil
fédéral, en qualité de membres suppléants :
Raoul Dautry, directeur-général de la SNCF et
créateur de la cité-jardin de Tergnier, le docteur
Piot, président de la Fondation Lebaudy et
Monsieur Fantoux, administrateur de la société
d’HBM « Pax ».
Un démarrage
du mouvement fédéral
obéré par la crise
économique
Les débuts de la Fédération furent difficiles, car
nombre de sociétés anonymes végètaient ou
étaient même en sommeil. La crise économique
Ci-contre :
Le groupe d’HBM améliorés de Dugny. Ce groupe fut
réalisé dans le cadre de la loi Loucheur par une société
d’HBM commanditée par un diamantaire hollandais.
Construit en sept mois en 1932, il compte près de 300
logements destinés aux ouvriers et employés du terrain
d’aviation voisin et des usines de la région.
des années 1930 ne fit qu’amplifier le phénomène, en confrontant l’ensemble des SA à l’épineux
problème des loyers impayés. La crise économique tendait insidieusement à brouiller la frontière entre les locataires de « mauvaise foi » et
ceux toujours plus nombreux à en subir les
effets. Les SA devaient composer avec des associations de locataires parfois puissantes.
Une chose est sûre : en dépit des difficultés engendrées par la crise, les SA d’HBM confirmaient, en rejoignant l’Union des HBM, leur confiance dans un mouvement HBM qui avait
mis, compte tenu de sa diversité, plus d’une trentaine d’années à se structurer (1894-1927). Ce
mouvement était devenu, grâce aux institutions qu’il avait façonnées (Union et Fédérations),
un partenaire obligé des pouvoirs publics, capable d’analyser les causes profondes de la crise
du logement social en France, d’en tirer les conséquences et de formuler des propositions. En
son sein, la famille des SA pouvait se prévaloir de l’expérience la plus longue et d’un professionnalisme dont avaient bénéficié depuis longtemps les familles plus récentes du mouvement.
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
-
51
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
U
N REGROUPEMENT DES INITIATIVES PATRONALES
PRÉCURSEUR DES CIL
L’émergence de dispositifs
de mutualisation
Ci-dessus :
Albert Prouvost,
patron de la Lainière de Roubaix,
crée avec Victor Provo,
maire de Roubaix,
le premier Comité
Interprofessionnel du Logement
(C.I.L.).
Dès après la promulgation de la loi Siegfried, un
partage des rôles s’était dessiné entre l’initiative
patronale proprement dite et le mouvement
HBM. Le Conseil Supérieur des HBM avait
notamment estimé, en 1899, que le logement
des ouvriers incombait naturellement aux
entreprises qui les employaient. Dans la mesure
où cette charge dépassait les possibilités de la
grande majorité des entreprises, l’Union des
Industries métallurgiques et minières (UIMM)
avait pris l’initiative de créer, en 1919, une
« Caisse foncière de crédit pour favoriser l’amélioration du logement dans l’industrie ». Cet
organisme avait pour but de faciliter, en dehors
de toute aide de l’Etat, la construction de logements pour l’industrie. Cette organisation purement patronale était complétée par un
« Comptoir général du logement populaire »,
chargé de procurer aux industriels le matériel
et les fournitures destinés à la construction, à
l’aménagement des logements et des dépendances.
Pareille évolution se retrouve dans le monde
des grandes sociétés parisiennes d’assurances.
Dès avant 1914, celles-ci avaient pris l’habitude
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
-
52
d’affecter chaque année à la construction d’immeubles à usage d’habitations une part importante des capitaux destinés à former leurs
réserves locales. Mais les fluctuations des
changes et l’alourdissement de leurs charges fiscales consécutifs au conflit avaient brutalement
mis fin à ces placements. Ce n’est qu’au début
de l’année 1926, à la suite d’un accord passé
avec le gouvernement, que ces compagnies
s’engagèrent de nouveau à construire des
immeubles à loyers modérés. Le « Comité général des Assurances », qui regroupait plus de
quarante sociétés, était chargé de coordonner
le projet. Certaines compagnies bâtirent ellesmêmes ; d’autres devinrent d’importants actionnaires de sociétés d’HBM.
La création du CIL de RoubaixTourcoing : une première
expérience de gestion paritaire
du logement
C’est en 1943, dans une France entièrement
occupée, qu’Albert Prouvost, patron de « La
Lainière de Roubaix », et Victor Provo, maire
socialiste de Roubaix (qui avait l’approbation
des mouvements de la Résistance), fondèrent le
« Comité interprofessionnel du Logement (CIL)
de Roubaix-Tourcoing et environs ». L’objectif
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
était double : d’une part, répartir la charge de la
construction entre des industriels qui contribuaient jusque-là individuellement à l’effort de
logement ; d’autre part, instituer un partenariat
autour de la question du logement à l’intérieur
d’une structure paritaire où des employeurs et
des ouvriers seraient représentés sur un pied
d’égalité.
Ci-dessus :
L’initiative d’Albert Prouvost et de Victor Provo va faire
tâche d’huile : c’est le 11 janvier 1946 qu’est fondé
le 2e CIL de France, à Mazamet.
Sous l’impulsion de Marcel Escande et de Jacques
Bonneville, 153 entreprises acceptèrent de verser
volontairement 1 % de leur masse salariale pour loger les
salariés dont les besoins étaient très importants.
L’idée de faire du logement un objet de concertation entre employeurs et ouvriers syndiqués
constituait une innovation majeure. Le dispositif
proposé allait, en tout cas, très rapidement
séduire les industriels locaux qui souhaitaient
asseoir la reconstruction future du pays sur des
bases consensuelles. D’emblée, le premier CIL
se donna pour but « d’inciter à l’initiative privée,
de rendre la construction rentable et de permettre aux ouvriers de payer un loyer en rapport avec le coût de la construction, en créant,
à la charge de l’employeur l’allocation logement ». C’était, d’un trait, reprendre l’ensemble
des vœux que la Fédération nationale des
Sociétés anonymes et Fondations d’HBM de
France et d’Algérie formait depuis sa création.
L’allocation logement fut mise en place, le 1er janvier 1944, dans l’agglomération de RoubaixTourcoing. Prise en charge par les entreprises
adhérentes au CIL, proportionnelle au loyer, et
tenant compte du nombre de personnes occupant le logement, elle était réservée aux
ménages ne disposant que d’un seul revenu professionnel, et pouvait atteindre de 15 à 20 % du
salaire.
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
-
53
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (1900-1945)
SODINEUF
SA D’HLM DU HAINAUT
PROPRIETE FAMILIALE
DE L'ILE DE FRANCE
LES HLM REUNIES
SA D’HLM GRASSOISE
PAX - PROGRES - PALLAS
SA D’HLM DE LILLE ET ENVIRONS
FONDATION MADAME JULES LEBAUDY
SA D’HLM DE BUHL
LE FOYER FLAMAND
BRANCHE
PROMOCIL
SA D’HLM DAUPHINOISEDU COIN DE TERRE ET DU FOYER
HABITAT D'ENTRE RHONE ET LOIRE
LES CITES JARDINS DE SAINT ETIENNE
SA D’HLM LORRAINE
LYONNAISE POUR L'HABITAT
ORLY PARC
SA D’HLM AUDOISE ET ARIEGEOISE
SA D’HLM DEPARTEMENTALE
DE SAONE ET LOIRE
LE FOYER REMOIS
LES LOGEMENTS FAMILIAUX
SA D’HLM MELLOISE
SA D’HLM ATLANTIQUE
ESPACE DOMICILE LA NAVALE
L'HABITAT EN FRANCE
NOREVIE
IMMOBILIERE DU MOULIN VERT
S.I.A.P.
DE LA REGION D'ELBEUF
SA D’HLM DE COLIGNY
SA D’HLM DES MARCHES DE L'OUEST
LA NANTAISE D'HABITATIONS
LE FOYER DIJONNAIS
SA D’HLM DU COTENTIN
LA PLAINE NORMANDE
LE TOIT FAMILIAL
OZANAM
PALOISE - GROUPE ALLIANCE HABITAT
SA D’HLM REGIONALE
DES CITES JARDINS
SA D’HLM DES ALPES PLURALIS
HABITAT SUD ATLANTIC
LOGICIL
S.I.A. SOCIETE IMMOBILIERE DE L'ARTOIS
SAGECO
SA D’HLM D'AMENAGEMENT
DE HAUTE-NORMANDIE
SA D’HLM GOURNAISIENNE
1900
1901
1903
DIEPPE
VALENCIENNES
SANNOIS
1904
1905
1905
1906
1906
1907
1907
PARIS
GRASSE
PARIS
LILLE
PARIS
BUHL
COUDEKERQUE
1907
1908
MAUBEUGE
GRENOBLE
1909
1910
1910
1911
1911
1912
1912
1912
1913
1913
1913
1913
1914
1914
1917
1919
1919
1919
1919
1920
1920
1920
1920
1920
1920
TARARE
SAINT ETIENNE
NANCY
LYON
LEVALLOISPERRET
CARCASSONNE
CHALON-SURSAONE
REIMS
PUTEAUX
MELLE
PARIS
SAINT NAZAIRE
LA DEFENSE
DOUAI
PARIS
PITHIVIERS
ELBEUF
BORDEAUX
NANTES
NANTES
DIJON
CHERBOURG
CAEN
ROANNE
SCHOELCHER
PAU
LILLE
1921
1921
1921
1921
1921
1922
VOIRON
BAYONNE
TOURCOING
DOUAI
PARIS
YVETOT
1922
GOURNAY-ENBRAY
DREUX
PARIS
PAVILLY
1912
1912
LE LOGIS DROUAIS
S.O.F.I.
SA D’HLM DES VALLEES
DE L'AUSTREBERTHE ET DU CAILLY
L'AIDE SOCIALE DES HAUTES-PYRENEES
LE FOYER MANCEAU
LE MONT BLANC
SOMCO
SA D’HLM DE GRAND QUEVILLY
1922
1922
1923
1923
1923
1923
1923
1924
FONDATION DES PETITS LOGEMENTS
IMMOBILIERE BASSE-SEINE
1924
1924
LE LOGIS SOCIAL DU VAL-D'OISE
LOGIS 47
SA D’HLM DE LAVAL
SA D’HLM INTERPROFESSIONNELLE
DE LA REGION PARISIENNE
L'ATHEGIENNE
LE FOYER DES INFIRMIERES
LA STRASBOURGEOISE HABITAT
TRAVAIL
ET PROPRIETE
SA D’HLM DE LA VALLEE DE MUNSTER
SA D’HLM DE MONTARGIS
SA D’HLM DE SELESTAT
SA D’HLM DES CANTONS
D'ARMENTIERES BAILLEUL MERVILLE
LE LOGEMENT DU TRAVAILLEUR
LE NOUVEAU LOGIS
MAISON DES ELEVES DE L'ECOLE
CENTRALE DES ARTS ET MANUFACTURES
AOTEP - TRADITION ET PROGRES
SA D’HLM DE L'EST
F.I.A.C.
IMMOBILIERE 3 F
LA VINCENNOISE
LE COTTAGE SOCIAL DES FLANDRES
LE FOYER NOISEEN
LES CITES JARDINS
DE LA REGION PARISIENNE
LES MAISONS SAINES AIR ET LUMIERE
LOGEMENT URBAIN POUR LE
COMMERCE ET L'INDUSTRIE
SOGEMAC HABITAT
AUVERGNE HABITAT
SA D’HLM AUXERROISE ET TONNERROISE
SA D’HLM DE LA VILLE
DU PRE SAINT GERVAIS
SA D’HLM DES LANDES
HABITAT 2036
LA LUTECE
LA MOUCHONNIERE
LA ROSERAIE
LA SARRIANNE
LE FOYER DU MINEUR
ET DU COMBATTANT
LE FOYER
MAURIENNAIS
Elles construisirent
ces années-là…
1924
1924
1925
1925
1925
1925
1926
1926
1927
1927
1927
1927
1927
1927
1927
PONTOISE
AGEN
LAVAL
MEUDONLA-FORET
ATHIS-MONS
PARIS
STRASBOURG
LE KREMLIN
BICETRE
MUNSTER
MONTARGIS
SELESTAT
ARMENTIERES
1928
1928
1928
1928
1928
1928
1928
1928
OIGNIES
PARIS
CHATENAYMALABRY
PARIS
NANCY
PARIS
PARIS
VINCENNES
DUNKERQUE
NOISY-LE-SEC
ARGENTEUIL
1928
1928
PARIS
PARIS
1928
1929
1929
1929
VERSAILLES
CLERMONTFERRAND
AUXERRE
PARIS
1929
1929
1929
1929
1929
1929
1929
DAX
CHATEAUROUX
PANTIN
TOURCOING
CHARTRES
PARIS
SAINT-AVOLD
1929
SAINT JEAN DE
MAURIENNE
LE FOYER NORMAND
LE FOYER
STEPHANAIS
LE FOYER VELLAVE
LE LOGIS STRASBOURGEOIS
LES RIANTES CITES
1929
1929
1929
1929
1929
LOGIS FAMILIAL
LOGISEINE
1929
1929
MON LOGIS
SA D’HLM NORMANDE
1929
1929
SA D’HLM REGIONALE DE L'HABITAT
SA D’HLM REGIONALE DE LYON
SAHLMAP
SOFILOGIS
SA D’HLM VILLEURBANNAISE
CIPCO LOCATIF
SA D’HLM DE NOUZONVILLE
HABITAT DU FONCTIONNAIRE
IMMOBILIERE DE CONSTRUCTIONS
ET D EQUIPEMENT - SICE
L'ABRI
LA SABLIERE
LA SEIMAROISE
LE VAL-DE-LOIRE
SA D’HLM NOUVELLE DE MARSEILLE
SA D’HLM REGIONALE DE POITIERS
SA D’HLM RURALE DE L'EURE
SA D’HLM DE L'ARCHE
SA D’HLM DE PETIT QUEVILLY
1929
1929
1929
1929
1929
1930
1930
1930
1930
1930
1930
1930
1930
1930
1930
1930
1931
1931
L'HABITATION CONFORTABLE
LA CITE JARDINS
LA MAISON DES AVEUGLES
LE BREAU HABITAT
1931
1931
1931
1931
LE FOYER BOURBONNAIS ET THERMAL
1931
SA D’HLM REGIONALE DE LIMOGES
LA PLAINE DE FRANCE
PATRIMOINE - LANGUEDOCIENNE
SAGECO - RHONE-ALPES
EFIDIS
1931
1932
1932
1932
1933
COLOMBELLES
SAINT ETIENNE
DU ROUVRAY
LE PUY EN VELAY
STRASBOURG
VERRIERES-LEBUISSON
NICE
MONT SAINT
AIGNAN
TROYES
BOIS
GUILLAUME
MARSEILLE
LYON
PARIS
LYON
LYON
DIJON
NOUZONVILLE
STRASBOURG
PARIS
METZ
PARIS
PARIS
ANGERS
MARSEILLE
POITIERS
GISORS
PARIS
LE PETIT
QUEVILLY
PARIS
BLAGNAC
STRASBOURG
FONTAINE
BLEAU
CLERMONT
FERRAND
LIMOGES
LA COURNEUVE
TOULOUSE
LYON
CACHAN
Nombre de logements
25 000
20 000
15 000
10 000
PARIS
LE MANS
ANNECY
MULHOUSE
LE GRANDQUEVILLY
ROUEN
LE HAVRE
Le nombre
de logements locatifs
dans le patrimoine des
SA d’HLM (1920-1944)
5 000
0
Avant
1920
SA
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
-
54
1924
1929
1934
1939
Année d'achèvement
1944
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Etonnante (r)évolution ! Le mouvement
HBM s’était construit primitivement autour
de sociétés anonymes qui s’étaient détachées
du modèle de référence patronal sans nullement renier ses acquis. Il avait réalisé, à travers l’action de ses promoteurs, philanthropes et réformateurs sociaux très proches
de la grande industrie mais également de la
classe politique, la jonction entre l’économie
politique et l’économie sociale. Et voici que
l’initiative patronale relançait une initiative
privée qui n’avait pu pleinement s’épanouir,
faute d’une politique publique du logement
audacieuse. Les acteurs étaient là, les rôles
étaient pratiquement distribués. Certes, une
source de financement complémentaire se
dessinait et, avec elle, des possibilités nouvelles de construction ; mais que pesaient ces
virtualités en face de l’ampleur des destructions provoquées par la guerre ? Ce n’est plus
d’un sursaut dont le pays avait besoin, mais
bien d’un changement d’échelle.
L’ACTION LIBÉRALE ET LES POLITIQUES PUBLIQUES
-
55
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
RÉPONDRE À L’URGENCE
-
56
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
La cité d’urgence,
une solution d’habitat
provisoire.
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Les raisins de la
colère : immigrés
italiens quittant le
bidonville de
Nanterre pour un
HLM à Fos en 1957.
1945/1957
Répondre à l’urgence
L
Troisième
époque
A PART DÉCISIVE DES SA D’HLM À L’EFFORT
DE RECONSTRUCTION ET DE CONSTRUCTION
Les relations entre les pouvoirs publics et les
acteurs privés de l’économie s’étaient radicalement transformées par rapport à l’avant-guerre.
Les nationalisations et les nécessités de la
reconstruction portaient désormais l’Etat à
revendiquer un rôle d’organisateur, alors que
son intervention n’avait été sollicitée jusque-là
que pour mieux aménager les conditions néces-
saires à l’épanouissement de l’initiative privée.
L’une des conséquences de cette transformation, structurelle et culturelle, fut, dans le domaine du logement, le transfert de la tutelle des
HBM du ministère de la Santé au ministère de la
Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU). Du
même coup, les organismes d’HBM devenaient
les principaux leviers de la reconstruction et
RÉPONDRE À L’URGENCE
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57
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
même de la construction, rôle qu’ils n’avaient pu
remplir au lendemain du premier conflit en raison du nombre réduit d’opérateurs et d’une
aide financière de l’Etat insuffisante.
Les évolutions propres aux Trente Glorieuses
ont requis des organismes d’HLM un effort de
construction sans précédent, auquel les sociétés
anonymes ont pris une part décisive. Plus de
trente années s’écouleront avant que la « crise
sociale » du logement ne soit résorbée avec la
disparition symbolique des derniers grands
bidonvilles au milieu des années 1970. Les organismes d’HLM durent en effet répondre à la
pénurie de logements et au rattrapage dû à la
reconstruction ; ils furent ensuite sollicités sans
relâche par les effets du baby-boom et par des
flux migratoires d’une très grande ampleur,
d’origine française ou étrangère.
Les SA s’apprêtaient ainsi à affronter le plus dur
challenge de leur histoire depuis la loi Siegfried.
A son Assemblée générale du 17 juin 1950, la
La crise sociale du logement
En 1945, la France comptait 457 000 logements entièrement détruits et
1 719 000 logements endommagés. A ces destructions, il fallait ajouter les deux millions de
logements restés debout mais qui auraient dû être détruits pour vétusté depuis 1914.
L’évaluation des besoins en logements s’élevait ainsi à 4,5 millions sur 10 ans. Or, la reprise
de la construction achoppait sur des problèmes conjoncturels liés à la désorganisation de
l’économie, mais également sur des problèmes structurels : pénurie de main-d’œuvre et retard
technique de la construction sur d’autres branches de l’industrie. Le décalage considérable
entre les besoins de la reconstruction et la production des matériaux nécessaires à celle-ci
explique notamment le retard apporté au renouvellement des logements : aucune politique
publique du logement n’était envisageable sans la résorption préalable de cet écart.
RÉPONDRE À L’URGENCE
-
58
Fédération affirmait tout de suite leur rang
d’égalité avec les Offices : « le drame du logement est d'une telle acuité que tous les efforts en
faveur de la construction d'habitations doivent
être acceptés et soutenus. Aucune distinction ne
doit être faite entre les OPHLM et les SA ou
coopératives ; aucun privilège ne doit être accordé à une catégorie au détriment de l'autre.
Offices et SA ont droit aux mêmes égards, à la
même sollicitude de la part des Pouvoirs
publics ».
L’originalité des SA d’HLM résidait dans les liens
très étroits que ces sociétés tissèrent avec les
partenaires socio-économiques (entreprises,
institutions, collectivités locales). Telle société
s’est mise au service d’entreprises pour loger
leur personnel, telle autre s’est investie résolument dans le logement des populations défavorisées, telle autre s’est conduite en généraliste
de l’habitat. On observe ainsi une pluralité d’attitudes, de sensibilités et d’engagements également légitimes ; pas une, mais plusieurs
manières possibles de répondre aux urgences et
aux défis, d’apporter des solutions adaptées aux
circonstances et aux besoins locaux des populations concernées. Cette diversité est issue
d’une subtile combinaison entre plusieurs facteurs : d’abord, l’histoire individuelle des SA qui
conditionne leur développement et leurs orientations ; ensuite, le pragmatisme, cette vertu
commune à ces sociétés, qui les porte, leurs statuts aidant, à tirer parti des méthodes propres à
l’initiative privée, mais aussi des facilités consenties par la puissance publique ; enfin, les considérations locales qui amènent chacune d’elles à
inventer des solutions différenciées.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
R
ÉPONDRE À LA DIVERSITÉ DES BESOINS
TOUT EN TRAITANT L’URGENCE :
UN IMPÉRATIF POUR LA FÉDÉRATION DES SA
La période de reconstruction a permis d’assainir la situation financière des organismes
d’HLM, condition nécessaire à la reprise de la
construction. Celle-ci a redémarré, avec le Plan
Courant de 1953, sur des bases nouvelles, avec
l’appui du 1 % logement institué par le décret du
9 août 1953. Mais, pour la première fois depuis
la naissance du mouvement HBM, la tutelle des
pouvoirs publics s’exerçait de manière insistante, conduisant les organismes d’HLM à construire des logements selon des normes précises,
définies par le Ministère. Cette tutelle était
Ci-contre :
Le début d’un
chantier de
4 000 logements à
Bagnolet en 1956.
Il faudra plusieurs
années pour parvenir
à améliorer de
manière significative
les conditions de
logement
des Français.
La mise en place d’une politique du logement
également une aide personnelle au logement dont les bénéficiaires
sont les familles nombreuses ou les ménages à faibles revenus.
La loi du 21 juillet 1950 remplaça l’appellation HBM par celle
« d’Habitation à Loyer Modéré ». Loger le plus grand nombre de
personnes possible dans des conditions décentes devenait plus
important que de les loger dans les meilleures conditions possibles.
Le Plan Courant de 1953 prévoyait la construction de 240 000
logements par an et non plus comme en 1928 sur cinq ans. La
construction fut enfin reliée à une politique foncière : la loi du 6
août 1953 donna aux collectivités publiques la possibilité d’exproprier les terrains nécessaires à la réalisation de zones d’habitation.
Des normes techniques, destinées à favoriser l’industrialisation de
la construction, entourèrent le nouveau label HLM.
La loi du 3 septembre 1947 relance l’activité de tous les organismes d’HBM en leur accordant des facilités financières nettement plus avantageuses : prêts au taux de 2 % remboursables en
65 ans ; au cours des deux premières années de la durée du prêt,
remise totale des intérêts et, au cours des huit années suivantes,
une remise égale à la moitié des intérêts ; différé d’amortissement
de cinq ans.
Réclamée depuis 1946 par le député de la Loire, Claudius-Petit, la
vérité des loyers est restaurée par la loi du 1er septembre 1948.
Son objectif est « la détermination d’un loyer juste, tenant compte
de la rentabilité du capital investi, de la nécessité de l’entretien, des
frais de gestion, du service rendu et, dans sa finalité, du rapport
devant exister entre les loyers et les revenus ». Cette loi institue
RÉPONDRE À L’URGENCE
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59
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
jugée pesante, et même tatillonne, car la
Direction générale de l’urbanisme et de l’habitation, flanquée de son « Service de l’architecture », imposait, depuis Paris et sans être au fait
des besoins locaux, ses vues, ses règles, ses
objectifs quantifiés, et très souvent dans les opérations importantes ses architectes. Du même
coup, les sociétés d’HLM, dont les statuts-types
étaient imposés de manière plus restrictive
qu’avant guerre, perdaient certains des attributs
qui faisaient auparavant leur originalité : la maîtrise totale de l’ouvrage puisqu’il leur fallait utiliser les modèles architecturaux imposés par
l’administration ; la faculté de désigner ellesmêmes leurs architectes ; la possibilité d’être à
l’écoute de la population.
Eugène Claudius-Petit
1907-1989
Nommé en Septembre 1948 Ministre de la reconstruction
et de l’urbanisme, Eugène Claudius-Petit est un ancien ouvrier ébéniste, influencé par
le catholicisme social de Marc Sangnier et profondément marqué par la Résistance.
Il va négocier le passage d’une reconstruction timorée à une construction ambitieuse tournée vers le long terme. Sous son ministère de quatre années, la restructuration et la modernisation de la branche bâtiment furent résolument amorcées, l’accent étant mis sur l’industrialisation pour diminuer les coûts à la construction et
compenser la pénurie de main-d’œuvre. On doit également à Claudius-Petit la mise
au point, en 1950, d’un système de primes à la construction et des prêts spéciaux
du Crédit foncier destinés à encourager la reprise de l’initiative privée dans la
bâtiment. Enfin, sur au moins trois points, son action se démarquait nettement des
orientations prises avant-guerre : la nette primauté donnée au locatif sur l’accession
à la propriété, l’intérêt porté à l’urbanisme et le souci d’aménager le territoire en
recherchant une meilleure répartition des hommes en fonction des ressources naturelles et des activités économiques.
Claudius-Petit présida également la Sonacotra à sa naissance en 1956 et suscita la
constitution de sociétés filiales au statut HLM, les « Logi ». Il fut aussi membre du
Conseil fédéral de la Fédération de sociétés anonymes d’HLM.
RÉPONDRE À L’URGENCE
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60
Ci-dessus :
Eugène Claudius-Petit,
inlassable tribun défendant un
urbanisme à visage humain :
à la fin des années 40
et en 1983 à la tribune de
l’Assemblée générale de la
Fédération des SA d’HLM.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Construire pour le plus
grand nombre
Destinées à soulager la crise sociale du logement, les nouvelles orientations allaient, de
manière frappante, à rebours de celles qui
s’étaient dessinées dès la fin des années 1920,
où l’élargissement de la mission du mouvement
HBM avait entraîné l’apparition d’habitations à
loyer moyen (1928) puis celle d’Habitations à
bon marché améliorées (HBMA) destinées aux
classes moyennes. D’un élargissement timide
vers le haut, on était passé, à la faveur de la guerre et de la reconstruction, à une extension vers
le bas, dont la nécessité était dictée par la crise
du logement. Les deux mouvements avaient
certes leurs limites : le premier n’avait pas supprimé les taudis ; le second avait pour inconvénient de peser sur la qualité des logements
construits, et présentait le risque de développer
des phénomènes de ségrégation sociale. Mais
pouvait-on revenir sur la dernière orientation,
alors que la crise du logement était devenue
« sociale », aiguë pour les sans-logis, très vive
pour la majorité des français ?
Dans ce débat aux résonances très actuelles, la
Fédération nationale des sociétés anonymes et
Fondations d’HLM estima qu’il fallait : « continuer à construire tous les types de logements,
tant que l’initiative privée ne recommencerait
pas à construire pour les classes dites aisées ;
mais il fallait en même temps remplir la mission
des HLM qui est de fournir des logements aux
familles pauvres ». Si donc, pour des raisons de
solidarité, il fallait bien édifier des logements
d’urgence, ceux-ci, en aucun cas, ne devaient
constituer une fin en soi, ni remettre en cause la
mission fondamentale des organismes d’HLM
axée, depuis la fin des années 1920, sur la
construction de logements de qualité pour le
plus grand nombre.
RÉPONDRE À L’URGENCE
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61
Ci-dessus :
Dans les années
d’après-guerre,
la vetusté du parc
immobilier se révèle
avec toute son
ampleur, comme ici à
Rouen en 1951.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L’Abbé Pierre en
avril 1955. En 1954 et
1955, la SA construit
440 logements en cités
d’urgence et
241 logements HLM.
L’émergence d’un
« droit au logement »
L’appel
de l ’abbé Pierre
Au cours de l’hiver 1954, un enfant est
retrouvé, mort de froid, dans l’un des
abris de fortune que l’abbé Pierre avait
improvisés avec ses compagnons de la
Communauté d’Emmaüs. En février,
c’est une femme qui trouve la mort, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant contre elle
l’avis d’expulsion qui avait signé sa fin. Alors que les effets du baby-boom se faisaient désormais sentir et que l’on croyait dur comme fer qu’ils étaient liés à une politique nataliste, soucieuse de protection sociale et d’hygiène conquérante, les décès d’un enfant et d’une femme
faute de logement ou par la faute de mesures policières était révoltant. C’est sur les ondes
de la radio que l’abbé Pierre lance, le 1er février 1954, son appel à la générosité des Français.
Lui répondant, une foule d’anonymes envahit l’hôtel Rochester qui avait proposé quelques
unes de ses chambres. Des lignes téléphoniques furent installées à la hâte, tandis que la RATP
ouvrait quatre de ses stations de métro désaffectées aux sans-abri. Des postes de police se
transformèrent en centres d’accueil, et 85 restaurants sociaux offrirent leurs services. C’est
par centaines que des comités d’aide aux sans-logis se constituèrent ; les élus furent interpellés, des meetings de masse s’organisèrent, les manifestations de rue se multiplièrent. Un
mouvement était bel et bien né.
Qui était l ’abbé Pierre...
Fils de soyeux lyonnais, Henri Grouès est né en 1912. Il entre à dix-huit ans dans l'ordre des
Capucins et est ordonné prêtre en 1938. Il prend le nom d’« abbé Pierre » quand il entre
dans la Résistance. Fondateur (1949) de l'association « Emmaüs », communauté de chiffonniers-bâtisseurs en même temps que de la société anonyme d'HLM du même nom, il se
consacre à la frange la plus démunie de la population.
RÉPONDRE À L’URGENCE
-
62
Le cri de révolte de l’abbé Pierre lancé, le 1er
février 1954 à 13 heures, sur Radio
Luxembourg, eut pour conséquence la revendication, en des termes humanitaires, d’un droit
au logement : contenu en filigrane dans la
Constitution de 1946, celui-ci ne sera explicitement confirmé que par la loi Besson de 1990.
C’etait aussi le souci de prendre en compte la
situation des plus démunis, avec l’émergence
d’un dilemme que l’on retrouvera plus tard à
propos des immigrés : faut-il traiter le problème
en faisant du spécifique au risque d’induire certaines formes de ségrégation sociale, ou, au
contraire, faire du général avec le risque de
méconnaître les besoins particuliers des populations concernées ? Il semble que la première
option, soufflée par l’urgence, mais contraire à la
philosophie traditionnelle de la Fédération des
SA d’HLM, ait pour un temps prévalu. De fait, le
ministre Maurice Lemaire ne put qu’appuyer la
requête de l’abbé Pierre tendant à la construction de plusieurs milliers de logements de première nécessité. Un grand concours d’architectes et d’entrepreneurs fut ouvert en vue de
réaliser, avec les organismes d’HLM et les municipalités, plus de 12 000 Logements économiques de première nécessité (LEPN) ou « cités
d’urgence ou de transit », plus tard relayés par
les logements de l’opération « million », et les
LOPOFA. Le risque existait de fabriquer, au nom
de l’urgence, des « taudis neufs », appelés à se
surajouter à moyen terme aux nombreux taudis
restant à éradiquer.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
N
AISSANCES ET RENAISSANCES
Depuis la fin du 19e siècle, beaucoup des sociétés anonymes d’HLM étaient apparues à l’occasion de lois fondamentales, comme celles de
1894 ou de 1928 qui avaient ouvert des perspectives prometteuses et suscité des vocations.
Au cours de la période 1945-1958, certaines
sociétés se sont constituées comme par le
passé, c’est-à-dire au gré des besoins locaux ou
du débat public national ; d’autres ont été soit
fondées ou ranimées par des CIL, soit associées
de près à leur activité. C’est ce double mouvement, l’un pouvant s’appréciant comme un facteur de stabilité, l’autre comme un facteur de
mutation, qu’il convient de présenter. Dans tous
les cas, l’existence même des SA « ne résulte
pas d’une structure a priori, mais d’une création
issue de besoins précis en face desquels des
personnes conscientes ont mis en place des
organes capables d’apporter des solutions ».
La Cité d’urgence du Plessis-Trévise
Le 8 février 1954, la toute jeune SA d’HLM « Emmaüs » débute les travaux de sa première
réalisation sur un terrain de 4 hectares acquis grâce aux dons recueillis. La cité d’urgence sera
achevée le 18 octobre : composée de petits pavillons, l’opération est entièrement préfinancée
sur fonds propres, la SA ne recevant les aides de l’Etat qu’au lendemain de l’inauguration.
Chaque maisonnette revient à environ 800 000 francs de l’époque, terrain et viabilité compris pour une surface habitable de 83 m2. Ce sont des logements de transition permettant de
régler pour quelques temps les cas d’urgence. L’Association Emmaüs y crée un centre social
pour l’accueil et l’encadrement.
En 1954 et 1955, la SA réalisera 5 cités d’urgence et 440 logements.
Les SA comme réponse
aux besoins locaux
La « Société d’HLM Emmaüs » est née dans un
contexte très particulier, à une époque où la
question du logement était perçue comme cruciale. Dans le droit fil des abbés Lemire,Viollet
et Keller, l’abbé Pierre créa sa propre société
anonyme d’HLM grâce aux fonds recueillis et
aux milliers de mètres cubes de matériel récuRÉPONDRE À L’URGENCE
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63
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessous :
La cité d’urgence de
Chaville.Terminée
en 1956 par la SA
d’HLM Emmaüs, elle
comprenait
40 logements LEPN
individuels.
pérés dans la gare d’Orsay qui permirent de lancer les premiers chantiers de logement. Avec
cette création, approuvée par un arrêté ministériel en date du 19 février 1954, la famille des
SA renouait avec une vocation sociale que certains de ses membres avaient assumée dès la fin
du 19e siècle.
En même temps que l’abbé Pierre et avec des
préoccupations humanitaires identiques, on
avait vu la SA « Le Foyer du Fonctionnaire et de
la Famille » relancer son activité sous la direction de Marcel Lair : fin 1954, 1 000 logements
économiques de première nécessité avaient été
réalisés. Mais dès 1952, son Président, Roger
Hackspill, attirait l’attention sur les risques de
dégradation rapide des cités d’urgence : « Les
constructions économiques permettent évidemment des réalisations plus nombreuses
pour un volume global de crédits déterminés.
Nous pensons également qu’ils apportent une
solution immédiate au problème du logement
des jeunes ménages et des familles peu chargées
d’enfants. Il est impossible cependant de les
considérer comme une panacée, car ils conviennent mal aux familles nombreuses. De plus, il
sera indispensable, pour qu’ils ne se transforment pas en taudis, que les loyers qui leur
seront appliqués permettent un entretien normal et complet ».
Ci-dessous :
La cité d’urgence de Sucy-en-Brie en 1956, réalisée
par la SA « Le Foyer du Fonctionnaire et de la Famille ».
Des logements provisoires au confort rudimentaire pour
gérer la pénurie...
RÉPONDRE À L’URGENCE
-
64
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
La liste est longue des Coopératives qui, pour
des raisons diverses se sont transformées ou
ont suscité la création de sociétés anonymes
d’HLM. Si des coopératives ont troqué leur statut contre celui de SA, c’est bien souvent pour
développer une activité qui se limitait à l’accession à la propriété. Avant d’être une Société
anonyme, « Provence Logis » s’appelait « Logis
Coopérative ». Cette société à capital variable
avait été fondée, en 1948, par des fonctionnaires
de l’administration des PTT, rompus depuis
longtemps à la coopération. C’est notamment
pour faire face, dès 1956, à l’afflux des premiers
rapatriés d’Afrique du Nord que Logis
Coopérative s’est transformée en « Provence
Logis » dans le but de se consacrer au locatif.
Autre exemple, « Le Cottage social des
Flandres » tire aussi son origine d’une coopérative, « Les Coopérateurs des Flandres et
d’Artois », dont les actionnaires décidèrent, le
2 mai 1959, « pour faire face aux besoins locatifs engendrés par le développement économique de la région dunkerquoise, une modification des statuts tendant à transformer la SA
coopérative en SA » . C’est par une assemblée
générale extraordinaire en date du 18 avril 1966
que la « Coopérative de Colomiers », en HauteGaronne, prit la décision de se transformer en
société anonyme afin de poursuivre une activité
en location simple. Une année plus tôt, en mars
1965, la coopérative d’HLM « Amicale
Habitation » et le Crédit Immobilier de SaintMalo suscitent, autour de Messieurs Debroise
et Pinçon, la naissance de la SA d’HLM « La
Rance ».
Autre conséquence très importante du mouvement d’opinion de l’année 1954 : la création de
la « Société centrale immobilière de la Caisse
des Dépôts » (SCIC), à l’initiative du directeur
général de la CDC, François Bloch-Lainé.
Fondée, le 11 juin 1954, dans le but « de
répondre à la crise du logement en construisant
massivement, vite et peu cher ». Il décida, dès
novembre 1956, d’aider des SA d’HLM qui
recherchaient de solides appuis et constitua de
cette façon un véritable réseau HLM. Parmi ces
SA, « Travail et propriété » qui regroupait en fait
trois SA nées entre 1917 et 1927, ou « Le
Nouveau Logis », issu de la « Ligue nationale
contre le taudis », fondée par Mme Leygues en
1929 et de la « Fédération nationale de propagande et d’action contre le taudis » (PACT),
créée sous l’occupation. C’est en 1977 que la
SA « Le Foyer bourbonnais et thermal », qui
avait été fondé en 1931 par le maire de SaintYorre, rejoint le groupe SCIC.
RÉPONDRE À L’URGENCE
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65
Ci-dessus :
Le bâtiment adopte de
nouvelles
techniques : au pied
d’une construction
traditionnelle, la SA
« Pierres et Lumières »
édifie en 1958
à Velizy-Villacoublay
un immeuble LOPOFA
de 72 logements.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L’institution de la
Participation des
employeurs à l ’effort
de construction
C’est par le décret du 9 août 1953 que
le ministre de la Reconstruction et du
Logement, Maurice Lemaire, rendit obligatoire l’investissement patronal dans la
construction à hauteur de 1 % de la
masse salariale pour toutes les entreprises industrielles et commerciales de
plus de dix salariés. L’initiative d’Albert
Prouvost et de Victor Provo de 1943, à
laquelle la Fédération des SA était très
favorable, recevait du même coup force
de loi, non sans une importante concession : la contribution était certes obligatoire, mais son usage restait libre.Aide à
l’investissement et véritable catalyseur
de la construction, la participation des
employeurs viendra opportunément
réduire les charges financières de gestion ; elle aidera nombre de SA d’HLM à
obtenir des financements d’origine
publique, à préfinancer l’acquisition des
terrains, à accorder des avances de
démarrage de chantiers, à limiter le
recours à l’emprunt et à alléger les
charges, donc les loyers.
Les SA créées ou ranimées
par des CIL
Avec les SA d’HLM créées et animées par des
Comités paritaires pour le logement (CPL) ou
des Comités interprofessionnaux pour le logement (CIL), une espèce nouvelle d’organismes
apparaissait. La famille des SA ne faisait toutefois
que récolter les fruits d’une longue tradition de
proximité avec les milieux industriels. Les organismes collecteurs ont joué un rôle d’entraînement ; ils ont bien souvent lancé plusieurs sociétés, civiles immobilières et/ou anonymes d’HLM.
A Montbéliard, c’est un CIL, constitué en 1946,
qui fonda, deux années plus tard, la « Société
immobilière du Comité régional du logement de
Belfort/Montbéliard », appellation qui illustre la
fonction instrumentale dévolue à cette société.
Celle-ci ne s’émancipera du CRL (la « SA
d’HLM de Franche-Comté ») que sous l’effet
des restructurations opérées dans l’industrie
automobile de Montbéliard à la fin des années
1970.
Ci-contre :
Les deux fondateurs du COPLORR, Bertrand de Vogüé
représentant le patronat et Charles Guggiari représentant
les syndicats. Créé en 1947, « l’Effort Rémois » se veut
l’expression du paritarisme local. « Cette même foi anime
le patronat et le syndicalisme de Reims. Sans doute, ne
nous fera-t-elle pas transporter des montagnes.
Ainsi les réalisations de l’EFFORT REMOIS
seront-elles au XXe siècle, la manifestation tangible
de la même foi et du même enthousiasme qui,
au Moyen Age firent se dresser dans le ciel les tours
de la Cathédrale de Reims (B. de Vogüé).
RÉPONDRE À L’URGENCE
-
66
A Angers, le CIL local décida de se doter en
1949 d’une SA d’HLM, le « Toit Angevin », qui fut
présidée au cours des premières années par
Monsieur De Lamberterie. A Rennes, la « SA
d’HLM d’Ille-et-Vilaine », de nos jours
« Espacil », est créée le 28 août 1955 par le
transfert d’actions de la « SA d’HBM de SaintServan-sur-Mer » à l’initiative d’un collecteur
patronal. Filiale d’un autre CIL, le Comité interprofessionnel du Logement de Guyane et de
Gascogne, « DomoFrance » (à l’origine la « SA
d’HLM La Gironde ») nait en 1958. Emanation
du principal partenaire local des entreprises en
matière de logement, DomoFrance est créé
pour être l’opérateur du logement des salariés
d’entreprises.
Le « Comité paritaire du Logement de Reims et
sa région » (COPLORR) fournit encore un
remarquable exemple. Une fois de plus, la Ville
de Reims s’était projetée dans l’avenir, voulant
maîtriser son destin en planifiant la construction
de logements. Des organismes d’HBM, elle en
possédait déjà deux (« Le Foyer Rémois » et un
Office), mais pouvaient-ils suffire à la tâche
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
quand tout était à reconstruire ? C’est le 4
février 1947 que naquit, grâce aux efforts
conjoints de Bertrand de Vogüe (représentant
patronal) et de Charles Guggiari (CGT) que la
déportation avait réunis, le COPLORR, association loi 1901 à but non lucratif.
Le 20 juin 1947, Il décida de créer un outil de
construction au capital de 100 000 francs , la SA
d’HBM répondant au nom de « L’Effort
Rémois ». La société était administrée par
quatre employeurs et quatre salariés, tous issus
de chacun des deux collèges formant le Conseil
d’administration du COPLORR.
En décembre 1948, les premiers logements
étaient inaugurés, inspirant au président du
COPLORR, Bertrand de Vogüe, cette déclaration qu’Albert Prouvost n’eût pas reniée : « Une
équipe s’est constituée. Les membres viennent
d’horizons les plus éloignés et que l’on croyait
jusqu’alors les plus opposés. Patronat et syndicalisme ouvrier, lassés par cette méfiance
mutuelle, cet état de guérilla latent qui formaient entre eux une cloison étanche, tentèrent
enfin de s’unir pour une réalisation concrète.
L’exécution en commun d’un programme précis
et défini à l’avance ne supprime pas et ne doit
pas supprimer l’indépendance de chacun. [...]
Sachant que nous restons, patrons et ouvriers,
libres dans nos actions comme dans nos opinions, nous pouvons être avant tout francs les
uns envers les autres ».
L’attachement du COPLORR et de l’Effort
Rémois au strict paritarisme ne s’est jamais
démenti ; le fait mérite d’être souligné.
Les CIL ne se sont pas contentés de créer ; ils
ont, pour certains d’entre eux, ranimé des
sociétés anonymes que l’inertie des pouvoirs
publics et plusieurs années de guerre avaient
quasiment asphyxiées. Fondée dans le sillage de
la loi Loucheur, la SA « Mon Logis » (1929) fut,
par exemple, remise en selle, au début des
années 1950, par le « Comité interprofessionnel
Aubois pour la construction » (CIAC), dont
l’apport se révéla décisif pour obtenir le financement par la CDC de programmes de
construction. De même, la « SA d’HLM Val de
Loire », fondée le 26 septembre 1930, dut sa
renaissance à l’Association interprofessionnelle
d’aide au logement qui décida, en 1955, de relancer la SA. Réanimée en 1948 par la Caisse
d’allocations familiale de Nantes, la Coopérative
« La Maison familiale de Loire-Atlantique »
obtint le soutien du CIL de Loire-Atlantique, de
la Caisse d’épargne et de quelques autres pour
créer en 1968 « Loire Atlantique Habitations ».
Pour leur part, les industriels du Haut-Rhin
demandèrent en 1948 la transformation de la
RÉPONDRE À L’URGENCE
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67
Ci-dessus :
Les premières
réalisations de
l’Effort Rémois, à
proximité immédiate
de l’usine.
Société mulhousienne des Cités ouvrières
(SOMCO), en SA d’HBM, seule manière de survivre dans un département sinistré par la guerre. L’incorporation de cette société dans la
famille des SA validait a posteriori l’idée que la
SOMCO, créée en 1853, était bien l’ancêtre légitime des SA d’HBM.
Dans tous les cas, les SA d’HLM, liées ou
associées à des CIL, étaient particulièrement
bien placées pour jouer un rôle charnière
entre les employeurs et les municipalités,
alors que, dans bien des cas, les uns et les
autres s’ignoraient.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (1945-1956)
DOMICIL
1944
MARSEILLE
COOPERATION ET FAMILLE
1952
PARIS
SA DOLOISE DES HLM DU JURA
1947
DOLE
SA D’HLM ESPACE HABITAT CONSTRUCTION
1952
PARIS
SA D’HLM FAMILIALE DU NORD-EST
1947
LONGWY
SA D’HLM CITE NOUVELLE
1953
SAINT-ETIENNE
L'EFFORT REMOIS
1947
REIMS
SA D’HLM LES MALICOTS
1953
IVRY-SUR-SEINE
SA D’HLM DAUPHINOISE POUR L'HABITAT
1948
ECHIROLLES
1954
BELFORT
SA D’HLM DE FRANCHE COMTE - S.A.F.C.
1948
MONTBELIARD
SA D’HLM DELLE FRANCHE COMTE HABITAT
SA D’HLM DE PAPUS
1948
TOULOUSE
SA D’HLM EMMAUS
1954
PARIS
LE TOIT FAMILIAL DES HAUTES PYRENEES
1948
TARBES
LES CITES CHERBOURGEOISES
1954
CHERBOURG
LE MANS
PROMOLOGIS S.A.M.A.I.
1954
TOULOUSE
PARIS
SA D’HLM V.T.B. 55
1954
VERDUN
1955
VILLENEUVE-SUR-LOT
SAINT-DIE
SA MANCELLE D’HLM
SA D’HLM POUR PARIS ET SA REGION
1948
1948
S.A.R.E.L.
1948
METZ
HABITAT DE LA VALLEE DU LOT
SA D’HLM DE L'I GIONS
DU NORD ET DE L'EST
1949
PARIS
LE TOIT VOSGIEN
1955
LOGIREP
1955
SURESNES
SA D’HLM DES REGIONS DU SUD EST
1949
LYON
VITRY-HABITAT
1955
VITRY-LE-FRANÇOIS
SA D’HLM DE L'AIN POUR LE DEVELOPPEMENT
DE LA CONSTRUCTION
1956
PERONNAS
FRANCE-HABITATION
1949
PARIS
H M F RHONE-ALPES
1949
LYON
IMMOBILIERE NORD-ARTOIS
1949
VILLENEUVED'ASCQ
SA D’HLM DE LA CHARENTE - LE FOYER
1956
ANGOULEME
SA D’HLM DE PARIS ET SES ENVIRONS - SAPE
1956
PARIS
LA RENAISSANCE IMMOBILIERE
CHALONNAISE
1949
CHALONS-ENCHAMPAGNE
SA D’HLM DU NORD
1956
VILLENEUVED'ASQ
LE TOIT ANGEVIN
1949
ANGERS
ESPACIL HABITAT
1956
RENNES
SA D’HLM MEDITERRANEE
1949
MARSEILLE
HABITAT FAMILIAL D'ALSACE
1956
THANN
SA D’HLM ATHENEE
1950
PARIS
IMMOBILIERE PICARDE
1956
AMIENS
SA D’HLM DE L'UNIVERSITE DE TOULOUSE
1950
TOULOUSE
LE LOGEMENT CHARENTAIS
1956
LA ROCHELLE
SA D’HLM DU CPILL
1950
LIMOGES
LOGEMENT FRANÇAIS
1956
PARIS LA DEFENSE
PRESENCE HABITAT
1950
METZ
1956
PARIS
SA D’HLM DE LA GUYANE
1951
CAYENNE
SA D’HLM RESIDENCES LE LOGEMENT DES FONCTIONNAIRES
CONSTRUCTIONS FAMILIALES
INTERREGIONALES
1952
AURILLAC
Elles construisirent
ces années-là…
Nombre de logements
35 000
30 000
25 000
20 000
15 000
Le nombre
de logements locatifs
dans le patrimoine des
SA d’HLM (1945-1956)
10 000
SA
RÉPONDRE À L’URGENCE
-
68
5 000
0
1945
1947
1949
1951
1953
1955
Année d'achèvement
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les premières années de l’après-guerre vont
propulser les SA d’HLM parmi les acteurs de
premier rang de la reconstruction, puis de la
construction. S’appuyant à la fois sur les initiatives patronales, la volonté des pouvoirs
publics et un large partenariat socio-économique, elles relèveront le défi posé par l’ampleur des besoins en faisant preuve de dynamisme et d’imagination. Elles se placeront
dans le droit fil des fondateurs de la
Fédération. Rejetant le principe de formules
figées une fois pour toute, elles chercheront
toujours à ajuster leurs initiatives pour
prendre en compte la dimension locale des
besoins à satisfaire.
RÉPONDRE À L’URGENCE
-
69
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
LES BÂTISSEURS
-
70
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre et page
précédente :
Pour faire face à
l’ampleur des
besoins, les Sociétés
et tous les organisme
HLM mettent
en œuvre les
dernières techniques
d’industrialisation
du bâtiment.
1957/1967
Les bâtisseurs
L
Quatrième
époque
A MOBILISATION DES SA POUR FAIRE FACE
À L’EXPLOSION DES BESOINS
C’est dans un cadre concurrentiel mais toujours
marqué par une très forte pénurie de logements que les SA d’HLM, recomposées ou
créées depuis peu, évolueront. Sans doute l’interventionnisme de l’Etat n’avait-il pas désarmé,
mais la possibilité pour ces sociétés de se déve-
lopper n’avait jamais été aussi forte depuis la fin
du 19e siècle, bien que le problème foncier fût
de plus en plus aigu dans les grandes villes où le
prix des terrains avait triplé entre 1945 et 1949,
sextuplé entre 1949 et 1957.
LES BÂTISSEURS
-
71
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L’urgence constamment
reconduite
A la fin des années 50, paramètres démographiques et phénomènes migratoires de
grande ampleur se conjuguent pour
reconduire l’urgence des lendemains de la
Libération. Les effets du « baby-boom » se
font déjà sentir et posent la question du
logement futur des classes d’âge qui en
sont issues, dans une société où l’espérance de vie ne cesse de croître et où la mortalité recule sous l’effet des progrès de la
médecine. La révolution agricole s’accélère
à un rythme sans précédent en provoquant un exode rural massif : de 1954 à
1962, la population urbaine s’accroît de
25,5 millions d’habitants à 31,3 millions.
Par ailleurs, les pouvoirs publics encouragent l’immigration pour pallier la pénurie
de main d’oeuvre : de 1954 à 1975, la
population étrangère passe de 1,5 à 3,4
millions. Il faut enfin tenir compte de l’afflux des rapatriés issus d’Algérie (800 000
personnes), du Maroc et de la Tunisie.
A tous ces facteurs s’ajoutent les besoins
non satisfaits depuis la Libération.Ainsi, au
milieu des années 1950, 500 000
ménages logeaient encore à l’hôtel ou en
« meublé », souvent avec des enfants : le
nombre des taudis délabrés et insalubres
était évalué à 450 000. On estimait à
25 % la proportion des logements surpeuplés d’une façon critique ou en surpeuplement temporaire, 20 % des logements étant dépourvus de postes d’eau,
60 % de cabinets de toilette, 72 % de
salles de bains.
Assurer le logement
des travailleurs dans les grands
bassins d’emploi
Dans les grands bassins d’emplois que formaient
les régions sidérurgiques (industrie prioritaire
en 1945) ou les mines de charbon, les industriels durent faire face aux difficultés de logement d’une main d’œuvre qui ne cessait de
croître. C’est ainsi que des SA comme la
« Mosellane d’HLM » ou « Le Foyer du Mineur
et du Combattant » furent sollicitées, dès la
Libération, par des sociétés sidérurgiques ou
par les Houillères afin de contribuer à un effort
de construction dépassant les capacités d’une
réalisation patronale directe.
Le cas de la sidérurgie mosellane est riche d’enseignements. Eperonnée par l’aide accordée
dans le cadre du Plan Marshall, le groupe Sollac,
né de la fusion de neuf sociétés sidérurgiques,
fut dès la fin des années 1940, confronté à la
nécessité d’attirer une main-d’œuvre jeune et
dynamique dans une région excentrée. Pour y
faire face, la direction de Sollac créa une filiale,
« L’Immobilière Thionvilloise », tout en faisant
appel à une société anonyme d’HLM, « La
Mosellane d’HLM ». Si ces deux sociétés ne possédaient pas le même statut, leur implantation
géographique était la même, leurs locataires
étant employés par la sidérurgie, leurs
« métiers » se ressemblaient. Sans le savoir, les
dirigeants de Sollac avaient tissé la trame du
Groupe Batigère, organisé les branches d’activité d’un GIE qui ne verra le jour que trentecinq années plus tard.
Dans le bassin industriel de Montbéliard, la forte
croissance des emplois, liés notamment aux
usines Peugeot, amena le Comité régional du
logement (CRL, CIL patronal) à mettre en
œuvre un programme de logements de masse
pour accueillir cette nouvelle population. En
Les grands ensembles
La loi-cadre du 7 août 1957 marque un tournant dans les politiques urbaines : pour la première
fois depuis la Libération, sont pris en compte, parallèlement à la construction des logements, les
besoins correspondants d’équipements collectifs. Un décret de décembre 1958, portant création
des zones à urbaniser en priorité (ZUP), définira le cadre réglementaire de ces opérations. Les
HLM font l’objet d’un programme quinquennal réclamé depuis longtemps par les organismes.
Grâce à cette mesure, les organismes d’HLM pourront planifier leurs opérations, mener une politique financière et foncière plus cohérente.
L’objectif que se fixent les pouvoirs publics est la réalisation de 300 000 logements par an pendant cinq années. Le locatif est, sous l’impulsion du ministre Bernard Chochoy, nettement avantagé par rapport à l’accession à la propriété.
LES BÂTISSEURS
-
72
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessus :
A Sérémange, les
acieries Sollac (ici en
1957) imposent leur
gigantisme dans le
paysage.
Ci-contre :
L’usine sidérurgique
et les pavillons bien
ordonnés édifiés par
l’entreprise : la Cité
d’Amnéville et la Cité
Albert Bosment à
Sérémange en 1976.
Par l’intermédiaire de
la Mosellane d’HLM
et de l’Immobilière
Thionvilloise, Sollac
participa activement
au logement des
ouvriers et de leur
famille.
LES BÂTISSEURS
-
73
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessous
et ci-contre :
Le quartier de la
Chiffogne à
Montbéliard en 1957.
La SAFC y édifia
570 logements. Les
SA d’HLM eurent la
responsabilités de
véritables morceaux
de ville.
Ci-dessous :
Le quartier des Fougères à Grand-Charmont, dans la banlieue de Montbéliard, avant
sa réalisation puis en cours de construction par la SAFC.Au cours des années 50 et 60,
les sociétés anonymes d’HLM allèrent à la conquête de larges espaces en friche afin de
répondre aux besoins en logement suscités par la grande industrie.
LES BÂTISSEURS
-
74
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
moins d’une décennie, sa filiale, la « SA HLM du
CRL » (aujourd’hui la « SAFC ») construisit près
de 10 000 logements locatifs. Les effets sont
immédiats : à Béthoncourt, le petit village de
1 928 habitants s’est transformé en une cité de
10 000 habitants en l’espace d’une décennie.
Insérer les familles
étrangères
La question, lancinante depuis la fin des années
1960, du logement des travailleurs étrangers
n’avait pas reçu de traitement spécifique jusqu’en 1956, car l’immigration était grosso modo
contrôlée par l’Administration depuis l’ordonnance du 2 novembre 1945 : chaque employeur
souscrivant un contrat d’introduction était tenu,
aux termes de celui-ci, d’assurer le logement
des travailleurs étrangers. C’est en fait de la
migration algérienne (la libre circulation entre la
métropole et les trois départements algériens
était légale et effective depuis 1947), bientôt
aggravée par la guerre d’Algérie, qu’est née la
question du logement des Français Musulmans
d’Algérie, avec, notamment, l’apparition des premiers grands bidonvilles.Très rapidement, cette
question allait s’élargir à l’ensemble des migrations étrangères en raison de l’ouverture des
frontières opérée dans le double but de favoriser les échanges commerciaux et de faciliter
l’entrée de travailleurs étrangers si nécessaires
à l’économie.
gers) exprime précisément la reconnaissance
par les pouvoirs publics d’un problème devenu
structurel. Sa présidence fut confiée à l’ancien
ministre Eugène Claudius-Petit qui sollicita, dès
1958, la création de filiales rentrant dans le
cadre de la législation HLM, requête appuyée
par le Fonds d’Action sociale dont l’aide complémentaire allait, au fil du temps, se révéler particulièrement utile. C’est ainsi que cinq filiales
SA d’HLM virent le jour au tournant des années
1950-1960 : Logi-Ouest à Angers en 1958,
Logirel à Lyon et Logirem à Marseille en 1960,
Logirep à Paris en 1961 et enfin, en 1962, LogiEst à Metz. En 1984, à la demande des pouvoirs
publics, les Logi prirent leur autonomie vis-à-vis
de la Sonacotra.
Les Logi eurent pour mission principale d’édifier
des logements pour des familles françaises et
étrangères, non seulement dans le cadre des
opérations menées par la Sonacotra, mais plus
généralement comme de simples sociétés
d’HLM. Elles jouèrent à cette époque un rôle
d’aiguillon pour prouver qu’il était possible de
faciliter par le logement l’insertion des familles
étrangères parmi des familles françaises.
La création, en 1956, de la Sonacotral (Société
nationale de construction pour les travailleurs
algériens, devenue Sonacotra en 1963 par élargissement de sa raison sociale à tous les étran-
LES BÂTISSEURS
-
75
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Résorber l’habitat insalubre
et les bidonvilles
Ci-contre :
Le quartier d’habitat
insalubre SaintBarthélémy à
Marseille, en 1960.
Sept ans plus tard,
Logirem y édifia les
650 logements de la
Cité de Font Vert
pour loger les habitants du bidonville,
principalement
originaires du
Maghreb. Ce quartier,
comme beaucoup de
cités construites à
cette époque, allait
connaître une
histoire urbaine et
sociale difficile qui
conduisit Logirem,
25 ans plus tard, à
engager un
programme
d’envergure de
restructuration et de
dédensification.
Créée en 1960 par la
Sonacotra, Logirem
fut en première ligne
pour accueillir les
rapatriés d’Algérie
comme pour
résorber
les bidonvilles.
Les Logi ont également contribué à la résorption des bidonvilles et aux grandes rénovations
urbaines, comme à Metz-Pontifroy, à Bagnolet, à
Montreuil, à Marseille et à Grenoble. Ces opérations permettaient de surmonter les réticences des élus et d’acquérir des terrains bien
placés en centre ville. En 1965, on dénombrait
89 bidonvilles aux portes de Paris : celui de
Nanterre a commencé à se développer à partir
de 1946 et ne sera résorbé qu’en 1971. Il fallut
attendre 1976 pour que le bidonville de Nice,
« La digue des Français », soit éradiqué. Il abritait entre 2 000 et 5 000 personnes.
Le « Foyer du Fonctionnaire et de la Famille »
(3F) avait participé, dès le début des années
1950, à des opérations de résorption de l’habitat insalubre dans certaines communes de la
région parisienne. A Montmorency, une opération fut menée par l’architecte Emile Aillaud
dans le cadre de la procédure des logements à
normes simplifiées. Son coût global fut inférieur
de 10 % au prix maximum fixé par le ministre.
L’Assemblée générale de 3F qui se tint en 1954
témoigna du progès accompli : « Les occupants
des anciens logements insalubres auxquels sont
destinées ces constructions ont accepté, sans
réticence, les nouveaux appartements.
L’opération lancée conjointement avec la
coopérative HLM « Le Home familial » a permis
de remplacer le vieux quartier insalubre de la
place de la Justice de Paix par un ensemble d’immeubles sains et confortables... Certaines autorités nous ont reproché toutefois l’inélégance
de nos bâtiments oubliant les taudis et les
Ci-contre :
Le quartier d’habitat
insalubre du Cap
Janet à Marseille, en
1962.Au fond de la
photo, les trois tours
construites par
Logirem. Les 260
logements accueilleront les habitants du
bidonville qui laissera
la place à un jardin
et un terrain de
sport.
LES BÂTISSEURS
-
76
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
masures antérieurs. Certes, ce sont des
constructions très simples, mais les conditions
mêmes du financement qui nous étaient imposées ont contraint notre architecte à une telle
simplicité. Nous persistons à penser que l’architecture sobre et dépouillée prévue pour cette
opération répondait le mieux au problème. »
A Bordeaux, la SA « L’Habitation économique »
a été constituée en 1962 à l’initiative du PACT
de la Gironde, avec le CILG et la ville de
Bordeaux, pour répondre aux besoins des personnes ou familles défavorisées, jeunes ou âgées,
issues notamment des bidonvilles, de l’habitat
insalubre, des quartiers en transformation...
L’Habitation économique jouera ainsi un rôle
important dans la lutte contre l’insalubrité du
logement dans le département (au quartier
Mériadeck notamment), dans la résorption des
bidonvilles (Mérignac, par exemple) et à l’occasion de l’aménagement du port de Bassens.
Au Havre, le Conseil municipal confia en 1958 la
rénovation de « l’îlot urbain défectueux de la
rue de la Ligne » à la SA « Immobilière BasseSeine ». Il faudra 15 ans pour rénover cinq hectares, reloger les 134 familles de l’îlot et
construire 540 logements.
LES BÂTISSEURS
-
77
Ci-dessous :
Le quartier de
Mériadeck à
Bordeaux.
Le relogement de ses
habitants fut du
ressort d’une SA
créée pour la
circonstance,
« l’Habitation
économique ».
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessus et ci-contre :
Le quartier de Beau Désert à Mérignac au début puis à la fin des années 60.
En 1962, le bidonville, constitué jusque là de quelques baraques occupées par
des Français voit arriver ses premiers immigrés portugais, fuyant le régime
dictatorial de l’époque. En 1968, l’Habitation économique est chargée de la
construction d’une cité de transit de 80 logements, d’une antenne sociale et
d’une cité de relogement de 87 logements. La presse se fit largement l’écho de
ces opérations de résorption spectaculaires qui transformaient les conditions
de vie de la population concernée.
(Extrait du journal Sud-ouest, de1970).
LES BÂTISSEURS
-
78
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessus et ci-contre :
Le quartier de la rue de la ligne, au Havre. En 1958, la Mairie en confia, par
convention, la rénovation à l’Immobilière Basse-Seine.Après 6 années d’études,
la SA débuta la rénovation, en cinq tranches. L’opération s’acheva en 1973. Une
collaboration étroite entre la SA et la Ville permit de veiller au bon relogement
des populations. 64 familles locataires furent relogées sur place et 10 familles
propriétaires ont réinvesti leurs créances
par l’achat d’un appartement dans l’îlot rénové.
LES BÂTISSEURS
-
79
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
Le quartier des
Brotteaux, à Lyon, au
début de sa rénovation. La Société
Lyonnaise pour
l’Habitat apporta sa
quote-part à la
rénovation de ce
quartier,
notamment en
construisant, sur des
terrains loués aux
Hospices civils de
Lyon, deux
immeubles
destinés à reloger les
habitants des
constructions
vétustes à démolir.
La lutte contre
les bidonvilles
Le 14 décembre 1964, le Parlement
adopte une loi de Michel Debré permettant l’expropriation des terrains où se sont
édifiés les bidonvilles. Elle sera complétée,
en 1970, par un texte coercitif : « Toute
personne qui aura mis à disposition, à titre
gratuit ou onéreux, aux fins d’habitation,
des caves, sous-sols, combles et pièces
dépourvues d’ouverture vers l’extérieur...
sera passible d’amende ou d’emprisonnement. »
LES BÂTISSEURS
-
80
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
La Cité des Canibouts à Nanterre
En région Parisienne la Cité des Canibouts est construite par la SA
Logirep dans les années 60 sur le terrain d'un des principaux bidonvilles
à Nanterre. Elle innove au plan de l'expérimentation de la cohabitation inter ethnique : un tiers des ménages logés vient du bidonville, un
tiers sont des rapatriés d'Algérie, un tiers des ménages sont logés au
titre du 1 % patronal.
Elaborée par trois équipes d'architectes, la cité surprend par ailleurs
par la diversité de ses bâtiments peu habituelle pour un grand
ensemble des années 1963-1967. Dans les années 1984-1987, à l'issue d'une procédure Habitat-Vie Sociale, les Canibouts bénéficient d'un
programme ambitieux de réhabilitation (primé au 5e Palmarès National
de l'Habitat), visant à préserver l'architecture d'origine tout en favorisant la dédensification des deux grandes « barres ».
Dans les années 1990, les Canibouts sont parmi les premiers quartiers
d'habitat social à voir la mise en œuvre des différentes procédures
Politique de la Ville. Le partenariat solide construit par Logirep avec la
Ville de Nanterre, les pouvoirs publics, les associations locales et les
habitants s’est traduit en 1995 par un projet global de développement
économique, social et urbain, lauréat du Concours de la Délégation
interministérielle à la Ville, « Partenaires pour la Ville ».
L’
INDUSTRIALISATION ET LA FIÈVRE
DE CONSTRUCTION
Un effort quantitatif
sans précédent
La construction massive de logements fut la
réponse générale aux défis d’une demande en
augmentation constante. Ce fameux changement d’échelle tant attendu depuis la Libération
se produisit au tournant des années 1950 et
1960.Tous les chiffres le confirment. De 1954 à
1977 (1957 étant l’année du bond en avant),
près de trois millions d’HLM ont été
construites, toutes catégories confondues : 75 %
en locatif, 25 % en accession à la propriété.
Ce bond en avant fut rendu possible par la
restructuration du secteur du Bâtiment qui se
poursuivait avec une vigueur accrue, toujours à
l’aide de concours. De là l’apparition progressive de grosses entreprises, capables de mettre
sur pied des usines de fabrication des différents
éléments du bâtiment ou des procédés industriels promis à un bel avenir. De là également
une amélioration considérable de la productivi-
LES BÂTISSEURS
-
81
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
Extrait du journal
« L’Est Républicain »
du 17 août 1963
LES BÂTISSEURS
-
82
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
té des chantiers, obtenue par leur concentration, la répétition des plans et la standardisation
de plus en plus poussée des produits et des
composants, mais qui ne s’est pas réellement
répercutée sur le prix des logements construits
en raison de la hausse du prix des terrains. Les
plans allaient obéir à la rationalité du « chemin
de grue ». Aux fins de limiter et de faciliter le
travail des appareils de levage, la mise en place
des coffrages, banches et autres systèmes
nécessaires au coulage du béton, ils tendront à
la plus grande orthogonalité dans la disposition
des bâtiments les uns par rapport aux autres.
De 1958 à 1975, le rythme de construction
s’élèvera de 291 000 à 514 000 logements par
an ; entre 1956 et 1962, 110 grands ensembles
de 1 000 logements et plus furent édifiés en
région parisienne. Ces importantes réalisations
auront fait grandir certaines SA d’HLM.
Frénésie des chiffres, envolée des courbes, histogrammes en formes de tours tutoyant les
sommets : une nouvelle culture était née, battant au rythme effréné des constructions et de
la croissance économique, assurément fière des
résultats qui s’amoncelaient. Hormis dans les
petites villes épargnées par les ZUP, les SA,
encouragées par les politiques publiques nationales et locales, n’échapèrent pas à cette fascination de l’accumulation qui leur renvoyait
l’image flatteuse de leur propre développement.
En inférer que les organismes d’HLM se sont
détournés du qualitatif pour faire uniquement
du quantitatif serait néanmoins inexact. D’une
part, les logements des grands ensembles
étaient neufs et pourvus d’un confort que
n’avaient jamais connu leurs occupants issus des
taudis et meublés incommodes et sans lumière ;
d’autre part, ils étaient en phase avec une société aux accents de plus en plus consuméristes,
LES BÂTISSEURS
-
83
Ci-dessous :
La construction du quartier des
Minguettes à Lyon.
Logirel a participé au
développement urbain de
l’agglomération lyonnaise.
Avec un patrimoine de
10 000 logements sociaux
et 1 600 logements pour
travailleurs immigrés, Logirel a
acquis, au contact d’une réalité
urbaine complexe et en
pleine mutation, un ensemble de
savoir-faire d’une entreprise de
promotion sociale.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
qui sortait des limbes du 19e siècle dans un
mouvement d’accélération fulgurant ; en bref, ils
hissaient la population à un niveau de vie et de
consommation qui paraissait celui de l’avenir.
En 1958, le « Foyer du Fonctionnaire et de la
Famille » (Immobilière 3F) s’attelle, avec l’accord
du secrétariat d’Etat à la Reconstruction et au
Logement, à une opération du « secteur industrialisé ». Le site retenu est celui d’Athis-Mons.
Le permis obtenu, les travaux peuvent com-
Ci-dessus :
La construction standardisée et
industrialisée. Pour répondre aux
nombreux besoins qui s’expriment, les
pouvoirs publics encouragent
la constitution d’une filière industrialisée
du bâtiment. Les techniques évoluent et
l’on peut désormais construire un
immeuble en quelques mois.
Ci-contre :
Athis-Mons, avant 1957
puis après 1960.
Immobilière 3F réalisa sur le terrain
des « Froides bouillies »
1 268 logements.
Les barres seront longues de 150 à
250 mètres, la hauteur étant limitée à
quatre étages, en raison de la
proximité de l’aéroport d’Orly. Il
s’agit d’une opération-pilote d’emploi
des techniques industrialisées du
bâtiment, menée en collaboration
avec le Secrétariat d’Etat à la
reconstruction et au logement.
LES BÂTISSEURS
-
84
mencer, tendus vers un seul but : la réalisation
de 1 078 logements (1 268 seront en fait réalisés). Les barres, longues de près de 200 mètres,
furent conçues par les architectes Favette,
Gravereaux et Prévert dont l’imagination eut
toutes les peines du monde à s’écarter des rails
linéaires des chemins de grue. En 1960, le cap du
10 000e logement est franchi. D’autres grands
chantiers suivront : la Dame Blanche, à GargesLes-Gonesse (1 860 logements), un à Thiais et
bien d’autres encore.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
« Logement français », fondé en 1957 à l’initiative de grands groupes nationalisés entrainés
par l’UAP et de collecteurs 1 %, fut également
l’un des grands acteurs des ZUP en région parisienne : Aulnay-sous-bois, Sartrouville, CorbeilEssonnes mais aussi Mantes-la-Jolie. Elle a
contribué à loger les salariés des grandes entreprises de l’industrie automobile mais aussi à
accueillir les rapatriés d’Algérie, notamment à
Savigny-sur-Orge.
Ci-dessous :
Deux vues d’ensemble de Ris-Orangis, au début des années 70
et de nos jours. Essonne-Habitat contribua à l’urbanisation de cet
espace, notamment avec le grand ensemble du Plateau.
De son côté, « La Sablière », SA regroupant peu
à peu les logements réservés aux cheminots,
n’en possédait que 162 en 1948. Elle en avait
7 500 en 1962 et 10 000 en 1967.
« Essonne Habitat », créé en 1965 à l’initiative
du conseil d’administration de la coopérative
HLM « Le Foyer du Travailleur » construira le
grand ensemble du Plateau à Ris-Orangis. De
1965 à 1970, ce sont 1 800 logements qui
seront édifiés pour accueillir notamment les
français rapatriés d’Algérie.
Pour la première fois dans son histoire, l'ensemble des classes populaires françaises put
bénéficier du confort que les hygiénistes réclamaient depuis un siècle. La romancière
Christiane Rochefort a parfaitement exprimé ce
changement de cadre dans un passage de son
livre intitulé « Les petits enfants du siècle »
(1961) : « Maintenant, notre appartement était
bien. Avant, on habitait dans le 13e, une seule
chambre avec l'eau sur le palier. Quand le coin
avait été démoli, on nous avait mis ici ; on était
prioritaire ; dans cette cité, les familles nombreuses étaient prioritaires. On avait reçu le
nombre de pièces auquel nous avions droit
selon le nombre d'enfants. Les parents avaient
LES BÂTISSEURS
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Le quartier
des Etats-Unis
à Lyon
Au début du siècle, il n'existait aux lieux dits
« les Hérideaux », « Combe Blanche » et
« Grange-Rouge » que des champs cultivés,
quadrillés par quelques chemins. Seule,
l'avenue Berthelot, en bordure de laquelle
s'élevaient de petits immeubles d'habitation,
avait un caractère de voie urbaine. En fait,
là se terminait la ville. Des usines et ateliers
s'installèrent progressivement ; la première
usine Berliet s'était implantée en bordure de
ces vastes terrains, d'autres industries
suivirent.
Ce n'est qu'en 1932 que fut amorcée une
première opération d'urbanisme, coïncidant
avec l'achèvement du premier tronçon du
boulevard des Etats-Unis. Sur les plans de
l'architecte Tony Garnier, la première
tranche de constructions de 1 688 logements fut bâtie par l'Office Municipal des
HLM de Lyon. Ce fut alors la construction
de grands ensembles d'immeubles collectifs.
De 1955 à 1960 furent édifiés plus de
5 000 logements, parmi lesquels 650 sont
à inscrire à l’actif de la Société Lyonnaise
d’HLM.
LES BÂTISSEURS
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86
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
une chambre, les garçons une autre, je couchais
avec les bébés dans la troisième. On avait une
salle d'eau, la machine à laver était arrivée quand
les jumeaux étaient nés, et une cuisine-séjour
où on mangeait ; c'est dans la cuisine, où était la
table, que je faisais mes devoirs ».
Toutes les très nombreuses enquêtes menées
par divers instituts de recherches sociologiques
jusqu'à l'aube des années 75 concluaient à la
satisfaction générale des habitants des Grands
Ensembles. Mais cette population de pionniers
avait un point de comparaison : dans son
immense majorité, elle venait des taudis et des
logements sans confort.
Lors des inaugurations des logements dans la
ZUP, les élus et l’administration vantaient la qualité exceptionnelle de ces réalisations.
Ci-dessous :
Extrait du journal « L’Est Républicain » du
19/20-11-1960.
Pour répondre aux besoins de
logements de Besançon
Le Conseil Municipal demande
la création d’une
“zone à urbaniser par priorité”
Cette zone, située à Planoise,
recevrait dans les 5 années à venir
entre 3.500 et 4.000 logements,
elle serait le point de départ
d’une véritable cité satellite
Premières arrivées au quartier des Fougères
à Grand-Charmont
qui comptera 4 000 habitants fin 1960
Heureux de quitter
les hôtels
ou le logis éloigné
ne trentaine de familles
occupe les logements
construits. « Nous nous
sommes mariés il y a trois mois.
Nous habitions une maisonnette en
bois. Comme ça nous change. Ici,
le logement est impeccable. Il y
fait bien chaud » nous déclare le
jeune postier, heureux d’avoir un
nid tout neuf.
U
« Nous habitions dans une mansarde à Sainte-Suzanne. Ici, le loyer
coûte plus cher. Mais quelle différence, et les gosses seront bien.
Tout ira bien lorsque nous aurons
des magasins sur place », surenchérit une jeune mère de famille.
Ouvrier chez Peugeot, un jeune
métallo décharge de sa 203 les
Ci-dessus :
Extrait du journal « L’Est Républicain » 1960.
LES BÂTISSEURS
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« éléments précurseurs » de l’emménagement : deux pots de fleurs.
Sa femme prépare les pièces avant
l’arrivée du mobilier. Ils sont heureux de quitter les vieux logements
dans les cités de Béthoncourt.
Ainsi, un bref sondage indique la
satisfaction des habitants qui trouvent au « Fougères » une amélioration de leurs conditions de vie. Il
indique aussi que des familles
domiciliées en Haute-Saône, par
exemple, viennent se fixer à proximité du lieu de travail. Il indique
encore que les ouvriers de
Peugeot, domicilés jusqu’alors aux
hôtels sociaux de Sochaux, reconstituent sur place, à proximité des
usines, la cellule familiale.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
LES BÂTISSEURS
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88
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
Le quartier Palmer, édifié en 1966 sur la commune
de Cenon par la SA d’HLM « La Gironde »
(aujourd’hui Domofrance). Sur un périmètre
de 25 hectares, 1 500 logements sont prévus,
organisés autour d’un batîment de 21 étages
et de 4 immeubles de 17 étages. Les équipements
collectifs ne sont pas oubliés : un centre commercial,
un groupe scolaire et des services sociaux
y sont implantés.
(Extrait du « Sud-Ouest » du 15 octobre 1966)
LES BÂTISSEURS
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89
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
A contre-courant
du gigantisme
Des actions d’un genre très différent ont été
menées par des SA hors des grandes agglomérations ou des grands bassins d’emplois.
Soumises à une demande moins forte et à
l’écoute des populations locales, elles ont spontanément cherché à intégrer leurs opérations
dans un environnement moins bouleversé. Elles
sont, de ce fait, restées fidèles à une conception
de l’habitat collectif assez proche de l’habitat
individuel (compromis inventé par Georges
Picot à la fin du 19e siècle), ou à un habitat pure-
ment individuel et ont préparé, sans le savoir,
une alternative à la démesure. L’architecte Emile
Fays a pu notamment dessiner, pour le compte
de la « SA HLM du Hainaut », un groupe de maisons à atrium, tandis que l’équipe Guislain,
Goguois et Van Kim concevait, à Valenciennes,
des HLM en harmonie avec leur zone d’implantation.
De la même façon, la « SA d’HLM de l’Isère »
s’est distinguée en construisant, en étroite
concertation avec la municipalité de Grenoble,
le village olympique des Jeux d’hiver de 1968
(ZUP de 2 500 logements programmés), formant un ensemble équilibré et harmonieux.
L
A PROFESSIONNALISATION DES SA
Ces évolutions contrastées n’ont en fait rien de
contradictoire : la diversité des origines et des
buts s’accompagne d’une diversité de moyens.
Les initiateurs ont ajusté moyens et méthodes
d’une part à leurs possibilités et, d’autre part,
aux objectifs concrets qu’ils avaient à résoudre.
Diversité, tel est ainsi le caractère majeur d’une
famille d’HLM en prise sur les réalités locales,
mais soumise également aux injonctions d’une
politique nationale du logement constamment
travaillée par l’urgence. Ce n’est que lorsque
celle-ci sera desserrée, au milieu des années
LES BÂTISSEURS
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90
1970, au terme d’un effort quantitatif sans précédent, que la sérénité architecturale reprendra
ses droits sans se défaire de l’épineuse question
de la réhabilitation des grands ensembles.
Enfin, le métier de professionnel de la construction a, lui aussi, changé de dimension dans les
années 1950 et 1960 et ce, tout particulièrement dans le monde des SA d’HLM. De l’empirisme au professionnalisme, la conversion s’est
faite à travers l’expansion, comme le résume
Maurice Becker : « Nous avons appris en marchant, nous avons inventé un métier ». De fait, le
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
En 1961, la
Fédération des
Sociétés anonymes
d’HLM revendiqua de
nouveau son souhait
de répondre à
l’ensemble des
besoins en
logements.
statut de ces sociétés leur permettait « d’accueillir en leur sein toutes les compétences
nécessaires et de créer toutes les variétés de
postes que requiert la multitude de fonctions
qu’elles assurent. Ainsi, ouvertes sur les recrutements dans le monde socio-économique, le
personnel apporte avec lui ses connaissances du
monde extérieur, tel du secteur bancaire, tel
d’une entreprise privée, tel autre de l’administration, tel autre du secteur associatif... donnant
ainsi une dynamique et une ouverture d’esprit
incomparable ».
C’est bien durant cette période que les directeurs des SA d’HLM et leurs équipes ont acquis
les bases d’un nouveau savoir, de nouvelles techniques et de nouvelles pratiques.
LES BÂTISSEURS
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (1957-1966)
ARMORIQUE HABITAT
SA D’HLM DE L'ARRONDISSEMENT DE SENS
SA D’HLM DE LA REGION PARISIENNE - SAREPA
1957
1957
1957
HALPADES
LE LOGEMENT RURAL
LES TROIS VALLEES
TOIT ET JOIE
SA D’HLM CARPI
CLAIRS LOGIS D'AQUITAINE
SA D’HLM D'EURE-ET-LOIR
DOMOFRANCE
SA D’HLM DU VAL DE SEINE - SOVAL
FAMILLE ET PROVENCE
LE FOYER DE LA GIRONDE
LE FOYER VENDEEN
LOGI-OUEST
LOIR ET CHER LOGEMENT
PROVENCE LOGIS
SA D’HLM DE LA NIEVRE
SA D’HLM DU DEPARTEMENT DE L'OISE
LA MAISON DU CIL
LE FOYER POUR TOUS
LOGIS TRANSPORTS
YONNE HABITATION
BATIR CENTRE
BATIR ET LOGER
SA D’HLM DE LOIR ET CHER - JACQUES GABRIEL
LA SAUVEGARDE IMMOBILIERE
LE FOYER DE LA CHARENTE MARITIME
LES FOYERS
LOGIREL
LOGIREM
SA D’HLM D'AMENAGEMENT
ET DE GESTION IMMOBILIERE SAGIM
SA D’HLM DE L'ARDECHE
SA D’HLM DE LA DORDOGNE
SA D’HLM DU CALVADOS
SA D’HLM DU VAR - LE LOGIS FAMILIAL VAROIS
1957
1957
1957
1957
1958
1958
1958
1958
1958
1958
1958
1958
1958
1958
1958
1959
1959
1959
1959
1959
1959
1960
1960
1960
1960
1960
1960
1960
1960
1961
LANDERNEAU
SENS
SAINT-MAUR-DESFOSSES
ANNECY
ARRAS
PARIS
PARIS
CAMBRAI
BORDEAUX
LUCE
BORDEAUX
MANTES-LA-JOLIE
AIX-EN-PROVENCE
LE BOUSCAT
LA ROCHE-SUR-YON
ANGERS
BLOIS
MARSEILLE
NEVERS
BEAUVAIS
ST-QUENTIN
PARIS
PARIS
AUXERRE
ORLEANS
SAINT-ETIENNE
BLOIS
LYON
LA ROCHELLE
RENNES
LYON
MARSEILLE
ALENÇON
1961
1961
1961
1961
AUBENAS
BERGERAC
CAEN
TOULON
SA D’HLM PORTE DE L'EUROPE - HPE 14
L'HABITATION ECONOMIQUE
LA GARONNAISE D'HABITATION
SA D’HLM POUR L'ACTION SOCIALE
RHONE LOGIS
TROIS MOULINS HABITAT
SA D’HLM DE BOURGES ET DU CHER
SA D’HLM DU TARN
LACS ET MONTAGNES
LANGUEDOC LOGIS
LOGIEST
NOTRE LOGIS
COLOMIERS HABITAT
ESPACE DOMICILE DE SAINT-NAZAIRE ET REGION
L'AVESNOISE
LE FOYER D'ARMOR
LE FOYER JURASSIEN
SA D’HLM DE HAUTE-SAONE
SA D’HLM IMMOBILIERE
DU LOGEMENT DE L'EURE - SILOGE
SA D’HLM ABEILLE
AVEYRON LOGEMENT
SA D’HLM DES DEUX-SEVRES ET DE LA REGION
ESSONNE HABITAT
LA MAISON AUDOISE
LA RANCE
LE TOIT CHAMPENOIS
SA D’HLM DE COUTANCES - GRANVILLE
SA D’HLM DES ALPES DE HAUTE-PROVENCE
SA D’HLM DES CHALETS
SA D’HLM DU PAS-DE-CALAIS ET DU NORD
IMMOBILIERE VAL DE LOIRE
LA RESIDENCE URBAINE DE FRANCE
LOGIS 62
SA D’HLM ORLEANAISE RURALE
SUD HABITAT
SA D’HLM TOURANGELLE
VAUCLUSE LOGEMENT
Elles construisirent
ces années-là…
Patrimoine locatif
des SA d’HLM
(1957-1966)
SA
LES BÂTISSEURS
-
92
1961
1961
1961
1961
1961
1961
1962
1962
1962
1962
1962
1962
1963
1963
1963
1963
1963
1964
1964
LISIEUX
BORDEAUX
MONTAUBAN
LYON
RILLIEUX-LA-PAPE
MELUN
BOURGES
ALBI
BONNEVILLE
MONTPELLIER
METZ
HALLUIN
COLOMIERS
SAINT-NAZAIRE
FOURMIES
LORIENT
CHAMPAGNOLE
VESOUL
EVREUX
1965
1965
1965
1965
1965
1965
1965
1966
1966
1966
1966
1966
1966
1966
1966
1966
1966
1966
CACHAN
SAINT-AFFRIQUE
NIORT
RIS-ORANGIS
CARCASSONNE
SAINT-MALO
EPERNAY
COUTANCES
DIGNE-LES-BAINS
TOULOUSE
CALAIS
ORLEANS
PARIS
BOULOGNE SUR MER
ORLEANS
MARSEILLE
TOURS
AVIGNON
Nombre de logements
80 000
70 000
60 000
50 000
40 000
30 000
20 000
10 000
0
1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966
Année d'achèvement
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
La Fédération des SA d’HLM aura, depuis les
années 1950, constamment revendiqué le
droit et la possibilité d’ouvrir au maximum
l’éventail des catégories de logements, répondant par conséquent à des normes de confort
différenciées, pour satisfaire à une demande
très large n’excluant aucune des composantes des classes moyennes. Cette vocation
généraliste apparaît cohérente avec la
manière dont le logement s’est « socialisé »
depuis plus de cent ans.
LES BÂTISSEURS
-
93
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
94
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
Villeneuve d’Ascq :
une nouvelle conception de l’habitat.
Page précédente :
Les Linandes,
374 logements
locatifs sociaux
édifiés en 1978 par la
SA Les Trois Vallées
dans la ville nouvelle
de Cergy-Pontoise.
1967/1983
L’habitat dans toutes ses dimensions
L
Cinquième
époque
Avec la fin de la République gaullienne, une nouvelle ère se dessina, qui ne fut plus celle de l’urgence
(même si beaucoup restait à faire) mais celle des bilans et de la réflexion. En réaction contre les grands
ensembles, mais aussi parce que le desserrement de l’urgence permettait enfin de mettre en avant une
exigence de la qualité, plusieurs signes de changement se manifestèrent.
ES SA, ACTEURS DE LA CONSTRUCTION
DES VILLES NOUVELLES
En premier lieu, s’affirma le mouvement des
Villes nouvelles, dont la conception prenait le
contre-pied des ZUP. Nées de la réflexion du
préfet de la région parisienne, Paul Delouvrier,
ces cités se proposaient de corriger tous les
défauts de celles-ci, en rapprochant leurs habi-
tants de l’emploi, des loisirs et de la culture,
selon une fonctionnalité destinée à remédier
aux problèmes de circulation. Vaste dessein,
puisqu’elles étaient initialement programmées
pour accueillir entre 300 et 400 000 habitants.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
95
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Un lieu d’expérimentation
privilégié
Ci-dessous
à gauche :
Un détail des Arènes
de Picasso
à Noisy-le-Grand,
construit par
Immoblière 3F
en 1984.
Ci-dessous
à droite :
Le Belvédère, un
ensemble édifié par
Immoblière 3F à
Cergy-Pontoise en
1982 selon les plans
de l’architecte
Ricardo Bofill.
En 1966, la première pierre d’Evry était posée
par Edgar Pisani. L’expérience des cinq villes
nouvelles de la région parisienne (Evry, Cergy,
Saint-Quentin-en-Yvelines, Marne-la-Vallée et
Melun-Sénart) fut ensuite étendue à deux agglomérations de province, Lille et Lyon, et à deux
sites encore peu urbanisés : Le Vaudreuil et
l’Etang de Berre. Ces villes allaient être, bien
davantage que les ZUP, un lieu d’expérimentation privilégié pour l’urbanisme et l’architecture, dont les orientations nouvelles des années
1970 sauront tirer profit. Certaines SA en pro-
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
96
fitèrent pour faire leur deuil du gigantisme et se
tourner vers un logement de qualité en faisant
appel à des architectes de renom. La démarche
des concours engagés par les aménageurs leur
donne l’occasion d’intégrer de nouveaux éléments sur la mixité et la pratique des espaces
publics.
A Evry, 28 SA ont construits 90 % des 10 000
logements locatifs sociaux et une part significative des logements en accession à la propriété.
A Cergy, ce sont 17 SA d’HLM qui réaliseront
80 % du parc locatif social composé de 8 000
logements. Dans ces lieux sans mé-moire vont
se dérouler des opérations qui comptent parmi
les plus intéressantes dans une tentative de
renouer avec l’urbanité.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Stimulé par son extension territoriale, le
« Groupe Immobilier 3F » s’engagea dans plusieurs opérations, dans les villes nouvelles du
Vaudreuil, d’Evry 1, de Lille-Est. Les concours
qu’il remporta, grâce à des procédés de
construction alliant industrialisation, souplesse,
variété de logements et rapidité d’exécution, lui
valurent d’être finalement présent dans toutes
les villes nouvelles, à l’exception de Fos-sur-Mer.
Cergy-Pontoise et sera notamment lauréate du
concours pour un îlot dans le quartier SaintChristophe. Elle réalisa avec l’architecte Ricardo
Bofill l’ensemble monumental du Théâtre et de
l’Arc à Noisy-le-Grand (Marne-la-Vallée).
Fin 1976, la SA « Les Trois Vallées » (1957) fut
sollicitée pour réaliser deux résidences universitaires, l’une à Evry, l’autre à Cergy. Cette collaboration fut prolongée par de nombreuses
autres opérations, tant en accession qu’en locatif. La société participa également à plusieurs
concours organisés par la ville nouvelle de
Ci-dessous :
Le Groupe de la Fontaine des Crieurs à Villeneuve d’Ascq
construit en 1981/84 par la SLE. Ce groupe abrite
dix familles dans dix appartements individuels regroupés
autour de plusieurs pièces communes. C’est à l’initiative de
ces dix familles que la SLE a conçu cette forme originale
d’habitat locatif favorisant la vie collective.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
97
Ci-dessous :
La construction du Théatre,
à Noisy-le-Grand.
Les Trois Vallées sont intervenues dans
plusieurs villes nouvelles en participant
à de nombreux concours.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Le premier programme de la ville nouvelle
d’Evry, le Parc aux lièvres, sera réalisé par
« Essonne Habitat » de 1971 à 1972. Les 870
logements furent destinés en priorité aux fonctionnaires et aux employés des nouvelles administrations et entreprises. Au total, ce sont
2 200 logements qui seront édifiés par la SA
dans les différents quartiers de la ville nouvelle.
Ci-contre :
Des bâtiments
d’habitations
construits par
Essonne Habitat dans
la ville nouvelle
d’Evry. Ces villes
permirent le
développement de
nouvelles formes
urbaines.
Une politique de qualité
Zac : la loi d’orientation foncière du 30 décembre 1967 instaure un
nouvel outil d’aménagement plus souple que la ZUP. La zone d’aménagement concerté peut aussi bien s’appliquer à l’organisation d’une
zone d’extension urbaine, de rénovation urbaine, de rénovation urbaine,
l’aménagement d’une zone industrielle ou d’un pôle commercial.
La procédure prévoit une concertation préalable entre les aménageurs
et les collectivités publiques, les propriétaires privés et les usagers. C’est
la commune qui est responsable de la ZAC, que celle-ci soit animée par
un intervenant public ou privé.
Villes nouvelles : en 1969, une réflexion menée sur le développement
de la région parisienne conduisait à la définition d’un « schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme » (SDAU). Ce document fixait et
nommait les « villes nouvelles » à construire autour de Paris ainsi que
celles proches des métropoles de province. Implantées sur des zones
relativement vierges, ces créations ex-nihilo voulaient être des pôles
d’attraction liant habitat et travail, avec des centres urbains aux nombreux équipements publics. Dans ces lieux sans mémoire vont se dérou-
ler, à partir des années 70, des opérations qui comptent parmi les tentatives les plus intéressantes de renouer avec l’urbanité.
PAN : Paul Delouvrier et Robert Lion (directeur de la Construction de
1969 à 1974) lancèrent en 1971 un Plan construction, organe d’aide
à la recherche publique et privée dont l’objet était de promouvoir une
industrialisation du bâtiment plus souple adaptable à des chantiers de
plus petite taille, de façon à produire des bâtiments différenciés. Ce plan
avait pour corollaires les programmes d’architecture nouvelle (PAN)
destinés à susciter au moyen de concours une architecture innovante ;
la justification qui en fut donnée était caractéristique d’un changement
d’état d’esprit : « Le nouveau concours répond à une situation de rejet
des grands ensembles collectifs et de l’extension non contrôlée du
pavillonnaire, et exprime la volonté de renouveler la qualité architecturale dans l’habitat social. Les premières sessions portent sur l’idée des
modèles de logement, produits adaptables en tout lieu à divers types
de programme ».
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
98
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessus :
Marcel Lair, président du Groupe Immobilier 3F,
et l’architecte Ricardo Bofill
visitent le chantier de Noisy-le-Grand.
L
E PASSAGE DE LA PRODUCTION
À LA GESTION DE L’HABITAT
Ayant assuré, dans toute la mesure de leurs
moyens, une part importante de l’implantation
des ZUP et des ZAC, le logement des immigrés,
celui des rapatriés, l’éradication des bidonvilles,
les SA furent amenées à développer une nouvelle approche de leur métier, tant dans l’intervention sur le bâti existant, que dans la gestion
sociale de leurs ensembles immobiliers. Dans les
quartiers d’habitat social, elles s’efforcèrent de
maintenir le cap de la mixité sociale, objectif
constant tout au long de leur histoire.
Les restructurations liées
à la désindustrialisation
Les SA d’HLM qui avaient été fortement sollicitées pour répondre aux besoins de logement de
la main d’oeuvre des grands bassins industriels
furent, dès le milieu des années 70, confrontées
à la nécessité d’ajuster leur patrimoine immobilier aux restructurations des grandes entreprises sidérurgiques, automobiles et textiles.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
99
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
En Lorraine
Ci-dessous :
La démolition
de la tour C dans le
quartier des tours
Manhès, à
Hagondange,
le 24 Septembre
1985.
Sur les
334 logements
du quartier, seuls 254
seront conservés et
intégrés
au patrimoine de la
Mosellane d’HLM.
La recomposition en 1968 des sociétés sidérurgiques pour rationnaliser leur production
d’acier modifia sensiblement les données du
problème du logement. Le nouveau groupe
Wendel-Sidélor se retrouvait à la tête d’un parc
de 24 000 logements soumis à des statuts différents et dont l’état était hétérogène. En outre,
la restructuration de l’activité sidérurgique
entraînait d’importants déplacements de maind’œuvre internes au groupe et, de ce fait, la
vacance de nombreux logements.
Ces difficultés furent à l’origine d’un fructueux
rapprochement entre L’Immobilière Thionvilloise et la « Mosellane d’HLM » (actuellement
SAREL) qui avait été son partenaire dans les
années de reconstruction. En cela ce concrétisait l’idée-force du responsable du Service central d’administration des bâtiments mis en place
pour gérer ce patrimoine immobilier, Robert
Schoenberger, pour qui il fallait conduire le parc
immobilier vers son indépendance, autrement
dit « sortir les logements des usines ».
Les années 1980 furent marquées par l’approfondissement de la crise de l’industrie sidérurgique. Tout l’Est sidérurgique fut sinistré ; les
villes se vidèrent, poussant à la hausse les taux
d’inoccupation : à Uckange, par exemple, le taux
de vacance passa de 20 % en 1975 à 54 % en
1981.
Compte tenu des difficultés croissantes de la
sidérurgie soumise aux replâtrage des plans
acier, les deux sociétés décidèrent de fonder un
Groupement d’intérêt économique (GIE) : le
1er janvier 1985, le « Groupe Batigère » était
constitué autour de 22 300 logements. Avec
pugnacité, la « Mosellane d’HLM » entreprit, de
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
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100
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
Le quartier des
Provinces, à Laxou,
près de Nancy.
La SA d’HLM Est y
recensa, à la fin des
années 80, plus de
8 000 logements à
restructurer. Pour le
groupe Batigère,
la politique
patrimoniale passe
par la consolidation
du bâti existant et la
mise en oeuvre
d’opérations
de remise à niveau,
ainsi que
par l’adaptation du
patrimoine aux
besoins locatifs
et sa diversification.
1982 à 1988, une action volontariste de restructuration. A titre d’exemple, pour relever le défi
immobilier d’Uckange, Thionville, Fameck et
Hagondange, plus de 350 millions de francs
furent investis pour moderniser 2 770 logements, en démolir 1 220, reloger 800 familles et
aménager une dizaine d’hectares.
En Franche-Comté
Dans le pays de Montbéliard, le mouvement de
désindustrialisation fut dans les années 80 particulièrement marqué : durant la seule année
1985, ce ne sont pas moins de 5 000 étrangers
(salariés de l’industrie automobile et leurs
familles) qui quittent la région et libèrent du
même coup des pans entiers du patrimoine de
la « SA de Franche-Comté » (SAFC). En 1985,
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
101
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
L’immeuble
« Le Picardie »,
surnommé
« le Paquebot », dans
le quartier des
Fougères à GrandCharmont. Construit
en 1961 par la SAFC,
il accueillait dans ses
300 logements les
ouvriers et employés
des usines de la
région de
Montbéliard.
Subissant de plein
fouet la crise
industrielle des
années 70, la SAFC a
dû affronter une
vacance très
importante. « Le
Picardie » fut alors
appelé à évoluer : en
1985, l’équipe de
Banlieue 89 proposa
sa réhabilitation et la
transformation de
l’immeuble en deux
tours reliées par une
galerie couverte.
Préférant
l’opportunité d’une
requalification en
profondeur
du quartier, la
commune et la SAFC
décidèrent de le
démolir,
le 18 juillet 1987.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
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102
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
cette société dénombrait 1 000 logements
vacants et 800 logements murés pour 18 000
logements gérés. Pour faire face, elle élabora un
« plan de patrimoine » prévoyant des démolitions de certains immeubles, la rénovation et la
restructuration des autres. Symbole des années
de forte croissance, « le Picardie », un grand
immeuble des années cinquante de 300 appartements situé à Grand-Charmont, est dynamité
pour laisser place à des maisons de villes...
Dans le Nord
Construit au cours des années 60 et 70 pour
reloger les ouvriers habitant dans les courées et
les rapatriés d’Algérie, les quartiers d’habitat
social de l’agglomération Lille-RoubaixTourcoing ont subi les conséquences de la
restructuration de l’industrie textile qui s’est
accompagnée d’une perte de 50 000 emplois en
20 ans. La désaffection qui a frappé une grande
barre, véritable muraille de Chine, à Hem générant une vacance de 75 %, illustre ce phénomène de récession économique. La « SLE » et
« Logicil », qui ont beaucoup construit dans ces
quartiers, ont, dès 1982, engagé des opérations
de restructuration et de démolitions en partenariat avec l’Etat et les collectivités locales.
Autre conséquence des mutations industrielles
dans le nord, « l’Immobilière de l’Artois », créée
en 1921 par la Compagnie des mines de
Vicoigne, Nœux et Drocourt, fusionna en 1967
avec deux autres SA nées elles-aussi en 1921 : la
« SA HLM du bassin houiller d’Anzin » (suscitée
par la Compagnie des mines d’Anzin) et la
« Société immobilière de la région nord de
Douai » (de la Compagnie des mines de
l’Escarpelle).
Ci-dessus :
Construits en 1962 par la SLE, les deux bâtiments de 18 étages des « Biscottes » à
Lille-Sud furent réhabilités en 1980 pour être rebaptisés la « Résidence Sud ».
Cependant, face au cumul des problèmes touchant ces deux immeubles, la SLE pris le
parti de les démolir, l’un en 1989, l’autre en 1990, plutôt que d’entreprendre une nouvelle réhabilitation coûteuse et aux effets incertains.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
103
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Le défi de la réhabilitation
des grands ensembles
Ci-dessous :
Journal « Sud-Ouest »
du 11 mai 1989.
En moins d’une décennie, les grands ensembles
seront l’objet d’une contestation diffuse, issue
d’un double rejet : refus des valeurs encore prégnantes du 19e siècle et refus des valeurs inhé-
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
104
rentes à la société de consommation. Cette
protestation ambivalente s’accentuera dans les
années 1970 sous l’effet de la récession économique. Les opérations ultérieures de réhabilitation viseront bien souvent à estomper ou à
maquiller les signes d’un futurisme devenu anachronique et obsolète, en tentant, dans la
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
mesure du possible, de réintégrer les grands
ensembles dans leur environnement : rendre,
autrement dit, moins visible ce qui naguère était
la marque la plus visible d’un volontarisme prométhéen.
C’est en fait tout le cadre social et sociologique
qui s’est trouvé bouleversé par l’extension du
chômage et la paupérisation corrélative d’une
partie de la population. Du même coup, la fonc-
tion d’intégration sociale traditionnellement
dévolue au logement prit une acuité toute particulière.
Dans un tel contexte, les sociétés anonymes,
avec l’aide de leur Fédération, relevèrent les
défis de la qualité, de la réhabilitation, de l’aménagement urbain et de la concertation avec les
usagers. Dès la fin de l’année 1981, les SA
avaient déjà réhabilité près de 10 000 logeL’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
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105
Page précédente et ci-contre :
Du déclin au renouveau :
le quartier de Saige,à Pessac.
En 1989, la fermeture de la grande surface
alimentaire provoqua un vif émoi
et l’inquiétude de la population.
4 ans plus tard, l’implication de Domofrance
et de la municipalité porte ses fruits :
un nouveau supermarché est construit.
Les sociétés anonymes d’HLM jouent un rôle
essentiel dans l’animation des quartiers d’habitat social. (Extrait du journal « Sud-Ouest »
du 11 mars 1993.)
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
ments. Aujourd’hui, 68 % des logements antérieurs à 1977 ont été améliorés. Cet effort de
requalification du cadre de vie s’est accompagné
de toute une panoplie d’actions d’insertion des
habitants et d’animation de la vie sociale des
quartiers.
Ci-contre :
La SA d’HLM Logement Français conduit
une politique volontariste de requalification
physique et de diversification sociale de ses grands
ensembles qui représentent la moitié de son patrimoine.
Elle oriente ses efforts sur la qualité du service
de proximité. Un exemple : le réaménagement
des espaces de proximité dans le quartier des Indes à
Sartrouville pour les adapter aux usages des habitants.
Ci-contre et ci-dessous :
La résidence « Pont-Yblon » à Dugny. Construite
dans les années 30, la résidence a fait récemment
l’objet d’une réhabilitation par la SA d’HLM Efidis.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
106
Les logements furent remis aux normes actuelles de
confort. Ils continuent de participer à la diversité des
produits offerts aux locataires, par leur bonne localisation,
leurs surfaces réduites et leurs faibles loyers.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
U
NE RÉFORME ATTENDUE DE
LA POLITIQUE DU LOGEMENT
En 1975, la Fédération, au cours de son
Assemblée générale, soulignait les blocages du
système de financement du logement et appelait
à une réforme :
■
que soient améliorées les modalités d’intervention des sociétés anonymes d’HLM dans
les opérations d’aménagement, de rénovation
et de restauration immobilière permettant de
lui donner une finalité sociale. »
« Constatant
que les sociétés d’HLM se trouvent dans une
situation de blocage qui les amène à hésiter à
lancer leur programme de construction pour
1975 ;
■ qu’au delà des difficultés conjoncturelles, l’ensemble des dispositions qui régissent la
construction sociale et l’urbanisation doivent
être refondues ;
■ que la demande de logements sociaux,
notamment celle qui émane des jeunes
ménages, est accrue par la situation économique actuelle et qu’elle demeure très forte,
tant dans les grandes agglomérations que dans
les villes petites et moyennes ; »
■
« Demandent
que dans le courant de 1975, les pouvoirs
publics mettent efficacement en place un nouveau dispositif de financement permettant
une réelle politique sociale du logement ;
■ que ces réformes prévoient, afin de permettre
la réalisation d’un habitat moins ségrégatif,
une plus large place à l’aide personnalisée,
et que soient instaurées des procédures
simplifiées, favorisant une réalisation plus
souple des objectifs poursuivis en
matière d’habitat.
■
C’était poser, dans le prolongement du Livre
blanc de l’Union des HLM, les jalons d’une
réforme des modalités de financement et de
gestion du logement social.
La loi Barre du 3 janvier 1977 fera de l’aide personnalisée au logement la pièce maîtresse du
nouveau système.
La Fédération marquera sa satisfaction dans la
motion de son Assemblée générale de 1977 :
« [La Fédération] constate que l’action vigoureuse de l’Union et des Fédérations ainsi que
l’attitude ferme et résolue de l’ensemble du
Mouvement HLM ont largement contribué à
apporter à la loi réformant l’aide au logement,
des améliorations qui vont dans le sens de ses
propositions ». Elle souligna néanmoins qu’elle
poursuivrait son action pour que « les barèmes
de l’aide personnelle et les mécanismes de
financement soient adaptés aux objectifs
sociaux de la réforme, c’est-à-dire qu’ils permettent effectivement aux ménages les plus
modestes d’accéder à la location ou à la propriété d’un logement de qualité ».
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
107
La réforme
du logement
de 1977
La loi du 3 janvier 1977 tend à substituer
l’aide personnalisée au logement (APL) à
l’aide à la pierre, conçue pour favoriser la
construction de logements sociaux. Cette
réforme confirme le processus de socialisation du logement en voulant solvabiliser
tous ceux dont l’accès à un habitat de
qualité peut être freiné par insuffisance de
revenus, c’est-à-dire en renforçant les
mécanismes de redistribution. L’APL est, en
effet, l’une des manifestations de l’Etatprovidence, puisqu’elle cherche à rétablir
plus d’équité en adaptant l’effort demandé aux locataires à leur situation sociale et
économique.
L’aide à la pierre n’est pas absente du dispositif, mais les PLA (prêts locatifs aidés)
qui en tiennent lieu sont d’une durée plus
courte (34 ans au lieu de 40) et à des
taux plus élevés que les anciens prêts
HLM ; conçus en période de forte inflation, ils sont de surcroît à intérêt progressif, ce qui allait entraver l’action des SA
une fois l’inflation maîtrisée.
Maintien donc d’une aide à la pierre, évolution vers un logement de qualité non
ségrégatif, grâce à l’APL, possibilité de
réhabiliter l’habitat existant grâce au
conventionnement, telles sont, en définitive
et dans un souci de plus grande équité
sociale, les grandes lignes de la réforme de
1977.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L
A DIVERSIFICATION DES ACTIVITÉS
Fidèles à la conception de leurs missions, les SA
d’HLM, après avoir participé activement à
l’effort de construction de masse, s’appliquèrent
à élargir et à diversifier leur champ d’intervention.
Les SA acquièrent la
compétence d’aménageur
La Fédération des SA continuait d’affirmer son
attachement à la « mission sociale des sociétés
anonymes » et revendiquait l’élargissement de la
Ci-contre :
En 1994, le quartier des Chartrons, à
Bordeaux. Domofrance s’est vu confier
l’aménagement et la construction
des nouveaux logements dans le périmètre
des anciens chais.
Le projet repose sur la dédensification et la
réhabilitation d’une partie du patrimoine
ainsi que la construction de nouveaux
bâtiments, dans le respect
du parcellaire d’origine.
(Extrait du journal « Le Moniteur »
du 16 septembre 1994).
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
108
capacité d’intervention de celles-ci dans l’aménagement et l’habitat ancien. Cette revendication fut satisfaite par la loi de 1976 qui permet
aux SA de prétendre à la qualité d’aménageur
pour le compte de tiers : on peut dès lors leur
confier l’aménagement d'une ZAC, d'un lotissement, d'une zone de rénovation urbaine, d'opérations de restauration et de résorption de
logements insalubres.
En 1981, 35 SA exerçaient une activité d’aménageur après avoir obtenu un agrément de la part
de l’autorité administrative locale.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre et ci-dessous :
A la Réunion, le Panon, à Saint-André et les Frontons de
Sainte-Thérèse à la Possession : deux illustrations de la
diversité des activités de la SA d’HLM de la Réunion.
Créée en 1971, elle intervient aussi bien dans la résorption
de l’habitat insalubre et l’encadrement de l’autoconstruction
que dans la réalisation de logements intermédiaires.
Ci-dessous :
En Martinique, les deux sociétés, la Martiniquaise d’HLM et
Ozanam, participent au relogemment des habitants concernés par le desserrement et la restructuration des quartiers
d’habitat spontané, et au développement urbain des communes. Deux exemples de leurs réalisations dans le nouveau quartier de la Meynard à Fort de france
Les SA, opérateurs
des rénovations urbaines
et de la valorisation
des patrimoines anciens
Les Sociétés anonymes d’HLM ne furent pas
que des bâtisseurs : elles furent partie prenante
du mouvement de retour vers les centres-villes
et de la valorisation du patrimoine historique.
A Fécamp, dans le cadre de la procédure des
contrats « Villes moyennes », la municipalité
décida d’engager en 1975 la restructuration de
l’Ilot Arquaise, avec le souci de créer un parc de
logements locatifs sociaux situés en centre-ville.
Elle en confia la maîtrise à la « SA d’HLM de
Normandie » qui depuis son origine travaillait
étroitement avec la ville (et aujourd’hui intégrée
à la SA Immobilière Basse-Seine).
La SA s’attacha à préserver la qualité architecturale de ce centre historique en conservant
dans la mesure du possible les maisons du 18e et
19e, tout en intégrant un nouvel ensemble
immobilier de 130 logements locatifs sociaux.
A Dieppe, à la demande de la Ville, « Sodineuf
HLM » a accepté de réhabiliter un ensemble
architectural remarquable, l’Ilot SainteCatherine, édifié à la fin du XVIIe siècle par
Monsieur De Ventabren. L’enjeu était d’importance pour Sodineuf : il s’agissait, à partir de la
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
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109
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
structure existante, de réaliser une cinquantaine
de logements locatifs sociaux aux normes
actuelles de qualité. L’opération, achevée en
mars 1985, se compose de 51 logements, ayant
chacun son caractère original du fait des liaisons
et circulations réalisées entre les différentes
pièces des immeubles. Ainsi, Sodineuf et la ville
de Dieppe on relevé ensemble un défi : le sauvetage d’un patrimoine et la reconquête d’un
quartier ancien qui se dépeuplait et qui se
dégradait.
Ci-contre :
La ville de paris a confié une mission d’aménagement au
logement Français dans le cadre de la RHI du quartier de
l’Orillon (à Paris 11e arrondissement) Cette opération de
rénovation urbaine s’est traduite par la construction de
128 logements sociaux avec un Foyer Soleil intégré,
d’une résidence pour personnes âgées de 89 appartements,
d’une crèche et de locaux commerciaux
en pied d’immeuble.
Ci-contre :
L’îlot
Sainte-Catherine, à
Dieppe, après sa
réhabilitation par
Sodineuf.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
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110
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Dans les centres et les quartiers anciens des
petites localités et des villes plus importantes la
population diminue, vieillit, le patrimoine immobilier se dégrade et l’activité commerciale cesse.
En Haute-Loire, l’intervention du « Foyer
Vellave » permet de rétablir un équilibre et de
satisfaire une demande de logement confortable
favorisant le retour en centre-ville.
Ci-contre
et ci-dessous :
La rue des Faussets à
Bordeaux, avant et
après réhabilitation
par Domofrance.
Les SA d’HLM
sont partenaires des
collectivités locales
dans la préservation
et la mise en valeur
du patrimoine
architectural.
(Les cahiers
techniques du
bâtiment N° 100 juin-juillet 1988).
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
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111
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessus :
La résidence d’Hannoncelle, avant et après l’intervention de la SA d’HLM Logiest, en novembre 1979.
Édifiée pour partie au XIIIe siècle, cet hôtel particulier abrita successivement la prison de l’Évêque de
Metz, le Jeu de Paume, une salle d’opéra puis de
spectacles. Reconstruit en 1803, il connut diverses
fortunes avant d’être abandonné en 1976. C’est avec
le concours des Monuments Historiques que Logiest
a pu réaliser 25 logements locatifs sociaux insérés
dans un cadre volontairement fidèle au passé.
La valorisation
du patrimoine
ancien
Ci-contre :
A Arles, l’hôtel de Castillon, réhabilité par Vaucluse
Logement. Cette très belle maison de ville avec cour
intérieure date du début du 20e siècle. Elle abrite
aujourd’hui 14 logements locatifs sociaux. Fondée en
1954 sous la forme coopérative,Vaucluse Logement
réalisa plus de 2 000 logements en accession à la
propriété et 5 000 logements locatifs avant de se
transformer, en 1965, en société anonyme. Depuis
plusieurs années, l’accentuation de la crise économique et sociale conduit Vaucluse Logement à
diversifier son activité au delà des fonctions
traditionnelles des organismes d’HLM.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
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112
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les SA affirment leur rôle dans
l’accession à la propriété
L’engouement des Français pour la maison individuelle transparaît nettement dès le début des
années 70. Sans doute le phénomène était-il
ancien, mais l’enrichissement général de la
population, joint au développement de
l’épargne-logement (fortement encouragée par
les pouvoirs publics qui créent le PEL en 1970),
réunissait désormais des conditions très favorables. Le relatif échec du concours de la Maison
individuelle lancé par le ministre Albin
Chalandon en mars 1969, n’entamait en rien ce
désir noté dans toutes les enquêtes : de 1965 à
1977, la part des maisons individuelles dans le
nombre des logements construits (secteur aidé
et promotion libre confondus) est passée de
30 % à 57 % (43 % en 1972). Ce nouveau marché sera très favorable aux SA qui purent
renouer avec l’idéal de la propriété individuelle
si cher aux fondateurs du mouvement HLM.
Ci-dessus :
Aiguillon Construction, née en 1969 (Groupe Arcade), construit aussi bien des logements locatifs sociaux que des
programmes en accession à la propriété, dans cinq départements de l’Ouest . « Près de 8 000 logements HLM loués et gérés,
ainsi que 2 500 maisons ou appartements construits et vendus en accession à la propriété, ancrent la société dans sa fonction
d’opérateur d’habitat social et donnent sens à sa mission d’acteur de la cohésion sociale ».
En 1980, cent SA édifient 23 000 pavillons financés principalement par les prêts aidés à l’accession à la propriété (PAP) et par les prêts et
primes du Crédit Foncier de France.
Ci-contre :
Le Hameau du Tillay,
à Saint-Herblain, une
opération d’accession
à la propriété de la
SA d’HLM Atlantique
Logement, SA fondée
en 1975 par deux
coopératives d’HLM
et spécialisée dans
l’accession
à la propriété.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
113
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les SA d’HLM apportent
des réponses adaptées
à la diversité des besoins
Ci-contre :
Dans le quartier des Saules de la ville
nouvelle de Saint-Quentin-enYvelines, Logirep a réalisé un
immeuble de 60 logements locatifs
sociaux. Les 14 appartements
du rez-de-chaussée constituent un
foyer pour adultes handicapés dont la
gestion est confiée
à une association spécialisée.
Si l'activité principale des sociétés est le logement familial, elles se sont résolument engagées
dans la réponse à apporter aux besoins spécifiques de certaines catégories de population,
En 1954, au Muret, à l’initiative d’acteurs locaux, naît la
société Promologis pour faire face à la demande de cette
Sous-Préfecture située à 20 kms de Toulouse.
Forte aujourd’hui d’un patrimoine de 10 000 logements sur
tout le Département de la Haute-Garonne, la société a su
s’adapter aux évolutions du temps et répondre, en tant que
généraliste de l’habitat, à toute la demande de logement
des familles, des personnes agées, des étudiants (leader sur
l’Agglomération Toulousaine avec 2 000 logements)
ainsi que des plus modestes (350 logements PLATS,
réalisés en habitat diffus).
Elle a depuis longtemps placé la gestion au cœur de son
métier avec ses Agences décentralisées instituées depuis
plus de 20 ans. Elle a notamment mis en place un service
aux locataires 24 H/24 et un réseau d’îlotiers à raison
de 1 pour 500 logements.
Ci-contre :
la résidence d’étudiants Services « Castelbou » dans le
centre de Toulouse : elle offre à la location
128 logements étudiants, meublés et équipés.
Parallèlement, des services et équipements communs
à usage collectif sont mis à la disposition des locataires :
salle de gymnastique, salle informatique, salle audio-visuelle,
salon d’information et salles d’étude.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
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114
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
personnes âgées, travailleurs migrants, jeunes
travailleurs, étudiants, populations démunies,
tant par la construction de foyers que par
l'adaptation des logements et des services dans
leur patrimoine : elles offrent ainsi dans leurs
foyers et résidences une capacité d'accueil de
201 000 lits dont la moitié est à vocation
d'hébergement des personnes âgées.
Les sociétés se sont en effet fortement impliquées depuis une vingtaine d'années dans la
politique d'amélioration du logement des personnes âgées, à la fois dans l'aide au maintien à
domicile pour préserver leur autonomie, dans la
recherche d'innovations pour leur hébergement
dans des foyers ou résidences bien intégrées
dans la vie de la cité, et dans la construction de
structures médicalisées.
Ci-contre :
En plein cœur
du 3e arrondissement
de Lyon, Logirel a
aménagé la résidence
sociale Ferdinand
Buisson qui accueille
des jeunes de 18 à
30 ans en situation
de rupture familiale
ou en difficulté sur
le plan psychique et
psychologique.
Conçue comme un
lieu de vie à l’échelle
humaine, la résidence
s’ouvre sur un jardin
où adultes et enfants
des maisons voisines
peuvent se retrouver.
Logirel gère ce lieu
d’insertion en lien
avec des associations
partenaires
regroupant
des professionnels du
logement, de la santé
et du social.
La prise en compte des besoins des personnes
handicapées a été également leur préoccupation. Elles ont cherché à apporter des solutions
graduées en fonction de la nature du handicap,
depuis de simples aménagements, dans le parc
banalisé, du logement et de son environnement
jusqu'à la construction de centres d'hébergement en partenariat avec des associations spécialisées.
Les sociétés ont également pris des initiatives
pour réaliser des structures d'accueil des personnes marginalisées, en rupture sociale, adaptées aux différentes étapes de leur insertion
depuis l'hébergement d'urgence et l'hébergement temporaire jusqu'à l'accès à un logement
autonome : hôtels sociaux, résidences sociales,
logements relais, structures d'accueil de nuit et
de jour pour les personnes sans abris, maisons
d’insertion pour les sortants de prison, sont
autant d'expériences qu'elles ont développées.
Ci-contre :
Les Hauts-de Sainte-Croix à Metz.
Cet immeuble des XIIIe et XIVe
siècle a été réhabilité puis aménagé,
de 1977 à 1979, en foyer pour
personnes agées
par la Mosellane d’HLM (SAREL).
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
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115
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
A partir d’une analyse fine des besoins locaux,
les sociétés mettent en œuvre des politiques
d’accuel des populations spécifiques en collaboration étroite avec les réseaux de professionnels et bénévoles en charge de ces questions.
La société Efidis offre un exemple de ce type
d’engagement.
Résultant de la fusion de plusieurs sociétés anonymes d’HLM, Efidis, dont le principal actionnaire est le Crédit Foncier de France, nait en 1991.
Dès l’hiver 1993, la société s’est impliquée dans
le logement des populations spécifiques. Dans
Ci-dessus
et ci-contre :
Rue Dunois, dans le
13e arrondissement
de Paris et à Gentilly,
rue Gabriel-Péri,
EFIDIS a réalisé
deux centres
d’hébergement
d’urgence.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
des bâtiments, en attente de travaux de réhabilitation ou de démoliton, des logements temporairement vacants, sont mis à la disposition
d’une association.
Grâce au professionnalisme des différents partenaires, la cohabitation avec les locataires en
titre ne pose aucun problème.
Efidis s’est également illustrée par son offre globale de prestations pour accompagner le développement universitaire des villes nouvelles : elle
est intervenue dans les campus d’HEC, à Jouyen-Josas, à Cergy-Pontoise, à Saint-Quentin-enYvelines. A Gif-sur-Yvette, elle a aussi réhabilité
l’ancienne résidence de SUPELEC et édifie
à côté une nouvelle résidence de 210 unités
de vie.
Ci-dessus :
A Cergy-Pontoise,
un même bâtiment
abrite la résidence
universitaire
François Rabelais et
une résidence
sociale.
Ci-contre :
Les résidences de
SUPELEC
à Gif-sur-Yvette.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (1967-1982)
SA D’HLM BERRY SOLOGNE
1967
VIERZON
L'HABITAT COMMUNAUTAIRE LOCATIF
1970
PARIS
SA D’HLM C.I.F.N. DIALOGE
1967
LE HAVRE
LA CAMPINOISE D'HABITATION
1970
CHAMPIGNY-SUR-MARNE
SA D’HLM DE LA GUADELOUPE
1967
POINTE-A-PITRE
LA MAISON FLAMANDE *
1970
DUNKERQUE
FDI HABITAT
1967
MONTPELLIER
LOGIS METROPOLE
1970
LA MADELEINE
FRANCE LOIRE
1967
ORLEANS
ROUSSILLON HABITAT
1970
PERPIGNAN
LES AJONCS
1967
LORIENT
SA D’HLM DE LA REUNION
1971
SAINT-DENIS
LOIRE-ATLANTIQUE HABITATIONS
1967
SAINT-HERBLAIN
SA D’HLM MARTINIQUAISE
1971
FORT-DE-FRANCE
PIERRES ET LUMIERES
1967
ANTONY
CITE NOUVELLE HABITAT 2000
1972
CACHAN
ANJOU CASTORS
1968
ANGERS
1972
LYON
ARTOIS LOGEMENT
1968
LENS
SA D’HLM DE LA REGION LYONNAISE GABRIEL ROSSET
COOPERER POUR HABITER
1968
VINCENNES
SA D’HLM CODELOG
1973
NEUILLY-SUR-SEINE
SA D’HLM DE LA VALLEE DU THORE
1968
MAZAMET
ATLANTIQUE LOGEMENT
1974
NANTES
SA D’HLM DE LA VILLE D'ALENÇON
ET DE L'ORNE LE LOGIS FAMILIAL
1968
ALENÇON
SA D’HLM DU VAL D'OISE
1974
SAINT-GRATIEN
L'HABITAT SOCIAL FRANCAIS
1974
PARIS
LE HOME ATLANTIQUE
1968
SAINT-HERBLAIN
MANCHE CALVADOS HABITATION
1974
SAINT LO
LE LOGEMENT FAMILIAL DE L'EURE
1968
EVREUX
PROVENCE MEDITERRANNEE
1974
MARSEILLE
PICARDIE HABITAT MAISON DE L'HABITAT
1968
COMPIEGNE
ARIEGE-MIDI-PYRENEES
1975
FOIX
SA D’HLM POUR LE DEVELOPPEMENT
DE L'HABITAT
1968
VALENCE
BATIMENTS ET STYLES DE BRETAGNE
1975
SAINT-BRIEUC
SA D’HLM DU VAL DE SOMME
1975
AMIENS
TOURAINE LOGEMENT
1968
TOURS
LE FOYER DES ALLOBROGES
1975
CHAMBERY
AIGUILLON CONSTRUCTION
1969
RENNES
LE FOYER MODERNE
1975
CHOLET
SA D’HLM DE L'ESTUAIRE DE LA SEINE
1969
LE HAVRE
LE LOGIS FAMILIAL MAYENNAIS
1975
LAVAL
SA D’HLM GASCONNE
1969
AUCH
SA D’HLM PROLETAZUR
1975
TOULON
LA MAISON GIRONDINE
1969
BORDEAUX
SA D’HLM RENAISSANCE
1975
PARIS
LE FOYER DU TOIT FAMILIAL
1969
SOTTEVILLE-LES-ROUEN
DOMOCENTRE DU MASSIF CENTRAL
1977
CLERMONT-FERRAND
LE LOGEMENT FAMILIAL
DE SOISSONS ET DE L'AISNE
1969
SOISSONS
SA D’HLM DE BESSEGES ET SAINT AMBROIX
1978
BESSEGES
LE TOIT FOREZIEN
1969
SAINT-ETIENNE
EST-HABITAT CONSTRUCTION
1978
NANCY
LOZERE HABITATIONS
1969
MENDE
SOLLAR - LE LOGEMENT ALPES-RHONE
1978
LYON
S.I.S.M.
1969
MELUN
APEC HABITATION
1981
PARIS
ALSACE HABITAT
1982
STRASBOURG
UN TOIT POUR TOUS
1969
NIMES
AEDIFICAT
1970
PARIS
* Des sociétés anonymes
d’HLM ont des filiations
bien plus anciennes :
ainsi, la Maison
Flamande est issue de
la fusion en 1970 entre
la SA de Bourbourg née
en 1925 et rebaptisée
Maison des Flandres en
1968, et de la SA
Hazebroukoise d’HLM.
Elles construisirent
ces années-là…
Patrimoine locatif
des SA d’HLM
(1967-1982)
Nombre de logements
80 000
70 000
60 000
50 000
40 000
30 000
20 000
10 000
0
1967
SA
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
118
1969
1971
1973
1975
1977
Année d'achèvement
1979
1981
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L’élan sans précédent de la construction en
France, dont les SA d’HLM furent partie prenante, s’achevait sur une réforme et par le
bilan qualitatif et social des organismes
d’HLM. L’urgence, ce formidable défi lancé à
ceux-ci, avait été maîtrisée. Dans cette lutte,
les SA d’HLM s’étaient distinguées en portant leurs efforts tant vers la construction de
masse que vers le sur-mesure. Elles avaient,
en outre, renforcé leur ancrage dans les
forces vives de l’économie, en « plongeant
leurs racines dans le monde socio-économique qui alimente la plupart des corps
intermédiaires du pays, que ce soit les syndicaux patronaux, les syndicats des salariés, à
travers les établissements consulaires, les
caisses d’allocations familiales, les CIL, mais
aussi, à travers les collectivités locales »
(Jacques Richard, Assemblée générale de
1980). Elles étaient, enfin, devenues des généralistes de l’habitat, des instruments de
l’aménagement du territoire et de la rénovation urbaine.
L’HABITAT DANS TOUTES SES DIMENSIONS
-
119
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les Présidents
Richard BLOCH (1927 - 1934)
Georges MINORET (1934 - 1951)
Paul VOISIN (1951 - 1975)
Président de la SA « Logements économiques pour Familles nombreuses »
Président de la SA « Le Progrès »
Directeur de la SA « Le Foyer Rémois »
Président de la SA parisienne s’intéressant
au logement des plus démunis, Richard
Bloch fit travailler au début des années 20
les architectes Baudoin et Lods sur la standardisation des méthodes de construction
pour en abaisser le coût sans diminuer la
qualité des prestations. En 1927, il prit l’initiative de créer la Fédération des SA et
Fondations d’HLM, qu’il présida jusqu’à son
décès en 1934.
Membre du Conseil d’administration de la
SA « Le Progrès » de sa création en 1905 à
1954, Georges Minoret fut également administrateur-délégué de l’Office public d’HLM
de Paris. S’inscrivant dans le mouvement du
catholicisme social, il fut appelé à la
Présidence de la Fédération en 1934.
Appelé par Georges Charbonneaux en
1928 pour prendre la direction du « Foyer
Rémois », Paul Voisin demeure à ce poste
jusqu’en 1969. Poursuivant l’œuvre de son
fondateur, il développe l’activité de la SA qui
se distingue notamment dans les années
d’après-guerre par la réalisation du quartier
de l’Europe à Reims (2 000 logements en
collectifs ou pavillons). Paul Voisin accède à
la présidence de la Fédération en 1951 et
accompagne les SA tout au long des années
50 et 60, si décisives pour elles.
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
120
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
de la Fédération
Jacques RICHARD (1975 - 1983)
Marcel LAIR (1983 - 1992)
Directeur de la SA « L’Effort Rémois »
Président du « Groupe Immobilier 3F », Paris
Nommé secrétaire-général de la SA
« L’Effort Rémois » en 1957, Jacques
Richard en devient le directeur quelques
années plus tard.Avec lui, L’Effort Rémois va
édifier plus de 15 000 logements en
Champagne-Ardennes. Sa compétence et
ses qualités humaines le conduisent en
1975 à prendre la succession de Paul Voisin
à la tête de la Fédération des SA. Il renforce
la Fédération et s’attache à donner plus de
poids à la singularité des SA.
Licencié en droit et en lettres, diplômé de
l’Ecole libre des sciences politiques, Marcel
Lair a 28 ans lorsqu’il quitte l’Office
national de la Navigation pour prendre la
direction du Groupe Immobilier 3F en
1950. Avec lui, l’ancien « Foyer du
Fonctionnaire et de la Famille » va prendre
une part remarquée dans l’effort de
construction des années 50 et 60. VicePrésident en 1955 puis Président, il transforme 3F en véritable groupe HLM et en
fait le premier bailleur social privé de
France. Son engagement en faveur du logement social le mène à prendre une part
active aux actions de la Fédération. Elu à sa
présidence en 1983, il conduit les SA sur le
chemin de la modernisation.
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
121
Jacques BERKÉ (1992)
Administrateur de la SA « La Propriété
familiale de l’Ile-de-France »
Ingénieur civil des Ponts et Chaussées,
Jacques Berké débute sa vie professionnelle
au sein du bureau d’études OTH avant
d’entrer à l’Union des HLM. Là, ses qualités
d’expert en économie de l’habitat l’amènent au CREPAH, au Conseil aux organismes puis à la Mission économique de
l’Union. En 1988, Jacques Berké est nommé
directeur de la Fédération des SA, puis
quatre années plus tard Président. « D’un
cœur ferme et avec vigilance », pour
reprendre les propos de Marcel Lair, il
plaide pour une plus grande autonomie des
S.A. et un partenariat en toute intelligence
avec les pouvoirs publics et locaux.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
122
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-contre :
Dans la Cité « Derrière-les-murs de
Monseigneur » (Villiers-Le-Bel, SA HLM Travail et propiété), l’aménagement des
espaces verts favorise la convivialité et
les échanges.
Page précédente :
Le « Dolmen » à Nantes en 1991.
Édifié par la Nantaise d’Habitations en
1961, il fut réhabilité en 1987/88.
1983/1997
Des entreprises pour
Sixième
époque
la cohésion sociale
Au cours des quinze dernières années, les organismes d’HLM affrontèrent une nouvelle donne
économique que la réforme du financement du
logement de 1977 n’avait nullement envisagée.
Cette réforme reposait, en effet, sur trois hypothèses qui n’ont pas résisté à l’épreuve des faits :
poursuite de la croissance économique à un
rythme relativement élevé ; progression du pouvoir d’achat des revenus des ménages à un rythme soutenu ; maintien de l’inflation à un niveau
voisin de 8 % l’an. Conçue dans l’espoir d’une
croissance retrouvée qui devait en principe
entraîner sa disparition, l’aide à la personne a
connu une ascension vertigineuse au détriment
de l’aide à la pierre : d’aide compensatoire, elle
s’est transformée en instrument de lutte contre
l’exclusion sociale avec la paupérisation d’une
partie croissante de la population.
Dans le même temps, la déréglementation du
marché financier, l’affirmation d’une culture de
marché et la décentralisation administrative ont
modifié sensiblement les conditions d’exercice
de la politique de l’habitat. Dans un tel contexte, les sociétés anonymes jouèrent résolument
la carte de la modernisation en assumant, dans
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
123
le droit fil de leurs statuts et de leurs objectifs
sociaux, la responsabilité financière de leur
action en développant leur champ d’intervention
Parallèlement, la Fédération s’est réorganisée :
en 1980, les élections des conseillers fédéraux
eurent lieu pour la première fois au plan
régional.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
S
E MODERNISER
Tout en continuant de développer un vaste
éventail de pratiques et de métiers pour s’affirmer comme des généralistes de l’habitat, les SA
d’HLM cherchèrent à renforcer leur autonomie
de gestion par un effort de rigueur financière.
La modernisation des SA requérait une meilleure connaissance statistique de l’activité et de la
situation des diverses sociétés, qui passait par le
renforcement des moyens de la Fédération. Dès
1979, une résolution tendait à instituer un dispositif d’alerte : l’Assemblée générale recommandait aux SA adhérentes à la Fédération « de
procéder à échéance régulière à une analyse
financière structurelle et prévisionnelle ». Cette
mesure était prise en parfaite cohérence avec le
souci des SA d’assumer pleinement leur responsabilité financière : mieux valait en somme
prévenir des situations délicates plutôt que
d’avoir à prendre des mesures drastiques à la
suite d’un contrôle tatillon de la part des services publics de vérification. La Fédération se
trouvait ainsi renforcée dans son rôle d’instance
de réflexion, de prestataire de services et de
conseiller technique.
Les orientations fédérales définies
1. Saisir toutes les opportunités possibles en
fournissant une gamme de services de plus en
plus large (aménagement des villes, construction de logements intermédiaires pour les
cadres et les entreprises, réalisation d’opérations de tourisme social, etc.).
2. Elargir le cercle des interlocuteurs des SA en
renforçant la légitimité sociale de celles-ci.
3. Constituer un « réseau fort de sociétés fortes »
et « occuper le terrain dans tous les comités,
associations ou commissions ». « Nos instances ne sont pas politiques. Dans un pays où
les élus développent leurs pouvoirs, il nous faut
des contrepoids économiques et sociaux ».
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
124
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
L’affirmation
de la spécificité SA
Il est non moins clair que la modernisation des
SA impliquait la reconnaissance de leur spécificité, comme devait le demander Jacques Richard
au Ministre de l’Equipement de l’époque à la
tribune de l’Assemblée générale de 1982 : « Les
SA souhaitent que vous leur reconnaissiez leur
spécificité de sociétés, dans le cadre d’une déontologie du logement social ; que vous laissiez à
leurs dirigeants leur responsabilité pleine et
entière des décisions qu’ils jugent utiles de
prendre pour l’avenir des organismes ; que vous
leur fassiez confiance pour mettre en œuvre
votre politique urbaine et votre politique de
l’habitat, en liaison avec les pouvoirs publics et
les représentants de la vie locale ». D’où la référence, de plus en plus fréquente, à la loi du 24
juillet 1966 sur les sociétés commerciales et ce
glissement dans le discours de la notion de
« mission de service public » vers la notion « de
mission d’intérêt général ».
C’est en s’appuyant sur leur caractère commercial qui « nous rend responsables de nos actes
et de nos décisions et nous force à être les
meilleurs » que les SA ont affirmé leur identité
collective. Leur identité était jusque-là surtout
individuelle, puisque nombre d’entre elles pou-
par l ’Assemblée générale de 1983
4. Partir à la recherche de nouveaux financements : « Nous ne devons pas rester dans une
tour d’ivoire, nous devons proposer des collaborations ou des participations autour de
nous. Nous devons nous rendre encore plus
utiles, encore plus indispensables à un maximum de partenaires ».
5. Agir quotidiennement sur tous les facteurs de
gestion et sur tous les éléments de production
de logements.
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
125
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Ci-dessous :
Elbeuf, réhabilitation
du Parc St-Cyr.
SA de la Région d’Elbeuf.
vaient se prévaloir d’une longue histoire qui leur
appartenait en propre. Or, en tenant un discours
responsable face aux pouvoirs publics d’une
part, et en se montrant solidaire des sociétés en
difficulté d’autre part, la Fédération tissait progressivement la trame d’une histoire collective
en renouant avec les plus anciennes références
des SA. Elle réhabilitait le principe de responsa-
bilité inhérent à l’idéologie libérale qui avait fait
la fierté des fondateurs ; elle appliquait aussi ce
principe de solidarité, inséparable de l’effort
individuel, qui était au cœur du projet « radical »
des premières sociétés anonymes.
La modernisation
des entreprises
Sous la présidence de Marcel Lair (5 mai 198329 avril 1992), le ton se fit cependant plus
ferme : « Les sociétés qui négligent leurs
finances sont condamnées si elles ne se réforment pas. Car la mansuétude du destin ne
s’adresse qu’aux forts. Je suis convaincu que,
dans la difficulté des temps qui s’annoncent, la
rigueur d’une gestion et d’une gestion autonome, sera, pour chaque société, la condition de la
survie d’abord, du succès ensuite ».
La rigueur financière procédait d’une « stratégie
d’entreprise » : les dirigeants des SA étaient
appelés à exercer les fonctions de managers
sociaux, de gestionnaires organisateurs
recherchant systématiquement de nouvelles
capacités d’autofinancement. Mise à l’honneur
et encouragée par la Fédération et soutenue
par l’Association des directeurs, dans un souci
de modernisation et d’efficacité, la culture d’entreprise gagnait, à n’en pas douter, du terrain.
Les résultats de la modernisation des SA ne se
firent pas attendre. Dès 1984, la croissance de la
marge d’autofinancement fut, pour la première
fois depuis plusieurs années, au rendez-vous. En
1986, cette marge avait même progressé de
20 %. La rénovation du parc se poursuivit également dans des proportions identiques.
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
126
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Entre la modernisation et l’harmonisation
nécessaires des outils de gestion, d’une part, et
le respect d’une vocation sociale qui veut être
assumée, d’autre part, sans doute faut-il trouver
un subtil compromis. L’équilibre financier
constitue assurément la préoccupation majeure
des sociétés anonymes, mais les valeurs « humanistes et humanitaires » sont d’autant plus prégnantes qu’elles ont contribué à structurer
l’identité individuelle des sociétés anonymes.
Dans une conjoncture particulièrement difficile,
les SA ont donc réussi, sous l’impulsion de leur
Fédération, à étendre leurs compétences, à restaurer une grande partie de leur parc mais aussi
à amortir les effets de la récession économique
en logeant de plus en plus de familles à revenus
modestes.
Ci-contre :
Assemblée Générale
de la fédération
en avril 1996.
D
IALOGUER, TISSER DES LIENS, INSÉRER
Affaire de gestion, la modernisation des sociétés
anonymes est aussi affaire de partenariat, entendu dans son acception la plus large. Le temps est
venu de se tourner « vers une élaboration beaucoup plus locale des produits et des règles du
jeu associant l’ensemble des partenaires
concernés, en adéquation avec le marché local,
et de manière à pouvoir ouvrir le parc social à
des populations qui n’ont pas d’autres solutions
pour se loger » (Jacques Berké lors de son allocution du 29 avril 1992). Si donc le logement des
plus modestes et même des plus défavorisés
restait la priorité, l’intervention « sur l’ensemble
de la gamme des produits d’habitat » était réclamée avec force.
Le partenariat
avec les collectivités locales
C’est naturellement avec les collectivités locales
que l’évolution est la plus nette. La décentralisation en œuvre depuis le début des années 1980
a incité les SA à resserrer quotidiennement
leurs liens avec les collectivités locales ; en
retour, ces dernières se montrent sensibles au
professionnalisme de ces sociétés en recourant
toujours davantage à leurs compétences. Dans
leur stratégie d’entreprise, certaines SA affichent un rôle d’opérateur urbain local.
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
127
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Face à la décentralisation, la Fédération des SA
tenait une position très souple : « Nos sociétés
anonymes sont des partenaires qualifiés dans ce
vaste mouvement de redistribution des pouvoirs : organismes locaux, largement décentralisés sur tout le territoire, ils sont partie intégrante de l’économie locale. A chacun de s’insérer localement dans le nouveau dispositif, au
fur et à mesure de sa définition. Et peut-être, à
terme, faudra-t-il revoir l’organisation interne
de notre fédération pour s’adapter aux nouvelles lois nées de la décentralisation »
(Assemblée générale des 3 et 4 février 1982).
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
128
Bien ancrées localement, les SA d’HLM ont très
vite développé avec les maires des relations
exemptes de la méfiance ancienne entre le
public et le privé.
Les relations avec les locataires
Le client et le service
Face à l’arrivée de nouvelles catégories de locataires, en lien avec la résorption de l’habitat
insalubre, et de populations modestes et immi-
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
grés, la Fédération, partant du principe intangible depuis la fondation des SA que leur rapport avec les locataires se situait au-delà du
simple paiement du loyer, réaffirmait la nécessité d’une gestion humaniste. Dès 1977 le Conseil
fédéral rappelait que « les sociétés anonymes
d’HLM ne peuvent se limiter à bâtir des logements dont elles auraient seulement à assurer la
gestion technique et financière. La Fédération
recommande aux sociétés de définir clairement
les domaines et les niveaux où s’exercera le dialogue, ainsi que les pouvoirs des instances que
chaque société pourra librement mettre en
place. Elle rappelle à chacune d’elles qu’en
matière de charges locatives et de prestations,
une information claire et précise doit être donnée aux habitants, et que les moyens d’exercer
le droit de contrôle que leur donne la loi doivent être mis à leur disposition. De façon plus
générale, elle considère comme allant de soi,
que soit étudié avec les habitants tout ce qui
touche à la vie quotidienne de leurs ensembles
d’habitations, sans que soient jamais perdus de
vue les charges qui en résulteront ».
En 1981, 184 SA affirmaient rencontrer régulièrement les amicales de locataires, alors qu’il
existait 202 sociétés où les locataires étaient, à
des degrés divers, organisés, même partiellement, en amicales ; 60 sociétés participaient à
des commissions mixtes HLM-usagers ; une cinquantaine avait mis en place des conseils d’habitants ou de résidents, des commissions spécialisées, ou avaient expérimenté des modalités
diverses de concertation.
Enfin, en 1983, 39 SA avaient fait entrer des
représentants des locataires dans leurs conseils,
32 des militants syndicalistes, 13 avaient créé
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
129
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
des comités consultatifs. Cette dynamique a
précédé l’obligation faite aux organismes d’HLM
d’accueillir des représentants des locataires élus
au sein de leurs conseils d’administrations.
Depuis 1994, la Commission mixte nationale
HLM-habitants est présidée par René Lallement,
administrateur du « Foyer Rémois » et membre
du Bureau fédéral de la Fédération des SA.
Dans les relations avec les locataires, le gardien
est devenu un personnage-clé qui n’a plus rien à
voir avec le « Monsieur Pipelet » des immeubles
de rapport. Il occupe un emploi stratégique :
étant proche des habitants, il peut en permanence mesurer les variations du climat social et
prévenir les dérapages et incidents.
Les SA se sont attachées à adapter leur organisation, leurs compétences, leurs savoir-faire,
pour développer des relations personnalisées
avec leurs locataires-clients, être mieux à l’écoute de leurs besoins, et améliorer la professionnalisation des réponses à apporter à leurs
attentes.
Nombre de sociétés se sont engagées dans des
démarches qualité garantissant à leurs locataires
un bon niveau de prestations de service pour
l’entretien du logement, des parties communes
et l’animation de la vie quotidienne collective.
La coopération avec le milieu
associatif et le renforcement
d’une gestion sociale
de proximité
Au Congrès de Grenoble (1987), le président
Marcel Lair revendiquait un rôle de coordonnateur de l’insertion des populations logées :
« L’insertion ou la réinsertion des familles exige
aussi l’aide conjointe des communes, des caisses
d’allocations familiales, des organisations professionnelles et syndicales, comme aussi d’associations diverses. C’est à nous d’éveiller leurs sensibilités, de mobiliser leurs énergies, de les
rendre efficaces. Bref ! Nous devons susciter les
chaînes des solidarités. »
Les SA ont tissé des liens avec le milieu associatif au point de former de véritables réseaux de
solidarités locales. Si les liens des SA avec le
mouvement associatif sont très anciens (certaines SA sont issues d’associations ou d’un
mouvement coopératif qui s’en approchait),
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
130
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
l’enracinement de la récession depuis le second
choc pétrolier a nettement contribué à les
réveiller et à les affermir au point de leur conférer un caractère institutionnel. 54% des sociétés
anonymes ayant répondu à une enquête réalisée
en 1996 participent au mouvement associatif en
étant représentées dans le Conseil d’administration d’une ou de plusieurs associations, et
20 % d’entre elles ont des associations représentées dans leur propre Conseil d’administration.
La conduite d’actions conjointes procède d’une
reconnaissance mutuelle de compétences et
d’une répartition complémentaire des rôles :
tandis que les SA renforcent leurs efforts pour
améliorer la vie quotidienne des quartiers d’habitat social et les réinscrire dans les dynamiques
de la ville, les associations jouent un rôle essentiel dans le maintien de la cohésion sociale et
dans la vie quotidienne des habitants. Ces relations vont donc bien au-delà de la simple
concertation ; elles se sont élargies à la coproduction et à la cogestion de projets complexes
qui exigent la mobilisation d’un ensemble de
savoir-faire. On le voit : leur culture profondément solidariste incite les SA à resserrer quotidiennement les mailles d’un tissu social que
l’extension du chômage ne cesse de distendre.
Difficile, au demeurant, de rendre compte de
l’extrême diversité des actions sociales engagées par les sociétés anonymes ! De l’ouverture de centres d’accueil pour les exclus ou les
personnes sans domicile fixe au rachat de patrimoine « social de fait », en passant par la création d’entreprises d’insertion ou de régies de
quartiers, la même volonté d’agir se manifeste,
le même désir d’avoir raison de la fatalité se fait
jour. Une chose est sûre, les initiatives prises par
les SA se développent et donnent naissance à de
nouvelles pratiques sociales. La gestion locative
évolue : la gestion de proximité s’affine, le recrutement de conseillers sociaux devient pratique
courante, des animateurs de quartiers, des
agents d’ambiance assurent leur tâche d’accompagnement social, en relation avec les gardiens
qui sont devenus de véritables médiateurs
sociaux. Il s’agit là, à n’en pas douter, d’une évolution conforme au projet social des origines : le
logement ne garantit pas l’insertion, mais il en
est une condition essentielle. Loger ne suffit
plus, il faut travailler à l’insertion des habitants.
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
131
En haut :
Quand les SA créent l’événement
dans les quartiers d’habitat social :
un podium dressé par Domofrance
à Lormont, en 1989.
En bas :
A Marseille, le restaurant
associatif de « La Bricade », abrité
par Logirem.
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les Sociétés anonymes d’HLM d’aujourd’hui qui sont nées hier… (1983-1997)
LE NOUVEAU LOGIS AZUR
1984
NICE
LE NOUVEAU LOGIS MERIDIONAL
1984
TOULOUSE
LE NOUVEAU LOGIS PROVENÇAL
1984
MARSEILLE
LE NOUVEAU LOGIS ALSACIEN
1985
STRASBOURG
LE NOUVEAU LOGIS CENTRE-LIMOUSIN
1985
TOURS
LE NOUVEAU LOGIS DES MARCHES DU NORD - S.A.M.A.N.O.R. -
1985
PARIS
SA D’HLM DU BEAUVAISIS
1989
BEAUVAIS
LES FOYERS DE SEINE-ET-MARNE
1989
MELUN
SA D’HLM DU LIBOURNAIS
1990
LIBOURNE
LOGEMENT POUR TOUS
1992
PARIS
RESIDENCES D’ALSACE
1993
THANN
IMMOBILIERE RHONE-ALPES
1994
LYON
Elles construisirent
ces années-là…
Patrimoine locatif
des SA d’HLM
(1983-1995)
Nombre de logements
40 000
35 000
30 000
25 000
20 000
15 000
10 000
5 000
0
1983
1985
1987
1989
1991
Année d'achèvement
SA
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
-
132
1993
1995
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Les SA d’HLM, avec l’appui de leur
Fédération, se sont efforcées de conjuguer
capacité d’adaptation, responsabilité et
autonomie de gestion de l’entreprise. Jacques
Berké, président de la Fédération depuis
1992, soulignait lors de l’Assemblée générale
de 1994 cette recherche constante d’un élargissement et d’un renforcement de leur professionnalisme : « les SA d’HLM conduisent
des améliorations permanentes en matière
d’écoute des locataires, de réponse à la
diversité des situations, d’approfondissement
de leur métier de base, tout en allant très loin
dans la réponse aux problèmes sociaux. »
Et il réaffirmait l’ambition des sociétés d’être
des opérateurs de l’habitat dans toutes ses
dimensions : « Non seulement nous devons
contribuer aux réponses en direction des
défavorisés dans toute la gamme des solutions d’habitat et d’accompagnement, mais
nous devons également répondre au logement des catégories moyennes, voire, dans
certains marchés spécifiques, à l’ensemble
des problèmes d’habitat. »
DES ENTREPRISES POUR LA COHÉSION SOCIALE
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
UN PASSÉ SOURCE DU FUTUR
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134
SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
Un passé, source du futur
Au-delà de la diversité des Sociétés Anonymes d’HLM et de l’originalité des initiatives de leurs fondateurs,
leur histoire démontre à l’évidence leur appartenance à une communauté d’idées et d’objectifs : apporter
aux hommes par le logement un moyen de mieux vivre et de mieux être.
Elles sont fortes de leur propre histoire, fières de leurs fondateurs et de leurs réalisations, attachées aussi
à leur autonomie qu’elles se sont toujours efforcées de préserver.
Leur volonté d’autonomie et de responsabilité a toujours été une force, elle n’a pas son pareil pour tisser
des liens d’homme à homme, d’organisme à organisme, pour développer des solidarités d’actions et de
compétences.
Pour donner plus d’écho à leurs messages et à leurs actions qui devenaient chaque jour un peu plus une
mission d’intérêt général, les sociétés ont cherché à se rassembler autour de valeurs communes.
Et c’est ainsi qu’elles ont, voici 70 ans, affirmé leur perception commune des besoins et des attentes d’une
population modeste en se constituant en une Fédération qui venait alors rejoindre, dans une position d’autonomie constructive, l’union confédérale des acteurs du logement social récemment créée.
Dès lors s’est formée au fil des ans une identité collective des Sociétés Anonymes d’HLM et la reconnaissance publique du rôle essentiel qu’elles jouent dans leur domaine spécifique : tous les ministres présents
à leurs Assemblées Générales l’ont attesté et les exemples cités dans ce livre en apportent une preuve
incontestable.
L’histoire des 330 Sociétés Anonymes d’HLM témoigne aussi de leur adaptation permanente aux enjeux de
société. Les Société Anonymes d’HLM ont toujours su répondre présent aux moments forts de l’histoire
de notre pays, pour loger les salariés en accompagnement du développement industriel, participer à l’émergence et au développement de l’accession, s’engager résolument dans les ambitieuses, voire utopiques, politiques d’aménagement des années 60/70, contribuer dans des temps plus récents au développement urbain
et à la qualité de vie dans les villes.
De même elles ont pris leur part dans les temps d’urgence, à la reconstruction, à la résorption des bidonvilles et de l’insalubrité, à l’accueil des rapatriés ; tout comme aujourd’hui, elles prennent leur part dans l’accueil des personnes démunies, l’intégration des quartiers dans les villes, et le renforcement de la cohésion
sociale.
Tout en s’obligeant à préserver ce passé, cette histoire au service de la collectivité, les SA d’HLM sont à
l’écoute des évolutions de la société dans le nouveau cadre politique et économique européen qui se
construit.
Elles doivent saisir toutes les opportunités qu’offre ce nouveau contexte afin de relever les défis qui se
présentent dans toutes les dimensions de l’habitat. Cela exige une cohésion, locale et nationale, entre les
sociétés dans le cadre du mouvement HLM. Cela exige une rénovation indispensable pour leur permettre
de rester fidèle à leur histoire, à leurs valeurs originelles.
C’est là tout l’enjeu de demain, tout l’enjeu de leur projet.
Jacques BERKÉ
Président de la Fédération Nationale
des Société Anonymes et Fondations d’HLM.
UN PASSÉ SOURCE DU FUTUR
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SOCIÉTÉS ANONYMES D’HLM DEPUIS 1853
La Fédération Nationale des Sociétés Anonymes et Fondations d’HLM remercie les sociétés qui ont
apporté leur contribution à la réalisation de cet ouvrage, qui ont mis à la disposition de la Fédération,
leurs archives, leurs documents iconographiques et les publications sur leur histoire.
Conception réalisation
Foka Kampinga-Pettenati / Luciole graphic
Tél. : 01 47 45 42 59
Impression
Imprimerie Alençonnaise
Tél. : 01 45 44 48 40
© Photos
Patrick Kamoun : p. 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 26, 29, 30, 31, 32, 35, 36, 37, 40, 41, 43, 46, 48, 49, 51
Musée Social : p. 21, 27, 43, 47
François Xavier Bouchard, photothèque UNFOHLM : p. 13, 47, 97, 112, 126
Photothèque UNFOHLM : p. 94, 131 • Institut Français d’Architecture : p. 26 • La Voix du Nord : p. 52
L’Est Républicain : p. 82 • Mémoire de Bordeaux,Vincent Olivar : p. 77 • Sud-Ouest : p. 88, 89, 104, 105
G. Lienhard : p. 67 • Mission des Travaux Historiques de la Caisse des Dépôts et Consignations : p. 70
MELT/SIC : p. 59, 61, 65, 71 • Alain Gesgon CIRIP : p. 62 • G. Paoli : p. 76 • J.P. Jaufret : p. 76
François Ferney : p. 79 • Robert Durandaut : p. 84 • Guy Borge : p. 89 • Jean-Louis Halbout : p. 89
Hervé Abbadi : p. 106 • GABORIT : p. 110 • Achdou : p. 116 • Thierry Chassepoux : p. 115
J.L. Luyssen : p. 122 • G. Grossay (MELT) : p. 123 • Mario Ponta : p. 128, 129, 130
Actualités HLM : p. 109 • Christian Legay : p. 115
La Fédération remercie également pour la recherche iconographique :
Michèle Levrier et Danielle Leroy de l’UNFOHLM, Patricia Repérant du Ministère de l’Équipement
e
Ce livre a été édité le 15 octobre 1997 à l’occasion du 70 anniversaire de la Fédération Nationale
des SA et Fondations d’HLM, association membre de l’UNFOHLM, 14, rue Lord Byron , 75008 Paris.
ISBN : 2-9511774-0-2
Toute reproduction même partielle est réservée.
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«Au commencement donc furent les SA d'HLM...»
La famille des Sociétés Anonymes d’HLM se caractérise par
une grande diversité. C’est le signe d’une remarquable
aptitude à s’adapter à des besoins locaux d’ampleur variable,
à tisser des liens durables avec les collectivités locales et
tous les acteurs impliqués à des titres divers dans le
logement social.
L’histoire des 330 sociétés témoigne aussi de leur adaptation
permanente aux enjeux de société. Les Sociétés Anonymes
d’HLM ont toujours su répondre présent aux moments
forts de l’histoire de notre pays, pour loger les salariés en
accompagnement du développement industriel, participer à
l’émergence et au développement de l’accession, s’engager
résolument dans les ambitieuses, voire utopiques, politiques
d’aménagement des années 60/70, contribuer dans des
temps plus récents au développement urbain et à la qualité
de vie dans les villes.
De même, elles ont pris leur part dans les temps d’urgence,
à la reconstruction, à la résorption des bidonvilles et de
l’insalubrité, à l’accueil des rapatriés ; tout comme aujourd’hui, elles prennent leur part dans l’accueil des personnes
démunies, l’intégration des quartiers dans la ville, et le renforcement de la cohésion sociale.
FÉDÉRATION NATIONALE DES SOCIÉTÉS ANONYMES ET FONDATIONS D’HLM
14, RUE LORD BYRON - 75008 PARIS • TÉL. : 01 40 75 78 00 • FAX : 01 40 75 68 04
Association membre de l’UNFOHLM
225 F TTC
Sociétés anonymes d’HLM depuis 1853
La famille des Sociétés Anonymes d’HLM est née de
l’initiative privée. Une initiative partagée en de multiples
tendances ou sensibilités incarnées par des industriels, des
hygiénistes, des utopistes et des philanthropes. Des engagements divers, des motivations différentes mais une cause
commune.
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