This article appeared in a journal published by - physio

publicité
This article appeared in a journal published by Elsevier. The attached
copy is furnished to the author for internal non-commercial research
and education use, including for instruction at the authors institution
and sharing with colleagues.
Other uses, including reproduction and distribution, or selling or
licensing copies, or posting to personal, institutional or third party
websites are prohibited.
In most cases authors are permitted to post their version of the
article (e.g. in Word or Tex form) to their personal website or
institutional repository. Authors requiring further information
regarding Elsevier’s archiving and manuscript policies are
encouraged to visit:
http://www.elsevier.com/authorsrights
Author's personal copy
Kinesither Rev 2013;13(140–141):33–37
Congrès / Éducation du patient
Éducation thérapeutique des
musiciens
Therapeutic education for musicians
Cabinet de physiothérapie, rue Micheli-du-Crest 22, 1205 Genève, Suisse
RÉSUMÉ
Environ 70 % des musiciens professionnels rencontrent des problèmes de santé spécifiques au
cours de leur carrière. En effet, la pratique d'un instrument comporte des contraintes particulières, à savoir des mouvements rapides et répétitifs en position statique, doublés d'un stress de
performance. Une éducation thérapeutique pour musiciens permettrait d'éviter ces pathologies
liées à leur profession, diminuerait les coûts de la santé engendrés par des traitements de longue
durée, mais surtout leur assurerait sérénité et plaisir indispensables à une bonne interprétation.
Niveau de preuve. – Non adapté.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
SUMMARY
About 70% of the professional musicians will suffer from specific diseases during their career.
Indeed, playing an instrument means constraints like rapid and repetitive movements in a static
position, with additional stress for performance. A therapeutic education for musicians would
prevent them from these professional pathologies, would keep the health costs lower and
especially give the musicians the pleasure they need in order to play good music.
Level of evidence. – Not-applicable.
Aude Hauser-Mottier
Mots clés
Éducation thérapeutique
Musiciens professionnels
Pathologies spécifiques
Prévention
Keywords
Therapeutic
Education
Professional musicians
Specific pathologies
Prevention
© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
INTRODUCTION
Le métier de musicien implique une activité
exigeante, autant au niveau physique que
psychique. En effet, la pratique d'un instrument comporte des contraintes particulières,
à savoir des mouvements répétitifs et des
exercices intensifs en position statique. De
surcroît, il engendre un stress dans la recherche de performance et de virtuosité.
Face aux problèmes qui en découlent, les
musiciens peinent souvent à réagir, comme
si leur corps se devait de souffrir, afin de servir
leur art, l'absolu de la musique. Vu la concurrence qui règne dans le monde des artistes,
les musiciens professionnels craignent de
perdre la place qu'ils ont obtenue de haute
lutte au sein de l'orchestre. Ils n'hésitent donc
pas à imposer à leur corps des contraintes
mécaniques comparables à celles des sportifs
de pointe. On pourrait d'ailleurs appeler les
musiciens « les sportifs des petits muscles ».
Par exemple, un pianiste est capable de jouer
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.kine.2013.07.001
20 à 30 notes par seconde, ce qui implique
une dextérité physique extrême, mais aussi un
entraînement du cerveau permettant de réaliser 400 à 600 actions motrices séparées
dans le même temps.
OBJECTIFS
Cet article vise à démontrer la nécessité de
proposer une « éducation thérapeutique spécifique » aux musiciens pour leur éviter les
problèmes liés à leur profession. L'éducation
thérapeutique des musiciens consiste à les
sensibiliser aux pathologies propres à l'exercice de leur art et de réduire ainsi les facteurs
de risque auxquels ils sont exposés.
Une hygiène de vie adéquate contribue
à conserver force et équilibre musculaire
indispensables : la pratique d'« exercices
journaliers » simples permet d'éviter de mauvaises positions telles que cyphose dorsale,
enroulement des épaules, scapulas et bras en
Adresse e-mail :
[email protected]
33
Author's personal copy
A. Hauser-Mottier
Congrès / Éducation du patient
Figure 1. Schéma montrant la superposition des doigts dans le cortex sensoriel primaire.
Extrait de Watson A. What studying musicians tell us about motor control of the hand. J Anat 2006;208.
rotation médiale qui induisent des tensions musculaires et
restreignent la liberté du geste musical.
abdomino-pelvienne et scapulaire) qui permettent de
retrouver la souplesse des muscles dynamiques.
L'éducation thérapeutique comprend une « prise de
conscience corporelle » (posture globale), une
récupération de la force des extenseurs dorsaux et un
renforcement des muscles de soutien (ceinture
Une bonne posture sert à lutter contre la gravité. Elle assure
l'équilibre du corps debout ou assis et coordonne le maintien
de cet équilibre lors d'un mouvement ou d'un déplacement.
Figure 2. Pianiste souffrant d'une dystonie de fonction, avant (A) et après (B) traitement.
34
Author's personal copy
Kinesither Rev 2013;13(140–141):33–37
PATHOLOGIES
Environ 70 % des musiciens professionnels rencontreront des
problèmes de santé au cours de leur carrière. Les contraintes
extrêmes auxquelles ils sont soumis peuvent leur provoquer
des troubles musculosquelettiques tels que :
cervicalgies ;
compressions nerveuses ;
cervicobrachialgies ;
péri-arthrite scapulo-humérale (PSH) ;
syndromes de surmenage ;
tendinites, épicondylites, épitrochléites ;
tendinites de De Quervain (extérieur du poignet).
En cas de mauvaise posture, c'est toute la biomécanique du
bras et de la main qui se modifie, ce qui peut entraîner ces
diverses pathologies et handicaper les musiciens pendant des
mois.
Il faut encore mentionner la « dystonie de fonction », un
trouble fonctionnel qui se caractérise par l'absence de symptômes douloureux, par des contractions musculaires involontaires soutenues, par des mouvements répétitifs incontrôlés et
Congrès / Éducation du patient
par une perte de coordination motrice. Dans ce cas, la mauvaise posture entraîne un affaissement de la voûte de la main
qui altère la représentation cérébrale du mouvement. La dystonie de fonction se révèle être une pathologie dramatique qui
prend des années à rééduquer et, le cas échéant, contraint
même l'artiste à mettre fin à sa carrière (Fig. 1).
En 2007, Chamagne rapporte : « Il existe toujours une interaction entre l'élément psychologique dont dépend l'interprétation musicale et la mécanique du geste, dépendant de la
morphologie. » (Fig. 2).
MOYENS
Comme le dit Alain Berthoz dans son livre, « Le sens du
mouvement » : « il n'y a pas de geste sans émotion ». Mais
un mouvement voulu, pensé, senti, ne s'avère possible que
grâce à une bonne posture. Le geste précis, le toucher, c'est-àdire la sonorité et la musicalité, sont le reflet de l'expression
émotionnelle du musicien, qu'il ne peut obtenir que dans les
meilleures conditions physiques.
Figure 3. Le musicien doit prendre conscience de sa posture.
35
Author's personal copy
A. Hauser-Mottier
Congrès / Éducation du patient
Figure 4. Position optimale de la main au piano.
Extrait de Bros C, Papillon M. La main du pianiste. Méthode d'éducation posturale progressive. Montauban: Alexitère; 2001.
Figure 5. Importance du muscle cubital et de l'opposition du pouce dans l'équilibre de la main.
Extrait de Bros C, Papillon M. La main du pianiste. Méthode d'éducation posturale progressive. Montauban: Alexitère; 2001.
Dans un « premier temps », le musicien doit prendre conscience de sa posture et être incité à la corriger. On le placera
donc devant un miroir, de face puis de profil afin qu'il voie son
corps et le ressente simultanément. L'éducation thérapeutique, par un langage constructif, l'aidera à éprouver de l'intérieur un changement positif, à se sentir « plus beau », plus
libre de ses mouvements et à devenir acteur de sa santé.
Cette correction de posture donnera alors une autre
dimension à son image reflétée dans le miroir et lui
permettra d'agir non dans la contrainte mais dans le
plaisir (Fig. 3).
Dans un « deuxième temps », on enseignera au musicien des
exercices quotidiens simples qui lui permettront de rester
souple et tonique, sans crispation malgré l'effort et la fatigue.
L'éducation thérapeutique du geste de la main occupe une
place privilégiée pour la virtuosité. La position de base respectera la position physiologique du poignet, à savoir
158 d'extension et 158 d'inclinaison cubitale. Le musicien doit
savoir que les muscles fléchisseurs sont plus forts que les
extenseurs et s'astreindre au stretching de ses fléchisseurs,
36
avant et après avoir joué de son instrument. La biomécanique
correcte du pouce assure l'équilibre entre muscles intrinsèques et extrinsèques de la main ; elle permet aussi le travail du
muscle cubital postérieur, souvent déficient chez les instrumentistes (Fig. 4 et 5).
Dans un « troisième temps », il y a lieu d'intégrer tous les
éléments de la rééducation pratiqués et assimilés à la pratique
de l'instrument.
CONCLUSIONS
La rééducation préventive n'exige pas des musiciens qu'ils lui
consacrent trop de temps, ni qu'ils accomplissent des efforts
surhumains, eux pour qui le corps n'existe souvent pas . . . ils
ne sont que musique. . .
Une éducation thérapeutique spécifique aux musiciens devrait
être introduite dans toutes les écoles de musique. Les professeurs pourraient sensibiliser les élèves dès le début de
leurs études musicales, à un âge où la musculature est encore
malléable et la plasticité cérébrale à son maximum.
Author's personal copy
Kinesither Rev 2013;13(140–141):33–37
L'éducation thérapeutique des musiciens améliorerait
les conditions de l'exercice de la musique, la sérénité
et le plaisir indispensables à une bonne interprétation.
L'aspect économique mérite également d'être évoqué. Les
coûts de la santé occasionnés par les traitements médicaux
de longue durée et les congés maladie prolongés pourraient
fortement diminuer. Mais surtout, les artistes seraient en
mesure de savourer une carrière faite de réalisation personnelle, sans tensions et en plein partage avec les auditeurs.
Déclaration d'intérêts
L'auteur déclare ne pas avoir de conflits d'intérêts en relation avec cet
article.
POUR EN SAVOIR PLUS
Altenmuller E, Jabusch HC. Anxiety as an aggravating factor during
onset of focal dystonia in musicians. Med Probl Performing Artists
2004;19(2).
Altenmuller E. Causes et traitements de la dystonie de fonction chez
les musiciens. Une étude sur 5 ans. Med Arts 2001;(36).
Boutan M, Casoli V. Mains & préhensions entre fonctions et anatomie.
Bruxelles: Sauramps Médical; 2005.
Bros C, Papillon M. La main du pianiste. Montauban: Alexitère; 2001.
[www.medecine-des-arts.com].
Chamagne P. Biomécanique de la ceinture scapulaire chez le musicien. In: Prévention des pathologies des musiciens, sous la direction de R. Tubiana. Montauban: Alexitère; 2007, p. 23.
Chamagne P. Les perturbations dans les équilibres musculaires chez
le musicien dystonique. Mede Arts 2004;(47).
Chamagne P. Éducation physique préventive pour les musiciens.
Montauban: Alexitère; 2003.
Chamagne P. Prévention des troubles fonctionnels chez les musiciens. Montauban: Alexitère; 2000.
Chamagne P. Bilan fonctionnel du musicien dans les dystonies. Med
Arts 1999;(27).
Chamagne P. Dystonie de fonction : rééducation comportementale du
musicien. Med Arts 1996;(16).
Cousin C. Le musicien, un sportif de haut niveau. Ed. Ad-hoc; 2005.
Congrès / Éducation du patient
Dayer-Metroz MD. Quand le musicien et l'écrivain ont la crampe. . .
Une approche originale vers un traitement pluridimensionnel. Tribune Med 2006;(13).
Elbert T, Candia V, Altenmuller E, Rau H, Sterr A, Rockstroh B, et al.
Alteration of digital representations in somatosensory cortex in
focal hand dystonia. Neuroreport 1998;9.
Ferrazzini M. Problèmes neurologiques des musiciens. Rev Med
Suisse 2004;(519).
Hauser-Mottier A. De la réunion des opposés à l'expérience du sacré
chez le musicien. Mémoire de diplôme. Zürich: ISAP; 2010.
Hauser-Mottier A. La dystonie de fonction du musicien : métaphore de
la mort symbolique de l'artiste. Mémoire de diplôme. Paris V:
Faculté de médecine; 2005.
Hauser-Mottier A. De la philosophie de l'art à l'art de la physiothérapie :
essai de réconciliation entre raison et perception. Mémoire de
diplôme Éducation thérapeutique du patient. Genève: Faculté de
médecine; 2002.
Hauser-Mottier A. Corps physiologique - corps imaginaire ou le pouvoir
de l'esthétique dans la rééducation physique du musicien. Mémoire
de diplôme. Med Arts 1999.
Kolle B. Approche psychologique de la dystonie de fonction chez les
musiciens. Med Arts 1999;(27).
Mathieu Christine, Gestes et postures du musicien, réconcilier le corps
et l'instrument. Ed. Format; 2004.
Pantev C, Engelien A, Candia V, Elbert T. Representational cortex in
musicians, Plastic alterations in response to musical practice. Ann
N Y Acad Sci 2001;930(1).
Rondot Pierre, Dystonie de fonction. Crampe de l'écrivain et de l'instrumentiste. Med Arts 2001;(36).
Rosset-Llobet J, Fabregas-Molas, Long-term treatment effects of sensory motor retuning in a pianist with focal dystonia. Med Probl
Perfoming Artists 2011;26(2).
Tubiana R. Les affections du membre supérieur chez les musiciens.
Mains Libres 2006;(5).
Tubiana R, Chamagne P. Résultats du traitement des dystonies de
fonction des musiciens par la rééducation physique et mentale
prolongée. Med Arts 2001;(36).
Watson A. What studying musicians tell us about motor control of the
hand. J Anat 2006;208.
37
Téléchargement