Sociologie des générations

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Sociologie des générations
L’empreinte du temps
BIOGRAPHIE
Claudine ATTIAS-DONFUT est une sociologue contemporaine.
Elle a fait des études de sociologie à la Sorbonne à Paris et est titulaire
d’un doctorat de d'État des Lettres et Sciences humaines. Elle a débuté
sa carrière de chercheur au Centre de gérontologie sociale de la Caisse
de retraite du bâtiment. Elle est ensuite entrée dans l'équipe de
sociologie du loisir du CNRS (Centre National de la Recherche
Scientifique), puis a pris la direction des recherches sur le vieillissement de la CNAV (Caisse
Nationale d'Assurance Vieillesse). Elle est également associée à l'École des hautes études en
sciences sociales (EHESS). Elle a été Secrétaire Générale de l'Association Européenne de
Sociologie et membre du comité exécutif depuis 1999. Elle mène des expertises de recherche
dans des organismes nationaux et internationaux de recherche. Elle dispense des
enseignements universitaires en France et à l'étranger.
Ses recherches se situent dans le champ du loisir, des politiques sociales, de la famille,
des rapports de générations et de sexe et, plus récemment, sur le passage à la retraite et le
vieillissement des immigrés. Claudine ATTIAS DONFUT est la responsable pour la France
du programme international «Survey on Health, Ageing and Retirement in Europe».
BIBLIOGRAPHIE
Les immigrés vieillissent aussi, Armand Colin, coll. “Sociétales”, 2006
Le nouvel esprit de famille, (avec Nicole Lapierre et Martine Segalen, Paris, Odile Jacob,
2002, 294 p.
Du siècle des grands-parents. Une génération phare ici et ailleurs, Paris, Autrement, coll.
“Mutations,” n°210, 2001, 246 p.
Solidarités entre générations, Arman Colin, coll. “Essais et recherches”, 1999
Générations et âges de la vie, Paris, PUF, Collection "Que Sais-Je", n° 2570, 1991, 126 p.
Sociologie des générations : L’empreinte du temps, Paris, PUF, 1988, 249 p
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THEME DE L’OUVRAGE
Le thème que l’auteur travaille dans cet ouvrage est comme le dit son titre «la sociologie des
générations» à travers l’histoire en prenant en compte son évolution et les transformations
qu’a subies le terme de générations.
PROBLEMATIQUE
Claudine ATTIAS DONFUT veut par le biais de cet ouvrage nous montrer que de
nombreuses enquêtes ont été menées au sujet des générations, notamment en politique, mais
que personne ne s’est attaché jusque là a réellement définir le terme de générations. Elle veut
nous montrer qu’une génération est «l’empreinte du temps» comme elle le dit déjà dans le
titre de son ouvrage.
THEMES ABORDES
Claudine ATTIAS-DONFUT traite le sujet de la sociologie des générations en divisant son
étude en trois parties :
 Génération et histoire
 Les générations contemporaines: la régulation sociale des âges
 Temps et générations
 Génération et histoire
Dans ce premier chapitre l’auteur nous présente comment le terme «génération» se
développe au cours du XIXe siècle dans le cadre de réflexions sur l’histoire à travers les
différents thèses établies par différents sociologues, notamment celui d’Auguste COMTE,
A.A. COURNOT et celui de W.DILTHEY.
Pour COMTE, inventeur de la sociologie, le phénomène de génération ou plus
précisément les successions de générations et les mouvements et accroissement de population
coïncident avec l’évolution de la société et de l’esprit humain. Or il ne prend pas en compte
les âges de la vieillesse, de l‘enfance ni de la jeunesse, seul l’âge de maturité. Ceci dit, une
génération n’a donc que très peu de temps pour faire évoluer la société dans laquelle elle vit,
de ce fait, la succession lente et progressive à travers les générations fait que les mœurs se
trouvent renforcées et profondément ancrées au final, car elles ont été transmises tout au long
de plusieurs générations.
Ainsi aux yeux de COMTE, la création d’agglomérations et la succession de
générations est l’objet de l’évolution de la société et de son esprit.
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COURNOT lui nomme la philosophie de l’histoire de COMTE «théologie de
l’histoire». Il introduit le rôle de l’événement et du hasard. Selon lui une génération
représente «un siècle à peu près… trois générations mises bout à bout.» ainsi, l’expérience
transmise par les 2 générations imprime la dernière et fait ainsi perdurer les mêmes idées au
cours d’un siècle. Or, il fait remarquer lui-même que les générations s’imbriquent et ne se
suivent pas graduellement, seule la lecture de l’histoire saura traduire comment les idées
évoluent. Or il reste convaincu que l’influence d’une période séculaire fait perdurer les idées
transmises par ses individus et que celles-ci s’estompent ceux-ci mourant.
Au même titre que COMTE, COURNOT fait de l’«esprit » et des «idées» l’objet principal de
l’histoire.
DILTHEY propose d’évaluer la génération non seulement en termes de temps, mais
aussi de «vie humaine». Pour lui il s’agit d’un rapport de « contemporanéité des individus»
qui est un apport majeur de ses travaux. Un groupe restreint d’individus ayant vécu les mêmes
influences ont des liens plus étroits et font donc partie d’une même génération. Ainsi à travers
les générations nous voyons l’émancipation de l’esprit humain par rapport aux traditions.
Pour résumer ces 3 ponts de vue qui ont été le point de départ de l’étude des
générations, nous avons 3 points de vue :
Un progrès continu chez COMTE
L’intervention du hasard chez COURNOT
L’historicité chez DILTHEY et la liberté de l’homme
Les 1ers travaux à l’aide de ces méthodes ont été menés en France par Justin Dromel dans
le domaine de la politique. A la même époque, l’allemand G RUMELIN écrit un essai sur la
durée et le concept d’une génération. Il porte un grand intérêt statistique et démographique à
son étude en y introduisant la généalogie, ne prenant en compte que les hommes en laissant de
coté les mères et les sociétés polygames. Il obtient des durées allant de 32 ans et demi à 39
ans. Son grand intérêt pour les statistiques et la généalogie font en sorte que le terme de
génération semble alors superflu, celui-ci ayant pour objet la connaissance.
Ainsi la notion de génération disparaitra au début du XXe siècle de l’histoire, car on
estimait le terme de démographie plus approprié et «le meilleur instrument d’analyse pour
l’histoire» selon P. Chaunu, car la démographie traite de l’évolution des populations, de la
succession des générations. Les théories des générations portaient surtout sur l’esprit et son
évolution ainsi que celle de la culture générale. Le terme de génération utilisé en histoire ne
servait en fait que de mètre de l’histoire, ce qui explique son éclipse au profit de la
démographie.
 Les générations contemporaines: la régulation sociale des âges
Le terme de génération ressurgira dans les sciences humaines vers les années 50 avec
le souci de définir, non plus l’histoire, mais l’organisation sociale dans des champs de la
sociologie de la famille et des âges. Ainsi, dans l’étude de l’organisation sociale on prendra en
compte les groupes sociaux, leurs rapports entre eux et leurs représentations sociales.
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L’auteur présente alors les conflits intergénérationnels de type œdipien de
transmissions inconscientes : l’héritage généalogique, par lequel on donne le même
patronyme et/ou même prénom à son enfant dans l’espoir de voir revivre dans la même
personne celle dont il a hérité le nom.
De même l’auteur traite du rôle de la femme conçue comme un «moyen de
reproduction» et qu’elles n’étaient pas considérées comme des sujets sociaux en tant que tel.
Les femmes étaient conçues comme filles de tel ou épouses de tel jusqu’à leur émancipation.
De la naissent des conflits de générations, notamment par le fait que des rivalités se
créent entre hommes et femmes, celles si pouvant accéder à la même formation et aux mêmes
emplois. Ainsi, entre générations on voit croitre une concurrence les plus âgés voyant surgir
une nouvelle génération très concurrente, car on voit de jeunes générations entrer dan le
monde de l’emploi touchant des salaires proches de la génération vieillissante et proche de la
retraite.
L’émancipation féminine casse l’image traditionnelle de celle-ci et génère de
nouvelles générations véhiculant de nouvelles normes inconnues jusque là: le travail et
l’indépendance féminine. Ainsi, les enfances de la génération qui suit peuvent avoir comme
référent identitaire tant le père que la mère, qui n’était pas le cas auparavant. Ceci peut être un
facteur de mobilité sociale.
Ensuite, l’auteur définit le la génération:
«La génération est l’ensemble des individus nés à la même date ou dans un même
intervalle de temps dans une société». Celle-ci n’est ni quantifiable ni codifiable. C’est un
ensemble d’individus qui partage les mêmes idées, visions du monde et expériences.
ATTIAS-DONFUT définit la génération par le biais d’un modèle à trois temps qui
sont indissociables:
o Effet d’âge : ensemble des possibilités qu’offre l’âge en fonction des contextes
entourant l’individu. On peut noter un exemple celui des revenus: en début de
carrière il est bas, croit jusqu’à l’âge de 45 ans environ et stagne voire diminue
avec la retraite. Aux différents âges de la vie correspondent différentes
possibilités.
o Effet de génération: consiste en l’ensemble des changements physiques,
mentaux et sociaux subis par l’individu de la naissance à sa mort, acquis par
des périodes antérieures.
o Effet de période: c’est le contexte historique influençant les générations en
présence.
Ces trois éléments sont intrinsèquement indissociables car on ne peut imaginer une
génération sans tenir compte de l’effet qu’a l’appartenance à une génération sur l’âge.
Imaginer une génération sans âge serait l’imaginer sans tenir compte de l’évolution,
influencée par une génération antérieure, qu’elle a connu jusque là: ôter le passé au présent.
Séparer la période des deux autres serait abstraire les visions futures d’une génération, cela
revient à dire qu’on abstrairait tout changement futur par l’influence d’un événement survenu
à une période précise.
Logiquement, pour pouvoir prendre en compte une génération il faut prendre en
compte ces 3 éléments essentiels.
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 Temps et générations
Une génération est généralement associée à des modes de pensée qui se transmettent
d’une génération à une autre. Ce qui spécifie une génération est finalement de l’ordre de la
connaissance et non une durée précise quantifiable, comme on a pu déterminer des
générations de pensée en art ou en littérature.
Aujourd’hui on caractérise une génération par un mouvement de mode ou par un mode
de vie en prenant pour exemple les hippies ou des événements marquants comme la guerre.
Aux yeux de la sociologue, définir une génération par un événement marquant de la
vie sociale mène à une impasse. La génération n’est pas déduite de l’histoire mais se construit
en construisant l’histoire.
Elle précise que la définition d’une génération par un seul événement singulier n’est
pas approprié, car :
- hommes et femmes sont soumis à des processus de vieillissement différents
- jeunesse et vieillesse ne sont pas différenciées
- et enfin les modes de vie (lieu d’habitation : selon la région et le taux
d’urbanisation)
Ainsi chacune de ses classes citées vivent différemment un phénomène commun et
donc n’ont pas les mêmes opinions à ce sujet et ne peuvent être classées dans la même
génération.
Ainsi prenant l’exemple de la mode punk, elle a atteint d’abord les grandes villes et les
jeunes marginaux avant de se répandre par d’autres populations dans d’autres régions. De nos
jours on assiste à plusieurs phénomènes de mode dans une même temporalité: les punks, les
BCBG, les rappeurs…
On ne peut pas définir une génération seulement par un événement vécu
communément.
La mémoire a un enjeu important dans une génération : elle établit le lien entre le
passé, le présent et le futur. Reconstruire le passé par le biais de la mémoire contribue à
adapter des croyances et des modes de pensée au présent et au futur. Ce lien donne un sens à
la mémoire collective qui elle est donc vivante et vécue. Les générations représentent une
mémoire vivante issue de plusieurs générations antérieures. La 2e guerre mondiale fait partie
de la mémoire collective contemporaine ainsi que de ceux qui l’ont vécue et des générations
entre les le présent et la guerre elle-même.
C’est une empreinte sociohistorique qui marque la spécificité d’une génération
La conscience de génération survient à l’adolescence, âge ou l’individu s’implique de
plus ne plus dans une vie sociale et politique. En prenant conscience qu’on fait partie d’une
génération on prend conscience de l’existence des autres générations. L’identification
implique la différentiation. Prendre conscience que l’on fait partie d’une génération c’est
s’opposer aux générations précédentes et autres générations différentes existantes.
«L’identification implique la différenciation».
Les deux âges qui s’affrontent lors de cette identification à une génération sont
l’adolescence et la «maturescence». La «maturescence» étant l’âge compris entre l’âge adulte
et la vieillesse. Le jeune s’allie à une génération fleurissante qui n’a pas encore de référence
précise, mis à part des signes de reconnaissances comme p.ex. des tenues vestimentaires et
des modes de parler communs. Celle-ci va se créer en s’opposant la génération qui la précède.
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Celle-ci prend alors conscience d’elle-même en prenant conscience de leur image qui leur est
présentée par la nouvelle génération, mais ce qui la constitue existe déjà dans le passé. Ainsi
cette génération prend conscience de sa relégation de sa mise à la retraite.
Ainsi s’imbriquent étapes de vie, processus de vieillissement et formation de
générations. On voit alors se dessiner la construction d’une génération sur la durée de toute
une vie ou le temps jouerait un rôle non négligeable.
«L’empreinte du temps inscrit une génération dans la suite des générations et l’en
distingue tout à la fois dans son expérience unique et sa durée concrète».
Une génération n’existe qu’en se démarquant des autres dans le temps et dans ce
qu’elle véhicule. Les échanges entre générations visent essentiellement la transmission en
prenant en compte l’oubli et le négatif. Ces échanges ne consistent pas à transmettre mot pour
mot une connaissance, cette connaissance est vécue et modifiée et donc conquise par la
génération montante. Par la création de sa connaissance et donc de son héritage une
génération s’inscrit dans l’histoire.
La génération forme un ensemble anonyme. Elle est inscrite dans l’ordre social, est
immatérielle et symbolique. Elle ne se définitif donc pas uniquement selon l’auteur d’après
une expérience vécue en commun mais par des repères qui sont de nature symbolique. Elle est
basée sur une durée commune, durée avec ses symboles temporels, sociaux et historiques.
CRITIQUE
En somme cet ouvrage offre une définition large du terme de génération, de son
apparition au XIXe siècle selon l’auteur à la date de parution de celui-ci datant de 1988. Le
livre n’a pourtant qu’un intérêt sociologique à partir de la seconde partie de celui-ci, lieu où
l’auteur introduit l’intérêt sociologique au terme et non plus historique.
En mon sens, l’ouvrage se concentre trop sur le sens même donné au terme dans le
passé et pas assez à la sociologie des générations comme le promet le titre. Certes certains
éléments sont donnés, quelques définitions, mais l’ouvrage date d’il y a vingt, fait qui n’est
pas négligeable non plus. A cette date, la sociologie des générations n’était étudiée que depuis
30 ans et les études sociologiques à ce sujet n’étaient pas encore assez étayées.
Un ouvrage plus récent pourra certainement être plus précis sur la sociologie même
des générations plutôt que sur la génération en tant mètre historique.
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