1 Existence d’une fonction dérivée à points de discontinuité dense [Gour] Théorème 1. Soit (fn )n∈N une suite de fonctions dérivables de I = [0, 1] dans un espace de Banach E. On suppose que : • ∃x0 ∈ I, (fn (x0 ))n∈N converge. • (fn0 )n∈N converge uniformément vers g sur I. Alors, (fn )n∈N converge uniformément sur I vers une fonction f dérivable et f 0 = g. Démonstration. : Etape 1 : pour montrer que (fn )n∈N converge uniformément vers une certaine fonction que l’on notera f , il nous suffit de montrer que (fn )n∈N est de Cauchy dans l’espace de Banach C([0, 1], k.k∞ ), i.e qu’elle vérifie le critère dit de Cauchy uniforme. Fixons ε > 0. Pour p, q ∈ N, on a pour tout x ∈ [0, 1] : kfp (x) − fq (x)k ≤ k(fp − fq )(x) − (fp − fq )(x0 )k + k(fp − fq )(x0 )k. {z } | {z } | (1) (fn0 )n∈N Traitons (1) pour commencer. Comme vérifie le critère de Cauchy uniforme et donc : (2) converge uniformément vers g, alors (fn0 )n∈N ∃N1 , ∀p, q ≥ N1 , ∀x ∈ [0, 1], kfp0 (x) − fq0 (x)k ≤ ε Par le théorème des accroissements finis entre [x, x0 ] ⊂ [0, 1], on a pour p, q ≥ N1 : k(fp − fq )(x) − (fp − fq )(x0 )k ≤ sup kfp0 (y) − fq0 (y)k|x − x0 | ≤ ε|x − x0 | ≤ ε. y∈[x,x0 ] Passons à l’étude de (2). Comme (fn (x0 ))n∈N converge, elle est également de Cauchy dans R et à ε fixé, il existe N2 tel que : ∀p, q ≥ N2 , kfp (x0 ) − fq (x0 )k ≤ ε. Pour N ≥ max(N1 , N2 ) et p, q ≥ N , on a pour tout x ∈ [0, 1], kfp (x) − fq (x)k ≤ 2ε et (fn )n∈N est bien de Cauchy dans C([0, 1], k.k∞ ). Etape 2 : On va montrer que f est dérivable et que f 0 = g. Fixons t 6= x ∈ I. On a pour N ∈ N choisi comme à l’étape 1 : k fN (t) − fN (x) (f − fN )(t) − (f − fN )(x) f (t) − f (x) − g(x)k ≤ k k+k − g(x)k t−x t−x t−x {z } | {z } | (a) (b) fN (t) − fN (x) 0 0 (x)−g(x)k. (x)k+kfN −fN t−x Pour p ∈ N, d’après l’étape 1, on a pour tout x ∈ [0, 1] : où on peut encore décomposer (b) sous la forme (b) ≤ k 0 0 kfN (x) − fN +p (x)k ≤ ε (∗) 0 0 et en faisant tendre p vers l’infini on a : kfN (x) − g(x)k ≤ ε. Par définition de fN (x), pour ε > 0 fixé, il existe α > 0 tel que : ∀t ∈ I, 0 < |t − x| ≤ α, k fN (t) − fN (x) 0 − fN (x)k ≤ ε =⇒ (b) ≤ 2ε. t−x Intéressons nous maintenant à (a). On a par l’inégalité des accroissements finis 0 0 k(fN +p − fN )(t) − (fN +p − fN )(x)k ≤ sup kfN +p (y) − fN (y)k|t − x| ≤ ε|t − x| y∈[t,x] soit en faisant tendre p vers +∞, en utilisant (∗) k(f − fN )(t) − (f − fN )(x)k ≤ ε|t − x| =⇒ (a) ≤ ε Conclusion : ∀t ∈ I, 0 < |t − x| < α, k [Gour] f (t) − f (x) − g(x)k ≤ 3ε, soit f 0 (x) = g(x). t−x Application 1. Il existe une fonction dérivable sur [0, 1] à valeurs dans R, telle que sa dérivée soit discontinue sur un ensemble dense. 2 Démonstration. Introduisons la fonction φ : [−1, 1] −→ R définie par : x2 sin 1 si x 6= 0 x qui est clairement dérivable sur [−1, 0[∪]0, 1] φ(x) = 0 sinon Etape 1 : montrons que φ est dérivable en 0 et que φ0 est seulement discontinue en 0. Pour x ∈ [−1, 1] \ {0}, on a : 1 |sin | ≤ 1 =⇒ −x2 ≤ φ(x) ≤ x2 (inégalité encore vraie en 0). x φ(x) − φ(0) | ≤ |x| et donc φ est dérivable en 0 x−0 1 1 1 avec φ0 (0) = 0. Pour x 6= 0 dans [−1, 1], on a φ0 (x) = 2x sin − cos . Or, x 7−→ cos x x x n’admettant pas de limite en 0 (raisonner avec des suites), φ0 est continue sur [−1, 0[∪]0, 1] et discontinue en 0. ainsi pour x 6= 0, on a alors naturellement -|x| ≤ Etape 2 : Q ∩ [0, 1] est dénombrable et dense dans [0, 1], par dénombrabilité de Q ∩ [0, 1], il existe une bijection r de N∗ dans Q ∩ [0, 1] où l’on note rn = r(n) et on définit aussi une suite de fonction (fn )n∈N∗ par : [0, 1] −→ R 1 φ(x − rn ) x 7−→ n2 P 0 Objectif 1. montrer que la série fn est uniformément convergente et qu’il existe x0 ∈ [0, 1] n P tel que fn (x0 ) converge pour pouvoir appliquer les résultats du théorème précédent. fn : n Comme φ est dérivable sur [−1, 1], fn l’est également pour tout n avec fn0 (x) = Alors, comme φ0 est bornée sur [−1, 1] : 1 0 φ (x − rn ). n2 M ∃M > 0, |φ0 (x − rn )| ≤ M =⇒ |fn0 (x)| ≤ 2 pour tout x ∈ [0, 1]. n P 0 On en déduit la convergence normale de fn et en particulier sa convergence uniforme. Comme n P φ est aussi bornée, on montre de même la convergence de fn (x) pour tout x, donc en au moins n un point x0 ∈ [0, 1]. En appliquant le théorème 1, à la suite correspondant aux sommes partielles ∞ P P P de la série fn , on en déduit que fn converge uniformément vers une fonction f = fn et n 0 que f = ∞ P n=0 n n=0 fn0 . Etape 3 : montrons que f répond au problème. Comme φ0 n’est discontinue qu’en 0, on remarque 0 immédiatement que fn0 n’est discontinue qu’en P rn0 ∈ 0[0, 1] ∩ Q et donc pour tout x ∈ [0, 1] \ Q, fn est continue et par convergence normale de fn , f l’est aussi sur [0, 1] \ Q. n Objectif 2. Montrons que pour x ∈ [0, 1] ∩ Q, f 0 est discontinue. ∗ Soit x ∈ [0, 1] ∩ Q, par bijectivité de l’application r, il existe un unique N ∈ N que x = rN P tel 0 et pour tout n 6= N , on a rn 6= x et fn est continue en x = rN . Alors, fn0 convergeant n P 0 0 fn converge normalement vers f 0 − fN normalement vers f 0 , on a de même et pour n 6= N , n6=N les fn0 étant continues en rN , la convergence normale de la série des dérivées assure : P 0 0 f 0 − fN = fn est continue en x = rN . n6=N [Gour] 0 Conclusion : comme fN est discontinue en x = rN , nécessairement f 0 l’est aussi. Ainsi, f 0 est discontinue sur [0, 1] ∩ Q qui est dense de [0, 1]. Remarque 1. En application du théorème de Baire, on montre aussi que l’ensemble des points de continuité d’une fonction dérivée est une partie dense.