T-ES-WG(2016)02_fr Document de travail Ne pas diffuser 13 juin 2016 COMITÉ DE LANZAROTE Groupe de travail sur les tendances en matière d’exploitation et d’abus sexuels à l’encontre des enfants .................................. Document de réflexion Préparé par le Groupe de travail sur les tendances en matière d’exploitation et d’abus sexuels à l’encontre des enfants du Comité de Lanzarote et le Secrétariat du Comité de Lanzarote DOCUMENT DE RÉFLEXION établi par le GROUPE DE TRAVAIL SUR LES TENDANCES en matière d’exploitation et d’abus sexuels à l’encontre des enfants du Comité de Lanzarote Sommaire INTRODUCTION........................................................................................................................................... 3 Mission du groupe de travail .............................................................................................................. 3 Méthodologie ....................................................................................................................................... 3 Définitions ............................................................................................................................................ 3 L’intérêt supérieur de l’enfant............................................................................................................ 3 Structure du document ....................................................................................................................... 4 I. LES TENDANCES IDENTIFIEES ............................................................................................................... 4 A. Les tendances en matière d’infractions ............................................................................................. 4 1. Contrainte et extorsion sexuelles ..................................................................................................... 4 2. Exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales ................................................................ 5 3. Violence sexuelle entre pairs ............................................................................................................ 8 B. Les tendances favorisant la commission d’infractions..................................................................... 8 1. Images et contenus sexuels autoproduits par des enfants de leur propre initiative ..................... 8 2. Exploitation et abus sexuels en ligne (à distance) et en direct concernant des enfants .............. 10 3. Echange de propos sexuels en ligne / « sexting » .......................................................................... 12 4. « Bad hosting » (mauvaises pratiques des services d’hébergement) ............................................ 13 5. Anonymat et cryptage des données / Utilisation du darknet ....................................................... 14 6. Réalité virtuelle .............................................................................................................................. 15 II ACTIONS POUR ASSURER ET RENFORCER LA PROTECTION............................................................ 17 1. Types de contenus couverts ............................................................................................................ 17 2. Indemnisation des victimes ............................................................................................................ 18 3. Conservation des données .............................................................................................................. 18 4. Extraterritorialité et âge légal pour entretenir des activités sexuelles (âge du consentement sexuel) ................................................................................................................................................. 18 ANNEXE 1 : RÉSUMÉ SOUS FORME DE TABLEAU............................................................................... 19 ANNEXE 2 : COMPILATION DES PROPOSITIONS D’ACTION .............................................................. 22 2 INTRODUCTION Mission du groupe de travail 1 Le groupe de travail a été mis en place à la suite de la 11e réunion du Comité de Lanzarote, au cours de laquelle avait été évoquée la nécessité pour le Comité d’orienter davantage son action stratégique sur les questions liées à l’utilisation des nouvelles technologies à des fins d’exploitation et d’abus sexuels (« sexting », « sextorsion », diffusion en direct d’abus sexuels et autres phénomènes analogues). Le groupe de travail a été chargé d’élaborer un document de réflexion sur ces tendances, de recenser les failles des systèmes actuels de protection et de dégager les solutions envisageables. Méthodologie 2 Le groupe de travail s’est réuni trois fois pour mener à bien ses travaux. Il a dressé la liste des tendances actuelles et étudié les systèmes de protection qui s’y rapportent. Il a notamment analysé le cadre juridique concernant chaque tendance, au regard, en particulier, de la Convention de Lanzarote et de la directive 2011/93/EU de l’UE. Pour chaque tendance, le groupe de travail s’est demandé si les dispositions législatives et les pratiques en vigueur pouvaient être appliquées, étendues ou adaptées de manière à couvrir toutes les questions, et si d’autres mécanismes étaient nécessaires. Il a dégagé en conséquence des propositions d’action à l’adresse du Comité de Lanzarote. Il peut s’agir de poursuivre des travaux de recherche et de mettre en évidence des bonnes pratiques, d’introduire des modifications de la législation ou d’adopter des avis, des observations interprétatives ou un protocole additionnel à la Convention de Lanzarote. Définitions 3 Ce document présente la définition des diverses tendances observées. La plupart de ces définitions sont tirées, ou s’inspirent, des Terminology Guidelines for the Protection of Children from Sexual Exploitation and Sexual Abuse préparées par un groupe de travail interinstitutionnel sur l’exploitation sexuelle des enfants1. Elles figurent ici à des fins d’illustration et pour permettre au lecteur de se faire une meilleure idée des tendances observées. Leur inclusion ne préjuge pas de la décision du Comité de Lanzarote de les reprendre ou non à son compte. L’intérêt supérieur de l’enfant 4 Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant a guidé les travaux du groupe de travail. Le groupe préconise une approche axée sur la protection de l’enfant, qui place l’intérêt supérieur de l’enfant au cœur de toute chose. Il est à cet égard particulièrement conscient du fait que, derrière bon nombre d’images sexualisées d’enfants qui semblent produites de manière consentie, il y a souvent un adulte ou un tiers « caché » qui exerce une manipulation. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas systématiquement considérer que le phénomène des matériels autoproduits relève de la liberté d’expression de l’enfant, en particulier si le matériel est illégal. 1 La rédaction du guide de terminologie a été menée à bien par un groupe interinstitutionnel de travail (GIT) sous la direction de l’ECPAT. Le Secrétariat du Conseil de l’Europe était représenté au sein de ce groupe de travail, constitué également de représentants des organes suivants : Child Rights Connect, l’ECPAT (Réseau contre la prostitution enfantine, la pornographie enfantine et le trafic d’enfants à des fins sexuelles), Europol, INHOPE (Association internationale des services d’assistance par Internet), l’Institut interaméricain de l’enfant, l’ICMEC (Centre international pour enfants disparus et sexuellement exploités), l’OIT (Organisation internationale du travail), l’UIT (Union internationale des télécommunications), Interpol, le HautCommissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Plan International, Save the Children International, le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence à l’encontre des enfants, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et l’UNICEF. La version en anglais du guide de terminologie sera officiellement lancée le 14 juin 2016 à Genève. La version en français paraîtra quelques semaines plus tard sous le titre Guide de terminologie pour la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels. Les passages du guide de terminologie cités dans le présent document sont ceux de la version anglaise finale non publiée, traduits en français par le Conseil de l’Europe sur la base des travaux en cours du GIT. 3 Structure du document 5 Le groupe de travail a recensé plusieurs tendances concernant non seulement des actes pénalement répréhensibles, mais aussi des technologies et des pratiques qui favorisent les activités criminelles. Ces deux aspects sont exposés dans la première partie. 6 Au vu de ces tendances, le groupe de travail examine dans la deuxième partie les failles importantes existant dans les cadres juridiques, et propose des mécanismes généraux en vue de renforcer la protection dans le domaine concerné. 7 Des renvois entre parties qui se recoupent sont effectués chaque fois que nécessaire. I. LES TENDANCES IDENTIFIEES 8 Dans le contexte de l’exploitation et des abus sexuels concernant des enfants, une tendance peut être définie comme un processus dynamique conduisant à une évolution d’ordre général ou un changement d’une pratique donnée. A. Les tendances en matière d’infractions 1. Contrainte et extorsion sexuelles2 9 Définition : L’expression « contrainte et extorsion sexuelles », ou « sextorsion », est le fait d’exercer un chantage sur une personne à partir d’images autoproduites de cette personne dans le but de lui extorquer des faveurs sexuelles, de l’argent ou d’autres avantages, en la menaçant de partager ce matériel sans le consentement de la personne qui y est représentée (par exemple, en postant ces images sur les réseaux sociaux). « Le terme recommandé est “extorsion sexuelle sur des enfants”. Le terme familier et fréquemment utilisé de “sextorsion” demeure l’objet d’un débat dans le domaine de la protection de l’enfance, dans la mesure où il ne montre pas clairement qu’il s’agit d’une problématique d’exploitation sexuelle à l’encontre d’un enfant et risque donc de banaliser une pratique pouvant entraîner des conséquences extrêmement graves3. » 10 Tendance : Observé de plus en plus fréquemment, le phénomène est celui d’agresseurs prenant pour cible des jeunes, en particulier via les plateformes de réseaux sociaux ou les sites de rencontre en ligne, afin d’obtenir le matériel avec lequel ils exerceront une contrainte ou une extorsion. Lorsque des photos et/ou des vidéos ou tout autre type de matériel sexuellement explicite de la jeune personne ont été obtenus, la contrainte ou l’extorsion commence. Contrairement à la pratique de la sollicitation à des fins sexuelles (ou « grooming »), qui peut durer plusieurs mois, l’exercice d’une emprise et de manipulations se transforme rapidement en un engrenage de menaces, actes d’intimidation et contraintes lorsque la personne a accepté d’envoyer les premières images à caractère sexuel sur laquelle elle figure. L’ensemble du processus peut être très rapide une fois que le contact en ligne a été établi. Dans de nombreux cas l’auteur ne se fonde pas sur une relation établie par la confiance mais fait des tentatives au hasard jusqu’à ce qu’il trouve un enfant qui accepte immédiatement. Dans certains cas, la contrainte et l’extorsion sexuelles ne sont pas motivées par des raisons sexuelles et sont pratiqués à des fins uniquement commerciales. La contrainte et l’extorsion sexuelles s’accompagnent souvent d’abus sexuels à distance et en direct. 2 Voir également la partie I.A.2 sur l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Groupe interinstitutionnel de travail sur l’exploitation sexuelle des enfants (GIT), Terminology Guidelines for the Protection of Children from Sexual Exploitation and Sexual Abuse (version finale non corrigée, 2016), p. 71. 3 4 11 Situation juridique (définition) : Bien que le terme « sextorsion » soit couramment utilisé, le groupe de travail pense que l’expression « extorsion sexuelle » est préférable, en particulier parce que dans la plupart des Etats l’extorsion est déjà définie comme une infraction pénale. 12 Toutefois, le fait que certaines législations associent obligatoirement la notion d’« extorsion » à l’appropriation d’argent ou de biens par l’usage de la violence ou de menaces, alors que l’objectif de l’extorsion sexuelle peut être d’obtenir de nouveaux contenus à caractère sexuel, ou des faveurs sexuelles, peut laisser subsister une confusion. Le groupe de travail considère par conséquent que l’expression « contrainte et extorsion sexuelles » exprime clairement le fait que le phénomène comprend l’extorsion d’argent et de biens, mais aussi l’obtention d’autres avantages. 13 Lacune 1 : La Convention de Lanzarote utilise le terme de « contrainte » (article 18(1)(b)) mais pas celui d’« extorsion». 14 Proposition d’action : Promouvoir les définitions préconisées par les experts ainsi que l’utilisation d’expressions telles que « contrainte et extorsion sexuelles », au lieu de « sextorsion ». Le groupe de travail considère qu’il pourrait être pertinent de compléter la Convention de Lanzarote et recommande au Comité de Lanzarote d’adopter un avis sur cette question. 15 Lacune 2 : Il existe un certain nombre de points flous dans ce domaine, qu’il conviendrait de dissiper : Seul un petit nombre de dispositions de la Convention de Lanzarote et de la directive 2011/93/EU de l’UE font référence explicitement aux technologies de l’information et de la communication (TIC). On pourrait en déduire que les dispositions ne mentionnant pas spécifiquement les TIC ne s’appliquent pas dans les cas où celles-ci sont utilisées. Il pourrait être utile, par exemple, d’établir clairement si « le fait de se livrer à des activités sexuelles avec un enfant » (article 18 de la Convention de Lanzarote) peut être interprété comme s’appliquant également aux cas d’abus sexuels qui interviennent en totalité dans un environnement en ligne. L’article 20(1)(f) de la Convention de Lanzarote, qui porte sur le fait d’accéder, en connaissance de cause et par le biais des technologies de communication et d’information, à de la pornographie enfantine, couvre l’action de « regarder à distance ». 16 Proposition d’action : Le Comité aurait à décider si une interprétation restrictive de la Convention de Lanzarote doit prévaloir en ce qui concerne son application aux TIC, ou si la Convention peut être interprétée de manière à inclure l’usage de ces technologies. La mise en œuvre de la deuxième solution pourrait se faire par le biais de l’adoption d’un avis préconisant que les abus sexuels sur des enfants commis à distance et en direct entrent dans le cadre de l’article 18 (abus sexuels). 2. Exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales 17 Définition : « [F]orme d’exploitation sexuelle se focalisant en particulier sur l’avantage pécuniaire qu’elle génère et serait souvent liée à la criminalité organisée, où le gain économique est le principal moteur4. » La diffusion en direct sur internet d’abus sexuels est souvent pratiquée à des fins commerciales et implique l’utilisation de services de transfert d’argent en ligne. 4 Ibid. p. 42. 5 a) Paiements 18 Tendance : L’exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales n’a pas été éradiquée, mais a évolué vers de nouvelles formes de criminalité. Les paiements s’effectuent via des méthodes non traditionnelles, notamment par monnaie virtuelle. Des sites d’hébergement de fichiers5 peuvent être utilisés pour le partage de fichiers concernant des abus sexuels sur des enfants – les recettes étant générées par les téléchargements des contenus. Le « bad hosting » et le recours au « darknet » sont des pratiques utilisées pour faciliter l’exploitation et les abus sexuels concernant des enfants à des fins commerciales (voir ci-dessous I.B.5). Des crypto-monnaies (par exemple le bitcoin) sont également utilisées pour effectuer les paiements. 19 Des matériels peuvent par ailleurs être élaborés à la demande, ou « sur mesure ». 20 Situation juridique : Le paragraphe 16 des considérants de la directive 2011/93/EU de l’UE invite les Etats membres à envisager de prévoir la possibilité d’infliger des sanctions pécuniaires en plus d’une peine d’emprisonnement, dans le cas où les infractions sont commises dans un but de gain financier. 21 De plus, l’article 11 de la directive de l’UE prévoit que les Etats prennent les mesures nécessaires pour que leurs autorités compétentes soient habilitées à saisir et à confisquer les instruments et produits des infractions visées. 22 Il est fait en outre référence à la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (CETS n° 198), qui mentionne spécifiquement la confiscation des produits de l’exploitation sexuelle des enfants (article 3). 23 Proposition d’action : Le groupe de travail considère que le Comité de Lanzarote devrait encourager les parties à imposer des sanctions financières et à saisir les produits, comme le prévoit la directive de l’UE et la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme. L’imposition de sanctions financières pourrait avoir un effet dissuasif sur les délinquants potentiels. L’argent des sanctions pourrait en outre contribuer au financement d’une aide aux victimes, notamment sous forme d’indemnités (voir ci-dessous II.2). Le groupe de travail pense qu’il serait utile d’examiner la façon dont les dispositions de la directive de l’UE et de la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme ont été transposées dans les législations nationales, en s’attachant en particulier aux poursuites ayant abouti à la condamnation de personnes pour distribution commerciale de matériel 5 Définition : « Les sites d’hébergement de fichiers, ou “services d’hébergement de fichiers” ou encore “fournisseurs de stockage de fichiers en ligne”, désignent les services qui hébergent des fichiers d’utilisateurs sur internet. Ils permettent aux utilisateurs de transférer au serveur tout type de fichiers en échange d’une commission. Ces fichiers sont accessibles sur Internet à partir d’un dispositif différent utilisé par le même utilisateur ou par d’autres utilisateurs dotés d’un mot de passe ou de toute autre forme d’authentification. Les sites d’hébergement de fichiers posent un problème croissant dans le contexte des abus sexuels sur enfants (en particulier les matériels représentant de tels abus) et de la responsabilité des personnes morales. Les fichiers transférés s’y trouvent à l’abri de tout regard extérieur et ne sont plus sur le serveur de l’utilisateur. Ce dispositif permet donc aujourd’hui de conserver des preuves d’actes illicites, y compris du matériel concernant des abus sexuels sur enfants, hors de portée des services répressifs. », GIT, op. cit., p. 116. Pour la Coalition financière européenne, on entend par « site d’hébergement de fichiers » un « service externe en ligne fournissant des services de stockage et de partage de fichiers pour différents types de données et de fichiers multimédias, y compris un service nécessitant l’utilisation d’un compte spécifique payant pour télécharger plus rapidement ou de façon simultanée. Il s’agit alors d’un site d’hébergement « en un clic » (« one click hoster ») in Strategic Assessment of Commercial Sexual Exploitation of Children Online 2015, note 14, disponible sur https://www.europol.europa.eu/content/commercialsexual-exploitation-children-online. 6 concernant des abus sexuels sur des enfants ou pour exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales. Ces cas pourraient servir d’exemples de bonnes pratiques à appliquer dans toute l’Union européenne et dans les autres pays. 24 Le groupe de travail pense que le fait d’exploiter sexuellement un enfant à des fins lucratives pourrait être considéré comme une circonstance aggravante6. 25 Enfin, le groupe de travail recommande d’envisager la possibilité que les sociétés de paiement deviennent des partenaires actifs dans la lutte contre ces abus7. b) Adolescents proxénètes (« lover boys ») 26 Définition : Il s’agit de jeunes hommes adultes qui prennent en général pour cible des jeunes filles, notamment par le biais des réseaux sociaux, dans le but de gagner leur confiance et d’entamer une relation prétendument amoureuse. Rapidement, cependant, le « lover boy » commence à exercer des contraintes sur la jeune fille pour la forcer à se livrer à des activités sexuelles et/ou à la prostitution. Il peut aussi exercer un chantage ou se livrer à des violences, entre autres. 27 Tendance : Cette tendance est de plus en plus fréquemment observée dans le nord de la Belgique et aux Pays-Bas. Child Focus a publié un document sur cette question8. On ne mesure toutefois pas l’ampleur exacte de ce phénomène dans les autres pays du Conseil de l’Europe. 28 Situation juridique : Le phénomène des « lover boys » pourrait être considéré comme une forme de traite des êtres humains9, et tomberait alors sous le coup de l’article 19 (Infractions se rapportant à la prostitution enfantine) de la Convention de Lanzarote. Il peut également être associé à diverses autres infractions telles que le proxénétisme, les abus sexuels ou l’exploitation sexuelle. 6 Il ne ressort pas de manière évidente de la Convention de Lanzarote ou de la directive 2011/93/EU de l’UE que cette circonstance aggravante entre dans le cadre des dispositions. Les deux textes mentionnent les infractions commises « dans le cadre d’une organisation criminelle », mais ne définissent pas l’expression « organisation criminelle ». Le rapport explicatif de la Convention de Lanzarote, qui renvoie à d’autres instruments internationaux (voir paragraphe 201) fournit un éclairage à cet égard. La directive de l’UE, elle, mentionne la décision-cadre 2008/841/JHA du Conseil de l’UE d’octobre 2008 sur la lutte contre la criminalité organisée, qui donne les définitions suivantes : « Article premier – Définitions Aux fins de la présente décision-cadre, on entend par : 1) “organisation criminelle”, une association structurée, établie dans le temps, de plus de deux personnes agissant de façon concertée en vue de commettre des infractions punissables d’une peine privative de liberté ou d’une mesure de sûreté privative de liberté d’un maximum d’au moins quatre ans ou d’une peine plus grave, pour en tirer, directement ou indirectement, un avantage financier ou un autre avantage matériel ; 2) “association structurée”, une association qui ne s’est pas constituée au hasard pour commettre immédiatement une infraction et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée. » Voir également les travaux de la Coalition financière européenne contre l’exploitation des enfants en ligne à des fins commerciales (EFC), http://www.europeanfinancialcoalition.eu. 7 Voir les travaux de la Coalition financière européenne contre l’exploitation des enfants en ligne à des fins commerciales (EFC), http://www.europeanfinancialcoalition.eu/index.php. 8 Slachtoffer vam tienerpooiers in Vlaanderen (actuellement disponible uniquement en néerlandais). 9 Aux termes de l’article 4(a) de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (CETS n° 197) : « L’expression “traite des êtres humains” désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes [...] ». 7 29 Proposition d’action : Le groupe de travail considère que, avant de décider d’éventuelles actions pour faire face à ce phénomène, il est nécessaire de poursuivre les recherches pour déterminer l’ampleur de cette tendance dans l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe. 3. Violence sexuelle entre pairs 30 Problématique : Dans un nombre non négligeable de cas de violences sexuelles commises contre un enfant, l’auteur est également mineur. Ce phénomène reste toutefois méconnu, et peu accepté10. La multiplicité des dispositions législatives en la matière au niveau national est l’un des facteurs qui entrave la bonne perception de ce phénomène. 31 La violence sexuelle entre pairs est une forme d’abus sexuels relevant du premier alinéa de l’article 18(1)(b) et de l’article 18(1)(a) de la Convention de Lanzarote, qui établit que « le fait de se livrer à des activités sexuelles avec un enfant qui, conformément aux dispositions pertinentes du droit national, n’a pas atteint l’âge légal pour entretenir des activités sexuelles » doit être érigé en infraction pénale. Il faut distinguer la violence sexuelle entre pairs de l’activité sexuelle entre pairs. Cette dernière relève de l’article 18(3), selon lequel « les dispositions du paragraphe 1.a n’ont pas pour objet de régir les activités sexuelles consenties entre mineurs ». 32 Dans le domaine de la violence entre pairs, le fait que l’auteur de l’infraction soit un enfant – et doive donc être protégé lui aussi – crée des difficultés. 33 Il faut prendre en considération le fait que certaines formes d’activités sexuelles entre personnes mineures, telles que le « sexting11 », peuvent entraîner pour les personnes concernées des problèmes, qui doivent aussi par conséquent être traités. 34 Lacune : Afin de mieux y répondre, il est nécessaire de parvenir à une meilleure compréhension du phénomène de la violence sexuelle entre pairs et de ses conséquences aussi bien pour les enfants victimes que pour les enfants auteurs. 35 Proposition d’action : Le groupe de travail considère que, avant de décider d’éventuelles actions face à cette tendance, il est nécessaire de conduire des recherches afin de mieux comprendre le phénomène de la violence sexuelle entre pairs et déterminer quelle réponse y apporter. Il est également nécessaire de mettre en place des actions de sensibilisation sur ce phénomène. B. Les tendances favorisant la commission d’infractions 1. Images et contenus sexuels autoproduits par des enfants de leur propre initiative 36 Définition : Ce phénomène est celui des enfants et des adolescents de moins de 18 ans qui prennent des photos ou des vidéos compromettantes d’eux-mêmes et les diffusent12. Il peut s’agir de photos de nus ou d’autres matériels (illégaux) à caractère explicitement sexuel, ou des deux. Il convient de souligner aussi que la production d’images ou de matériels de soi peut être effectuée de manière spontanée ou sous la contrainte. 10 Une enquête auprès d’enfants victimes réalisée en 2011 par le Commissaire flamand aux droits des enfants (Geweld, geneld en geteld, en flamand uniquement) a montré qu’un tiers des élèves avait déjà connu au moins une forme de pratique sexuelle ou d’acte sexuel, et que des pairs étaient généralement à l’origine de ce type de violences sexuelles. 11 Voir la partie I.B.3 sur le « sexting » / échange de propos sexuels en ligne. 12 GIT, op. cit., p. 60. 8 37 Par ailleurs, il faut faire la distinction entre les matériels créés dans le cadre d’une relation entre des adolescents consentants et les matériels représentant de jeunes enfants, où, par définition, des actes d’exploitation sont commis – même si la méthode de production/enregistrement de ces matériels est la même. 38 Le partage d’images sexuelles autoproduites n’est pas nécessairement illégal, mais il existe des risques que de tels matériels puissent circuler en ligne ou hors ligne, et ainsi porter préjudice aux enfants (cyberharcèlement par exemple) ou être utilisés dans le but d’extorquer des faveurs (contrainte et extorsion sexuelles). 39 Problématique 1 – Circulation non maîtrisée : Les images et matériels autoproduits peuvent échapper au contrôle de l’enfant de différentes manières : - La conversation privée est piratée et les images et matériels sont copiés par des tiers ; l’enfant croit qu’il est en train d’échanger ou de parler avec une personne de confiance ; les matériels sont partagés dans le cadre d’une relation, et ces images sont communiquées à des tiers lorsque la relation a pris fin (phénomène désigné sous le nom de « revenge porn ») ; l’enfant partage les matériels parce qu’il est soumis à des actes de « grooming13 » et/ou de manipulation ; L’enfant partage les matériels à la suite de menaces ou de chantage, d’actes d’extorsion ou de contrainte – un phénomène de plus en plus fréquemment observé. 40 Problématique 2 – Extorsion et contrainte sexuelles : Une fois qu’elles circulent, ces images peuvent être utilisées à des fins d’extorsion et de contrainte sexuelles (voir la partie 1.A.2 ci-dessus) ou d’autres formes de harcèlement ou d’extorsion. 41 Problématique 3 – Large circulation (et commercialisation) : L’Internet Watch Foundation (IWF) a observé une augmentation ces dernières années du nombre de sites web créés spécifiquement pour diffuser des images et des vidéos sexuellement explicites autoproduites et représentant des enfants et des jeunes gens. 42 L’IWF a ainsi repéré en 2013 un site qui proposait à la vente des images et contenus sexuels autoproduits de jeunes gens. 43 Situation juridique : L’article 20(3) de la Convention de Lanzarote et l’article 8(3) de la directive 2011/93/EU de l’UE mentionnent tous deux les images autoproduites. 44 Lacune : L’article 6(2) de la directive de l’UE définit une infraction qui n’est pas couverte par la Convention de Lanzarote : « [...] toute tentative de commettre, au moyen des technologies de l’information et de la communication, les infractions visées à l’article 5, paragraphes 2 et 3 13 Définition : la notion de « grooming » (ou sollicitation d’enfants à des fins sexuelles)/« grooming » en ligne fait référence au procédé d’établissement/de construction d’une relation avec un enfant, que ce soit en personne ou au travers de l’utilisation d’internet ou d’autres technologies informatiques dans le but de faciliter un contact sexuel, soit en ligne soit hors ligne, avec cette personne, voir GIT, op. cit., p. 69. L’article 23 de la Convention de Lanzarote (Sollicitation d’enfants à des fins sexuelles) indique que « le fait pour un adulte de proposer intentionnellement, par le biais des technologies de communication et d’information, une rencontre à un enfant n’ayant pas atteint l’âge fixé en application de l’article 18, paragraphe 2, dans le but de commettre à son encontre une infraction établie conformément aux articles 18, paragraphe 1.a, ou 20, paragraphe 1.a, lorsque cette proposition a été suivie d’actes matériels conduisant à ladite rencontre », doit être érigé en infraction pénale. Voir également l’Avis sur l’article 23 de la Convention de Lanzarote sur la sollicitation d’enfants à des fins sexuelles par le biais des technologies de l’information et de la communication (« grooming »), adopté par le Comité de Lanzarote le 17 juin 2015. 9 [acquisition ou détention de pédopornographie], de la part d’un adulte sollicitant un enfant qui n’a pas atteint la majorité sexuelle afin qu’il lui fournisse de la pédopornographie le représentant. » 45 Proposition d’action : La relation entre la production de matériels autoproduits et l’exploitation sexuelle d’enfants n’apparaît pas toujours clairement. 46 La prévention doit être renforcée : il faut notamment mettre en place des actions de sensibilisation sur ce phénomène, en particulier en direction des enfants eux-mêmes et de leurs parents et référents, ainsi que dans les environnements où l’on peut toucher des groupes (par exemple des enfants scolarisés), et veiller à ce qu’ils comprennent les risques liés au partage d’images et de contenus autoproduits. 47 Le groupe de travail considère qu’il pourrait être pertinent de compléter la Convention de Lanzarote, sur la base de l’article 6(2) de la directive 2011/93/EU de l’UE, et recommande au Comité de Lanzarote d’adopter un avis sur cette question. 2. Exploitation et abus sexuels en ligne (à distance) et en direct concernant des enfants 48 Définition : Les abus sexuels sur enfants en ligne et en direct sont « une pratique [...] qui est liée tant à l’exploitation sexuelle des enfants au travers de la prostitution et des spectacles pornographiques qu’à la production de matériel concernant des abus sexuels sur enfants14. » 49 Les expressions « retransmission en direct/streaming en direct d’actes d’exploitation et d’abus sexuels sur enfants » sont aussi couramment utilisées aujourd’hui. Le streaming est une « technologie qui consiste à diffuser des données avant transmission du fichier intégral, en envoyant l’information directement à l’ordinateur ou au dispositif du destinataire (via une webcam, une interface audio, etc.), sans sauvegarder le fichier sur un disque dur (le contenu peut cependant être enregistré et sauvegardé en tant que fichier). Sauf s’il est volontairement enregistré, le contenu est donc disponible une seule fois et ne laisse aucune trace une fois visionné. Concernant l’exploitation d’enfants en ligne, la plupart des incidents liés au streaming en direct se produisent dans le cas d’une production en temps réel, avec transmission des données audio/vidéo par le biais d’une webcam15. » 50 Tendance : Le streaming en direct d’abus sexuels n’est pas une tendance nouvelle. Elle est toutefois de plus en plus préoccupante16, en particulier sur les marchés émergents, où l’accès à des connexions internet rapides (haut débit) se répand. Cette tendance se développe par l’intermédiaire de membres de réseaux qui, pour leur satisfaction sexuelle, proposent bien souvent un avantage financier à des enfants vulnérables et/ou à leur famille afin qu’ils participent à des abus sexuels filmés et retransmis en direct. 51 Dans certains cas d’abus sexuels à distance en direct, l’agresseur rencontre ensuite l’enfant en personne et commet de nouveaux abus sexuels. 52 Problématique 1 – Recueil d’éléments de preuve : Le contrôle en temps réel de contenus portant sur des abus sexuels d’enfants présente des difficultés techniques car on ne peut y accéder que lorsqu’ils sont visionnés. Ils sont en outre souvent protégés par des mots de passe et divers dispositifs de cryptage et de maintien de l’anonymat. Dans bien des cas, par ailleurs, l’analyse de l’ordinateur ou autre support ou dispositif de stockage électronique d’un agresseur ne permet pas 14 GIT, op. cit., p. 63. Ibid., p. 117. 16 Comme le montre, en particulier, le Virtual Global Taskforce Environmental (http://www.virtualglobaltaskforce.com/wp-content/uploads/2013/05/VGT-Environmental-Scan.pdf). 15 Scan 2012 10 de trouver des éléments de preuve. On pense que les intéressés s’abstiennent délibérément de télécharger, d’enregistrer ou de conserver d’une quelconque manière les contenus de leurs séances de streaming, afin d’éviter d’être repérés par les différents agents responsables de l’application des lois (policiers, experts médicolégaux ou enquêteurs). L’efficacité de la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels sur enfants commis en ligne suppose que les forces de police puissent réagir immédiatement. 53 Problématique 2 – Qualification appropriée de l’infraction : Le spectacle de nature sexuelle impliquant un enfant et se déroulant en direct peut s’étendre à la production de contenus représentant des abus sexuels, qui est couverte par les dispositions relatives à la pornographie enfantine des principaux instruments juridiques, mais les abus sexuels sur enfants en ligne et en direct représentent souvent « une double forme d’abus pour l’enfant. En effet, il est contraint de participer à des activités sexuelles, seul ou avec d’autres personnes, ce qui constitue déjà en soi une exploitation sexuelle. L’activité sexuelle est, au même moment, retransmise en direct à travers les TIC17 et regardée par d’autres personnes à distance. Généralement, les personnes regardant à distance sont celles qui ont fait la demande et/ou la commande des abus sexuels sur l’enfant, en dictant de quelle façon les actes devaient être réalisés. Ces personnes peuvent avoir payé pour que les actes se déroulent18 ». 54 Situation juridique : Il existe un certain nombre de points flous dans ce domaine, qu’il conviendrait de dissiper : Seul un petit nombre de dispositions de la Convention de Lanzarote et de la directive 2011/93/EU de l’UE font référence explicitement aux TIC. On pourrait en déduire que les dispositions ne mentionnant pas spécifiquement les TIC ne s’appliquent pas dans les cas où celles-ci sont utilisées. L’article 20(1)(f) de la Convention de Lanzarote, qui porte sur le fait d’accéder, en connaissance de cause et par le biais des technologies de communication et d’information, à de la pornographie enfantine, s’applique à l’action de « regarder à distance ». 55 Proposition d’action : Le Comité aurait à décider si une interprétation restrictive de la Convention de Lanzarote doit prévaloir en ce qui concerne son application aux TIC, ou si la Convention peut être interprétée de manière à inclure l’usage de ces technologies. La mise en œuvre de la deuxième solution pourrait se faire par le biais de l’adoption d’un avis sur les questions énoncées ci-dessous : Le Comité aurait à décider s’il recommande ou non que l’article 18 (Abus sexuels) peut s’appliquer aux abus sexuels sur enfants à distance et en direct. Les abus sexuels sur enfants en direct et à distance pourraient être considérés comme un acte de prostitution aux termes de l’article 19 de la Convention de Lanzarote. L’organisation d’abus sexuels sur enfants diffusés en direct pourrait être assimilée à la « production de pornographie enfantine » telle que définie dans l’article 20(1)(a), « l’offre ou la mise à disposition de pornographie enfantine » (article 20(1)(b)), « la diffusion ou la transmission de pornographie enfantine » (article 20(1)(c)) ou « le fait de se procurer ou de procurer à autrui de la pornographie enfantine » (article 20(1)(d)). Certains cas pourraient être assimilés au fait de contraindre un enfant à assister à des abus sexuels ou à des activités sexuelles, couvert par l’article 22. Les abus sexuels sur enfants en direct et à distance pourraient être assimilés à la « participation d’un enfant à des spectacles pornographiques » (article 21). A cet égard, le rapport explicatif de la Convention indique que « cette disposition peut également couvrir la situation des personnes 17 18 Technologies de l’information et de la communication. GIT, op. cit. p. 64. 11 qui assistent à des spectacles pornographiques impliquant la participation d’enfants, grâce à des moyens de communication tels que les “webcams” » (§148). Le Comité devrait tenir compte des dispositions de la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité (Convention de Budapest) dans ce domaine, et y faire référence. 3. Echange de propos sexuels en ligne / « sexting » 56 Définition : « Si le “sexting” est probablement la forme la plus commune de contenu sexuel autoproduit impliquant des enfants, et est souvent réalisé par des adolescents consentants qui y trouvent du plaisir, il existe également de nombreuses formes de “sexting non désiré”. Cela fait référence aux aspects non consentis de l’activité, comme le partage ou la réception de photos, vidéos, ou messages sexuellement explicites non désirés, par exemple de personnes connues ou inconnues essayant d’entrer en contact, exercer une pression ou solliciter l’enfant19. » 57 Problématique : Le simple fait d’échanger en ligne des propos à caractère sexuel avec un enfant peut en soi être préjudiciable, en particulier lorsque c’est un adulte qui le fait. Des études montrent que les agresseurs choisissent désormais leurs victimes « en deux minutes » dans des conversations en ligne qui prennent immédiatement un tour sexuel. Les approches par « grooming » sont ainsi peu à peu délaissées car les agresseurs peuvent toucher aisément un grand nombre de victimes potentielles20. 58 L’échange en ligne de propos à caractère sexuel peut également constituer la première étape d’un processus de « grooming », et/ou de la création de matériel de pornographie enfantine et/ou d’une contrainte sexuelle. 59 Le Royaume-Uni, par exemple, a adopté récemment une loi érigeant en infraction le fait pour un adulte d’échanger des propos à caractère sexuel avec un enfant n’ayant pas l’âge du consentement sexuel (16 ans), dans l’objectif d’obtenir une satisfaction sexuelle (article 67 de la loi de 2015 relative aux crimes graves (Serious Crime Act). Aux termes de l’article 176, alinéa 4, n° 4 du Code pénal allemand, « [q]uiconque fait pression sur un enfant en montrant des images ou des illustrations pornographiques, en diffusant des enregistrements sonores à caractère pornographique, en rendant des contenus pornographiques accessibles par le biais des technologies de l’information et de la communication, ou en échangeant des propos de ce type, est passible d’une peine de trois mois à cinq ans d’emprisonnement21 ». 60 Lacune : Le rapport explicatif de la Convention de Lanzarote précise que « [l]es négociateurs ont estimé que le simple fait d’échanger des propos sexuels avec un enfant, même dans l’objectif de le préparer à des abus sexuels, ne constitue pas un motif suffisant pour entraîner une responsabilité pénale. Il faut un élément supplémentaire. » (§157) 61 De ce fait, la communication à caractère sexuel avec un enfant n’entre pas dans le cadre de la Convention de Lanzarote. Certains pays ont cependant adopté des dispositions législatives en la matière (voir ci-dessus l’exemple du Royaume-Uni). 19 Ibid., p. 61. Conclusion d’une étude menée durant trois ans grâce à des fonds de la Commission européenne et publiée en 2012, European Online Grooming Project. Réalisée par l’université de Kingston et NatCen Social Research, elle a examiné les méthodes et les comportements de prédateurs en ligne au Royaume-Uni, en Belgique et en Norvège (http://www.kingston.ac.uk/news/article/563/17-apr-2012-paedophiles-online-chats-become-sexualised-within-two-minutesnew-study-says/). 21 Au regard de la législation allemande, un « enfant » est une personne âgée de moins de 14 ans. Le terme « pornographique » va plus loin que le terme « sexuel ». Un contenu à caractère sexuel n’est pas nécessairement pornographique. 20 12 62 Proposition d’action : Le groupe de travail pense qu’il devrait étudier plus avant la question d’une éventuelle action pour combler la lacune existant dans la Convention de Lanzarote. 4. « Bad hosting » (mauvaises pratiques des services d’hébergement) 63 Définition : Il existe plusieurs sortes de services d’hébergement en ligne, par exemple des services d’hébergement de sites web, des services d’hébergement de fichiers et des services d’hébergement d’images. Ces services sont proposés par des sociétés de taille très variable. Ils permettent à des organisations et à des particuliers de placer des contenus sur internet. Le « bad hosting » désigne les pratiques des sociétés d’hébergement qui ne donnent pas suite dans un délai raisonnable aux demandes d’une ligne téléphonique d’assistance ou de toute autre autorité légale de supprimer un contenu illégal d’un serveur qu’elles possèdent ou contrôlent. 64 Tendance : On assiste à une forte augmentation des cas d’utilisation de services d’hébergement pour le stockage et la distribution de contenus portant sur des abus sexuels concernant des enfants. Ces services donnent aux distributeurs la possibilité de diffuser de tels contenus à des fins commerciales, par le biais de sites d’hébergement de fichiers22 et de services d’hébergement d’images. 65 Problématique : La mise en œuvre effective du contrôle des contenus pose problème dans la mesure où ce contrôle est susceptible de porter atteinte à la protection des données personnelles et de la vie privée des utilisateurs. En outre, les fichiers contenant des matériels illégaux sont très souvent cryptés, et donc inaccessibles. Il existe néanmoins des outils efficaces liés à l’utilisation de la fonction de hachage et de l’empreinte numérique unique. 66 Les lignes téléphoniques d’assistance existent sous des formes différentes. Dans certains pays elles peuvent être financées, en totalité ou en partie, par des branches du secteur de l’internet. L’indépendance d’une ligne téléphonique d’assistance financée à hauteur importante par le secteur peut être mise en cause. 67 Situation juridique : La Convention de Lanzarote et la directive 2000/31/EC sur le commerce électronique23 lient l’une et l’autre les règles de responsabilité des personnes morales à l’action de personnes physiques ; de ce fait, une société d’hébergement ne peut être tenue pour responsable si elle n’a pas effectivement connaissance que des abus ont été commis par le biais de ses services. 68 Il est toutefois possible de sanctionner légalement les mauvais hébergeurs par le biais de l’article 26 de la Convention de Lanzarote (Responsabilité des personnes morales), qui demande aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires « pour que les personnes morales puissent être tenues pour responsables des infractions établies conformément à la présente Convention, lorsqu’elles sont commises pour leur compte par toute personne physique... ». On relève que l’expression « pour leur compte » utilisée dans la version française semble de portée plus large que la formulation de la version anglaise (« for its benefit »). 69 Aux Etats-Unis, il existe un système obligatoire de signalement des abus, qui fonctionne par l’intermédiaire du Centre national pour les enfants disparus et exploités (NECMEC)24. 22 Voir la note 5. http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32000L0031. 24 http://www.missingkids.org/home. 23 13 70 Proposition d’action : Une manière d’obtenir la coopération des sociétés d’hébergement serait d’attirer leur attention sur le risque qu’elles encourent d’être traduites en justice. La perspective de cette mauvaise publicité pourrait avoir un effet dissuasif. Le groupe de travail pense que la question de la responsabilité des fournisseurs de services doit être examinée, en prenant en compte en particulier la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique25. 71 Le groupe de travail recommande de travailler en coopération avec INHOPE pour recueillir davantage d’information sur ce phénomène et mieux l’appréhender. 72 Le groupe de travail recommande d’étudier le travail conduit par le Centre international pour les enfants disparus et exploités (ICMEC) en particulier, pour recenser les pays qui imposent déjà actuellement aux fournisseurs de services internet de signaler aux agences responsables les cas possibles de pornographie enfantine, et ceux qui imposent aux fournisseurs de mettre en place et d’appliquer des dispositions en matière d’archivage des données (voir ci-dessous la partie II.3) et de conservation des données. 73 Le groupe de travail appelle le Comité de Lanzarote à fournir des exemples d’actions préventives et de bonnes pratiques concernant la lutte contre le phénomène du « bad hosting » (par exemple le système de marquage des photos et vidéos par empreinte numérique unique actuellement mis en place par Google, ainsi que les initiatives d’Interpol en la matière – outil Baseline, projet IWOL (établissement d’une liste des sites qui publient les contenus d’abus sexuels à l’encontre d’enfants les plus graves). 5. Anonymat et cryptage des données / Utilisation du darknet 74 Définitions : destiné à garantir la sécurité des données échangées, le cryptage (ou chiffrement) est le procédé consistant à chiffrer un message de manière à ce qu’il ne puisse être lu que par l’expéditeur et le(s) destinataire(s) visé(s). On peut chiffrer des fichiers, des périphériques de stockage et des données transférables par des réseaux sans fil et internet. 75 Darknet – « Il s’agit d’un réseau privé parallèle (un réseau informatique superposé sur un autre réseau) auquel des personnes de confiance se connectent à l’aide de protocoles et de ports non standard. Les darknets se distinguent d’autres réseaux de pair à pair, car le partage se fait de manière anonyme26. » Parmi les exemples de logiciels de darknet, citons TOR (The Onion Router, littéralement « le routeur oignon »), qui « dirige le trafic internet à travers un réseau de volontaires pour dissimuler l’emplacement et les opérations des utilisateurs. Dès lors que ce logiciel est utilisé, il devient difficile de retrouver l’auteur de l’activité sur internet. TOR est destiné à protéger la vie privée des utilisateurs en empêchant la surveillance de leurs activités internet en ligne, ce qui a incité de nombreux réseaux criminels à l’utiliser, notamment les cercles d’adeptes de la pornographie enfantine27. » 76 Problématique : Le recours à l’anonymisation, au cryptage et au darknet est de plus en plus fréquent dans les échanges de matériels d’exploitation et d’abus sexuels concernant des enfants. Les forces de police ont beaucoup de mal à repérer et identifier les auteurs d’infraction lorsque ces méthodes sont utilisées28. 25 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32000L0031. GIT, op. cit., p. 116. 27 Ibid., p. 117. 28 Voir par exemple l’étude réalisée en 2015 par deux enseignants de l’université de Portsmouth, G. Owen et N. Savage, The Tor Dark Net. Alors que les sites à contenu pédophile ne représentent que 2 % des sites web proposant des services cachés, ils concentrent 83 % des visites sur ce type de site, indique l’étude, disponible sur https://www.cigionline.org/sites/default/files/no20_0.pdf. 26 14 77 Le darknet peut par ailleurs être utilisé pour anonymiser des transferts d’argent. L’utilisation d’une monnaie virtuelle associée à celle d’un réseau de darknet assure un double niveau d’anonymat. 78 Le groupe de travail reconnaît cependant que le darknet et le recours à l’anonymat peuvent présenter des avantages, en particulier dans le contexte du droit à la liberté d’expression et pour remédier à la censure dans les pays non démocratiques. 79 Situation juridique : L’utilisation de l’anonymat pourrait être prise en considération par le juge qui prononce la peine, dans la mesure où elle constitue une preuve de l’intention manifeste de l’auteur de l’infraction. 80 Proposition d’action : Au vu des difficultés que rencontrent les agences chargées de l’application des lois pour repérer et identifier les auteurs d’infractions qui recourent à des services d’anonymisation et de cryptage, le groupe de travail considère que l’utilisation de ces services à des fins d’exploitation et d’abus à l’encontre d’enfants devrait être considérée comme une circonstance aggravante conformément à l’article 28 de la Convention de Lanzarote29. L’utilisation du darknet est un indicateur clair de l’intention de l’auteur de l’infraction. 81 Le groupe de travail préconise que les parties renforcent la coopération internationale, en particulier par le biais d’Europol et d’Interpol, afin de trouver les solutions en droit et en pratique permettant aux agences responsables de l’application des lois de lutter contre les abus commis sur le darknet. Ces solutions pourraient passer notamment par la mise en place d’activités de couverture et l’acception d’une limitation raisonnable du droit à la protection de la vie privée lorsqu’une infraction est commise. 6. Réalité virtuelle 82 Définition : La réalité virtuelle est un environnement artificiel créé à l’aide d’un logiciel, que l’on expérimente par stimulation sensorielle et dans laquelle les actions de l’utilisateur peuvent déterminer en partie ce qui se produit. 83 Tendance : Les technologies en matière de réalité virtuelle sont de plus en plus avancées, d’une part, et accessibles au public, d’autre part. On utilise par exemple des caméras de réalité virtuelle, sous forme de casque notamment. A l’heure actuelle, ces dispositifs peuvent uniquement projeter des images pré-enregistrées, mais l’augmentation du débit internet pourrait rendre possible une immersion dans une réalité virtuelle en direct. Les avatars30, répondant aux commandes d’un joueur, sont capables d’effectuer des actions de plus en plus complexes et personnalisées, et les technologies en matière de réalité virtuelle vont permettre aux utilisateurs de créer des avatars totalement réalistes d’eux-mêmes ou d’autres personnes. Enfin, les accessoires aptes à fournir de nouvelles stimulations, non visuelles, dans le contexte de la réalité virtuelle existent déjà : les premiers modèles de combinaisons « haptiques31 » et de jouets sexuels en réalité virtuelle sont désormais disponibles sur le marché32 – et l’industrie du sexe continue d’investir massivement dans le développement de ce secteur. 29 Un membre du groupe de travail a exprimé des réserves sur ce point. Définition : figure ou personnage représentant une personne dans le contexte d’un monde virtuel. 31 Définition : les technologies haptiques recréent le sens du toucher par l’application à l’utilisateur de forces, de vibrations ou de mouvements. 32 Voir par exemple : http://fr.lovense.com/vr-porn. 30 15 84 Si l’utilisation de ces technologies ne peut pas encore être classée parmi les « tendances », la situation va manifestement connaître des évolutions qui pourraient avoir un impact en termes de manières d’abuser sexuellement d’un enfant ou d’utiliser son identité. 85 Problématique 1 : Les caméras de réalité virtuelle offrent de nouveaux moyens pour capturer, distribuer et consommer des matériels d’exploitation et d’abus sexuels concernant des enfants. Qui plus est, si la diffusion en direct de réalité virtuelle devient possible, ces caméras pourraient être utilisées pour commettre des actes d’exploitation et des abus sexuels sur des enfants en ligne (à distance) et en direct33. 86 Problématique 2 : On peut craindre aussi (sous réserve que des recherches le confirme) que la facilité d’accès et le degré élevé de réalisme offerts par la réalité virtuelle, qui met à disposition des personnages fictifs d’enfants ultra-réalistes, ne viennent accroître le nombre de cas d’infractions en matière de pédophilie, aussi bien en ligne que hors ligne. 87 Problématique 3 : A terme, l’ultra-réalisme des représentations et les technologies haptiques pourraient permettre une expérience extrêmement réaliste de l’exploitation et des abus sexuels sur des enfants, aussi bien pour l’auteur que pour l’enfant. 88 Problématique 4 : Des images d’un enfant existant réellement peuvent être volées pour créer un enfant virtuel. Dans ce cas de figure, le droit au respect de la vie privée de l’enfant réel est en jeu – avec toutes les conséquences négatives, notamment psychologiques, que cela implique pour l’enfant en question. 89 Situation juridique : On pourrait d’ores et déjà considérer que les avatars et images ultra-réalistes entrent dans le champ d’application de l’article 20 de la Convention de Lanzarote, qui couvre les représentations simulées ou les images réalistes d’un enfant qui n’existe pas, ainsi que les photos d’un enfant réel. 90 Il existe toutefois une forte incertitude juridique concernant l’utilisation des technologies haptiques. 91 Proposition d’action : Le groupe de travail considère qu’il est nécessaire, avant d’envisager toute action, de recueillir davantage d’informations sur ce domaine nouveau et en pleine évolution. Le groupe de travail suggère de commander une étude sur les conséquences de ces technologies et sur les dispositions du droit international en la matière, avant de décider d’éventuelles actions en réponse à cette tendance. 33 Voir ci-dessus I.B.2. 16 II ACTIONS POUR ASSURER ET RENFORCER LA PROTECTION 1. Types de contenus couverts a) Photos et/ou vidéos d’enfants nus 92 Problématique : Le phénomène consistant à prendre et/ou à publier des photos et/ou des vidéos d’enfants nus est source de préoccupation – il peut s’agir par exemple d’un entraîneur sportif qui prend des clichés d’un enfant sous la douche ou en train de se changer. 93 Ces images peuvent constituer une violation de la vie privée et un acte de voyeurisme. Lorsque ce comportement a pour objectif d’obtenir une satisfaction sexuelle, il peut également entrer dans le cadre de la Convention de Lanzarote. 94 Proposition d’action : Le groupe de travail recommande de renforcer les initiatives de sensibilisation dans ce domaine, en particulier auprès des fédérations sportives aux niveaux national et international. 95 Le groupe de travail suggère en outre d’élaborer un avis qui viendrait préciser clairement que ce type d’activités relève de l’esprit de la Convention et que les dispositions de celle-ci en la matière s’appliquent par conséquent. b) Contenus audio et écrits 96 Problématique : La Convention de Lanzarote ne couvre pas les contenus audio d’un enfant en train de se livrer à un acte sexuel : l’expression « pornographie enfantine » ne fait référence qu’au matériel visuel (Article 20(2)). Il en va de même pour la directive de l’UE (article 2(c)). 97 En outre, les écrits ne sont pas compris dans le matériel de « pornographie enfantine » au regard de la Convention de Lanzarote, alors que dans certains pays, comme le Luxembourg, de tels écrits sont déjà punis par la loi. Dans d’autres, par exemple la Belgique et les Pays-Bas, les contenus écrits ne peuvent être utilisés qu’à titre de preuve. 98 Un autre problème auquel il faut faire face est celui de la publication, et de la diffusion via le darknet, de conseils sur les moyens de perpétrer des abus sexuels sur des enfants. Ceci pourrait relever de l’article 24(1) de la Convention de Lanzarote (Complicité et tentative). Ce type de matériel est déjà passible de sanctions pénales dans la législation du Royaume-Uni34. L’article 8(2) pourrait également être appliqué dans ce contexte. 99 Proposition d’action : Le groupe de travail estime que les matériels audio, écrits et autres devraient être considérés comme relevant de la Convention de Lanzarote, soit en tant que forme de matériel d’exploitation et d’abus sexuels concernant des enfants, soit en tant que matériel facilitant la commission d’actes d’exploitation et d’abus sexuels concernant des enfants. Ce point pourrait être établi clairement dans le cadre d’un avis. 34 Article 69 de la loi de 2015 relative aux crimes graves (Serious Crime Act 2015) ; voir par exemple https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/415982/Fact_sheet_-_Paedophile_manuals__Act.pdf. 17 2. Indemnisation des victimes 100 Problématique : L’octroi d’une indemnisation aux victimes d’infractions en matière d’exploitation et d’abus sexuels concernant des enfants peut avoir un double effet : reconnaissance des souffrances causée à la victime et action en réparation, d’une part, effet dissuasif pour les agresseurs potentiels, d’autre part. 101 Situation juridique : La Convention de Lanzarote ne prévoit pas la possibilité d’octroyer à un enfant une indemnisation en tant que victime d’une infraction. Les pratiques dans ce domaine sont différentes d’un Etat membre à l’autre. 102 Proposition d’action : Le groupe de travail recommande au Comité de Lanzarote d’étudier les systèmes existant dans les Etats membres qui accordent des indemnités aux enfants victimes35. Le Comité de Lanzarote pourrait alors rédiger, sur la base des pratiques existant dans ce domaine, un avis visant à instaurer une indemnisation des victimes. 3. Conservation des données 103 Problématique : Pour conserver des éléments de preuve dans la perspective d’éventuelles poursuites pénales, les forces de police doivent en premier lieu être en mesure de collecter des données, puis de les conserver. Le problème se pose en particulier pour la conservation des adresses IP et de conversations dans leur intégralité. Cela peut entraîner des tensions liées à la question de la protection des données personnelles et du respect de la vie privée. 104 Situation juridique : Le règlement général 2016/679 de l’UE sur la protection des données36, adopté récemment, entrera en vigueur à la mi-2018. 105 Proposition d’action : Le groupe de travail pense qu’il est absolument capital d’harmoniser les législations en matière de conservation et de protection des données, et que le Comité de Lanzarote devrait prendre des initiatives à cette fin. 4. Extraterritorialité et âge légal pour entretenir des activités sexuelles (âge du consentement sexuel) 106 Problématique : Il existe des divergences entre les législations des différents Etats membres au sujet de l’âge du consentement sexuel. Ceci peut faire obstacle à une lutte efficace contre l’exploitation et les abus sexuels à l’encontre d’enfants, en particulier dans un contexte marqué par la mondialisation, la facilité de déplacement et les contacts transfrontaliers via internet. 107 Situation juridique : Le Comité de la Convention Cybercriminalité (T-CY) se penche actuellement sur la question de l’extraterritorialité dans le contexte des abus sexuels en ligne. 108 Proposition d’action : Le Comité de Lanzarote et le groupe de travail doivent faire en sorte d’être informés de l’avancée des travaux menés par le TC-Y. 109 Le groupe de travail recommande que le Comité de Lanzarote examine plus avant la question des différences entre les législations des Etats membres sur l’âge du consentement sexuel, et évalue les effets négatifs de cette situation sur les enfants et les jeunes. 35 Voir les travaux du rapporteur national néerlandais sur la traite des être humains et les violences sexuelles contre les enfants, qui a mené des recherches dans ce domaine : https://prezi.com/_x8nrwmt292g/2014-11-19-25-years-crc-legal-challenges-andstrategies-for-combating-online-sexual-violence-against-children/?utm_campaign=share&utm_medium=copy. 36 Disponible sur http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32016R0679&from=FR ; pour en savoir davantage, voir http://ec.europa.eu/justice/data-protection/reform/files/regulation_oj_en.pdf. 18 ANNEXE 1 : RÉSUMÉ SOUS FORME DE TABLEAU [version anglaise seulement] Trends Sexual coercion and extortion Commercial child sexual exploitation Lanzarote Convention Art. 18§1 b. combined with Art. 20§1 d., f., Art. 21§1 b. Art. 19 EU Directive Prevention Action to be taken Art. 3§5 (iii) (sexual activities) + Art. 4§3 combined with Art. 2 (c) (pornographi c performance s) Art. 5§3 Art. 6§2 - Awareness raising regarding risky behaviour online: launching a preventive campaign focusing exclusively on sexual coercion and extortion - Promote definitions and use of expressions such as sexual extortion and coercion, rather than ‘sextortion’ Consider complementing Lanzarote Convention with adoption on an Opinion the the - Call for a possible application of provisions which do not refer explicitly to the use of ICTs - Consider adoption of an Opinion recommending that Article 18 covers live distant child abuse. a) Payments - Consider child sexual exploitation done with the purpose of financial gain, as an aggravating circumstance under Art. 28 Art. 2 (d); Art. 4§§5-7; Recital 16; Art. 11 (seizing proceeds) - Consider imposing financial penalties and seizing the proceeds from offenders, which could help to finance victim-support - Explore how the EU directive provisions and Convention CETS No.198 provisions have been transposed into national law, which may serves as examples of good practice - Consider the possibility of payment companies becoming active partners in the fight against such abuses b) Teenagers’ Pimps (‘Lover Boys’) - Conduct further research on the extent to which this phenomenon is trending across CoE member States Peer-to-peer sexual violence Selfgenerated sexual images and material (SGIM) of children initiated by Art. 18§1 a. and b. 1st indent; Art 18§3 Art. 20§3 Art. 8§3 + Art. 6§2 - Awareness-raising on the phenomenon of peer-to-peer sexual violence - Be very explicit, describe phenomenon; do not limit to generalities - Research to better understand the phenomenon of peer-to-peer sexual violence, and how to address it Consider complementing the Lanzarote Convention based on Article 6§2 of the Directive through an Opinion - aware-ness raising about the risks involved in SGIM 19 themselves Live online (distant) child sexual abuse and exploitation Sex chatting / sexting Bad hosting production and sharing, in particular to children and their parents and caregivers, and in specific environments where groups (such as school-children) are reached Art 20§1 f. is the only provision which refers to the use of ICTs + Possibly Art. 18, 19, 20§1(a-d), 21 and 22 No (see §157 explanatory report) Art 5§3 is the only provision which refers to the use of ICTs - Call for a possible application of provisions which do not refer explicitly to the use of ICTs, through the adoption of an Opinion Art 3§4 (“engaging in sexual activities”) - Consider reviewing §157 of the explanatory report of the Lanzarote Convention in order to ban sexual chatting / communicating by an adult with a child (through either an interpretative statement or an Opinion) Potentially Art 26 No (but see the ECommerce Directive 2000/31/EC) - Raise awareness of the responsibilities of host companies; Underline the risk they face of being brought to court in the absence of their cooperation - Provide examples of good practice in preventive action - Consider the liability of services providers, with special attention paid to the E-Commerce Directive - Liaise with INHOPE to obtain further information and insight into the phenomenon - Look at the work carried out by the International Centre for Missing and Exploited Children (ICMEC), in particular to identify which countries require Internet Service Providers (ISPs) to report suspected child pornography to law enforcement or to some other agency and which countries require ISPs to develop and implement data retention and preservation provisions - Provide examples of good practice in tackling bad hosting (e.g. photo DNA/video currently being developed by Google, INTERPOL initiatives such as Baseline / IWOL project) Anonymity and encryption of data / use of darknet No No - Consider the use of anonymity and encryption of data provided by the dark net to abuse and/or exploit children as an aggravating circumstance through issuing an Opinion 20 - Reinforce international cooperation, in particular via Interpol and Europol, in order to find solutions (in law and practice) to empower law enforcement bodies to counteract abuse on the dark net (e.g. undercover activities; limitation of the protection of privacy of the suspected offender when there is a crime) Virtual reality Art. 20§2 Art. 2 c. iv (realistic images of a child) Types material covered Potentially Art 24§ 1(issuing guidance on how to abuse children – aiding or abetting and attempt); and Art 8§2 No No Preamble §4 of Compensatio n for victims - Suggest the commission of a study on the consequences of virtual reality technologies, and on where the current international law position stands on such matters a) Pictures and/or videos taken of naked children -more awarenessraising initiatives, in particular with sportive national and international federations a) Pictures and/or videos taken of naked children - Clarify, through an Opinion, that the spirit of the Convention covers these kinds of activities, and that the relevant provisions apply b) Audio and written materials - Clarify through an Opinion that audio, written and other materials should be considered as included under the Lanzarote Convention, either as a form of child abuse and exploitation material, or as material which encourages the commission of child abuse and exploitation. - Explore systems in place within member States which compensate child victims - Draft an Opinion on the basis of existing practice for the purposes of compensating victims Data retention Art. 37 Extraterritoria lity and legal age for sexual activities (age of consent) Art. 38 (See Cybercrime Convention Committee work (TC-Y)) (See EU General Data Protection Regulation 2016/679) Art. 17 - Make efforts to facilitate the harmonisation of data retention and protection laws - Ensure the Committee is informed of the progress of work carried out by TCY - Consider further the matter of discrepancies between member States of the legal age of consent, and assess the negative impacts that this has on children and young people 21 ANNEXE 2 : COMPILATION DES PROPOSITIONS D’ACTION 1. Adoption d’avis en vue de compléter la Convention de Lanzarote - Sur les technologies de l’information et de la communication (TIC) Recommander que toutes les dispositions importantes de la Convention de Lanzarote en matière de répression pénale soient applicables lorsque l’infraction est commise exclusivement par le biais de l’utilisation des TIC, même si cela n’est pas mentionné expressément dans la disposition concernée de la Convention. Par exemple : Le « fait de se livrer à des activités sexuelles avec un enfant » (article 18 de la Convention de Lanzarote) pourrait être interprété comme concernant également les cas d’abus sexuels qui interviennent en totalité dans un environnement en ligne (et pourrait ainsi s’appliquer aux abus sexuels sur enfants en direct et à distance). Les abus sexuels sur enfants en direct et à distance pourraient être considérés comme un acte de prostitution aux termes de l’article 19 de la Convention de Lanzarote. L’organisation d’abus sexuels sur enfants diffusés en direct pourrait être assimilée à la « production de pornographie enfantine » telle que définie dans l’article 20(1)(a), « l’offre ou la mise à disposition de pornographie enfantine » (article 20(1)(b)), « la diffusion ou la transmission de pornographie enfantine » (article 20(1)(c)) ou « le fait de se procurer ou de procurer à autrui de la pornographie enfantine » (article 20(1)(d)). Certains cas pourraient être assimilés au fait de contraindre un enfant à assister à des abus sexuels ou à des activités sexuelles, couvert par l’article 22. Les abus sexuels sur enfants en direct et à distance pourraient être assimilés à la « participation d’un enfant à des spectacles pornographiques » (article 21). A cet égard, le rapport explicatif de la Convention indique que « cette disposition peut également couvrir la situation des personnes qui assistent à des spectacles pornographiques impliquant la participation d’enfants, grâce à des moyens de communication tels que les “webcams” » (paragraphe 148). - Sur la contrainte et le chantage sexuels La Convention de Lanzarote ne mentionne pas expressément l’expression « contrainte et chantage sexuels ». Le terme de « contrainte » est cependant présent dans l’article 18, qui porte sur les abus sexuels (voir le premier alinéa de l’article 18(1)(b)). L’avis pourrait condamner le chantage ou la contrainte exercés auprès d’un enfant en vue d’obtenir du matériel à caractère sexuel ou des faveurs sexuelles, et recommander que les parties érigent ce comportement en infraction pénale. - Sur les images et contenus sexuels autoproduits par des enfants de leur propre initiative Recommander que la sollicitation d’un enfant en vue d’obtenir de la pédopornographie le représentant (article 6(2) de la directive 2011/93/EU de l’UE) soit considérée comme une infraction pénale. - Sur une interprétation large de la notion de matériel concernant des abus sexuels sur enfants Cet avis viendrait préciser que l’esprit de la Convention couvre le fait de prendre des photos et/ou des vidéos d’enfants nus dans l’objectif d’obtenir une satisfaction sexuelle et que les dispositions pertinentes s’appliquent par conséquent. L’avis indiquerait en outre que les matériels audio, écrits et autres devraient être considérés comme relevant de la Convention de Lanzarote, soit en tant que forme de matériel d’exploitation et d’abus sexuels concernant des enfants, soit en tant que matériel facilitant la commission d’actes d’exploitation et d’abus sexuels concernant des enfants. 22 - Sur l’indemnisation des victimes d’infractions liées à l’exploitation et aux abus sexuels à l’encontre d’enfants L’avis se fonderait sur les bonnes pratiques existant (sur la base d’une étude visant à recenser les bonnes pratiques à mettre en œuvre). 2. Actions de sensibilisation - Sur la violence sexuelle entre pairs (après avoir mené des recherches sur ce phénomène) - Sur les images et contenus sexuels autoproduits par des enfants de leur propre initiative, afin de renforcer la prévention, en particulier en direction des enfants eux-mêmes et de leurs parents et référents, ainsi que dans les environnements où l’on peut toucher des groupes (par exemple des enfants scolarisés), de manière à ce qu’ils comprennent les risques liés au partage d’images et de contenus autoproduits. - Sur le phénomène consistant à prendre des photos et/ou des vidéos d’enfants nus dans l’objectif d’obtenir une satisfaction sexuelle, en particulier avec des fédérations sportives aux niveaux national et international. 3. Mener des recherches / commander des études avant de décider d’une éventuelle action sur : - le « bad hosting » (mauvaises pratiques des hébergeurs), en particulier : travailler en collaboration avec INHOPE pour recueillir davantage d’information sur le phénomène du « bad hosting » et mieux l’appréhender. demander aux membres du Comité de Lanzarote de fournir des exemples d’actions préventives et de bonnes pratiques concernant la lutte contre le phénomène du « bad hosting » (par exemple le système de marquage des photos et vidéos par empreinte numérique unique actuellement mis en place par Google, ainsi que les initiatives d’Interpol en la matière – outil Baseline, projet IWOL (établissement d’une liste des sites qui publient les contenus d’abus sexuels à l’encontre d’enfants les plus graves) ; étudier le travail effectué par le Centre international pour les enfants disparus et exploités (ICMEC) en particulier, pour recenser les pays qui imposent déjà actuellement aux fournisseurs de services internet de signaler aux agences responsables les cas possibles de pornographie enfantine, et ceux qui imposent aux fournisseurs de mettre en place et d’appliquer des dispositions en matière d’archivage et de conservation des données ; examiner la question de la responsabilité des fournisseurs de services, en prenant en compte en particulier la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique ; mettre en évidence des moyens d’obtenir la coopération des sociétés d’hébergement (attirer leur attention sur le risque qu’elles courent d’être traduites en justice, l’éventualité d’une mauvaise publicité pouvant être un facteur dissuasif). - Les conséquences de l’utilisation de la réalité virtuelle, et les dispositions du droit international en la matière. 23 - La relation entre la production de contenus autoproduits et l’exploitation sexuelle d’enfants (qui n’apparaît pas toujours clairement). - La violence sexuelle entre pairs, pour parvenir à une meilleure compréhension de ce phénomène et de ses conséquences aussi bien pour les enfants victimes que pour les enfants auteurs. - L’ampleur du phénomène des adolescents proxénètes (« lover boys ») dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. - La saisie et la confiscation des produits de l’exploitation sexuelle des enfants Examiner la façon dont les dispositions de la directive de l’UE et de la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme ont été transposées dans les législations nationales, en s’attachant en particulier aux poursuites ayant abouti à la condamnation de personnes pour distribution commerciale de matériel concernant des abus sexuels sur des enfants ou pour exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales. Ces cas pourraient servir d’exemples de bonnes pratiques à appliquer dans toute l’Union européenne et dans les autres pays. - Les dispositions mises en place par les parties pour l’indemnisation des victimes d’infractions liées à l’exploitation et aux abus sexuels à l’encontre d’enfants. - Examiner plus avant la question des différences entre les législations des parties à la Convention de Lanzarote sur l’âge légal pour entretenir des relations sexuelles (âge du consentement sexuel) ; évaluer les effets négatifs de cette situation sur les enfants et les jeunes, en particulier dans le contexte marqué par la mondialisation, la facilité de déplacement et les contacts transfrontières via internet (extraterritorialité). 4. Actions spécifiques qui restent à définir Le groupe de travail a estimé que les points suivants devaient faire l’objet de travaux supplémentaires, mais n’a pas eu la possibilité de préciser quelles actions spécifiques étaient requises. Exploitation sexuelle d’enfants à des fins commerciales (paiements) Encourager les parties à imposer des sanctions financières en plus d’une peine d’emprisonnement dans les cas où l’infraction est commise dans un but de gain financier, et à saisir de fait les produits (comme le prévoient la directive de l’UE et la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme). L’imposition de sanctions financières pourrait avoir un effet dissuasif sur les délinquants potentiels. L’argent des sanctions pourrait en outre contribuer au financement d’une aide aux victimes, notamment sous forme d’indemnités. Le fait d’exploiter sexuellement un enfant à des fins lucratives pourrait être considéré comme une circonstance aggravante. Envisager la possibilité que les sociétés de paiement deviennent des partenaires actifs dans la lutte contre ces abus. 24 Echange de propos sexuels en ligne / « sexting » Déterminer si la lacune existante doit être comblée, et si oui de quelle manière (la communication de nature sexuelle avec un enfant n’entre pas dans le cadre de la Convention de Lanzarote, même s’il est reconnu que le simple fait d’échanger des propos à caractère sexuel peut être en soi préjudiciable). Anonymat et cryptage des données / utilisation du darknet L’utilisation de services d’anonymisation et de cryptage à des fins d’exploitation et/ou d’abus à l’encontre d’enfants devrait être considérée comme une circonstance aggravante conformément à l’article 28 de la Convention de Lanzarote (le juge devrait prendre en compte l’utilisation de services d’anonymisation et de cryptage à des fins d’exploitation et/ou d’abus à l’encontre d’enfants lorsqu’il prononce la peine, dans la mesure où cela constitue une preuve de l’intention manifeste de l’auteur de l’infraction). Les parties devraient renforcer la coopération internationale, en particulier par le biais d’Europol et d’Interpol, afin de trouver les solutions en droit et en pratique permettant aux forces de police de lutter contre les abus commis sur le darknet. Ces solutions pourraient passer notamment par la mise en place d’activités de couverture et l’acception d’une limitation raisonnable du droit à la protection de la vie privée lorsqu’une infraction est commise. Conservation des données Prendre des initiatives pour faciliter l’harmonisation des législations en matière de conservation et de protection des données. 25