
Journal of EMDR Practice and Research, Volume 9, Number 1, 2015 E15
Dissociation de la personnalité et thérapie EMDR dans les troubles complexes liés au trauma : applications dans le traitement des Phases 2 et 3
en conséquence d’un enchaînement de réactions in-
ternes de parties dissociatives ; ou, d’une manière un
peu moins évidente, le traitement peut échouer ou
devenir diffi cile en raison de divers blocages. En géné-
ral, plus la capacité intégrative et l’énergie du patient
sont faibles, plus cette phase du traitement devrait se
dérouler lentement et inclure des retours fréquents à
des interventions de la Phase 1, stabilisation.
Dans tous les cas, la Phase 2, traitement des sou-
venirs traumatiques, exige une relation collaborative
stable entre le patient et le thérapeute, à laquelle ils
contribuent tous deux (ce qui signifi e notamment de
surmonter la phobie de l’attachement au thérapeute),
une motivation saine et un investissement réaliste
d’énergie. Pour le patient, ceci implique aussi une col-
laboration interne constructive et de l’empathie entre
parties, leur engagement envers l’EMDR ainsi qu’une
certaine capacité de co-conscience, de réfl exion et de
mentalisation. Les éventuelles objections que pour-
raient nourrir des parties doivent être explorées et
gérées. Les thérapeutes devraient être conscients,
tout en ayant à l’esprit les parties qui sont en désac-
cord ou qui ne peuvent pas participer, que la prise de
décision à chaque étape du processus thérapeutique
introduit aussi un style collaboratif nouveau dans le
système interne, ce qui constitue la base d’un traite-
ment effi cace et sûr des traumas. Il faut une attention
double suffi sante de sorte qu’au cours du traitement,
le patient reste impliqué avec le souvenir traumatique
et en lien avec le thérapeute et avec le présent.
De nombreux auteurs considèrent que certaines
situations constituent des contre-indications de la
Phase 2, le traitement des souvenirs traumatiques
(e.g., Boon, 1997 ; Gélinas, 2003 ; Kluft, 1997 ; Korn,
2009 ; Lazrove & Fine, 1996 ; Steele et al., 2005 ; Van
der Hart et al., 2006 ; voir aussi les lignes directrices
EMDR sur les troubles dissociatifs, EMDR Dissociative
Disorders Task Force Guidelines , in Shapiro 1995, 2001).
Des exemples importants sont les violences inter-
personnelles continues ou actuelles, la toxicomanie
actuelle ou d’autres conduites autodestructrices, des
crises de vie externes aiguës, les périodes de vie où la
vie quotidienne requiert de l’énergie et une attention
supplémentaires, la grossesse, le grand âge, la maladie
physique grave, la psychose, des problèmes de carac-
tère sévères qui empêchent le développement d’un
cadre thérapeutique centré et collaboratif, la transi-
tion incontrôlée entre parties dissociatives, et le fait
que le thérapeute représente la seule et unique fi gure
d’attachement dans la vie du patient. Dans toutes
ces situations, un travail de stabilisation supplémen-
taire est généralement nécessaire. Une alternative au
travail de stabilisation à long terme dans ces cas est
EMDR standard est nécessaire – comme en té-
moignent les publications EMDR sur le traitement
orienté par phases déjà mentionnées. Cela inclurait
la modifi cation de l’application de toute une palette
de procédures pendant le traitement de la Phase 1 qui
s’orientent vers la stabilisation, la réduction des symp-
tômes et l’apprentissage de compétences (cf., Van
der Hart et al., 2013). La Phase 2, le traitement des
souvenirs traumatiques, insistant que le dépassement
de la phobie des souvenirs traumatiques, implique
aussi une série de procédures et d’interventions modi-
fi ées. Ici, une attention particulière doit être portée
à la résolution des confl its internes du patient entre
l’attachement à l’agresseur et la défense contre lui,
lorsque les souvenirs traumatiques impliquent des
agressions au sein de la famille. De tels confl its pour-
raient fortement interférer avec un retraitement effi -
cace (voir le texte ci-dessous).
Mises en garde concernant le début de
la Phase 2, le traitement des souvenirs
traumatiques
Pour traiter un souvenir traumatique en EMDR en
toute sécurité (la synthèse guidée dans les termes de
la TDSP), une exposition graduelle des parties disso-
ciatives à un souvenir traumatique particulier est né-
cessaire. Cette exposition graduée doit demeurer en
deçà des limites de la capacité intégrative du patient,
donc de sa tolérance régulatrice, afi n de prévenir des
réactions inadaptées (e.g., une dissociation amplifi ée,
la panique, la déconnexion, l’évitement). Cette tolé-
rance régulatrice a été décrite comme la fenêtre de tolé-
rance , au-dessus de laquelle le patient est hyperactivé
et en dessous de laquelle il est hypoactivé (Ogden,
Minton, & Pain, 2006 ; Siegel, 1999). Différents auteurs
dans le domaine de l’EMDR ont proposé des interven-
tions destinées à prévenir une activation extrême au
cours du traitement EMDR (e.g., Fine, 2010 ; Fine &
Berkowitz, 2001 ; Lazrove & Fine, 1996 ; Luber, 2009,
2010 ; Twombly, 2000).
Le thérapeute devrait se montrer prudent vis-à-vis
de l’initiation de cette phase et prendre en compte plu-
sieurs facteurs dans la prise de décision partagée avec
le patient. Le démarrage prématuré du traitement
EMDR des souvenirs traumatiques peut entraîner des
conséquences négatives. Sans une évaluation com-
plète et une vue d’ensemble du monde dissociatif
interne, accompagnées et suivies d’une stabilisation
suffi sante, plusieurs problèmes peuvent apparaître.
Les patients peuvent être submergés par des symp-
tômes, des émotions intenses ou des diffi cultés à gérer
la vie quotidienne ; le passage à l’acte peut se produire
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