Compl´etude d´eductive de la logique propositionnelle
Tero Tulenheimo
2016
D´efinition 1 Un syst`eme de preuve pour la logique propositionnelle est correct si toute for-
mule de la logique propositionnelle ayant une preuve en termes de ce syst`eme—c-`a-d pouvant
ˆetre deriv´ee `a partir de l’ensemble vide des pr´emisses en utilisant les r`egles de ce syst`eme—est
tautologique ; la m´ethode de preuve est (d´eductivement) compl`ete si inversement toute formule
tautologique de la logique propositionnelle a une preuve en termes de ce syst`eme.
Une branche est finale si elle est close (clˆotur´ee), ou bien toutes les formules sign´ees non
atomiques sur la branche ont ´et´e trait´ees et la r`egle de clˆoture n’est pas applicable `a la branche.
Une branche est maximale dans un arbre donn´e si elle n’a pas d’extension dans l’arbre. 1Un
arbre est final si toutes ses branches maximales sont finales. Un arbre final est clos si toutes ses
branches finales sont closes, et un arbre final est ouvert si au moins une de ses branches finales
est ouverte.
On proc`ede `a d´emontrer que les arbres s´emantiques (tableaux) induisent un syst`eme de
preuve correct et compl`ete pour la logique propositionnelle. On rappelle que dans le contexte
des arbres s´emantiques, une preuve d’une formule Aest un arbre final clos pour la formule
sign´ee F A. Pour simplifier la pr´esentation, on adopte la d´efinition suivante.
D´efinition 2 Soient A1, . . . , Andes formules de la logique propositionnelle et soit Si∈ {V, F }
pour tout 1in. Si β= (S1A1, . . . , SnAn)est une branche dans un arbre s´emantique et
est une valuation (sur les atomes qui apparaissent dans des formules A1, . . . , An), alors la
valuation satisfait (ou r´ealise) la branche β, en symboles |β, si les formules A1, . . . , An
remplissent la condition suivante : pour tout 1in,
si Si=V, alors |=Ai
si Si=F, alors 6|=Ai.
(Ici la relation |entre des valuations et des suites de formules sign´ees est d´efinie en termes de
la relation s´emantique de base |=, cette derni`ere ´etant une relation entre des valuations et des
formules de la logique propositionnelle. Dans un cas sp´ecial la suite βpourrait consister d’une
1. Cela ne signifie pas automatiquement que la branche ne pourrait pas ˆetre ´etendue. Prenons par ex. l’arbre
T={hF(pq)i} dont la seule branche est la branche dont le seul membre est la racine F(pq). Dans l’arbre
Tla branche hF(pq)iest maximale : n’a pas d’extension. D’autre part les r`egles des arbres s´emantiques
permettent d’´etendre Ten un arbre T0=T ∪ {hF(pq), F pi,hF(pq), F qi} qui contient deux extensions
de la branche hF(pq)i, `a savoir les branches hF(pq), F piet hF(pq), F qi—ces derni`eres ´etant `a leur tour
maximales dans le nouvel arbre T0.
2
seule formule sign´ee, V A ou F A. On peut noter que ∆ |(VA) ssi |=A, et |(FA) ssi
6|=A. G´en´eralement la condition ∆ |βconcerne cependant plusieurs formules—autant de
formules qu’il y a des formules sign´ees dans la suite β.)
Remarque 3 Si une valuation satisfait une branche d’un arbre s´emantique, il n’existe pas
de formule Atelle que la branche contient `a la fois la formule sign´ee F A et la formule sign´ee
V A. Car dans ce cas—par D´efinition 2—on aurait 6|=Aet |=A, ce qui est impossible.
1 L’existence d’un syst`eme de preuve correct
Th´eor`eme 4 (Correction) Si Aa une preuve, alors Aest une tautologie.
Preuve. Supposons que Aa une preuve, c-`a-d qu’il existe un arbre Tpour F A dont toutes
les branches maximales sont finales et clˆotur´ees. (L’arbre Test donc final et clos.) Il faut
d´emontrer que Aest vrai selon toute valuation. Supposons pour l’absurde que An’est pas une
tautologie—qu’il existe une valuation ∆ telle que ∆ 6|=A. On montre que cette hypoth`ese m`ene
`a une contradiction : l’hypoth`ese nous permet `a construire une branche (S0A0, . . . , SnAn) finale
et ouverte de l’arbre T—et cependant l’arbre Test clos, donc toutes ses branches finales sont
clˆotur´ees.
Soit maintenant ∆0une valuation telle que ∆06|=A; une telle valuation existe par l’hypo-
th`ese. On utilise ∆0pour construire une suite finie (S0A0, . . . , SnAn) des formules sign´ees selon
la proc´edure suivante.
1. Soit S0:= Fet A0:= A. On observe que la suite (S0A0) avec un seul membre est une
branche de T(contenant rien d’autre que sa racine), et qu’on a ∆0|(S0A0) dˆu au fait
que ∆06|=A. Si la branche (S0A0) est finale (c-`a-d si la formule A0est atomique), la
construction se termine : dans ce cas la suite construite est une branche finale ouverte
de T, ce qui est impossible. Sinon, on proc`ede `a l’´etape (2).
2. Supposons qu’on a d´ej`a produit une suite (S0A0, . . . , SiAi) qui est une branche non-
finale de Ttelle que ∆0|(S0A0, . . . , SiAi). Comme il s’agit d’une branche non-finale
et donc ouverte de T, et comme Test un arbre final, il existe au moins une extension
de cette branche dans T. On peut noter d’abord que la branche (S0A0, . . . , SiAi) ne
peut pas avoir une extension r´esultante d’une application de la r`egle de clˆoture : ´etant
donn´e que ∆0|(S0A0, . . . , SiAi), par R´emarque 3 il n’y a pas de formule Btelle que
la branche contient les formules sign´ees F B et V B. Les extensions de (S0A0, . . . , SiAi)
dans Tconsistent donc d’une application d’une r`egle de tableau `a une seule formule
sign´ee SjAjapparaissant sur la branche (avec 1 ji), la r`egle correspondant `a l’un
des connecteurs de la logique propositionnelle et `a l’un des signes Vet F.
NB : parce que la valuation ∆0satisfait la branche (S0A0, . . . , SiAi) et que SjAjapparaˆıt
sur cette branche, on sait que ∆0|(SjAj). Plus sp´ecifiquement, on a ∆0|=Ajsi Sj=V,
et ∆06|=Ajsi Sj=F. On ´etend la suite (S0A0, . . . , SiAi) de fa¸con suivante en fonction
3
de la forme de la formule sign´ee SjAjen question, tout en prenant soin que la valuation
0satisfasse l’extension choisie. (On est en train de construire une extension satisfaite
par ∆0.)
2.1.Si SjAjest de la forme V¬Bou F¬Bou V(BC) ou F(BC) ou V(BC),
on proc`ede comme suit :
Si SjAj=V¬B, soit Si+1Ai+1 =F B. Ici ∆0|(SjAj) implique que ∆0|=¬B,
donc ∆06|=B— ce qui signifie que ∆0|(F B) et donc ∆0|(Si+1Ai+1).
Si SjAj=F¬B, soit Si+1Ai+1 =V B. Ici ∆0|(SjAj) implique que ∆06|=¬B,
donc ∆0|=B— ce qui signifie que ∆0|(V B) et donc ∆0|(Si+1Ai+1).
Si SjAj=V(BC), ´etant donn´e que ∆0|(SjAj) et donc ∆0|=BC,
il existe D∈ {B, C}tel que ∆0|=D; soit Si+1Ai+1 =V D. Par cons´equent
0|(Si+1Ai+1).
Si SjAj=F(BC), ´etant donn´e que ∆0|(SjAj) et donc que ∆06|=BC,
il existe D∈ {B, C}tel que ∆06|=D; soit Si+1Ai+1 =F D. Par cons´equent
0|(Si+1Ai+1).
Si SjAj=V(BC), ´etant donn´e que ∆0|(SjAj) et donc que ∆0|=BC,
on a soit ∆06|=B, soit ∆0|=C. Dans le premier cas, soit Si+1Ai+1 =F B,
autrement soit Si+1Ai+1 =V C. Dans tous les deux cas on finit par avoir ∆0|
(Si+1Ai+1).
La suite (S0A0, . . . , SiAi, Si+1Ai+1) ainsi construite est une branche de l’arbre T
et on peut constater que par la construction de la suite, on a ∆0|≡ (S0A0,...,
SiAi, Si+1Ai+1). Si la branche (S0A0, . . . , SiAi, Si+1Ai+1) est finale, la construction se
termine et on a trouv´e une branche finale ouverte de T, ce qui est impossible. Sinon,
la branche a une extension dans Tet on r´ep`ete la proc´edure en revenant `a (2).
2.2.Dans les cas restants—si SjAjest de la forme F(BC) ou V(BC) ou F(BC)—
voil`a comment on proc`ede :
Si SjAj=F(BC), soient Si+1Ai+1 =F B et Si+2Ai+2 =F C. Ici ∆0|(SjAj)
implique que ∆06|=Bet ∆06|=C— ce qui signifie que ∆0|(F B, F C) et donc
0|(Si+1Ai+1, Si+2Ai+2).
Si SjAj=V(BC), soient Si+1Ai+1 =V B et Si+2Ai+2 =V C. Ici ∆0|(SjAj)
implique que ∆0|=Bet ∆0|=C— ce qui signifie que ∆0|(V B, V C) et donc
0|(Si+1Ai+1, Si+2Ai+2).
Si SjAj=F(BC), soient Si+1Ai+1 =V B et Si+2Ai+2 =F C. Ici ∆0|(SjAj)
implique que ∆0|=Bet ∆06|=C— ce qui signifie que ∆0|(V B, F C) et donc
0|(Si+1Ai+1, Si+2Ai+2).
Ici la suite (S0A0, . . . , SiAi, Si+1Ai+1, Si+2Ai+2) est une branche de l’arbre Tet on
peut constater que par la construction la valuation ∆0, on a : ∆0|≡ (S0A0,...,
4
SiAi, Si+1Ai+1, Si+2Ai+2). Si la branche (S0A0, . . . , SiAi, Si+1Ai+1, Si+2Ai+2) est
finale, la construction se termine et on a trouv´e une branche finale ouverte de T
ce qui est impossible. Sinon, la branche a une extension dans Tet on r´ep`ete la
proc´edure en revenant `a (2).
En appliquant la proedure d´ecrite, on obtient dans un nombre fini des pas une suite
(S0A0, . . . , SnAn) qui est une branche de l’arbre T, qui ne peut plus ˆetre ´etendue, 2et qui
est satisfaite par ∆0et donc ouverte et cependant finale. Cela est impossible, ´etant donn´e que
l’arbre Test clos. On peut conclure que l’hypoth`ese selon laquelle il existe une valuation ∆0
telle que ∆06|=Aest fausse et effectivement Aest une tautologie.
2 L’existence d’un syst`eme de preuve complet
On commence par un r´esultat auxiliaire.
Lemme 5 Si un arbre s´emantique pour la formule sign´ee V A contient une branche finale
ouverte, il existe une valuation telle que |=A.
Preuve. Soit Tun arbre et (S0B0, . . . , SnBn) une branche finale ouverte de T, avec S0:= V
et B0:= A. Soit Yl’ensemble des atomes propositionnels qui apparaissent dans la formule A,
et soit Zle sous-ensemble de Yqui consiste des atomes propositionnels ptels que soit V p soit
F p est un membre de la suite (S0B0, . . . , SnBn). 3On d´efinit une valuation ∆0sur Ycomme
suit. D’abord, si pZ, alors
0(p) =
vrai si il existe 0 jntel que SjBj=V p
faux si il existe 1 jntel que SjBj=F p.
Ensuite, on peut choisir les valeurs ∆0(p) avec pY\Zde fa¸con arbitraire (il n’est pas
important comment on choisit ces valeurs). ´
Etant donn´e que la branche (S0B0, . . . , SnBn) est
ouverte, la valuation ∆0est bien d´efinie : il ne peut pas arriver que V p et F p apparaissent tous
les deux sur cette branche. On proc`ede `a d´emontrer que ∆0|=A. On fera cela en d´emontrant
plus g´en´eralement que ∆0|(S0B0, . . . , SnBn). Cette derni`ere affirmation peut `a son tour ˆetre
d´emontr´ee par induction qui proc`ede de la formule sign´ee SnBnvers la formule sign´ee S0B0.
2. La proc´edure ne peut pas continuer `a l’infini. Si le nombre d’occurrences des connecteurs de Aest n,
alors sur une seule branche d’un arbre pour SA on peut avoir appliqu´e au plus nfois des r`egles de tableau
correspondant aux connecteurs (moins de nfois si des applications des r`egles ont cr´ee des branchements portant
certains sous-formules complexes sur des branches distinctes). Donc on a besoin d’un maximum de napplications
des r`egles de connecteurs pour arriver `a une branche dont toutes les formules sign´ees non trait´ees sont atomiques.
3. Il est possible que Z6=Y, c-`a-d aussi d’autres atomes propositionnels peuvent apparaˆıtre sur la branche
(S0B0, . . . , SnBn). Par ex. la suite hF(pq), F piest une branche finale ouverte de l’arbre T0mentionn´e dans la
note en bas de page 1. L’atome qapparait sur cette branche, mais la branche ne contient pas F q ou V q comme
membre.
5
1. On note d’abord que SnBn∈ {V p, F p}pour quelque pZ. Par la d´efinition de ∆0, on a
0(p) = vrai si Sn=V, et ∆0(p) = faux si Sn=F. Par cons´equent on a 0|(SnBn).
2. Supposons ensuite qu’on a ∆0|(Sj+1Bj+1, . . . , SnBn), o`u 0 j < n. On consid`ere des
diff´erents cas en fonction de la forme de la formule sign´ee SjBj.
2.1. S’il existe pZtel que SjBj∈ {V p, F p}, alors ∆0|(SjBj) par la d´efinition de ∆0.
2.2. Si SjBj =V¬C, alors il existe itel que j < i net SiBi=F C. Par hypoth`ese
0|(F C) et du coup ∆0|(V¬C).
2.3. Si SjBj =F¬C, alors il existe itel que j < i net SiBi=V C. Par hypoth`ese
0|(V C) et par cons´equent ∆0|(F¬C).
2.4. Si SjBj =V(CD), alors il existe iet ktels que j < i, k net SiBi=V C et
SkBk=V D. Par hypoth`ese ∆0|(V C, V D). Il s’ensuit que ∆0|(V(CD)).
2.5. Si SjBj =F(CD), alors il existe iet ktels que j < i, k net SiBi=F C et
SkBk=F D. Par hypoth`ese ∆0|(F C, F D). Il s’ensuit que ∆0|(F(CD)).
2.6. Si SjBj =F(CD), alors il existe iet ktels que j < i, k net SiBi=V C et
SkBk=F D. Par hypoth`ese ∆0|(V C, F D). Il s’ensuit que ∆0|(F(CD)).
2.7. Si SjBj =F(CD), alors il existe un nombre iet une formule Etels que j < i n
et E∈ {C, D}et SiBi=F E. Par hypoth`ese ∆0|(F E). Donc ∆0|(F(CD)).
2.8. Si SjBj =V(CD), alors il existe un nombre iet une formule Etels que j < i n
et E∈ {C, D}et SiBi=V E. Par hypoth`ese ∆0|(V E). Donc ∆0|(V(CD)).
2.9. Si SjBj =V(CD), alors il existe un nombre iavec j < i ntel que ou bien
SiBi=F C, ou bien SiBi=V D. Dans le premier cas, par hypoth`ese, ∆0|(F C)
et donc ∆0|(V(CD)). Dans le second cas, par hypoth`ese, ∆0|(V D) et donc
mˆeme dans ce cas ∆0|(V(CD)).
Par cette raisonnement on sait que ∆0|(S1B1, . . . , SnBn). En particulier donc ∆0|(S0B0),
c-`a-d ∆0|(V A). Or cela signifie que ∆0|=A.
Th´eor`eme 6 (Compl´etude) Si Aest une tautologie, alors Aa une preuve.
Preuve. Supposons que Aest une tautologie. Soit Tun arbre s´emantique pour la formule
sign´ee F A tel que toutes les branches maximales de cet arbre sont finales. (Pour toute for-
mule sign´ee il existe au moins un tel arbre.) Si l’arbre Tn’´etait pas clos, il aurait au moins
une branche finale ouverte, disons (F A, S1B1, . . . , SnBn). Par cons´equent il existerait un arbre
s´emantique pour la formule sign´ee V¬Aavec une branche finale ouverte, `a savoir la branche
(V¬A, F A, S1B1, . . . , SnBn), 4ce qui impliquerait par Lemme 5 qu’il existe une valuation ∆
4. Pourquoi la branche (V¬A, F A, S1B1, . . . , SnBn) serait-elle finale et ouverte ? D’une part, toutes les
formules complexes apparaissant sur cette branche seraient trait´ees, parce que par hypoth`ese toutes les for-
mules complexes apparaissant sur (F A, S1B1, . . . , SnBn) sont trait´ees, et F A est obtenu par le fait d’avoir
trait´e V¬A. D’autre part, toujours par hypoth`ese, la r`egle de clˆoture n’est pas appliquable `a la branche
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !