Dossier
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La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation - no 60 • 4e trimestre 2012
perception est différente. Pour faire comprendre cette différence, avec toutes les
précautions qui s’imposent, nous ferons une comparaison avec la perception animale.
Il existe en effet une différence analogue entre la perception du neuro-typique et la
perception de l’autiste, et la perception d’un humain par rapport à la perception d’un
non-humain (animal par exemple). Il existe une discipline qui s’appelle l’éthologie,
qui s’applique à faire comprendre, compte tenu des connaissances que nous avons
de l’animal et de ses caractéristiques propres, à quoi correspond le monde perçu
par lui. Cette perception dépend de ses caractéristiques, elle est fondamentalement
différente de la nôtre. Ainsi par exemple le monde de l’animal de compagnie n’est
pas le même que le nôtre, même si là encore notre anthropomorphisme nous incite
à nous projeter nous-même sur lui pour le voir à notre image. Son odorat par exemple
est beaucoup plus développé que le nôtre, du coup il sent des odeurs que nous ne
sentons pas, en revanche sa vue est moins nette que la nôtre, ce qui signie que
nous voyons des choses qu’il ne voit pas précisément. Ainsi physiquement parlant
nous ne sommes pas dans le même monde, nous ne percevons pas le monde de
la même façon, nous ne sommes pas sensibles aux mêmes réalités dans notre
environnement. Nous verrons plus loin qu’il y a aussi chez ces personnes une autre
façon de traiter les informations qui accroît cette différence. D’ailleurs les neuro-
typiques que nous sommes, qui se prennent pour la norme, doivent se rappeler
que, contrairement à ce qu’ils pensent, ils ne perçoivent pas le monde tel qu’il
est, mais tel que leur équipement sensoriel et mental leur permet de le percevoir.
S’ils étaient constitués autrement, ils percevraient le monde différemment. Ils
n’entendent pas les ultra-sons par exemple. Malgré les rappels des scientiques de
temps à autre, ils continuent de vivre dans l’illusion que le monde est tel qu’ils le
perçoivent. Nous avons appris récemment que les plus jeunes entendent des sons
que les plus âgés n’entendent plus. C’est donc cette piste, nous semble-t-il, qu’il
faut suivre pour comprendre la différence de ces personnes. Cette façon d’expliquer
l’autisme en établissant un parallèle entre l’homme et l’animal, Temple Grandin l’a
elle-même développée dans son dernier ouvrage, elle qui est devenue de par sa
profession, une spécialiste du fonctionnement animal. C’est la raison pour laquelle
nous nous sommes autorisées à faire cette comparaison, dans le seul but de faire
mieux comprendre le fonctionnement autistique. Pour autant, nous considérons les
personnes autistes comme des personnes à part entière, malgré leur perception et
leur fonctionnement différents. Dans le prolongement de cette analyse nous allons
voir comment Temple Grandin elle-même développe ce qu’elle considère comme
une analogie entre le fonctionnement autistique et le fonctionnement animal, dans
la mesure où comme les personnes avec autisme, les animaux sont prioritairement
dans la sensorialité.
Autisme et pensée animale
Si nous prenons le risque de développer cet aspect du fonctionnement autistique
en établissant un rapport entre pensée autistique et pensée animale, c’est dans
la mesure où Temple Grandin elle-même a développé cet aspect. Loin de nous
donc l’idée de considérer les autistes comme des animaux, mais l’hyper ou l’hypo-
sensorialité qui les caractérise les placent dans un registre comparable. Temple