3
Comme l’analyse empirique est impossible faute de données suffisantes, la seule
démarche envisageable consiste à rechercher objectivement l’impact probable
des nouvelles règles au regard des buts légitimes qu’elles sont censées poursuivre.
3. Les critères d’appréciation sont la rapidité, l’efficience et la préser-
vation des droits des parties. En terme de méthode, toute évaluation législa-
tive doit d’abord identifier les critères d’appréciation qu’elle entend appliquer.
En effet, des notions telles que l’efficacité et la qualité ne sont pas univoques et
peuvent donc être utilisées dans des sens et avec des résultats divergents.
Sous l’angle de l’efficacité, l’exposé des motifs vise en réalité à obtenir des pro-
cédures plus rapides et plus efficientes8. Le critère de rapidité n’appelle pas de
commentaire particulier, et renvoie au temps nécessaire pour qu’une action
soit définitivement jugée9. L’efficience détermine, de manière générale, si la
règle emporte les plus grands bénéfices au moindre coût10. Si la notion d’effi-
cience est appliquée au contexte judiciaire, une procédure peut être qualifiée
de plus efficiente pour l’État si elle permet de régler un même nombre d’af-
faires pour un coût budgétaire moindre11.
justice », J.T., 2015, pp. 785 et s., spéc. p. 785, qui accueillent favorablement les objectifs poursuivis par
la loi du 19 octobre 2015, sur la seule base des déclarations faites par le ministre au cours des travaux
préparatoires. À titre d’illustration, ces auteurs reprennent sans vérification le constat ministériel selon
lequel « la Belgique ne compte pas moins de magistrats et de personnel de greffe par habitant que les
autres pays ». Or, le tableau de bord de la Commission européenne montre que la Belgique se classe
en18e position sur vingt-sept États membres pour le nombre de juges à temps plein pour 100.000habi-
tants (COM(2015) 116 final, p. 39). Comme le ministre de la Justice ne cite aucune source documentaire
à l’appui de ses déclarations, il est impossible de déterminer si cette divergence entre la déclaration du
ministre et le tableau de bord de l’Union européenne provient d’une différence dans les méthodes
decalcul, ou si l’affirmation du ministre est simplement inexacte. Alors que le caractère vérifiable de
l’information est l’un des critères essentiels de la démarche scientifique, les auteurs précités n’effectuent
aucune vérification des propos du ministre.
8 Ce critère d’efficience est repris dans le titre du Plan Justice de Koen Geens : Une plus grande efficience
pour une meilleure justice, 18 mars 2015, disponible à l’adresse : http://justice.belgium.be/fr/nouvelles/
autres_communiques/ news_2015-03-18.jsp [22 octobre 2015]. En outre, ce critère est confirmé par la
version néerlandaise de l’exposé des motifs dans les termes « de procedures sneller en efficiënter ver-
lopen ». Selon toute vraisemblance, ce sont ces termes qui ont été traduits par « les procédures se
déroulent plus rapidement et efficacement » dans la version française de l’exposé des motifs (Doc.
parl., Ch., 2014-2015, no54-1219/1, p. 4).
9 Cette définition de la rapidité de la procédure correspond à celle de l’arriéré judiciaire, c’est-à-dire au
retard dans la fixation des causes mises en état et dans le jugement des affaires prises en délibéré
(J.E, « La mise en état de la cause et l’audience des plaidoiries », in J. E (dir.), Le procès
civil accéléré ? Premiers commentaires de la loi du 26 avril 2007 modifiant le Code judiciaire en vue de
lutter contre l’arriéré judiciaire, Bruxelles, Larcier, 2007, pp. 73 et s., spéc. p. 77, no7).
10 L’efficience se distingue de l’efficacité, considérée au sens strict, qui mesure la pertinence du moyen
choisi par le législateur pour atteindre l’objectif visé, et de l’effectivité, qui analyse la mesure dans
laquelle la règle a orienté les comportements de ses destinataires dans le sens voulu. Sur ces différentes
notions, voy. notamment A. F, « L’évaluation législative ou comment mesurer l’efficacité des
lois », Revue européenne des sciences sociales, tome XLV, 2007, no138, pp. 83 et s., spéc. pp. 85-86.
11 Ceci est confirmé par la déclaration suivante du ministre de la Justice en commission : « il devrait être
possible, dans le secteur de la Justice, de maintenir et même d’améliorer les prestations avec moins de
moyens financiers » (rapport de la première lecture, Doc. parl., Ch., 2014-2015, no54-1219/5, p. 47).