Société Astronomique du Valais Romand Page 1 ________________________________________________________________________________ Introduction à la spectrométrie Quatrième partie : la fabrication d'un spectre Lors du dernier article, nous avons vu que la nature nous offrait trois genres de spectres : le spectre continu, le spectre d'émission et le spectre d'absorption. La question fondamentale qui s'est posée : comment la nature fabrique ces spectres ? 1. La série de Balmer En 1885, Angström mesura les 4 longueurs d'onde émises (ou absorbées) par l'atome d'hydrogène dans le visible. Il trouva Hα = 6563 A = 656,3 nm Hβ = 486,1 nm Hγ = 434 nm Hδ = 410,2 nm par Alain Kohler Cette relation fut généralisée en 1888 par le physicien suédois Johannes Rydberg (1854-1919) puis réinterprétée au début du 20ème siècle par le suisse Walter Ritz (natif de Sion en 1878 ! Notons qu'on commémorera cette année le 100ème anniversaire de sa mort) selon la formule : 1/λ = RH ( 1 / p2 - 1 / n2 ) Walter Ritz Johan Jakob Balmer où RH est appelée constante de Rydberg et p et n deux entiers naturels avec n supérieur à p. La série de Balmer correspond à p = 2. Cette formule est vérifiée par la découverte en 1906 de la série de Paschen (p = 3) et entre 1906 et 1914 de la série de Lyman (p = 1), en 1922 de la série de Brackett (p = 3) et en 1924 de celle de Pfund (p = 4). Le physicien suisse Johan Jakob Balmer (18251898) mis en évidence que ces 4 longueurs d'onde satisfaisaient à la relation empirique suivante : 1/λ = G (n2 – 4) / n2 où λ est la longueur d'onde observée, G une constante de ces 4 longueurs d'onde et n prenant ici les valeurs entières de 3, 4, 5 et 6 (mais il y en a d'autres). La série de Balmer 2. Le modèle de l'atome Joseph John Thomson (1856-1940), qui découvrit en 1897 l'électron, proposa en 1904 un modèle de l'atome : celui est une sorte de pudding de charges positives et négatives. En 1909, sous la conduite de Ernest Rutherford (1871-1937), une expérience mit en évidence la déviation de particules alpha par des couches très fines de matière, ce qui lui permit de conclure que l'atome est formé d'un noyau très petit par rapport à sa dimension donnée par le cortège électronique. Rutherford propose alors en 1911 un modèle de l'atome de « type planétaire » : les électrons, comme des planètes, tournent autour du noyau, le « soleil », beaucoup plus massif qu'eux. Société Astronomique du Valais Romand Page 2 ________________________________________________________________________________ Toutefois ce modèle planétaire de l'atome ne résista pas aux apports de l'électrodynamisme qui prédit un rayonnement de l'électron dans sa révolution autour du noyau et par ce fait une perte d'énergie de l'électron et un « effondrement » de celui-ci sur le noyau. gie réalisée donc lors de la transition d'un électron d'un niveau à un autre niveau. Il est à noter que le modèle de l'atome d'hydrogène, s'il correspond assez bien aux observations, ne fut correctement affiné et expliqué que dans le cadre de la mécanique quantique. Pour y remédier, le physicien danois Niels Bohr (1885-1962) proposa les compléments suivants . a) Il existe certaines orbites dites stables où l'électron de rayonne aucune énergie. Ces Niels Bohr orbites sont quantifiées : elles ne forment pas un continuum dans l'espace, autrement dit, et contrairement à la gravitation, seules certaines orbites stables sont possibles. b) Le rayonnement fournit par l'électron n'apparaît que quand celui-ci passe d'une orbite haute à une orbite basse. Corollairement il peut absorber du rayonnement en passant d'une orbite basse à une orbite haute. L'atome d'hydrogène en longueur d'onde En quantifiant (discrétisant) le mouvement cinétique de l'électron (une grandeur liée à la révolution de cet électron autour du noyau), Bohr arrive à quantifier les énergies de l'électron dans l'atome d'hydrogène : En = - 13,6 / n2 (énergie exprimée en électron-volt ou eV) Selon sa deuxième proposition le rayonnement émis a une fréquence f donnée par : h f = En - Ep = 13,6 ( 1 / p2 - 1 / n2) avec h = constante de Planck. En considérant que la longueur d'onde est inversement proportionnelle à la fréquence f, on retrouve bien ici la formule de Rydberg-Ritz. On peut donc admettre que les électrons sont à des niveaux quantifiés d'énergie et que l'énergie du photon émis ou absorbé correspond à une différence de ces niveaux d'éner- L'atome d'hydrogène en énergie Société Astronomique du Valais Romand Page 3 ________________________________________________________________________________ Le spectre d'émission et d'absorption On peut donc maintenant comprendre les spectres discrets (deux dernières lois de Kirchhoff) : un gaz chaud, à basse pression, émet un nombre fini de couleurs bien spécifiées. Une couleur précise est produite par une transition particulière d'un électron d'une couche haute vers une couche basse : l'électron en « tombant » perd de l'énergie et par principe de conservation de l'énergie, cette énergie se transforme ici en rayonnement. On peut par ailleurs comprendre qu'il faille un gaz chaud pour l'émission d'un spectre : les électrons « chauffés » sont alors portés à un haut niveau d'énergie (couches hautes) ce qui leur permet alors de « tomber » et émettre un rayonnement. Corollairement, un spectre d'absorption apparaît plutôt avec un gaz « froid ». Mais alors comment justifier un spectre d'absorption ? En effet, imaginons que du gaz absorbe un rayonnement d'une certaine couleur. L'électron se voit passer à une énergie plus haute. Mais il va alors spontanément descendre à un niveau plus bas. Si bien qu'on pourrait imaginer qu'il y a autant d'absorption que d'émission et le processus global est nul. Pour un gaz en équilibre thermique, c'est bien ce qui se passe ! Mais c'est un problème de géométrie … En effet, admettons qu'un faisceau de lumière (spectre continu) soit envoyé en direction d'un observateur 1. ll traverse un gaz peu dense, se fait absorber puis réémettre. Mais l'émission se fait dans toutes les directions et en fait très peu des couleurs absorbées sont réémises dans la direction de l'observateur 1. Celui-ci perçoit ce manque en terme de spectre d'absorption. L'observateur en 2 voit par contre un spectre en émission mais avec des raies d'intensités faibles. Le spectre continu Le spectre d'absorption Si on a affaire un gaz chaud et à haut pression, les photons émis vont rentrer en collisions de manière très fréquente avec les atomes et vont ainsi être thermalisés : on rencontrera alors une émission globale avec toutes sortes de longueurs d'onde, distribution spectrale en forme de cloche correspondant à celle du corps noir. Pour émettre un tel rayonnement, un corps doit donc être suffisamment opaque. Un nuage ténu d'hydrogène chaud n'émet qu'un spectre discret. Il est à noter que l'atmosphère ténu d'une étoile peut produire des raies spectrales, ce qui fait en sorte que le spectre d'une étoile est en général une combinaison d'un spectre de corps noir et d'un spectre de raies. ___________________________________________________________________________________________