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308 Rev. trim. dr. h. (70/2007)
oppose au lien naturel qui unit les membres d’une même famille la loi
qui «impose par la force nombre de choses contraires à la nature» (3).
Dans Les Lois, l’Athénien dénie qu’aucune loi soit juste par nature,
les lois étant l’objet de disputes et de changements, chacun desquels
s’est effectué artificiellement (4). Après avoir évoqué les opinions des
sophistes sur ce point, Aristote distingue à l’intérieur du juste politi-
que une détermination qui est naturelle parce qu’elle
«possède en tout lieu même valeur et qui ne dépend en rien
du fait que l’opinion publique lui accorde ou lui refuse cette
valeur» (5).
Et il poursuit :
«Appartient au contraire au juste conventionnel ce qui, à
l’origine, peut être indifféremment fait de telle ou telle façon,
mais qui ne le peut plus une fois que l‘on a posé qu’il faut agir
de telle façon déterminée» (6).
Dans la Rhétorique, Aristote oppose aux lois particulières, qui
régissent chaque cité, les «lois communes», lesquelles «semblent être
reconnues par le consentement universel» (7).
La philosophie grecque relayée par les Stoïques et par Cicéron a
inspiré les jurisconsultes romains de l’époque impériale. Ceux-ci dis-
tinguent du droit de la cité (ius civile), appartenant en partage aux
seuls citoyens, un droit qui serait commun à tous les peuples et
qu’ils appellent pour ce motif ius gentium, mais qu’ils dénomment
aussi ius naturale ou lex naturalis. Le ius gentium a été élaboré par
une jurisprudence prétorienne afin d’élargir les bornes du ius pro-
prium ipsius civititatis, car il permet aux non-citoyens d’accéder à
des institutions tenues pour naturelles, le mariage, le contrat, les
successions, la réparation des dommages. Ainsi entendu, le ius gen-
tium est une branche du droit romain régissant les non-citoyens (8).
En certains passages, le droit naturel serait commun aux hommes
et aux animaux (9). Le droit naturel stoïcien est construit sur
(3) Protagoras, 337 b-d.
(4) Les Lois, X, 889c-890a.
(5) Ethique à Nicomaque, V, ch. VII, 1134 b 19.
(6) Ethique à Nicomaque, V, ch. VII, 1134 b 20. Il ajoute encore : «Et néanmoins
il y a une justice dont la source est la nature et une justice dont la source n’est pas
la nature» (1134 b 27).
(7) Rhétorique I, 10, 1368 b 7.
(8) Gaius, Digeste, Lib. I, Tit. I: De iustitia et iure, 9, résumé d’un texte plus
développé, Institutes, Lib. I, Tit. II, De iure naturali et gentium et civili, 1-2.
(9) Ulpien, Digeste, Lib. I, De iustitia et iure, I, 3.