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1. Les deux dimensions de l’intimité : le « secret » et le « profond ».
Nos dictionnaires actuels proposent deux acceptions du terme « intimité » :
d’une part, ce terme définit ce qui est « tout à fait privé et généralement tenu caché aux
autres » ; d’autre part, il désigne « la réalité profonde, l’essence d’un être conscient, ce
qui est contenu au plus profond d’un être ». Il y a donc « le secret », et « le profond ».
Nous retrouvons ces deux dimensions dans la définition qu’en donne Lalande (2002,
pp.533-535) : « Intime : intimus est le superlatif dont interior est le comparatif. L’idée
générale est donc : ce qui est le plus intérieur aux différents sens de ce mot. 1. Intérieur
(au sens où ce mot s’oppose à public, extérieur, manifesté). Est intime ce qui est fermé,
inaccessible à la foule, réservé ; par suite, ce qui est individuel, connu du sujet seul, soit
accidentellement, soit essentiellement et par nature. (…) 2. Intérieur (au sens où ce mot
s’oppose à superficiel) ; profond ; qui tient à l’essence de l’être dont il s’agit ; qui en
pénètre toutes les parties ; ‘connaissance intime d’une question, d’un auteur’ – ‘union
intime de deux corps, de deux qualités’ – ‘conviction intime’. (…). Intimité s’applique
aussi bien au caractère propre d’un petit cercle fermé qu’à la pénétration réelle et à
l’union intérieure des esprits. Une ‘lettre intime’ est d’abord ce qui s’oppose, même
légalement, à un écrit public ; et, comme telle, peu importe qu’elle consiste en propos
insignifiants, ou même en plaisanteries. Mais on peut entendre aussi par là une lettre qui
exprime le sentiment ou la pensée ‘intimes’ de son auteur, c’est à dire le fond de son
caractère ou de son opinion. Aussi ce terme favorise-t-il grandement la confusion de ce
qui est subjectif, individuel, privé, avec ce qui est solide, profond, essentiel. (…).
[L’équivoque] se rencontre surtout dans les jugements d’appréciation par lesquels on
attribue à ce qui est intime au sens 1, c’est à dire individuel, l’importance morale et la
valeur métaphysique qui appartiennent à ce qui est intime au sens 2, c’est à dire
essentiel et fondamental » (Lalande, 2002, pp.533-535). Afin de montrer que le
deuxième sens d’intime peut éventuellement n’avoir rien en commun avec le premier
(le secret), l’auteur donne en exemple « une personnalité profonde qui développe ce
qu’elle a de plus ‘intime’, ce qui la constitue le plus essentiellement, par le fait de se
communiquer à plusieurs esprits et de s’élargir à son tour par leurs actions » (Lalande,
2002, p.535).
Dans sa dimension « secrète », la vie intime est composée des éléments que
l’individu peut désirer tenir secrets face aux personnes qui l’entourent. Ce qui en fait
une dimension « relative, contextuelle, relationnelle » puisque par exemple, face à notre
employeur et nos collègues de bureau, nos conversations téléphoniques avec nos amis
appartiennent à notre vie privée ; tandis que face à nos amis, ce sont d’autres tranches
de notre vécu que nous voulons tenir secrètes. Il s’agit d’une logique de monopole
informationnel sur les données personnelles : l’intime renvoie à cet ensemble
d’éléments et d’informations personnelles dont nous désirons avoir la maîtrise en termes
de secret ou de diffusion informationnelle (Arnaud, 2006, 2007).
Dans sa dimension « profonde », la vie intime est composée des éléments qui ont
trait à l’identité de la personne, à sa personnalité, à l’essence de son être, à ce qui fait
d’elle une personne unique. Tous les éléments qui caractérisent un individu et qui
composent sa personnalité profonde, font partie de ce champ de l’intime (opinions
politiques, convictions idéologiques, croyances religieuses, etc., mais aussi les traits de
personnalité du sujet, son caractère, ses pensées et ses émotions). Dans la lignée de
Lalande (2002, p.535) qui évoque « une personnalité profonde qui développe ce qu’elle
a de plus intime (…) par le fait de se communiquer à plusieurs esprits et de s’élargir à
son tour par leurs actions », cette dimension de l’intimité nous semble être dynamique,