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des agents économiques. Elles ouvrent ou ferment les champs du possible pour les entreprises privées et des
champs de responsabilité pour le secteur public. Elles affectent les déterminants fondamentaux de l’activité
économique et du bien-être social »
. Se dessine ainsi une distinction importante entre le concept de réforme
structurelle et la politique macroéconomique traditionnelle : dans le premier cas, l’objectif est défini à moyen
terme, souvent sur des bases microéconomiques alors que, dans le second cas, il s’agit d’une gestion à
relativement court terme de l’activité via les instruments à la disposition des autorités (politiques budgétaire et
monétaire), ces dernières pouvant prendre une orientation d’offre ou de demande selon les cas. Ainsi, en
prenant trois exemples concrets : 1) mettre en place une politique de modération salariale permettant aux
entreprises de rebâtir des marges est une politique macroéconomique de l’offre sans être une réforme
structurelle ; 2) donner son indépendance à la banque centrale est une politique de gestion de la demande et a
le caractère de réforme structurelle ; 3) créer un salaire minimum est une réforme structurelle (cf. débat en
Allemagne), mais modifier son niveau est une décision de politique économique. Dans certains cas, cette
distinction peut se muer en opposition : en effet, bien que ciblant le moyen terme, la plupart des réformes
structurelles ont un impact à court terme, et ce dernier peut être négatif (coût, perdants…). Dans ce cadre
d’arbitrage inter-temporel très politique, la question du « coût » de la réforme est clairement posée, l’évaluation
de ce dernier jouant un rôle décisif à l’heure des décisions.
3. Réforme structurelle = réforme réussie ? Le cas de la France
Le discours portant sur la nécessité de la réforme structurelle peut laisser croire que celle-ci est intrinsèquement
positive. Naturellement, toute réforme de ce type se présente comme une amélioration du fonctionnement du
système en accompagnant, voire en anticipant, les mouvements à l’œuvre. Certaines ont joué ce rôle : il en est
ainsi en France des réformes successives des retraites à partir de 1993 (y compris le volet allongement de la
durée de cotisation de la réforme de 2013), dont le rapport Moreau a montré l’importance (cf. flash éco du
14 juin) malgré les déficits prévisionnels du système à l’horizon 2020. De la même façon, la création récente d’un
Haut conseil des finances publiques et le renforcement de la gouvernance économique européenne sont des
réformes structurelles qui, bien que d’apparence technocratiques, contraignent le Gouvernement à mieux
étayer ses choix vis-à-vis des citoyens et à expliquer, le cas échéant, les écarts à la prévision. D’autres réformes
structurelles partaient d’une idée forte, mais leur mise en œuvre opérationnelle conduit à porter un jugement
mitigé sur leur efficacité : il en est ainsi de la création de Pôle Emploi en 2008. Si le contexte de récession
économique n’a pas favorisé la mise en place de l’opérateur unique, la fusion Assedic (indemnisation)-ANPE
(placement) a permis une plus grande cohérence dans la prise en charge des demandeurs d’emploi sans
toutefois remédier aux faiblesses persistantes en la matière (prédominance des objectifs de moyens face à ceux
de résultats, standardisation des procédures, non adaptation des effectifs à la conjoncture)
. Enfin, un exemple
de réforme structurelle d’envergure apparait avec le recul comme clairement négatif d’un point de vue
macroéconomique : le passage de l’âge légal de la retraite à 60 ans en 1982. En effet, cette décision allait à
rebours des évolutions démographiques déjà présentes à l’époque (progression de l’espérance de vie) et celles à
venir (« papy boom » prévisible des années 2000). Sur le marché du travail, elle a profondément modifié les
équilibres en introduisant un « couperet » qui explique sans doute la précocité de la sortie des salariés du
marché du travail en France par rapport à ses principaux concurrents.
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Omniprésente dans les débats économiques, la réforme structurelle se heurte à une difficulté conceptuelle
importante : il est délicat de la définir précisément. De ce fait, l’évaluation objective coûts-bénéfices est
complexe, nécessite du recul et suppose des instruments de mesure définis en amont. Ceci a le mérite de briser
l’idée selon laquelle toute réforme structurelle est nécessairement bénéfique au plan macroéconomique. Dès lors,
l’importance des transformations à opérer pour dynamiser l’économie et réduire le chômage exige de l’ensemble
des promoteurs des « réformes structurelles » qu’ils explicitent de façon systématique le contenu sous-jacent,
faute de quoi le concept apparaîtra, au mieux, mal défini et, au pire, imposant un parti pris théorique. Or, ce
dernier n’est pas problématique en soi à condition d’être affiché et étayé de façon sérieuse.
Voir « Réformes structurelles du marché du travail et politiques macroéconomiques », E. Malinvaud, Revue de l’OFCE, juillet 2003.
On lira avec intérêt l’ouvrage de B. Martinot « Chômage : inverser la courbe », 2013. Voir notamment le chapitre « La longue marche de
Pôle emploi ».