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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
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« On connaissait bien les ichtyosaures au début de leur histoire (Trias-Jurassique - de -250 à -150 millions
d'années), rappelle Valentin Fischer, mais pas au Crétacé. Notamment en ce qui concerne leur diversité. »
Les paléontologues avaient dès lors formulé trois hypothèses quant à leur disparition. La première était celle
du lent déclin, sans raison précise. La deuxième faisait intervenir la compétition entre organismes. L'arrivée
de nouveaux poissons rapides vers le milieu du Crétacé ou de nouveaux reptiles comme le mosasaure, plus
forts, plus rapides, auraient contraint les ichtyosaures à la disparition. La troisième supposait une disparition
de leur nourriture. Il était en effet convenu qu'ils ne mangeaient qu'un aliment, des petits céphalopodes de
type bélemnite. Et ceux-ci ayant en partie disparu, les ichtyosaures auraient suivi. « Ces trois hypothèses ont
cependant un point commun, explique Valentin Fischer : elles présupposent que les ichtyosaures étaient peu
diversifiés au Crétacé, qu'il y avait peu d'espèces et qu'ils ne savaient pas répondre aux changements de
compétition, de nourriture. » Dans sa thèse de doctorat, Valentin Fischer a donc examiné quantité de fossiles
issus du Crétacé pour voir quelle était la diversité à cette époque et la comparer avec le Jurassique.
Résultat ? Contrairement à ce qu'on pensait, beaucoup d'espèces différentes au niveau de la taille, de la
forme des dents et du crâne ont cohabité au Crétacé. Face à cette constatation, il était permis de déduire
que l'extinction des ichtyosaures a donc été quelque chose d'assez abrupt puisqu'il y avait de nombreuses
espèces différentes provenant d'une radiation qui s'était produite il y a longtemps et qui avaient des formes
différentes occupant des niches écologiques différentes. « Ma thèse s'arrêtait sur cette constatation, explique
Valentin Fischer. Lors de mon post doc, d'abord à Liège puis à Oxford, j'ai décidé de faire ce qu'on appelle
de la paléontologie quantitative. C'est-à-dire quantifier l'évolution de la diversité et de l'extinction. Est-elle
abrupte ? Est-ce que cela va toucher aussi les niches écologiques des ichtyosaures ? »
Trois niches
Les résultats de ces recherches publiés dans Nature Communications viennent corroborer et compléter
la thèse du chercheur liégeois. Il semble en effet y avoir eu à la fois une diversité (le nombre d'espèces
différentes) et une disparité (le nombre de morphologies différentes) importantes chez les ichtyosaures au
Crétacé. « Et, précise Valentin Fischer, ils n'avaient jamais été aussi disparates depuis la fin du Trias (210,
220 millions d'années). En outre, cette disparité semble avoir duré jusqu'au milieu du Crétacé : on a un pic de
disparité vers 120, 130 millions d'années. Et cela allait de pair avec le fait qu'on semble avoir aussi beaucoup
d'espèces. »
Les chercheurs ont également analysé les niches écologiques des ichtyosaures au Crétacé à partir de mesures
des crânes et des dents et, dans certains cas, à partir du contenu stomacal. Il s'en est dégagé trois groupes
bien distincts. Le premier se définit par une population possédant de grosses dents, usées, souvent cassées.
Et c'est uniquement dans des animaux appartenant à ce groupe que les estomacs contenaient des restes de
tortues, gros poissons ou oiseaux. Ils semblent donc être au sommet de la chaîne alimentaire. Un deuxième
groupe se caractérise par une population d'ichtyosaures ayant de très petites dents, très fines, sans rapport
avec la taille de l'animal. Leur estomac contenait des restes de céphalopodes mais sans doute mangeaient-
ils aussi des petits poissons Ce sont eux aussi qui ont les yeux les plus grands (sans doute les plus grands
du monde animal avec des pupilles dépassant les 10 cm de diamètre !), faisant d'eux des plongeurs en
eau profonde. Enfin, un troisième groupe présente les caractéristiques précises des deux autres. « On se
trouve donc bien face à des espèces différentes d'ichtyosaures qui, par convergence, vont occuper trois
niches écologiques distinctes, résume Valentin Fischer. Et ces niches vont perdurer presque jusqu'à leur
extinction. Autrement dit, dans la majeure partie de leur règne et jusqu'à peu avant leur disparition, ils sont très
diversifiés. Une diversification qui rend caduques les trois hypothèses émises auparavant sur leur disparition,