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comme  medium  de  lʼexpression  du  corps.  La  fonction  langagière,  est  comprise  dʼemblée 
chez lʼhomme comme une existence concrète de certaines « images verbales ». Pour notre 
auteur, il  sʼagit  de  saisir  des  traces  quʼont  laissé  en  nous  les  mots  que  nous  avons  nous-
mêmes prononcé, ou ceux que nous avons entendu. Le point de départ de Merleau-Ponty, 
est  de  réaffirmer  que  le  corps  a  bel  et  bien  une  expression,  et  celle-ci  sʼaccomplit  dans  la 
parole comme langage articulé. Comprendre de fait ce corps, cʼest le vivre, et la conviction 
profonde  de  Merleau-Ponty,  est  quʼil  convient  de  garder  des  distances  par  rapport  à 
lʼapproche cartésienne qui a voulu opérer une distinction radicale entre lʼobjet et le sujet, et 
de là dirions-nous, entre lʼâme et le corps. 
 Au sens général, la parole est pour Merleau-Ponty, « un être de raison », puisquʼelle 
est profondément enracinée dans la vie mentale ; cʼest ce qui fait quʼelle soit assez souvent 
sujette  à  des  pathologies  qui  troublent  non  seulement  lʼélocution,  mais  aussi  la  capacité 
dʼécrire, comme  cʼest  le  cas  avec  lʼaphasie.  Ici, le  mot  doit  pouvoir  être  plus  quʼun  simple 
revêtement  de  la  pensée,  il  doit  avec la  parole  aller  au-delà  de  la  simple  désignation  de 
lʼobjet ou de la pensée, « pour devenir la présence de cette pensée dans le monde sensible, 
et, non pas son vêtement, mais son emblème ou son corps »9. Le langage est ainsi compris 
comme une activité intentionnelle qui part du corps propre pour retrouver sa pureté originelle 
dans le monde. Ce qui atteste lʼinhérence de la parole au corps, cʼest le constat qui est fait 
en cas dʼanomalies de fonctionnement du langage. Elles ne peuvent en effet être comprises, 
sans quʼelles ne touchent non seulement le corps du mot, mais aussi le dispositif matériel qui 
permet  lʼexpression.  Il  apparaît  donc  quʼun  homme  dont  les  fonctions  corporelles 
anatomiques  ou  neurologiques  fonctionnent  mal,  aura  nécessairement  des 
disfonctionnements locutoires. La phénoménologie du langage dont parle Merleau-Ponty, est 
en fin de compte un aboutissement ou une extension de la capacité expressive du corps. Le 
langage  est  finalement  compris  avec  le  temps,  comme  deux  dimensions  qui  enveloppent 
lʼobjet et tentent de le saisir de façon globale. La parole quant à elle, est comprise comme ce 
qui opère la synthèse et lʼunion retrouvée entre lʼobjet et le sujet, telle semble être la tentative 
de réponse donnée par Heidegger. 
Le sens que donne Heidegger à la parole est essentiellement ontologique, car cʼest 
par la parole que se manifeste lʼêtre. Cette parole, affirme Heidegger, nʼest pas en premier 
lieu lʼexpression dʼune opinion, mais dʼemblée lʼarticulation protectrice de la vérité de lʼétant 
en  totalité,  cʼest-à-dire  de  lʼêtre,  puisquʼil  est  convaincu  que  le  sens  de  la  parole  déborde 
largement le cadre dʼun acte expressif. La parole est au contraire une articulation qui protège 
la  vérité  même  de  lʼêtre.  Cʼest  la  raison  pour  laquelle,  Heidegger  dit  dʼelle  quʼelle  est : « la 
maison  de  lʼêtre »10.  Il  en  sera  de  même  du  langage ;  en  se  sens  quʼil  porte, de  par  son 
essence,  cette  caractéristique  particulière  liée  à  lʼêtre.  Et  à  la  suite  de  la  parole,  notre 
philosophe va définir le langage en ces termes : « le langage est la maison de lʼêtre. Dans 
son abri, habite lʼhomme »11. De ce qui précède, nous voyons que langage et/ou parole sont 
deux lieux où demeure lʼêtre ; lieux où il se cache et est appelé à sʼarticuler dans sa vérité 
essentielle. Quel  est donc  finalement le sens de  « habiter » ? Notre auteur nous renseigne 
sur  la  question,  en  montrant  que  « si  nous  parvenons  à  penser  le  verbe  « habiter »  avec 
suffisamment dʼampleur et de sens il nous nomme la façon dont les hommes accomplissent 
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9 Idem, p. 212. 
10 M. HEIDEGGER, Acheminement vers la parole, Paris, Gallimard, 1976, p. 255. 
11 M.  HEIDEGGER,  Lettre  sur  l’humanisme,  in Questions  III, Le  chemin  de  campagne. L’expérience  de  la 
pensée. Hebel. Lettre sur l’humanisme. Sérénité, Paris, Gallimard, 1966. p. 74