Mycologie Tropicale Pr L. Delhaes Laboratoire de Parasitologie-Mycologie, CHU, Université de Bordeaux INSERM U1045 – équipe 2 Introduction Mycoses Paludisme Parasitoses digestives DALYs = Années de vie ajustées sur l'incapacité: le somme des années de vie potentielle perdues en raison d'une mortalité prématurée et des années de vie productives perdues en raison d'incapacités par maladie. [A 10-Year Perspective from the National Institute of Allergy and Infectious Diseases; Fauci et al. Emerging Infectious Diseases 2005] => Mycoses notamment profondes occupent une place de plus en plus importante en pathologie infectieuse dans tous les pays. Introduction Différencier : Les mycoses profondes cosmopolites, infections opportunistes : candidoses, cryptococcoses, aspergilloses, pneumocystose Des mycoses profondes tropicales avec formes de dissémination (histoplasmoses, coccidioïdomycose, pararacoccidioïdomycose, blastomycose, sporotrichose, pénicilliose) ou Sous-cutanées (chromomycoses, mycétomes fongiques, zygomycoses) Mycoses à champignons dimorphiques Les champignons dimorphes Agents de nombreuses mycoses tropicales Evoluent sous 2 formes • Forme filamenteuse • Milieu extérieur • Contient les conidies (spores) = forme infectante • Obtenue sur culture fongique Histoplasma sp. H. capsulatum • Forme levure • Forme parasitaire • Dans les lésions humaines ou animales • Obtenue sur culture uniquement sur milieu et condition spécifiques Surrénale: H. capsulatum var. capsulatum Pas de présence simultanée des 2 formes dans lésions Dimorphisme = adaptation ++ à environnement (nutriment, T°, RI…) Histoplasma Paracoccidioides brasiliensis. Sporothrix schenckii Coccidioides immitis C. posadasi [Eduardo dei-Cas] Mycoses tropicales à champignons dimorphes Agents exosaprophytes • A porte d’entrée respiratoire • A porte d’entrée cutanée – Sporotrichose – Histoplasmoses – Chromomycose – Blastomycoses – Paracoccidioïdomycose – Coccodioïdomycose • + A porte d’entrée cutanée – Mycétome (dont les Phaeohyphomycoses champignons noirs) - Pas de transmission interhumaine – Penicilliose (P. marneffei) Modes de contamination Pathogènes : différents Candida spp., Pneumocystis spp., Aspergillus spp., Cryptococcus neoformans Exosaprophyte [E. Dei-Cas] Traumatisme cutané (piqure végétale) => Mycétome Modes de contamination Pathogènes : différents Candida spp., Pneumocystis spp., Aspergillus spp., Cryptococcus neoformans Endoaprophyte [E. Dei-Cas] Modes de contamination Pathogènes : différents Candida spp., Pneumocystis spp., Aspergillus spp., Cryptococcus neoformans Transmission interhumaine [E. Dei-Cas] Transmission inter-humaine, exosaprophyte? Généralités Principales mycoses liées à des champignons dimorphes - Histoplasmose -> Histoplasma capsulatum - Paracoccidioïdomycose -> Paracoccidioides brasiliensis - Coccidioïdomycose -> Coccidioides immitis - Blastomycose -> Blastomyces dermatitidis - Penicilliose -> Penicillium marneffei - Sporotrichose -> Sporothrix schenkii - Chromomycose -> divers champignons dématiés (ou Phaeohyphomycètes ou champignons noirs) Mycoses profondes tropicales avec dissémination Histoplasmose 2 formes : (i) forme américaine à H. capsulatum variété capsulatum ou histoplasmose à petites formes ou maladie de Darling (ii) Forme africaine à H. capsulatum variété duboisii ou histoplasmose à grandes formes Forme américaine étant la + fréquente Histoplasmose à Histoplasma capsulatum var. capsulatum (à petite forme) Histoplasma capsulatum -> Mycose profonde due à un champignon dimorphique encapsulé Histoplasma capsulatum Histoplasmose à Histoplasma capsulatum var. capsulatum Histoplasmose à H. capsulatum var. capsulatum Dans les fientes d’oiseaux et le guano (riche en N) des chauves-souris (porteuse dans TD) ; grottes -> inoculum +++ (inhalation de spores) Infection opportuniste du sida Les zones d’endémie = Am du nord (centre et sud-est des USA), Am. centrale et Am. du sud, Antilles (Haiti+++), Afrique tropicale, Af du sud, Asie et Océanie (NelleCalédonie) Histoplasmose disséminée (2010 – La réunion) post-transplantation rénale Biothérapie, ID (2% des transplantés rénaux à Indianapolis) !!! [van Welzen BJ,et al. Severe cholestasis due to disseminated histoplasmosis under adalimumab-containing immunosuppressive therapy. Clin Res Hepatol Gastroenterol. 2013 Sep;37(4):e105-7.] Histoplasmose à H. capsulatum var. capsulatum Asymptomatique Incubation courte (7-21j) 50 à 90% des cas Fièvre toux dyspnée RP+++ infiltrats nodulaires +/- diffus avec adénopathies médiastinales Pulmonaire aigue +fréquente des f. symptoma-tiques (60%) Disséminée Pulmonaire chronique Pseudo tuberculose (<10%) Toux, dyspnée, hémoptysie RP+++ aspects cavitaires Évolution vers I. Resp et cœur pulmonaire chronique (militaires de Guyane française) Inflammation ++ (péricardite…) Histoplasmose à Histoplasma capsulatum var. capsulatum H. capsulatum var. capsulatum : Diagnostic Diagnostic Mycologique LBA, Sang, Moelle, Biopsie cutanée… ED (levures+++ 37°C) Culture (f. filamenteuse+30°C) -> manipulation sous PSM croissance lente 10-30j ADN fongique par PCR Ag polysaccharidique + sang/urine (Kit qu’aux USA) Réaction croisée avec GM Se=76.9% ; Sp=100% ; seuil à 0.5 [Iriart et al. Int J Med Microbiol 2014] Petites levures ovales ou rond (3-4µm) + pseudocapsule intra-macrophagiques/histiocytaires H. capsulatum var. capsulatum : Diagnostic Séroimmunologie Ag totaux pour immunodiffusion: Ouchterlony/IE/ES Bande H : activité glucuronidase témoin d’une histoplasmose aigue, se négative dans les 6 mois postinfection Bande M : activité catalase persistant + longtemps ->Bonne Sensibilité chez IC (80%) mais 50% chez ID; bcp de réactions croisées avec d’autres dimorphiques IDR à l’histoplasmine + papule > 6mm à 48h Intérêt épidémiologique en zone d’endémie Traitement TTT des f. pulmonaires chroniques, disséminées et neurologiques [Reco IDSA 2015 – Les candidémies AmB liposomale si suspicions d’une lévurose autre que Candidose dont histoplasmose chez le non-neutropénique; Papas et al. 2015] [Reco IDSA 2007; Pr Pierre Aubry, Dr Bernard-Alex Gaüzère] Histoplasmose à Histoplasma capsulatum var. duboisii (à grande forme) Histoplasmose à H. capsulatum var. duboisii Bcp moins fréquente Restreinte à Afrique et Madagascar Non considérée comme affection opportuniste Épidémiologie mal connue (isolée chez H et singes babouin et cynocéphales) Biotope ? : seul isolement du sol connu à ce jour = grottes et guano au Nigeria Plus rarement décrite chez le patient VIH+ Clinique différente (cutanée et osseuse+++) Histoplasmose à H. capsulatum var. duboisii Atteintes cutanées Les + fréquentes papule/nodule Visage (ressemblant au molluscum contagiosum) Atteintes souscutanées Atteintes osseuse Atteintes viscérales Atteintes lytiques Abcès, masses sous-cutanées Thorax Formes disséminées possibles, rares (localisations multiples : maxillaire, crâne, genou, colonne vertébrale) Pulmonaire, H, S, Surrénaliennes Histoplasmose à Histoplasma capsulatum var. duboisii Levure à bourgeonnement polaire ou bipolaire Histoplasmose à Histoplasma capsulatum var. duboisii Lyse osseuse Pseudo molluscum contagiosum H. capsulatum var. duboisii : Diagnostic Diagnostic Mycologique Pus, sérosité, ganglion… ED primordial, affirme le diagnostic (grandes levures+++) Culture sous PSM car très contagieuse (f. filamenteuse+) -> CNRMA identique à H.c var. capsulatum ADN fongique par PCR Histologie ==> réaction granulomateuse à cellules géantes Histoplasmose à Histoplasma capsulatum var. duboisii Frottis de pus : Grande cellule bourgeonnante (10-15 µm) à base étroite Traitement AmB 0,7-1 mg/kg/j -> 2g en dose totale/cure Relais par Itraconazole p.o. 200-400 mg/j -> 1 an charge fongique (drainage d’abcès…) Surveillance clinique, radio et bio Rechute / rémission La paracoccioïdomycose ou blastomycose sud-américaine ou maladie de LutzSplendore-Almeida <- Paracoccidioides brazilensis Maladie du continent américain (Am centrale et du sud sauf le Chili) en particulier les zones forestières et humides du Brésil et zones productrice de café La paracoccioïdomycose ou blastomycose sud-américaine ou maladie de LutzSplendore-Almeida Biotope = Sol = infection opportuniste du sida Forme asymptomatique possible Forme aiguë Mortelle (3-5% cas) Atteinte cutanée (papulopustules, lésions nodulaires végétantes, placards infiltrés) Atteinte muqueuse (bouche, amygdales, larynx, conjonctive, nez, anus) Atteinte multiviscérale (ganglions, rate, foie, intestin, surrénales, cœur, os, appareil génito-urinaire, méninges) Forme chronique - Atteinte pulmonaire (toux) + grandes opacités à RP -Atteinte cutanée et buccale : la + fréquente Associée à une tuberculose fréquente en zone d’endémie (15-20%) ≠ Leishmaniose (PCR) Paracoccidioidomycose à Paracoccidioides brasiliensis Diagnostic et traitement d’une paracoccioïdomycose Le diagnostic de certitude =>mycologique A partir de plvt peau, muqueuse, expectoration, biopsie ED +++ élément lévuriforme avec bourgeonnements en « roue de timonier » ou « roue de gouvernail » Culture sur milieu de Sabouraud Recherche d’ADN par PCR possible Le traitement = azolés itraconazole 100 - 300 mg/j -> 6 à 12 mois ou voriconazole indiqué en cas d’atteinte méningée Paracoccidioidomycose J. Rodriguez Vindas, Costa Rica University Coccioïdomycose ou maladie de Pasadas et Wernicke <- Coccidioïdes immitis /C. posadasi Biotopes : sol des régions chaudes, sèches, désertiques et semidésertiques du continent américain (atmosphère poussiéreuse et vents de sable; été chaud / hivers froid / pauvre en eau) Californie – Arizona+++; Nord du Mexique++ Am. du Sud +/- Coccidioides immitis Coccidioides posadasi Coccioïdomycose ou maladie de Pasadas et Wernicke Conidies & Arthrospores véhiculées dans la poussière de sol -> dissémination via vent/tempête de sable/excavation -> épidémie 100 000 infections/an aux USA -> pb de santé publique dans certains états des USA Infection opportuniste du sida (jusqu’à 10% des séropositifs en zone d’endémie) Primo-infection pulmonaire par inhalation 60% asymptomatique (IDR positive) 40% syndrome grippal ou atteinte pulmonaire (nodule) guérison spontanée en 2-3 sem Parfois complication Disséminée : pulmonaire (miliaire), méningée, cutanée et sous cutanée avec lésions fistulisées chez les sujets immunodéprimés. Susceptibilité accrue chez certains groupes ethniques (noirs, indiens) Coccidioidomycose Diagnostic et traitement d’une coccioïdomycose Diagnostic = mycologique Sur LBA, pus, sang, biopsies cutanées ED++++ : spérules + endospores Culture rapide 7j sous PSM (contagiosité +++) PCR possible (zone d’endémie) +/- sérodiagnostic Pas de traitement de la primo-invasion si le sujet est sain, IC Ttt si terrain est à risque ou la symptomatologie sévère itraconazole ou fluconazole 200 à 400 mg/j -> 3-6 mois Si insuffisance respiratoire ou atteinte méningée: AmB iv ou IT; puis relais par l‘itraconazole (fluco) -> 3-6 mois Coccidioidomycose Coccidioides immitis C. posadasi Blastomycose <- Blastomyces dermatitidis Endémique Centre – sud des USA -> grands lacs canadiens Sporadique Am. du sud, Afrique, Asie Niche écologique mal connue : sol humide, végétaux en décomposition, pH acide Cas groupés [Humains+ animal (chien)] Activités en forêt, scoutisme, travaux d’excavation Primo-infection pulmonaire inhalation ->asymptomatique le plus souvent (IDR+ 30-60% de pop en zone endémique) Evolution de pneumopathie -> résolution -> f. chronique -> disséminée (peau+++) -> réactivation (ID) Blastomycose : Diagnostic et traitement <- Blastomyces dermatitidis Endémique Centre – sud des USA -> grands lacs canadiens Sporadique Am. du sud, Afrique, Asie Niche écologique mal connue : sol humide, végétaux en décomposition, pH acide Cas groupés [Humains+ animal (chien)] Activités en forêt, scoutisme, travaux d’excavation Primo-infection pulmonaire inhalation ->asymptomatique le plus souvent (IDR+ 30-60% de pop en zone endémique) - incubation (1 mois) -> sd pseudogripal -> résolution lente Evolution de pneumopathie -> résolution -> f. chronique -> disséminée (peau+++/os) -> réactivation (ID, dissémination hématogène) Blastomycose à Blastomyces dermatitidis Blastomycose : Diagnostic et traitement Diagnostic mycologique MEE du micromycète dans LBA, expectoration, grattage dermique, pus, urine… Sur coupes histologiques : Granulome avec levures intraet/ou extracellulaires Culture lente 2-4 semaines Traitement Primo-infection pulm : sans TTT Toutes les autres formes sont à TTT (AmB / ITC) Penicilliose <- Penicillium marneffei Rats de bambou (hauts plateaux du Vietnam) =>1ère découverte 1956 ID – SIDA (années 90) =>1er cas humain 1959 Zone endémique limitée : Thaïlande Du nord, sud de la Chine, Vietnam, Laos, Taiwan, Indonésie, HongKong, (Inde) Penicilliose <- Penicillium marneffei Biotope : Bambou + rats de bambou (altitude modérée) (rat seul hôte connu avec H) Contamination : respiratoire ? rôle des rats? Cas locaux >>>> Patients sidéens (cas importés) Déficit profond de l’I. Cellulaire -> Clinique AEG + fièvre persistante constante Lésions cutanées évocatrices+++ (70% cas) : papules à centre nécrotique et ombiliqué de la face, du tronc, des membres inférieurs Resp: Toux + Infiltrat diffus à RP Anémie (80%), +/- pancytopénie HSM (>50%), adénopathies(>50%) Penicilliose : Diagnostic et traitement -> Diagnostic est mycologique : • MEE de levures arrondies ou ovalaires à cloisons transversales ++++caractéristiques (coloration PAS) • Culture + milieu de Sabouraud (sang, biopsie de moelle, lésions cutanées, expectoration) pousse en 48h avec pigment rouge • Diagnostic par PCR parfois utile • GM+ (hétéropolysaccharide présent sur paroi de Penicillium sp.) <- TTT : appel à AmB & ITC (parfois VRC) Pénicilliose à Penicillium marneffei Pénicilliose à Penicillium marneffei Penicillium marneffei Sporotrix schenckii Atteinte dermato-lymphangitique des membres -> lésions nodulaires ulcérées en chapelet (gommes) Corps en cigare Corps astéroïde (HES) Sporotrichose (Selon Mackinnon) (Eduardo Dei-Cas) Mycetome tuméfactions sous-cutanées d’évolution chronique, fistulisées Inoculation traumatique/vegétaux e Pied de Madura » Mycetome fistules -> « pus » contenant des grains noirs (Madurella sp.) ou blancs (P. boydii)… parfois visibles à l’œil nu. (i) ≠ des mycétomes actinomyccosiques (ii) bilan osseux (iii) ITC + chir Enchevêtrement compact de fm (Nocardia asteroides) Mycetome Mycétome à grain noir Leptosphaeria senegalensis Coupes histologiques d’un grain