
1. Introduction
Reconnaitre un organisme conscient est un challenge non résolu. Lorsque nous tentons d’évaluer
l’état de conscience des êtres humains qui nous entourent, nous nous basons essentiellement sur le
rapport subjectif qu’ils sont capable de faire. Si une personne est capable de communiquer le fait
qu’elle se sent subjectivement consciente, dans un contexte où il est improbable que cette réponse
soit due au hasard, nous admettons que cette personne est consciente. Lorsque des patients perdent
la capacité de communiquer avec l’extérieur, poser la question de l’état de conscience devient
complexe. Malgré tout, ce diagnostique est crucial pour adapter la prise en charge clinique des
patients en état apparemment végétatif. Récemment, ce problème a reçu une attention particulière
de la part des cliniciens, qui commencent à exploiter l’imagerie fonctionnelle, en particulier l’IRM
fonctionnelle, comme interface de communication avec des patients potentiellement conscients
mais prisonniers de leur corps [1]. Si ces méthodes ont permis d’obtenir des résultats spectaculaires
sur quelques cas, elles souffrent de divers inconvénients. D’une part les protocoles IRM sont couteux
et complexes à mettre en place de façon systématique, d’autre part, les méthodes utilisées
demandent que le patient maintienne une imagerie mentale sur de longues périodes, ce qui requiert
une attention soutenue. Il est possible que des patients dont les états de conscience sont fluctuants,
appelés patients minimalement conscients, passent au travers de telles méthodes. Il serait donc
souhaitable de développer des techniques plus théoriquement fondées et utilisant des méthodes
moins couteuses et plus simple d’implémentation. Une telle approche permet un enrichissement
mutuel de la clinique par la recherche et vice versa.
Dans cette perspective Bekinstein et al.[2] ont développé un protocole auditif passif utilisant des
enregistrements MEG/EEG aisément applicable à des patients. Des données de la littérature
montrent qu’il existe deux types de réponses évoquées par un son inattendu [3] : une réponse
précoce à la déviance dans un flux régulier (connu dans la littérature sous le nom de MMN) et le
complexe P300. La MMN a plutôt été associée à une réponse pré attentionnelle automatique et
inconsciente [4] alors que la composante tardive de la P300 (P3b) est considérée comme un indice du
rafraichissement de la mémoire de travail et associée à l’accès conscient. Partant de ces données, le
protocole mis en place teste l’hypothèse que différents types de déviance affecteront différemment
les deux réponses évoquées.
Le protocole (Figure 1), auquel on fera référence par la suite sous le nom de « local/global », consiste
en l’écoute passive de stimuli sonores, il ne nécessite donc pas de concentration particulière. Les
sujets entendent des groupes de 5 sons, pouvant appartenir à 2 catégories : soit les 5 sons sont
identiques (XXXXX), soit seuls les 4 premiers sont identiques et le dernier diffère (XXXXY). Dans ce cas
le dernier son représente une violation de la règle locale de répétition établie par les premiers sons.
Le sujet entend ces groupes de sons au sein d’un bloc de quelques minutes au cours duquel une des
catégories est majoritairement représentée : 25 groupes de la catégorie dominante fixent la « règle »
en début de bloc. Une centaine de groupes de 5 sons sont présentés ensuite, dont 20% de groupes
appartenant à l’autre catégorie. Ces groupes constituent une déviance à la règle globale. Un déviant
à la règle locale peut ainsi se trouver être la séquence globalement régulière. La déviance est dans ce
cas parfaitement prédictible.