problème a sans doute des raisons multiples, historiques tout autant quʼintellectuelles, mais
cʼest bien lui qui fournit à notre réflexion un de ses appuis essentiels, puisque avec lui
apparaît lʼoccasion dʼune réflexion historique et critique destinée à en saisir la portée. La
dimension écologique de la vie sociale implique en effet des processus qui ne sont ni
aveugles, ni linéairement déterminés : lʼappropriation intellectuelle et pratique du milieu
naturel fait partie intégrante des phénomènes que lʼon peut qualifier, au sens le plus large,
de sociologiques – autrement dit, où se joue la production de cette réalité quʼest le social et
des formes de conscience qui lʼaccompagnent. Les possibilités et impossibilités liées à la
configuration toujours singulière de lʼenvironnement creusent lʼespace où viennent se loger
des choix intellectuels, techniques, économiques, politiques, ainsi que des trajectoires
historiques elles aussi singulières. Dʼune manière ou dʼune autre, il faut donc pour faire
société prendre en charge la nature : autrement dit, cʼest lʼépaisseur même de la réalité
sociale qui est parcourue par la nécessaire référence collective à la nature, formant ainsi à la
fois une dynamique constitutive et un indéniable paradoxe. De cette idée découle
lʼorientation du regard qui sera ici la nôtre, et qui consiste à prendre pour objet ce qui circule
entre nature et société plutôt que lʼun ou lʼautre de ces deux grands massifs consacrés par la
langue, et en un sens qui reste à déterminer, par la philosophie, les sciences sociales, et
sans doute plus généralement notre culture elle-même. Or lʼespace problématique associé à
la reconnaissance et à la compréhension de ces processus est à la fois vaste et très difficile
à arpenter, tant les incertitudes, les tensions et les obstacles y sont nombreux : que ce soit
du côté de la philosophie ou des sciences sociales, les relations collectives à
lʼenvironnement naturel constituent une question vive, au sens où elle alimente la réflexion,
mais aussi où elle reste largement irrésolue.
Il faut immédiatement ajouter que ces questions possèdent en quelque sorte un
double-fond. En effet, lʼidée même de nature, en tant que produit intellectuel singulier, joue
un rôle essentiel dans lʼhistoire et la structure générale des relations socio-
environnementales chez les sociétés qui lʼont manipulé ou la manipulent encore. Sans
sʼengager de manière trop abrupte sur ce sujet, on peut déjà indiquer que ce rôle est à
entendre en deux sens : lʼun actif, puisque la catégorie de nature oriente tout à la fois la
pensée et lʼaction en leur fournissant un cadre de formation, dʼexpression et dʼinterprétation ;
lʼautre passif, puisque, en tant que catégorie, elle est également le produit dʼune histoire
culturelle singulière. En dépit de ce quʼil peut avoir de précaire, le grand récit évolutif des
sociétés humaines permet de donner une première approche de ces relations entre lʼidée de
nature et les rapports à lʼenvironnement. Le développement de sociétés agraires et
pastorales, laissant derrière lui la mosaïque des sociétés de chasseurs-cueilleurs