désordre»4. En conséquence, «l'entropie du
système total, constitué par l'organisme et son
environnement, ne peut que croître»
5. Il
montre bien que modèle statique de l'écono-
mie ou modèle dynamique dans ce paradigme
mécaniste sont peu différents. L'Etat station-
naire des classiques lui-même n'est que la
conséquence d'un dynamisme contrarié par Je
mur des rendements décroissants de la terre
dans un temps mécanique, donc réversible.
L'apport fondamental de Nicholas
Georgescu-Roegen est de montrer que le
modèle économique ignore superbement
l'in-
sertion de la vie économique dans une réalité
physique et un environnement naturel domi-
nés par la loi de l'entropie au sens strict. Le
temps de la thermodynamique n'est pas réver-
sible.
Dans un système clos (et l'univers est un
système pratiquement clos sauf preuve du
contraire), la deuxième loi de la thermodyna-
mique nous apprend que l'énergie se dégrade
inéluctablement. La réversibilité des transfor-
mations, de la matière en énergie, des diffé-
rentes formes de matière et d'énergie entre
elles,
sont sources de dégradations nouvelles.
L'univers dans lequel nous vivons est
limité,-et
beaucoup plus limité qu'il ne paraît, car l'im-
mense majorité de ses ressources est condam-
née à nous rester inaccessible.
En ce qui concerne l'énergie, nous nous
heurtons à deux limites très différentes, celles
des flux reçus du soleil, celle du stock ter-
restre. Nous pouvons utiliser sans vergogne la
première source, car elle ne se tarira que dans
cinq milliards d'années environ, et nous ne
pouvons rien pour modifier cette date fati-
dique. En revanche, le stock terrestre accu-
mulé au cours des ères géologiques n'est pas
renouvelable, sauf ce que nous captons à par-
4 Ibidem p. 58
5 Ibidem p. 59.
6 Ibidem p. 66.
7 Ibidem p. 67.
8 Ibidem p. 85
tir des flux solaires. Depuis le début de
l'in-
dustrialisation nous nous livrons à un gas-
pillage inconsidéré de ce stock qui est en voie
d'épuisement accéléré. Cela est très net avec
ce qui se passe dans l'agriculture. «Le boeuf
ou le buffle, dont la puissance mécanique
procède du rayonnement solaire capté par la
photosynthèse chlorophyllienne, est remplacé
par le tracteur qui est fabriqué et actionné au
moyen de basse entropie terrestre. Et il en va
de même en ce qui concerne le remplacement
du fumier par les engrais artificiels. Par consé-
quent, la mécanisation de l'agriculture est une
solution qui, bien qu'inévitable dans l'impasse
actuelle, doit être considérée comme antiéco-
nomique à long terme»
6. De même : «Chaque
fois que nous produisons une voiture, nous
détruisons irrévocablement une quantité de
basse entropie qui, autrement, pourrait être
utilisée pour fabriquer une charrue ou une
bêche. Autrement dit, chaque fois que nous
produisons une voiture, nous le faisons au
prix d'une baisse du nombre de vies
humaines à venir»7.
La vie, en effet, a la propriété, non pas de
vaincre l'entropie à proprement parler comme
on le dit souvent, mais de compenser l'éner-
gie dépensée, dissipée ou dégradée en cap-
tant directement (photosynthèse des plantes)
ou indirectement (les animaux) l'énergie solai-
re.
«Les plantes vertes emmagasinent une par-
tie du rayonnement solaire qui autrement
serait immédiatement dissipée en chaleur, en
haute entropie. C'est pourquoi nous pouvons
aujourd'hui brûler de l'énergie solaire préser-
vée de la dégradation il y a des millions d'an-
nées sous forme d'arbres»
8. Notre surcroissan-
ce économique dépasse largement la capacité
de charge de la terre.
«
Une analyse thermo-
dynamique, conclut-il, fait encore ressortir
12 § cÂ
6z,
SZxUjac
- Bulletin n
0 10 - Hiver 1996-97