Insuffisance cardiaque: update 2007

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Forum Med Suisse 2007;7:413–418
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Insuffisance cardiaque: update 20071
Hans Peter Brunner-La Roccaa, Daniel Desalmandb
a
Kardiologie, Universitätsspital Basel, b Mediscope, Zürich
Quintessence
쎲 Une insuffisance cardiaque ne doit jamais être le seul diagnostic.
쎲 Chaque patient en insuffisance cardiaque a besoin une fois au moins d’une
échocardiographie.
쎲 Un BNP normal exclut pratiquement à coup sûr une insuffisance cardiaque
(non traitée), mais un BNP élevé ne la prouve pas.
쎲 Les contrôles de la créatinine et des électrolytes sous traitement sont importants.
쎲 Traitement standard de l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection (FE)
diminuée:
– Bêtabloquants (bisoprolol, carvédilol, métoprolol CR et nébivolol) et inhibiteurs de l’ECA chez chaque patient en insuffisance cardiaque stable sans
contre-indication absolue (MAOP et BPCO ne sont pas des contre-indications); dose maximale possible. Si intolérance aux inhibiteurs de l’ECA, antagonistes du récepteur de l’angiotensine (AIIA).
– Diurétiques autant que nécessaire, aussi peu que possible. Torasémide
meilleur que furosémide.
– Si symptomatologie persistante malgré traitement ci-dessus, lui ajouter:
NYHA 0III: spironolactone; NYHA II: AIIA.
– Envisager un Cardioverter-Defibrillator interne (ICD) chez des patients
ayant une FE 930% (chronique). Surtout efficace chez les patients peu
symptomatiques.
– La resynchronisation cardiaque (CRT) diminue considérablement la morbidité et la mortalité si NYHA 0III et complexe QRS 0120 ms.
– Formation des patients importante, évt dans le cadre d’une prise en charge
en réseau.
쎲 Traitement de l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection conservée:
– Traitement de la pathologie de base.
– Symptomatique (diurétiques surtout).
– Evt AIIA ou inhibiteurs de l’ECA.
Summary
Heart failure: update 2007
쎲 HF must never be the only diagnosis.
Introduction
L’insuffisance cardiaque chez les patients âgés
est maintenant le motif d’hospitalisation le plus
fréquent. Cet article résume les points importants
de la prise en charge des patients en insuffisance
cardiaque et donne une idée du futur. Il se réfère
au plus important congrès européen sur le tableau clinique de l’insuffisance cardiaque qui
s’est tenu en juin 2006 à Helsinki, ainsi qu’au
World Congress of Cardiology 2006 de Barcelone,
sans oublier les toutes dernières recommandations suisses sur ce sujet qui seront publiées cette
année.
Diagnostic de l’insuffisance cardiaque
Le diagnostic d’insuffisance cardiaque a été affiné
ces dernières années par le dosage du BNP (ou du
NT-BNP; supériorité d’un paramètre sur l’autre
pas encore confirmée). Le BNP aide surtout à
exclure une insuffisance cardiaque [1]. Si le BNP
est normal chez un patient non traité, il faut sérieusement revoir le diagnostic d’insuffisance
cardiaque. S’il n’est pas normal, il faut faire d’autres examens, car il s’avère de plus en plus que
d’autres pathologies peuvent faire augmenter le
BNP. L’échocardiographie est l’examen complémentaire de choix en première intention [2].
D’autres examens diagnostiques (par ex. angiographie) en fonction de la situation clinique,
permettront de préciser plus à fond l’étiologie de
l’insuffisance cardiaque. L’insuffisance cardiaque
ne doit jamais être le seul diagnostic, car il faut
toujours la mettre en rapport avec la pathologie
de base, ce qui a des conséquences thérapeutiques. Cela ressort bien des dernières recommandations européennes et suisses (qui seront
publiées cette année encore) [2].
쎲 Every heart failure patient needs an echocardiography at least once.
쎲 Normal BNP largely rules out HF (if untreated), but high BNP does not
prove HF.
Monitoring de l’insuffisance cardiaque
쎲 Regular monitoring of potassium/creatinine.
L’échocardiographie occupe une place très importante dans le monitoring des patients en insuffisance cardiaque. Elle ne doit cependant pas
쎲 Standard therapy for heart failure with reduced ejection fraction (EF):
– Beta-blockers (bisoprolol, carvedilol, metoprolol CR und nebivolol) and
ACE inhibitors in every stable HF patient without absolute contraindications (PAOD and COPD are not contraindications); maximise dose. In case
of intolerance to ACE inhibitors, angiotensin receptor blockers.
1 Avec l’aimable soutien de la maison A. Menarini SA,
Zurich, dans le sens d’un unrestricted educational
grant.
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 405 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
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– Diuretics as much as necessary, as little as possible. Torasemide better
than furosemide.
– If symptoms persist despite the above therapy NYHA 0 III: add spironolactone, NYHA II: add ARB.
– Consider implantable cardioverter defibrillator (ICD) in patients with EF
9 30% (chronic). Chiefly effective in mildly symptomatic patients.
– Cardiac resynchronisation therapy (CRT) substantially reduces morbidity
and mortality in NYHA 0 III and QRS complex 0 120 ms.
– Patient education important, possibly as part of a care network.
쎲 Management of HF with preserved ejection fraction:
– Treatment of underlying disease.
– Symptomatic (chiefly diuretics).
– Possibly ARB or ACE inhibitors.
être faite de routine, mais seulement pour répondre à une question bien précise. Le monitoring
non invasif de l’hémodynamique, l’identification
des raisons d’un manque de réponse à un traitement et la pose de l’indication à une thérapie de
resynchronisation ou à d’autres interventions
sont les missions les plus importantes de l’échocardiographie.
Les examens de laboratoire pour le diagnostic
de base sont: hématologie de routine, créatinine/urée et électrolytes, sans oublier les tests
hépatiques. Les autres examens dépendent de la
situation clinique. Dans les cas peu clairs, il faut
penser à des étiologies rares d’insuffisance cardiaque (dosage des hormones thyroïdiennes,
bilan ferrique). Il est également important de rechercher des maladies concomitantes telles
qu’un diabète.
L’évolution sous traitement de la créatinine
sérique et des électrolytes a une importance capitale, surtout avec les antagonistes du système
rénine-angiotensine-aldostérone [3]. Tout le
monde est d’accord pour dire qu’un inhibiteur
de l’ECA doit aussi être administré, même si la
créatinine est à 220 µmol/l, voire plus, tout
en adaptant la dose à la pharmacocinétique de
la substance. Une ascension de la créatinine de
30(–50)% après la mise en route d’un inhibiteur
de l’ECA peut être tolérée, elle en exprime
l’effet et non l’intolérance. Des contrôles rapprochés sont naturellement une condition sine qua
non; ils sont impératifs avant tout dans les situations à risque et lors de chaque adaptation du
traitement. La recherche d’une hyponatrémie
est importante, car elle est de très mauvais pronostic.
Le dosage du BNP ou du NT-BNP a été jugé
comme très important par plusieurs orateurs à ce
congrès; mais les résultats des très nombreuses
études présentées sont en partie controversés.
Il y a (encore) trop peu de raisons d’élargir la pratique du dosage du BNP. Elle est actuellement
réservée au diagnostic d’une dyspnée d’origine
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indéterminée (voir plus haut) et à l’estimation du
pronostic de l’insuffisance cardiaque au stade
chronique.
Les premières études ont montré un effet bénéfique de la télémédecine dans le monitoring de
patients en insuffisance cardiaque. Elle permet
de diagnostiquer plus tôt les aggravations cliniques. Des programmes de prise en charge en
réseau avec la télémédecine en Europe ont montré qu’elle permet d’améliorer la qualité de vie et
le fonctionnement dans la vie courante, et de prévenir des hospitalisations. De grandes études
d’évaluation de la télémédecine sur la diminution
de la mortalité sont en cours depuis peu. Le diagnostic précoce d’une exacerbation semble être
important, car il s’est avéré que chaque exacerbation d’une insuffisance cardiaque chronique
peut être à l’origine d’une nouvelle lésion du myocarde et d’une nouvelle aggravation de l’insuffisance cardiaque.
Traitement de l’insuffisance
cardiaque chronique
Médicaments
Les experts ont interprété les résultats de toutes
les études actuelles avec les bêtabloquants et dit
que ceux-ci sont indiqués chez tout patient ayant
une insuffisance cardiaque stable, qu’elle soit
d’étiologie ischémique ou non. Les bêtabloquants
diminuent significativement la mortalité des patients en insuffisance cardiaque. Mais il ne faut
pas oublier que seules les substances bien étudiées que sont le bisoprolol, le carvédilol, le métoprolol CR et le nébivolol ont été utilisées. Les
inhibiteurs de l’ECA font partie du traitement
standard de l’insuffisance cardiaque, avec les
bêtabloquants. Il faut en augmenter progressivement la posologie jusqu’aux doses prouvées
efficaces. En cas d’intolérance aux inhibiteurs
de l’ECA (effet indésirable fréquent: la toux
sèche, mais l’insuffisance cardiaque peut elle
aussi provoquer une toux sèche!), ce sont les AIIA
(antagonistes du récepteur de l’angiotensine II
ou sartans) qui sont l’alternative.
Le traitement par inhibiteur de l’ECA et bêtabloquant doit se faire à des doses maximales chez
tous les patients en insuffisance cardiaque. Il faut
bien savoir que les valeurs tensionnelles cibles
sont plus basses dans l’insuffisance cardiaque
(systolique <130 mm Hg) que chez les patients
sans insuffisance cardiaque. Si l’insuffisance
cardiaque en est à un stade avancé, la valeur
cible de tension artérielle systolique est même
9120 mm Hg. Ces médicaments doivent toujours
être administrés répartis sur la journée; en fonction de leurs demi-vies, deux prises journalières
sont indispensables. Des concentrations sanguines stables des médicaments ont un effet favorable sur le quotient efficacité/effets indésirables.
C’est la clinique qui dit s’il faut commencer par
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un bêtabloquant ou un inhibiteur de l’ECA (par
ex. si tachycardie plutôt bêtabloquant) [4]. Si l’un
de ces médicaments est bien titré, il est possible
de commencer avec l’autre. En clinique, l’augmentation parallèle des doses s’est avérée praticable, mais en alternance.
En cas de surcharge volumique, un diurétique est
indiqué. Dans l’insuffisance cardiaque, le torasémide a des caractéristiques pharmacologiques
plus intéressantes que le furosémide [5]. Avec son
effet de rebond, le furosémide doit être administré deux fois par jour au moins, et encore mieux,
trois fois par jour!
Les experts sont tous d’accord sur le fait que les
patients encore symptomatiques après traitement par inhibiteurs de l’ECA, bêtabloquants, évt
diurétique ont besoin d’un traitement additionnel. En cas de symptomatologie marquée (NYHA
0III) spironolactone, et moins marquée (NYHA II)
un AIIA. L’association de ces trois substances
(inhibiteur de l’ECA, AIIA et spironolactone) ne
devrait être administrée que par des médecins en
ayant une bonne expérience et sous contrôle
étroit de la créatinine et du potassium.
Les premières études montrent que les patients
en insuffisance cardiaque peuvent profiter des
statines [6]. Les résultats de deux études randomisées (CORONA et GISSI-HF) nous diront plus
précisément d’ici quelques années si les statines
ont leur place dans le traitement de l’insuffisance
cardiaque indépendamment de la cholestérolémie.
L’aspirine et les revascularisations se sont avérées inefficaces dans le traitement de routine de
l’insuffisance cardiaque et devraient être réservées aux patients ayant une cardiopathie coronarienne ou une ischémie notable (symptomatique).
De nouvelles options intéressantes semblent
être le traitement d’une anémie par érythropoïétine et celui d’une carence martiale. Mais nous
ne disposons pas encore de résultats de grandes
études cliniques randomisées. Une petite étude
a montré un bénéfice de la testostérone, mais la
proportion de drop-out a été très élevée. L’immunomodulation ne s’est avérée efficace que dans
des sous-groupes de patients ayant une insuffisance cardiaque non ischémique ou à un stade
non avancé d’insuffisance cardiaque ischémique.
Toutes ces options thérapeutiques ne doivent
donc actuellement être appliquées que dans le
cadre d’études.
Resynchronisation (Cardiac
Resynchronisation Therapy, CRT)
Les objectifs de la CRT sont les suivants:
– optimisation du retard atrioventriculaire;
– réduction de la dyssynchronie interventriculaire;
– réduction de la dyssynchronie intraventriculaire.
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La CRT abaisse significativement la mortalité des
patients ayant une insuffisance cardiaque à un
stade avancé (NYHA 0III), avec fraction d’éjection
diminuée et complexe QRS large (0120 ms)
par rapport au traitement médicamenteux optimisé, elle améliore la symptomatologie et semble
même avoir un bon rapport coût–efficacité [7, 8].
De nombreux patients n’ont plus aucune difficulté dans leur vie courante après implantation
d’une CRT. Le plus grand risque pour eux n’est
donc plus la défaillance de la pompe cardiaque,
mais la mort cardiaque subite. Selon quelques
orateurs à ce congrès, cela parle pour l’utilisation
généreuse d’une intervention combinée de la
CRT avec défibrillateur intracardiaque (CRT-D);
d’autres ne voient l’indication à une telle association que lorsque la CRT est indiquée et la probabilité de survie supérieure à cinq ans. Des études
randomisées doivent encore montrer chez quels
patients l’implantation d’une CRT isolée et chez
lesquels une intervention combinée est indiquée.
Bien que la durée du QRS soit toujours le critère
pour ou contre une CRT, l’indication est aujourd’hui parfois posée par échocardiographie.
20–30% des patients en insuffisance cardiaque ne
répondent pas à la CRT. Certains éléments montrent que ce pourcentage peut être réduit par
l’échocardiographie, ce qui permettrait d’épargner une intervention chère et sans grandes
chances de succès. Mais il faut encore pour cela
une certaine expérience, et de nouvelles études
devront montrer dans quelle mesure l’échocardiographie permet d’améliorer véritablement les
chances de succès comparativement au critère
très simple et largement indépendant de l’examinateur qu’est la largeur du QRS.
Une nouvelle fonction des appareils CRT est intéressante, car grâce à un senseur intracardiaque,
ils peuvent donner des renseignements sur le
volume et la pression [9], ce qui pourrait permettre d’identifier et de traiter précocement les
aggravations précliniques. Les premières études permettent en outre de penser que les patients n’ayant que des symptômes d’insuffisance
cardiaque discrets pourraient profiter de l’implantation d’un tel appareil. Ces hypothèses doivent encore être confirmées par de plus grandes
études.
Traitement des patients
en insuffisance cardiaque ayant
d’autres maladies
Patients ayant une cardiopathie coronarienne
La cardiopathie coronarienne est la cause la plus
fréquente (70%) d’insuffisance cardiaque. Un
tiers de ces patients ont une fonction ventriculaire
gauche conservée. L’hypertension et la fibrillation
auriculaire sont d’importants mécanismes physiopathologiques, en plus de l’ischémie et de
l’hibernation du myocarde.
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Malgré cela, seuls quelques patients en insuffisance cardiaque ont un angor. Bêtabloquants et
dérivés nitrés sont souvent efficaces. Une revascularisation est indiquée chez ceux dont l’angor ne
répond pas aux médicaments et qui en sont fortement gênés. S’il n’est pas possible d’envisager une
revascularisation, une autre option est l’amlodipine. L’ivabradine sera peut-être un jour une alternative pour les patients qui ne tolèrent pas les bêtabloquants. Elle agit directement et sélectivement
sur le nœud sinusal et diminue ainsi la fréquence
cardiaque sans abaisser la contractilité. Le traitement médicamenteux par inhibiteurs de l’ECA
et bêtabloquants peut abaisser le risque d’IM des
patients en insuffisance cardiaque, ce qui n’est pas
le cas de l’aspirine ni de la warfarine.
Une anémie doit être traitée. De plus, dans l’étude
PROactive, la pioglitazone a montré qu’elle parvenait à abaisser significativement les accidents
vasculaires chez les diabétiques de type 2. Mais
les glitazones ne doivent être utilisées qu’avec
toute la prudence requise et sous surveillance
attentive chez les patients en insuffisance cardiaque, car elles peuvent provoquer une rétention
d’eau. Elles sont même contre-indiquées dans
l’insuffisance cardiaque à un stade avancé.
Insuffisance cardiaque et insuffisance rénale
Une insuffisance cardiaque est très souvent associée à une insuffisance rénale, ce qui peut considérablement compliquer le traitement d’une part,
mais de l’autre côté, ces deux pathologies sont
traitées en partie par les mêmes médicaments.
Les inhibiteurs de l’ECA ou les AIIA sont très importants, non seulement dans l’insuffisance cardiaque, mais aussi dans l’insuffisance rénale. Les
ARNS et inhibiteurs de la COX-2 doivent absolument être évités en raison de la rétention hydrosaline qu’ils déclenchent.
Insuffisance cardiaque et arythmies
Le traitement de patients avec insuffisance cardiaque et fibrillation auriculaire est complexe.
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Bien que le maintien d’un rythme sinusal assure
un meilleur pronostic, les interventions visant à
l’obtenir peuvent présenter des inconvénients.
C’est le principal argument de ceux qui défendent
un simple contrôle de la fréquence de la fibrillation auriculaire, surtout chez les patients âgés et
asymptomatiques. Chez les patients sans insuffisance cardiaque, aucune stratégie ne s’est avérée
meilleure que les autres. Chez les patients avec
insuffisance cardiaque, la meilleure stratégie
reste encore à définir. Elle doit être adaptée aux
symptômes du patient. La digoxine peut être utilisée à titre purement symptomatique.
Chez les patients à haut risque de mort cardiaque
subite, les bêtabloquants et l’implantation d’un
ICD sont des interventions qui ont fait la preuve
de leur efficacité. Selon les toutes dernières études, l’implantation d’un ICD est indiquée chez
tous les patients symptomatiques (NYHA 0II,
évt sans NYHA IV) dont la fraction d’éjection du
ventricule gauche est 930%, pour autant que la
prolongation de leur vie soit souhaitée [10]. Par
contre, la prévention des arythmies ventriculaires par amiodarone n’est que symptomatique et
elle n’a aucun effet sur le pronostic [10], ce dont
il faut tenir compte lors de son indication. Les autres antiarythmiques n’ont aucune place dans
l’insuffisance cardiaque.
Traitements d’appoint
de l’insuffisance cardiaque
Voir tableau 1 p.
Traitement de l’insuffisance
cardiaque terminale
Les diurétiques ne doivent être augmentés, et évt
administrés plusieurs fois par jour qu’en cas de
surcharge volumique. L’injection i.v. de diurétiques peut également être envisagée. L’association
d’un diurétique de l’anse à un thiazide est une
association très puissante. Mais il faut que la
kaliémie soit toujours >4 mmol/l pour diminuer
le risque d’arythmie. La digoxine peut atténuer
Tableau 1. Mesures d’appoint dans l’insuffisance cardiaque chronique.
Poids
Perte pondérale uniquement si obésité extrême
BMI cible env. 25–30 (BMI <25 associé à un moins bon pronostic)
Cachexie signe de mauvais pronostic; doit être traitée spécifiquement
Alimentation
Restriction saline: la consommation de peu de sel semble judicieuse, mais selon de toutes
nouvelles données c’est la constance de l’apport de sel qui est la plus importante
Restriction liquidienne: ici aussi plutôt relâchement de la restriction, adaptation individuelle
et quantités constantes en fonction des circonstances extérieures (améliore le bien-être
du patient et donc sa compliance)
Recommandation d’une alimentation riche en protéines et pauvres en acide gras saturés et trans
Surveillance d’un bon équilibre électrolytique
Activité physique
Le training d’endurance semble avoir un effet favorable même chez les patients avec thérapie
de resynchronisation
L’étude HF-Action montrera comment le training physique agit sur la mortalité de patients
en insuffisance cardiaque
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les symptômes, améliorer la qualité de vie et diminuer les hospitalisations, mais elle n’a aucune
influence sur la mortalité. Sa concentration sérique doit être régulièrement contrôlée et toujours
être <1,0 ng/ml. D’autres traitements médicamenteux peuvent être envisagés au besoin (par
ex. substances à effet inotrope positif), mais uniquement en milieu hospitalier.
Le traitement des comorbidités est particulièrement important chez ces patients. Ceux qui sont
en insuffisance cardiaque terminale profitent
parfois beaucoup du contrôle de la fréquence et
du rythme d’une fibrillation auriculaire ou du
traitement de leurs troubles du sommeil, dépressions et autres problèmes.
Aux stades très avancés, les traitements palliatifs
(par ex. administration d’opioïdes [11]) sont indiqués chez les patients pour lesquels une transplantation n’entre pas en considération. La question de l’arrêt de l’ICD se pose également chez
eux. Dans de nombreux pays, dont la Suisse,
il y a un grand besoin d’évaluer les traitements
palliatifs.
Application des recommandations
Des études américaines et européennes montrent
parfaitement que les recommandations pour
l’insuffisance cardiaque sont beaucoup trop peu
appliquées. Le sous-traitement par inhibiteurs
de l’ECA, bêtabloquants et spironolactone est
énorme. Les patients en insuffisance cardiaque à
haut risque surtout, par ex. ceux en insuffisance
rénale en plus, ne bénéficient souvent d’aucun
traitement par bêtabloquants et/ou inhibiteurs de
l’ECA, alors que ce sont eux qui en profiteraient
le plus. Pour une bonne adhérence au traitement
à long terme, il est important que des traitements
efficaces soient mis en route précocement. Les
résultats d’une étude sont intéressants: ils montrent que les recommandations basées surtout
sur les études faites chez des patients jeunes et
de sexe masculin peuvent également être applicables à des patients plus âgés et de sexe féminin.
Plusieurs études ont montré ces dernières années
que la mise en pratique de ces recommandations
est nettement meilleure dans le cadre d’une prise
en charge en réseau [12]. La compliance des
patients surtout peut s’en trouver améliorée, pas
seulement pour le traitement, mais aussi pour
l’autocontrôle et le respect des mesures d’accompagnement (voir plus haut), ce qui non seulement
améliore leur qualité de vie mais diminue en plus
les hospitalisations, et même la mortalité. Mais
les différences sont très importantes d’un pays
à l’autre. Alors que dans certains pays la prise en
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charge en réseau est déjà bien implantée dans le
traitement des patients en insuffisance cardiaque
(par ex. Suède, Pays-Bas, Royaume-Uni), d’autres
n’en sont qu’à leur premiers balbutiements (par
ex. la Suisse [13]).
Traitement de l’insuffisance
cardiaque aiguë
Pas grand-chose n’a changé ces dernières années
dans le traitement de l’œdème aigu du poumon. Seuls quelques points en seront discutés
ici [14].
Traitement général
Le premier traitement est celui qui vise à maintenir le patient en vie. Il est donc important de
très rapidement apprécier la situation et de mettre en route le traitement. Les patients ayant des
problèmes au repos et au moindre effort doivent
être traités d’emblée en milieu hospitalier. Les
douleurs imposent une analgésie. Il est important
de maintenir une saturation d’O2 >95% (oxygène,
si nécessaire CPAP). En fonction de la tension artérielle, vasodilatateurs/diurétiques, substances
inotropes ou évt substitution volumique sont indiqués.
Le traitement causal, en fonction des facteurs
déclenchants, est très important. La réouverture
de l’artère dans une insuffisance cardiaque secondaire à un infarctus du myocarde améliore
très nettement les chances de survie. En cas
de déraillement hypertensif la baisse de la tension artérielle est essentielle. Mais il ne faut
pas oublier qu’en cas de grave insuffisance cardiaque, même avec des valeurs normales de la
tension, l’augmentation de la résistance périphérique peut avoir été à l’origine de la décompensation.
Traitement médicamenteux au sens strict
Voir tableau 2 p.
Questions encore ouvertes à préciser
dans un proche avenir
– Intérêt des statines dans le traitement de
l’insuffisance cardiaque.
– Evaluation de l’utilité du BNP pour le contrôle/la surveillance du traitement.
– CRT si NYHA II et fibrillation auriculaire.
– CRT toujours avec ICD?
– Traitement de l’insuffisance cardiaque avec
fraction d’éjection conservée (insuffisance
diastolique).
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Tableau 2. Médicaments destinés au traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë.
Dérivés nitrés
Médicaments de première intention en cas de décompensation
Si TA normale titration si nécessaire
Diurétiques
Les diurétiques de l’anse sont à choisir en première intention
Aussi peu que possible, autant que nécessaire pour le contrôle des symptômes
(beaucoup de nitrates, peu de diurétiques!)
Association aux thiazides (meilleure réponse)
Monitoring de la fonction rénale!
Morphine
Analgésie et sédation
Est recommandé un bolus de 3 à 5 mg (peut être renouvelé)
Inotropes
Indiqués si hypoperfusion périphérique, prudemment (potentiellement toxiques)
Dobutamine toujours le médicament standard
Lévosimendan Ca-sensibilisateur surtout chez les patients en insuffisance cardiaque
d’origine ischémique, et ceux sous blocage b, très bonne alternative à la dobutamine
Anticoagulation
Uniquement chez des patients ayant un ACS et une FA
Prudence si insuffisance rénale (Cl <30 ml/min)
Inhibiteurs de l’ECA
Uniquement une fois le patient stabilisé, pas à la phase aiguë
Bêtabloquants
A la phase suraiguë uniquement si ischémie persistante ou tachycardie, prudemment
Commencer après env. 4 jours – mais toujours encore pendant l’hospitalisation
Références
Correspondance:
PD Dr Hans Peter
Brunner-La Rocca
Kardiologie
Universitätsspital
Petersgraben 4
CH-4031 Basel
[email protected]
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