ÉTATS-UNIS - Credit Agricole, Etudes Economiques

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Apériodique – n°16/043 – 12 février 2016
ÉTATS-UNIS – Janet Yellen : une intervention équilibrée,
mais consciente des risques baissiers
 Le FOMC anticipe des ajustements graduels
de sa politique monétaire, mais il est clair
que rien n’est écrit à l’avance et que tout
dépendra des données.
 La Fed reste attentive aux risques baissiers
que les turbulences mondiales font peser
sur la croissance.
 Les conditions se sont dégradées sur les
marchés financiers. Cette situation, si elle
perdure, pourrait peser sur les perspectives
d’activité économique et d’emploi.
 Le discours et les commentaires de Janet
Yellen nous suggèrent l’adoption d’une
approche prudente de la normalisation
monétaire par la Fed.
 Nous n’anticipons pas de hausse des taux
avant juin au plus tôt et tablons sur une
révision à la baisse des dotplots1 lors du
FOMC du mois de mars. Le risque sur notre
prévision actuelle (trois hausses des taux
de 25 pdb cette année) est clairement
orienté à la baisse.
Les marchés ne s’attendaient pas à ce que les
perspectives de politique monétaire de la Fed
évoluent avec l’audition de Janet Yellen et cela n’a
effectivement pas été le cas. Le ton a toutefois été
prudent, compte tenu de la montée des risques
baissiers, ce qui conforte notre vue selon laquelle
le FOMC attendra vraisemblablement jusqu’en juin
avant de poursuivre son processus de
normalisation monétaire.
La présidente de la Fed a affirmé que les
conditions s’étaient durcies sur les marchés
financiers, citant notamment « une baisse des
indices boursiers, une hausse des taux de marché
1
Prévisions de la Fed sur l’évolution du taux des fed funds,
formulées sous forme d’un ‘graphique à points’ ou dot plot.
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pour les emprunteurs à risque et une nouvelle
appréciation du dollar. Ces développements, s’ils
perdurent, pourraient peser sur les perspectives
économiques et de l’emploi, même si la baisse des
taux à long terme et des cours du pétrole
compense quelque peu ces effets négatifs ».
Pendant la séance des questions-réponses, Janet
Yellen a admis ne pas avoir vu « de facteur
déclencheur
suffisamment
significatif
pour
expliquer les importants mouvements observés sur
les marchés ». Elle a noté que la hausse des
primes de risque reflétait apparemment la montée
des craintes de récession, mais qu’il n’existait
aucun signe de fort recul de la croissance
américaine ou mondiale. Aussi, les membres de la
Fed ne veulent pas tirer de conclusion hâtive de
l’évolution des marchés, tout en admettant que
« ces développements pourraient avoir des
implications sur les perspectives, implications que
nous sommes en train d’évaluer ».
Au cours de son intervention, la présidente de
la Fed a passé davantage de temps à évoquer
les risques baissiers que les risques haussiers,
ce qui selon nous suggère que le FOMC sera
plus prudent dans sa démarche de
normalisation monétaire qu’il ne l’anticipait en
fin d’année dernière. Janet Yellen a mis l’accent
sur les risques liés à l’évolution de la situation
économique à l’étranger. Les incertitudes sur la
politique de change et sur les perspectives de
croissance économique en Chine ont conduit à
une montée de la volatilité sur les marchés
financiers. La faiblesse des cours du pétrole et des
autres matières premières met un certain nombre
d’économies émergentes vulnérables sous
pression. « Si un de ces risques baissiers se
matérialisait, l’activité économique hors des ÉtatsUnis et la demande pour nos exportations
pourraient s’affaiblir et les conditions pourraient se
dégrader davantage sur les marchés financiers ».
ÉTATS-UNIS – Janet Yellen : une intervention équilibrée,
mais consciente des risques baissiers
Concernant les risques haussiers, l’idée selon
laquelle la baisse des cours du pétrole pouvait
soutenir l’économie américaine a été mentionnée.
Nous pensons toutefois que ce facteur pourrait
être en partie compensé par la baisse des
investissements dans le secteur pétrolier et par les
impacts négatifs collatéraux sur les conditions de
marché (baisse des actions, hausse des spreads
de crédit, inquiétudes sur l’exposition des banques
au secteur de l’énergie et sur leur volonté générale
de prêter).
Un facteur supplémentaire suggérant la
prudence dans la normalisation des taux est la
lenteur attendue de la remontée de l’inflation
vers l’objectif de 2% de la Fed. Les toutes
dernières baisses des prix de l’énergie vont
prolonger la faiblesse de l’inflation. Alors même
que l’impact du pétrole sur les prix se dissipera
lorsque les cours se stabiliseront, le maintien
durable d’une inflation basse augmente le risque
de baisse des anticipations d’inflation. Ceci
continue de préoccuper les officiels de la Fed dans
la mesure où les perspectives d’inflation
« dépendent en grande partie du bon ancrage des
anticipations d’inflation à long terme ». Au cours de
son intervention, Janet Yellen a noté que les
prévisions implicites d’inflation sur les marchés
avaient atteint des niveaux historiquement bas,
même si le FOMC considère que « l’évolution des
primes de risque et de liquidité » a contribué à
cette baisse. Certaines mesures des anticipations
d’inflation données par des enquêtes sont
néanmoins sur la partie basse de leur fourchette
récente, ce qui plaide pour une approche prudente
de la normalisation des taux.
La ligne du parti
L’intervention de la présidente de la Fed reflète
la position officielle du FOMC selon laquelle
« avec des ajustements graduels du réglage
monétaire, l’activité économique progressera à
un rythme modéré dans les années qui viennent
et les indicateurs du marché du travail continueront
de s’améliorer ».
L’analyse de la situation économique reste
fondamentalement la même. La bonne tenue de
l’emploi et la meilleure progression des salaires
soutiendront la consommation des ménages, dans
le secteur de l’automobile par exemple. Le secteur
du logement va continuer de progresser et la
croissance dans ces secteurs compensera la
contribution négative du commerce extérieur. Ce
dernier contribuera en effet négativement à la
croissance en raison d’une croissance atone de la
demande étrangère et de la force du dollar.
L’investissement – en dehors du secteur de
l’énergie – devrait continuer à progresser.
N°16/043 – 12 février 2016
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La Fed affirme que « l’évolution de la politique
monétaire n’est absolument pas écrite à
l’avance ». « L’évolution du taux des fed funds
dépendra de ce que les statistiques nous diront
des
perspectives
économiques
et
nous
réévaluerons régulièrement le niveau de taux qui
permettra d’atteindre puis de maintenir nos
objectifs d’emploi maximum et d’inflation à 2% ».
Une croissance plus forte ou une progression plus
rapide de l’inflation rendrait « appropriée une
hausse plus rapide du taux des fed funds… mais
une évolution moins rapide serait indiquée si
l’économie se révélait décevante ».
Séance des questions-réponses
Janet Yellen a essuyé des critiques de la part de
membres de la Chambre des représentants en
raison du taux de rémunération des réserves
excédentaires (le IOER, fixé à 0,50%), qui se
traduit par des versements importants aux
banques, y compris des banques étrangères. Une
alternative ne serait-elle pas envisageable ? La
présidente de la Fed a défendu la gestion des taux
de la banque centrale. Elle a notamment indiqué
que relever le taux des fed funds serait plus difficile
sans la capacité à utiliser l’IOER, l’alternative étant
une réduction des réserves de la Fed, réduction
qui obligerait la Fed à vendre des obligations du
Trésor et des MBS qu’elle détient en portefeuille,
ce qui pourrait se révéler néfaste.
Concernant le portefeuille d’actifs de la Fed, Janet
Yellen a réaffirmé que les membres de la Fed
voulaient que le processus de normalisation des
taux soit bien entamé avant de laisser le bilan de
la Fed se réduire mécaniquement, dans la mesure
où la fixation des taux courts est la manière la plus
indiquée de modifier la politique monétaire et de
communiquer sur celle-ci. Nous ne pensons pas
que la Fed modifiera sa politique de
réinvestissement avant fin 2017 au plus tôt.
Janet Yellen a relativisé les craintes de
récession affichées par les parlementaires et
ne s’attend pas en conséquence à ce que le
FOMC abaisse les taux. Elle a rappelé
l’amélioration continue du marché du travail et noté
que les pressions désinflationnistes de court terme
seraient probablement transitoires, mais a
néanmoins admis que l’évolution des marchés
financiers mondiaux pouvait conduire à une
croissance plus faible. Le FOMC analysera les
données au fur et à mesure de leur publication et
fera part de ses nouvelles prévisions à l’occasion
de sa réunion du mois de mars.
L’hypothèse de taux d’intérêt négatifs aux
États-Unis ne semble pas particulièrement
intéressante pour Janet Yellen, mais les stress
tests auxquels sont soumises les banques
2
ÉTATS-UNIS – Janet Yellen : une intervention équilibrée,
mais consciente des risques baissiers
américaines comprennent un scénario de ce type
assez sévère, à des fins de planification
prudentielle. La Fed avait envisagé l’idée de taux
négatifs en 2010, mais cela n’était déjà à l’époque
pas considéré comme un outil à privilégier, en
raison de l’impact sur les marchés monétaires et
de la question de la compatibilité de cet outil avec
l’organisation institutionnelle américaine. De plus,
les problèmes juridiques soulevés par une
politique de taux négatifs n’ont pas été pleinement
analysés, bien que la présidente de la Fed ait
indiqué qu’elle ne connaissait pas de raison qui
empêcherait l’instauration de taux négatifs.
La divergence entre les politiques monétaires
de la BCE et de la Fed devrait a priori créer des
pressions haussières sur le dollar, ce qui, selon
l’analyse de la présidente de la Fed, aurait des
effets négatifs sur la croissance américaine via une
détérioration du commerce extérieur.
Les contraintes pesant sur la disponibilité du crédit
sont un facteur important, selon la présidente de la
Fed, qui a noté que les spreads des obligations
des entreprises s’étaient considérablement écartés
– et pas seulement pour le secteur de l’énergie.
Elle a également relevé que la dernière enquête
sur le crédit bancaire (Senior Loan Officer Survey)
annonçait un durcissement des conditions de
crédit pour les entreprises. Les prêts aux
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entreprises (C&I loans) continuent de progresser,
mais la situation du marché du crédit mérite d’être
surveillée.
Conclusion
Nous avons trouvé que le discours, puis la
séance des questions-réponses, de la présidente
de la Fed devant la Chambre des représentants
étaient équilibrés, mais largement consacrés aux
risques baissiers qui pèsent sur les perspectives.
À la fin de l’audition, quelqu’un a demandé à Janet
Yellen si les données récentes suggéraient des
perspectives moins positives, ce à quoi elle a
répondu « c’est possible, mais il n’est pas encore
possible de se prononcer ». La présidente de la Fed
a souligné que le communiqué publié après la
réunion du FOMC de janvier n’affirmait pas que les
risques étaient équilibrés, contrairement au
communiqué de décembre, mais que la Fed était en
train d’évaluer la situation. Elle pense que la
croissance va augmenter au 1er trimestre, mais note
que les conditions financières se sont dégradées.
Nous pensons que les prévisions de croissance et
d’inflation de la Fed seront revues en baisse en mars.
Nous n’anticipons pas de hausse des taux avant le
mois de juin et tablons sur une révision à la baisse
des dotplots le mois prochain. 
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