UNIVERSIT´
E DE RENNES 1
INSTITUT MATH´
EMATIQUE DE RENNES
Licence de math´ematiques
ALG`
EBRE
Cours r´edig´e par Laurent Moret-Bailly
Septembre 1997
Chapitre I
Groupes
1. D´efinitions, premi`eres propri´et´es, exemples
D´efinition 1.1 Un groupe est un couple (G, )o`u G est un ensemble et une loi
de composition interne sur G, v´erifiant les propri´et´es suivantes :
(i) est associative : pour tous g, g0, g00 Gon a (gg0)g00 =g(g0g00).
(ii) admet un ´el´ement neutre : il existe eGtel que pour tout gGon ait
ge=eg=g.
(iii) tout ´el´ement gde Gadmet un sym´etrique pour la loi , c’est-`a-dire qu’il existe
g0Gtel que gg0=g0g=e(l’´el´ement neutre).
Le groupe Gest dit commutatif, ou encore ab´elien, si de plus la loi est commutative,
i.e. gg0=g0gpour tous g, g0G.
1.2. Commentaires.
1.2.1. ˆ
Etes-vous sˆur de savoir ce que l’on entend par ”couple”, ”ensemble”, ”loi de
composition” ? Voil`a une bonne occasion de vous rafraˆıchir la m´emoire. . .
1.2.2. Gest appel´e l’ensemble sous-jacent au groupe. En pratique, on confond sou-
vent (en particulier dans les notations) le groupe avec son ensemble sous-jacent,
de sorte qu’on parle, par exemple, des “´el´ements d’un groupe G” plutˆot que des
´el´ements de l’ensemble Gsous-jacent au groupe (G, ). Il s’agit d’un abus de lan-
gage sans gravit´e s’il n’y a pas d’ambigu¨ıt´e sur la loi de composition. (Cet abus a
d’ailleurs ´et´e commis dans la d´efinition : `a quel endroit ?)
Par exemple, on dit qu’un groupe est fini si son ensemble sous-jacent est fini ; le
nombre d’´el´ements (ou cardinal) de cet ensemble est alors appel´e l’ordre du groupe.
Noter au passage que cet ordre n’est pas nul car un groupe n’est jamais vide : il a
au moins un ´el´ement, `a savoir l’´el´ement neutre.
1
GROUPES
1.2.3. L’´el´ement neutre de Gest unique : en effet si eet e0sont deux ´el´ements neu-
tres, on a ee0=epuisque e0est neutre, et ee0=e0puisque eest neutre, d’o`u
e=e0. Ceci justifie la formulation adopt´ee dans (iii) : en toute rigueur, il aurait fallu
´ecrire par exemple “. . .tel que gg0et g0gsoient neutres”.
1.2.4. De mˆeme le sym´etrique g0de gGest unique : si g00 est un autre sym´etrique
de g, on a g0=g0e=g0(gg00)=(g0g)g00 =eg00 =g00.`
A cause de cette
propri´et´e d’unicit´e (qui utilise l’associativit´e, contrairement `a la pr´ec´edente), il est
l´egitime de parler du sym´etrique de get de le d´esigner par une notation telle que
g1(voir ci-dessous). Quel est le sym´etrique de l’´el´ement neutre ? celui de g1?
celui de gg0? (Remarque sur ces questions et toutes les autres : il ne suffit pas de
deviner la r´eponse, il faut la justifier).
1.2.5. La notation la plus courante pour une loi de groupe est la juxtaposition (ou
notation multiplicative) : le compos´e de deux ´el´ements get g0est simplement not´e
gg0. Dans ce cas, on convient g´en´eralement de noter g1le sym´etrique de g, et de
l’appeler son “inverse”. ´
Eviter la notation 1/g.
Sauf mention expresse, ou ´evidence, du contraire, tous les groupes consid´er´es ici
seront not´es multiplicativement, et l’´el´ement neutre d’un groupe Gsera not´e eG, ou
simplement esi aucune confusion n’en r´esulte.
1.2.6. Une autre notation souvent utilis´ee, mais uniquement pour les groupes com-
mutatifs, est la notation additive : la loi de groupe est not´ee +, le sym´etrique de g
est appel´e son oppos´e et not´e g, et l’´el´ement neutre est not´e 0.
1.3. R`egles de calcul dans les groupes. Soit Gun groupe, not´e multiplicativement ;
on notera el’´el´ement neutre de G.
1.3.1. Simplification. Si a, b, c Gerifient ac =bc alors a=b(la r´eciproque ´etant
triviale). En effet a=ae =a(cc1)=(ac)c1= (bc)c1=b(cc1) = be =b. Bien
entendu on se contente de r´esumer ces calculs d’une phrase telle que “multiplions `a
droite par c1les deux membres de l’´egalit´e ac =bc”. De mˆeme, ca =cb implique
a=b, “en multipliant `a gauche par c1”. Par contre, une relation telle que ab =ca
n’implique pas en g´en´eral que b=c, sauf si l’on sait que aet bcommutent, c’est-`a-
dire que ab =ba.
1.3.2. ´
Etant donn´es aet bG, l’´equation ax =ba une unique solution xdans
G, `a savoir x=a1b, que l’on trouve en multipliant `a gauche par a1. De mˆeme,
l’´equation xa =ba pour unique solution x=ba1.
1.3.3. On peut reformuler 1.3.2 en disant que, pour tout aG, l’application x7→ ax
de Gdans G(“translation `a gauche par a”) est bijective, ainsi que la translation `a
droite d´efinie par x7→ xa.
2
I.1 D´
EFINITIONS, PREMI `
ERES PROPRI ´
ET ´
ES, EXEMPLES
1.3.4. Op´erations “inverses” de la loi de groupe. Il est important de noter que les
deux ´equations ax =bet xa =bconsid´er´ees en 1.3.2 sont (`a moins que Gne soit
commutatif) deux ´equations diff´erentes, avec des solutions en g´en´eral diff´erentes.
C’est pourquoi, mˆeme dans un groupe not´e multiplicativement, on ne parle pas
de “division” : il y a en effet deux “quotients” de bpar a, qui sont a1bet ba1.
Bien entendu, ils co¨ıncident si Gest commutatif. En particulier, dans un groupe
not´e additivement (1.2.6), l’usage permet de d´efinir une soustraction par la formule
ab=a+ (b) = (b) + a.
1.3.5. Produits finis dans un groupe. Si nNet si a1, . . . , ansont n´el´ements de G,
on d´efinit par r´ecurrence sur nleur produit a1···ancomme ´etant l’´el´ement neutre
esi n= 0 (suite vide), et (a1···an1)anpour n > 0. Ainsi abcd est d´efini comme
´etant ((ab)c)d. On d´eduit alors de l’associativit´e la formule
(a1···am)(b1···bn) = a1···amb1···bn(1.3.5.1)
(exercice : r´ecurrence sur n). Cette formule entraˆıne la r`egle de calcul suivante : le
produit a1···anpeut se calculer par regroupement arbitraire de termes cons´ecutifs,
par exemple abcde = (a(bc))(de)=(ab)((cd)e). (Exercice : v´erifier ces ´egalit´es
d’abord directement `a l’aide des d´efinitions et de l’associativit´e, puis en utilisant
(1.3.5.1)). En particulier, on peut supprimer tout terme ´egal `a l’´el´ement neutre, et
toute suite du type aa1. Par contre, un changement dans l’ordre des termes change
la valeur du produit, sauf si Gest commutatif ou plus g´en´eralement si les termes
commutent entre eux.
Un cas particulier important de la r`egle de regroupement est la formule
(ab)(b1a1) = e
qui donne la r´eponse `a une question pos´ee plus haut (1.2.4) en montrant que l’inverse
de ab est b1a1(et non a1b1: aviez-vous trouv´e ?).
1.3.6. Puissances. Pour nNet aG, on d´efinit ancomme le produit a1···ano`u
chacun des aiest pris ´egal `a a. On a donc notamment a0=eet a1=a. Pour nentier
n´egatif , on pose an= (a1)n(ce qui est compatible avec les notations anerieures
pour n=1). On v´erifie alors que am+n=amanpour met nquelconques dans
Z(par exemple en discutant suivant les signes, le cas o`u met nNr´esultant de
(1.3.5.1)). On a en particulier an= (an)1, et aman=anam(les puissances d’un
mˆeme ´el´ement commutent entre elles). On a aussi amn = (am)n. En revanche on n’a
pas en g´en´eral (ab)n=anbn, sauf si aet bcommutent. (Exercice : pour n=1 et
pour n= 2, la formule (ab)n=anbnest vraie si et seulement si aet bcommutent).
Lorsque Gest commutatif et not´e additivement, on ne parle plus de puissances
mais de multiples et on note ´evidemment na et non an.
1.4. Exemples de groupes.
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