Le groupe socialiste ne votera donc pas ces amendements. M

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N° 84 – Mercredi 5 mai 99 – 4
Le groupe socialiste ne votera donc
pas ces amendements.
M. DELFAU. – Je prendrai l’exact
contrepied du rapporteur.
Non, le secteur financier privé
n’assure pas certaines exigences vi-
tales comme le financement des très
petites entreprises ou l’accès des
couches populaires au logement.
D’autre part, pour que le pôle fi-
nancier public puisse remplir ces
fonctions, il faut clarifier ses mis-
sions et aussi les conforter. Je
préférerais d’ailleurs parler d’un «sec-
teur financier public mixte» pour
marquer les spécificités du statut ju-
ridique et pour insister sur la dua-
lité des missions remplies, je pen-
se en particulier à La Poste.
Il y a aussi un problème de pé-
rimètre. Faut-il, ou non, y inclure
La Poste, sachant qu’elle a évi-
demment des fonctions d’aménage-
ment du territoire et de cohésion so-
ciale? Militant pour l’unité de cet
opérateur public, je ne veux pas ou-
vrir une brèche par laquelle débu-
terait son découpage!
À propos du rôle de la Caisse
des dépôts – aussi structure duale
– il y aurait matière à clarifica-
tion: quel lien organique aura-t-elle
avec les entreprises, par le biais de
sa participation au capital? Il faut
donc avancer, mais avec précaution,
pour que nos intentions claires ne
soient pas trahies dans la réalité.
On aurait ainsi intérêt à établir
un lien avec les articles 7D et
90E du traité de l’Union européen-
ne, qui mentionnent des «services
d’intérêt économique général», afin
de conforter notre secteur public.
Mes positions sont connues, je les
ai exprimées dans la presse; pour-
tant, je suis perplexe. Peut-être le
ministre pourrait-il s’engager à ce
que l’exposé des motifs ne soit que
le début d’une réflexion en ce sens?
M. LORIDANT. – Ces amende-
ments s’inscrivent dans la dynamique
des relations politiques entre le
Gouvernement et sa majorité plu-
rielle: le ministre a écrit à M. Hue
pour lui dire son souhait de voir
se constituer un pôle financier pu-
blic.
M. MARINI, rapporteur. – Je
comprends tout! L’exposé des mo-
tifs, c’est la lettre à M. Hue!
(Sourires.)
M. LORIDANT. – Ces amende-
ments ne nous font pas sortir du dé-
bat, ils en sont un chapitre particu-
lier, dont le contenu est peut-être
insuffisant, mais qui doit permettre
de prendre acte de cette orientation.
Nous constatons que le secteur fi-
nancier privé est très défavorable aux
exclus, aux toutes petites entreprises.
Nous attendons du Gouvernement
qu’il précise ses orientations: com-
ment envisage-t-il la coordination
entre la banque des P.M.E., La Pos-
te, les caisses d’épargne? Sous la
forme d’une G.I.E.? Nommera-t-il un
coordinateur? Le ministre rédigera-
t-il une instruction? Quelles sont ses
intentions et, surtout, son calendrier?
Tel est l’objet de ces amendements
que les socialistes jugent nécessaires
mais inopportuns.
M. STRAUSS-KAHN, ministre de
l’Économie. – Tout ce qui a été
dit est public.
Je ne vois pas pourquoi il fau-
drait nommer un coordinateur du sec-
teur financier public; ce coordina-
teur, c’est le ministre. C’est bien
dans cette optique que tous les élé-
ments de la sphère publique, y com-
pris La Poste, ont été rattachés à
un seul et unique ministère.
Mais il n’y a aucune raison de
figer tout cela dans la loi. Dans le
passé, nous avons, moi le premier,
eu le tort de surestimer l’impact des
lois sur l’économie. Non, l’activité
économique ne résulte pas de la loi.
L’économie vit, elle évolue.
Sachons faire la part des choses.
Il est convenu de juger inefficace
le service public. À tort: le servi-
ce public est très efficace dans cer-
tains domaines.
M. MARINI, rapporteur. – À
preuve le Crédit lyonnais sous la
direction de M. Haberer!
M. STRAUSS-KAHN, ministre de
l’Économie. – Néanmoins, ne nous
mettons pas des boulets aux pieds
en nous donnant la satisfaction illu-
soire d’ajouter trois articles dans la
loi. Ce n’est pas en légiférant qu’on
décrète l’activité économique.
M. MARINI, rapporteur. – Vous
voici devenu libéral!
M. STRAUSS-KAHN, ministre de
l’Économie. – Oh, cela, on en re-
parlera!
Ne nous disputons pas lorsque nous
sommes d’accord sur l’ensemble. Car
la discussion n’a pas à débuter, mon-
sieur Delfau, elle a commencé de-
puis longtemps entre le Gouverne-
ment et sa majorité. Il n’y a pas
opposition entre nous sur l’objectif
mais il y aurait un inconvénient à
ce que nous mettions en place dans
la loi des instruments de définition.
Que signifie concrètement par
exemple une politique de «taux
bas»? La politique économique que
mène un gouvernement au jour le
jour, ne doit pas être fixée à l’avan-
ce par la loi. Une orientation po-
litique est une chose; la définition
d’axes de gestion dans une loi est
autre chose.
M. BOURDIN. – Faut-il rappeler
que les caisses d’épargne sont une
personne morale de droit privé, mê-
me si la Caisse des dépôts et consi-
gnations y est partie prenante –
d’ailleurs non majoritaire. Je suis
de ceux qui souhaitent que les
caisses d’épargne diversifient un peu
leurs participations, surtout dans l’ac-
tion de proximité, où il semble
qu’on ait besoin d’un pôle mutua-
liste.
M. MARINI, rapporteur. – Ab-
solument!
M. BOURDIN. – Mais laissons
leurs futurs dirigeants le soin de me-
ner leur politique sans leur imposer
un carcan.
M. MARINI, rapporteur. – Très
bien!
M. LAMBERT, président de la
commission. – Cet intéressant débat
me donne l’occasion de réitérer la
question que j’ai posée, dans la dis-
cussion générale, sur le gouverne-
ment d’entreprise. Quand j’ai de-
mandé qui fixerait le cap, le mi-
nistre m’a répondu que, s’agissant
d’une société coopérative avec por-
teurs de parts, il reviendrait aux
organes normaux d’une telle société
de fixer le cap. Mais il a insisté
aussi sur l’importance de la Caisse
des dépôts et consignation dans le
capital. Monsieur le Ministre, ôtez-
moi d’un doute: je vous ai demandé
avec la naïveté que vous me
connaissez (sourires.), qui allait com-
mander.
M. CARRÈRE. – Qui préférez-
vous?
M. LAMBERT, président de la
commission. – En fin de compte,
c’est public ou c’est privé?
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N° 84 – Mercredi 5 mai 99
M. STRAUSS-KAHN, ministre de
l’Économie. – Je peux répondre à
M. le président et à sa feinte naï-
veté. La Caisse des dépôts et co-
signation devrait avoir, nul n’en dou-
te plus, 30 à 35% du capital et
probablement une minorité de blo-
cage, au moins au début. Une mi-
norité de blocage, cela signifie
quelque chose!
Mais ce n’est pas tellement cela
qui fait que le réseau des caisses
d’épargne a un légitime droit de
cité dans ce pôle public qui vous
intéresse visiblement autant que nous;
c’est que nous lui fixons dans la
loi des missions d’intérêt général et
que, à ma connaissance, c’est plus
la sphère publique que la sphère pri-
vée qui assure de telles missions.
La Caisse des dépôts, avec sa mi-
norité de blocage, interviendra sous
l’impulsion de Gouvernement si,
d’aventure, le réseau des caisses
d’épargne s’écartait de ces missions
que nous lui assignons par la loi.
C’est l’intérêt général qui fait la
relation avec le pôle public d’in-
tervention financière et cela se tra-
duit par une Caisse des dépôts, non
majoritaire, je le reconnais. Les dé-
cisions seront prises selon les règles
du gouvernement d’entreprise dont
vous parliez, mais avec un parte-
naire public important, et aussi
d’autres partenaires, qui devront res-
pecter la loi, laquelle définit les mis-
sions d’intérêt général.
Les amendements de la commis-
sion, que je sache, ne modifient
pas ces missions. Vous reconnaissez
donc leur utilité. Conduire des mis-
sions d’intérêt général, c’est rejoindre
l’intérêt public que le Gouvernement
est chargé de mettre en œuvre. Les
organes dirigeants des caisses
d’épargne conduiront leur action dans
le cadre de la loi que vous allez
voter. Il n’y a là aucune contra-
diction.
L’amendement n° 163 n’est pas
adopté.
Les amendements nos 162, 164 et
165 deviennent sans objet.
Intercommunalité
(Commission mixte paritaire)
M. LE PRÉSIDENT. – M. le
Président a reçu de M. le Premier
ministre la lettre suivante:
«Monsieur le Président,
Conformément à l’article 45, ali-
néa 2, de la Constitution, j’ai l’hon-
neur de vous faire connaître que j’ai
décidé de provoquer la réunion d’une
commission mixte paritaire chargée
de proposer un texte sur les dis-
positions restant en discussion du
projet de loi relatif au renforcement
et à la simplification de la coopé-
ration intercommunale.
Je vous serais obligé de bien vou-
loir, en conséquence, inviter le Sé-
nat à désigner ses représentants au
sein de cette commission.
J’adresse à ce jour, à M. le Pré-
sident de l’Assemblée nationale, une
demande tendant aux mêmes fins.
Veuillez agréer, monsieur le Pré-
sident, l’assurance de ma haute consi-
dération.
Signé: Lionel Jospin».
Il sera procédé à la nomination
des représentants du Sénat à cette
commission mixte paritaire selon les
modalités prévues par l’article 12 du
Règlement.
La séance est suspendue à 19h25.
*
**
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN,
VICE-PRÉSIDENT
La séance est reprise à 21h35.
Épargne et sécurité financière
(Urgence)
(Suite)
M. LE PRÉSIDENT. – Article
premier.
Le réseau des caisses d’épargne
remplit des missions d’intérêt gé-
néral. Il participe à la mise en
œuvre des principes de solidarité
et de lutte contre les exclusions.
Il a en particulier pour objet la
promotion et la collecte de
l’épargne ainsi que le développe-
ment de la prévoyance, pour
satisfaire notamment les besoins
collectifs et familiaux. Il contribue
à la protection de l’épargne po-
pulaire, à la collecte des fonds
destinés au financement du loge-
ment social, à l’amélioration du dé-
veloppement économique local et
régional et à la lutte contre
l’exclusion bancaire et financière
de tous les acteurs de la vie
économique sociale et environne-
mentale.
Dans les conditions fixées par
l’article 6 de la présente loi, les
caisses d’épargne et de prévoyan-
ce utilisent une partie des res-
sources relevant de leur activité
bancaire et commerciale pour le fi-
nancement de projets contribuant
à la protection de l’environnement
et au développement durable du
territoire et pour celui de projets
d’économie locale et sociale.
M. ANGELS. – On ne saurait
remettre en cause les missions d’in-
térêt général des caisses d’épargne.
C’est pourquoi l’article premier a
une importance particulière: en les
explicitant il trace des axes de so-
lidarité et de lutte contre l’exclu-
sion. Une partie des résultats sera
affectée à des projets d’économie lo-
cale ou sociale, ainsi que, par un
heureux ajout de l’Assemblée natio-
nale, à la protection de l’environ-
nement et à l’aménagement durable.
Nos deux amendements en précisent
la rédaction et regroupent les mis-
sions d’intérêt général.
Contrairement à l’appréciation du
rapporteur, cet article ne constitue
pas une déclaration d’intention, en-
core mois une illustration de l’hy-
pocrisie du Gouvernement.
M. MARINI, rapporteur. – Nous
n’avons pas la même opinion.
M. ANGELS. – Il met en valeur
les missions originales des caisses
d’épargne. Tant pis pour l’idéologie
de la majorité sénatoriale, les caisses
n’ont pas vocation à devenir des
établissements coopératifs comme les
autres. Non! La caisse d’épargne
n’est pas le Crédit agricole et ne
doit pas le devenir! Il faut au
contraire renforcer sa mission d’in-
térêt général au service des mé-
nages les moins favorisés comme des
actions de proximité. C’est pourquoi
nous soutenons cet article. (Applau-
dissements sur les bancs socialistes.)
M. LORIDANT. – Les élus sont
très sensibles aux missions conférées
aux caisses d’épargne. Leur forme ju-
ridique présente des singularités: sta-
tut coopératif, dividende social. Pour
la première fois, la loi affirme ex-
plicitement leurs missions d’intérêt gé-
néral. Si nous nous en réjouissons,
faut-il au nom de la spécificité de
sa ressource comme de l’emploi de
celle-ci, exonérer de la lutte contre
l’exclusion les autres établissements,
soucieux d’atteindre un montant cri-
tique ou de dominer? Les caisses
d’épargne doivent-elles être les seules
à prendre en compte ce que les
autres ne veulent pas traiter?
Le ministre a dit tout à l’heure
leurs missions d’intérêt général et
leur statut particulier. Si je prends
la parole en cet instant, c’est pour
que l’intention du législateur soit
clairement exprimée: les caisses
d’épargne forment sinon un pôle
public du moins un pôle mixte.
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N° 84 – Mercredi 5 mai 99
L’amendement n° 166 est retiré.
M. LE PRÉSIDENT. – Amende-
ment n° 166, présenté par Mme
Beaudeau, MM. Loridant, Foucaud et
les membres du groupe communiste,
républicain et citoyen.
Avant le premier alinéa de cet
article, ajouter un alinéa ainsi ré-
digé:
Le réseau des caisses d’épargne
participe au service public de
l’épargne et du crédit exercé par
le «pôle financier public» au ser-
vice de l’emploi et de la forma-
tion. Dans ce cadre, il assume des
missions d’intérêt général en par-
tenariat avec la Caisse des dé-
pôts consignations.
Mme Marie-Claude BEAUDEAU.
– Nous réaffirmons notre position de
principe: le financement du logement
social doit échapper aux contraintes
du marché. Il faut donc maintenir
l’affectation exclusive de la collec-
te du livret A au logement social.
Toutefois, le coût de sortie des em-
prunts est aujourd’hui de 4,2%. Ne
peut-on améliorer les conditions de
financement du logement locatif so-
cial? Certains recommandent d’adop-
ter la rémunération du livret A aux
conditions de marché mais, outre que
l’A.F.B. invoque les taux courts, le
risque de collecte demeure.
Dès que cette loi sera promul-
guée et que se profilera la loi de
finances pour l’an 2000, il faudra
se pencher sur la bonification des
prêts accordés aux bailleurs sociaux.
Si la priorité du Gouvernement est
de lutter contre toutes les formes
d’exclusion, il faut trouver un ins-
trument de bonification ou de fi-
nancement des opérations qui concou-
rent à cet objectif. Le taux des prêts
à 4,2% est trop élevé quand la
croissance est de 2% ou 2,5%, avec
une inflation quasi nulle.
Qu’un gouvernement de droite ait
réussi il y a quelques années à
mettre en place un prêt à taux zé-
ro, soit! Mais aujourd’hui il revient
à un gouvernement de gauche de re-
mettre les choses en place.
M. MARINI, rapporteur. – Cet
article, qui proclame l’objet social
des caisses d’épargne est de pur
affichage, sans portée concrète. On
croit utile de mettre en exergue des
missions d’intérêt général, sans por-
tée normative, puisque ce texte n’en-
traîne aucune obligation en consé-
quence de ce principe. On reste donc
dans le domaine du verbe.
On cherche vainement la portée
pratique ou contraignante pour les
caisses d’épargne des principes de
solidarité et de lutte contre les ex-
clusions. Cette formule fait sans dou-
te écho à la loi d’orientation rela-
tive à la lutte contre les exclusions
de juillet 1998, qui rappelait que
«la lutte contre les exclusions est
un impératif national fondé sur le
respect de l’égale dignité de tous
les êtres humains et une priorité de
l’ensemble des politiques publiques
de la nation». Le sixième alinéa
de cet article fait obligation aux
caisses d’épargne, en tant qu’acteurs
de l’économie solidaire, de lutter
contre les exclusions.
Après avoir rappelé la mission de
promotion et de collecte de l’épargne
traditionnellement allouée aux caisses
d’épargne, le texte poursuit: «[le ré-
seau] contribue à la protection de
l’épargne populaire et au financement
du logement social».
Une fois encore, le premier
membre de cette phrase n’apporte
rien en droit positif. Il suffit de
lire le rapport de M. Raymond
Douyère sur le présent projet de loi:
«l’ensemble de la réglementation ban-
caire est destinée à assurer la pro-
tection de l’épargne. Les caisses
d’épargne étant soumises à la loi
84-46 du 24 janvier 1984 relati-
ve à l’activité et au contrôle des
établissements de crédit, dite loi ban-
caire, elles doivent contribuer de fac-
to à la protection de l’épargne».
Tous les organismes soumis à la
loi bancaire doivent contribuer à la
protection de l’épargne, ni plus, ni
moins. Madame Marie-Claude Beau-
deau, votre amendement entre dans
ce cadre, mais il introduit une re-
dondance au sein de cet article pre-
mier. Il serait souhaitable de mettre
davantage l’accent sur l’aspect nor-
matif et concret du dispositif. (M.
Chérioux applaudit.)
M. STRAUSS-KAHN, ministre de
l’Économie. – Le Gouvernement est
favorable à l’amendement de Mme
Marie-Claude Beaudeau.
M. DELFAU. – Très bien!
M. STRAUSS-KAHN, ministre de
l’Économie. – Contrairement à ce
que vient de dire le rapporteur, les
missions d’intérêt général mises en
évidence dans ce texte ont bien une
portée normative. Sinon, comment ex-
pliquer que nous ayons passé une
bonne partie de l’après-midi à écou-
ter la majorité sénatoriale se plaindre
du dividende social?
M. LORIDANT. – Nous entamons
là un vrai débat, sur les missions
d’intérêt général du réseau.
Il est important de préciser que
ces missions ont bien une portée
normative, pour marquer la volonté
du législateur, qu’un jour ou l’autre,
les tribunaux seront amenés à re-
chercher. Soyons clairs: oui, le ré-
seau a vocation à s’adapter à une
clientèle peu fortunée, donc peu re-
cherchée par les banques. Il a de
plus une mission d’affectation des
ressources. Il doit distribuer un di-
vidende social.
Soyez clair, monsieur le Rappor-
teur général, ou vous acceptez cet-
te réforme, ou vous faites un contre-
projet de loi. Mais vous ne pouvez
pas être pour ce projet et contre
cet amendement! Très bien!» et
applaudissements sur les bancs so-
cialistes.)
M. LAMBERT, président de la
commission. – Ce débat commence
mal… Oui!» a droite.)
M. DELFAU. – Il fallait que ces
choses-là soient dites!
M. LAMBERT, président de la
commission. – Il ne faudrait pas que
l’opposition sénatoriale fasse de ce
débat un point de cristallisation de
la majorité plurielle. Sinon, nous
sommes mal partis!
Je comprends et respecte profon-
dément vos convictions. Mais je ne
peux, au nom de la commission des
Finances, avaliser l’introduction dans
la loi de dispositions qui ne sont
pas nécessaires à sa bonne compré-
hension.
Je croyais que nous pourrions en-
gager ce débat dans un esprit de
consensus. Or l’idéologie fait son ap-
parition dès le premier amendement.
La démocratie repose sur l’échange
des convictions mais vous semblez
choisir l’affrontement. Si vous com-
mencez par introduire de telles men-
tions dans la loi, le temps consa-
cré à ce débat ira bien au-delà de
ce que nous avions envisagé et son
esprit sera bien différent. À titre
personnel, et au nom de la com-
mission des Finances, je le regret-
terais.
L’objet de ce texte est de don-
ner aux caisses d’épargne un statut
pour l’avenir. Tenons-nous en à cet
objectif. Pour en marquer l’impor-
tance, je demande, au nom de la
commission des Finances, un scru-
tin public.
M. DELFAU. – J’ai été sensible
à l’argumentation du président de
la commission des Finances. Nous
ne sommes pas dans un débat idéo-
logique, mais dans une discussion
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N° 84 – Mercredi 5 mai 99
d’amendement. Il ne s’agit pas d’une
déclaration d’intention, mais d’une
disposition on ne peut plus précise,
qui est conforme à l’objet du li-
vret A. Il s’agit d’un fait, dont la
loi doit tenir compte. Oui, nous
avons un débat de fond. Vous vous
en expliquez très longuement dans
votre rapport, monsieur le Rappor-
teur général.
Puisque vous avez demandé un
scrutin public, chacun se prononce-
ra: nos électeurs jugent, notamment
les maires qui suivent nos travaux
avec attention et apprécient beaucoup
le livret A.
M. CHÉRIOUX. – On reparlera
bientôt.
M. BOURDIN. – Je suis étonné
de la tonalité…
M. CHÉRIOUX. – De la véhé-
mence!
M. BOURDIN. … de vos pro-
pos!
Je suis un défenseur de la spé-
cificité des caisses et du livret A,
caractérisé par l’affectation de la col-
lecte.
M. LAMBERT, président de la
commission. – Bien sûr!
M. BOURDIN. – Je ne vois pas
pourquoi on en déciderait à l’occa-
sion de ce texte. Je ne peux vo-
ter un amendement qui s’apparente
fort à un cavalier. (On le confirme
sur le banc de la commission.)
M. CARRÈRE. – Je m’étonne de
la tonalité de ce débat.
M. CHÉRIOUX. – Nous aussi!
M. CARRÈRE. – Je souscris vo-
lontiers aux propos apaisants du pré-
sident de la commission, mais je
voudrais bien qu’on ne répondît pas
à côté de la question. Le groupe
socialiste votera l’amendement,
qui n’est certes pas de nature à
provoquer un combat idéologique
féroce.
À la demande de la commission,
l’amendement n° 167 est mis aux voix
par scrutin public.
M. LE PRÉSIDENT. – Voici les
résultats du scrutin:
Nombre de votants .... 314
Suffrage exprimés ....... 314
Majorité absolue ......... 158
Pour .............................. 199
Contre ........................... 215
Le Sénat n’a pas adopté.
Deux amendements viennent main-
tenant en discussion commune.
Amendement n° 1, présenté par
M. Marini au nom de la commis-
sion des Finances.
Rédiger ainsi le second alinéa de
cet article:
Dans les conditions fixées par
l’article 6 de la présente loi, les
caisses d’épargne et de prévoyan-
ce utilisent une partie de leurs ex-
cédents d’exploitation pour le fi-
nancement de projets d’économie
locale et sociale.
M. MARINI, rapporteur. – Il s’agit
de lever une ambiguïté. L’utilisation
dans le texte du projet, d’ailleurs
proche de celui de 1983, du mot
«ressources» et de la référence conco-
mitante à l’article 6 pose un pro-
blème d’interprétation. La rédaction
actuelle laisse entendre qu’il s’agit de
toutes les ressources collectées pas
les caisses autres que les fonds
d’épargne centralisés à la Caisse des
dépôts, interprétation retenue par la
commission des Finances en 1991.
Mais l’article 6 du projet de loi
prévoit qu’une partie du résultat net
comptable des caisses – et non leurs
ressources – doit être, après consti-
tution des réserves, affectée au fi-
nancement de projets d’économie lo-
cale et sociale. L’Assemblée natio-
nale n’a pas relevé cette différen-
ce. Il paraît difficile de faire peser
la contrainte d’emploi des fonds sur
la totalité des ressources. D’où notre
amendement, qui s’inspire de l’ar-
ticle 16 de la loi de 1947 sur le
statut de la coopération.
M. LE PRÉSIDENT. – Amende-
ment n° 126, présenté par M. An-
gels et les membres du groupe so-
cialiste et apparentés.
Rédiger ainsi le second alinéa de
cet article:
Dans les conditions fixées par
l’article 6 de la présente loi, les
caisses d’épargne et de prévoyan-
ce utilisent une partie de leurs ex-
cédents d’exploitation pour le fi-
nancement de projets d’économie
locale et de projets contribuant à
la protection de l’environnement et
au développement durable du ter-
ritoire.
M. ANGELS. – Il s’agit, d’une
part de faire référence aux excédents
d’exploitation, et de permettre le fi-
nancement de projets contribuant à
la protection de l’environnement et
au développement durable du terri-
toire, projets qui sont utiles à la
collectivité. Je ne comprends pas que
la majorité sénatoriale, par le biais
de la commission des Finances, sou-
haite supprimer cet excellent ajout
de l’Assemblée nationale.
M. MARINI, rapporteur. – Je par-
tage les objectifs de M. Angels. Les
précisions qu’il souhaite voir appor-
tées sont contenues, pour la première
dans l’amendement n° 1, pour la se-
conde dans l’amendement n° 7 à l’ar-
ticle 6. Il a donc satisfaction.
M. STRAUSS-KAHN, ministre de
l’Économie. – La référence aux ex-
cédents d’exploitation est bienvenue
dans les deux amendements, mais ce-
lui de M. Angels mentionne la pro-
tection de l’environnement et le dé-
veloppement durable, qu’il faut
conserver.
M. LORIDANT. – Les caisses
d’épargne doivent assurer des mis-
sions d’intérêt général et à ce titre
être présentes dans les banlieues dif-
ficiles. Je sais d’expérience qu’il faut
parfois de rudes batailles pour les
conduire à renoncer à leurs projets
de fermeture d’agences. Il fallait que
cela fût dit. (M. Delfau approuve.)
L’amendement n° 1 est adopté.
L’amendement n° 126 devient sans
objet.
M. LE PRÉSIDENT. – Amende-
ment n° 127, présenté par M. An-
gels et les membres du groupe so-
cialiste et apparentés.
Compléter in fine cet article par
un alinéa ainsi rédigé:
Les missions définies au premier
alinéa, ainsi que les projets d’éco-
nomie locale et sociale et les pro-
jets contribuant à la protection de
l’environnement et au développe-
ment durable du territoire, doivent
présenter à la fois un intérêt en
termes de développement social ou
de l’emploi. Chaque caisse
d’épargne et de prévoyance tient
compte des orientations définies
par la Fédération nationale des
Caisses d’épargne et de prévoyance
pour le choix des projets sur son
ressort territorial et pour apporter
sa contribution aux actions régio-
nales et nationales entreprises par
le réseau.
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N° 84 – Mercredi 5 mai 99
M. ANGELS. – Il s’agit de trans-
férer le dernier alinéa de l’article 6
à l’article premier, celui-ci définis-
sant les missions d’intérêt général
des caisses d’épargne.
M. MARINI, rapporteur. – Nous
n’avons pas de désaccord sur
le fond, mais sur la place que ces
dispositions doivent occuper dans le
texte.
L’article premier exprime de ma-
nière générale, très qualitative et très
peu normative, les missions des
caisses d’épargne. L’article 6 préci-
se de façon plus technique et opé-
rationnelle les conditions d’affecta-
tion des résultats des caisses. C’est
à cet article que l’on trouve la dé-
finition concrète des projets suscep-
tibles d’être financés par les caisses
d’épargne au titre de ce que l’on
appelle, d’ailleurs improprement, le
dividende social.
Cet amendement est donc confor-
me à la logique du texte mais il
serait préférable de le rattacher à
l’article 6. Je souhaiterais donc que
M. Angels se rallie à l’amendement
7 de la commission qui est sen-
siblement identique au sien et qui
porte sur l’article 6.
L’amendement n° 127, accepté par
le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’article premier, modifié, est adop-
té.
M. LE PRÉSIDENT. – Article 2.
Le réseau des caisses d’épargne
comprend les caisses d’épargne et
de prévoyance, les groupements lo-
caux d’épargne, la Caisse nationale
des caisses d’épargne et de pré-
voyance et la Fédération nationa-
le des caisses d’épargne et de pré-
voyance.
M. LISE. – Je souhaite attirer
votre attention, monsieur le Ministre,
sur la situation très particulière des
caisses d’épargne des D.O.-M. ou,
plus exactement, des caisses des An-
tilles, puisque comme vous le sa-
vez celle de Guyane n’existe plus
et que celle de la Réunion a été
rattachée à la caisse de Provence-
Alpes-Côtes d’Azur.
On peut craindre que l’actuelle ré-
forme ne leur crée de sérieuses dif-
ficultés compte tenu des handicaps
structurels qu’elles connaissent et qui
sont de trois ordres: les coûts de
structures y sont en effet beaucoup
plus élevés qu’en métropole du fait
de charges de fonctionnement spéci-
fiques et du fait qu’un grand nombre
d’épargnants utilisent leur compte sur
livret comme des comptes courants.
En outre, l’épargne des ménages dis-
ponible est relativement réduite, ce
qui posera d’indéniables problèmes
lors de la vente des parts sociales.
Enfin, le niveau de fonds propres
est particulièrement faible.
Ainsi la caisse métropolitaine ayant
le plus bas niveau de capitaux
propres dispose d’une réserve cor-
respondant à huit fois celle de la
caisse de Martinique qui se monte
à 68 millions de francs, la caisse
de Guadeloupe en dispose de moi-
tié moins avec 35 millions, soit
exactement le niveau requis dans le
cadre de la dotation statutaire mi-
nimum des établissements bancaires.
De toute évidence, ce projet de
loi a été conçu pour des caisses
disposant d’une surface financière
beaucoup plus importante, consé-
quence des regroupements opérés en
métropole au cours de cette derniè-
re décennie. On ne peut donc se
contenter de l’appliquer aux Antilles
sans prendre des précautions toutes
particulières. Il en va de la survie
même des deux petites caisses qui
s’y trouvent et dont personne ne
peut sous-estimer l’intérêt sur le plan
local.
J’ai renoncé à déposer des amen-
dements qui auraient semblé aller à
contre-courant de cette réforme dont
je comprends bien l’inspiration. Mais
je souhaite vraiment obtenir des as-
surances quant à la volonté du Gou-
vernement de prendre toutes les dis-
positions nécessaires, autres que lé-
gislatives, pour que les deux caisses
de Martinique et de Guadeloupe puis-
sent poursuivre, voire renforcer, les
missions indispensables d’intérêt gé-
néral au service des populations
concernées.
M. LE PRÉSIDENT. – Amende-
ment n° 2, présenté par M. Marini
au nom de la commission des
Finances.
Dans cet article, supprimer les
mots:
«les groupements locaux d’épar-
gne,».
M. MARINI, rapporteur. – Il
s’agit d’un amendement de simple
conséquence de la position de prin-
cipe que votre commission vous de-
mandera de prendre à l’article 4
sur la suppression des groupements
locaux d’épargne et que nous sou-
haitons voir remplacer par des sec-
tions locales d’épargne, subdivisions
de l’assemblée générale des socié-
taires. Je préférerais donc attendre
cet article pour me lancer dans une
explication de fond puisque nous pro-
poserons de le modifier substantiel-
lement. Au cours de la discussion
générale, j’ai indiqué pour quelles
raisons nous ne pensions pas sou-
haitable de créer des groupements
locaux d’épargne. Qu’il me suffise
donc de dire que cet amendement
7 est un amendement de consé-
quence qui découle de notre volon-
té de simplifier l’architecture des
caisses d’épargne.
M. STRAUSS-KAHN, ministre de
l’Économie. – Je voudrais tout
d’abord dire à M. Lise qu'il a eu
raison de faire remarquer que la
situation des caisses d’épargne en
Martinique et en Guadeloupe était
spécifique: avec respectivement 68 et
35 millions, leurs fonds propres sont
faibles, même si elles collectent 75%
de l’épargne de ces îles alors que
ce pourcentage est de 50% pour
l’ensemble du réseau. Cela démontre
bien l’importance de ces caisses dans
les D.O.-M. Je vous donne l’assu-
rance que le Gouvernement tiendra
compte de la spécificité de la si-
tuation afin que le retour sur in-
vestissement soit assurée, notamment
aux Antilles. Certes, il faudra pré-
voir des procédures particulières mais
nous y veillerons.
J’en viens à l’amendement n° 72
et aux groupements locaux d’épargne
dont nous avons déjà parlé cette
après-midi. Le Gouvernement consi-
dère que ces groupements sont né-
cessaires et votre rapporteur est à
tel point d’accord avec moi, qu’il
propose de créer une structure sem-
blable mais privée de la personna-
lité morale. C’est une différence mi-
neure au regard des avantages que
l’on peut en retirer.
En outre, je n’ai pas évoqué cet
après-midi un autre avantage qui tient
à ces groupements: nous souhaitons
que le sociétariat soit uniformément
réparti sur le territoire; or si de
telles structures n’existent pas, nous
risquons de le voir se concentrer
dans les chefs-lieux ou les villes.
Si l’on veut vraiment toucher tout
le pays, il faut un intermédiaire et
le groupement local d’épargne répond
à cette exigence.
Je ne vois donc pas bien pourquoi
vous souhaitez tellement compliquer
le débat en lui refusant la person-
nalité morale. Je ne comprends pas
cet acharnement. Je ne suis donc
pas favorable à cet amendement.
M. CARRÈRE. – Je suis vrai-
ment très étonné que vous mainte-
niez cet amendement, monsieur le
Rapporteur, d’autant plus que vous
proposez de substituer aux groupe-
ments une autre structure mais dé-
nuée de personnalité morale. Quand
on connaît la difficulté qu’il y a à
regrouper sur un seul site les
1 / 8 100%

Le groupe socialiste ne votera donc pas ces amendements. M

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