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L’anthropologie et, avant elle, l’ethnographie, a toujours été fascinée par l’apparence
corporelle de l’Autre. Jusqu’en 1950, le corps était considéré comme le meilleur moyen de
comprendre les différences culturelles, une véritable clé pour étudier scientifiquement les
différences ethniques, esthétiques et éthique qui se reflétaient sur sa surface. C’est à partir
de cette vision du corps comme preuve visible, que le racisme scientifique se développe,
donnant naissance à deux nouvelles disciplines : l’anthropologie physique et
l’anthropométrie. Sans aucun doute, ces nouveaux « savoirs » sur le corps, en créant de
toute pièce la notion de type, ont influencé profondément l’utilisation de la photographie en
psychiatrie. Dès lors que le corps était vu comme une preuve, une évidence des différences
humaines, les scientifiques pensaient le corps comme « symptôme » et imaginaient, dans
cette logique, que les différences psychologiques et culturelles s’exprimaient exclusivement
à travers son apparence, ses signes visibles. En pensant le corps comme un simple
indicateur visuel de l’émotion, comme symptôme de l’âme, les psychiatres du final du
XIXème siècle, fascinés par la récente invention de la photographie, crûrent fermement en
son caractère « scientifique » et tombèrent tous dans l’illusion épistémologique et
méthodologique d’une photographie médicale. A partir du final du XIXème siècle, le
regard porté sur la maladie et sur le malade changent irrémédiablement, tout comme
changent les représentations du corps et les visions de ce dernier. Les psychiatres de cette
époque considère le corps comme un écran sur lequel se projettent les conflits intérieurs et
espèrent rendre visibles les traits spécifiques et la physionomie symptomatique du fou.
Dans les premières collaborations entre la photographie et la psychiatrie, « la photographie
ne servait pas seulement à identifier les patients mais elle aidait à reconnaître les
symptômes, à élaborer les typologies noséographique des maladies mentales et finalement
pouvait servir de substrat thérapeutique.”(Samain,1992). En réalité, le regard clinique qui
apparaît à la fin du XIXème, cherche à comprendre les maladies mentales en les rendant
visibles au niveaux de l´apparence corporelle. En passant de la maladie mentale
« invisible » au stigmate corporel photographié, les psychiatres semblent ne pas avoir pris
conscience, aveuglés par le contexte général de visualisation des maladies (catalogues des
maladies de peau et des malformations physiques, rayon X...) et par l’illusion réaliste de la
photographie, que le corps signifiant, porteur de messages passibles d´interprétations de la
part du médecin et du patient dépend également des représentations sociales du corps et de