Doctorat de l'Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne Thèse de Sciences de Gestion - Spécialisation Marketing présentée et soutenue publiquement le 29 Janvier 1993 par Jean-Marc LEHU ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ tome 1/2 Président du Jury : M. le Professeur Henri MERCILLON (Professeur à l'Université PARIS 1 - Panthéon Sorbonne) Suffragants M. le Professeur Pierre GREGORY (Professeur à l'Université PARIS 1 - Panthéon Sorbonne) Mlle le Professeur Claire OPSOMER (Professeur à l'Université PARIS 1 - Panthéon Sorbonne) M. le Professeur Jean-Claude GILARDI (Professeur à l'Université de NANCY II - Pôle Lorraine de Gestion) Mme Claudine de FRANCE (Chargée de Recherches au Centre National de la Recherche Scientifique) L'Université de PARIS 1 - Panthéon Sorbonne n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne . U.F.R. 06 - Gestion Sorbonne . Paris 1993 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Sujet : Origines et modes d'utilisation des célébrités par la publicité Résumé : Les célébrités ne sont pas monotypes. Par leur diversité et l'évolution de leurs caractéristiques, elles doivent mener à des choix et des modes d'utilisation différents et de plus en plus adaptés aux spécificités de la stratégie publicitaire, du produit et de sa cible. Cette dernière ne réagissant plus aujourd'hui de manière aussi homogène et aussi automatique que par le passé. Subject : Origins and using modes of the celebrities in advertising Summary : Celebrities are not of a one-sided kind. The evolution of their variety as well as their features lead to more and more choices and using modes relevant to advertising strategy specificities, to the product and the targeted population. This last, reacting not in such a homogeneous and automatic way as it did in the past. Résumé 3 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Remerciements "Les compliments made in Hollywood n'ont pas toujours grande valeur." Gene TIERNEY "Self Portrait" 1979. * * * Nous adressons de vifs et respectueux remerciements à M. le Professeur Henri MERCILLON de l'Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne pour ses recommandations avisées lors de la rédaction de cette thèse, ainsi que pour avoir accepté la Présidence de notre Jury de soutenance. De vifs et respectueux remerciements également à M. le Professeur Pierre GREGORY de l'Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne qui accepta de diriger nos recherches, nous guida et nous soutint à plusieurs reprises dans l'orientation de ces recherches ainsi que pour la mise en valeur de leurs résultats. De respectueux remerciements aussi à M. le Professeur Jean BODDEWYN, du Baruch College - City University of New York pour ses informations et la communication de certains de ses travaux sur ce thème. Merci à ces trois distingués enseignants pour les nombreuses sources d'information qu'ils nous ont fait connaître et leurs très précieux conseils. Nous exprimons également toute notre gratitude à Mlle le Professeur Claire OPSOMER de l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, pour son concours lors de l'élaboration du questionnaire de l'expérimentation. Nous exprimons aussi notre reconnaissance à M. le Professeur Jean-Claude GILARDI de l'Université Nancy II - Pôle Lorraine de Gestion et à Madame Claudine de FRANCE, Chargée de recherches au Centre National de la Recherche Scientifique, pour avoir accepté de faire partie de notre Jury de soutenance et d'être Rapporteurs sur cette thèse. Merci également à M. Pierre BOUZITAT pour ses commentaires sur la construction du fichier de dépouillement de l'enquête, à Anne-Claude LELIEUR, Co-auteur de Célébrités à l'affiche avec Raymond BACHOLLET et Conservateur de la Bibliothèque FORNEY pour sa très sympathique et enrichissante collaboration en nous ouvrant l'accès aux trèsors documentaires de l'Hôtel de Sens, à Anne SAINT DREUX pour nous avoir fait découvrir les extraordinaires documents du Centre National des Archives 4 Remerciements © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Publicitaires., à Jean Marie BOURSICOT de la Nuit des Publivores, pour ses connaissances publicitaires ainsi que l'aide qu'il nous a accordée, à Stanislas CHOKO de la galerie INTEMPOREL et à nos précieux contacts outre-Atlantique, Sherry BALLANTICH, Beverly COLLINS, Garnett J. HARRIS, Claude HELD, Marilyn HERING, Jannine PETSKA, Melanie Joan RILEY, Joan SEATON et Tom J. STUTO pour leur inestimable concours dans notre inlassable collecte d'exemples publicitaires d'utilisation d'une célébrité. Enfin, nous remercions du fond du coeur Eric BOURGEOIS, Pascal LECHEVALLIER, Gérard LEYNE, Florence et Daniel ZANA pour l'aide et surtout l'encouragement qu'ils nous ont apportés. Pour avoir doté cette étude des références pratiques et professionnelles qui nous semblaient indispensables, pour compléter l'enseignement la recherche scientifique et avoir enrichi cette thèse de nombreuses anecdotes, nous adressons toute notre reconnaissance pour l'appréciable collaboration et le précieux temps qu'ils nous ont accordés, à Christine ARFEUILLERES, Réalisatrice et Directrice Générale responsable de la création de l'agence ARFEUILLERES & Associés ; Jean-Charles BENCHETRIT, P.D.G. de l'agence B.C.R.C. ; Olivier BENSIMON, Président de l'agence SYNERGIE POLARIS B.J.K.E. ; Frédéric BESSARD, Responsable Commercial à l'agence OSCAR-INTERMARCO ; Marcel BLEUSTEIN-BLANCHET Présidentfondateur de l'agence PUBLICIS et Père de la publicité française ; Jean-Michel BIARD, Président de la société V.I.P. ; Gérald BIGLE, Avocat à la Cour ; Sonia BINET du Service Juridique du BUREAU DE VERIFICATION DE LA PUBLICITE ; Joanne BLACK, Vice-Présidente du service Marketing MASTERCARD, Jean-Claude BOULET, Co-fondateur de l'agence B.D.D.P. ; Bernard BROCHAND, Président du groupe EUROCOM ; David A. BROOKS, Responsable du département Communication chez CONTEL TELECOMMUNICATIONS ; Lorraine CALIENDO, Directrice du Centre d'Information de l'AMERICAN MARKETING ASSOCIATION ; Jean- Michel CARLO, P.D.G. du groupe YOUNG & RUBICAM ; Didier COLMET DAAGE, P.D.G. du groupe SAATCHI & SAATCHI France ; Daniel DAHAN, Directeur au Groupe BELIER ; Richard DEROURE, P.D.G. du groupe DOLCI DIRE ; Pierre de PLAS, Président de l'agence D.D.B., Claude DOUCE, Président du groupe BELIER ; Owen J. DOUGHERTY, Vice-Président, Director de la communication de l'agence F.C.B. CHICAGO ; Jean FELDMAN, P.D.G. de l'agence F.C.A.! ; Philippe GAUMONT, Président de l'agence F.C.B. ; Jean-Claude GERSCHEL, Directeur de la société de droits dérives A.P.M. ; Eric GILLIERON, Responsable Commercial à l'agence OGILVY & MATHER ; Jean-Michel GOUDARD, Président de l'International du groupe R.S.C.G. ; Jacques HEBERT, P.D.G. de l'agence J. WALTER THOMPSON ; Jacques HENOCH, VicePrésident de l'agence BELIER CONSEIL ; Jacques HODEN Directeur de la Communication de la société GENERAL ELECTRIC-C.G.R. ; Richard G. JONES, Vice-Président de l'agence YOUNG & RUBICAM NEW YORK ; Hidetada KOCHI, Directeur Général du bureau d'observation DENTSU FRANCE ; AnnyClaude LEMEUNIER, Présidente de l'agence BORDELAIS LEMEUNIER / LEO BURNETT ; Pierre LEMONNIER, P.D.G. de l'agence IMPACT ; Hervé LESSUR, Directeur de la Création, associé de l'agence COLLETTE, LESUR, DE SAINT5 Remerciements © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ ALIRE ; Stan LEVY, Directeur de Création de l'agence SUCCESS/SLAD ; Philippe MICHEL, P.D.G. de l'agence C.L.M./B.B.D.O. ; Donald O. MILLER, Directeur de la publicité à l'INDEPENDENT INSURANCE AGENTS of AMERICA ; Jean-François MINNE, P.D.G. de l'agence T.B.W.A. ; le Metteur en scène Jacques MONNET ; Nicolas MONNIER, Président de l'agence ALICE ; Bernard MONTIBERT, Responsable des Droits Dérivés aux EDITIONS ALBERTRENE ; Hubert de MONTMARIN, Directeur Général de l'agence JEAN & MONTMARIN ; Vincent NEGRE, P.D.G. du groupe LINTAS ; Iracema NOGUEIRA LIMA, Manager de l'agence UP. PROPAGANGA BRAZIL ; Raphaël PALTI, P.D.G. du groupe P.B.E. ; Madame PAUMIER Responsable des droits dérivés à la société BUBBLES ; Patrick PHILIPPART, P.D.G. de l'agence CORYPHE ; Annie POUSSIELGUES, Vice-Présidente de l'agence C.F.P. ; Alain de POUZILHAC, P.D.G. du groupe H.D.M. ; Vic RAGOEN Directeur du Marketing de la carte et Gérard DIJOUD, Directeur des Relations Extérieures d'AMERICAN EXPRESS ; Dick REIBOLD, Président de THE REIBOLD COMPANY ; Yves-Marie RENARD, P.D.G. de l'agence TED BATES ; Roger RICHMAN, Président de THE ROGER RICHMAN AGENCY ; Daniel ROBERT, Président de l'agence ROBERT & PARTNERS ; Jean-Claude ROBYN, P.D.G. de l'agence MC CANN-ERICKSON ; Nathalie de ROCHECHOUARD, Présidente de la société PLATEFORME ; Michel ROGALE, P.D.G. de l'agence D.M.B. & B. ; Peter ROGERS, Président de la société PETER ROGERS & ASSOCIATES, Jacques SEGUELA, VicePrésident du groupe R.S.C.G. ; Martine SOULES, Responsable de la publicité chez UNIROYAL ; William H. STOLBERG de la société FLEISHMAN HILLARD Inc. ; Jan VAN AAL, Président du Directoire de l'agence GREY ; Michel VADON, Directeur de Création de l'agence FAURE VADON FOREST BRIDOUX ; JeanFrançois VARIOT, P.D.G. de l'agence EQUATEUR ; Christian VIAL, VicePrésident de l'agence PUBLICIS ; Sudi VICTOR, de la société MEDIA COUNSEL Ltd ; Mark C. WESTERMAN, VicePrésident de l'agence W.B. DONER and COMPANY et à Monsieur WITNER, ancien P.D.G. de la société MERCURY France 1. Parce que des quatre coins du monde, par leurs recherches, leurs démarches auprès des ayants droit, leurs sources d'informations, ils ont permis l'illustration par l'exemple de chacun des points développés dans cette thèse, pour leur indispensable et précieux concours, nous remercions vivement Marie-Claire ADES (MUSEE DE LA SEITA), Gloria ALAMO (YOUNG & RUBICAM), Tsutomu ANDO (I&S), Heather ALLEN (UNGARO), Danielle ALVAREZ (LANCÔME), Jocelyne APPERCE (PATHE-MARCONI), Linda AREHART (SPIEGEL Inc.), Michel ARNAUD (CHANEL), Agnès ARTIS (S.M.H. FRANCE), Michel AUERBAC (A.M.P.), Marie-Claude AUGE (SYNERGIE / POLARIS), François BABOU (MARTINI), John BADCOCK (REVLON), Nancy BAMBERGER (MAC CANN-ERICKSON), Dominique BAUD (LEUTHE & ASSOCIES), Tom BENGEL (STETSON HATS Company), Christophe BERNARD (BRICOUT), Dominique BERNARD (CAMPARI), F. BESSON __________________ 1 - Compte tenu de la mouvance extrême des publicitaires, le nom de leur agence n'est donné qu'à titre indicatif, de leur lieu d'exercice au moment de leur intervention sur ce sujet. C'est la raison pour laquelle la date de l'entretien ainsi que leur fonction, seront toujours mentionnées lors de la première apparition du nom de l'intéressé, au cours de cette thèse. Ne sera rappelée par la suite que la date de l'entretien. 6 Remerciements © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ (GIRARD-PERREGAUX), Laure BESSON (LABORATOIRES MILES), Martine BILINSKI (FAURE VADON FOREST), Jean-Noël BIOUL (I.M.G.), Karen A. BLACK (REEBOK), Greg BOEKELOO (DELLA FEMINA TRAVISANO), Christiane BOMMER (LOMBARD ET ASSOCIES), Denis BONAN (BELIER CONSEIL), Cécile BONNEFOND (KELLOGG'S), Valérie BONNET (LINTAS), Eric BONTPART (JUMP), Denis BOUTTE (B.C.R.C.), Sylvie BOUTINEAU (LINTAS), David BOY (ELDORADO), Hubert BRO (CANON), Peter BROCK (D.D.B. NEEDHAM), Chantal BRUET (ESSILOR), Pierre BRUNEAU (SEITA), Luc BUCKENMEYER (REYMANN), Sunny BURROWS (COCA-COLA Company), Isabelle CALMEJANE (DIRECTION DE LA SECURITE ET DE LA CIRCULATION ROUTIERE / BISON FUTE), Christian CANE (CREATION MERVIL), Christian CASTRES (CASTRES S.A.), Edith CAYARD (GLEN TURNER), Maïté CAZEAU (CONTINENTAL AIRLINES), Kristen C. CHADWELL (CITRUS - ETAT DE FLORIDE - USA), Elaine CHAPNICK (AMERICAN LUNG ASSOCIATION), Joseph CHAK (CHIAT DAY), Jean-Loup CHEREL (ASSIMIL), Martine CHEVAUCHERIE (COLLETTE), Polly COCHRAN (W.C.R.S. MATHEWS MARCANTONIO), Wendy COHEN (CANNON MILLS COMPANY) Christine COINDRE (CORYPHE), Anita CORDIER (R.S.C.G.), Isabelle COORE (BELIER CONSEIL), Rémi COUDERT (TRIAC), Claude COURTEAUX (GENERAL ELECTRIC Company), Fabienne CROS (ALS CONSEIL), Philippe D'HERBOMEZ (TIMEX FRALSEN), Romany Da GAMA (W.C.R.S.), Martina DAHLSTRÖM (ÖHJNE & Co REKLAMBYRA), JeanYves DARDEL (OSCARINTERMARCO), Maritxu DARRIGRAND (NAPALI - QUICKSILVER), Annick DAVAINE (NIKON), Nathalie DAVAINE (DASSAS JAGLIN et ASSOCIES), Véronique DAYNAC (ANDRE HAYAT), Thierry De GANAY (P.A.C.), Vivian DELLA LUCIA (R.S.C.G.), Gérard DELASSUS (AUSTINROVER), Nicole DELLAVALLE (PUBLICITE LANCEMENT MARKETING), Germaine DELSALLE (EDITIONS ALBERT-RENE), Annie DEMELLIER (GEORGES RECH), Patricia DEROUBAIS (D.M.B. & B.), Betty De ROVERE (CONTACT & CREATIVITE), Catherine DETAPPE (ECOM et PARTENAIRE), Daniel DEVINEAU (SODIMAT INTERNATIONAL), Jean-Baudouin De CLERCK (3M), Yves De GIVRY (COMITE NATIONAL CONTRE LE TABAGISME), Danièle De GRAMONT (VCS DISTRIBUTION), Geoffroy De La BOURDONNAYE (PEPSI-COLA), MarieHélène Des COURTILS (LANDRIN & ASSOCIES), Satoshi DOI (DENTSU Inc.), Pascale DOUILLARD (CUSENIER), Cécile DOURNEL (SYLVANIA GTE), Aymar Du CLOSEL (RIO), Emmanuelle DUNOYER (BELIER), Philippe DUPIN de LACOSTE (GUERLAIN), Will ELDER (MAD), Maryse ELISABETH (R.S.C.G.), Véronique ESTAY (C.L.M./B.B.D.O.), Jacqueline FAURE (SOURCE PERRIER), Francis FERIAUD (GEMAP & MARIE), A. FERNANDEZ (PHILIP MORRIS), D. FERRETTE (UNICOM POLARIS), Marie-Christel FIARD (EYEWORKS 3 France), Katherine M. FIELD (DELTA AIRLINES Company), Jim FISHER (B.J.K. & E.), Jackie FIXOT (EDI 7SCOOP), Margaret FLEMING (LINTAS NEW YORK), Brenda FRANCOIS (SAATCHI & SAATCHI), Pamela FREEMAN (GUESS?), Roxanne FRIAS (METROPOLE TELEVISION), Patricia FRILET (INSTITUT LINGUAPHONE), Isabelle FRINGS (OGILVY & MATHER), Bruno FROMAGE (KRONENBOURG), Sabine FUKS (MANDARINE), Marie GALLEGO 7 Remerciements © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ (H.D.M.), Laura GASPERONI (LEVER), Alain GAULLIER (MIROIRS BROT), Emmanuel GIRAUD (OSCARINTERMARCO), Robert GIROUX (FARRAR, STRAUS & GIROUX INC.), Michel GISPALOU (SOPALAIN), Luce GIVOIS (H.D.M.), Francine GOMEZ WATERMAN), Sabine GORECKI (MC CANN ERICKSON), Mitsuo GOTO (CANON), Pierre GOVARE (R.J. REYNOLDS), Danielle GREEN (D.D.B. NEEDHAM), Odile GROSSMAN (SUCCESS/SLAD), Denis GUILLAUMIN (MARTELL & C°), Jean-Pierre GUMPRICH (ROSSIGNOL), Gilles GUNDHARDT (MERCEDES-BENZ), Francine GUTKOWSKI (NOUVEAU LANGAGE), Fabienne HABOUSHA (GENERAL MOTORS), Alexandre HANLET (PIANOS HANLET), JoAnn HEFFERMAN HEISEN (PRIMERICA Financial Services), Isabelle HERMANN (MIRABELLE), Gérard HERVO (C.E.A.F.L. DU VAL DE LOIRE), U. HINTNER (E. LEITZ Ltd), Stéphane HOFFMANN (LEROY-HAMEL), Nicki HOLME (LOWE HOWARD-SPINK), Peter HOWES (PARKER), Takae IMAJO (I&S), Shinobu INA (DENTSU Inc.) Nathalie INBONA (PHILIPS), Annie JAOUEN (C.P.M. CONSULTANT), Anne JEANNERET (POLE PROMOTION), Stevie JOHNSON (CURTIS PUBLISHING COMPANY), Jean-Claude JOURET (BARAN LICENSING), Barbara KAPLAN (FORTUNOFF), Hajime Masako Maiko KATO (DENTSU Inc.) Takashi KITAZAWA (DENTSU Inc.), Jean-Fred KOENIG (F.C.A.!), Pierre KUBEL (SITBON SUKERMANN KUBEL), Harvey KURTZMAN (MAD), Daniel LACY (TRACY-LOCKE ADVERTISING), Danielle LAFOUGERE (AUER), Christine LANCRENON (GREY), Catherine LANGLOISREVILLON (ALICE), Antoine LAPLANE (REMY-MARTIN), Lydia LASOTA (AUSTRALIE), Philippe LATIL (COMMUNICATION C.B. NEWS), Odyle LEBRET (LEROY-HAMEL), Véronique LECOEUR (MCDONNELL DOUGLAS), Norbert LEDESMA (LONGINES FRANCE - GROUPE S.M.H.), Bernard LE FRANC (MARIE BRIZARD), Michel LEGAY (FUSION), Jacques LEMAIRE (B.L./L.B.), Jean-Luc LENOIR (R.S.C.G.), Marie-Catherine LE ROY (FUJI FILM), Danièle LIHOREAU (ICEBERG), Michael LINTNER (JIM BEAM BRANDS CO), Philippe LORIN (AGENCE PHILIPPE LORIN), Jessica LUMSDEN (GOLIN/HARRIS COMMUNICATIONS), François MACHENAUD (ASTRA-CALVE), Philippe MACIOCIA (AIR FRANCE), Patrick MACRET (BRILLANT & ASSOCIES), Dominique MAINETTI (GAN), Guy MAITREJEAN (BAYARD), Anne MAGNIEN (COMMUNICATION C.B. NEWS), Janine MALARD (YOUNG & RUBICAM), Pascale MALYE (OSCAR-INTERMARCO), François MARCHE (EVIAN), Jean-François MARSEILLE (HERTZ), Arlette MARTIN (A.P.M.), Dominique MAUCLAIR (WALT DISNEY), Jacques MAUREL (ILFORD), Alan J. MAYER (HEUBLEIN Inc.), Hoy McCONNELL (D.M.B. & B. Chicago), Richard J. MEIDENBAUER (TOSHIBA), Emmanuel MELIN (LA SAMARITAINE), Bernard MICHAUD (PENTAX), Thierry MICHEL (RAIN-X), Shelley MILLER (CHRYSALIS), Bruno MOERMAN (OFFICE BELGE DE TOURISME), Robert MONTEUX (LE REVENU FRANCAIS), Annie MOREL (ELLESSE), Jay MORRIS (WINTNERS INTERNATIONAL COMPANY), Tomoko MURATA (DENTSU Inc.), Patrick NEIERTZ (LEO ISBA), Sanda NITESCO (DENTSU FRANCE), Christine NONIS (OPUS-HINTZY), Alain OTHENIN-GIRARD (EYEWORKS 3), Daniel PAILLE (LUTHA), Gilbert PAILLER (ASSOCIATION SAINTBERNARD), Eleni PAPADAKIS (GOLD GREENLEES TROTT), Isabelle PAPIEAU (ROSIERES), Roberto J. 8 Remerciements © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ PASSARIELLO (D.M.B. & B.), Martin J. PAZZANI (HEUBLEIN Inc.), Pauline PELON (PEYRAT & ASSOCIES), Philippe PEREL (BELIER CONSEIL), Karine PERRICAUDET (EQUATEUR), Chantal PERRIERE (WILLIAM SAURIN), Anne de PEYERIMHOFF (ROBERT & PARTNERS), George PIPAL (UNITED-MEDIA) Mathilde PIZZALA (NUTRIAL), Georges POHU (CARNAC SPORT), Michel POKORSKI (BOUGIE CHAMPION), André PORTE (REYMANN), Carol POTTER (LOWE HOWARD-SPINK), Béatrice POULAIN (R.S.C.G.), Danièle POUTS (PHILIPPE LORIN), John PRETE (MAD), Christine PREVOST (T.B.W.A.), Fabienne PRIEUR (M.G.T.B. PROMEDIT), Taco PROPER (I.B.M. ASIE), Patricia PRUGNO (FCB/LKP), Pierre REGNAULT (REYNOLDS / ETABLISSEMENTS REGNAULT), Jean-Noël REINHARDT (LE COQ SPORTIF), D. REITSMA (MITA), Loïc RENAUD (BELIER CONSEIL), Patrick RENAUD (NOVATION), Laurence REY (PUBLICIS CONSEIL), Daniel RICARD (STAND 21), Cheri RICKMAN (CHRISTIAN BROTHERS), Diane RIETHOF (RYTHME ALPHA), Jacques ROBERT (LES FILMS DU MARAIS), Dominique ROGER (ZENITH TIME), Isabelle ROLAND-GOSSELIN (LANCÔME), Eugénie ROMI (J. WALTER THOMPSON), Patrick RONEY (CHRISTIAN BROTHERS), Kenneth ROSS (PEPSI-COLA INTERNATIONAL), Agnès ROUX (DOLCI-DIRE), Jean-Louis ROY (KODAK-PATHE), Sandy ROWAN (DELTA AIRLINES Company), Véronique RUCHOT (BUSINESS), Eric RUMPLER (RIO), Harry SAADA (PYTHAGORE), Michelle SABATINI (FRANCAISE DE SOINS ET PARFUMS), Philippe SANDT (COLGATE-PALMOLIVE), Nancy SARNOFF (MANAGEMENT PLUS ENTERPRISES), Bernard SAUSSINAN (PARKER), Nicolas SCHAUFELBERGER (DIAMANT VERT), Hans SCHLICHTHABER (GRANINI), Martine SCHNEIDER (R.S.C.G.), Jean-Pierre SCHULTZ (ETERNIT), Isabelle SCHWOB (GEMAP CHAMBERY), Dominique SEBILEAU (I.B.M.), Marlène SEINTIER (HAIRSKIN), Serge SIMONIAN (SWISSAIR), Murat SINANOGLU (LE COQ SPORTIF), Christophe SOENEN (ROYAL MOTO FRANCE), Claude SOLANET (MC CANN ERICKSON), Nicole SOULAT (ESTEE LAUDER), Christiane STAHL (B.D.D.P.), Kathleen STEPHEN (PRINCESS CRUISES), Frances J. SULLIVAN (EASTMAN KODAK COMPANY), Laurence TAILLANDIER (IDEAL STANDARD), Kunihiro TAKENAKA (DENTSU Inc.), S. TANABE (T.D.K.), Isabelle TEBOUL (R.S.C.G.), François TEISSEDRE (EXOTIC INTERNATIONAL), Franco TESORIERI (AMERICAN LENGEND Company), Marie-Antoinette THIBAUT (SEB), Ken TOBOT (MEMTEK PRODUCTS), Jude TOMPKINSON (B.B.D.O.), Catherine TRELLU (GRAND PUBLIC), Ruud TRIPPAERS (AGIO HOLLAND CIGAR), Christian VALORSO (CALLEGARI BERVILLE), Roger VAN REMMEN (DAILEY & ASSOCIATES), Michèle VAUDRY (EDITIONS DARGAUD), Patricia VERGNAULT (GRANADA COMPUTER SERVICE), Michel VEYS (DINERS CLUB), Liliane VIGNON (H.D.M.), JeanNoël VILLEMIN (REVLON), François VLASSAK (ETINCELLE), Claudia VON PLATTEN (LUFTHANSA), Alain WAYSER (MARWAY), Jean-Jacques WEBER (ETERNA-FRANCE), Jacques WEISS (JUMP), Brad WESTIN (LUCASFILMS Company), Donna WILSON (CHRYSALIS), Rémy WUATELET (A.L.S. CONSEIL), YUKIO (DI), Bruno ZARCATTE (BURMA), Emilie ZENOU (PAN AM WORLD AIRWAYS), de même que toutes les 9 Remerciements © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ célébrités et tous les photographes, metteurs en scène, producteurs, ainsi que leurs agents qui de droit ou de fait nous ont apporté leur concours, ne serait-ce qu'en participant un jour à des campagnes ayant recouru à l'utilisation d'une célébrité... 10 Remerciements © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Sommaire "Comment a-t-on des idées ? Par la persévérance poussée jusqu'au bord de la folie. Il faut avoir la capacité de supporter l'angoisse et de conserver son enthousiasme pendant une longue période." Charlie CHAPLIN "My Autobiography" (1964) * * * Tome 1 Résumé 3 Remerciements 4 17 Introduction Chapitre I : Origines de la star A / Le star system 1 - Les initiateurs 2 - Développement et conséquences B / La star d'hier 1 - Eléments de définition 2 - Le mythe de la star 26 28 28 29 32 33 35 11 Sommaire © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ C / La star d'aujourd'hui 1 - Vulgarisation de l'appellation 2 - Evolution des caractéristiques D / Star et publicité 1 - Origines du rapprochement 2 - Une technique séculaire 3 - Les stars nées de la publicité Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité A / Recherche d'impact sur la cible 1 - Changement de ton de la communication 2 - Un facteur anti-zapping : attitude du consommateur 3 - Les personnages de bandes dessinées : des cibles diverses B / Autres fondements 1 - Transfert de notoriété 2 - Utilisation de la caution de la célébrité 3 - Mise à profit d'une adéquation stratégique 4 - Recherche d'identification au modèle 5 - Normalisation de la consommation du produit 6 - Personnification du produit 39 39 42 44 49 50 69 91 93 101 108 126 139 139 144 148 157 171 186 C / Etude des motivations du consommateur 192 1 - L'enseignement général de la recherche 2 - Recherche sur l'utilisation d'un porte-parole célèbre 3 - Méthodologie de l'expérimentation 4 - Résultats et analyse 193 5 - Conclusions 376 201 233 242 12 Sommaire © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Tome 2 Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité A / Définition du rôle publicitaire de la célébrité 1 - Le témoin 2 - Le porte-parole officiel 3 - Le bénéficiaire d'un contrat de sponsoring 4 - L'expert 5 - Le manager 6 - L'acteur B / Caractéristiques de la célébrité recherchée 1 - Sexe et âge de la célébrité 2 - Porte-parole unique ou porte-parole multiples 3 - Utilisation des droits dérivés C / Elaboration du contrat 1 - Dispositions légales 2 - Caractéristiques du contrat 3 - L'agent artistique 4 - Coût de la célébrité Chapitre IV : Analyse du mode et des règles d'utilisation d'une célébrité A / Risques publicitaires à éviter 1 - La vampirisation du message 2 - L'absence de crédibilité 3 - La non identification du porte-parole 390 393 394 397 399 409 430 439 445 448 469 478 485 486 499 503 506 524 527 528 536 559 13 Sommaire © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ B / Précautions et caractéristiques d'exploitation 1 - Précautions pour la célébrité 2 - Précautions pour l'annonceur 3 - Durée d'utilisation et supports adéquats C / Evocation publicitaire de la célébrité 1 - Sosies et imitations 2 - Le principe du détournement 3 - Les astuces publicitaires 571 571 577 586 597 598 607 620 Conclusions générales 627 Annexes 633 Annexe n°1 : Stars de bandes dessinées 1 - Le cas Droopy / Rank Xerox 2 - Le cas Astérix et Obélix 3 - Le cas Tintin 4 - Le cas Peanuts Annexe n°2 : Le cas de la montre Rolex 1 - L'huître la plus chère du monde 2 - Sélection des porte-parole 3 - Succès de la campagne 4 - Concurrence Annexe n°3 : Le cas de la carte American Express 1 - Do you know me ? 634 635 636 639 642 645 645 646 649 651 656 657 14 Sommaire © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ 2 - Evolution : la campagne Portraits 3 - Adaptation : communication hexagonale 4 - Concurrence et détournements Annexe n°4 : Le cas du savon Lux 1 - Origine de l'axe de la campagne 2 - Le choix des stars 3 - Pérennité et succès de la campagne Questionnaire d'enquête 662 664 665 669 670 674 679 684 A / Construction du questionnaire 684 B / Versions A et B du questionnaire d'enquête 694 Table de distribution du χ² 705 Lexique 707 Références bibliographiques 728 . Principaux ouvrages et travaux de recherches . Principaux articles de presse 729 756 Index + 787 Informations pratiques 808 Ce document est une version reformatée extraite de la thèse originale, afin de mieux s’adapter à la lecture d’une version électronique. Il est mis à disposition de Glamour Speakers pour une mise en ligne. Il présente par ailleurs diverses illustrations qui peuvent parfois être différentes de celles figurant dans la thèse originale. Pour toute information complémentaire, merci de me contacter : [email protected] ou tel : (0) 169.030.680 15 Sommaire © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ A mes parents, pour leur inconditionnel soutien. 16 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Introduction "Dans le monde de la publicité on ignore ce qu'est le mensonge, on appelle plutôt ça de l'exagération". Roger O. THORNHILL... "North by Northwest" Alfred HITCHCOCK (1959). * * * En 1985, lorsque le chanteur Michael JACKSON accepta de participer avec ses frères, à la communication publicitaire de la boisson PEPSI-COLA aux États-unis, pour un cachet de 5,5 millions de dollars, il exigea que son visage n'apparaisse pas plus de 2 secondes à l'écran ainsi qu'un droit de contrôle absolu sur la version finale du film1. L'annonceur accepta cependant cette exigence sans hésiter et reconduisit le contrat de la star, d'année en année avec même une substantielle augmentation du rémunération2. montant de sa Lorsque dix ans auparavant, les célébrités commencèrent à apparaître de plus en plus nombreuses dans des films publicitaires à la télévision américaine, certains observateurs qualifièrent l'événement de passager3 convaincus qu'ils étaient, que ce phénomène de mode ne pouvait en aucun cas perdurer. Sans doute __________________ 2 - En 1990, Charles GOODRUM et Helen DALRYMPLE __________________ 1 - Voir notamment : Steve BLOUNT et Lisa WALKER avec l'AMERICAN ASSOCIATION OF ADVERTISING AGENCIES "The Best of Ad Campaigns" paru aux Editions ROCKPORT PUBLISHERS (1988), Rockport, MA, Etats-Unis, page 152, et Roger ENRICO et Jesse KORNBLUTH "The other guy blinked, how Pepsi won the Cola Wars" Editions BANTAM (1986), New York, Etats-Unis, chapitre 6, "The gloved hand". se posèrent la question de savoir "Combien de bouteilles de PEPSI, la compagnie doit-elle vendre pour récupérer le coût du dernier spot publicitaire avec Michael JACKSON ? Réponse : 192.307.692" Charles GOODRUM & Helen DALRYMPLE "Advertising in America" Editions HARRY N. ABRAMS Inc. (1990), New York, Etats-Unis, page 18. 3 - "More than just a passing fancy" Ainsworth HOWARD, ADVERTISING AGE, Dossier spécial "célébrités et publicité" Section 2, du 30 Juillet 1979. 17 Introduction © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ avaient-ils oublié que dès la fin du siècle dernier, les célébrités avaient progressivement envahi la publicité presse jusqu'à la fin des années trente, puis s'étaient emparé des ondes radiophoniques, pour enfin revenir en force dès la fin des années 40 sur les pages publicitaires de la presse magazine. Or, si cette approche publicitaire fut très abondamment utilisée aux Etats-Unis, il n'est pas possible d'attribuer la paternité de ce phénomène aux publicitaires américains, et encore moins de leur reconnaître le monopole de l'utilisation des célébrités dans la publicité. Tout pays ayant bénéficié du développement de la société de consommation et de l'essor des media était alors à même de voir se développer cette approche ; et la France n'y échappa pas. Toutefois, si de nombreuses recherches et articles parurent et paraissent encore aujourd'hui outre-Atlantique, sur ses raisons et ses modalités, ce phénomène ne paraît pas avoir été perçu comme suffisamment important jusqu'à présent en France, pour susciter études et recherches spécifiques. Alors que parallèlement, les célébrités semblent participer à de multiples, diverses et plus nombreuses opérations de communication, générant parfois des investissements considérables. D'autre part, à l'étude du comportement du consommateur aujourd'hui, on s'aperçoit que les stéréotypes tant et justement mis à profit ces dernières décennies, sont de plus en plus difficilement discernables et exploitables4. Alors que certains auteurs préconisent une relative standardisation internationale de diverses études5, nous nous apercevons qu'un même individu peut adopter divers comportements, parfois totalement différents - voire opposés au cours d'un même processus d'achat6. Ses motivations et les traditionnels freins qui leur sont opposés se sont à ce point multipliés et diversifiés, que la prévision rigoureuse et scientifique de son attitude est devenue très complexe, et c'est sans aborder le point encore plus délicat du déclenchement du comportement7. L'homo oeconomicus de BENTHAM est mort, ses interprétations successives désuètes et la logique de son comportement __________________ 4 - Alain GRANGE CABANNE, Vice-PDG de l'Union des Annonceurs, Intervention lors du colloque qui eut lieu le 4 Avril 1990 sur le thème : "Quelle publicité pour l'Europe ?". Propos reproduits sous le titre : "Les obstacles techniques et culturels à la publicité" REVUE FRANCAISE DU MARKETING n°130, 1990/5 p. 45-47. 5 - Peter COOPER "Internationalisation des études qualitatives" (traduction de Christine SAINGARRAUDPUJOL) in REVUE FRANCAISE DE MARKETING, n°134, 1991/4. p.69 et s. 6 - "Les 6-11 ans résistent aux stratégies internationales", Katia ROUSSILLE, COMMUNICATION CB NEWS N°170 du 28 Mai 1990. 7 - Voir notamment : "Interpreting consumer mythology ; a structural approach to consumer behavior" Sidney J. LEVY, JOURNAL OF MARKETING Volume 45 d'Eté 1981, pp. 49-61. Voir également : Richard VAUGHN "How advertising works : a planning model... putting it all together" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Volume 20, du mois d'Octobre 1980, pp. 27-33 et son complément "How advertising works : a planning model revisited" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Volume 26 du mois de Février / Mars 1986, pp. 57-66. 18 Introduction © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ obsolète, vive le consommateur multifacettes ! Même si certains chercheurs se basent sur les études8 indiquant que les consommateurs pensent qu'ils existent trop de marques et que cela complexifie leur choix, la "nouvelle République de la Technologie" de Theodore LEVITT n'est pas encore parvenue à "homogénéiser les goûts mondiaux, les aspirations et les possibilités dans l'optique d'un marché global qui permettrait des produits standardisés à l'échelle mondiale". Que reste-t-il aujourd'hui du consommateur mondial décrit par le Docteur DICHTER9 et tant recherché depuis ? La tyrannie de la majorité n'est plus10. Sous-jacents dès les années 80, __________________ 8 - En 1982, l'agence de publicité américaine B.B.D.O. mena une enquête nationale au regard des 28.000 marques qui faisaient alors l'objet de publicité sur le territoire américain. Il ressortit que si 10% des consommateurs jugeaient le nombre de marques disponibles insuffisant, ils étaient 40% à penser que cette profusion de marques rendait leurs achats plus difficiles. "Marketing : shoppers are often confused by all the competing brands" Bill ABRAMS, THE WALL STREET JOURNAL du 22 Avril 1982. 9 - "Le client à l'échelle mondiale" Ernst DICHTER, Cahier de l'ADETEM n°8 (1963) réédité dans la REVUE FRANCAISE DU MARKETING n°136 (1992/1) p.71 et s. On peut légitimement s'interroger sur ces propos visant à définir un comportement universel du consommateur, de l'auteur qui par ailleurs expliquera l'année suivante que "bien des motivations, derrière ce comportement restent inconscientes" "Handbook of consummer motivations : the psychology of the world of objects" Editions McGRAW-HILL, New York, Etats-Unis (1964). Seraitce à dire que même dans son inconscient l'Homme répond aux mêmes standards ? 10 - La cigarette MARLBORO est différente d'un pays à l'autre, son succès repose en partie sur le fait quelle se rapproche à chaque fois du goût moyen, goût différent d'un pays à l'autre. Lorsque la SODIMA implante la marque YOPLAIT aux Etats-Unis, elle conçoit des yaourts beaucoup plus sucrés qu'en Europe. "Produit Introduction l'individualisme11 et le particularisme règnent aujourd'hui en maîtres dans nos sociétés occidentales12. L'industrie automobile japonaise elle-même a déjà perçu l'intérêt impératif des séries limitées et personnalisées. Par ailleurs, le N.I.H. factor13 évoqué par David international" mythique, le COCA-COLA est différemment gazeux, différemment sucré, différemment décliné, d'un pays à l'autre. L'enseigne "internationale" Mac DONALD'S a stratégiquement choisi d'adapter non seulement l'esthétique de ses restaurants à travers le monde, mais également l'offre de ses produits. Ces inévitables adaptations se retrouve en général pour tous les produits alimentaires. Voir à propos de UNILEVER, "European Advertising Strategies" Rein RIJKENS, Editions CASSELL, Londres, Grande-Bretagne, 1992, p. 33. 11 - "Le consommateur devient de plus en plus individualiste. Il y a un milliard de personnes sur la planète ayant assez d'argent pour choisir ce qu'ils veulent. Ils ne sont pas simplement solvables mais, ils peuvent allez au delà du vêtement le plus simple et du logement. Il sont capables de choisir ce qui représente chez eux cette expression de soi, cet épanouissement de la personne. C'est un phénomène extraordinaire mais cela rend la publicité beaucoup plus complexe. Pendant 80 ans, il s'agissait d'un monde où il fallait traiter des masses de plus en plus importantes, des media de masse,... Puis, au début des années 80 tout s'est inversé, les media deviennent de plus en plus ciblés, le consommateur devient de plus en plus individualiste et cela ne l'intéresse plus de faire partie d'une masse homogène et anonyme. [...] C'est quelque chose de presque biologique chez l'homme, il recherche toujours à faire ressortir sa diversité. Je crois que cela continuera et ira même en s'accentuant. [...] Le prochain défi est là." Extrait de l'allocution d'Alex KROLL, P.D.G. du groupe YOUNG & RUBICAM, 3ème Citée de la Réussite, Université de la Sorbonne, 24-25 Octobre 1992. 12 - "La plupart des grands marchés proviennent de marchés niches. La raison est que ces marchés niches procurent de nombreuses leçons importantes sur le consommateur - en particulier de penser à eux en termes d'individus et de répondre à leurs besoins spécifiques" Regis McKENNA in "Marketing in an Age of diversity" HARVARD BUSINESS REVIEW Volume 66, n°5 de Septembre / Octobre 1988, p.91. 13 - Littéralement : "pas inventé ici". Le principe repose sur le fait que les consommateurs se montrent méfiants 19 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ OGILVY perdure avec plus ou moins d'intensité selon les individus et les produits considérés. "Jusqu'à ce que nous soyons parvenu à Un Monde, il ne peut exister de Marketing international, mais seulement un Marketing local partout dans le monde14". La célèbre maxime philosophique lapidaire de NESCAFE résume à elle seule l'origine de son succès : Think global, act local15. Et il ne faudrait pas croire que ce phénomène ne s'applique qu'aux biens de grande consommation. Aujourd'hui, dans sa communication institutionnelle, le groupe suissosuédois A.B.B. (ASEA BROWN BOVERI), leader mondial sur le secteur des biens d'équipement, insiste toujours sur sa maxime : «L'art d'être local mondialement»16. Nous pensons donc qu'il est vain d'essayer de forger des règles applicables uniformément au plus grand nombre, si ce n'est un modèle tentant de démontrer que les modèles et les systèmes17 universels ne sont plus... Le consommateur multifacettes d'aujourd'hui n'escalade plus la célèbre pyramide de MASLOW, pour assouvir en dernier ressort ses besoins d'accomplissement, mais il s'y promène toute sa vie durant, dans une inlassable quête "sisyphienne" d'un bonheur absolu et personnel. La "globalisation" des marchés est encore un mythe et pour longtemps, tant sont nombreux les obstacles aux stratégies de marketing international18. La segmentation chère à Wendell SMITH19 reste la clé d'une stratégie __________________ 16 - Voir notamment : "Company profile : global hero" envers toute innovation, tout produit, toute idée en provenance de l'étranger. David OGILVY "La publicité selon OGILVY" Editions DUNOD, Paris (1983). A ne pas confondre avec ce que d'autres publicitaires - comme l'agence J. WALTER THOMPSON - s'efforcent de traduire par "now improved here / perfectionné maintenant ici -, en opposition justement à celui évoqué par David OGILVY. Le cas d'école est celui de KODAK dont le thème "KODAK is color" lancé en 1985, fut décliné, adapté, perfectionné par toutes ses agences YOUNG & RUBICAM, J.W. THOMPSON et Mc CANN ERICKSON - à travers le monde. 14 - Propos de George WEISSMAN - alors Président de PHILIP MORRIS Inc. - présentés par Lee ADLER, dans son livre "Plotting Marketing Strategy, A New Organization" Editions SIMON & SHUSTER, New York, Etats-Unis (1967). p.229. Et c'est bien entendu sans compter les influences durables ou passagères de certains pays, de certains styles de vie sur d'autres. Voir notamment "U.S. Style of life invades Europe" Dwight E. ROBINSON, HARVARD BUSINESS REVIEW Volume 66, n°5 de Septembre / Octobre 1968 pp. 140-147. 15 - Pensez global, agissez local. Romy JOYCE, INTERNATIONAL MANAGEMENT du mois de Septembre 1992 et "US Brands abroad : an empirical study of global branding" Barry Nathan ROSEN, Jean J. BODDEWYN et Ernest A. LOUIS, INTERNATIONAL MARKETING REVIEW Volume 6, n°1, 1988, pp. 7-19. 17 - "Chaque système est donc vrai par ce qu'il propose et faux par ce qu'il exclut et la prétention de tout expliquer peut rapidement amener le système à l'état de délire d'interprétation" Roger CAILLOIS "Le mythe et l'homme" Editions GALLIMARD, Paris (1938,1972,1989) réédité en collection FOLIO p. 18. 18 - Une liste de ces principaux obstacles fut dressée en 1968 par Robert D. BUZZELL dans "Can you standardise multinational Marketing ?" HARVARD BUSINESS REVIEW du Novembre / Décembre 1968 pp. 108-109, tableau n°1. Voir également : "Multinational advertising : factors influencing the standardised vs. specialised approach" Barbara MUELLER, INTERNATIONAL MARKETING REVIEW Volume 8, n°1, 1991, pp. 7-18. 19 - Wendell R. SMITH "Product diffentiation and market segmentation as alternative Marketing Strategies" JOURNAL OF MARKETING 21, Juillet 1956, pp. 3-8. 20 Introduction © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ marketing qui s'adapte et s'adaptera sans cesse à la diversité des consommateurs de l'entreprise. Lorsque les petits LEGO danois furent lancés sur le marché japonais à l'instar des techniques promotionnelles qui avaient été utilisées sur le marché américain, le lancement échoua20. L'échec retentissant des stylos PARKER ambitionnant la mondialisation de leur publicité en 1984 est encore dans l'esprit de chacun21. L'imposante machine marketing qui fit - en partie ? - l'énorme succès du film Batman aux États-unis en 198922, fut transposée à l'identique lors de la sortie du film en France. Nombreux furent quelques mois après, les détenteurs de licences qui avaient toutes les peines du monde à écouler leurs stocks de produits estampillés de l'emblème de l'homme chauve-souris. Non seulement le film n'eut pas le même succès, mais le consommateur français ne réagit pas du tout de la même façon que son alter ego américain, à la pression publicitaire et promotionnelle de 15 millions de francs qui fut mise en place. Certes, la publicité 23 internationale existe , mais combien existe-t-il de campagnes publicitaires réellement internationales ? Quelle est d'ailleurs la définition d'un "grand film qui marche partout"24 en publicité ? L'objectif de la publicité n'est-il pas au départ de s'adresser à un individu en tant que tel, et non à une foule aux contours imperceptibles ? Certes des exemples existent, GILLETTE, TIMEX, ainsi que KODAK et MARLBORO, dans une certaine mesure. Mais s'il est aisé de les citer, c'est qu'ils font figure d'exceptions25. En 1986, les Professeurs Yoram WIND et Susan DOUGLAS26 __________________ 23 - Voir notamment : "Advertising standardization" John __________________ K. RYANS jr. et David G. RATZ, INTERNATIONAL JOURNAL OF ADVERTISING du mois de Juin 1987, pp. 145-158. 20 - "Paradoxalement, en l'absence de diversité de 24 - Extrait des propos tenus par Jacques SEGUELA au conduite dans l'organisation, la standardisation du marketing ne fonctionnera pas. Lorsqu'un programme est chargé d'un trop grand nombre de standards, l'efficacité locale et l'expérimentation minutieuse des marchés s'évaporent" Kamran KASHANI in "Beware the Pitfalls of Global Marketing" HARVARD BUSINESS REVIEW Volume 67, n°5 de Septembre / Octobre 1989, p 93. Colloque "Quelle publicité pour l'Europe ?" le 4 Avril 1990 et reproduits sous le titre : "CITROEN : une campagne unique pour l'Europe" dans la REVUE FRANCAISE DE MARKETING n°130, 1990/5, p. 37-41. 21 - Voir notamment : "PARKER Pen : what went wrong ? Why company global marketing plan foundered" Joseph M. WINSKI et Laurel WENTZ ; "PARKER Pen finds black ink" Kevin COTE, GLOBAL MARKETING / INTERNATIONAL SURVEY 1987 édition / ADVERTISING AGE du 13 Juillet 1987 ; "Goodby global ads : Global village is fantasy land for big marketers" Julie SKUR HILL et Jospeph M. WINSKI, ADVERTISING AGE du 16 Novembre 1987. 22 - Plus de 12 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Introduction 25 - Au début des années 80, dans le but de lutter contre la concurrence japonaise, BLACK & DECKER "globalisa" ses actions à l'étranger. Certes aujourd'hui, ces outils ont pratiquement tous le même aspect, dans les différents pays d'implantation. Néanmoins, ils demeurent extrêmement différents consécutivement aux différents équipements électriques et autres variations de voltage d'un pays à l'autre. 26 - "Le mythe de la globalisation" Yoram WIND et Susan DOUGLAS, in RECHERCHE et APPLICATIONS EN MARKETING N°3, Octobre 1986. Voir également l'exemple de McDONALD'S dans "McWORLD ?" Kathleen DEVENY, John E. PLUENNEKE, Doris JONES, Mark MAREMONT et Robert BLACK, 21 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ analysaient en détail combien la théorie du Professeur LEVITT27 reposait sur des bases fragiles. Les différences dues notamment à la culture, aux goûts, aux normes nationales et à la structure des affaires ne sont pas des vestiges du passé. Bien au contraire et malgré les multiples phénomènes d'acculturation, elles subsistent28 et doivent être considérées. Récemment encore les publicitaires recherchaient vainement la définition du "simple" consommateur européen29, dont les caractéristiques BUSINESSWEEK du 13 Octobre 1986, ainsi que celui de GENERAL FOODS Corp. dans "Local move : GF prepares regional plan with promo $" Judann DAGNOLI, ADVERTISING AGE du 9 Février 1987. 27 - Theodore LEVITT "The globalization of markets", HARVARD BUSINESS REVIEW, Mai-Juin 1983. 28 - Bernard DUBOIS "Culture et Marketing", RECHERCHE ET APPLICATIONS EN MARKETING Volume 2, n°1/1987, p. 43-54. 29 - Voir notamment "The average european does not exist !" Isabelle MUSNIK, COMMNUNICATION CB NEWS n°276 du 9 Novembre 1992. Déjà en 1988, le groupe YOUNG & RUBICAM présentait dans les pages du magazine STRATEGIES, les résultats de son enquête qui démontrait que l'Européen moyen n'existait pas. "Eurostyles : l'européen introuvable" Guillaume BONNET, STRATEGIES N°608 du 16 Mai 1988. Voir également "Quels sont les consommateurs européens ?" Bernard PINET, REVUE FRANCAISE DU MARKETING n°130, 1990/5 p.19-29. Ce qui faisait dire à Yves de RICKEBUSCH - Directeur général de la société d'études DEMOSCOPIE - deux ans plus tard : "L'évolution est certes lente, mais elle est inéluctable et naturelle. Nous allons vers une convergence des comportements, des modes de vie et des mentalités des Européens [...] si les Européens possèdent vraiment des caractéristiques et des attentes communes, elles ne s'expriment pas nécessairement en termes de consommation" et Oliver GERADON de VERA Directeur général adjoint de la SECODIP - de compléter en disant que "le consommateur européen existe, mais seulement pour des produits transculturels, ceux qui se situent au delà de sa culture traditionnelle particulière" in "Vers un euro-consommateur" Véronique LE BRIS, MARKETING MIX n°67 du mois de Novembre 1992. autoriseraient les annonceurs à un seul et même message universel compris de tous et générant le même comportement. Même sur un marché national, le marketing doit de plus en plus mettre en place, non sans difficultés, des sous-systèmes hybrides30 lui permettant de toucher des consommateurs différents31. "Il n'y a que très peu de produits, si toutefois il en existe, que vous pouvez standardiser en toute sécurité, je pense que toute la folie du marketing global n'est qu'un stratagème utilisé par les agences de publicité pour obtenir de nouveaux budgets" commentait déjà en 1984, le Professeur Philip KOTLER32. Dans cet univers d'hétérogénéité, la célébrité serait-elle alors aujourd'hui, l'une des solutions permettant systématiquement de toucher ces multiples et divers consommateurs, de manière universelle, ou au contraire, doit-on la considérer comme un élément permettant d'affiner le ciblage d'un groupe de consommateurs particuliers, dans l'optique d'une incontournable segmentation ? Voir également "L'alimentaire à l'heure européenne : Ne pas se tromper d'objectif" Philippe KAAS - OC & C Strategy Consultants - L.S.A. n° 1323, Spécial SIAL du 22 Octobre 1992. 30 - "Managing hybrid marketing systems" Rowland T. MORIARTY et Ursula MORAN in HARVARD BUSINESS REVIEW Volume 68, n°6, de Novembre / Décembre 1990, pp. 146-155. 31 - "Smart selling" Christopher POWER, Lisa DRISCOLL et Earl BOHN BUSINESSWEEK INTERNATIONAL du 3 Août 1992. 32 - "The ad biz gloms onto «global»" Anne B. FISHER, FORTUNE du 12 Novembre 1984. 22 Introduction © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Pour répondre à cette question, il nous semblait intéressant de mener trois recherches en parallèle. En premier lieu, une recherche matérielle s'imposait. C'est à dire tenter de rassembler le plus grand nombre possible de cas publicitaires d'utilisation d'une célébrité, en France et à l'étranger,33 pour prendre connaissance de ce qui avait déjà été fait. Quelles célébrités avaient-elles été utilisées par la publicité ? pour quel(s) produit(s) ? Et comment avaient-elles été utilisées ? Dès lors que ces cas furent recherchés au cours des six dernières années, sans a priori quant aux sources, supports, ou types de porte-parole célèbres, on pourra considérer que les 8.191 - saisie arrêtée le 1er Août 1992 - cas publicitaires d'utilisation d'une célébrité rassemblés, constituent un échantillon représentatif de ce qui a pu être fait. Bien que les conclusions que l'on puisse en tirer restent encore limitées, il constituera une base appréciable pour analyser le type de célébrités ainsi que le sexe des porte-parole les plus utilisés au regard des différents types de produits ainsi que de certaines __________________ 33 - Les cas étrangers présentés sont en grande partie des cas américains, notamment pour la double raison qu'il s'agit du premier marché publicitaire mondial, ainsi qu'en raison de l'abondante utilisation de cette approche aux Etats-Unis. En 1989, les dépenses publicitaires américaines représentaient 2,7% du P.N.B. (1er rang). A la même époque les dépenses publicitaires françaises représentaient 0,7% du P.N.B. (9ème rang). Sources : STARCH, INRA, HOOPER Inc., J. WALTER THOMPSON WPP Group. "PUB, la fin du pactole" Bernard LALANE, L'EXPANSION n°395 du 20 Décembre 1990. Introduction marques. Pour éviter certains biais dans la composition de cet échantillon, il ne fut tenu compte que des cas vérifiés de visu, ou recoupés au moins une fois. C'est la raison pour laquelle notamment, alors que l'on peut estimer à plus de 2.000 célébrités le nombre de porte-parole du savon LUX, seuls 323 cas "confirmés" sont recensés à ce jour dans la base. Ces 8.191 cas constituent ce que nous appellerons désormais la base de données Alphastar34. __________________ 34 - Pour éviter le biais dû aux utilisations multiples d'une même célébrité pour le même produit, la base ne considère que les cas originaux (ex : l'association Catherine DENEUVE / Parfum / CHANEL n°5 ne représente qu'un seul enregistrement, alors que la star a été identifiée à ce jour pour sa participation à 53 films publicitaires et plusieurs dizaines d'annonces au profit du n°5). Trois fichiers de correspondances lui sont connectés. Betastar1 regroupe les principales caractéristiques (nom, prénom, sexe, activité(s)) des porte-parole célèbres identifiés, soit 3.514 célébrités ; Betastar2 regroupe l'ensemble des noms de marques qui furent identifiées comme ayant eu recours à l'utilisation publicitaire d'une célébrité, soit 2.943 annonceurs ; enfin, Betastar3 regroupe l'ensemble des types de produits qui furent un jour promus par une célébrité, soit 973 types recensés à ce jour. Il a été malheureusement renoncé à considérer la nationalité de la célébrité ou celle du cas d'utilisation. Ces critères n'apparaissaient pas être utilisables de façon déterminante ici, pour deux raisons essentielles. En premier lieu, l'identité de la célébrité ne garantissait nullement une exploitation nationale corollaire, puisque de tout temps, en fonction de leur degré de célébrité, elles furent employées par la publicité dans plusieurs pays. En second lieu, divers produits sont eux mêmes commercialisés et/ou fabriqués dans plusieurs pays, mais dans certains cas sous des noms différents, générant l'utilisation de mêmes campagnes, d'adaptations ou de campagnes différentes. Il apparaissait donc nécessaire de simplifier la procédure d'enregistrement pour éviter en partie le biais de la duplication. Enfin, on pourrait a priori reprocher à cette base de données de ne pas considérer de facteur temporel, en rassemblant des cas publicitaires de 1910 à nos jours. Dès lors qu'il s'agissait d'avoir un aperçu sur ce qui a été fait, il n'est pas apparu souhaitable de prendre en compte ce type de facteur, de manière à éviter le biais d'une codification arbitraire. En effet, quelle date - si 23 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Le deuxième axe de nos recherches, visait à recueillir l'enseignement de la recherche scientifique à ce sujet. De nombreuses études furent menées - principalement aux Etats-Unis - et cet axe nous semblait un complément incontournable, notamment pour obtenir un guide d'aide à la construction d'une expérimentation personnelle. Celle-ci fut menée à l'aide d'un support réel, afin d'étudier et de mieux comprendre les réactions des consommateurs, au regard de cinq publicités utilisant cette technique publicitaire. professionnelle française et étrangère, fournissant quelques compléments d'information intéressants sur le sujet. Il nous paraissait impératif d'accompagner cette étude avec de nombreux éléments pratiques et de commentaires professionnels, pour compléter l'apport scientifique, dès lors que ce sujet offrait de très larges champs d'investigation en France. Notre objectif est d'apporter, par petites touches successives, des éléments de réponse et peut-être de compréhension, à cette approche publicitaire qui consiste à recourir à un porte-parole célèbre. Enfin, dernier axe de nos recherches, une enquête auprès des professionnels de la publicité pour recueillir leur sentiment, leur analyse et leurs convictions sur cette caractéristique de la stratégie publicitaire. C'est pourquoi de nombreux éléments d'entretien de publicitaires français et étrangers viendront compléter, corroborer et nuancer notre analyse. A des fins de vérification ou de simple recoupement, cette dernière recherche fut également accompagnée par une compilation essentiellement sur ces dix dernières années - d'articles de la presse Nous retracerons donc dans un premier temps l'origine de la star, pour essayer de comprendre quand et comment ces porte-parole stars acquirent la notoriété puis l'image, qui leur permirent d'être sollicités par la publicité pour vendre ses produits. Puis nous constaterons l'évolution de l'appellation et son adaptation. Nous étudierons alors ces porte-parole célèbres utilisés par la publicité, pour savoir s'ils sont "monotype," ou au contraire, s'il est possible de classer les célébrités utilisées en communication persuasive selon leur degré de notoriété, leur image et leurs caractéristiques intrinsèques. toutefois l'information était disponible - fallait-il retenir ? L'exploitation d'une célébrité s'étale dans certains cas sur plusieurs années, et parfois même de manière discontinue (l'actrice Judy GARLAND fut utilisée par le savon LUX en 1939, 1943, 1946, 1949 et 1954). Enfin, sera également utilisé, un échantillon de 218 films publicitaires identifiés, ayant utilisé un porte-parole célèbre, et exploités en France entre 1970 et 1992, de manière à mettre en évidence la tendance concernant la présentation de la célébrité, dans le cadre d'une exploitation télévisée en France pendant cette période. Dès lors, dans un deuxième temps, nous essayerons d'isoler les fondements marketing de l'utilisation publicitaire d'une célébrité. Si la notoriété du porte-parole est a priori un élément primaire fondamental conduisant à son choix dans la traditionnelle recherche d'impact, elle n'est peut-être que l'élément initial et 24 Introduction © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ sous-jacent, et plus nécessairement unique dans l'esprit des consommateurs. En effet, de nombreux autres facteurs semblent conditionner la décision de recourir à cette approche, ainsi que le choix de la célébrité, en fonction du rôle que l'on souhaite lui voir jouer au profit du produit ou de la marque. Les résultats d'une expérimentation menée auprès d'un échantillon d'élèves en école de commerce, nous permettront de vérifier la perception de certains de ces facteurs. Le troisième objectif de cette étude sera alors d'analyser les modalités de ce choix, de manière à définir les caractéristiques personnelles que devrait avoir la célébrité recherchée, en fonction de l'objectif poursuivi. Au regard des résultats de nos recherches, nous proposerons à cette fin, une liste de questions filtres permettant d'évaluer le choix du ou des porte-parole célèbres sélectionnés, ainsi que la liste des facteurs à considérer pour évaluer le coût de la ou des célébrités retenues. Nous tenterons enfin de définir les conditions de l'utilisation efficiente d'une célébrité par la publicité, en parfaite adéquation avec la stratégie de communication poursuivie. A chaque fois que cela sera possible, le parallèle sera fait entre la France et les Etats-Unis, tantôt pour mettre en évidence les similitudes de l'approche publicitaire adoptée de chaque côté de l'Atlantique, tantôt à l'inverse, pour mettre en lumière des différences justifiées par la nécessaire adaptation d'une campagne à sa cible. Le choix des Etats-Unis pour établir tantôt un parallèle, tantôt des différences, fut fondé sur deux raisons. La première est naturelle : les EtatsUnis ont vu naître le star-system et sont le pays qui a utilisé, et qui aujourd'hui encore, utilise le plus cette approche publicitaire, d'où l'important potentiel d'exemples qu'ils représentaient. D'un autre côté, une étude internationale réalisée de Mars à Juillet 1981, par le Professeur Jean BODDEWYN au profit de l'INTERNATIONAL ADVERTISING ASSOCIATION, sur cette approche, montra que les Etats-Unis étaient la première nation à servir d'exemple en la matière35. Quelques cas représentatifs d'autres pays (Royaume-Uni, Italie, Allemagne, Japon, Brésil, Australie,...) seront utilisés ponctuellement pour illustrer certains points particuliers. En s'efforçant de répondre aux trois objectifs précités, nous aspirons à permettre de mieux comprendre les fondements de cette approche publicitaire, d'exposer et de mettre pleinement à profit l'enseignement de la recherche, d'expériences pratiques et de cas réels, de manière à mieux appréhender les principaux risques liés à cette technique. Nous pourrons dès lors au fur et à mesure, mettre en avant certains principes d'utilisation efficiente d'une célébrité, permettant de guider l'annonceur ou le publicitaire envisageant cette approche. __________________ 35 - Jean J. BODDEWYN "Endorsements / Testimonials : A 36 - country survey" dossier d'étude paru en Août 1981, aux Editions de l'INTERNATIONAL ADVERTISING ASSOCIATION Inc., New York, Etats-Unis. 25 Introduction © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ I Chapitre I : Origines de la star A / Le star system 1 - Les initiateurs 2 - Développement et conséquences B / La star d'hier 1 - Eléments de définition 2 - Le mythe de la star C / La star d'aujourd'hui 1 - Vulgarisation de l'appellation 2 - Evolution des caractéristiques D / Star et publicité 1 - Origines du rapprochement 2 - Une technique séculaire 3 - Les stars nées de la publicité Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 26 28 28 29 32 33 35 39 39 42 44 49 50 69 26 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ I "Je ne propose pas de faire tourner ces films par nos vedettes, mais de mettre en vedette les comédiens de nos longs métrages - des gens comme Lionel BARRYMORE, Renée ADOREE, Conrad NAGEL, etc. Nous pourrions aussi donner leur chance à de nouveaux comédiens dont nous espérons faire des stars d'ici un an ou deux." David O. SELZNICK à Louis B. MAYER Le 17 Mai 1927. Origines de la Star * * * Lorsque le producteur David O. SELZNICK1 écrit ce mémo au producteur Louis B. MAYER2 pour lui __________________ 1 - David O. SELZNICK, (1902-1965) : Fils de Lewis SELZNICK (producteur de cinéma). Il fit ses débuts à la M.G.M., puis travailla à la Paramount et à la R.K.O., mais il revint à la M.G.M. en 1933 lorsque Irving THALBERG, alors vice-président, tomba malade. En 1936, il créa la SELZNICK International pour produire notamment Gone with the Wind (Autant en emporte le vent). 2 - Louis B. MAYER, (1885-1957) : Il acheta une petite salle de cinéma en 1907, puis se dirigea vers la distribution et enfin vers la production pour fonder, la Louis B. MAYER Pictures. En 1924, il fusionne sa soumettre cette nouvelle approche stratégique du cinéma, la star existe déjà. Deux hommes, deux génies, dont la vie est intimement liée à la naissance du cinéma ont été, en partie malgré eux, les créateurs de la star et avec elle, du star-system. Il apparaît ici nécessaire de rappeler les principaux compagnie avec la METRO de Marcus LOEW et Nicholas SCHENCK et la GOLDWYN Pictures de Lee SHUBERT et F.J. GODSOL qui avait remplacé Samuel GODLWYN après sa démission en 1922. D'abord baptisé METRO GOLDWYN Pictures, le studio devint dès 1924, la METRO-GOLDWYN-MAYER puis M.G.M.. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 27 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ détails de cette genèse de la star, pour mieux comprendre l'objectif initial de ses géniteurs, le pouvoir qu'elle allait rapidement exercer sur ses fans, le potentiel commercial extraordinaire qu'elle allait immédiatement représenter, mais également la nécessaire évolution qu'allaient subir les éléments qui la définissent. A / Le star-system Les stars étaient nées, et avec elles, leur renommée, leurs caprices,... 1 - Les initiateurs En 1884, alors âgé de 17 ans, un jeune Allemand, Carl LAEMMLE, arrive dans la ville de Chicago aux Etats-Unis, pour y rejoindre son frère. Après avoir exercé de multiples petits métiers, il fait la connaissance en 1900 de Robert H. COCHRANE, jeune publicitaire, qu'il engagera en 1906 comme directeur de la publicité, alors qu'il vient d'ouvrir sa première salle de projection. En 1909, LAEMMLE, bénéficiant de l'essor croissant du cinéma, est devenu propriétaire d'une chaîne de salles dans le Midwest et au Canada. La même année, pour se libérer des entraves du Trust3, il fonde sa propre maison de production du nom __________________ 3 - "Cinéma et Monopole. Le cinéma aux Etats-Unis : Etude économique" Thèse pour le Doctorat en Droit présentée et soutenue le 30 Juin 1952 par M. Henri MERCILLON, Université de DIJON, Faculté de Droit, Imprimerie Nationale (1953) p. 11.. Voir également "Hollywood : L'âge d'or des studios" Douglas GOMERY, Editions CAHIERS DU CINEMA, Paris, (1986) p. 15-24. de INDEPENDANT MOTION PICTURE Company, COCHRANE se chargeant parallèlement d'une grande campagne publicitaire anti-Trust. Mais quittons quelques instants Carl LAEMMLE pour observer le déroulement d'une histoire similaire, et s'étant déroulée à la même époque. En 1873, à Risce en Hongrie, naquit un petit garçon du nom d'Adolphe ZUKOR. A l'âge de 15 ans, comme de nombreux autres émigrants venus de l'Europe entière, il part à l'aventure vers le Nouveau Monde. En 1888, il arrive à New York avec 40 dollars cousus à l'intérieur de son gilet comme le précise à titre anecdotique, John Douglas EAMES, dans son livre The Paramount Story4. Alors qu'il travaille dans le commerce de la fourrure, il se lie d'amitié avec un autre fourreur du nom de Marcus LOEW et fait la connaissance d'un certain Mitchell MARK. Ce dernier distribue alors des "penny-arcades", ces appareils très en vogue, qui pour le prix d'un penny permettaient à une personne de voir quelques images animées, pendant quelques dizaines de secondes. Comprenant aussitôt l'intérêt de telles machines, ZUKOR fonde en 1903, en association avec MARK, AUTOMATIC VAUDEVILLE Company, vite rejoint par LOEW pour le développement de l'affaire. Deux années plus tard, ils sont __________________ 4 - "The Paramount Story" John Douglas EAMES Editions OCTOPUS (1985), Londres, Grande-Bretagne p. 7. Voir également "The Hollywood Story" de Joel W. FINLER paru aux Editions OCTOPUS BOOKS Limited (1988) Londres, Grande-Bretagne, p. 140-142. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 28 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ propriétaires de plusieurs Nickelodéons5, "ces opéras de quat'sous" comme les nomme Robert BRASILLACH6. En 1910, ils fondent avec un autre futur mogul, Nicholas SCHENCK, la LOEW'S CONSOLIDATED ENTREPRISES. En 1912, le bouillonnant ZUKOR revend ses parts et sur les conseils du réalisateur Edwin S. PORTER, part pour l'Europe. Il arrive alors à Paris, où Louis MERCANTON vient de mettre en scène la plus célèbre actrice mondiale du moment : Sarah BERNHARDT - qui était déjà l'un des grands visages de la publicité à cette époque -, dans Queen Elizabeth un film de 4 bobines. A cette époque, aux EtatsUnis, l'industrie cinématographique était contrôlée par le Trust, la MOTION PICTURE PATENTS Company, qui avait arbitrairement limité la durée des films à une bobine, soit environ 10 minutes. ZUKOR, ébloui, se porte alors acquéreur des droits d'exploitation du film de MERCANTON, pour les Etats-Unis. De retour en Amérique, l'exploitation du film est un succès et permet à ZUKOR de fonder avec le producteur de Broadway, Daniel FROHMAN, une nouvelle compagnie : __________________ 5 - Nom donné aux premières salles de cinéma, au début de simples arrières boutiques ou d'ordinaires hangars. Du grec ôdeion, lieux consacrés au chant et au théâtre, et nickel, de l'appellation populaire de la pièce de 5 cents, généralement le prix d'une entrée. 6 - "Histoire du Cinéma" Oeuvres complètes, Robert BRASILLACH, Editions PARIS CLUB DE L'HONNETE HOMME, Paris (1964 - 1ère publication en 1935) tome X, p. 46. FAMOUS PLAYERS IN FAMOUS PLAYS, qui se lance également dans la production. C'est en 1913, qu'Adolphe ZUKOR introduisit dans la production cinématographique, une nouvelle caractéristique. Sentant le désir de nouveauté de la part du public, il détourne ses caméras des visages utilisés jusqu'à lors pour se tourner vers les célébrités des scènes théâtrales, et met "sous contrat" de jeunes acteurs comme John BARRYMORE, Lillie LANGTRY, James O'NEILL (père d'Eugène O'NEILL) ou Fanny WARD. 2 - Développement et conséquences Devenu son concurrent sur un marché qui vient à peine de naître et pour attirer encore plus le public, Carl LAEMMLE7 quant à lui, débauche en 1913 l'une des actrices vedettes de la BIOGRAPH Company8, Gladys Marie SMITH, en doublant son salaire. La jeune mais déjà célèbre comédienne, qui avait changé son nom pour Mary PICKFORD, gagne alors 175 dollars par semaine. Toutefois, rapidement en désaccord sur les plans artistique et financier, l'actrice quitte peu après les studios de l'INDEPENDANT MOTION __________________ 7 - "La fabuleuse histoire de UNIVERSAL" Clive HIRSCHHORN Editions OCTOPUS, Londres, GrandeBretagne (1983), Editions CELIV, Paris, France (1985) pour l'édition française p. 9-13. Voir également "The Hollywood Story" de Joel W. FINLER paru aux Editions OCTOPUS BOOKS Limited (1988) Londres, GrandeBretagne, p. 208-209. 8 - BIOGRAPH Company : Compagnie de production cinématographique (1895-1914). Du nom de la caméra inventée par DICKSON, un collaborateur d'EDISON. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 29 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ PICTURE Company de LAEMMLE. Il faut savoir que depuis quelques temps, les interprètes des films figurent au générique9. Le public peut désormais les identifier, ce qui constitue les premiers pas vers la célébrité. Christine de MONTVALON10 prête d'ailleurs à Carl LAEMMLE l'invention de cette pratique avec l'actrice Florence LAWRENCE11. Richard DYER12 précise même que pour attirer l'attention du public, Carl LAEMMLE avait fait parvenir au journal POST-DESPATCH de SaintLouis la nouvelle que l'actrice LAWRENCE Florence - jusqu'à lors connue comme simple BIOGRAPH Girl __________________ 9 - "D'abord anonymes, les acteurs prennent un relief, se font connaître sous le nom de leur personnage (le Cheik,...) ou sous un pseudonyme générique (Biograph Girl,...)." Voir Robert BRASILLACH, op. cit. p. 21 10 - "Les mots du cinéma français" Christine de MONTVALON, Editions BELIN, colllection Le Français retrouvé, N°17, Paris (1987), p. 427-431. Voir également "The story of Cinema" Volume I, David SHIPMAN, Edition Hodder and Stroughton, Londres, GrandeBretagne (1982) p. 38, l'auteur date d'ailleurs en 1913, les premières publicités des compagnies pour la promotion de leurs acteurs en expliquant que si Carl LAEMMLE est l'un des, sinon le précurseur(s) en la matière, c'est essentiellement en raison du fait qu'il avait beaucoup appris "du pouvoir et des avantages de la publicité" lors de sa lutte contre le Trust. 11 - C'est là le premier principe du star-system, utiliser des comédiens célèbres en tête de distribution, essentiellement pour tirer profit de leur attrait envers le public. Alors que les dictionnaires LAROUSSE et ROBERT datent l'apparition du mot en 1952, le MERRIAM-WEBSTER fait remonter son origine à 1902, l'attribuant aussi bien au cinéma qu'au théâtre. 12 - "Stars" Richard DYER Editions BRITISH FILM INSTITUTE, Londres (1979), Grande-Bretagne p. 9-10. - avait été tuée par un trolleybus dans Saint-Louis. Le lendemain, il fit paraître une annonce dans la presse commerciale, dénonçant l'histoire comme un odieux mensonge. Cet événement fut la première occasion où le nom d'une actrice fut connu du public. Sortant de l'anonymat les acteurs sont rapidement reconnus, appréciés et demandés par le public ; mais surtout, ils se voient peu à peu dotés d'un instrument de pression, notamment financière, sur les producteurs. Lorsque Mary PICKFORD quitte Carl LAEMLE, Adolphe ZUKOR, saisit la balle au bond et parvient alors à faire signer l'actrice pour un salaire extraordinaire de 500 dollars par semaine. Il ira même jusqu'à faire monter ce salaire déjà important, à la somme astronomique de 10.000 dollars par semaine plus un bonus annuel de 300.000 dollars et un pourcentage sur les profits, en 1916, pour conserver l'actrice au générique de ses productions. Lorsqu'elle était entrée à la BIOGRAPH Company, en 1909, Mary PICKFORD recevait un salaire de 5 dollars par jours de travail !13 __________________ 13 - En 1916, chaque jour apportait son lot de chiffres astronomiques communiqués par les Studios à propos des contrats offerts aux stars. A ce sujet, il est parfois difficile de recouper les sources d'informations pour obtenir des données objectives. Les références les plus précises paraissent être celles fournies par le journaliste Terry RAMSAYE dont l'ouvrage paru en 1926, "A million and one nights", narre l'histoire de l'industrie cinématographique des débuts jusqu'en 1925. "A million and one nights", Editions SIMON & SCHUSTER, Inc. (1926, 1964, 1986), New York, Etats-Unis. "Mary, quite contrary, takes a million" Chapitre 75, p. 741-754 (Edition 1986) Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 30 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ cette stratégie commerciale dont les stars allaient constituer la principale composante. Une stratégie dont les Indépendants d'alors - Carl LAEMMLE et Adolphe ZUKOR, mais aussi William FOX, Jack WARNER, Joseph et Nicholas SCHENCK, Marcus LOEW, Samuel GOLDWYN,... - se serviront pour se démarquer de plus en plus du Trust15. Consciemment ou inconsciemment, Carl LAEMMLE et Adolphe ZUKOR - dont les compagnies devinrent respectivement, UNIVERSAL et PARAMOUNT, à la suite de rachats et de fusions divers venaient de jeter les bases de ce que l'on appellera plus tard les stars et avec elles, le star-system14. C'est en effet de leur apparition au générique des films et de cette lutte financière entre des studios à peine constitués que naquit __________________ 14 - "Le star system n'est pas tant une conséquence qu'un élément spécifique de ces développements. Ses caractères internes sont ceux mêmes du grand capitalisme industriel, marchand et financier. Le star system est d'abord fabrication. Ce mot est spontanément utilisé par Carl LAEMMLE, l'inventeur des stars : "la fabrication des stars est chose primordiale dans l'industrie du film"." "Les stars" Edgard MORIN Editions du SEUIL (1957-72), Editions GALILEE (1984) Paris, p 119. Pour symboliser l'importance de cette nouvelle variable dans le monde du cinéma, notons pour l'anecdote que ZUKOR lui-même dut baisser les bras16 lorsqu'en 1917, les studios FIRST NATIONAL PICTURE lui ravir sa blonde et éblouissante vedette pour un salaire annuel de 1.100.000 dollars ! Certains producteurs comme Samuel GOLDWIN s'amusaient alors à commenter qu'il fallait plus de temps pour rédiger un contrat engageant Mary PICKFORD, que pour lui faire tourner un film. Notons, que la même compagnie avait déjà offert plus d'un million de dollars à Charlie CHAPLIN pour tourner huit courts métrages, cette année-là. Nombreux sont d'ailleurs les auteurs qui analysent 1917, comme le point de départ de la "grande course folle" aux stars et à l'argent. __________________ 15 - Donald HAVER "David O. SELZNICK'S HOLLYWOOD" Editions SECKER & WARBURG (1980), Londres, Grande-Bretagne pp. 9-13. 16 - Alors que la star était indécise sur l'opportunité de continuer sa carrière cinématographique, Adolphe ZUKOR qui avait parfaitement perçu le "potentiel" qu'elle conservait, alla même jusqu'à lui proposer une indemnité de 250.000 $ par an pour signer un contrat qui stipulait qu'elle acceptait de ne plus tourner. "The birth of the movies" D.J. WENDEN, Editions MAC DONALD, Londres, Grande-Bretagne (1974) p.97 et s. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 31 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ L'année précédente, Mary PICKFORD avait déjà créé sa propre compagnie, la MARY PICKFORD FILM Company. Et en 1919, avec Douglas FAIRBANKS, Charlie CHAPLIN, et le metteur en scène David W. GRIFFITH, ils donneront naissance à leur propre studio : UNITED ARTISTS. Apparaissant dès lors au générique des films ainsi que sur les affiches de leur promotion et touchant d'extraordinaires cachets ; les stars, véritable capital des studios, étaient définitivement nées, et avec elles, leur renommée, leurs caprices, leur argent, leurs scandales, leur cour et leurs fans. Quelles raisons faisaient alors qu'une femme ou plus tard un homme, devenait une star ? Existait-t-il quelque potion magique, quelques secrètes incantations, dont le succès incontesté conférait à leurs utilisateurs, gloire, célébrité et sympathie ? B / La star d'hier... Elle provient d'une combinaison sans faille, qu'ont su mettre au point les producteurs. N'en déplaise à Jacques 17 SEGUELA , on ne naît pas star, on le devient, parfois par hasard, parfois du jour au lendemain. "Dieu fait les stars. C'est aux producteurs de les trouver" dit un jour Samuel GOLDWYN, mais il était lui-même producteur ! Dans son autoportrait, l'actrice Gene TIERNEY écrivit : "J'avais terminé trois films en douze mois, dont le plus important était La Route du Tabac. A présent, on allait soigner mon image, s'occuper de ma promotion, me faire entrer dans le cycle de la fabrication d'une star"18. "M. ZANUCK était comme les autres moguls de ces années-là, un fabricant de stars. Il pouvait faire une évaluation de vous de la même manière que pour un jeune poulain et voir quelque chose en vous que vous même n'aviez pas perçu." écrit Jeanne CRAIN19. Et dans ses mémoires, le metteur en scène américain Raoul WALSH raconte20 que "quand on a fréquenté assez longtemps le milieu du cinéma, on sait que le succès est souvent une affaire de hasard. Rita HAYWORTH allait s'en __________________ 17 - Jacques SEGUELA "Demain il sera trop star" Editions FLAMMARION, Paris (1989). 18 - "Self Portrait" Gene TIERNEY, Editions WYDEN Books, New York, Etats-Unis (1979). Paru en France sous le titre "Mademoiselle, vous devriez faire du cinéma..." Editions RAMSAY (1985-1991), p.75-76. 19 - "Jeanne of Fox" Jeanne CRAIN, 21 Mai 1984. Extrait de "Hollywood on Hollywood - Tinsel Town Talks" de Doug McCLELLAND Editions FABER and FABER Inc. (1985) Winchester, MA, Etats-Unis, p. 276. 20 - "Un demi-siècle à Hollywwod" Raoul WALSH (titre original : "Each Man in his time") Editions CALMANNLEVY Paris (1976), Editions RAMSAY Paris (1985) p. 288. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 32 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ apercevoir quand elle devint une star, du jour au lendemain, en jouant Virginia BRUSH dans The Strawberry Blonde". passion Marcel BLANCHET21. BLEUSTEIN- 1 - Eléments de définition L'étude de cette "condition" peut être caractérisée par l'appellation ellemême. Une star - étoile en anglais - est très belle, d'une beauté flamboyante même. Elle brille sur un monde attentif à ses moindres mouvements, mais surtout elle reste inaccessible au commun des mortels qui, ébloui, rêve aux enchantements qui auréolent sa vie. A l'origine, elle est actrice de cinéma, quand, à l'occasion d'un film ou simplement d'une scène, elle marque à jamais le coeur d'un public qui lui demeurera éternellement dévoué. "On voyait des hommes et des femmes entrer dans notre vie. On vivait avec eux. On était pris dans le scénario, avec les acteurs. Je me souviens de Pearl WHITE. Toutes les semaines, on tremblait pour elle" nous raconta avec En définitive, la star est avant tout une actrice parfaitement mise en valeur par ses producteurs ; car bien sûr, la star ne naît pas seule. Elle provient d'une combinaison sans faille qu'ont su mettre au point les producteurs du studio pour lequel elle travaille. Cette combinaison ne se révèle pas toujours immédiatement. Le portrait d'Ava GARDNER fut, selon la légende, découvert dans la vitrine d'un photographe, avant que ne lui soit proposé de faire un bout d'essai. Toutefois, après plus de cinq ans et vingt-trois films, elle n'était toujours que l'une des nombreuses petites actrices de la M.G.M.. Il faudra que B. Louis MAYER la prête aux Studios UNIVERSAL pour que le metteur en scène Robert SIODMAK révèle la star qui sommeillait en elle, dans son film The Killers22. Certes, la star est généralement très belle, et tout à fait __________________ 21 - BLEUSTEIN-BLANCHET Marcel (1906) : Président du groupe de communication PUBLICIS CONSEIL Paris, qu'il fonda en 1926. Voir à ce sujet "Mémoires d'un Lion" Marcel BLEUSTEIN-BLANCHET paru aux Editions LIBRAIRIE ACADEMIQUE PERRIN, Paris (1988). Entretien privé accordé le 23 Mai 1991. 22 - Réalisé en 1946, le film fut exploité en France sous le titre Les Tueurs. Il faudra ensuite The Barefoot Contessa (La Contesse aux pieds nus) de Joseph L. MANKIEWICZ en 1954, et enfin The night of the Iguana (La nuit de l'Iguane) de John Huston en 1964, pour confirmer ce statut de star, et même contribuer à élever l'actrice au rang de mythe hollywodien dans les yeux de ses fans. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 33 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ destinée à séduire un public avide de rêves et de modernes divinités23 ; mais elle reste un produit généré puis géré24, la plupart du temps à son insu, dans un objectif purement commercial pour répondre aux aspirations du plus grand nombre25. Carl LAEMMLE utilisera même le premier, le terme "fabrication" pour décrire la manière dont est obtenu "cet élément fondamental de l'industrie du film"26. __________________ 23 - "Tout le monde aimait les stars : depuis l'émergence de Marie PICKFORD, la nécessité des stars était reconnue par chacun, du simple actionnaire du studio, jusqu'au plus égotiste des metteurs en scène." Dans son livre op. cit. p. 146 et s., David SHIPMAN analyse le pouvoir de ces stars et, citant notamment Jean Renoir, il s'interroge sur le véritable créateur d'un film, de la star ou du metteur en scène. Il mentionne à ce sujet le cas du film Casablanca et pose la question de savoir si ce film [de Michaël CURTIZ] serait encore aujourd'hui aussi présent dans nos esprits si Hedy LAMARR et Dennis MORGAN en avaient été les interprètes, comme cela était prévu initialement ? . 24 - Voir "A star is torn" de Robyn ARCHER & Diana SIMMONDS paru aux Editions E.P. DUTTON (1986), New York, Etats-Unis. Les auteurs y décrivent comment Mary LLOYD, Bessie SMITH, Helen MORGAN, Jane FROMAN, Carmen MIRANDA, Billie HOLIDAY, Edith PIAF, Judy GARLAND, Dinah WASHINGTON, Marilyn MONROE, Patsy CLINE et Janis JOPLIN furent très souvent manipulées par leurs géniteurs. 25 - "Ce qui caractérise la star, c'est qu'elle est elle-même avant même d'être le rôle qu'elle interprète. Le rôle n'est qu'un avatar de son essence de star. [...] La star tient du cliché, elle doit être immédiatement identifiable" "Le Cinéma américain 1895-1980" Jean-Loup BOURGET, Collection Le Monde Anglophone, Editions P.U.F., Paris (1983) p. 65-66. 26 - "Le grand rêve américain pour quelques millions d'individus est d'aller à Hollywood et de devenir une star. Mais souhaiter profondément être une star - non pas une actrice, mais bien une star - signifie être un produit", "Of Stars and Brushes" Evelyn KEYES, in The New York Post du 6 Août 1977. Extrait de "Hollywood on Hollywood Tinsel Town Talks", op. cit. p.78 "Les stars, ces pâtes à modeler, nous raconta Pierre LEMONNIER27, il n'y a pas de définition de la star. Toute définition est réductrice : il y a autant d'idiosyncrasies que de stars. Mais puisque vous le souhaitez, je vais prendre le temps d'être réducteur. D'abord qu'entendez-vous par star ? PAVAROTTI est une star. Oui, mais il est né travailleur. CALLAS s'indignait du peu de conscience professionnelle de la plupart de ses partenaires. BARYCHNIKOF, une star ? Non, c'est un divo génial qui transpire depuis son enfance. Pour moi, ces stars sont des êtres habités, comme MOZART l'était à quatre ans. D'autres stars le plus souvent adolescents, n'étaient rien. Ils avaient un physique, une belle petite gueule. Et ils ont été découverts par des spécialistes du "casting" alors qu'ils étaient ignares [...]. La grandeur de ce qu'on appelle des stars, c'est leur vulnérabilité et donc dans le meilleur des cas, leur idéoplastie : elles deviennent ce qu'est leur gourou [...]. J'aime les stars parce que ce sont souvent à l'origine, de petites cervelles qui osmosent au contact de génies de rencontres, on n'est rien sans rencontres. On ne compte pas les QI modestes qui ont atteint les sommets du coeur et de l'éponge en étant pressés, enrichis..." Dans leur célèbre recommandation parue dans le journal Hollywood Reporter en Septembre 1935, Stan LAUREL et Oliver HARDY __________________ 27 - LEMONNIER Pierre : Président de l'agence de communication IMPACT. Entretien privé accordé le 29 Mars 1988. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 34 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ écrivaient, entre autres, le conseil suivant : "Nous allions oublier un point très important, si tu espères gravir l'échelle qui mène au succès en tant que comique de l'écran. Engage immédiatement un attaché de presse très fort pour qu'il puisse mettre en valeur ta personnalité, parler de ta vie sociale et insister sur le fait que tu es un bon fils. Cela aide à briser la glace et peut faciliter tes entrées dans les bureaux des nababs de "l'Asile cinématographique"". En effet, pour être célèbre, la star doit avant tout être médiatisée28 à outrance, mais surtout pas sans contrôle. Car si elle voit son nom étinceler à l'affiche des films qu'elle interprète, si les interviews qu'elle accorde - rarement - sont toujours source d'émerveillement et d'hystérie conjugués pour ses fidèles, elle n'en reste pas moins mystérieuse à souhait. Seul, ce mystère qui l'entoure, soigneusement entretenu, est susceptible de lui conserver son attrait. cas GARBO n'aurait pas fait longtemps illusion. L'imagination s'envole si les questions restent sans réponse."29 C'est ce savant mystère qui va captiver les foules, intriguer les journalistes, pour enfin susciter dans le meilleur des cas, ce mythe qui enivrera ses fans, mais qui dès le début, était écrit et planifié par ceux qui lui donnèrent naissance. "Les stars sont des êtres qui participent à la fois à l'humain et au divin, analogues par certains traits aux héros de mythologies ou aux dieux de l'Olympe, suscitant un culte, voire une sorte de religion" écrit Edgar MORIN30. Le réalisateur américain Rouben MAMOULIAN racontait au sujet de Greta GARBO que "plus elle se renfermait sur elle-même, plus on parlait d'elle, son style bizarre la rendit encore plus célèbre et fit couler encore plus d'encre que si elle avait accepté de parler à la presse. Une femme mystérieuse cesse de l'être si elle commence à révéler ses secrets. En tout __________________ 28 - "La publicité des stars a donc pour mission de rester à l'écoute des individus qui appartiennent à des groupes, qui recherchent confusément la sécurité, l'aventure ou le plaisir, à travers l'action collective et sociale" Sylvère PIQUET "Les stars dans la pub et les courants socioculturels" in REVUE FRANCAISE DE MARKETING N°108 1986/3 p. 75. 2 - Le mythe de la star __________________ 29 - Tichi WILKERSON et Marcia BORIE "La mémoire d'Hollywood" Editions ERGO PRESS, Paris (1989) pp. 106-107. 30 - "Les stars" Edgard MORIN, op. cit. préface, p. 7-8. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 35 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Ces stars, adorées, adulées, sont dès lors élevées au rang de Déesses31 de l'inconscient collectif32. Découvertes de démagogues attentifs aux aspirations des masses, susceptibles d'apporter bonheur et joie par leurs prestations, ou la simple narration de leurs faits et gestes, elles ne sont à l'évidence, plus maîtresses de leur destin, portées par cette gloire, souvent trop rapide, qui les étouffe. "Le fait que la moindre de vos actions soit passée au crible est inhérente à la vie d'acteur, et la majeure partie d'entre eux le supportent de bonne grâce parce qu'ils savent que cela fait partie du travail" dit Lauren BACALL33. __________________ 31 - Roland BARTHES observe les traits d'un "visage déifié" ou encore que "la chair développe des sentiments mystiques de perdition" lorsqu'il décrit dans ses moindres détails le visage de l'actrice Greta GARBO. "Mythologies" Roland BARTHES, Editions du SEUIL Paris (1957) Collection Points, p. 71. 32 - "Nous pensons, quant à nous, qu'il y a bien une «figure mythique» spécifique à l'espèce humaine mais que cette figure est toujours présentée par le «visage» d'une oeuvre située dans l'incarnation d'une culture" écrit Gilbert DURAND, "Permanence du mythe et changement de L'histoire" in "Le mythe et le mythique", Colloque de Cérisy, Cahiers de l'Hermétisme, Editions ALBIN MICHEL, Paris (1987) p. 22. 33 - "Baby chose to become adult" Lauren BACALL, numéro spécial HOLLYWOOD REPORTER (1948). Cet idéal féminin ne le reste pas longtemps. Très rapidement, des acteurs sont eux aussi portés aux portes de l'Olympe cinématographique. Les stars sont aussi bien féminines que masculines, et des mythes se créent également parmi des acteurs comme Ramon NAVARRO, Hugh TREVOR ou John GILBERT. Star parmi les stars, un jeune acteur d'origine italienne, Rodolpho GUGLIELMI caractérise parfaitement l'extrémisme généré par cette puissante vénération. En l'espace de deux films, Les quatre cavaliers de l'Apocalypse de Rex INGRAM et Le Cheikh de George MELFORD tous deux réalisés en 1921, cet acteur, plus connu sous le surnom de Rudolph VALENTINO, déchaîna littéralement la passion sans borne de ses fans, pendant ses quatre courtes années de gloire. Sa légende lui survit encore aujourd'hui, notamment en raison du fait qu'à l'annonce de sa mort, alors âgé de 31 Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 36 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ ans, quelques unes de ses groupies, galvanisées, se suicidèrent aux portes de sa clinique, par désespoir34 ! En définitive, "les stars sont comme les dieux : tout et rien" observe Edgar MORIN37. On constatera d'ailleurs que souvent le mythe va de pair avec une courte apparition terrestre et/ou une fin brutale, dont la soudaineté aura désagréablement surpris l'ensemble des fans. Et c'est peut-être en partie pour combler l'impossibilité d'une "idolâtrie terrestre" que les adorateurs d'une star décédée cultivent et entretiennent son mythe. Il faut peu de réel et beaucoup d'imaginaire pour qu'il puisse prendre forme. "Pour devenir un mythe, il faut que rien n'est altéré l'image de cette aspiration populaire qu'a donnée la star" nous raconta Jacques SEGUELA35. A propos de James DEAN, Jean TULARD36 écrit qu'en "trois films, il s'est élevé au niveau de mythe. A quoi attribuer le culte dont il fut l'objet ? A son talent ? Il était réel mais limité. A sa mort brutale dans un accident de voiture ? D'autres - hélas ! - ont connu un sort identique sans susciter pareille frénésie. Peut-être a-t-il tout simplement surgi au bon moment pour capter une jeunesse avides d'idoles." Pour générer ce mythe, elle doit rester inaccessible. Eloignée de la vie "ordinaire" pour justement autoriser le rêve38 du plus grand nombre39, le profond désir d'identification, d'imitation, d'adoration. La star possède un indéniable mana, qu'elle exerce ou que ses producteurs lui font exercer sur les foules, dans un but commercial. On pourrait alors imaginer un parallèle avec l'analyse de Jean __________________ __________________ 34 - "Growing up in Hollywood" Robert PARRISH, Editions HARCOURT BRACE JOUANOVITCH, New York, Etats-Unis (1976). Paru en France sous le titre "J'ai grandi à Hollywood" Editions STOCK / RAMSAY, Paris (1980) p. 60. 35 - SEGUELA Jacques : Vice-Président du groupe de communication ROUX, SEGUELA, CAYZAC, GOUDARD & Associés Paris. Entretien privé accordé le 31 Janvier 1989. 36 - "Dictionnaire du cinéma" Tome 2 Jean TULARD, Editions ROBERT LAFFONT, collection Bouquins, Paris (1984) p. 340. 37 - "Les stars" Edgard MORIN, op. cit. p. 116. Voir également le dossier "La tragédie des stars" présenté par le magazine L'EVENEMENT DU JEUDI n°299 du 26 Juillet 1990, "Plus les destins sont tragiques, plus le public aime. Ce n'est pas de la méchanceté, mais de la fascination."²² 38 - "Le héros est donc celui qui résout le conflit où l'individus se débat" Roger CAILLOIS op. cit. "Fonction du mythe" p. 28. 39 - A travers les récits mythiques indochinois, Jacques DOURNES analyse cette aspiration à l'identification par le rêve : "Mythe et rêve révèlent un phénomène de compensation : on imagine ce que l'on ne trouve pas dans la vie ordinaire ; on se projette sur le héros du mythe avec ses aspirations - l'impossible dans le quotidien [...] rêve et mythes sont la révélation d'un plus en nous, la partie immergée de l'iceberg." "Entre histoire et rêve : le mythe épique. Un imaginaire indochinois étendu ailleurs" in "Le mythe et le mythique", Colloque de Cérisy, Cahiers de l'Hermétisme, Editions ALBIN MICHEL, Paris (1987) p.111 et 117. On notera par ailleurs avec intérêt l'analyse de l'auteur sur le lien : "mythe et identité". Pour Jacques DOURNES cette identité est double. D'une part une identité collective, d'autre part une identité personnelle (celle du créateur). Comment dès lors ne pas mettre à profit cette approche séduisante pour le cas particulier de la star qui nous intéresse. La star serait dans ces conditions dotée d'une double identité elle-aussi. Celle de l'inconscient collectif qui lui permet la sympathie du plus grand nombre d'une part, et celle de son géniteur, qui sut la doter des éléments auxquels aspirait ce plus grand nombre. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 37 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ BAUDRILLARD40. Dans son étude de la théorie de la consommation, le sociologue explique, tout en condamnant la théorie de la filière inversée de GALBRAITH, que le mécanisme des besoins chez le consommateur découle du système de production, insistant sur l'approche non pas unitaire, mais systémique des besoins. Le parallèle semble alors intéressant en ce sens où la star peut devenir mythe, dès lors qu'elle n'est pas segmentante commercialement41. A l'origine, aucune étude de motivations n'était disponible pour déterminer les attentes du public. Dès lors il est impossible d'affirmer que la __________________ 40 - "Ce qui est vrai, c'est non pas que les besoins sont le fruit de la production, mais que le système des besoins est le produit du système de production. Ceci est tout différent. Par système des besoins, nous entendons que les besoins ne sont pas produits un à un, en relations avec des objects respectifs, mais sont produits comme force consommative, comme disponibilité globale" Jean BAUDRILLARD "La société de consommation - ses mythes, ses structures" Editions DENOEL, Paris (1970). Disponible dans la collection Folio-Essais N°35, p. 103. 41 - La sémiologue Geneviève CORNU souligne le rôle des mythes ainsi que "l'importance des objets emblématiques" qu'elle compare à des objets totémiques, dans la "cohérence de nos sociétés occidentales". "Les mythes jouent un rôle prépondérant dans la codification et la justification de l'organisation sociale : ce sont des mythes d'intégration, et la publicité constitue le plus sûr et le plus efficace moyen de propagande éducative. A ce niveau, nous pouvons parler d'une fonction sociologique des mythes." L'auteur explique alors que l'évolution des cultures et de la communication font que "la publicité devient le creuset dans lequel toutes les images peuvent coexister [...] Le terrain est particulièrement favorable à l'émergence de mythes : soit par la récupération des mythes anciens, soit par l'extension de mythes nouveaux qui sont spécifiques à l'imagination, à la sensibilité, aux problèmes du monde moderne" in "Sémiologie de l'image dans la publicité" Editions d'organisation, Paris (1990) p.59 et 65. Chapitre I : Origines de la star star fut, dès l'émergence du phénomène, conçue avec précision surtout dans son optique mythique42 -, pour répondre aux aspirations du plus grand nombre. En revanche, elle correspondait à ces aspirations, à ces besoins collectifs de beauté, de bonheur et de joie43 comme l'avaient été avant elle, les héros des contes de fées et avant eux, les dieux et les déesses des mythologies des civilisations et des peuples anciens44. Ce n'est qu'au prix de l'expérience, que les producteurs ont progressivement su déceler les facteurs jusqu'à lors contingents, et dès lors recherchés, exploités voire créés. Des facteurs qui n'allaient plus simplement s'arrêter à un corps parfait ou à un visage resplendissant. Peu à peu les éléments de définition de la star vont se multiplier et peu à peu ses producteurs comprendront que la combinaison idéale relève elle aussi du mythe. __________________ 42 - "La formation d'un mythe n'est donc pas à entendre à proprement parler comme une invention ou une création, mais comme une actualisation, ou, comme le présentait déjà Platon, une réminiscence [...] Le mythe incarne idées et valeurs dans des situations, des héros [...] L'être personnifié qui se manifeste dans l'imaginal devient un attracteur existentiel, au sens strict, un prophète qui montre la voie, qui induit des attitudes mimétiques [...]." Jean-Jacques WUNENBURGER "Les fondements de la fantastique transcendantale" in "Le mythe et le mythique", Colloque de Cérisy, Cahiers de l'Hermétisme, Editions ALBIN MICHEL, Paris (1987) p. 45-49. 43 - "La publicité impose aux mythes qu'elle utilise un optimisme foncier" Geneviève CORNU op. cit. p. 71. 44 - "Les mythes étaient autant d'histoires extraordinaires exprimant la vie et la mort, la richesse et la ruine, la puissance et la faiblesse... et mettaient en scène ces dieux, ces déesses ou ces héros qui surmontaient les épreuves et qui étaient donc des exemples auxquels on pouvait s'identifier" Renaud DEGON et Daniel JEANNIN "Les stars : étoiles de la publicité ?" in REVUE FRANCAISE DU MARKETING N°108, 1986/3 p. 39-40. 38 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ C / La star d'aujourd'hui Comme tout phénomène né du passé, pérenne aujourd'hui, elle a su s'adapter, "En 1964, la Fox me devait encore un film sur mon dernier contrat, qui stipulait dix films en sept ans. Pour liquider le contrat, on me confia un très petit rôle, presque une participation amicale, dans Trois filles à Madrid [...]. Ce film représenta pour moi un tournant assez triste. Mes motivations n'étaient ni l'argent, ni l'orgueil, ni même l'envie d'un ultime goût de gloire [...]. Mais le Hollywood que je connaissais avait disparu. Le star system qui m'avait créée, moi, et celles qu'on appelait les Fox Girls n'existait plus" écrit l'actrice Gene TIERNEY45. 1 - Vulgarisation de l'appellation Si l'on parle encore de nos jours de star system, il serait erroné de croire que les étoiles qui le composent brillèrent de leur mille feux durant toutes ses années. En premier lieu, nous adhèrons totalement à la pensée d'Edgar MORIN selon laquelle, il ne resterait plus qu'une star, selon le concept original : Elizabeth TAYLOR. Cette précision faite, il faut en revanche dans un second temps, admettre que si ce concept original de la star n'est plus, l'appellation n'en est pas morte pour autant. Comme tout phénomène né du passé mais persistant dans le présent qui nous entoure, il a su s'adapter, se modifier, et en fait, se conformer aux évolutions des modes et des moeurs qui régissent notre vie quotidienne. Même __________________ 45 - Gene TIERNEY, op. cit., p. 286. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 39 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ si Pierre LEMONNIER46 ajoute "qu'il n'y a plus de stars. Ou presque. Les valeurs qui montent dans le cinéma, la radio, la télé n'ont plus rien à voir avec GARBO ou DIETRICH. Les films qui font recette - il y en a peu - ont pour interprètes des acteurs qui... n'actent plus, comme disait si bien Gérard DEPARDIEU". Même si en effet, le concept a perdu de son éclat au fil du temps, de son sens originel47, il a cependant compensé cette perte de puissance par la "contagion" de domaines qui lui étaient jusqu'à lors inconnus. Ainsi, Jacques HEBERT48 analyse "qu'imaginer que les stars n'existent plus c'est commettre une erreur considérable. Ce qui est exact, c'est que les stars n'existent plus uniquement au cinéma, parce qu'il y a d'autres modes d'expression qui se sont créés et qui font que le phénomène de starisation peut passer par d'autres voies artistiques que le cinéma. Mais __________________ 46 - Entretien privé accordé le 29 Mars 1988. 47 - "Ces caractères, il est vrai n'ont pas disparu de la littérature de la société industrielle avancée, mais ils survivent essentiellement transformés : la vamp, le héros national, le beatnik, la ménagère névrosée, le gangster, la star, le grand patron, la grande figure charismatique ; leur fonction, très différente, est contraire à celle de leurs prédécesseurs culturels. Ce ne sont plus les images d'une autre manière de vivre mais plutôt des variantes ou des formes de la même vie, elles ne servent plus à nier l'ordre établi, elles servent à l'affirmer" Herbert MARCUSE "One-dimensional man" Editions BEACON Press, Boston, Etats-Unis (1964) paru en France sous le titre "L'homme unidimensionnel" Editions : LES EDITIONS DE MINUIT, p.84. 48 - HEBERT Jacques : Président de l'agence de communication J. WALTER THOMPSON Entretien privé accordé le 6 Juin 1988. Paris. imaginer que les gens n'ont plus besoin et ne veulent plus de stars, c'est rêver, ce n'est pas vrai. Il suffit d'aller dans les festivals pour voir comment les gens se ruent sur les stars quand elles sont là et se rendre compte qu'ils ont toujours envie et besoin d'elles." Certes, on parle encore aujourd'hui de stars du cinéma, mais d'autres secteurs comme le sport, la chanson, la bande dessinée, le monde des affaires et de la politique même, se sont appropriés l'appellation magique. Pour quelles raisons ? Probablement par un abus de langage au départ, puis par extension ensuite, en raison des connotations positives et mythiques qui continuaient d'entourer le qualificatif. Notons d'ailleurs que ce "détournement" de l'appellation n'est pas récent, puisqu'une une publicité américaine pour les chapeaux KAUFMAN, datant de 1934, soit quelques années seulement après la naissance de l'appellation, l'utilisait déjà pour des célébrités autres que des acteurs de cinéma. Certes, on y retrouvait l'acteur américain George JESSEL, mais également le comédien de théâtre Phill BAKER, les animateurs de radio Jack PEARL et Jack BENNY (également acteur de cinéma) et le magicien CARDINI, tous regroupés sous l'appellation de "stars". Parallèlement et presque simultanément au cinéma donc, on parlera de star de la chanson. De CARUSO à Michael JACKSON et passant par Bing CROSBY, Maurice CHEVALIER, Gene AUTRY, Frank SINATRA, Edith PIAF, Elvis PRESLEY, Charles TRENET, les BEATLES, les ROLLING STONES, U2, Rod STEWART, Dean MARTIN, LIBERACE, Johnny HALLYDAY, ZZ Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 40 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ TOP, Les Compagnons de la Chanson, UB40, Michel SARDOU, Roch VOISINE, MADONNA, Patrick BRUEL,... les prétendants élus ne manquent pas dans des genres de musique très différents les uns des autres. Des aspirations à la célébrité en provenance des quatre coins du monde, même si une fois encore, force est de constater encore aujourd'hui, l'hégémonie américaine sur le plan mondial. La dérive n'ira qu'en s'accentuant. Très rapidement les sportifs bénéficieront eux aussi de l'appellation magique. Et comme nous le constaterons la publicité sera d'ailleurs l'une des premières à user et à abuser du qualificatif, le véhiculant d'un secteur à l'autre pour des besoins commerciaux. Nombreuses seront alors les stars de la radio (parfois d'anciennes stars du cinéma) et bien évidement de la télévision. Dès lors, on peut remarquer que la qualité de "star" n'est Chapitre I : Origines de la star plus réservée, par ces deux nouveaux media, à leurs comédiens, acteurs de fiction. Très rapidement, les présentateurs et animateurs s'accaparent eux aussi le qualificatif. Ainsi, la presse galvaude à qui mieux mieux l'appellation, et naissent les stars de la bande dessinée (MICKEY et DONALD, POPEYE, TINTIN et MILOU, ASTERIX et OBELIX, FELIX, les SCHTROUMPFS, la Panthère ROSE,...), les musiciens stars de tel ou tel instrument (Sir Yehudi MENUHIN, Yo-Yo MA, Vladimir HOROWITZ,...), les chefs d'orchestre stars (Zubin MEHTA, Herbert Von KARAJAN, Sir Georg SOLTI...), les stars de l'opéra (Luciano PAVAROTTI, Placido DOMINGO, Kiri Te KANAWA, Montserrat CABALLE,...), les stars de l'information (Patrick POIVRE D'ARVOR, Jean-Pierre ELKABACH, Jean-Claude BOURRET, Anne SINCLAIR, Dan RATHER, Peter GANNETT,...), les stars de l'animation télévisée (Jean-Pierre FOUCAULT, Patrick SABATIER, Antoine De CAUNES, Christophe DECHAVANNE, Oprah WINFREY, Bill COSBY, John MADDEN,...), les stars de la météo (Laurent CABROL, Alain GILLOT PETRE, Willard SCOTT...), les stars de la politique (Georges POMPIDOU, François MITTERRAND, Ronald REAGAN49...), __________________ 49 - Le phénomène n'est pas récent. Divers sénateurs américains reçurent chacun 1.000 dollars en 1927, pour apparaître sur des publicités pour les cigarettes LUCKY STRIKE. Pour l'anecdote, on notera que parmi ces sénateurs figurait un dénommé Charles CURTIS, qui fut élu à la vice-présidence des Etats-Unis aux côtés de Herbert HOOVER, l'année suivante... Voir notamment "Pitching Motherhood and Pepsi" John LEO, TIME du 1er Avril 1985 (attention : coquille non signalée 1927/1937 41 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ les très nombreuses stars du sport50 (PELE, Bjorn BORG, Mark SPITZ, Jean-Claude KILLY, Bernhard LANGER, Michel PLATINI, Eddy MERCKX, Ayrton SENNA, Diego MARADONA, POULIDOR, Denis CONNER, John Mc ENROE, Alain PROST,...), les stars du "business" (Paul-Loup SULITZER, Bill GATES, Akio MORITA, Jean-Luc LAGARDERE, Sam WALTON, Zino DAVIDOFF, Alain GOMEZ, Lee IACCOCA, Bernard TAPIE,...), les stars des media (Ted TURNER, Silvio BERLUSCONI, Robert HERSANT, Ruppert MURDOCH,...), les stars des top-models51 (Cindy CRAWFORD, Stéphanie SEYMOUR, Claudia SCHIFFER,...), enfin la France se devait de se doter des stars de la Grande cuisine (Paul BOCUSE52, Michel GUERARD,...). dans cet article) ; "Testimonials from a less suspicious Era" Jerry ADLER, NEWSWEEK du 12 Juin 1989. EVANGELISTA participèrent à la campagne. Mais le plus important était que les affiches portaient la signature manuscrite des top-models. N'est-ce pas là un signe de reconnaissance ? Voir également "Recessionproof supermodels" Rick TETZELI, FORTUNE INTERNATIONAL, Volume 125, N°6 du 23 Mars 1992 sur l'intérêt porté à ces top-models depuis la crise du secteur de la publicité ayant suivi la guerre du golfe. "Sultry Cindy saunters into PEPSI's portfolio" Bob GARFIELD, ADVERTISING AGE du 13 Janvier 1992, sur le cas particulier de l'association PEPSI-COLA / Cindy CRAWFORD. Au sujet de l'intérêt porté à ces topmodels par la télévision et le cinéma, voir notamment : "Model agencies intensifying search for '10'" et "Major model hunts near wrapup" James P. FORKAN, ADVERTISING AGE du 7 Avril 1980 ; "Models : to be U.S. superstars, they need the European experience" Pat SLOAN, ADVERTISING AGE du 6 Juin 1985. 50 - Voir notamment : Alf H. WALLE "Archetypes, athletes and advertising : a Jungian approach to promotion" JOURNAL OF CONSUMER MARKETING Volume 3, n°4 (Automne 1986) pp. 21-29. 51 - Phénomène récent, la médiatisation et la popularité corollaire des top-models peuvent être considérées comme le véritable phénomène de starisation du début des années 90. Certes on connaissait les mannequins vedettes et leurs évolutions publicitaires bien avant cela "Today's hot models - six most in demand for ads" James P. FORKAN, ADVERTISING AGE du 31 Mai 1976. Mais jusqu'à lors recherchés par la publicité pour leur beauté, les top-models du début des années 90 le sont aussi pour leur nom. PEPSI-COLA utilise Cindy CRAWFORD, ESTEE LAUDER s'offre les services de Paulina PORITZKOVA, REVLON séduit Claudia SCHIFFER,... Et les annonceurs de communiquer également sur la signature de contrats qui n'ont plus rien à envier à ceux des stars du cinéma. Voir notamment : "The supermodels" Barbara RUDOLPH, TIME INTERNATIONAL du 16 Septembre 1991.- "The supermodels" Barbara RUDOLPH, TIME INTERNATIONAL du 16 Septembre 1991 ; "Le marché des top-models" Michèle LOYER, CHALLENGES N°61 de Juillet-Août 1992 ; "Top-models : enquête sur les nouvelles stars" Collectif, LE NOUVEL OBSERVATEUR du 20 Août 1992. Au mois de Septembre 1992, la marque de vêtement KOOKAI lança en France, une campagne d'affichage où des top-models revendiquaient avec humour, une participation aux campagnes de la marque. Cindy CRAWFORD, Estelle HALLYDAY et Linda 2 - Evolution des caractéristiques Cette appellation est de ce fait devenue un qualificatif dont les composantes se sont modifiées53, lui conférant ainsi, une adaptabilité fort appréciée d'avides utilisateurs, commercialement intéressés. Dès lors, 52 - "Paul BOCUSE, la nouvelle carte de WILLIAM SAURIN" Dimitri FRIEDMAN, COMMUNICATION C.B. NEWS N°223 du 9 Septembre 1991. 53 - "De mon temps Hollywood avait plus de classe. Il y avait du prestige et de la curiosité. Aujourd'hui, les gens dans les films se ressemblent tous, et tout le monde est une "star". L'appellation a été vraiment dévalorisée." "Everybody's a star" Alice FAYE, in Family Weekly du 25 Novembre 1984. Extrait de "Hollywood on Hollywood Tinsel Town Talks" op. cit., p. 280. Voir également "The Story of Hollywood" de Barry Norman paru aux Editions NEW AMERICAN LIBRARY, Collection "Plume" (1987), New York, Etat-Unis, p. 69-70. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 42 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ si les fans persistent dans certains cas généralement liés au milieu du spectacle - le mystère entretenu sur lequel reposait la vie de la star, n'est plus. Le développement de l'information, et la médiatisation rapide et quasi totale des protagonistes d'un événement, ont eu raison de cette composante principale du mythe de la star. Aujourd'hui, la star n'a plus rien à cacher, ou plus exactement, ne peut plus rien cacher. A l'inverse des années 10, 20 puis 30 qui virent la naissance de ce phénomène, toute dissimulation serait maintenant presque nocive à la star. Car si elle est star aujourd'hui, c'est avant tout parce qu'elle est médiatisée à outrance grâce aux succès qu'elle remporte, ultra-présente sous les feux de l'actualité, pour des raisons professionnelles et/ou personnelles. Or, cette information s'étant développée d'une manière qualitative, mais surtout de façon quantitative, la star, pour rester star, doit plus que jamais entretenir avec soin sa propre médiatisation, au risque de voir son éclat pâlir au profit d'une autre. L'explosion de l'offre médiatique (nombre de stations de radio, de chaînes de télévision, de titres de presse,...) a multiplié les possibilités pour les "postulants" au statut de stars. L'attention du consommateur n'est plus concentrée comme auparavant, sur tel ou tel support. Elle est complètement diluée, abreuvée continuellement de nouveaux messages, de nouveaux noms, de nouveaux visages. C'est pourquoi, en raison de cette concurrence, ceux qui sont parvenus au statut de star doivent sans cesse occuper le terrain de l'entretien du souvenir, pour conserver ce statut tant convoité. Pour conserver l'exemple du cinéma où naquit l'appellation : il y a certes de grandes stars encore aujourd'hui, mais il suffit qu'elles n'apparaissent plus sur les écrans pendant une courte durée, pour qu'aussitôt l'attention que leur portait leur public, se détourne au profit d'une autre54. Les grands archétypes ont disparu et aujourd'hui, à l'instar du cinéma hier, la télévision est devenue le vecteur souvent incontournable de la pérennité de la célébrité. Or de ce medium de masse, point de salut. Toutefois, et c'est sans doute là l'une des clés du secret, il faut savoir entretenir ce souvenir dans l'esprit du public. "Rester star, c'est gérer le secret, manager la fuite, distiller la confidence, écrit Jean-Noël KAPFERER55, la transparence tue la star : une star n'est pas un copain. Le secret total l'anéantit __________________ 54 - "Lessons from Hollywood Hit Men" Christopher KNOWLTON, FORTUNE INTERNATIONAL Volume 118 N°5 du 29 Août 1988. Voir également l'analyse à base d'un grand nombre d'exemples de Jean-Louis GINIBRE "Les avatars d'une carrière de star" PREMIERE du mois de Septembre 1992. 55 - "Rumeurs : Le plus vieux média du monde" Jean-Noël KAPFERER Editions du SEUIL Paris, 1987, p. 204. Voir également "Vraies ou Fausses ? Les Rumeurs" MORGAN Hal, Kerry TUCKER et Marc VOLINE, Editions FIRST, Paris, 1988, sur Isabelle ADJANI p. 19, Rudolphe VALENTINO p. 63, George REEVES p. 131, Mama CASS p. 134, Paul mc CARTNEY p. 135 et 139, Lauren BACALL p. 159, Humphrey BOGART p. 161, Joan CRAWFORD p. 163 et à titre d'exemple pour Michael JACKSON dans "Michael 1er, Roi du nouveau marketing" Emmanuelle FRADET-VANANTY, COMMUNICATION CB NEWS n°234 du 25 Novembre 1991. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 43 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ autant : le public et les fans asphyxiés par le manque d'information ont disparu. Le mystère soigneusement dosé maintien la foi". Même si ce mystère doit être médiatiquement entretenu ! Cette composante nous permet d'introduire par conséquent, une caractéristique essentielle de la star d'aujourd'hui, qui est l'aspect extrêmement volatile de son attirance. On peut trouver une explication à cette nouvelle caractéristique, dans le fait que les spectateurs que nous sommes, ont mûris. L'abondance d'informations ayant favorisé cette maturité et ce recul face à ces personnages. Les stars de cinéma ne sont plus ces héros auxquels le public s'identifiait très facilement ou rêvait de s'identifier presque immédiatement. Il ne sera pas dit que l'impact, le rêve et l'identification ont disparu, mais le public est plus mûr, sur-informé quantitativement, et dès lors, son rêve achevé, il fait plus aisément la part des choses et la distinction entre les plaisirs de son rêve, et les composantes de la réalité. En Mai 1986, l'acteur Christophe LAMBERT déclarait à la presse que "la connerie en France, c'est que l'on a voulu casser le star-system, faire descendre les acteurs dans la rue. C'est idiot de bousiller la part du rêve. Le système américain est plus intelligent, les stars sont inaccessibles, elles gardent leur aura de mystère. Mais quand un Cary GRANT descend dans la rue - ça arrive rarement - à ce moment-là, il est tout à son public. Certains acteurs ici se plaignent de la familiarité du public. C'est d'un prétentieux ! Si un acteur ne veut pas qu'on lui tape sur le dos, il reste chez lui. A partir du moment où il sort, il doit tout accepter"56. La star elle-même a changé. Elle est moins l'objet modelé au gré et à la fantaisie de ses géniteurs. Elle aussi s'est émancipée de la tutelle totale qui pesait sur elle. Ainsi, les stars n'ont pas disparu. Non, elles existent au contraire aujourd'hui plus nombreuses et plus diverses qu'hier. Plus indépendantes, plus maîtresses de leur vie, même si leur destin reste encore bien souvent dans les mains de producteurs de tout ordre. Le seul attribut qu'elles aient véritablement conservé de la définition d'origine est justement la célébrité. D / Stars et publicité Il était inévitable qu'elles tombent dans les pervers filets de la publicité. Observons les éléments du fichier de correspondance Betastar1, de la base de données Alphastar. Il est constitué des nom, prénom, sexe et activité(s) de 3.514 porte-parole publicitaires célèbres de 1910 à nos jours, identifiés à ce jour. A l'observation de la répartition présentée ci-dessous, on notera que le nombre total de porte-parole - 3.704 dans le tableau - diffère avec le nombre de références contenues dans le fichier Betastar1. __________________ 56 - "Christophe LAMBERT" Alexandre GRENIER, VIDEO7 du mois de Mai 1986. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 44 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Types de porte-parole Hommes % Femmes Total % % Acteurs 815 44,05% 1035 55,95% 1850 50,30% Sportifs 376 84,88% 67 15,12% 443 12,04% Chanteurs 171 53,94% 146 46,06% 317 8,62% Musiciens 125 92,59% 10 7,41% 135 3,67% Animateurs 102 78,46% 28 21,54% 130 3,53% Ecrivains 83 82,18% 18 17,82% 101 2,75% Imitations et sosies 70 79,55% 18 20,45% 88 2,39% Politiciens 58 74,36% 20 25,64% 78 2,12% Metteurs en scène 74 96,10% 3 3,90% 77 2,09% Personnages de B.D. 63 85,14% 11 14,86% 74 2,01% Managers 54 88,52% 7 11,48% 61 1,66% Journalistes 21 75,00% 7 25,00% 28 0,76% Danseurs 7 33,33% 14 66,67% 21 0,57% Couturiers 9 69,23% 4 30,77% 13 0,35% 11 91,67% 1 8,33% 12 0,33% 4 57,14% 3 42,86% 7 0,19% Divers 211 78,44% 58 21,56% 269 7,31% Total : 2.254 60,85% 1.450 39,15% 3.704 100,00% Grands Cuisiniers Peintres Source : Base de données Alphastar Fichier de correspondance Betastar1 (saisies arrêtées au 1er Août 1992) Cela s'explique tout simplement par le fait que 190 célébrités sont célèbres dans plusieurs domaines1, dont il paraissait intéressant de tenir compte ici. Exemple vivant de la vulgarisation de l'appellation de star, certains, après avoir commencé une carrière de chanteur, devinrent homme d'affaires, puis manager sportif, puis animateur d'émissions de variétés à la télévision, pour terminer politicien, en rebondissant à chaque fois sur la célébrité de chancun de ces domaines. __________________ 1 - Dans ces conditions, seuls les deux principaux ont été retenus pour leur enregistrement. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 45 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Représentation graphique de la répartition des types de porte-parole publicitaires célèbres (fichier Betastar1) Sportifs Chanteurs Musiciens Animateurs Ecrivains Imitations et sosies Politiciens Metteurs en scène Personnages de B.D Managers Journalistes Danseurs Couturiers Grands Cuisiniers Divers Peintres Acteurs Les résultats de ce tableau et plus encore cette représentation graphique montrent parfaitement que parmi les célébrités sollicitées par la publicité, une sur deux était acteur de cinéma ou de télévision. Si l'on considère les trois principaux types de porte-parole célèbres - acteurs, sportifs et chanteurs - ils représentent plus de 70 % des porte-parole publicitaires célèbres identifiés. Ces résultats nous enseignent d'autre part, que les hommes célèbres sont plus recherchés par la publicité, que les femmes célèbres. La célébrité serait-elle sexiste ? En effet, à l'exception des danseuses et des actrices, tous les autres domaines de célébrité voient le sexe féminin s'effacer devant le sexe masculin. Avec des types de célébrités plus marqués que d'autres. On remarquera par exemple le cas des musiciens, des metteurs en scène, des managers et des personnages de B.D. ou la disproportion hommes / femmes est très importante. On ne retiendra pas le cas des Grands cuisiniers à propos de cette disproportion entre les deux sexes, au regard du faible nombre de cas relevés, même si a priori on peut penser que ce constat les concerne également. Il de notoriété que la profession elle-même est occupée par des hommes de façon majoritaire. Ce qui donne un rapport total de 6 porte-parole publicitaires célèbres masculins contre 4 porte-parole publicitaires célèbres féminins. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 46 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ L'étude de ces résultats doit cependant être relativisée en précisant qu'il n'est pas tenu compte ici, du degré de célébrité du porte-parole publicitaire identifié. A titre d'exemple, si ce critère avait pu être retenu - mais sur quelle base objective ? - le nombre des actrices recensées aurait très probablement été dépassé par celui des acteurs. La lecture de la liste des noms pour cette rubrique, laisse apparaître en effet, un grand nombre de cas de gloire éphémère pour les stars féminines. Enfin, il faut rappeler que cette répartition porte sur une période s'étalant de 1910 à nos jours. S'il était possible de faire porter avec précision cette analyse, sur une période plus restreinte, mais plus récente, la première place détenue par les acteurs de cinéma bien que conservée, ne serait plus aussi détachée de celle des sportifs, de plus en plus utilisés. AYDS furent intéressés par la taille de guêpe de Paulette GODDARD, Hedy LAMARR ou Anita EKBERG, les céréales KELLOGG'S mirent à profit la forme de la nageuse actrice Esther WILLIAMS, les chaussures BALLBAND furent très intéressées par les pieds de Rhonda FLEMING et de Lucille BALL, la lotion capillaire JERIS s'empara des cheveux de Charlton HESTON, Dana ANDREWS, Alan LADD. A l'origine, l'une des caractéristiques essentielles de la star étant qu'elle dispose d'influence et de célébrité, donc d'impact à un moment donné, il était inévitable qu'elle tombe dans les pervers filets de la publicité. Sans aller jusqu'à dire que "la star est une marchandise totale comme l'écrit Edgar MORIN1, pas un centimètre de son corps, pas une fibre de son âme, pas un souvenir de sa vie qui ne puisse être jeté sur le marché", il est vrai que la publicité saura rapidement utiliser, parfois même à bon escient, les diverses parties de son corps. Les tournedisques GRAMOPHONE sollicitèrent la voix de CARUSO, les édulcorants __________________ 1 - "Les stars" Edgard MORIN, op. cit. p. 120. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 47 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Les colliers de perles CIRO ne voyaient en Madeleine CARROLL, Fay COMPTON et Adèle ASTAIRE que leur cou, le couturier Karl LAGERFELD utilisa la minceur d'Inès de la FRESSANGE pour valoriser les tailleurs CHANEL, les chemises HATHAWAY s'illustrèrent avec le buste de Bill COSBY ou encore celui de Ted TURNER, les accessoires de manucurie LA CROSS recoururent aux mains de Joan CAULFIELD, Yvonne De CARLO et Alice BRADY, les cosmétiques DIADERMINE n'attachèrent de valeur qu'à la pureté de la peau de Carole LAURE puis de Gabrielle LAZURE, le dentifrice DENTOL concentra son attention sur les dents de Gabrielle ROBINNE, Albert BRASSEUR et Dolly DAVIS, KNORR sollicita les connaissances gastronomiques de Pierre PERRET, les montres GRUEN employèrent les poignets de Joan FONTAINE, Guy LOMBARDO et Mary MARTIN, la crème à raser WILLIAMS démontra, joues et menton de Ralph BELLAMY, Humphrey BOGART, José FERRER ou Boris KARLOFF à l'appui, la qualité de son produit, la lingerie LEJABY fut fascinée par la poitrine d'Isabelle ADJANI2, puis par celle de Mathilda MAY, pour ne citer que ces quelques exemples. Le mythe allait dès lors être exploité par d'autres "engendreurs" de mythes3. __________________ 2 - Pour cette campagne, l'agence VISION ACTUELLE obtint en 1988, le Grand Prix Stratégies, le Prix Mode Textile et le Prix Presse magazine. 3 - "Journalistes et publicitaires sont des opérateurs Chapitre I : Origines de la star mythiques : ils mettent en scène, affabulent l'objet ou l'évènement. Il le «livrent réinterprété» - à la limite, ils le construisent délibérément. Il faut donc si l'on veut en juger objectivement, leur appliquer les catégories du 48 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ 1 - Origines du rapprochement L'auteur américain Frank 4 PRESBREY date en 1477, la première publicité écrite, réalisée en anglais pour un livre écrit par William CAXTON, et traitant des règles religieuses à suivre pendant les fêtes de Pâques. En fait, tout dépend du système de références considéré. Les célèbres albums romains ou les différents emblèmes caractéristiques situés à l'extérieur des échoppes des bouchers, des poissonniers ou encore des boulangers de Pompeii constituaient déjà en 79, une forme de publicité. Quant à la première utilisation d'une star... Si le star-system ne vit le jour qu'au début des années 1910, la publicité ne l'avait pas attendu pour utiliser de célèbres porte-parole afin de vanter les mérites des produits dont on leur confiait la charge avec ou sans leur accord. Il est très difficile de dater précisément les premières utilisations de ce type. Pour palier le manque de sources fiables en la matière, notons simplement que cette stratégie publicitaire reposait à l'origine sur la seule célébrité du personnage, sans aucun souci marketing d'adéquation ou de résultats spécifiques. Elle fut donc utilisée, dès que le développement de l'information rendit possible la "médiatisation" et dès lors la célébrité des personnalités de l'époque. Dès que l'on perçut l'impact dont pouvaient bénéficier ces personnalités, auprès mythe : celui-ci n'est ni vrai ni faux, et la question n'est pas d'y croire ou de ne pas y croire [...] La publicité est une parole prophétique dans la mesure, où elle ne donne pas à comprendre ni à apprendre, mais à espérer." Jean BAUDRILLARD, op. cit. p. 196 et suivantes. __________________ 4 - "The History and development of advertising" Frank PRESBREY Editions DOUBLEDAY, DORAN & Company Inc. (1929), New York, Etats-Unis. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 49 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ d'un public en général peu cultivé, sous-informé et donc largement crédule. Nombreuses furent ainsi les têtes couronnées et les politiciens de l'Europe entière dont les traits, souvent caricaturés, étaient déjà utilisés à des fins commerciales à la fin du XIXe siècle.. Les premiers recours à des porte-parole célèbres, rémunérés pour leurs bons offices, peuvent dans ces conditions être approximativement datés vers 1880-1890. Rosine BERNARD, plus connue sous le nom de Sarah BERNHARDT ne présentait-telle pas dès cette époque, lingerie, cosmétiques, alcools, biscuits et bonbons5 ? C'est très précisément en 1890 qu'elle fut peinte par CHERET sur les affiches de LA DIAPHANE, la célèbre poudre de riz6. Ces célébrités trouvaient alors essentiellement leur origine sur les scènes de théâtre, dans les cabarets, ou les spectacles de variétés. Mais dès les premières années du XXe siècle, la publicité eut également recours à des danseuses, des chanteuses, des écrivains, ou toute autre personnalité - aventuriers, inventeurs, sportifs... - rendue célèbre par l'actualité d'alors. Ce fut par exemple le cas de Sacha GUITRY encore très jeune, qui posa pour une __________________ 5 - Comme notamment aux Etats-Unis pour les chocolats LOWNEY'S. "Advertising in America - The first 200 years" Charles GOODRUM et Helen DALRYMPLE, Editions Harry N. ABRAMS, Inc. Publishers, New York, Etats-Unis (1990) p. 28. 6 - "Célébrités à l'affiche - 100 ans de personnages célèbres dans la publicité" Anne-Claude LELIEUR et Raymond BACHOLLET, Editions CONTI-EDITA, Lausanne, Suisse (1989) p. 123. publicité humoristique parue en Novembre 1913 dans l'Illustration, pour les ceintures FRANCK-BRAUN. Leur célébrité leur conférait un statut, une autorité de fait et reconnue, dont on peut penser que l'exercice sur une population de consommateurs relativement naïfs pouvait avoir des résultats commerciaux positifs. 2 - Une technique séculaire Avec le recul que nous autorise le temps, il apparaît qu'aucun secteur, aucun produit n'omit de courtiser un jour une célébrité, pour sa communication publicitaire et rares furent alors les stars à refuser ces propositions lucratives7. Privée ou publique, humanitaire ou commerciale, il est impossible de ne pas trouver au moins une célébrité dans l'historique publicitaire de chaque secteur d'activité. Marcel BLEUSTEINBLANCHET8 nous expliqua que "ça donnait une valeur formidable à la publicité, ça l'enrichissait. Les gens aimaient entendre ces vedettes dans leur rôle. Lorsqu'elles faisaient de la publicité, elles le faisaient à leur manière, et c'était un succès parce que les gens étaient un petit peu crédules. Le rôle des publicitaires est de trouver des idées pour leurs clients. Moyennant __________________ 7 - Contrairement à ce que pense la journaliste Caroline BRUN, "A la grande époque d'Hollywood, rares étaient les stars qui s'abaissaient à faire la pub d'une marque ou d'un produit [...] En France, le phénomène est beaucoup plus récent" CAPITAL N°11 du mois d'Août 1992. 8 - Entretien privé accordé le 23 Mai 1991. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 50 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ 500 ou 1.000 francs, on faisait faire une déclaration à l'acteur en disant : «Je déguste le sirop Dugludu parce qu'il m'a guéri de mon rhume». C'était vraiment de la réclame". Rappelons qu'à cette époque, la star n'est pas du tout segmentante ; elle est susceptible de faire rêver pour différentes raisons, plusieurs cibles à la fois. Elle devient alors un élément marketing de notoriété puissamment fédérateur et très profitable pour la communication publicitaire. Dès 1901, le fabricant de biscuits LEFEVRE UTILE (LU) éditait deux albums où le consommateur pouvait coller des vignettes représentant le portrait des célébrités du monde du spectacle. Ces vignettes lui étaient remises pour chaque achat de biscuits LU. En 1905, FELIX POTIN cachait lui aussi 500 célébrités dans ses tablettes de chocolat pour élargir le nombre de ses consommateurs. Au début du XXe siècle, la publicité se faisait essentiellement par voie écrite, faute de pouvoir recourir à la radio, ou même au cinéma,9 encore bien trop avare de son support sensible pour le confier massivement aux publicitaires. C'est la raison pour laquelle ce sont dans les magazines et journaux de l'époque, ainsi que sur quelques affiches, que l'on trouve trace de publicités utilisant le témoignage ou la caution d'un personnage célèbre. On notera d'ailleurs que dans certains cas, __________________ 9 - Sauf cas très exceptionnels. Au Centre National d'Archives Publicitaires, la Présidente Anne Saint Dreux et son équipe sont parvenus à dater en 1897, la réalisation du premier film publicitaire par les frères LUMIERE, pour le savon SUNLIGHT du groupe LEVER. C.N.A.P., 113 rue des Moines, 75017 PARIS, Tél : 42.28.89.89. les techniques utilisées ne sont pas si éloignées de celles employées aujourd'hui. En 1910, saisissant l'occasion d'un nouveau record de l'aviation, la société MARIE BRIZARD eut l'idée d'utiliser le témoignage du célèbre aviateur BIELOWEIC sur une publicité pour son anisette. Témoignage traditionnel, il est cependant intéressant de remarquer la construction originale pour l'époque, de cette annonce. En premier lieu, une accroche était suivie d'une photographie, dont l'utilisation était encore loin d'être usuelle pour une publicité, en 1910. Puis, la présentation écrite de la main de l'aviateur lui-même, de son impression à la suite de cet exploit. L'utilisation du témoignage direct est aujourd'hui encore un facteur d'impact supplémentaire reconnu. Ce n'est qu'à cet instant, que le lecteur découvrait enfin le nom de l'annonceur, MARIE BRIZARD. Le nom de l'anisette n'était à aucun moment repris sur l'annonce. Celle-ci comportait alors le risque que la marque ne soit pas perçue. Ecriture peu lisible, caractères très fins,... En revanche, la photo de l'aviateur, par son caractère peu usuel, attirait immédiatement l'attention, et une fois pris connaissance du thème de l'annonce - le record Paris-Bordeaux l'intérêt du lecteur se portait automatiquement sur le témoignage de cette célébrité, comme s'il s'agissait de rédactionnel. L'objectif était atteint, la publicité avait subtilement rempli son rôle. Le lecteur était consciemment ou non, commercialement informé par le célèbre aviateur que "le véritable réconfort après un raid en aéroplane, Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 51 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ c'est un verre BRIZARD." ! d'anisette MARIE A cette époque, abondaient déjà produits de beauté et autres remèdes de bonne femme. Dès lors, allait naître l'association publicitaire la plus durable qui soit entre célébrités et produits de consommation. Car si les parfums et les cosmétiques sont encore aujourd'hui grands consommateurs de stars et principalement de stars féminines, cette association bénéficie d'une très vieille expérience. Toutefois, si cette association reste caractéristique, elle n'en demeurait pas moins prévisible, concernant cette approche publicitaire. En effet, comme nous l'avons vu, la star est généralement très belle10 et très maquillée. Dès lors, qui, mieux qu'une très belle femme et surtout reconnue comme telle, pouvait offrir son témoignage à des produits dits "de beauté" ? __________________ 10 - "L'expert posséde l'expérience, le consommateur type tire son intérêt de la similitude [...] les célébrités faisant de la publicité sont généralement attractive et sympathique". Hershey H. FRIEDMAN et Linda FRIEDMAN "Endorser effectiveness by product type" dans JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Volume 19 du 5 Octobre 1979, p.63-71 En France, bien avant Max FACTOR, George WESTMORE et Elizabeth ARDEN – les célèbres maquilleurs des stars hollywoodiennes –, l'un des plus fameux exemples reste le cas du parfumeur LENTHERIC. Musiciennes renommées, actrices de vaudeville ou de théâtre, cantatrices,... LENTHERIC fit siennes toutes les célébrités féminines de l'époque. Pourtant, l'utilisation de la célébrité n'était pas toujours mise en valeur de manière adéquate. Le témoignage ou même simplement le visage de la célébrité était parfois totalement rapporté, comme en témoignent la plupart des publicités exploitées en 1913. Elles ressemblaient au publirédactionnel que l'on connaît aujourd'hui, en expliquant en détail la manière de recourir aux différentes couleurs de poudre de riz pour modifier les contours du visage. A aucun moment le visage de la célébrité n'était Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 52 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ relié de quelques manières que ce soit, au contenu du texte. Mais LENTHERIC avait depuis plusieurs années déjà créer ce code de l'utilisation de célébrités, pour cautionner ses parfums. Dès lors, probablement pour rester fidèle à cet axe publicitaire, ne pas briser le code, et conserver l'identification dans l'esprit du consommateur, le témoignage même muet, d'une célébrité était requis quelque soit le contenu de ses publicités. Ces célébrités représentaient des symboles de gloire, de beauté, pour le vulgum pecus, et la publicité a toujours aimé jouer avec les symboles11. Dès le milieux des années 20, si la publicité continue toujours à utiliser des célébrités du monde des variétés comme Maurice CHEVALIER et Yvonne VALLEE pour les graphophones VITUS en 1925, elle ne se trompe pas sur le fantastique potentiel d'un cinématographe encore très jeune mais en pleine effervescence depuis l'avènement du parlant12. Cette __________________ 12 - Selon les auteurs, la date exacte diverge, certains __________________ 11 - "Le travail de la publicité est de manipuler les symboles. Les symboles de la mode, de l'élégance sont utilisés pour présenter sous des couleurs séduisantes les vêtements, les cosmétiques. Les symboles de la gaieté juvénile vendent des softdrinks et des confiseries. Les symboles de l'aventure et de la sportivité sont utilisés pour promouvoir des cigarettes ou de l'alcool [...] La publicité est un fantastique créateur et dévoreur de symboles" S.I. HAYAKAWA "Language in thought and action" Editions HARCOURT, N.Y.., Etats-Unis (1964) pp. 268-269. Chapitre I : Origines de la star puristes mettant en exergue les premiers essais réalisés par Thomas A. EDISON ou d'autres pionniers du cinématographe, d'autres considérant la première exploitation commerciale. Dans cette dernière optique, le premier film partiellement (environ 281 mots) parlant fut produit par la WARNER Bros. - qui livrait alors une historique lutte technologique avec la FOX, pour être la première compagnie à produire un film parlant - en 1927. Il s'agit du légendaire The Jazz Singer mis en scène par Alan CROSLAND et avec pour interprète principal, le chanteur acteur Al JOLSON. Voir notamment sur ce point Joel W. FINLER op. cit. p. 37-38 . "La fabuleuse histoire de la WARNER Bros." Clive HIRSCHHORN, Editions CELIV, Paris (1984) p. 57. "La société de connivence - Media, Mediations et classes sociales" Paul 53 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ évolution ne fut d'ailleurs pas sans poser de problèmes à quelques stars, dont la voix "catastrophique" mit leur carrière en péril. Ce fut notamment le cas de Corinne GRIFFITH, Pina MENICHELLI, Renée ADOREE, Bessie LOVE, Ramon NOVARRO ou encore John GILBERT, qui fut contraint par les Studios, de prendre des cours de diction, mais ne parvint jamais à retrouver la gloire qu'il avait eu au temps du muet. Le charme était rompu ! De surcroît, de nouvelles salles apparaissent, elles sont équipées pour les projections sonores dans de "bonnes" conditions. Les films euxmêmes sont de plus en plus diffusés. Ils ne sont plus l'apanage de quelques rares copies exploitées quelques semaines dans l'arrière salle d'une épicerie. Le cinéma est devenu en une poignée d'années une véritable industrie. Pour briller, cette industrie avait besoin d'étoiles, et elle se les ait découvertes ou créées. C'est donc très logiquement que les publicitaires d'alors détournent leur regard vers ces nouvelles célébrités que l'on appellera désormais les stars. Et toutes se prêtent au jeu de la publicité. Ainsi, Charlie CHAPLIN et David W. GRIFFITH vantent les mérites des caméras BELL & HOWELL, Mabel NORMAND, Norma TALMADGE, Priscilla DEAN et Betty COMPSON utilisent les cosmétiques WATKINS et Gary COOPER devient "Prince de l'élégance" pour les pulls JERRY-J dès 1927. En France, MISTINGUETT pose pour l'apéritif REGALS et pour les BEAUD, Editions AUBIER/Res. BABEL, Paris (1984) p. 166-167 . Chapitre I : Origines de la star vêtements LEMERCIER RAGLENAT. SAINT-GRANIER ne porte que les casquettes ELINA, ARLETTY choisit ses bijoux chez OREUM, Huguette DUFLOS déguste l'apéritif CAMPARI et se maquille avec TOKALON ou BICHARAT alors qu'Yvonne PRINTEMPS choisit de se parfumer avec ISABEY. La campagne des portraits célèbres de CADUM13 bat son plein. L'aviateur Charles LINDBERGH signe ses autographes avec un WATERMAN et recommande l'huile MOBIL. 1930, le cinéma doit lui aussi faire face à la crise économique, les films sont moins nombreux. Or, qui dit crise, dit besoin de communication accru pour survivre aux dépends de la concurrence sur un marché qui se restreint. Tous les Studios créent ou réorganisent alors leur département publicité, les plaçant même parfois directement sous le contrôle du Directeur du studio. C'est l'apogée des indiscrétions, des commérages, des fausses-vraies et des vraies-fausses informations sur le Studio, ses films et bien entendu ses stars14, qui se heurte __________________ 13 - Voir également en annexes, l'analyse du cas LUX page 669. 14 - "Une manipulation et un façonnage minucieux des stars étaient caractéristiques de la M.G.M., qui était également très fière de posséder l'un des meilleurs département photos de Hollywood ayant sous contrat des photographes de premier plan tels que Clarence SINCLAIR BULL, Ruth HARRIET LOUISE et George HURRELL. Ce département était un outil essentiel pour présenter sous de séduisantes couleurs, les principales stars féminines. De surcroît, une prise de vues initiale était absolument essentielle pour chaque nouvelle arrivée, aussi bien pour tester la réponse du public au regard de photographies échantillons insérées dans les magazines, les journaux et les publications des fan-clubs, 54 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ rapidement aux contrôles du HAYS Office15. Cette médiatisation accrue des stars va favoriser leur utilisation par la publicité, cette dernière disposant dès lors d'une foultitude de porte-parole célèbres, en lesquels le consommateur aura toute confiance ou aimera tout simplement s'identifier en consommant les mêmes produits et les mêmes services. Par ailleurs, de nombreux publicitaires comprennent que cette approche comporte le gros avantage de pouvoir souvent délaisser quelque peu l'argumentation produit, au profit d'un visage sensé convaincre le consommateur par sa simple 16 juxtaposition au produit . que pour permettre aux dirigeants du studio d'analyser avec l'aide complémentaire d'un test écran, l'opportunité d'offrir un contrat à la nouvelle venue". "The Hollywood Story" de Joel W. FINLER paru aux Editions OCTOPUS BOOKS Limited (1988) Londres, Grande-Bretagne, p. 1617. Recherchant les attentes du public, on perçoit dès lors l'adjonction des principes d'une démarche marketing, à l'unique et traditionnel flair des moguls. 15 - A la demande des Studios faisant face à divers scandales, dont l'affaire William Desmond TAYLOR, Will HAYS, ex-Directeur général des Postes du Président HARDING, fut nommé à la tête d'un bureau qui allait rapidement porter son nom. Son objectif était en quelque sorte de faire la police au sein des Studios. A partir de 1930, il veilla à l'application des très strictes règles énoncées dans le célèbre Production Code. "Hollywood The glamour years (1919-1941)" de Robin LANGLEYSOMMER paru aux Editions HAMLYN (1987), Londres, Grande-Bretagne, p. 24-25, 93. Voir également "Behind de screen - the history and techniques of the motion picture" Kenneth MacGOWAN, Edtions DELL PUBLISHING C° Inc., New York, Etats-Unis (1965) p. 352. 16 - "La publicité induite par les stars s'apparente à une forme de publicité qui sera dite pure parce que dégagée de toute information factuelle à l'égard du prix, de la qualité du produit, de la localisation ou de la disponibilité du service rendu" Silvère PIQUET op. cit. p. 76. Les annonceurs américains les plus divers l'ont bien compris et se battent déjà à noms de stars. Si Shirley TEMPLE apprécie les automobiles DODGE, Ginger ROGERS, Eddie CANTOR, Janet GAYNOR, Frederic MARCH, Gary COOPER, Tyrone POWER ou Carole LOMBARD conduisent une automobile De SOTO, Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 55 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Lawrence TIBETT lui, roule en PACKARD, et Lilly DACHE choisit PONTIAC, alors que Geneviève TOBIN, Al JOLSON, George BRENT ou Dick POWELL leur préfèrent BUICK. Bing CROSBY quant à lui hésite entre De SOTO et OLDSMOBILE ! Le dentifrice CALOX a déjà séduit de très nombreuses stars telles que Joan BENNETT, Melvyn DOUGLAS, Olivia De HAVILLAND, Joan BLONDELL, Fred Mac MURRAY, Dick POWELL, Miriam HOPKINS, Claudette COLBERT, Dorothy LAMOUR, Merle OBERON, Shirley TEMPLE, Barbara STANWYCK, Veronica LAKE, Fred ALLEN,... Bob HOPE se rase avec GEM, alors que Joan CRAWFORD, Rosalind RUSSELL et Greer GARSON sont parmi les premières d'une longue liste à apparaître sur les annonces pour l'argenterie ROGERS Bros. Fred Mac MURRAY et Shirley TEMPLE conseillent à leurs fans les céréales QUAKER. Quant aux trois fondateurs de UNITED ARTISTS, Mary PICKFORD, Charlie CHAPLIN et Douglas FAIRBANKS, ils accompagnent Gloria SWANSON en croisière pour la compagnie maritime CUNARD. C'est alors que les premiers soap opera apparaissent sur les ondes 17 __________________ 17 - Soap opera : Série de fiction, à l'origine radiophonique (dès 1932) puis télévisée, qui était sponsorisée par un annonceur. Certains débutèrent à la radio et terminèrent à la télévision comme "The Guiding light" diffusé sur CBS. Créé par Irna PHILLIPS, ce soap opera apparut le 30 Juin 1937 à la radio et fut transposé à la télévision en 1952. Au moment où ces lignes sont tapées, les péripéties de la famille BAUER et de leur entourage ne sont toujours pas terminées... "Total television - a comprehensive guide to programming from 1948 to the present" Alex McNEIL, radiophoniques américaines, galvanisant l'attention de centaines de milliers d'auditeurs. Les agences de publicité ne s'y trompent pas et tels de véritables studios de production cinématographique, sont fières de présenter les multiples stars au service de leurs annonceurs, comme par 3ème édition, Editions PENGUIN BOOKS, New York, Etats-Unis (1991) p. 315-319 ; Charles GOODRUM & Helen DALRYMPLE "Advertising in America" op. cit. page 39. Littéralement "opéra savon" parce qu'au début ces séries étaient en grande majorité parrainées par des marques de lessive de groupes tels que LEVER ou PROCTER & GAMBLE. Voir notamment : "The Saga of P&G's IVORY soap : Keeping a brand afloat 100 years" Nancy F. MILLMAN, ADVERTISING AGE du 2 Juillet 1979. Il arrivent parfois que ces annonceurs produisent eux-mêmes ces séries et les échangent (bartering) aux chaînes de télévision contre de l'espace publicitaire ; si c'est aujourd'hui moins le cas pour diverses raisons, il n'était alors pas rare dans les années 50 de voir l'annonceur saisir cette opportunité pour veiller à ce que le scénario comporte une ou plusieurs occasions de faire consommer ou utiliser ses produits par les héros. La seule différence avec les exemples actuels est que le show n'a alors qu'un seul sponsor. On parle de Bing CROSBY et KRAFT CHEESE, de Bob HOPE et PEPSODENT, Fibber McGEE et JOHNSON WAX,..."Great moments of television" Thomas G. AYLESWORTH, Editions EXETER BOOKS, New York, Etats-Unis (1987) p. 12. Voir également "History of television" Rick MARSCHALL, Editions GALLERY BOOKS, New York, Etats-Unis (1986) p. 26-93 ; "Soap Opera History" Mary Ann COPELAND, Editions MALLARD PRESS / Publication International Ltd, Lincolnwood, Illinois, Etats-Unis (1991) et "Des enzymes gloutons pour la culture audiovisuelle" Laurent NEUMANN, STRATEGIES n°542, 22 Décembre 1986. Toutefois, on oubliera pas de rappeler le cas cité par Vance PACKARD dans son livre "La persuasion clandestine" paru au éditions CALMANN-LEVY (Paris, 1958, page 145) à propos de la série I Love LUCY - exploitée de 1951 à 1957 qui était sponsorisée par les cigarettes PHILIP MORRIS. Ce show fut le plus populaire de la télévision à l'époque. Or, dans le même temps les ventes de cigarettes PHILIP MORRIS chutèrent de 17%. La raison évoquée par le magazine Tide serait alors que le public avait "tendance à parler de l'excellence de la pièce pendant l'émission publicitaire" ! Voir également à propos de ce dernier exemple le paragraphe : un facteur anti-zapping, page 108. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 56 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ exemple l'agence J. WALTER THOMPSON18 dès 1935. En France aussi, quelques annonceurs perçoivent que cette stratégie comporte toujours de nombreux avantages. La chanteuse Joséphine BAKER est par exemple en 1931, l'ambassadrice publicitaire de COLUMBIA. Le célèbre GROCK, "le plus grand clown de tous les temps" selon Groucho MARX, devient le porte-parole des lames de rasoir KIRBY-BEARD. Gisèle ARELLY recommande le dentifrice VADEMECUM, alors que Dolly DAVIS, DRANEM, Alice BONHEUR, Albert BRASSEUR, Gabrielle ROBINNE, Suzanne REVONNE ou Esther KISS lui préfèrent celui commercialisé sous la marque DENTOL. Comme la célèbre cantatrice Hortense SCHNEIDER, l'actrice Danielle DARRIEUX pose pour les bas CORNUEL. Yvonne PRINTEMPS, Sacha GUITRY et Sergheï RACHMANINOV font confiance aux gramophones de LA VOIX DE SON MAITRE. Gaby MORLAY ne se baigne qu'avec un maillot JANTZEN et les bijoux BURMA lancent leur grande campagne célébrités avec des stars toujours plus belles et toujours plus nombreuses telles que Edwige FEUILLERE, MISTINGUETT, Viviane ROMANCE, Gaby MORLAY, Elvire POPESCO ou Madeleine RENAUD. COLETTE quant à elle, écrit sur des bulles de PERRIER, entre deux bouffées de LUCKY STRIKE... __________________ 18 - J. WALTER THOMPSON est à cette époque, l'une des deux agences avec LORD & THOMAS, les plus actives dans ce domaine. Stephen FOX, "The mirror makers : A history of American advertising and its creators" Editions WILLIAM MORROW AND COMPANY (1984), New York, Etats-Unis page 156. 1940, alors que la radiodiffusion est depuis quelques années en pleine expansion19, les Majors20 se distinguent __________________ 19 - "Convenables ou non, ces émissions furent consommées par un public avide qui possédait collectivement quelques dix-sept millions d'appareils radio et prêtait aux cajoleries des agences publicitaires plus de cinquante millions de paires d'oreilles complaisantes. Les annonceurs étaient ravis de voir leurs produits cautionnés par des artistes aussi renommés qu'Al JOLSON, Eddie CANTOR, Will ROGERS, Bing CROSBY ou George BURNS et Gracie ALLEN - pour ne citer qu'une partie des transfuges du cinéma et du musichall attirés par la radio et par des cachets allant jusqu'à cinq mille dollars par semaine." "Flywheel, Shyster & Flywheel" Michael BARSON, paru en France sous le titre "Reniflard and C°" aux Editions PRESSES DE LA RENAISSANCE , Paris (1989). Le livre présente l'émission radiophonique des Marx Brothers diffusée sur le réseau CBS pendant les années 30. Dans son avant propos, l'auteur présente et analyse le rôle, les ambitions et le pouvoir des grandes compagnies américaines, qui étaient alors les sponsors de ces programmes radiophoniques. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 57 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ de plus en plus des minors21. Le poste de radio vit ses plus belles heures de gloire, notamment en raison de la guerre. Sur le vieux continent le public se détourne quelque peu des salles de cinéma pour consacrer son attention aux nouvelles du front et parce que les nouveaux films sont plus rares. En Europe, les progressions d'Adolphe HITLER privent les Majors de plus de 50 % de leurs débouchés, et la production cinématographique en subit sévèrement les conséquences. 20 - Du latin major "plus grand que". Abréviations de Major companies, les plus grandes compagnies de production cinématographiques américaines The Big Five parmi lesquelles on trouvait Paramount, Metro-GoldwynMayer (M.G.M.), Warner Bros., Fox (qui deviendra 20th Century Fox à la suite d'une fusion avec la 20h Century en 1935) et Radio Keith Orpheum (R.K.O.) comparativement aux Minor companies, The Little Three d'une part, représentées par Universal, United-Artists et Columbia ; et aux Indépendants d'autre part. Voir sur ce point "Cinéma et Monopole. Le cinéma aux Etats-Unis : Etude économique" Henri MERCILLON, op. cit. p. 113 et suivantes. "Economie du Cinéma américain" Joël AUGROS, Editions MEDIATHEQUE - EDILIG, Paris (1985) p. 12-25. "Hollywood : L'âge d'or des studios" Douglas GOMERY, op. cit. p.13 et suivantes. "The Hollywood Story" Joel W. FINLER, Editions OCTOPUS Books, Londres, Grande-Bretagne (1988) pp. 44-47 ; 67 et suivantes. 21 - Voir Robert BRASILLACH, op. cit. p. 118. De surcroît, après le HAY's Office, l'industrie du 7ème Art, est touchée de plein fouet par les attaques du politicien Martin DIES, accusant Hollywood de communisme généralisé et de pousser les Etats-Unis à entrer en guerre. De ce fait, la radio devient rapidement le prisme de toute Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 58 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ information. Si l'auditeur ne peut en raison du medium lui-même, voir le visage du speaker, certaines voix, certains shows sont tellement identifiables et appréciés du public, que ce dernier se trouve rapidement de nouvelles idoles y compris parmi certaines stars du cinéma, reconverties à ce "vieux" medium. Et la publicité ne perd pas un instant pour s'arroger une fois encore ces talents en herbe ou confirmés, en associant leur personnalité à ses chers annonceurs. C'est aux Etats-Unis la grande époque des "sponsorisations" radiophoniques qui seront immédiatement déclinées en télévision quelques années plus tard. On constate d'ailleurs un revirement total du comportement des Studios, par rapport à la décennie précédente. Ces derniers, percevant dès lors la radio comme un trop sérieux rival, interdirent à leurs grandes vedettes de participer plus longtemps à des programmes radiophoniques. C'est ainsi par exemple que Tyrone POWER, dont les émissions radiodiffusées connaissaient un large succès, dut arrêter sur injonction personnelle de Darryl F. ZANUCK, fondateur de la 20th CENTURY qui venait de fusionner avec la FOX, en 1935. Dès le lendemain de la guerre, le cinéma est redevenu assez puissant pour ne plus craindre une éventuelle concurrence de la part de la radio et les acteurs sont à nouveau nombreux sur les ondes. Si en France, les stars disparaissent presque totalement de la communication publicitaire, la guerre n'influence aucunement l'activité commerciale des stars, outreAtlantique. Ainsi Frank SINATRA, Edgar BERGEN, Groucho MARX, Maria MONTEZ, Loretta YOUNG, Perry COMO, Jeannette Mac DONALD, Judy GARLAND Betty HUTTON, Carmen MIRANDA, Bing Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 59 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ CROSBY et même Mickey MOUSE apparaissent sur des publicités pour le géant GENERAL ELECTRIC. Fred ALLEN devient le porte-parole numéro un des carburants TEXACO. L'argenterie ROGERS Bros. séduit Paulette GODDARD, Kay FRANCIS, Ginger ROGERS, Carole LOMBARD, Ellen DREW, Laraine DAY, Loretta YOUNG, Linda DARNELL, Mirna LOY et bien d'autres. Basil RATHBONE, Eddie BRACKEN, Dorothy LAMOUR, Edward G. ROBINSON, Jimmy DURANTE, Claude RAINS et Adolphe MENJOU ne signent leurs autographes qu'avec un stylo STRAFORD. Esther WILLIAMS, qui raffole des céréales KELLOGG'S, présente la collection de maillots de bain COLE et Humphrey BOGART de ne porte plus que des chapeaux RESISTOL. gouvernementale, dans le cadre de campagnes pour l'achat de bons du Trésor américain. Fin des années 40, la seconde guerre mondiale est terminée, la reconstruction et avec elle la croissance et la consommation, s'installent. Tous les produits se cherchent alors leur porte-parole d'une campagne, ou exclusif, alors qu'un nouveau vecteur de communication s'affirme : la télévision22. De surcroît, ce nouveau medium se destine, comme la radio, à un très vaste public. Or, la star comporte par définition, l'avantage de pouvoir s'adresser à l'ensemble de cette __________________ 22 - Voir "Television in America" de Thomas G. Sans oublier la participation symbolique de la quasi totalité des stars en faveur de la communication AYLESWORTH, Editions EXETER BOOKS, New York, Etats-Unis (1986) p. 103 et s. ; "The Golden age of television" Rick MARSCHALL, Editions EXETER BOOKS, New York, Etats-Unis (1987). A propos des débuts de TELE-PARIS en France, voir notamment "L'aventure de la télévision, des pionniers à aujourd'hui" Jacques MOUSSEAU et Christian BROCHAND, Editions NATHAN IMAGE, Paris (1987). Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 60 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ audience23. Quel que soit son "domaine" de célébrité, la chasse est ouverte. La guerre publicitaire des stars est déclarée, et principalement aux EtatsUnis. Attention, tous les coups sont permis, tous les produits sont à vendre, et très rares sont les stars que l'on ne parvient pas à séduire. Car souhaiter engager une star pour vendre son produit ou son annonceur, est une chose ; la convaincre comme nous l'analyserons ci-après, en est une autre. Or, la publicité gère elle-même le nerf contractuel de la guerre commerciale : l'argent. Pour un travail ordinairement peu astreignant, d'une durée généralement courte, la publicité offre à ses porte-parole, de satisfaisants subsides, propres à convaincre les plus puritains. Les Américains ont été les premiers à comprendre les avantages de cette opportunité et à en exploiter tous les aspects. DOUGLAS, alors que son partenaire de nombreux films, Bing CROSBY, présente aux consommateurs, avec Nancy OLSON, les multiples utilisations possibles des rubans adhésifs SCOTCH. La naïade Esther WILLIAMS loue HERTZ, mâche du chewing-gum WARRENS, et se maquille avec LUSTRE-CREME. Une marque pour laquelle opte également Marilyn MONROE qui vante par ailleurs aux hommes, les chaussures CITY-CLUB de PETERS. Aux côtés de Charles BOYER, Charles LAUGHTON et Agnès MOOREHEAD, LE cow-boy américain, "the Duke" John WAYNE, vante les mérites d'une pause café en savourant des chocolats WHITMAN'S avec Douglas FAIRBANKS Jr, Elizabeth TAYLOR, Van JOHNSON, Esther WILLIAMS, James STEWART, Dorothy LAMOUR, Burt LANCASTER, Alan LADD,... C'est alors la plus faste période d'association entre les stars et la publicité, qu'ait connue la publicité, notamment aux Etats-Unis. PARKER lance une splendide campagne avec Doris DAY, Charles COBURN, William HOLDEN et Bob HOPE, qui par ailleurs affirme ne voler que sur DC-6 __________________ 23 - "Les nouveaux supports, radio ou télévision, qui relèvent de la «constellation Marconi» s'adressent dans le même moment à une vaste audience, et posent aux publicitaires un problème synchronique : les millions de téléspectateurs qui voient simultanément la même annonce la perçoivent-ils tous de la même manière ? C'est ce qu'affirme implicitement la théorie de la communication de masse ; parler de «mass media» suppose un public massifié, c'est à dire amorphe." Gérard LAGNEAU "Sociologie de la Publicité" 3ème édition Collection Que Sais-Je ?, Editions P.U.F., Paris (19771988) p. 25. Groucho MARX préfère les céréales KELLOGG'S pour son petit Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 61 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ déjeuner, et n'utilise que des batteries AUTO-LITE pour sa voiture. Exemple suivi par Gene TIERNEY, Virginia MAYO, Gary COOPER, Tyrone POWER, Betty GRABBLE, Gene AUTRY, Alan LADD, Fred Mac MURRAY, Maureen O'HARA, Loretta YOUNG et Jeanne CRAIN notamment. Richard WIDMARK, à l'instar de Ronald REAGAN, José FERRER, Charlton HESTON, William HOLDEN, Richard CARLSON, Danny KAYE, Jeff CHANDLER, Anthony QUINN, Ray MILLAND, Steve COCHRAN, Peter LORRE, Jerry LEWIS, Tony CURTIS ou Alan LADD ne choisit ses chemises que chez VAN HEUSEN. Suivant les conseils de Paulette GODDARD, Ann BLYTH et Jane RUSSELL recommandent les produits SYLVANIA tout en se meublant chez LANE CEDAR CHESTS. Linda DARNELL, Carole LANDIS, Teresa WRIGHT, Barbara STANWYCK, Gary COOPER et Ginger ROGERS ne boivent plus que du thé LIPTON, lorsque ce n'est pas du cola ROYAL CROWN, qui de son côté lance lui aussi une grande campagne Célébrités, sur laquelle nous reviendrons. En France, dans les années 1950, les stars qui se montrent en publicité sont encore peu nombreuses. On trouve néanmoins quelques exceptions comme Gilbert BECAUD qui roule déjà en scooter VESPA, Georges BRASSENS et SHEILA pour les téléviseurs PHILIPS, Jean MARAIS pour le magazine LECTURE D'AUJOURD'HUI et l'apéritif CINZANO avec Martine CAROL, Luis MARIANO, Micheline PRESLE et Raymond ROULEAU. PSCHITT également, qui réussit déjà à séduire diverses vedettes telles Dany ROBIN, Jeanne MOREAU, Geneviève PAGE et Danièle DELORME pour une mini-saga publicitaire en faveur de sa boisson gazeuse. Sans oublier bien sûr LUX qui exploite en France l'image de Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 62 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ stars américaines telles que Judy GARLAND ou Susan HAYWARD mais qui commence également à utiliser de plus en plus de stars françaises comme Simone SIGNORET, Jeanne MOREAU, Brigitte BARDOT, Line RENAUD, Renée SAINT-CYR, Martine CAROL, Nicole COURCELLE ou Françoise ARNOULT qui avec Annie CORDIE et Annie GIRARDOT utilisent MAKEUR pour leur maquillage. Le début de la décennie suivante confirme le développement de cette association stars / publicité et notamment en France. Gilbert BECAUD, Michel PAJE et Lucky BLONDO écrivent leurs textes avec un stylo WATERMAN alors que REYNOLDS engagent les FRERES JACQUES, également sollicités par les parapluies SAUVAGNAT. Louison BOBET, de même que Gil DELAMARE, ne sort jamais sans sa médaille RHESOR. Le célèbre duo Georges De CAUNES et Roger COURDERC commente les avantages de la lotion capillaire ISOPAN-H. France GALL utilise la teinture POLYCOLOR. MOUSTACHE qui préfère la bière SLAVIA, sait aussi déguster le punch DUQUESNE. Pierre DORIS ne mange que des pâtes LUSTUCRU et persuade les Français des avantages de la méthode ASSIMIL d'apprentissage des langues étrangères. Sophie DESMARET, Colette RENARD et Sacha DISTEL vantent les avantages des rideaux PLEIN JOUR. Jean MARAIS atteste la qualité textile du PLI PERMANENT et Claude FRANCOIS présente lui-même sa ligne vestimentaire PODIUM. Quant à LUX, il poursuit sa moisson de stars avec Mireille MATHIEU, Milène DEMONGEOT, Catherine DENEUVE, Jane FONDA, Marie-José NAT, Ursula ANDRESS et Michèle MORGAN entre autres. Mais témoin de l'évolution des Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 63 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ caractéristiques des stars, de leur relative démythification, certaines campagnes poursuivent même les stars dans leur vie quotidienne. ordinaire C'est par exemple le cas des conserves WILLIAM SAURIN. Ainsi en 1967, le comédien Daniel GELIN et toute sa famille, se prêtent à un publi-reportage de trois pages, réalisé en collaboration avec le magazine PARIS-MATCH, sur les qualités des produits WILLIAM SAURIN. Dans cette optique, trois pages consécutives de publicité peuvent avoir un énorme impact. Or, avec un rédactionnel aussi conséquent, le risque d'évaporation naturelle des lecteurs est très important D'où l'idée d'intégrer un fil conducteur qui accroche ce lecteur dès la première page et ne le libère qu'à la fin de "l'article publicitaire". Daniel GELIN jouait parfaitement le rôle de ce fil conducteur, aidé il est vrai par la caractéristique essentielle du publireportage : une rédaction et une mise en page similaires à celles des autres articles du support. Aux États-unis, si Frank SINATRA fait la promotion des hôtels SANDS en écoutant ses enregistrements sur magnétophones GARRARD, si Stephanie POWERS et Rhonda FLEMING se protègent des ultraviolets avec la lotion COPPERTONE et si Jerry LEWIS saute de joie en enfilant des chaussettes INTERWOVEN, les stars américaines sont relativement moins nombreuses que les années précédentes, à apparaître en publicité. En effet, après l'idéalisme de la société de consommation empreinté aux années 30, l'Amérique se réveille brutalement, plus réaliste, pour découvrir la guerre du Viêt-nam. Aucune tendance n'est éternelle et de la seconde moitié des années 60 jusqu'aux premières années de la décennie 70, les stars sont moins sollicitées. Les moeurs évoluent et les stars qui se sont peut-être trop humanisées au contact de leurs semblables, ont à jamais perdu une grande partie de leur pouvoir mystique. Le cinéma qui jusqu'à présent avait véhiculé l'histoire de héros invincibles, se tourne lui-même peu à peu vers d'autres personnages. Plus ordinaires, plus humains, parfois sordides, les antihéros qui sont nés dans les dernières années de la décennie 60, s'affichent désormais au grand jour, et en tête d'affiche de surcroît. Corollaire immédiat, la publicité se détache quelque peu de ses célébrités, sans pour autant toutefois renoncer à leur utilisation. On notera que ce recul quantitatif relatif coïncide avec la période phare des sciences du marketing. Le comportement du consommateur apparaît comme un élément de plus en plus discernable, maîtrisable, exploitable. Si en France, WOOLITE entame en 1973 sa propre saga "hollywoodienne", non pour laver plus blanc, mais "sans feutrer ni rétrécir" au contact des stars, les autres exemples caractéristiques demeurent moins nombreux. Aux Etats-Unis, la publicité précise parallèlement peu à peu son intention de tourner son regard vers d'autres stars, moins sollicitées jusqu'à lors. ROLEX par exemple, entame une grande campagne avec des sportifs, des chanteurs d'opéra, des metteurs en scène, des musiciens, des explorateurs et des scientifiques dont les prestations Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 64 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ publicitaires étaient jusqu'à lors quasi inexistantes pour la plupart. Quant aux stars de la carte AMERICAN EXPRESS24, qui elle aussi lance une nouvelle grande campagne, si l'on connaît leur nom, étrangement mais à propos, leur visage ne nous est pas familier. Que sont donc devenues les stars mythiques de Hollywood ? Ce retrait des stars ne dure pas et 1972-74 voit une nouvelle inversion de tendance plus puissante que la précédente. Aux Etats-Unis principalement, le cinéma renoue avec les grandes aventures. Ainsi, les héros, différents et plus nombreux, sont de retour parmi nous, et avec eux une part de ce mythe auquel bien que ni croyant plus tout à fait, on aime rêver25. C'est un phénomène intéressant que l'on avait déjà rencontré dès les années 20 et 30 avec The LONE RANGER, Charlie CHAN, Nick l'INTROUVABLE, Dick TRACY et autres Mr MOTO. A nouveau, plusieurs stars américaines doivent désormais partager de plus en plus leur notoriété et leur image avec leurs personnages26. __________________ 24 - Voir également en annexes, l'analyse des cas ROLEX (page 645) et AMERICAN EXPRESS (page 656). 25 - "Sorte de sauvage noble qui en a eu assez du système qui réduit les hommes à des numéros et qui pris les armes contre lui avec adresse, astuces et talent. [...] Aimez-le ou détestez-le, avec ses deux séries de films à succès, Sylvester STALLONE à réinstallé le héros au fronton de la mythologie américaine" in "Rocky and Rambo" Peter GOLDMAN, Peter McALEVEY, Shawn DOHERTY, John McCORMICK et Frank MAIER, NEWSWEEK du 23 Décembre 1985. Voir également "Bang ! Pow ! Zap ! Heroes are back" Gordon M. HENRY, Eborah FORBIS et Walter GALLING, TIME du 6 Octobre 1986. 26 - Ce phénomène est d'autant plus intéressant ici, que Sean CONNERY est James BOND, Sylvester STALLONE est ROCKY ou RAMBO, Christopher REEVE est Superman, Roy THINNES est David R.S.C.G. Paris repense la communication des caméscopes de son client HITACHI en Mai 1991, elle ne recourt pas à l'acteur Roy THINNES, mais à son interprétation du célèbre personnage de David VINCENT, le héros de la série culte de Larry COHEN, The Invaders (exploitée en France sous le titre Les envahisseurs) lancée en 1967. L'agence utilisera la même musique, la même voix de doublage, le même code visuel de la célèbre image déchirée et bien entendu le même petit doigt rigide et levé, pour un décodage sans hésitation de la part du téléspectateur. Voir "Hitachi débusque David VINCENT" Isabelle TERRAY, COMMUNICATION CB NEWS N°212 du 20 Mai 1991. Très exactement un an plus tard, forte du succès de sa précédente campagne, R.S.C.G. récidivera avec, non pas l'utilisation de Peter GRAVES, mais de son interprétation de Jim PHELPS, tiré de la série de Bruce GELLER lancée en 1966 : Mission Impossible. Une fois encore fois, le code visuel de la série sera respecté avec notamment la musique de Lalo Schiffrin, l'allumette mettant le feu à une mèche parcourant l'écran et une cassette partant en fumée à la fin du message. Voir notamment : "Mission HITACHI pour Peter Graves" Marie-Guy BARON, LE FIGARO du 10 Mai 1992. HITACHI : "Mission pas impossible" Monique RICHEBOIS, STRATEGIES N°788 du 11 Mai 1992. "HITACHI fait de l'audience avec des séries américaines" Philippe LATIL, COMMUNICATION CB NEWS N°256 du 11 Mai 1992. En Octobre 1992, l'agence conçut une annonce pour le mini caméscope VMH 37 avec le détournement d'une photographie de l'acteur Patrick McNEE, dans son rôle de John STEED, l'agent secret de la série télévisée The Avengers (exploitée en France sous le titre Chapeau melon et bottes de cuir). Et les cas d'utilisation publicitaires sont nombreux. Les bougies automobiles AC n'utilisérent pas Guy Williams, mais Don Diego de la Vega alias Zorro ; le café STENTOR et les Chapeaux STETSON n'utilisèrent pas Harrison FORD, mais Indiana JONES ; les PTT américains n'utilisèrent pas William SHATNER et Leonard NIMOY pour leur campagne de sensibilisation à l'utilisation du code postal, mais le capitaine James T. KIRK et son lieutenant Mr. SPOCK ; les stations services AMOCCO n'utilisèrent pas Clayton MOORE, mais The Lone Ranger ; BINACA n'utilisa pas Bela LUGOSI et Boris KARLOFF, mais le Comte DRACULA et la créature du Docteur FRANKENSTEIN,... Nous reviendrons sur ce point page 409, dans le cadre du paragraphe définissant le rôle publicitaire de la célébrité en tant qu'expert. la publicité suivit le mouvement. Lorsque l'agence Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 65 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ VINCENT, Clint EASTWOOD est l'inspecteur Harry CALLAHAN, Peter SELLERS est l'inspecteur CLOUZEAU de la Sûreté, tiré de la série des films de la Panthère Rose, Leonard NIMOY est Mr. SPOCK, Harrison FORD est Indiana JONES, Peter GRAVES est Jim PHELPS, Peter FALK est le lieutenant de police COLOMBO27... et nombreux sont les consommateurs qui suivent encore leurs aventures avec la plus grande attention. Pour exprimer la pérennité de ce phénomène, Tom WOLF dit un jour que "la seule différence entre JAMES BOND et The LONE RANGER, c'est qu'il ne tire pas une balle d'argent à la fin de l'épisode, mais qu'il remplit un rapport en trois exemplaires"28. __________________ 27 - Lorsque le papier toilette américain SCOTT sollicita le concours de l'acteur Peter FALK en 1978, c'est le lieutenant COLOMBO qu'il recherchait "parce qu'il est connu de millions de personnes comme étant quelqu'un qui écoute avec attention l'histoire de l'autre, dit que ça semble parfait, puis s'attache à démolir l'histoire en s'attaquant à un petit détail" expliqua Al SCHAEFER, Président de l'agence SCHAEFFER qui conçut la campagne. SCOTT ne voulait pas entamer une guerre des prix lancée par son concurrent FORT HOWARD PAPER, et souhaitait ainsi "faire la preuve" de sa qualité. Voir "SCOTT hires COLUMBO for pricing case" Anonyme, ADVERTISING AGE du 21 Août 1978. Lorsque l'année suivante, la collective de la presse écrite fit appel à l'acteur Edward ASNER, elle recherchait essentiellement en lui le personnage de Lou GRANT, connu du public comme étant depuis 2 ans déjà, le rédacteur en chef du journal de la série télévisée de CBS, Lou GRANT. Voir : "NEWSPAPER Readership Council" Anonyme, ADVERTISING AGE du 25 Juin 1979. 28 - Sur la "métamorphose" de ces héros au fil des ans, voir notamment : "The licensed Characters : today's hot salesmen" Cy SCHNEIDER, ADVERTISING AGE du 30 Avril 1979 et "The descent of Muscleman" Lawrence MONDI, TIME du 19 Août 1991. Ces personnages, même simplement interprétés l'espace de quelques films ou de quelques épisodes de séries, finiront par avoir la même notoriété - voire une notoriété supérieure - et donc, le même potentiel publicitaire comme nous le constaterons. Or, on peut sur ce point remarquer l'absence de noms français. Non que le personnage d'Arsène LUPIN ne se substitue pas parfois à l'acteur Georges DESCRIERES, celui de MAIGRET à Jean RICHARD ou celui de Lemmy CAUTION à Eddie CONSTANTINE,... Mais l'identification de l'un à l'autre, et inversement, n'a rien de comparable avec les cas américains énoncés auparavant. Le cinéma américain serait-il alors seul détenteur des clés de la magie que l'on attribue au 7ème Art ? Probablement pas, mais la puissance de l'industrie cinématographique américaine, complétée - concurrencée ? - par la télévision a permis une médiatisation plus puissante de ces personnages, les élevant directement au rang de star, sans toujours de préoccuper de l'interprète. La publicité suit bien entendu avec intérêt ce retour des stars29. Mais n'est-ce pas quelque part le propre de la publicité, que de sans cesse rompre __________________ 29 - En 1975 aux Etats-Unis, 15% de la publicité diffusée en prime time était occupée par des cas d'utilisation de célébrités. "Commercial actors squeezed by stars - Real People", James FORKAN, ADVERTISING AGE du 17 Novembre 1975. Ce pourcentage atteignait 20 % en 1978 "Celebrities in TV ads spotlighted as key trend" Harry Wayne McMAHAN, ADVERTISING AGE du 27 Février 1978. Nombreux sont les professionnels qui estiment qu'aujourd'hui, ce pourcentage oscille encore entre 10 et 20 % suivant les secteurs et les produits considérés. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 66 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ avec l'habituel pour mieux surprendre le consommateur, de manière à attirer son attention, en s'inspirant des tendances ? Toujours est-il que les stars, essentiellement grâce à la télévision, deviennent à nouveau des vecteurs de communication très intéressants. Certes, les modalités d'utilisation diffèrent, elles sont mieux maîtrisées. Le développement de la télévision commerciale a beaucoup contribué à ce développement de l'utilisation des célébrités en 30 publicité , notamment en tant que "facteur anti-zapping" comme nous l'étudierons. On notera d'ailleurs que ce retour sera si rapide et si volumineux aux États-unis, que les professionnels nommeront dès 1976 "un présentateur star de l'année"31. Cette participation massive des stars à la publicité peut également trouver une partie de son explication dans leur nombre. Comme nous l'avons vu plus haut, les stars du cinéma - ou plus exactement, les postulants au statut de star - sont de plus en plus nombreuses et la production cinématographique est elle, déjà en déclin à cette époque. Les places au soleil sont donc très chères. Or, la publicité constitue non seulement un moyen idéal de compléter ses revenus, mais surtout, compte tenu du mode de diffusion de masse, elle permet à la célébrité de rester dans l'esprit de millions de consommateurs, et qui sait d'être peut-être aperçue et remarquée par un producteur... __________________ 30 - "Quel que soit le prix, l'utilisation des acteurs de télévision dans la publicité est en augmentation" in "TV regulars strike gold in adland" James P. FORKAN, ADVERTISING AGE du 24 Juin 1977. "En France, la propension de la technique à se développer dépendra principalement de la multiplication des chaînes privées et des programmes publicitaires" Sylvère PIQUET op. cit. p. 75. 31 - Pour sa participation à la communication AMERICAN EXPRESS, l'acteur Karl MALDEN sera le premier à recevoir la nommination. Il sera suivi par O.J. SIMPSON en 1976, Bill COSBY en 1977, Mariette HARTLEY et James GARNER en 1978, Brooke SHIELDS en 1980, Robert MORLEY en 1981, John HOUSEMAN en 1982, Rodney DANGERFIELD en 1983, John CLEESE en 1983, Cliff ROBERTSON en 1984, William PERRY en 1985, Paul HOGAN en 1986, Michael J. FOX en 1987,... "AD AGE Star presenter for 1980 : MORLEY's airline image : it's basically who I am" Josh LEVINE, ADVERTISING AGE du 2 Juin 1980. Voir également à propos de Karl MALDEN : "Karl MALDEN for AMERICAN EXPRESS wins AA's "Star presenter" award", ADVERTISING AGE, collectif, du 31 Mai 1976. On notera également qu'il est l'illustration par l'exemple de la montée en puissance des personnages interprétés par ces stars, car s'il fut engagé par l'agence OGILVY & MATHER, c'est essentiellement en raison de son interprétation du lieutenant de police Mike STONE, dans la série Streets of San Francisco (exploitée en France sous le titre Les rues de San Francisco) qui remportait un énorme succès à l'époque. Voir pour plus de détails sur ce point le développement en annexes, page 656, du cas AMERICAN EXPRESS. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 67 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Parallèlement, témoin de ce souhait de raviver la star d'origine, comme pour s'approprier une part de son aura magique, la publicité va également de plus en plus souvent flirter avec la psychagogie, et faire appel à l'immortelle image qu'ont su créer certaines d'entre elles. Bien qu'humainement disparues, les stars, les vraies, celles des origines, conservent magie, puissance et sympathie auprès d'un large public, renouvelé de génération en génération à l'aide notamment des rediffusions télévisées de leurs films. C'est ainsi que l'image des grands mythes de l'histoire du cinéma américain tels Gary COOPER, Charlie CHAPLIN, Clark GABLE, James DEAN, John WAYNE, Jean HARLOW, Joan CRAWFORD, Marilyn MONROE et bien d'autres, deviennent les porte- parole de nombreux produits et de nombreuses sociétés qu'ils n'auront jamais connus32 ! C'est là, la dernière grande qualité de la star des origines. Une caractéristique que même ses créateurs n'avaient envisagée, imaginée ou même espérée. La star, par le mythe, le rêve et les espérances qu'elle engendre ne peut se satisfaire de l'existence matériellement exiguë, qui lui est accordée par une humaine vie terrestre33. Telles les étoiles inaccessibles à la main de l'homme, elle continue de briller longtemps après sa mort ; leur éternel éclat scintillant à jamais dans l'oeil des générations de mortels qui lui succèdent. Elles deviennent alors paradoxalement, des objets de publicité beaucoup plus maîtrisables... __________________ 32 - Voir à ce sujet : "Greatful dead : salaries from beyond the grave" Don LIPPER, PREMIERE MAGAZINE, Des Moines, Etats-Unis d'Amérique, mensuel, Octobre 1988. "Marilyn's symbol sells to millions with millions" Anonyme, SAN FRANCISO EXAMINER, Etats-Unis d'Amérique, quotidien, le 20 Octobre 1988. "Deceased celebrities : Kept in limelight by Hollywood agent" John R. EMSHWILLER, THE WALL STREET JOURNAL, Etats-Unis, le 8 Novembre 1988. Voir également "l'élaboration du contrat" page 485. 33 - Si en 1988, la bière - la boisson alcoolisée ! - Adolphe COORS utilisa les chansons du chanteur décédé Ritchie VALENS dans ses publicités à l'attention des consommateurs américains hispaniques, c'est parce qu'il avait conservé une "grande popularité posthume" même, si des événements conjoncturels, comme le film de Luis VALDEZ La Bamba qui retraçait la vie du chanteur, n'étaient pas étrangers au fort regain d'intérêt pour la star. Chaque année aux Etats-Unis, d'autres légendes, comme le grand joueur de base-ball, Babe RUTH, font l'objet plusieurs années après leur mort de dizaines de contrats publicitaires. Voir "Celebrity licensing gets tougher" Gary LEVIN, ADVERTISING AGE du 1er Février 1988. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 68 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Si les années 80 et 90 confirment ce relatif regain d'intérêt pour les célébrités, le recours à leurs services diffère. Elles sont de moins en moins plaquées artificiellement à la communication d'un produit. Et il n'y a plus de surcroît de cycle utilisation / non-utilisation comme auparavant. La communication publicitaire évolue désormais beaucoup plus rapidement. Par ailleurs, en raison notamment de la vulgarisation de l'appellation et donc de la variété sans cesse croissante de célébrités à leur disposition, les publicitaires prennent de plus en plus conscience qu'il existe plusieurs modalités d'utilisation, et que seul un choix méticuleux pour une utilisation adéquate, peut permettre de tirer profit de l'une ou de plusieurs de ces célébrités. choix de leurs prestations publicitaires. Conscientes que leur image est liée à celle du produit, elles se rendent compte des avantages mais aussi des inconvénients d'un tel mariage, et ne sont donc plus aussi faciles à séduire. Enfin, le public plus mûr et surtout plus et mieux informé est lui aussi devenu plus exigeant, plus critique à l'égard de ces associations commerciales. 3 - Les stars nées de la publicité "Durant le tournage du film, j'ai découvert qu'il était aussi un acteur. C'est en fait le comédien qui, chez lui, crée la star" écrit Otto PREMINGER à propos de Gary COOPER, dans son autobiographie34. La publicité révèle, lorsqu'elle utilise des porte-parole qui par leurs caractéristiques - essentiellement physiques - sont par la suite, fréquemment choisis pour différents produits. Qui connaissait Paulina PORIZKOVA en 1984, alors que la future actrice / top-model déambulait devant la camera de Neil KRAFT pour la chaîne de magasins THE 35 PRESSMAN Brothers . Véritable __________________ 34 - "Autobiographie" Otto PREMINGER, Editions Jean- Claude LATTES (1981), RAMSAY, Paris N°58 (1988) p. 159. 35 - Quelques années plus tard elle sera star de cinéma et D'autre part, les célébrités ellesmêmes sont plus prudentes quant au Chapitre I : Origines de la star deviendra le top-model vedette des cosmétiques ESTEE LAUDER. "Advertising, principles and practice" William WELLS, John BURNETT et Sandra MORIARTY, Editions PRENTICE HALL, seconde édition, Englewood Cliffs, Etats-Unis, 1989-1992, p. 631. Voir également l'évolution des modalités de son utilisation par ESTEE 69 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ talent-scout36 des temps modernes, la publicité peut parfois même dans ces conditions, servir ensuite de véritable tremplin vers une carrière cinématographique à ces mannequins publicitaires. Pour leur physique37, leur capital de sympathie, de représentativité, et de reconnaissance, mais aussi par leur talent de comédien, ces personnages sont rapidement très souvent sollicités. Comme la star de cinéma, ils bénéficient progressivement de ce capital de reconnaissance, que l'on peut parfois rencontrer chez leurs homonymes du cinéma, mais sans ses excès, tout au moins au départ. Ils sont reconnus le temps d'une prestation publicitaire, mais sans plus. Le grand public connaît d'ailleurs rarement leur nom. LAUDER : "Face value" Linda WELLS, NEW YORK TIMES MAGAZINE, Part 2, du 26 Février 1989. 36 - De l'anglais talent, talent, don artistique, et scout, éclaireur. Par extension : dénicheur de vedettes. Pur produit hollywoodien, le talent-scout parcourt les EtatsUnis, voire le monde pour les plus grandes compagnies, à la recherche de la future star qui s'ignore encore. "Les états-majors d'Hollywood ne mésestimaient pas cette évidence. Leur premier souci était la chasse au physique. Sans cette raison nécessaire, à défaut d'être suffisante, point de star possible. Les studios inventèrent les talent scouts. Leur métier : sillonner le monde à la recherche de l'exception. Des chasseurs de corps, constamment sur la piste des étoiles. De Lana Turner, découverte sirotant un soda chez Schwab's, le drugstore-vitrine de Beverly Hills, à Ursula Andress, dépistée à Paris par les Joss Randall de la Paramount..." Jacques SEGUELA "Hollywood lave plus blanc" Chapitre II - Le physique de la star, Editions FLAMMARION, Paris (1982) p. 105. 37 - Dans "Advertising in America - the first 200 years" op. cit., Charles GOODRUM et Helen DALRYMPLE exposent le cas des Breck Girls (p. 41). Plus de deux cents jeunes adolescentes modèles, venant des quatre coins des Etats-unis, furent utilisées pour des portraits dont on doit le célèbre concept pastel à Charles SHELDON. Or, lorsque l'on observe le nom de ces jeunes étudiantes d'alors, on y retrouve celui de stars du petit et/ou du grand écran d'aujourd'hui, comme Cybill SHEPHERD, Kim BASSINGER, Cheryl TIEGS, Brooks SHIELDS, Jaclyn SMITH,... Voir également le cas des soins capillaires WELLA avec Farrah FAWCETT, Jaclyn SMITH (à nouveau) et Kate JACKSON in "Three 'angels sell hair care for WELLA" Anonyme, ADVERTISING AGE du 2O Septembre 1976. Le principal avantage de cette célébrité est que le risque qu'ils volent la vedette au produit est moindre. Plus que la renommée, essentiellement recherchée chez les stars du cinéma, ces personnages sont en général et avant tout très charismatiques, répondant physiquement très précisément aux exigences de la stratégie publicitaire38. __________________ 38 - N'agissant que pour la marque ou le produit pour lequel, elle a été créée, elle est généralement plus efficace si il y a pérennité de la stratégie publicitaire l'utilisant. Une étude réalisée en 1992 aux Etats-Unis confirme qu'elles sont souvent plus correctement associées avec le produit dont elles ont la charge. Gail TOM, Rebecca CLARK, Laura ELMER, Adeward GRECH, Joseph MASETTI Jr. et Harmona SANDHAR "The use of created versus celebrity spokespersons in advertisements" JOURNAL OF CONSUMER MARKETING Volume 9, n°4, Automne 1992, page 48. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 70 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ En France, Christophe SALLENGRO, est à ce sujet, un exemple type de la star révélée. La publicité et notamment les spots pour les restaurants FREETIME, les revêtements de sol GERFLOR et le jeu PICTIONNARY, ont fait de lui une véritable star de pub, qui avait su découvrir chez lui les qualités d'un bon comédien et un système auditif particulièrement capteur d'attention. "C'était tellement étrange que les téléspectateurs regardaient" précise Jacques HENOCH39 qui fut Directeur de création chez T.B.W.A. pour la campagne GERFLOR. D'où les scores40 IPSOS suivants : __________________ 39 - Jacques Hénoch : Vice-Président de l'agence BELIER Conseil, Paris. Entretien privé accordé le 17 Avril 1988. 40 - score d'agrément : Pourcentage de personnes qui, lors d'un test de mémorisation d'un message publicitaire, expriment positivement leur satisfaction à l'égard du message dont elles ont le souvenir. score d'impact : Pourcentage de lecteurs (ou auditeurs ou téléspectateurs) qui se souviennent d'avoir remarqué la parution d'une publicité donnée (annonce, film, communiqué) dans un support publicitaire précis. score de reconnaissance : Pourcentage de personnes appartenant à l'audience d'un support auxquelles on montre une publicité parue dans ce support et qui déclarent l'avoir déjà vue. Score prouvé (GALLUP et ROBINSON) : Proportion de l'audience déclarée message publicitaire capable de restituer spontanément au moins un élément spécifique de ce message. score spécifique (forme précise du score prouvé) : Pourcentage de personnes qui, faisant partie de l'audience d'un support, sont capables de citer de mémoire des éléments d'un message qui vient d'être diffusé pour la première fois. D'après le "Dictionnaire commerciale" de l'Académie des Sciences Commerciales, Conseil de la Langue Française, Editions : Entreprise Moderne d'Edition, Paris, 1987. Voir également "The dictionary of advertising" Laurence URDANG, Editions NTC BUSINESS BOOKS, Lincolnwood, Ill, Etats-Unis, 1988. Scores IPSOS Oct. 1986 (Christophe SALENGRO / GERFLOR) Impact . Score brut 55 . Score spécifique 44 . Score prouvé 44 . Score de reconnaissance Agrément 75 . Positif 77 . Négatif 20 . Indifférent 3 "Film de Pub" Philippe BENOIT, Patrick LE BRIGAN, Didier TRUCHO T Editions GALLIMARD, Paris (1988) p. 134 Comme on peut le constater dans le tableau qui précède, le film obtint de très bons résultats IPSOS. "Nous cherchions quelqu'un qui avait une certaine personnalité physique. Les éléments essentiels restent la simplicité de la démonstration et le fait que tout est centré sur le produit, si j'ose dire". "Christophe SALLENGRO était quelqu'un qui n'était pas standard, qui avait un certain physique" ajoute JeanFrançois MINNE41. Cet impact, obtenu à travers diverses campagnes, lui permit même de faire ses premiers pas dans quelques longs métrages. En France simplement, on pourrait encore citer les cas caractéristiques de JeanClaude DREYFFUS (qui fut l'extraordinaire M. MARIE) ou encore Marc De JONGE (le dégustateur imperturbable de BOURSIN), sans oublier bien sûr qu'encore inconnus, COLUCHE, Gérard JUGNOT, Christian CLAVIER, Thierry __________________ 41 - Jean-François MINNE, P.D.G. de l'agence T.B.W.A. Paris. Entretien privé accordé le 20 Avril 1988. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 71 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ LHERMITTE, Michel BLANC,... passèrent eux aussi sur le petit écran lors d'une page de publicité, avant d'exercer leurs talents au cinéma. La principale raison que l'on peut apporter à cette fonction de découvreur de stars et même de talents, de la publicité, réside en grande partie dans les castings. De même que pour un long métrage, les porte-parole d'un produit, d'un service ou d'un annonceur, ne sont en général pas choisis au hasard. La stratégie de communication adoptée spécifie avec précision les différents critères à respecter lors la sélection du type de protagoniste(s) pressenti(s). Critères physiques, vocaux, d'élocution, de maintien,... seront autant d'impératifs à respecter par l'acheteuse d'art, de manière à ce que la ou les personne(s) finalement choisie(s), serve(nt) au mieux le concept défini. Or, le nombre des longs métrages cinématographiques n'a rien de comparable avec la foultitude de films réalisés pour les besoins de la publicité. Ainsi, voyant défiler sous ses yeux, un nombre incalculable de postulants, il est facile à cette dernière d'extraire de ce fantastique vivier, quelques spécimen pour les qualités relatives et parfois absolues qu'ils présentent. C'est ainsi que Marie-Pierre CASEY, comédienne avant d'entrer en publicité, trouva dans le rôle de Madame Chiffon pour PLIZ42, une extraordinaire occasion de s'attribuer la célébrité __________________ 42 - "La preuve que Marie-Pierre CASEY pouvait le refaire" C.F., FRANCE-SOIR MAGAZINE du 10 Janvier 1987. recherchée, du jour au lendemain. "Elle était totalement inconnue au moment où on l'a fait, nous expliqua Pierre De PLAS43. C'est très simple. On avait besoin - c'est très méchant - d'une femme de ménage. Si vous demandez à votre propre femme de ménage, ce n'est pas sûr qu'elle sache jouer la comédie, à mon avis si, quand je vois la mienne avec ce que je lui donne comme argent, à mon avis, elle la joue très bien... Mais normalement elles ne sont pas capables de jouer la comédie. Donc lorsque l'on a demandé à des agents d'acteurs, on nous a dit : «Mais il y en a une qui est formidable dans ces rôles de femmes de ménage, c'est Marie-Pierre CASEY». On a recherché une femme de ménage, pas Marie-Pierre CASEY". Même si en France nombreux sont les acteurs et actrices qui veulent oublier ces premiers pas, il ne faut pas négliger le fait que la publicité servit non seulement leur carrière mais fut aussi à leurs débuts une appréciable source de revenus, comme elle l'est d'ailleurs encore aujourd'hui mais dans des proportions beaucoup plus importantes. Notons au passage que l'on ne rencontre pas cet état d'esprit, ce complexe d'infériorité vis à vis de la publicité, chez les anglo-saxons et notamment aux Etats-Unis, où un grand nombre de célébrités sont porteparole de multiples produits, et où la grande majorité des acteurs ayant réussi, commença également un jour par vendre à l'écran autre chose que luimême. __________________ 43 - Pierre de PLAS, Président de l'agence de publicité D.D.B. Entretien privé accordé le 19 Avril 1988. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 72 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Pour l'anecdote, notons le cas de la campagne réalisée en 1968 pour la bière KRONENBOURG. Le mannequin utilisé était australien et très connu des milieux publicitaires australiens. Il avait notamment participé à la communication des carburants B.P. et à celle des chocolats BIG FRY44. Mais qui ? en 1968, pouvait prédire que ce comédien/mannequin publicitaire du nom de George LAZENBY, allait l'année suivante obtenir une notoriété internationale en reprenant le rôle de Sean CONNERY dans l'interprétation du célèbre personnage de Ian FLEMING, l'espion James BOND 007, dans le film de Peter HUNT Au service secret de sa Majesté ! Révélé par ses différentes prestations publicitaires et notamment celle pour les chocolats BIG FRY qui lui valut succès et célébrité down-under, les producteurs de la saga d'espionnage Harry SALTZMAN et Albert BROCCOLI décidèrent de l'engager. George LAZENBY n'avait jamais tourné d'autres long métrages auparavant ! Il expliquera d'ailleurs quelques années après, ô combien les autres acteurs de la distribution lui firent sentir cette inexpérience relative45. __________________ 44 - "The official James BOND 007 movie books" Sally HIBBIN, Editions HAMLYN (1987), Londres, GrandeBretagne. "James Bond - a celebration" Peter Haining, Editions PLANET BOOKS (1987), Londres, GrandeBretagne. 45 - "The James BOND Bedside companion" Raymond BENSON, Editions BOXTREE, Londres, GrandeBretagne (1984) p. 32 et 163. "James Bond 007 - Licence de tuer" Jean-Marc PALAND et Jean-Marc PINSON, Editions EDILIG, Paris (1987) p. 38. "James Bond 007 Story" Patrick RUFO, Editions WIN PRODUCTION, Paris (1987) p.41. Ainsi, faut-il reconnaître le talent de certains annonceurs et de leur agent publicitaire, pour déceler la star naissante et la révéler au grand public46. Celle qui dans son domaine, à son niveau, est déjà sur la pente ascendante de la gloire, sans pour autant être déjà médiatisée à outrance. Ne serait-ce d'ailleurs pas là, le "meilleur" cas d'utilisation d'une "célébrité". Un porte-parole connu pour ses qualités dans son milieu (sport, café théâtre, cabaret,...) mais dont la notoriété auprès du grand public ne serait pas encore suffisante, pour risquer de nuire à l'impact du produit sur le consommateur. Peut-être, mais tel n'est pas l'objet précis de la présente étude. Car en définitive, ces porteparole sont la plupart du temps méconnus par la majeure partie de la cible, lors de leur première utilisation. Il n'est donc point question de célébrité ici. Mais si la publicité révèle les stars de demain, elle va également parfois plus loin, en créant elle-même ses propres célébrités. "Une partie du génie de Cécile B. De MILLE consistait à laisser les acteurs construire euxmêmes leur personnage, exactement comme il leur laissait le choix de leurs bijoux. Ils devenaient ainsi des __________________ 46 - En 1983, l'agence de publicité GEMAP, eut l'idée de solliciter un coureur automobile du nom d'Alain PROST, pour être le porte-parole des pyjamas CHRISTIAN CANE. Le lien star / produit n'était pas évident, mais ce qu'il est intéressant de relever ici, c'est simplement l'idée de l'agence d'utiliser ce jeune pilote dont les victoires successives pouvaient peut-être déjà à l'époque, laisser présager à l'observateur averti, qu'il serait un jour champion du monde. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 73 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ personnages réels, et non de simples mannequins faisant des gestes d'automates." écrit l'actrice Gloria SWANSON47 dans ses mémoires. D'aucuns affirment que pour pouvoir utiliser une star dans la stratégie de communication d'un produit, en évacuant totalement le problème de la vampirisation, il n'est plus sûr moyen que de créer soi-même, sa star, à l'exemple du mythe des producteurs hollywoodiens de la grande époque48. N'existant que par et __________________ pour le produit, elle ne peut générer d'impact que pour ce dernier49. En 1952, le Petit RODOLPHE alors âgé de 4 ans, devint le personnage central des films pour le shampooing DOP, connu et reconnu par la France entière. Mais l'on a pas éternellement 4 ans, malheureusement. L'année suivante alors que David OLGIVY proposait de mener une campagne d'informations sur l'arrivée aux Etats-Unis d'un nouveau breuvage disponible pour seulement 15 cents, le client lui-même suggéra l'utilisation publicitaire de son Directeur de la publicité. Son souhait était de parvenir à une campagne beaucoup plus axée sur l'image, en assurant au consommateur une version domestique du produit, fidèle à l'originale. C'est ainsi que le Commandeur Edward WHITEHEAD entra dans la communication de SCHWEPPES50. remarketing strategies that have turned failures into success" Editions MERCURY BOOKS (1991), Londres, Grande-Bretagne, page 202-207, qui détaille le cas de Nancy GREEN qui incarna le personnage de Aunt JEMINA pour la pâte à crêpes du même nom. 49 - Alors que la publicité télévisée pour les marques de cigarettes était encore autorisée aux Etats-Unis, il fut calculé que le personnage du cow boy était si attaché à la marque MARLBORO, que plus de 95% du public pouvait identifier la marque après seulement 5 secondes de projection du film. La moyenne pour l'ensemble des marques étant à l'époque de 16% ! "Do your ads have VI/P ? Harry Wayne McMAHAN, ADVERTISING AGE du 14 Juillet 1980. 47 - "Swanson on Swanson" Gloria SWANSON, Editions 50 - Il devint réellement l'homme de SCHWEPPES et ce, RANDOM HOUSE, New York, Etats-Unis (1980). Paru en France sous le titre "Gloria Swanson par elle-même rêve d'une femme" Editions STOCK, Paris (1981), Editions RAMSAY, Paris (1986). pendant plus de 18 ans ! D'aucuns - dont David OGILVY lui-même - dirent que son succès venait en partie en raison de sa barbe et sa moustache si caractéristiques à une époque où la mode était au rasage de près. "WHITEHEAD portait une touffe de poils drus et broussailleux sur le visage. Sa croissance luxuriante le rendit aussi exotique que le cache-oeil de l'homme d'HATHAWAY. Les gens réagir de la même manière : Pourquoi porte-t-il cela ? Qui est-il ? La curiosité se 74 48 - Voir notamment : "You, too, can star in TV commercials or maybe you can't" Philip RVESIN, THE WALL STREET JOURNAL du 10 Mars 1981 et Michael GERSHMAN "Getting it right the second time Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Le 22 septembre 1951, un Américain, immigré russe noble mais inconnu, le baron George WRANGEL, munit d'un cache-oeil de circonstance, devint l'homme à la chemise HATHAWAY51 imaginé par David OGILVY, pour défier l'homme au col ARROW. Mondialement célèbre grâce à ses prestations publicitaires pour la marque de chemises, il sera même immortalisé par le sculpteur DERUJINSKY en 1958. Une star était née... Le baron WRANGEL sera interviewé par la presse, suivi et considéré telles les stars du grand écran. Pendant près de 30 années, le même David OGILVY fit vendre au personnage de Titus MOODY, vieux boulanger de la Nouvelle-Angleterre, le pain 52 PEPPERIDGE FARM . "A condition qu'ils n'apparaissent pas déplacés par rapport à votre produit, les personnages obtiennent des résultats supérieurs à la moyenne" écrit le publicitaire anglo-saxon. Le seul transforma en une augmentation des ventes pour un produit que de nombreux buveurs continuaient de trouver seulement marginalement acceptable au goût" écrit Stephen FOX, dans "The mirror makers : A history of American advertising and its creators" op. cit., page 233. problème majeur qui se pose alors au publicitaire est de faire vivre ce personnage de film en film53. Certes, l'idée semble simple a priori. Or, maints docteurs "FRANKENPUB" qui s'y attelèrent ne virent pas se réaliser le succès escompté. Il ne suffit pas de créer un personnage que l'on insère plus ou moins bien dans un plan media le plus vaste possible. En créant une star, l'objectif est certes de contourner les inconvénients directs afférents à cette dernière et que nous détaillerons plus tard, mais également et surtout de pouvoir jouir de ses attributs traditionnels : impact, crédibilité, reconnaissance, sympathie, puis notoriété d'où capitalisation. Les différents exemples présentés ci-après furent couronnés de succès parce qu'ils parvinrent à créer une star qui réunissait ses différents facteurs, ainsi qu'une constante originalité dans son exploitation. Bref, une gestion de sa carrière. Si aujourd'hui la très originale star d'un jour Max HEADROOM54, n'est plus qu'un vague souvenir, c'est simplement qu'il est l'exemple même d'une star qui n'a pas su gérer sa carrière, ou plus exactement, dont on a pas su gérer la carrière. 51 - Leo BOGART "Strategy in Advertising - Matching media and messages to markets and motivations" Editions NTC BUSINESS BOOKS (1990) Seconde édition, Lincolnwood, IL, Etats-Unis page 80. Voir également "Charlie Haas on advertising" Charlie HAAS, NEW WEST 4, du 5 Novembre 1979. 52 - Voir à ce sujet : David OGILVY op. cit. p. 59, 79 et 107. Incarné par l'acteur Charlie WELCH avait participé à d'autres publicités notamment pour les pâtisseries SARA LEE et l'aspirine ALKA-SELTZER avant de devenir le célèbre Titus MOODY. "WELCH is "Old Timer" of commercials stars" Judann DAGNOLI, ADVERTISING AGE du 8 Février 1988. __________________ 53 - "Le personnage doit pouvoir surfer sur la houle marketing sans se noyer. Le choix se porte ainsi que sur des personnages mûrs sinon âgés. La jeunesse viéllit mal !" François CUEL "Pub cherche héros", MEDIAS n°84 du 24 Septembre 1984. 54 - Voir également le détail de l'utilisation de ce personnage par COCA-COLA page 440. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 75 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Car c'est souvent là, le principal écueil de cette stratégie, il ne suffit pas de créer et d'imposer une star comme personnalisation de la marque, encore faut-il sans cesse l'intégrer dans des campagnes faisant preuve d'originalité au risque de lasser le consommateur. Si cette composante est considérée avec suffisamment de précautions, alors ces personnages peuvent perdurer de campagne en campagne. L'image du fermier quaker de QUAKER OATS fut déposée pour un petit déjeuner à base de céréales en 1877, par Henry PARSONS CROWELL55 et apparaît encore aujourd'hui ponctuellement sur le packaging des produit ou dans la communication. Un autre exemple de succès les plus caracétéristiques est sans doute le cas de CAPTAIN IGLO et de ses bâtonnets de poisson. Lorsqu'en 1966, UNILEVER Grande-Bretagne demanda à son agence LINTAS56 de réfléchir sur un nouveau concept, il n'imaginait probablement pas que ce même concept serait encore utilisé plus de 25 ans après. Le personnage apparut dans les écrans publicitaires britanniques en Février 1967 sous le nom de CAPTAIN BIRDS EYE de manière un peu __________________ précipitée. En effet, UNILEVER n'était pas réellement convaincu de l'intérêt de ce concept au regard des faibles résultats obtenus lors des tests. Mais l'information comme quoi un concurrent réfléchissait lui aussi à ce sujet finit par le décider d'accepter. Le succès fut immédiat. En effet, le personnage du Capitaine permettait de s'adresser simultanément aux enfants ainsi qu'à leur mère. Après un court retrait entre 1971 et 1974, CAPTAIN BIRDS EYE s'installa définitivement dans la communication des bâtonnets de poisson produits par UNILEVER et fut même décliné dans différents pays. Adaptation oblige, il ne conserva son nom de CAPTAIN BIRDS EYE qu'en Grande-Bretagne et en Irlande, mais on lui préféra celui de CAPTAIN FINDUS en Italie et de CAPTAIN IGLO dans le reste de l'Europe57. "Les personnages disparaissent lorsqu'il y a un appauvrissement de la communication" observe Jan VAN AAL58. Le personnage devenant alors une véritable contrainte créative, l'agence comme l'annonceur n'hésitent __________________ 57 - "Ce qui est vraiment extraordinaire c'est que les hand : the managerial revolution in American business" Editions HARVARD UNIVERSITY PRESS , Cambridge, Etats-Unis, 1977 ; Arthur F. MARQUETTE "Brands, trademarks and goodwill" Edtions McGRAW-HILL, New York, Etats-Unis, 1967 ; Harrison THORNTON "The History of the QUAKER OATS Company" Editions UNIVERSITY OF CHICAGO PRESS, Chicago, EtatsUnis, 1933. producteurs de cette idée publicitaire ont réussi à la développer d'une manière tellement internationale que le personnage très britannique du Capitaine n'est pas perçue comme britannique dans les autres pays ; en France il est perçu comme étant un Français, aux yeux des Allemands il est allemand, en Hollande il est un Hollandais typique. Ce n'est pas surprenant alors que dans les cercles de UNILEVER et LINTAS, il n'y ait aucune discussion au sujet de la durée de vie du Capitaine ; il est simplement immortel" Rein RIJKENS, op. cit. p. 40. 56 - Via ses différentes agences, LINTAS gère aujourd'hui 58 - Jan VAN AAL : Président du Directoire de l'agence ce produit UNILEVER partout dans le monde. GREY, Paris. Entretien privé accordé le 10 Janvier 1989. 55 - Voir notamment Alfred D. CHANDLER "The visible Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 76 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ pas à s'en débarrasser59. Christine ARFEUILLERES60 analyse à ce sujet qu'il y a toujours eu "une volonté de faire mourir les personnages. On a l'impression que le consommateur en a assez, alors qu'en réalité ce sont les publicitaires et les annonceurs les premiers lassés de leurs publicités. Les postes de créatifs, chefs de publicité, ou Directeur du marketing chez l'annonceur sont des postes à évolution, les gens changent. C'est sans doute frustrant, alors, de reprendre une success story et de ne devenir qu'un tout petit maillon de cette success story. Chacun a envie d'y ajouter sa patte. Ou on n'a pas l'habilité à le faire, en disant balayons tout ça. Ou on a l'habilité à le faire, mais ça demande beaucoup de modestie ; ce qui n'est pas ce qui caractérise notre métier. C'est pire encore lorsque les annonceurs changent d'agence". "Les vraies vedettes sont les vedettes que l'on crée. Or, on tue tous les personnages, ce qui est à mon avis une erreur magistrale. Parfois, les annonceurs ne croient plus à leur produit. C'est aussi dans un souci de ne pas laisser vieillir la marque" commente Michel VADON61. Alors adieu Mère __________________ 59 - Après de plusieurs et fructueuses années de complicité aux Etats-Unis, la marque automobile ISUZU décida de se séparer du personnage de Joe ISUZU (David LEISURE) imaginé par l'agence DELLA FEMINA TRAVISANO. Voir "So long Joe ISUZU" Cleveland HORTON, ADVERTISING AGE du 6 Août 1990 et Steve BLOUNT et Lisa WALKER, 1988, op. cit. pp. 98-107. 60 - Christine ARFEUILLERES : Réalisatrice et Directrice Générale responsable de la création de l'agence ARFEUILLERES et Associés. Entretien privé accordé le 30 Mai 1991. 61 - Michel VADON : Directeur de la création et associé de l'agence FAURE, VADON, FOREST, BRIDOUX. Entretien privé accordé le 4 Juin 1991. DENIS, El GRINGO, GERMAINE, Maître KANTER, Mamie NOVA, George KILLIAN'S, Père DUCROS62,... Ce dernier personnage publicitaire relevait pourtant d'une idée originale. 1978, les conditions d'une bonne utilisation étaient réunies et les Epices DUCROS63 décidèrent avec leur agence, HAVAS CONSEIL, de personnaliser leur image sous les traits du comédien Pierre MIRAT. Avant l'utilisation d'un personnage, l'idée est forte : DUCROS se décarcasse pour trouver les meilleurs épices. Maintenant, le recours à un personnage sympathique notamment par son côté méridional, très présent dans les écrans publicitaires au moment de son lancement, habillé en cuisinier pour la caution de l'habit, démonstratif sans tomber dans l'excès de l'explicatif, a fait que le public associa très rapidement le comédien à un "Père DUCROS" dévoué à sa tâche, et au service du consommateur. En 1987, fidèle à cette communication, DUCROS détenait 60 % du marché français des épices et des herbes ! Mais en 1990, le personnage fut considéré comme un élément vampirisant la communication64. Après avoir disparu visuellement, il disparut totalement l'année suivante. __________________ 62 - Notons toutefois que ces personnages faisant partie du patrimoine de la marque, certains réapparaissent après plusieurs années d'absence, comme ce fut le cas en 1991 de Monsieur Plus, chez Balhsen. 63 - Voir notamment : "Créez épicé : Comment les DUCROS se sont décarcassés" PHILIPPE COLL, CREATION n°1 du mois de Janvier 1985. 64 - "Meutres en série dans la publicité" Dossier collectif, CB NEWS N°105 du 2 Janvier 1989. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 77 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Lorsque l'on crée une star de dessin animé telle que MAMIE NOVA65, cela comporte l'avantage que le temps n'a pas ou peu prise sur elle, il est même possible de la rajeunir ou de la vieillir artificiellement au gré des exigences publicitaires. Quand on crée une star à partir d'un être vivant, cet avantage est naturellement beaucoup moins maîtrisable. Ainsi, lorsque la star elle-même devient trop âgée ou disparaît, la communication publicitaire peut éprouver de grosses difficultés. Certes, de nombreuses stars sont aujourd'hui utilisées à titre posthume, avec les précautions et les risques que cela comporte. Mais dans le cas présent, la star créée ne bénéficie pas d'une renommée assez importante, au besoin ranimée par la projection de quelques uns de ses films, comme pour les stars du cinéma. Son aura ne s'exerce que sur le petit monde de la publicité ; or, celui-ci ne cesse de se renouveler. C'est ainsi que lorsque Jeanne DENIS plus connue sous le sobriquet de la Mère DENIS devint trop âgée pour être utilisée, la marque VEDETTE fut contrainte de déplacer malgré elle, la communication de ses machines à laver sur un autre terrain. Dès 1971, présentée par une campagne d'affichage comme la véritable lavandière, elle apportait à la marque l'expérience de la tradition. "C'était un personnage à grosses ficelles. Mais même si ce n'était pas toujours très crédible, c'était sympathique" observe ARFEUILLERES66. Christine Au fil de la communication, chaque machine à laver VEDETTE matérialisait le savoir de la Mère DENIS67. Son témoignage nous venait de la France profonde, France des traditions où la coutume populaire veut que le temps n'ait pas prise sur la qualité du travail. Et si deux ans plus tard, lors de son utilisation au cinéma et à la télévision son C'est ben vrai ça amusait bon nombre de jeunes citadins, son témoignage conservait la force que confère la simplicité et la conviction qui le caractérisaient. Sa caution venue d'une autre époque, introduisait un subtil anachronisme propre à écarter du produit, toutes les éventuelles connotations négatives d'un lavage mécanique. La marque VEDETTE passa quant à elle de la neuvième à la deuxième place du classement des marques les plus vendues. Dans son essai sur la normalisation publicitaire, François BRUNE68 raconte "qu'au dire de témoins, la Mère DENIS n'a pas été une véritable lavandière [...]. Paysanne par l'habitat, la Mère DENIS a surtout été garde-barrière de profession. La __________________ 66 - Entretien privé accordé le 30 Mai 1991. 67 - En réalité l'utilisation de la Mère DENIS ne fut pas __________________ programmée, comme la création d'un code de communication de la marque VEDETTE, par l'agence BAZAINE. A l'origine, le personnage était là dans le simple objectif du test comparatif (lavage traditionnel soigné / lavage en machine). Ce n'est véritablement qu'à la lecture des scores d'impact que l'agence décida d'en faire le personnage central de la communication. 65 - Voir l'analyse du publicitaire Philippe MICHEL lors 68 - "Le bonheur conforme" François BRUNE, Collection de la présentation du cas MAMIE NOVA page 134. Le Monde Actuel, Editions GALLIMARD NRF, Paris (1981, 1985) p. 42-44. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 78 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ hantise de la propreté ne fut pas son caractère fondamental. De l'extérieur, on remarquait plutôt un goût prononcé pour le Calvados, et pour le Martini". Il est aujourd'hui difficile de vérifier l'exactitude de ces propos, même si Jeanne DENIS ne les réfutait pas. Mais même si ils étaient confirmés, cela n'apporterait que plus d'intérêt à cette création publicitaire. VEDETTE et l'agence BAZAINE étant parvenus à effacer ces caractéristiques négatives tout au long de l'exploitation commerciale de cette star créée, qui dura jusqu'en 1984 ! D'ailleurs, la Mère DENIS ne serait pas la première star complètement recréée, totalement remodelée et vidée de sa personnalité première, à des fins commerciales... Combien de stars du cinéma peuvent se vanter d'avoir su conserver leur nature et leur personnalité originelles, souvent en complète opposition avec leur inévitable médiatisation ? D'ailleurs, comme une véritable star, il fut difficile de passer à une autre communication. "Il est difficile d'effacer la Mère DENIS qui a été une complice dans les foyers pendant 20 ans [...] Plus les personnages sont forts et typés, plus il est difficile pour la marque de s'en séparer" nous précisa Bernard 69 BROCHAND , "on voit bien les limites d'une telle utilisation. Plus les __________________ 69 - Bernard BROCHAND : Président du groupe EUROCOM Paris. Entretien privé accordé le 11 Mai 1988. Déjà en 1984, le journaliste François CUEL écivait : "VEDETTE vit tellement dans et par la Mère DENIS, que la disparition de cette dernière causera de gros problèmes : la nouvelle, largement relayée par les media, empèchera toute utilisation directe de la défunte" in "Pub cherche héros", MEDIAS n°84 du 24 Septembre 1984. personnages sont forts et typés, plus il est difficile pour la marque de s'en séparer. Le recours à Eddy MITCHELL constitue un essai de sortie intelligente qui déplace le problème." L'agence ICEBERG eut en effet en 1988, l'idée de recourir au chanteur Eddy MITCHELL pour donner sa parole de Vedette sur les qualités des machines à laver de la marque. L'année précédente, dans le film "Les voisins" réalisé par Gérard JUGNOT, pour les lave-vaisselle VEDETTE, le spectateur attentif pouvait encore apercevoir dans la cuisine, en clin d'oeil, une photo encadrée de la célèbre lavandière. Même si l'utilisation d'Eddy MITCHELL fut originale, il faudra plusieurs années pour que l'on oublie la Mère DENIS... Dans le secteur des pâtes alimentaires, il est intéressant de constater que ce sont deux personnalités créées, qui se sont opposées pendant plusieurs années. Pour LUSTUCRU, GERMAINE70 nous présentait les pâtes aux oeufs frais nonfêlés, puis leur renommée intergalactique. "GERMAINE était un personnage qui était sensé représenter un certain nombre de vertus qui sont celles de la marque LUSTUCRU." raconte Daniel DAHAN71. "Elle a permis __________________ 70 - "Germaine est la Caroline de Monaco de la pub, superstar sans compétence particulière si ce n'est qu'elle existe et qu'exister est l'ambition de toutes les marques. [...] Les héros comme ceux-ci interviennent avant tout sur des secteurs sans conscience de marque : celui des pâtes est particulièrement handicapé sur ce point" François CUEL ibid.. 71 - Daniel DAHAN : Directeur au groupe BELIER Paris. Entretien, en compagnie de Claude DOUCE Président du groupe BELIER Paris, accordé le 3 Mai 1988. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 79 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ de faire passer auprès des consommateurs des vertus qui mises en avant directement par la marque auraient été jugées trop traditionalistes et un peu passéistes. A travers un personnage comme celui-là, on a pu construire une saga. Et c'est intéressant de créer une histoire à partir d'un personnage réinventé, mais faisant partie de la mémoire collective, parce que cela permet d'une part d'avoir la continuité et d'autre part de rendre intéressantes certaines qualités de la marque qui autrement paraîtraient banales. Ça devient distinctif. Le dernier avantage est que cela donne une souplesse au discours de la marque et amplifie son champs. Cela se passait dans une ferme et LUSTUCRU pouvait mettre en avant la rigueur, la qualité et le sérieux comme avant. Et puis lorsqu'il a fallu moderniser pour préparer l'arrivée de nouveaux produits, on a pas hésité à confronter GERMAINE aux petits hommes verts72. La marque a pu totalement intégrer toutes les dimensions de la modernité à une image de tradition." __________________ 72 - "Germaine épate les martiens" Henri BOVET, LE FIGARO MAGAZINE du 23 Janvier 1988. Scores IPSOS film Lustucru / Germaine Impact Oct. 1984 . Score brut 68 . Score spécifique 27 . Score prouvé 32 . Score de reconnaissance Agrément 64 . Positif 79 . Négatif 14 . Indifférent 7 "Film de Pub" Philippe BENOIT, Patrick LE BRIGAN, Didier TRUCHO T Editions GALLIMARD, Paris (1988) p. 52 Film : "Les martiens" Comme le montrent les scores d'impact IPSOS présentés ci-avant, cette approche semble avoir été payante pour LUSTUCRU en termes de notoriété et d'image. Claude DOUCE73, alors au groupe BELIER se rappelle de la proposition à l'annonceur et du décès de la première GERMAINE : "L'annonceur n'en voulait pas. Quel mal pour vendre ce personnage ! Et lorsque le premier personnage est décédé, il a fallu trouver quelqu'un avec un caractère qui incarne la tradition, la qualité de la cuisine, la sympathie. Mais aussi qui lui ressemble un peu dans la gestuelle, l'intonation. C'est difficile pour les grandes vedettes, c'est possible pour les semi-vedettes.". Et si certains publicitaires à l'oeil averti comme __________________ 73 - Claude DOUCE : Président du groupe BELIER Paris. Entretien en compagnie de Daniel DAHAN Directeur au groupe BELIER Paris, accordé le 3 Mai 1988. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 80 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Michel ROGALE74, alors chez D.M.B.&B. trouvèrent "que le passage de la première à la deuxième GERMAINE, on l'a vraiment senti dans le casting", gageons que le public dans sa grande majorité n'y prêta pas attention, trop intrigué qu'il était, de voir son héroïne kidnappée par les petits hommes verts, "fêlés des pâtes". En fait, le personnage fut créé en 1979 pour donner indirectement la réplique à André AUBERT qui, avec son imitation de FERNANDEL dans le rôle de Don CAMILLO, travaillait depuis quatre ans déjà, au service de la concurrence75. C'est en effet dès 1975, que Don PATILLO76 nous donnait pour la première fois l'absolution, pour tout pêcher de gourmandise concernant la consommation des pâtes, des pâtes oui, mais des PANZANI ! "PANZANI est une société qui a toujours été innovatrice." précise Alain De 77 POUZILHAC , "Elle fut par exemple la première à montrer ses pâtes dans des emballages cello alors que tous les autres fabricants les cachaient. Puis, __________________ 74 - Michel ROGALE : Président Directeur Général du groupe D.M.B. & B. Paris. Entretien privé accordé le 12 Juillet 1988. 75 - "Les fabricants de pates ne sont plus des nouilles" Olivier LAMOUR, STRATEGIES n°572 du 7 Septembre 1987. 76 - "Meutres en série dans la publicité" Dossier collectif, CB NEWS N°105 du 2 Janvier 1989. "Don PATILLO n'est pas mort" Isabelle TERRAY, COMMUNICATION CB NEWS N°206 du 1er Avril 1991. 77 - Alain de POUZILHAC : Président Directeur Général du groupe H.D.M. Paris. Entretien privé accordé le 9 Juin 1988. PANZANI a fait des efforts dans la qualité de ses pâtes. Dans l'exécution stratégique, il fallait alors faire passer ce côté performant par rapport aux concurrents. Dans le food, pour montrer le côté plus performant, on tombe tout de suite dans la gourmandise". Pour savoir comment naquit l'idée du personnage de Don PATILLO, il était inévitable de solliciter Christine ARFEUILLERES78 et force est de constater que la créativité intervient parfois également dans les grandes conceptions publicitaires. Par ailleurs, cette explication du cas est particulièrement intéressante, car elle rassemble de nombreux sujets que nous détaillerons dans les prochains chapitres. "Fin 1974, le budget PANZANI était un peu en panne. PANZANI vivait sur la magie du nom. Il fallait maintenir son leadership. Mais les créatifs et leurs projets se faisaient renvoyer parce qu'à l'époque M. PANZANI qui était immigré italien, souffrait beaucoup de ses origines et ne voulait pas que l'on rappelle ces temps qui avaient été pénibles pour lui et très mal vécus. Il ne voulait pas entendre parler de l'Italie. Ça limitait d'autant plus qu'il n'y avait pas d'argument rationnel. PANZANI n'avait jamais joué l'U.S.P.79. LUSTUCRU jouait les __________________ 78 - Entretien privé accordé le 30 Mai 1991. 79 - Unique Selling Proposition. Le publicitaire américain Rosser REEVES expliqua dans son livre "Reality in advertising" Editions Alfred KNOPF, New York, 1961,1990, Etats-Unis, pp. 47-48 -, comment cette méthode de création publicitaire fut imaginée à l'agence TED BATES, dans les années 40. L'objectif était avant tout de faire au consommateur une proposition puissante et exclusive par rapport à la concurrence. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 81 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ oeufs frais, RIVOIRE & CARRET jouait le blé dur et PANZANI utilisait le thème "qui dit pâte dit PANZANI". A la suite d'une étude de motivations, on s'était aperçu que les pâtes étaient devenues un aliment tellement banal que la raison d'achat était essentiellement la marque. Ce qui est alors arrivé très vite c'est la signature Des pâtes oui, mais des PANZANI. A cette époque, Valéry GISCARD D'ESTAING était devenu Président de la République et il instaura les dîners chez les Français. Sachant que jamais on n'aurait servi des pâtes à un invité, j'ai eu rapidement l'idée d'un schéma de scénario que l'on pouvait décliner et qui était raccroché à l'actualité. Avec un couple de Français chez qui il allait se passer quelque chose, l'homme demandait : "- Mais qu'est-ce qu'on lui sert avec le chevreuil. - Des pâtes, répondait la femme. - Des pâtes, mais t'es folle ! ! ! - Des pâtes oui, mais des PANZANI." J'avais prévu plusieurs scénarios mettant en scène Henri IV, Louis XIV,... des grands personnages qui se voyaient servir des pâtes, mais pas n'importe lesquelles, des PANZANI parce que c'était un plus. J'avais vendu le Oui mais des PANZANI auprès de M. PANZANI et de l'équipe BSN qui venait de racheter PANZANI. Mais, je n'étais pas tout à fait satisfaite de jouer l'air du temps. Il fallait trouver un élément de pérennité parce que les Présidents... Ça change. Il n'y a pas de recette, sauf que j'avais promis de présenter des scénarios bien ficelés avec une idée pérenne, mais que l'avant-veille au soir je n'avais toujours rien trouvé. Ce soir- là, un copain m'appela pour aller dîner chez lui mais je lui répondis que j'avais une charrette, que c'était impossible. Mais j'acceptai en définitive. Au retour, lorsque j'ai repris ma petite voiture, je me suis arrêtée au feu rouge de la porte d'Auteuil. Je revois toujours ça. Et tout d'un coup je l'ai eu ce film, j'ai eu le halo de lumière... Et Don CAMILLO s'est imposé à moi. Don CAMILLO ment toujours au Seigneur, mais il ment gentiment en essayant de cacher ses petits défauts. J'ai donc vite écrit ça sur un petit bout de papier et j'ai enfin pu passer une bonne nuit. Le lendemain matin, je me souviens que j'ai ennuyé tout le monde à l'agence pour me rappeler comment parlait Don CAMILLO, rebaptisé Don PATILLO, pour arrivé à : «Vous voyez Seigneur, je vis très simplement, je me contente d'un verre de vin de ma petite vigne. Ce n'est pas pêcher Seigneur. Et de ces quelques pâtes, alors,... Et le Bon Dieu l'interrompait en disant : Des Pâtes Don PATILLO... Oui, mais des PANZANI», et il était obligé de dire oui." A la demande des commerciaux, deux autres films furent conçus pour les écrans destinés aux enfants, qui avaient été définis comme puissants prescripteurs pour les pâtes. Un film avec l'Ogre du Petit-Poucet et un film d'animation avec ASTERIX. Mais au premier test d'impact / mémorisation, il s'avéra que "les gosses n'avaient pratiquement pas vus ASTERIX et l'Ogre. En revanche, ils avaient vu Don PATILLO et ils l'avaient retenu". Et Christine ARFEUILLERES de nous expliquer le choix du comédien Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 82 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ André AUBERT. "J'ai appelé Jacques MONNET qui travaillait chez CITECA, et on a d'abord cherché le frère de FERNANDEL, tout en recherchant les ayants droit, auteurs, producteurs,... Mais nous n'avons jamais eu de réponse sur les ayants droit. Le frère de FERNANDEL dit oui, mais avec beaucoup de scrupules à remplacer son frère. Tellement de scrupules que deux jours avant le tournage il nous a dit : "non non, je ne peux pas faire ça". Je crois me souvenir que c'est Daniel CAUCHY qui connaissait un imitateur, André AUBERT, qui entre autres imitait FERNANDEL en Don CAMILLO. Ils l'ont contacté, et il a été merveilleux de bout en bout."80 __________________ "D'une certaine façon, observe Jean-Michel CARLO81, Don PATILLO c'est FERNANDEL. Ça a été un succès absolument fabuleux. Pourquoi ? Parce que c'est un personnage de légende créé par le cinéma, c'est une personnalité. Mais c'était tellement au service du produit, des pattes et de la gourmandise, et d'une continuité qui dure depuis 15 ans avec systématiquement la même chose, ça a fonctionné." La durée est en effet l'expression même du succès d'un personnage. Autre cas caractéristique de création publicitaire : UNCLE BEN'S, le riz qui ne colle jamais. En 1971, alors que Louis ARMSTRONG venait de décéder, on découvrit dans les écrans publicitaires avec beaucoup d'amusement un sympathique vieil homme noir qui, sur une musique jazz évoquant la Nouvelle-Orléans, chantait : 80 - Lors du Grand Prix de la Publicité de 1986, la campagne reçut le Prix de la pérennité. Début 1992, soit17 ans après le début de la saga, le film obtenait encore 83 % de scores d'agrément (pour un standard de 67%) "La presse gagne en attribution" Isabelle TERRAY, COMMUNICATION CB NEWS n°239 du 6 Janvier 1992. Observons que les pâtes, devenues peu à peu un produit générique comme le fait remarquer Christine ARFEUILLERES, ont souvent essayé de se démarquer en créant ou en utilisant des personnages célèbres. RIVOIRE & CARRET utilisa diverses stars pour sa communication publicitaire. Ce fut l'inoubliable COLUCHE encore peu connu, surpris en plein repas, mais aussi l'extraordinaire duo composé des inénarrables Daniel PREVOST et Pierre DESPROGES, notamment dans un sketch sur les fondements métaphysiques de l'éternelle interrogation : "qui de la poule ou de l'oeuf...?" Sommet de l'humour publicitaire, ce sketch reste luiaussi gravé dans la mémoire des amateurs. Enfin en 1987, c'est le chanteur Tom NOVEMBRE qui participait à la communication de la marque, sa gourmandise l'arrachant à une partie de cartes entre amis. "Tom pousse RIVOIRE & CARRET" Guillonne de LAFORCADE, STRATEGIES n°551 du 2 Mars 1987. __________________ 81 - Jean-Michel CARLO : Président du groupe YOUNG & RUBICAM France, Paris. Entretien privé accordé le 28 Avril 1988. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 83 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ - "Hey beep beep peedy, Hey lap lap peedy, Hey peedy lap lap peedy. Non non je ne suis pas Armstrong, je suis UNCLE BEN'S. Moi je fais du riz, il est formidable, il ne colle jamais. C'est ça qui me donne envie de chanter..." Ainsi naissait la saga française d'UNCLE BEN'S, le riz long grain américain. Car, si le riz est américain, la personnalisation de l'oncle BEN présent sur le packaging, est en revanche une invention bien française ! L'agence D.M.B.&B. (DARCY MASSIUS BENTON & BOWLES) alors MASSIUS LANDAULT pensa que c'était une bonne idée que de donner vie et rendre célèbre ce personnage d'illustration, dont le riz était arriver en France des Etats-Unis, trois ans auparavant. Aux Etats-Unis, la communication est beaucoup plus basée sur le produit et de l'oncle BEN, les américains ne connaissent que l'immortel visage présent sur le packaging ! Si le personnage fut utilisé pendant toutes ces années pour diverses campagnes de communication, celles-ci ont évolué, s'adaptant toujours à leur époque. Les deux premières années furent logiquement consacrées à la présentation d'UNCLE BEN'S et à la personnalisation de la marque. Il fallait faire connaître ce nouveau personnage, le rendre célèbre. Une fois fait, dès 1973, le porte-parole de la marque s'est attaché, jusqu'au début des années 1980, à vanter la principale qualité du riz : "il ne colle jamais". Le point commun des différents films étant qu'il régnait toujours une atmosphère de fête. Détail intéressant, de 1973 à 1980, UNCLE BEN'S quitta sa Louisiane natale pour des barbecues et des fêtes plus "européennes", plus "françaises", et il devint d'ailleurs rapidement le seul acteur noir présent à l'écran. En 1976, alors que le décor était celui d'une soirée très sélecte se déroulant dans un appartement, il était même totalement absent du casting ! En 1980, retour aux sources, il réapparut sur un bateau à roues voguant sur le Mississippi. Par la suite, le produit ainsi que ses caractéristiques étant connus, la communication devint plus soft, mettant en scène de véritables petites histoires, dont l'action se déroulait en Louisiane. Enfin, dès 1983, UNCLE BEN'S passa de la fonction d'invité à celui d'hôte dans une grande bâtisse coloniale. La communication publicitaire saisit alors au passage quelques scènes (fêtes, mariage, retour du fils à la maison,...) de sa vie familiale1. "UNCLE BEN'S est un personnage qui fait très très bien son travail. D'abord parce qu'on le trouve partout. Il est sur le packaging, mais également dans les films. Il y a là une __________________ 1 - "Le patriarche ne sera pas collant" Henri BOVET, LE FIGARO MAGAZINE du 30 Décembre 1987. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 84 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ synergie importante. Synergie aussi du personnage avec la Louisiane, la musique, ainsi que cette ambiance de fête. Ce n'est pas un UNCLE BEN'S qui va nous dire des recettes très précises, c'est un UNCLE BEN'S qui vit au rythme de la Louisiane, c'est à dire dans tout un contexte qui lui va bien. C'est aussi un personnage que l'on a du mal à exporter. Dans d'autres pays les clients locaux préfèrent jouer la stratégie des grands chefs. UNCLE BEN'S reste une figure sur le packaging." précise Michel ROGALE2, alors Président de l'agence D.M.B.&B., "sporadiquement il a été utilisé dans d'autres pays d'Europe, comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Espagne mais pas de manière continue. Aujourd'hui [1988], nous commençons à l'exporter vers l'Italie, la Grèce et l'Autriche" ajoute Roberto PASSARIELLO, Responsable commercial du produit à l'agence, "mais ces pays lui préfèrent souvent une campagne internationale qui s'appelle Top Chefs, qui met en scène des Grands Cuisiniers. On l'a testée en France pour voir quelle serait la réaction du consommateur. Mais elle n'a pas très bien fonctionné." Chacun connaît le visage d'UNCLE BEN'S, ne serait-ce que parce qu'il figure sur l'emballage. Mais combien sont ceux qui auront noté que le rôle ne fut pas toujours interprété par le même comédien. Combien sontils à avoir vanté les mérites du célèbre riz ? En 18 ans, UNCLE BEN'S n'eut pas moins de cinq visages différents aux accents différents eux aussi. Plus __________________ 2 - Entretien privé accordé le 12 Juillet 1988. qu'une anecdote, ce détail montre combien le personnage lui--même surpassait ses différents interprètes. "Au début, nous n'avions pas pensé que UNCLE BEN'S devrait être une seule et même personne" indique Roberto PASSARIELLO, "depuis 1982, il a le même visage"3, celui de Earl SYDNOR, extrait d'un méticuleux casting réalisé aux Etats-Unis4. Enfin lors du lancement de la communication pour le riz à cuisson rapide ou les riz préparés, le héros fut éloigné progressivement dans les premiers films. Son personnage restait beaucoup trop attaché au riz blanc et à la tradition. Autre produit, autre exemple, autre "création" caractéristique de star. En 1981, l'afficheur AVENIR demande à l'agence C.L.M./B.B.D.O., de concevoir une campagne - d'affichage bien sûr __________________ 3 - Un autre personnage célèbre eut lui-aussi de nombreux visages : El GRINGO du café Jacques VABRE. En revanche, il est intéressant de savoir que c'est là pour de simples raisons juridiques qu'il était impossible à l'agence d'utiliser le même interprète. "A l'époque où il a été lancé par D.D.B., c'était l'accent, la grosse moustache, très populaire en complet décalage avec ce qu'attendait le consommateur. C'est pour cela que l'on a voulu changer en éliminant ce facho qui sélectionnait des grains" explique Michel VADON de l'agence FAURE VADON FOREST BRIDOUX. "C'était le type qui venait en costume trois pièces, le petit fonctionnaire minable qui venait se mettre dans un western. J'aurais préféré garder le même personnage. Mais là, Monsieur Jacques VABRE existe. Il a vendu son nom avec interdiction absolue d'utiliser sa personne. Juridiquement on est attaquable si on laisse penser qu'il y a un M. Jacques VABRE. Comme réellement JACQUES VABRE avait plus de 250 experts dans le monde, on a varié." Entretien privé accordé le 4 Juin 1991. 4 - Mais l'on ne vieillit pas indéfiniment en publicité, et après 10 ans de bons et loyaux services, Earl SYDNOR fut remplacé par un autre comédien noir accompagné de 3 égéries, en 1993. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 85 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ qui allait susciter émois et passion lors de sa sortie. Aujourd'hui encore, si le nom du célèbre afficheur reste parfaitement collé à la campagne, c'est le nom de la star que l'agence venait consciemment ou pas de créer, qui reste dans les mémoires : MYRIAM. Ce cas comporte un grand intérêt ici au regard de la sélection du mannequin. Et Philippe MICHEL5 de retracer la conception de la campagne imaginée par Joël LEBERRE et Pierre BERVILLE, ainsi que la célébrité quasi instantanée qui s'abattit sur la jeune femme sélectionnée. L'extrait d'interview qui va suivre est reproduit dans son intégralité car reflétant pas à pas le déroulement des événements, ne seraitce que pour nuancer l'analyse / interprétation maintes fois rencontrée de certains auteurs manifestement mal informés6. "La scène se passait en 1981, au moment délicieux où l'on n'avait pas le droit de jouer avec l'utopie socialisteféministe et le juridictionisme que Gisèle HALIMI et Yvette ROUDI s'apprêtaient à appliquer. Il y avait des textes de loi qui interdisaient aux publicitaires de se servir de leur corps. J'ai eu beau leur dire que leur corps m'intéressait peu, c'est vrai que l'on a voulu faire une démonstration sur le fait qu'elles avaient tort, en en faisant une provocation. Le stalinisme mérite __________________ 5 - Philippe MICHEL, Président Directeur Général de l'agence C.L.M. / B.B.D.O. Paris. Entretien privé accordé le 30 Mai 1988. 6 - "Puissance Pub - la force du temps dans la communication" Aimé LEMOYNE, Editions DUNOD, Paris (1989) p. 189-190. toujours d'être dénoncé là où il pêche. Le grand pêcher stalinien est de vouloir faire le grand bonheur des autres à leur insu. Ça a été le grand pêché socialiste, le grand pêché barbu, le grand pêcher féministe. Mais tout cela c'est mort et évacué déjà. MYRIAM a été une contribution, c'est certain. Donc, pour faire une provocation, par rapport aux idées dont ils étaient certains qu'elles étaient majoritaires en France, il fallait faire très attention parce que l'on était sur le fil du rasoir. N'importe qu'elle vulgarité, intention un peu sale, aurait été condamnée immédiatement. La deuxième raison pour laquelle il fallait faire attention au choix de MYRIAM, c'était le public. Chacun d'entre nous adore une chose, c'est d'être manipulé, d'être baiser. Mais bien, parce que si c'est un tout petit peu mal fait, l'autre est mort. Le grand plaisir de la séduction, c'est d'être victime de cette séduction. C'est délicieux et on en redemande. Donc il ne fallait pas se tromper. Nous voulions jouer avec les gens, jouer d'eux, de leur représentation mentale, et en particulier de la connaissance qu'ils avaient de la publicité, qui jamais ne faisait ce qu'elle disait. Il fallait par conséquent leur apprendre que la publicité allait faire ce qu'elle avait dit, entre le 1er Septembre j'enlève le haut et le 4 Septembre j'enlève le bas, elle avait vraiment enlevé le haut ! Donc elle avait appris qu'elle allait continuer et cette fois-ci au grand dam du spectateur. Puisque personne n'avait imaginé la manière, le retournement de situation, à laquelle la publicité se livre toujours pour ne jamais dire cette chose triste qui s'appelle la vérité. Réussir là où l'on Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 86 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ croyait que l'on allait échouer. Là, où les gens attendaient des poils, ils ont eu des fesses ! C'est ça qui a d'abord fait le succès du mécanisme. Quant au choix de la jeune fille, il fallait qu'elle soit d'une innocence, d'une tranquillité d'être sensible. On avait choisi avant la jeune fille, la posture : droit devant, les mains sur les hanches, devant un fond bleu, la mer. Pourquoi les mains sur les hanches et face à la caméra, parce que jamais un mannequin ou une posture érotique ne se met comme ça, on visse dans ces cas là. On met les hanches de travers et les épaules dans un autre angle, et depuis les Egyptiens, on a rien trouvé d'autre que de visser le corps pour le rendre attirant, jusqu'au mec qui se regarde dans la glace... Nous avons donc décidé de ne pas visser et au contraire de regarder carrément. C'était la posture de cette fille qui d'emblée disait : "Je me moque de vous, mais gentiment". Les journalistes ne s'y sont pas trompés et ils ont recherchés le nom de cette fille parce qu'ils ont compris que c'était un message avec lequel elle était d'accord et qu'elle le faisait de façon intense et drôle. Elle regardait bien l'objectif : "Je vais enlever le haut... Je le fais. Maintenant, je vais enlever le bas... Bande de cochons, vous ne me croyez pas, eh bien voilà ! je vous ai bien eu. Messieurs Dames au revoir et à bientôt". Les journalistes ont alors recherché son nom, et elle s'appelait effectivement MYRIAM. La pauvre a alors été soumise aux feux de l'actualité, alors que simple et sobre, ce n'était pas ce qu'elle recherchait ; et elle a fui des vues de l'humanité. Je sais qu'elle est restauratrice aujourd'hui aux alentours de Lyon ou de Grenoble7. Elle a obtenu une notoriété beaucoup moins factice qu'on aurait pu l'imaginer, l'ennui c'est qu'elle l'a mal vécue alors qu'elle aurait pu très tranquillement s'en servir. Maintenant son choix a été extraordinairement difficile. Casting à perte de vue dans l'agence. Nous avions décrit une forme de sein, une forme de fesse, une teinte, un bronzage et une opacité de peau, très très précisément. Parce qu'il y a des seins qui dans leur mollesse et leur douceur appelle la caresse ou à des tas d'autres rêves, d'autres fantasmes, l'oeil se trouble. C'est la même chose pour les fesses, la présence d'un plis sous une fesse est tout à fait charmant, mais il raconte des histoires, que l'on avait pas envie de raconter. Il fallait donc qu'elle soit simplement sportive et musclée. Il fallait également qu'elle ait les cheveux courts. Il ne fallait pas une belle blonde ou une belle brune qui ait de belles lèvres etc. Nous avons recherché l'antipulpeuse. Il fallait qu'elle soit bien en chair, mais surtout pas pulpeuse, y'en a mare des pulpeuses ! Une pulpeuse vit en étant une poupoute. Une poupoute, c'est la contraction entre poule et pute. Une poule pour les autres alors qu'en vrai, la motivation est monétaire, un échange économique en tout cas. Donc les pulpeuses sont des poupoutes ! __________________ 7 - En réalité, après une retraite dans bergerie bouddhiste des Alpes du Sud, la fille du sculpteur Lazlo SZABO qui n'avait que 18 ans lors de la campagne AVENIR, est aujourd'hui serveuse dans un pub-restaurant dans la ville de Porto, au Portugal. "Myriam" Patrick AMORY, INTERVIEWS du mois de Septembre 1992. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 87 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ D'ailleurs, elles posent dans LUI ou dans PLAYBOY, ou elles tiennent des parfumeries... pensant que... mais il ne faut pas être cruel comme ça. Donc, ce fut la révélation d'un personnage qu'on ne voyait jamais. Je voulais montrer à Gisèle HALIMI que leur corps ne nous intéressait pas, ce qui nous intéressait, c'était le corps de la femme normale, qui vit très bien dans sa peau, et si bien qu'elle peut se mettre nue sans choquer quiconque. Le résultat fut à la hauteur de ça. Tous les sondages sur les femmes ont comprendre quelque chose et d'être un peu manipulés, que c'est devenu un personnage fameux. Le cerveau ne retient rien qui ne l'ait intéressé. Le cerveau se débarrasse toujours des choses superflues. Comme notre travail c'est la mémoire, elle possédait encore en 1988, 47 % de mémorisation, pour seulement 1 million de francs de panneaux publicitaires." En l'espace d'une campagne et trois affiches1, MYRIAM est entrée au Parthénon des stars de la publicité, gravée à jamais dans l'esprit de ceux qui virent et vécurent cette fabuleuse campagne2. Dernier exemple, un cas américain lui aussi très caractéristique. Sa médiatisation fut si bien orchestrée, qu'en 1988, deux ans après son lancement, ses spots télévisés arrivaient en seconde position au classement VIDEO STORYBOARD, en termes de mémorisation. __________________ 1 - David OGILVY, op. cit. p. 26. 2 - La campagne reçut le Grand-Prix de l'Affichage 1982. alors montré qu'à 70 ou 75 %, elles trouvaient ça très bien et pas choquant du tout. Donc prétendre que la nudité du corps féminin est une insulte à ce même corps, c'est outrepasser largement ses droits, et c'est même suspect. C'est lui créer une valeur, un mystère, c'est le tchador avant la lettre, c'est revendiquer la couverture d'un objet de pêcher, puisqu'il faut le cacher. Alors je le montre et tout va bien merci ! C'est pourquoi ce personnage a incarné une surprise, une révélation. Les gens étaient si contents de Son dossier de presse intitulé "L'être, derrière la légende", par de nombreux aspects dont le mystère, rappelle d'ailleurs les grandes stars d'autrefois : "Tout commença en 1983 lorsque le hasard lui fit rencontrer, lors d'une surprise-partie, un exécutif de la compagnie ANHEUSER-BUSH, le premier brasseur américain et leader mondial incontesté. Se mourant d'ennui, ce dernier fit la connaissance de notre ami philosophe, qui lui révéla que la base d'une bonne surprise-partie était une bière BUD LIGHT, justement brassée par ANHEUSER-BUSH... Lorsque quelques jours plus tard, il fut invité à exposer son point de vue au quartier général de la compagnie, à Saint-Louis, ce fut l'ovation. Une star était née. A partir de là, ce fut les contraintes habituelles de la vie d'une célébrité, contrat, essais,... et finalement la pose pour des affiches BUD LIGHT. Il fit ses débuts à la télévision en tant que porte-parole de la marque, en Californie, puis sur le plan national en 1987, lors de la retransmission du Superbowl. Aujourd'hui, il est devenu Directeur Marketing au sein de la société, Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 88 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Conseillé Spécial en surprise-partie pour BUD LIGHT, et dispose de toutes les facilités dues à son rang. Son agenda déborde en permanence". En ce qui concerne la star ellemême, le dossier de presse la définit comme un : "Cadre supérieur constamment entouré de très belles femmes, les Spudettes, ses compagnes de charme. Conservant quelques aspects énigmatiques, il est devenu un symbole de tout ce qui est plaisir et amusement. Connu dans le monde entier pour son flegme, sa vive intelligence, son charme et ses manières sophistiquées. Il est en permanence demandé en tant qu'invité d'honneur dans les milieux les plus sélects et est coutumier des cercles royaux ; les célébrités fortunées du monde entier lui demandent conseils et recommandations. Pour lui, faire une surprise-partie est un savant mélange de science et d'art. Il est LE pionnier en la matière. «Je suis simplement né avec un talent pour avoir du plaisir et de l'amusement» a-t-il récemment déclaré dans un de ses rares moments privés, «et je le ferai, même si je n'étais pas payé. Les types qui dirigent BUD LIGHT ont décidé que c'est un talent que je me devais de partager avec le monde entier». Personne ne connaît exactement son âge. D'ailleurs, il change de sujet de conversation lorsque l'on insiste dans cette direction invoquant le fait que «le plaisir et l'amusement n'ont pas d'âge !». Bien qu'il soit particulièrement doué pour plusieurs langues, il affectionne de ne parler qu'un langage peu connu, et se résumant dans des expressions du visage, comprises uniquement par les initiés de ses surprises-parties. En fait, ce langage est une sorte de moyen de communication fort usité par ces mêmes initiés qui fréquentent clubs et surprises-parties, où compte tenu du volume sonore, on discute peu. Un enchaînement de simples froncements de sourcil très précis peut signifier une suite de quelques 200 mots d'anglais, mais parfaitement assimilables dans les grandes capitales cosmopolitaines du monde." "Toutefois, il est toujours accompagné de traducteur" nous précisa enfin son porte-parole, Bill STOLBERG3. Son nom : Spuds MACKENZIE. Jusqu'ici, rien d'extraordinaire en matière de création de personnage publicitaire. Or, il faut savoir que cette nouvelle star n'était autre qu'un chien Bull Terrier anglais ! David VADEHRA, Président de la société d'études VIDEO STORYBOARD, analysa qu'en 1987/88 les publicitaires américains sont revenus en force à l'utilisation des enfants et des animaux, en raison de leur aspect "mignon et honnête. Les spectateurs aiment voir des chiens qui parlent dans les publicités, depuis qu'ils traitent leurs propres animaux de compagnie comme des membres à part entière de la famille"4. Si l'idée de cette utilisation était particulièrement originale, son exploitation fut à la hauteur de ses __________________ 3 - William H. STOLHBERG : Responsable de la communication du produit BUD-LIGHT FLEISMAN HILLARD, Inc. Etats-Unis. chez 4 - "In TV viewer's favorite 1987 ads, offbeat characters were the stars" Ronald ALSOP, THE WALL STREET JOURNAL du 3 Mars 1987. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 89 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ ambitions. En 1987, les ventes de bières BUD LIGHT ont augmenté de 20 %, notamment grâce au concours de ce nouveau personnage, baptisé par la presse américaine le "Gourou du bon temps" et médiatisé comme toute autre star l'aurait été ! Notons cependant que les films publicitaires mettant en scène Spuds MACKENZIE étaient eux aussi très originaux, donnant à la star un comportement quasi humain. Cette année là, l'originalité et la pertinence de cette communication valut à juste titre, à la bière BUD LIGHT, le second score de mémorisation5 (derrière le film d'animation pour la collective pour les raisins californiens). Oubliés MILOU, RAN TAN PLAN, ASTA, LASSIE, IDEFIX ou RIN TIN TIN, il n'y a désormais de vraies stars canines, que dans la publicité !... "Je pense qu'il y aura toujours des personnalités. Je crois que la recherche d'une personnalité, sa mise en avant... les stars ne disparaîtront pas. Ces nouvelles stars ont un look, un charisme qui fait qu'elles sont écoutées à un moment donné" observe Bernard BROCHAND6. Cette présentation de la star - et plus généralement d'une célébrité sous ses multiples facettes et ses multiples révélations étant faite, il nous est alors possible d'essayer d'isoler les fondements marketing qui génèrent son utilisation par la publicité. __________________ 5 - Voir également Gail TOM, Rebecca CLARK, Laura ELMER, Adeward GRECH, Joseph MASETTI Jr. et Harmona SANDHAR "The use of created versus celebrity spokespersons in advertisements", opt. cit., pp. 45-51, car Spuds MACKENZIE fait partie des célébrités créées utilisées pour l'étude comparative. __________________ 6 -- Entretien privé accordé le 11 Mai 1988. Chapitre I : Origines de la star © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 90 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ II Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité A / Recherche d'impact sur la cible 91 93 1 - Changement de ton de la communication 101 2 - Un facteur anti-zapping : attitude du consommateur 3 - Les personnages de bandes dessinées : des cibles diverses 108 B / Autres fondements 1 - Transfert de notoriété 2 - Utilisation de la caution de la célébrité 3 - Mise à profit d'une adéquation stratégique 4 - Recherche d'identification au modèle 5 - Normalisation de la consommation du produit 6 - Personnification du produit 126 139 139 144 148 157 171 186 C / Etude des motivations du consommateur 192 1 - L'enseignement général de la recherche 2 - Recherche sur l'utilisation d'un porte-parole célèbre 193 3 - Méthodologie de l'expérimentation 4 - Résultats et analyse 5 - Conclusions 233 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 201 242 376 91 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ II "L'actrice devait être jolie et si possible posséder quelques notions de comédie. Elle n'avait pas besoin d'avoir le sens de l'humour, en ce qui me concernait. Je redoutais qu'elle ne se mette à rire au milieu d'une séquence, nous obligeant à la refaire." Buster KEATON "My wonderfull world of slapstick" 1960. Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité * * * Quels sont les fondements marketing qui incitent les publicitaires à utiliser une ou plusieurs célébrités ? Le mythe de la star ? Trop vague. Le rêve ? Trop illusoire. La beauté ? Trop éphémère. Leurs interprétations cinématographiques ? Pure fiction. S'il est évident qu'une part de chacun de ces éléments vient influencer la décision du publicitaire, la première raison à l'utilisation d'une célébrité, est la principale résultante de la combinaison de ces différents éléments, à savoir l'impact que la célébrité a auprès du public et de préférence auprès de la cible. Cet impact, qui sera mis à profit par la publicité pour faire passer son message, en profitant de l'attention momentanée du consommateur. Et cet impact est devenu aujourd'hui vital alors que l'on a calculé qu'un consommateur américain Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 92 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ moyen par exemple est exposé chaque jour à 5.000 messages publicitaires1 ! A / Recherche d'impact sur la cible Dans cet objectif, la célébrité atteint généralement son but. Une étude menée en 1975 par Jean-Jacques LAMBIN2 montrait qu'en moyenne une hausse de 1% des dépenses publicitaires occasionnaient une progression de 0,1% des ventes ou de la part de marché. Toutefois, l'auteur reconnaissait que si l'on considérait que "la publicité pouvait influencer d'une certaine manière les ventes futures en créant un réservoir de goodwill, alors 1% d'augmentation des dépenses publicitaires générait en moyenne 0,25 % d'augmentation des ventes ou de la part de marché". Pour savoir si une campagne marche bien, fonctionne bien ; pour savoir si une annonce ou un film publicitaire a réussi, on utilise généralement le terme __________________ 1 - Marc JEZEGABEL et Martine ROBERT, "Rentable la publicité... Jusqu'où ?" DYNASTEURS n°29 du mois de Septembre 1988. Voir également : "Consumer behavior" Michael R. SOLOMON, Editions ALLYN AND BACON / SIMON & SCHUSTER Inc. (1992), Needham Heights, MA, Etats-Unis, page 125. 2 - "What is the real impact of advertising ?" Jean-Jacques LAMBIN, HARVARD BUSINESS REVIEW, Mai / Juin 1975, pp. 139-147. L'auteur a procédé à une étude sur plusieurs pays européens, plusieurs types de produits totalisant 225 "années-marques" d'observation. On notera cependant, qu'il s'agit là d'une étude strictement quantitative, et qu'à aucun moment la nature, la qualité, le mode de diffusion,... de chaque campagne n'ont été considérés. d'impact. Si les ventes ont augmenté, si les distributeurs référencent davantage ou plus aisément le produit, si l'action publicitaire a généré du trafic dans les points de vente, si le nom du produit est connu d'un plus grand nombre de consommateur, si l'image de la société auprès de la cible a été modifiée,... on dira que la campagne a eu un très bon, voire un excellent impact. Pourtant comme on peut le constater, le résultat n'est pas le même à chaque fois. Aux Etats-Unis, les locations automobiles HERTZ utilisèrent le coureur américain O.J. SIMPSON pour la première fois en 1975. En 1977, "une étude consommateur montra une augmentation de 23% de l'impact brut de la communication publicitaire de HERTZ avec O.J. SIMPSON, une augmentation de 41% du taux de notoriété spontanée et une poussée de 35% de HERTZ comme meilleure agence de location de voitures"3. Ce terme d'impact est capital dans l'étude __________________ 3 - "O.J. tops year's star presenters" Louis J. HAUGH, ADVERTISING AGE du 20 Juin 1977. On notera par ailleurs que les résultats financiers de l'entreprise en 1976 se soldaient par un profit net de 42 millions de dollars (soit environ 50% de plus que l'année précédente). A l'origine, l'association HERTZ / O.J. SIMPSON avait été imaginée par l'agence TED BATES, considérant la rapidité de O.J. SIMPSON en tant que courreur et la possibilité de transférer cette image de rapidité, aux services de locations automobiles diffusés par HERTZ. Au regard des résultats, la simple participation publicitaire initiale de l'athlète se transforma rapidement en un poste de porte-parole officiel de la compagnie. Ainsi, O.J. SIMPSON continua d'apparaître dans les films pour les locations automobiles, mais il participa également aux opérations de communication interne, et accepta d'apparaître sur des documents promotionnels à l'attention des enfants. Voir également : "O.J. SIMPSON juices HERTZ's image" Kate BERTRAND, BUSINESS MARKETING du mois d'Août 1992. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 93 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ qui nous intéresse, car non seulement l'on recherchera toujours cet impact pour l'action publicitaire, mais le rôle du publicitaire sera en définitive de "gérer" l'impact personnel de la célébrité pour le transférer au bénéfice de la marque. Lorsqu'en Mai 1982, l'acteur italien Aldo MACCIONE - première star de la saga - arrive dans la communication des PETITS COEURS de BELIN4 sur les conseils de l'agence F.C.A.!, IPSOS calcule un "score d'impact brut" et un "score de reconnaissance" de 61% chacun. Ces chiffres expriment un succès. Mais qu'est-il advenu des ventes ? La notoriété du produit est-elle acquise ou au contraire, ne s'agit-il que d'un souvenir très éphémère ? L'image du produit / de la marque a-t-elle été modifiée ?5 La célébrité a-t-elle influencé ce résultat ? __________________ 4 - "Comment faire durer une histoire de coeur" Philippe COLL, STRATEGIES n°520 du 9 Juin 1986. 5 - La part de marché passera de 4,3% en Mai 1982 à 5,8% en Juin-Juillet de la même année. Par ailleurs, la campagne obtiendra 79% d'agrément positif contre 11% de négatif (10% d'indifférents). Le tout pour un budget relativement modeste pour une exploitation en télévision, de 2,8 millions de francs. On notera que PETITS COEURS est un cas d'exception, car il est très rare que l'on puisse obtenir des informations précises sur le résultat de la campagne ou plus exactement sur les résultats des ventes du produit après exploitation de la campagne. Hormis le fait que le lien entre publicité et résultats économiques ne soit jamais certain, la raison systématiquement invoquée par les professionnels est que la mise en avant d'une augmentation des ventes grâce à l'utilisation d'une campagne employant une célébrité, occasionne inéluctablement une révision à la hausse des exigences de ladite célébrité lorsqu'elle a connaissance des résultats. Ce que ni l'agence ni l'annonceur ne souhaitent pour des raisons compréhensibles. A la fin des années 70, une société d'études américaine - TELLBACK - mit au point un système de mesure électronique visant à mesurer cet impact. Un échantillon de 10 films publicitaires - utilisant tous une célébrité6 - fut extrait du classement ADVERTISING AGE des 100 meilleurs films de l'année. Après observation d'un échantillon de consommateurs, la méthodologie utilisée prétendait obtenir de manière informatique "une notation composite d'après un calcul qui combinait les changements d'attitude avec les évaluations conscientes de chacun des films, par les répondants". Les 160 consommateurs composant l'échantillon représentatif participèrent à 5 séances d'évaluation. Toutefois, le journaliste Harry W. McMAHAN7 qui s'était fait l'écho de ce système, reconnaissait que si "fondamentalement, les tests TELLBACK donnent une rapide évaluation de l'attrait ainsi que de l'impact que peuvent avoir des spots. Des sondages plus détaillés seraient nécessaires pour explorer une relation totale entre star et annonceur." Ces limites considérées, on pouvait néanmoins constater d'après les résultats obtenus, que des __________________ 6 - En réalité, le film pour les assurances LINCOLN NATIONAL LIFE avec Abraham LINCOLN servait de film de contrôle. 7 - "Rating the stars in TV commercials : Bugs BUNNY vs. Catherine DENEUVE" Harry W. McMAHAN, ADVERTISING AGE du 22 Août 1977. Pour être pleinement apprécié, l'article doit être rattaché à un précédent sujet du même auteur : "100 best of '76 : stars, jingles up ; year marks first $234,000 minute" ADVERTISING AGE du 31 Janvier 1977. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 94 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ différences considérables existaient pour des films recourant à la même approche. Il suffit d'observer les scores des extrêmes pour s'en convaincre. moyenne = 57,4 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 83 82 73 72 71 50 Manufacturer's British Airways Hanover Bank (Robert (Paul Lynde) Morley) Polaroid (Candice Bergen) Johnson & Johnson (Bugs Bunny) Air France (Gene Kelly) Alka-Seltzer (Speedy) 44 Lincoln Mercury (Catherine Deneuve) 37 Lincoln National Life (Abraham Lincoln) 32 30 S.T.P. oil (Robert Blake) Burlington (Petula Clark) "Rating the stars in TV commercials : Bugs BUNNY vs. Catherine DENEUVE" Harry W. McMAHAN ADVERTISING AGE du 22 Août 1977 D'après le graphique TELL-BACK "Composite Ratings" présenté page 37. Le film de la banque MANUFACTER'S HANNOVER avec Paul LYNDE obtint un score de 83 alors que celui pour les chaussettes BURLINGTON avec Pétula CLARK ne dépassait pas 30. On retiendra également le score de 44 seulement, obtenu par le film avec Catherine DENEUVE pour la marque automobile LINCOLN MERCURY, ainsi que le fait qu'il toucha nettement plus les hommes que les femmes1. Il est ici nécessaire de faire une précision importante en fonction de ce qui va suivre. Il est indéniable que si le terme "d'impact" est communément __________________ 1 - Il sera intéressant de faire le parallèle entre cette observation, les résultats obtenus par l'actrice lors du lancement de son parfum, et l'étude menée par le groupe CHESEBROUGH POND au sujet de son image. Voir pour cela les informations présentées page 554. utilisé par l'ensemble des professionnels de la publicité, il n'en demeure pas moins sibyllin, équivoque, voire problématique quant à l'interprétation à lui donner, au regard des mesures obtenues. Parmi les nombreux auteurs qu'il passe en revue dans son étude de l'attitude, Kristian PALDA cite Norman HELLER2 comme ayant été l'un des prescripteurs de ce type de mesures. "Les publicitaires font l'hypothèse que si la publicité doit vendre, elle doit communiquer, et la publicité qui communique le mieux est celle qui produira la plus forte impression de la mémoire"3. La qualité __________________ 2 - Norman HELLER "An application of psychological learning theory to advertising" JOURNAL OF MARKETING n°20 du mois de Janvier 1956, pp. 248254. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 95 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ de cette impression de la mémoire variant d'un medium à l'autre, d'un support à l'autre. jusqu'à l'étape finale, à savoir l'acte d'achat. Expliquant que même les psychologues se montrèrent très longtemps prudents sur la définition de l'attitude, il part du schéma que Robert LAVIDGE et Gary STEINER 4 construisirent en 1961 et qui présentait les six étapes menant à l'achat, comme le montre le schéma présenté cidessous. Mais Kristian PALDA de s'interroger sur ces composantes cognitif, affectif et conatif - de l'attitude et sur leur influence sur le comportement du consommateur, en apportant des exemples supportant cette association, et d'autres, aboutissant au résultat inverse. Ainsi, alors que des études personnelles "confirme l'hypothèse que l'attention tend à précéder ou même à contribuer au taux d'achat. Elles ne font que montrer qu'une attention supérieure coexiste avec des taux d'achat plus élevés"5. Et l'auteur de conclure en regroupant dans un tableau synoptique, les différentes faiblesses afférentes à chaque approche méthodologique, notamment en ce qui concerne l'ordre de survenance de ces composantes. Prise de conscience Connaissance Appréciation Préférence Conviction Achat COGNITIF (domaine des pensées) AFFECTIF (domaine des émotions) CONATIF (domaine des motivations) Source : LAVIDGE Robert J. et Gary A. STEINER "A model for predictive measurements of advertising effectiveness", JOURNAL OF MARKETING d'Octobre 1961. D'après le contenu du schéma de la table 1 page 61. Le premier objectif de la publicité, selon ces deux auteurs, est de faire prendre conscience au consommateur potentiel de l'existence du produit, puis de lui transmettre des attitudes favorables à son sujet, de manière à déclencher un comportement. Le rôle de la publicité est ensuite de faire se déplacer les consommateurs d'une étape à l'autre, L'anthropologue américain Melford SPIRO6 propose à notre avis lui aussi un cheminement intéressant en cinq niveaux dans l'optique cognitive de la communication persuasive, menant implicitement le consommateur du cognitif au conatif. Alors que très logiquement les publicitaires sont essentiellement intéressés par les niveaux 4 et 5, le __________________ 3 - Kristian S. PALDA "The hypothesis of a hierarchy of 5 - Kristian S. PALDA, op. cit. p.20. Nous reviendrons sur effects : a partial evaluation" JOURNAL OF MARKETING RESEARCH du mois de Février 1966, pp. 13-24. la notion d'attitude dans la section C consacrée à l'étude des motivations des consommateurs page 192. 4 - Robert J. LAVIDGE et Gary A. STEINER "A model for cit. page 228, d'après ses travaux parus dans AMERICAN ANTHROPOLOGIST 68 du mois d'Octobre 1966, sous le titre : "Buddhism and economic action in Burma". predictive measurements of advertising effectiveness", JOURNAL OF MARKETING d'Octobre 1961 p. 61. 6 - Melford SPIRO est cité par Michael SCHUDSON, op. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 96 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ principe de prise en considération de cette approche impose que les étapes préalables aient été concrétisées, pour aspirer voir le consommateur éventuellement vérifier les deux dernières étapes7. Les consommateurs peuvent être informés très faiblement sur un concept idéologique. Ils peuvent s'informer et comprendre le concept. Ils peuvent croire que le concept est exact ou juste. Le concept peut alors leur paraître pertinent et contribuer à informer leur environnement comportemental. Ils organisent alors leur vie conformément à cette croyance. L'expression, souhaitée par l'auteur, de l'éventualité du déclenchement de chaque étape, nous paraît extrêmement pertinente pour illustrer ô combien le déclenchement du comportement recherché chez le consommateur n'est pas l'aboutissement d'un processus mécanique, automatique et universel. En définitive, cet impact dépendra au départ de l'objectif publicitaire poursuivi. Les résultats de l'analyse comparative de la pression publicitaire réalisée par Hubert ZIELSKE8 en 1957-58 restent très intéressants. A partir de 3.650 interviews, concernant l'envoi par la poste de 30.016 publicités dans des conditions de sécurité remarquables, l'auteur démontre que les modalités d'exposition de la cible à la publicité doivent dépendre directement des objectifs recherchés. C'est également l'optique de Pierre GREGORY. Ils peuvent intérioriser cette croyance, ainsi elle n'est plus simplement cognitive, mais très motivante. Elle ne guide plus simplement, mais incite à l'action. Source : D'après Melford SPIRO "Buddhism and economic action in Burma" AMERICAN ANTHROPOLOGIST 68 du mois d'Octobre 1966. __________________ __________________ 7 - Certains chercheurs tels que Herbert KRUGMAN - 8 - Hubert A. ZIELSKE "The remembering and forgetting "The impact of television advertising : learning without involvement" PUBLIC OPINION QUATERLY, 29, Automne 1965, pp. 349-346 - pensent toutefois que dans nos sociétés occidentales développées, il est tout à fait possible - voire fréquent - que le consommateur passe directement au niveau 4, sans même passer par le niveau 3. A l'instar de Roland BARTHES, sans doute pensent-ils que nous ne consommons plus que des images et non plus des croyances. of advertising" JOURNAL OF MARKETING du mois de Janvier 1959, pp. 239-243. Voir également l'étude de Cyril FREEMAN, où il cite notamment Russell H. COLLEY qui en 1961, lia la mesure des résultats de la publicité à la définition d'objectifs publicitaires (DAGMAR : Defining Advertising Goals : For Measured Advertising Results) "How to evaluate advertising's contribution ?" Cyril FREEMAN, HAVARD BUSINESS REVIEW de Juillet / Août 1962 pp. 137-148. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 97 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ OBJECTIFS PUBLICITAIRES NIVEAUX D'INTERVENTION DE MOYENS DE CONTRÔLE DE L'ACTION PUBLICITAIRE L'EFFICACITE PUBLICITAIRE * Rendre sympathique un produit, une marque, une firme,... - Echelles de sympathie, de préférence AFFECTIF - Points d'image * Susciter une préférence. - Tests associatifs ou projectifs * Faire connaître un produit, une marque, une firme, une action,... - Questions sur la mémorisation, la COGNITIF notoriété (brute, assistée, prouvée). * Imposer les qualités et les avantages - Questions sur la compréhension, la avancés par le message. perception du message, sa valeur d'attention - Courbes de réponses mettant en relation l'exposition (en nombre de contacts) et la mémorisation (assistée, prouvée...). * Inciter les personnes d'une cible à acheter un produit, à choisir une - Question sur les intentions d'achat, PRE-COMPORTEMENTAL mesure du pouvoir de conviction des marque. messages. * Forger une attitude favorable à l'achat. - Echelles d'attitudes, différenciateur sémantique * Faire vendre un produit, améliorer les bénéfices d'une entreprise. - Suivi de la part de marché, de la CONATIF * Modifier des comportements pénétration, des premiers achats consécutifs à la campagne, des réachats, des croisements mediaproduits. - Plans d'expérience révélant la sensibilité des ventes à la pression publicitaire, l'élasticité prix - Observations (caméra pupillométrique) et comptages (marchés témoins, coupons-réponses) - Analyse de régression (variable indépendante = publicité ; variables dépendante = ventes). Source : "Le contrôle de l'efficacité publicitaire" Pierre GREGORY RECHERCHE ET APPLICATIONS EN MARKETING n°4 Janvier 1987 p.73 Dans un article paru en Janvier 19871 il expose lui aussi l'ambiguïté du terme d'impact, lui préférant un exposé des différents "outils de contrôle __________________ 1 - Pierre GREGORY, "Le contrôle de l'efficacité publicitaire" RECHERCHE ET APPLICATIONS EN MARKETING N°4 Janvier 1987, pp. 71-83. Voir également Stan RAPP et Tom COLLINS "La métamorphose du marketing : ou comment gagner sur vos marchés en maîtrisant la relation avec le consommateur" Editions PUBLI-UNION, Paris, 1991, pp. 92-96. correspondant à chaque niveau de l'action publicitaire" et permettant de mesurer l'efficacité publicitaire au regard des objectifs publicitaires poursuivis. Et l'auteur de préciser que s'il existait "une méthode incontestée d'appréciation de l'efficacité des campagnes de publicité ; combien plus délicate deviendrait soudain la position des agences conseils face aux annonceurs, des créatifs de ces agences Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 98 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ face à leur direction générale". Aussi présente-t-il le tableau synoptique précédent, des éléments de choix des On perçoit dès lors parfaitement combien la simple notion d'impact1 mise en avant par les publicitaires est réductrice. Toutefois, bien que conscient de cette relative imprécision du terme d'impact, en lui-même, ce dernier sera cependant conservé pour la présentation des éléments qui vont suivre. Non seulement parce qu'à défaut d'un critère absolument objectif, il est encore aujourd'hui l'expression la plus utilisée par les professionnels pour stigmatiser le premier effet d'une campagne sur sa cible2, mais surtout parce que l'absence d'une information totale pour chacun des exemples constitutifs de cette section ne permet pas une indication plus précise à ce jour. De fait, même si l'objectif final de la publicité reste de faire progresser les ventes, nous considérerons que cet impact représente à l'origine, la concrétisation d'un effet sur la cible, se rapportant à chaque fois à l'objectif initial poursuivi. Autant que possible, il __________________ 1 - Une analyse rétrospective détaillée des principaux auteurs à propos des techniques de mémorisation est présentée par Jean-Michel RONSSE dans son livre "MEDIA MARKETING", Editions DE BOECK UNIVERSITE, Bruxelles, Belgique, (1991) chapitre 8, pp. 137-167. 2 - Voir également : "Low recall and high recognition of advertising" Herbert E. KRUGMAN, JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Volume 26, du mois de Février / Mars 1986, pp. 79-86. moyens de contrôle de l'efficacité publicitaire en fonction des objectifs. sera indiqué ce que ce dernier représente, même si la plupart du temps, on peut considérer a priori, qu'il constitue essentiellement un facteur d'attention3, porté à la campagne par les éléments de la population cible. Ce n'est que dans le premier paragraphe de la section C, que l'on pourra distinguer certaines composantes de la perception de la publicité par la cible, à l'exposé notamment de différents travaux de recherche sur le recours à un porteparole publicitaire célèbre. On notera enfin pour conclure cette introduction, la mise en équation particulièrement réductrice, rapportée par Tsin KANEHISA4 au sujet de l'utilisation d'une célébrité par la publicité au Japon : "Les spécialistes ont même trouvé une formule montrant l'effet de cette symbiose commerciale, et permettant de mesurer précisément le degré d'appréciation que l'on peut attendre du public : si l'on suppose qu'aux yeux du public la marque x a une mauvaise cote : -2 (mal connue, ou de moindre qualité) et la vedette une très bonne cote : +3 (très populaire), l'assimilation de la marque x et de la vedette va conférer un recul de popularité à la vedette de deux points (-2 + 3 = +1), tandis que la marque x va remonter sa cote jusqu'à +1 (-2 + 3 = +1) grâce à la popularité de la vedette". __________________ 3 - Voir : John CAPLES "Tested advertising methods" Editions PRENTICE-HALL, Inc. (1974) Quatrième édition, Englewood Cliffs, NJ, Etats-Unis, page 205. 4 - Tching KANEHISA "La publicité au Japon" Editions MAISONNEUVE & LAROSE, Paris (1984) p. 124. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 99 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Vous faîtes alors normalement une économie d'argent et vous bénéficiez de tous les attributs d'image de ce personnage" explique Michel ROGALE5. Certains auteurs6 ont mis en évidence trois grandes écoles en matière de création publicitaire : la "brand image school" qui recherche essentiellement la présentation de l'image émotionnelle puissante du produit, la "logical presentation approach school"7 qui recherche une proposition spécifique à chaque produit, et la "visibility school" qui confie à la publicité la tâche de capter l'attention du consommateur par tout moyen susceptible de parvenir à un impact publicitaire. Dès lors, nous considérerons a priori que c'est essentiellement cet impact que le publicitaire8 recherche, lorsqu'il recoure à l'utilisation d'un __________________ 5 - Entretien privé accordé le 12 Juillet 1988. 6 - Voir notamment John R. STUTEVILLE et Marc D. ROBERTS "Marketing in a consumer oriented society" Editions WADSWORTH PUBLISHING, Belmont, Californie, Etats-Unis, 1975, pp. 208-214. 7 - On cite souvent Rosser REEVES et l'U.S.P. (Unique Selling Proposition) comme l'un des chefs de file naturels de cette école, alors que David OGILVY fait figure de Gourou de la "Brand image school". 8 - "Il existe une limite déterminée à ce dont le "L'avantage de l'utilisation d'une star c'est de faire le trou. Vous vous servez de ce personnage comme d'une locomotive qui va tirer votre marque, votre produit. En général, c'est un personnage connu, il est déjà médiatisé. consommateur peut se souvenir, au sujet des 30.000 marques bénéficiant de publicité. Il ne peut pas se souvenir de toutes les publicités qu'il lit, de la même manière qu'il n'est pas en mesure de mémoriser l'Encyclopédie BRITANNICA. [...] C'est comme si sa tête comportait une petite boîte pour chaque type de produits donné. Cette boîte est limitée par son incapacité à se souvenir ou par son manque d'intérêt." Rosser REEVES "Reality in advertising" Editions Alfred KNOPF, New York, 1961,1990, Etats-Unis, page 39. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 100 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ porte-parole célèbre. C'est la raison pour laquelle ce dernier peut parfois être recherché comme facteur antizapping. Enfin, nous étudierons cet impact dans le cas particulier de l'utilisation des personnages de bandes dessinées célèbres, au regard des cibles visées et/ou atteintes. 1 - Changement de ton de la communication L'une des causes majeures de l'essoufflement des résultats d'une campagne provient de la banalité du ton et de l'invariabilité du rythme dans lequel elle peut tomber, si les créatifs n'y prennent garde. Il est une maxime bien connue des publicitaire qui dit que : "l'indifférence tue l'impact". Or, l'originalité suscite l'attention dés lors que par nature elle diffère de l'habitude. L'utilisation d'une célébrité peut alors se révéler un excellent moyen de réveiller la communication, en cassant ce rythme par trop ronronnant et exsangue d'originalité. Elle permet généralement de contourner le problème de la répétition et redonne à la communication un bon taux d'attention, un bon score d'impact. En France, en 1984, l'agence GRAND PUBLIC utilisa le comédien Claude PIEPLU pour la collective du fromage de chèvre, de manière à réveiller la communication du produit jusqu'à lors très conventionnelle. Il n'y avait pas à proprement parler de lien évident entre Claude PIEPLU et le fromage de chèvre, mais son introduction dans le continuum de la communication utilisée jusqu'à lors permit retenir l'attention du téléspectateur. L'effet de surprise était assuré, l'impact de la campagne rétabli. D'aucuns d'ailleurs ne recherchent que cet impact, comme par exemple l'association Johnny HALLYDAY / Café LEGAL, depuis décembre 1990 et qui se différenciait fondamentalement de la communication précédente. "D'abord de la notoriété. C'était une opportunité, on n'a pas véritablement cherché une adéquation avec le produit. Johnny est quelqu'un qui a une image forte et il y a une bonne mémorisation de la campagne"9. Une si bonne mémorisation que le contrat du chanteur fut reconduit l'année suivante10. Là aussi, les exemples pouvant illustrer ce fondement de l'utilisation d'une célébrité sont très nombreux. Au Japon, en 1984, la marque de cosmétiques KOWA recourut à la célèbre chanteuse Mao DAICHI. Le cas __________________ 9 - Christian BARBIER, Directeur du Marketing LEGAL. "Les stars font-elles vendre ?" Alain CHARRIER, L.S.A. N°1266 du 22 Août 1991. 10 - A sa sortie, la campagne fut souvent critiquée au regard justement de l'absence de lien naturel entre le chanteur et le produit, et prédisant de ce fait des résultats catastrophiques. Toujours est-il que "la campagne Johnny de Décembre 1990 à Janvier 1991 nous a permis de gagner 1 point de part de marché en une année [...] Les campagnes Johnny ont définitivement assis notre notoriété. Auprès du public puisque notre taux en spontané est passé à 80% mais aussi auprès de la distribution. Certains accords de référencement tels que ceux de SYSTEM U ou PARIDOC en national ont été conclus grâce à ces campagnes. Les distributeurs se disaient : s'il y a Johnny dans le coup c'est que c'est du solide" commentait Yves RENAUD, Directeur Général de LEGAL. "LEGAL-Johnny : +1% par an" Emmanuelle FRADET-VANANTY, COMMUNICATION CB NEWS du 7 Septembre 1992. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 101 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ est également intéressant en raison du fait qu'il associa le vieux couple recherche d'impact / recherche d'identification. Lancée sur le marché depuis une dizaine d'années, les ventes progressaient normalement mais lentement. Pour accélérer leur évolution en rajeunissant l'image de la crème ANON, il fut décidé de rompre avec l'axe de communication utilisé jusqu'à présent. L'agence DENTSU, partit à la recherche d'une star, idole des jeunes, qui soit capable d'assurer cette mission. Elle devait être accueillie très naturellement par l'ensemble du public. La chanteuse Mao DAICHI fut choisie en fonction des critères âge, beauté de la peau, réputation et notoriété. Hidetada KOCHI11 nous expliqua qu'elle parvint à rompre le ton de la communication utilisée jusqu'à lors et occasionna un regain d'intérêt des jeunes consommatrices japonaises, avides d'utiliser elles aussi "la crème de Mao DAICHI". campagne : "Elevé au BANANIA". "Lorsque l'on dit : «EINSTEIN élevé au BANANIA», c'est un coup de chapeau. On essaye pas de faire entrer l'image d'EINSTEIN dans le BANANIA. C'est un clin d'oeil." nous expliqua Jacques SEGUELA12. Dénotant complètement avec la communication habituelle de BANANIA sur ses valeurs nutritives notamment, mais également avec celle de ses concurrents, cette campagne mise en valeur par des photographies de qualité - eut un énorme impact comme l'attestent les résultats du baromètre IPSOS-STRATEGIES présentés ci-dessous. Les résultats les plus élevés concernèrent les visuels qui présentaient un sosie légal d'Albert EINSTEIN et une imitation elle aussi légale de Don Diego de la VEGA, alias ZORRO pour les intimes du vengeur masqué. En 1988, la marque BANANIA accepta, sur les conseils de son agence R.S.C.G., de rompre avec sa communication habituelle en organisant une campagne d'affichage "multi-célébrités" avec l'image de RAMSES, HERCULE, MARIANNE, LEONARD De VINCI, LOUIS XIV, ZORRO et Albert EINSTEIN. Chaque affiche présentait une légende, courte en raison du support, mais toujours humoristique et surtout en rapport avec le personnage. Enfin chaque visuel était complété avec la signature de la __________________ 11 - Hidetada KOCHI : Directeur Général du bureau d'observation DENTSU FRANCE. Entretien privé accordé le 9 Juillet 1988. __________________ 12 - Entretien privé accordé le 31 Janvier 1989. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 102 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Scores en % Ensemble Hommes Femmes 18-34 ans Standard (boissons chaudes) Impact . reconnaissance . attribution Agrément . positif . négatif . Indifférent 78 64 81 65 74 63 78 69 46 19 77 22 1 77 21 2 76 24 - 81 19 1 54 40 6 "BANANIA: quel punch !" Baromètre IPSOS-STRATEGIES STRATEGIES n°609 du 23 Mai 1988 "L'objectif principal de cette campagne n'est autre que la volonté de réactualiser et positionner l'image de marque de BANANIA" expliqua Emmanuelle BREVAND1. Notons au __________________ 1 - Emmanuel BREVAND, Chef de produit BANANIA chez CORN PRODUCTS COMPANY. Extrait d'une interview par Véronique DAHM, STRATEGIES du 7 Mars 1987. passage qu'en utilisant plusieurs célébrités, toutes originales les unes par rapport aux autres, BANANIA évitait également la mémorisation de l'une d'entre elles au détriment de son produit. Par la suite, l'agence ajouta MERLIN L'Enchanteur ainsi que ATHOS, PORTOS et ARAMIS à sa galerie de célébrités et déclina la campagne en télévision. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 103 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Ce qui choque retient l'attention par nature. Dès lors, les célébrités à scandale sont souvent les plus extraordinaires instruments qui soient pour briser le rythme de la communication, en changeant le ton suivi jusqu'à lors. En 1985, la R.A.T.P. demanda à Serge GAINSBOURG de faire brûler non pas un billet de banque, mais un ticket de métro devant la caméra en lançant : "T'as le ticket chic, moi j'ai le briquet choc"2. Ce fut également le cas en 1987, aux EtatsUnis, lorsque la société NEW RETAIL CONCEPT misa sur l'idée de son agence KIRSCHENBAUM & BOND d'utiliser pour sa ligne de sportswear NO EXCUSES - «Pas d'excuse» dans sa traduction littérale -, l'ex-mannequin Donna RICE. Pour bien comprendre l'intérêt de cette proposition, il faut la replacer dans son contexte politique. L'idée d'utiliser un mannequin célèbre en publicité n'a rien d'extraordinaire en soi. En revanche, le fait d'utiliser un mannequin qui fit les semaines précédentes la une des journaux de la presse écrite et télévisée dans tout le pays, avait de quoi rompre avec le ton de la communication publicitaire habituelle. dernière avait été sa maîtresse ! L'agence avait alors sauté sur l'occasion en imaginant le scénario d'un spot publicitaire en adéquation avec le nom de la marque et la situation ainsi révélée. Donna RICE3, déclarait tout en riant, alors que la caméra faisait un travelling sur ses jeans pour finir sur son visage : "Je ne fais pas d'excuses (NO EXCUSES),... je les porte tout simplement." Sure du potentiel de son idée, l'agence avait également pensé à solliciter Fawn HALL, l'assistante de Lieutenant Colonel Oliver NORTH, très impliqué dans le scandale de l'IranGate4. Mais à l'époque, l'ampleur du scandale Gary HART les avait fait changer d'avis. Résultat : le candidat démocrate dû renoncer à briguer l'investiture de son parti, alors que les évolutions publicitaires de son exmaîtresse généraient une appréciable augmentation des ventes de jeans NO EXCUSES5... __________________ 3 - De surcroît, la réalisation de ce film n'était pas sans rappeler un autre spot américain, tourné quelques mois plutôt pour CALVIN KLEIN avec l'actrice Brooks SHIELDS, "Sign painters get the brush-off" Lenore SKENAZY, ADVERTISING AGE du 23 Mars 1987. 4 - En revanche, on notera la campagne anglaise pour la Rappelons que les primaires pour les élections présidentielles de 1988 venaient juste de commencer et que Gary HART, candidat à l'investiture démocrate, avait reconnu sous la pression des journalistes et les déclarations de Donna RICE, que cette __________________ 2 - "La mégalomanie chromatique du ticket" Béatrice WOLFSOHN, STRATEGIES n°495 du 18 Novembre 1985. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité banque GIRO exploitée en Février 1989 et conçue par l'agence BARTLE, BOGLE HEGARTY. Lancée la semaine d'ouverture du procès du Colonel NORTH, elle utilisait une photographie de l'intéressé avec l'accroche : "Avec quelques exceptions notables, personne ne peut transférer votre argent partout dans le monde avec plus d'efficacité que nous". On rappelera que le Colonel NORTH était accusé d'avoir vendu des armes à l'Iran et d'avoir illégalement transféré les fonds de la transaction au profit des Contras du Nicaragua. Pour le côté publicitaire, voir "BBH lampoons Oliver NORTH in GIRO first", Anonyme, CAMPAIGN du 3 Février 1989. 5 - "No excuses for sleazy marketing" Bob GARFIELD, ADVERTISING AGE du 14 Septembre 1987. "Nous avons choisi Donna parce qu'elle est un magnifique mannequin 104 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ A quelque niveau que ce soit, lorsqu'il est associé à la célébrité, l'humour peut lui-aussi se révéler un excellent atout complémentaire en faveur de l'impact. En 1966, pour rompre avec la traditionnelle présentation technique des avantages de sa méthode d'apprentissage des langues étrangères, ASSIMIL confia au comédien Pierre DORIS, le soin de réveiller sa communication en presse magazine. Pas question ici de faire appel à un linguiste distingué qui, bien qu'en parfaite adéquation, aurait vite fait de retomber dans le traditionnel discours technique des avantages / inconvénients. Et Pierre DORIS de personnifier divers adjectifs caractérisant le comportement possible du consommateur face au produit. Tantôt "surmené", tantôt "sceptique", tantôt "paresseux", le comédien rendait la communication plus proche du consommateur et l'annonceur put mesurer avec intérêt ce changement de ton de la communication. Cette solution est très souvent adoptée, parce que si la star est génératrice d'impact, l'humour l'est et qu'elle génère énormément d'intérêt de la part des media" déclaraient les responsables de NEW RETAILS CONCEPT, la société de marketing responsable de la campagne, in "People" Guy D. GARCIA, David E. THIGPEN, TIME du 24 Août 1987. Certains professionnels émettent cependant des réserves quant à l'utilisation de ces "adverse exposure", ces personnages dont la célébrité est issue d'un scandale. Ainsi, le célèbre agent américain Marty INGELS confiait-il au magazine de l'AMERICAN MARKETING ASSOCIATION, MARKETING NEWS, que "cette exploitation était condamnable [...] les implications sont évidentes ; et pour moi, symptomatiques d'une profonde et inquiétante lacune dans le cadre de la morale américaine" "Sleazy grab for bucks" MARKETING NEWS du 20 Novembre 1987. généralement lui-aussi. D'où l'intérêt synergique d'associer les deux lorsque c'est possible. Ainsi en 1971, la marque de pâtée pour chien, CANIGOU, fit appel à Philippe CASTELLI, désopilant dans sa tentative de démontrer que son compagnon était exceptionnel. Le comédien essayait de convaincre son chien - un basset - de sauter par dessus un journal porté à sa hauteur. Mais le chien, qui n'était pas nourri avec CANIGOU, refusait alors catégoriquement... Quelques mois plus tard, dans la même optique, Philippe CASTELLI fut sollicité par les magasins de la SAMARITAINE. Il parvenait alors à démontrer physiquement et matériellement que l'on ne trouve tout qu'à la SAMARITAINE. Dernière approche : lorsque le produit est si typé, si catalogué par le public, que ce dernier connaît ou plus exactement croit connaître à l'avance l'axe de sa communication publicitaire et ne s'y intéresse plus. C'est notamment le cas des titres de la presse dite de charme. En raison du positionnement et du contenu des magazines qui la composent, la communication tourne généralement autour de la présentation de très belles femmes, plus ou moins dévêtues et posant dans des positions dont la suggestivité est légalement contrôlée. Le sexe est encore très souvent un facteur d'impact. A la fin de l'année 1987, la version française du magazine PLAYBOY demanda à son agence CALLEGARI BERVILLE, de lui préparer une campagne d'affichage susceptible de rompre avec cette idée Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 105 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ préconçue, et capable d'attirer l'attention d'un lectorat plus important, par un moyen original. C'est ainsi que l'on vit s'afficher sur les murs de France, trois célébrités, qui par leurs fonctions ou leurs activités ne correspondaient pas aux mannequins utilisés d'ordinaire par le magazine. En effet, photographiés par Bettina RHEIMS, Charles HERNU (ancien Ministre de la Défense), Karl LAGERFELD (couturier) et Maurice PIALAT (metteur en scène) avaient tous les trois accepté de poser allongés, pour un poster triple pages, décliné en affichage. Ces visuels avaient pour accroche : "Dans PLAYBOY, les hommes exposent leurs personnalités" et étaient sous-titrés : "Tout ce qui touche les hommes est dans PLAYBOY". Le magazine souhaitait alors démontrer que les portraits peuvent être intellectuels, sans pour autant perdre de leur intérêt6. Rappelons qu'en 1975, lors d'une campagne presse magazine, PLAYBOY avait déjà eu recours à cette approche humoristique, en utilisant une photo de Woody ALLEN. mais surtout brisait lui-aussi le ton de la communication utilisé jusqu'à lors. Une star (masculine) était ici utilisée parmi de nombreuses autres stars (féminines), et de surcroît pour une lessive... Ce fut également le cas lorsqu'en 1987, Darry COWL apparut parallèlement à Alice SAPRITCH dans la campagne JEX FOUR8. "Il faut savoir finir une campagne pour la prolonger", nous expliqua Olivier BENSIMON9, "il est toujours embarrassant qu'une marque soit soutenue par une seule vedette. On ne sait jamais ce qui peut arriver avec tous les problèmes de droits, ça peut changer, elle peut elleaussi changer d'avis. Donc l'idée était de trouver un spot où la vedette change et j'ai écris un spot avec Darry COWL pour s'orienter vers un nouveau jeu. Les scores que l'on obtient montrent que le film fut bien reçu, qu'il communiquait bien, qu'il tenait la rampe et qu'il tenait le choc par rapport à Alice SAPRITCH. La vedette pèse moins que le produit, donc ça a joué un rôle d'équilibre qui est très important." Enfin, notons qu'une célébrité peut elle-même venir rompre le ton de la communication d'une autre célébrité. Certes, l'utilisation de Jacques DUTRONC7 dans la campagne WOOLITE constituait un clin d'oeil __________________ 6 - "Les non-lecteurs ont une fausse image du magazine" expliqua Pierre BERVILLE, Directeur associé de l'agence. "Le playmec de la semaine" Véronique DAHM, STRATEGIES N°588 du 21 Décembre 1987. 7 - "Le premier homme WOOLITE est arrivé" Patrick FIOLE, LE MATIN du 8 Novembre 1984 __________________ 8 - "Jexclusif : deux vedettes font la bombe" Olivier LAMOUR, STRATEGIES n°572 du 7 Septembre 1987. 9 - Olivier BENSIMON : Président de l'agence de communication SYNERGIE POLARIS / B.J.K.E. Paris. Entretien privé accordé le 25 Mars 1988. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 106 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ le spot n'a d'intérêt que si il bégaye. Au départ, il ne voulait pas et je l'ai obligé à bégayer, ce qui est une épreuve de force terrible." Ce bégaiement forcé permit à l'acteur de prononcer le nom de la marque JEX un nombre incalculable de fois. Pour l'anecdote, Olivier BENSIMON - qui ressemble par ailleurs physiquement énormément à Darry COWL10 - raconte que lorsqu'ils sont arrivés à Madrid pour le tournage, "Darry COWL n'avait pas ses lunettes, et il me dit que ce n'était pas grave, qu'il n'en avait pas besoin pour voir. Alors je lui ai répondu : «Mais Darry tu n'es pas Darry COWL, si tu n'as pas tes lunettes !» et ça a pris toute la matinée pour trouver des lunettes qui n'étaient pas les siennes, mais qui étaient quasiment les siennes, pour qu'il puisse jouer du Darry COWL. Autre gag, il ne bégaye pas dans la vie, il parle tout à fait normalement, je bégaye plus que lui ! Mais je voulais qu'il bégaye, parce que __________________ 10 - "Très souvent la personnalité d'un présentateur provient de roles cinématographiques ou télévisuels (homme dur, bon garçon, fin connaisseur, expert culinaire, etc.) et c'est un reflet de ce personnage que le présentateur apporte dans le film publicitaire" Keith V. MONK INTERNATIONAL ADVERTISING ASSOCIATION Report - "Guidelines : use of celebrities in advertisements", New York, Etats-Unis, Décembre 1985. Cette anecdote illustre parfaitement un point très important lors de l'utilisation d'un porte-parole célèbre par la publicité. Elle démontre si besoin était qu'une célébrité n'est pas seulement un visage, une voix, un nom,... C'est un ensemble de caractéristiques qui doivent impérativement être réunies pour permettre son identification par le public. Véritable paradigme de la Gestalttheorie, la star doit être considérée non pas pour l'une de ses caractéristiques, mais comme un ensemble de caractéristiques indissociables. Darry COWL ne bégayant pas et sans ses lunettes si typiques, n'était plus Darry COWL. Le publicitaire encourait alors le risque d'une interrogation de la part du public, pour savoir ce qui n'était pas conforme à l'image qu'il possédait de la star. JEX FOUR est un cas très intéressant car, il comporte deux exemples de stars utilisées pour deux objectifs légèrement différents. Comme nous l'avons vu, l'utilisation de Darry COWL illustrait parfaitement la volonté de changer de ton, tout en perpétuant la stratégie d'utilisation d'une célébrité. Alors que l'utilisation initiale de la comédienne Alice Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 107 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ SAPRITCH11 répondait quant à elle à un pur objectif d'impact. En 1952 aux Etats-Unis, le Commissaire à l'Eau de Toledo observa un phénomène étrange lorsque le célèbre show télévisé I love Lucy avec Lucille BALL et Desi ARNAZ fut diffusé sur l'unique chaîne de télévision de la ville. Il remarqua qu'à chaque écran publicitaire, il se produisait une baisse de pression extraordinaire de l'eau, pouvant être expliquée par le fonctionnement simultané de très nombreuses chasses d'eau12. On en déduit une attention moindre des téléspectateurs pendant les interruptions publicitiaires. 2 - Un facteur anti-zapping Concernant l'utilisation d'Alice SAPRITCH, Olivier BENSIMON13 raconte ce choix d'une star pas comme les autres. "Voilà un produit14 qui déplaît souverainement aux ménagères, aux femmes en général. Le four est une corvée épouvantable. Pendant deux ans on a fait un film qui était très proctérien, la mousse qui colle, la mousse qui colle pas, la saleté qui s'en __________________ 11 - Voir également "Le retour de JEX et d'Alice" MEDIAS n°85 du 8 Octobre 1984. 12 - Voir notamment : "Zapping nonsense : should television media planners lose sleep over it ?" Prema NAKRA, INTERNATIONAL JOURNAL OF ADVERTISING du mois d'Octobre 1991, pp. 217-222, ainsi que "Using high tech tools to measure audience" et "Zapping of TV ads appears pervasive" deux articles de D. KNEALY, THE WALL STREET JOURNAL du 25 Avril 1988. __________________ 13 - Entretien privé accordé le 25 Mars 1988. 14 - La célébrité peut ici jouer un rôle intéressant pour doter la marque d'un caractère discriminant. En effet, les détergents sont des produits souvent considérés comme génériques. En général, les consommateurs sont persuadés qu'il y a peu de différence quant à la qualité, d'une marque à l'autre. Voir notamment "Generics : their impact on national and private brands" John J. WHEATLEY, John S. Y. CHIU et Douglas ALLEN, ADVANCES IN CONSUMER RESEARCH, Volume 9, Ed: ACR 1982, pp. 195-200. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 108 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ va, la saleté qui s'en va pas. Zéro ! Résultat, quasiment zéro ! J'ai pensé à Alice SAPRITCH et en ai parlé au client qui a dit pourquoi pas. C'était un peu un joker. On allait faire de l'antivedette, de l'anti-héroïne. A la limite je dirais qu'elle a une tête à mettre dans le four, sans méchanceté, faut pas le dire mais c'est un peu vrai, elle a un physique un peu ingrat. Mais elle avait un charisme, et je parlerais plutôt de ça. Je dois dire pour être sincère, que j'ai beaucoup hésité entre Alice SAPRITCH et Jacqueline MAILLANT. J'ai beaucoup hésité, et très franchement, j'ai pensé au début que Jacqueline MAILLANT serait mieux. Mais en parlant avec le client, le client m'a dit que peut-être Alice SAPRITCH, etc. Bon ! On a pris le risque et je lui ai écrit un spot où : «Avant j'étais moche, ma vie était un enfer,...». Ce spot a eu un impact formidable. On avait 17 à 18 % de parts de marché, on est passé grâce à elle, grâce à ce spot, à pas loin de 50 %. On a pris en trois ans, une part de marché considérable, grâce à Alice SAPRITCH puis à Darry COWL qui renouvela le genre." Progression de la Pdm de JEX Four 1981 1982 1984 1985 1986 Part de marché en % 26% 33% 37% 46% 49% Source : L.S.A. n°1266 du 22 Août 1991 Le produit et son mode de distribution n'ayant pas été modifiés, il est indéniable que par son talent, la comédienne a, dès 1982, contribué au succès de cette communication et par là-même à l'augmentation de la part de marché. Or, il s'agit d'un détergent. Pourquoi et comment penser utiliser une star du cinéma pour ce type de produit. Quelle était la crédibilité du porte-parole ? Mais là réside l'un des principaux atouts d'une célébrité. On se retourne sur son visage, on est attentif à ses évolutions sur le petit écran, on écoute son message1. Pour __________________ 1 - "Il existe plusieurs raisons pour lesquelles un porte- parole célèbre peut être influent : ils attirent l'attention sur les publicités dans le flot encombré des messages, ils sont perçus comme plus divertissants et ressentis comme dignes de confiance en raison de l'absence d'intérêt personnel. Le dernier élément tient de l'idée réçue que les grandes stars ne travaillent pas simplement pour la quelle raison ? Simplement parce qu'elle est célèbre, et que cette célébrité lui confère de l'impact. Le public la connaissait avant qu'elle n'apparaisse dans le film publicitaire, mais il regarde ses nouvelles évolutions, intrigué, amusé, intéressé. En 1990, l'agence britannique HOWELL HENRY CHALDECOTT LURY eut à concevoir une campagne pour son client MIDLAND BANK, qui lançait FIRSTDIRECT, une banque sans guichets. "C'est la première pub rémunération de leur témoignage, mais sont motivées par une sympathie réelle pour le produit. L'expérimentation réalisée par les auteurs vérifie alors le modèle de HOVLAND (voir note de bas de page infra, page 195). "An experiment revealved the effectiveness of celebrity endorsers" Charles ATKIN et Martin BLOCK, JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Volume 23, N°1, Février / Mars 1983 pp. 57-61. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 109 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ qui reconnaît la réalité du zapping" déclara à la presse, Steve HENRY2, l'un des créatifs de l'agence. Quelques semaines après le film du lancement, simulant une invasion hertzienne, les téléspectateurs virent apparaître l'actrice Charlotte RAMPLING qui leur conseillait de rester sur ITV pour connaître les avantages de FIRSTDIRECT ou contraire de passer sur CHANNEL 4. Une surimpression venait compléter ce message avec les mentions : ITV / optimiste d'une part et CHANNEL 4 / pessimiste d'autre part. chaîne, notamment pendant les pages publicitaires qui interrompent le programme qu'il regardait initialement. La propagation des zappeurs est principalement favorisée par le nombre croissant de chaînes. Ce comportement s'est considérablement développé depuis la quasi généralisation des télécommandes à distance4 qui permettent au téléspectateur (zappeur) de changer de chaîne sans même avoir besoin de se déplacer5. En France, le Véritablement apparu / considéré au début des années 1980 aux Etats-Unis3, le channel switching ou zapping, de l'anglais "to zap" (se déplacer rapidement), est en publicité, le fait pour un téléspectateur de changer de 4 - Une étude intitulée "le loisir des Français" menée en __________________ 5 - Le zappeur ne doit cependant pas être confondu avec le 2 - "G-B : HOWELL HENRY CHALDECOTT LURY, l'agence de l'anti-pub" Isabelle MUSNIK COMMUNICATION CB NEWS N°173 du 18 Juin 1990. 3 - Déjà dans en 1983, Bill ABRAMS pointait ce phénomène du doigt, expliquant que les annonceurs seraient rapidement contraints d'en tenir compte. "Marketing : zappers switch off TV ads and scare some media buyers" Bill ABRAMS, THE WALL STREET JOURNAL du 6 Octobre 1983. Dans "Profiling the zappers", JOURNAL OF MARKETING RESEARCH n°25, Avril/Mai 1985 pp.15-19, Carrie HEETER Coordinatrice du laboratoire de technologie de la communication de l'Université d'Etat du Michigan - et Bradley S. GREENBERG Professeur de télécommunications dans la même Université, mettaient en évidence que les hommes zappaient plus que les femmes, les jeunes adultent plus que les anciens, les enfants plus que leurs parents. Mais surtout, l'étude démontrait que parmi les motivations au zapping, la première était conduite par la curiosité pour savoir ce qu'il y avait sur les autres programmes, immédiatement suivie par la volonté d'éviter les publicités. Voir également : "Advertising, principles and practice" William WELLS, John BURNETT et Sandra MORIARTY, op. cit. page 238. __________________ 1988 par l'INSEE, indiquait que 60 % des personnes interrogées reconnaissaient avoir modifié leur comportement depuis l'utilisation d'une télécommande. On estime que la possession d'une télécommande double la potentialité du facteur zapping. Voir également Carrie HEETER et Bradley S. GREENBERG, op. cit. p.18. zippeur dont le comportement est plus sophistiqué d'un point de vue technique. Le zippeur sélectionne le programme qu'il souhaite regarder et l'enregistre sur bande vidéo. Lors de la projection de son programme, il utilise les fonctions d'avancée rapide de son magnétoscope pour dépasser les pages publicitaires. Si le zappeur contourne l'exposition publicitaire, le zippeur réduit de surcroît le facteur temporel, de l'interruption de son programme. Le spécialiste identifiera également le flipping qui consiste à changer de chaîne avec pour simple motivation le plaisir du changement de chaîne ; le switching ou changement de chaîne décidé (parfois prémédité) dans le but de regarder un programme précis ; le grazing - du verbe "to graze" en anglais, qui signifie paître / brouter - qui consiste à passer d'une chaîne à l'autre de manière à regarder plusieurs programmes simultanément. Voir également : "Zipping, Zapping and nipping" Philip J. KITCHEN, INTERNATIONAL JOURNAL OF ADVERTISING du mois de Mai 1986 pp. 217-222, "Mass communication : an introductory survey" James D. HARLESS, seconde édition, Editions Wm. C. BROWN PUBLISHERS (1990), Dubuque, IA, Etats-Unis, page 323, et "Discrimination Vs. avoidance : "zipping" of television commercials" John J. CRONIN et Nancy E. MENELLY, JOURNAL OF ADVERTISING Volume 21, n°2 du mois de Juin 1992, page 6, qui expliquent qu'il n'existe pas de moyens de lutte réellement efficaces si ce n'est peut être pour le premier film de l'écran. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 110 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ phénomène est plus récent6. Cependant, de 1983 à 1989, le nombre de séquences d'écoute quotidienne a doublé7. Une typologie développée conjointement par le C.N.R.S. (Centre National de Recherche Scientifique) et l'I.N.A. (Institut National de l'Audiovisuel) permet la construction d'un mapping à deux axes où sont présentées 5 familles de zappeurs : + Les zappeurs fous : 20 % Utilisation quasi systématique de la télécommande pendant le carrefour de 20h30, cumul d'un grand nombre de séquences courtes (de 1 à 6 minutes). On retrouve ces individus dans les couches sociales élevées de la population, bénéficiant d'un équipement audiovisuel qualitativement et quantitativement important. + Les infidèles : 20 % __________________ 6 - Voir notamment : "Le zapping n'a pas «encore» saisi la France" Eric de BRANCHE, STRATEGIES n°522 du 23 Juin 1986 et "Qu'est-ce qu'ils font pendant la pub ?" Dossier spécial zapping, Estelle LEROY et Marc PELLERIN, COMMUNICATION & BUSINESS n°83 du 13 Juin 1988. 7 - Etude CNET-CNRS réalisée sur un panel constant MEDIAMETRIE en Juin 1989 (base de 1.913 ménages). En 7 ans le nombre de séquence par jour est passé de 11 à 23. Or, si l'on ne constate pas de grande différence entre les différents jours de la semaine, en revanche, l'intensité du zapping est variable selon l'heure de la journée. Ainsi, la période access prime-time est beaucoup plus propices aux séquences courtes (moins de 10 secondes) que pendant le prime-time. Cela confirme en partie une étude menée par Barry M. KAPLAN, Vice-Président, Directeur des Media à l'agence TED BATES de New York en 1985 et reproduite dans JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH n°25, Avril/Mai 1985, pp.9-12. Intensité de fractionnement de l'écoute moindre que les zappeurs fous. Le zapping joue ici une fonction sélective. On retrouve ces individus dans les catégories socioprofessionnelles intermédiaires de la population. Ils sont généralement jeunes, fortement équipés et regardent peu la télévision. + Les modérés : 20 % Positionnés légèrement au dessus de la moyenne quant au fractionnement de l'écoute. On les retrouve également dans les catégories socioprofessionnelles intermédiaires de la population et ils se distinguent par le jeune âge du chef de famille. + Les nonchalants : 17 % Très au dessous de la moyenne sur le plan des indicateurs de fractionnement de l'écoute. Ils regardent la télévision un peu plus que la moyenne des Français. + Les contemplatifs : 23 % L'exemple type du foyer téléphage, inactif et relativement âgé pour la plupart. Ils regardent au moins 30 minutes de programme avant de changer de chaîne, puis conservent ce nouveau choix. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 111 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ En constante progression, le nombre de zappeurs préoccupe les annonceurs du monde entier. Chez NIELSEN, le zapping a implicitement causé la création d'une nouvelle chaîne par les appareils de mesure d'audience. Ainsi, lorsque le téléspectateur change de chaîne plus de trois fois dans un laps de temps de 30 secondes, l'appareil affecte ce temps à la "pseudo-chaîne" recherche1. Aux Etats-Unis, où en 1988 la société d'Etudes PERCY évaluait à plus de 60% le nombre de téléspectateurs reconnus non attentifs à la publicité, de nombreuses idées virent le jour pour tenter de pallier ce __________________ problème d'audience. Parmi les plus originales on note celle qui consistait à faire précéder la page de publicité par un écran noir de quelques secondes. De retour sur sa chaîne initiale, le téléspectateur zappeur était alors piégé par la page de publicité qui débutait. Cette solution fit l'objet de longues études, car elle permettait par ailleurs de récupérer des téléspectateurs qui avaient déserté physiquement le petit écran le temps de l'interruption publicitaire, pour des raisons alimentaires ou plus strictement personnelles. Une seconde idée fut de coordonner les plages publicitaires en même temps sur les différentes 1 - "SOFRES-NIELSEN : Le zapping c'est nul !" Pierre MESNIER, STRATEGIES N° 684 du 22 Janvier 1990. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 112 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ chaînes2. Ainsi, même si le téléspectateur zappait, il se trouvait piégé par d'autres spots publicitaires sur les autres chaînes. En définitive, de par leur mise en application complexe ou leur important coût relatif, aucune de ces solutions ne fut réellement et officiellement retenue, et les grandes sociétés d'étude de l'audience se concentrent aujourd'hui sur la mesure de plus en plus précise du nombre de zappeurs, de leurs caractéristiques, ainsi que sur les raisons de leur comportement. De nombreux progrès techniques permettent ainsi d'enregistrer très précisément les zap et les zip et mèneront peut-être un jour, à l'obtention d'une solution miracle3. Solution d'autant plus attendue qu'aujourd'hui, seule la nouvelle génération d'appareils de reconnaissance passive - du type MOTIVAC - permettent "réellement" de savoir si les panelistes sont toujours devant leur poste4 ! __________________ 2 - Cette solution est non-officiellement parfois pratiquée en France. 3 - Franck McDONALD, Directeur des media et des services marketing de la sociétée CUNNINGHAM & WALSH de New York analysait déjà en 1986, le problème de la durée de certaines coupures publicitaires pendant les films. Dépassant les 5 minutes, elles favorisent naturellement la lassitude du téléspectateur. De surcroît, l'allongement de ces pages de publicité a permis au téléspectateur de prendre l'habitude de faire autre chose y compris rechercher un meilleur programme -, dès lors qu'il sait désormais pouvoir compter sur un laps de temps suffisant. "Zapping the clutter", Franck McDONALD, ADVERTISING AGE du 29 Septembre 1986. Voir également "Zapping of TV ads appears pervasive" THE WALL STREET JOURNAL du 25 Avril 1988. 4 - Déjà en 1985, Barry KAPLAN (op. cit p.12) préconisait un raccourcissement des écrans publicitaires pour éviter le contournement de la publicité par le téléspectateur. Le Pour conclure, on peut s'interroger sur l'évolution du phénomène zapping en parallèle de la généralisation future du procédé PiP5. Les comportements seront-ils les mêmes ? Comment les sociétés de mesure d'audience comptabiliserontelles alors les téléspectateurs ? Pendant ce temps, certains publicitaires émirent l'hypothèse qu'une célébrité, par l'impact qu'elle crée, pouvait être l'une des solutions au zapping et à l'attention6 dès lors que le film concerné était le premier film de l'écran, ou tout au moins parmi les premiers. Cet impact ayant lieu dès les premières secondes du spot, la star peut alors jouer le rôle de facteur captif anti-zapping. "Une personnalité est toujours un critère d'attention" confirme Bernard BROCHAND7. En revanche, il est bien évident que si la réalisation n'est pas à la hauteur des attentes du public, le sursis antizapping n'est que de quelques secondes. Alors, sans que la célébrité ait le temps de délivrer son message et programme reprenant plus rapidement, il est alors moins tenté de passer sur d'autres chaînes, voire de quitter physiquement son écran. 5 - Procédé Picture in Picture, permettant d'insérer un ou plusieurs écrans de plus petite taille sur l'écran prinicpal de manière à suivre simultanément plusieurs chaînes à la fois. 6 - Voir également : "VCR users do without ads : study" ADVERTISING AGE du 31 Octobre 1983 ; "In search of zap-proof commercials" Felix KESSLER, FORTUNE INTERNATIONAL du 21 Janvier 1985 ; "Advertisers need quick fix for zipping, zapping" Ronald B. KAATZ, MARKETING NEWS du 9 Mai 1986, "America zaps !" collectif, TV GUIDE du 15-21 Août 1992. 7 - Entretien privé accordé le 11 Mai 1988. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 113 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ notamment le nom de l'annonceur, le téléspectateur porte déjà son attention sur d'autres programmes. Ce qui fait dire à Jean-François VARIOT8 "qu'il n'y a pas d'effet magique chez les stars" et qu'elles ne peuvent par conséquent constituer un élément anti-zapping, rejoignant ainsi Hubert De 9 MONTMARIN qui pense que "le seul critère anti-zapping, ce n'est pas une star, mais le plaisir et l'intérêt qu'ont les gens à voir une campagne". Michel ROGALE10 nuance en expliquant que selon lui "la star est immédiatement repérable. Si elle est sympathique au consommateur, il va la garder avec lui pendant les 30 secondes ou les 45 secondes. Si au contraire il l'a repérée et qu'il ne supporte pas cette star, il va zapper. C'est clair. On a tous ce genre de réflexes." Mais les professionnels sont en définitive très partagés sur ce sujet. "Bien sûr puisqu'elle est génératrice d'impact. C'est l'impact qui tue le zapping. Je pense d'ailleurs que l'on est encore au début de l'utilisation des stars dans la publicité, et que l'on sera de plus en plus obligé d'utiliser tous les moyens d'intérêt possible dans nos petites trente secondes" explique Jacques SEGUELA11. "Lorsque vous __________________ 8 - Jean-François VARIOT, P.D.G. de l'agence de publicité EQUATEUR. Entretien privé accordé le 24 Mai 1988. 9 - Hubert de MONTMARIN, Directeur Général de l'agence de publicité JEAN & MONTMARIN. Entretien privé accordé le 6 Juin 1998. 10 - Entretien privé accordé le 12 Juillet 1988. 11 - Entretien privé accordé le 31 Janvier 1989. utilisez une personnalité, vous captez sa personnalité et essayez de la faire rebondir sur votre produit. La difficulté est que le produit reste vainqueur" considère Annie POUSSIELGUES12. "Il est vrai que si un personnage dispose de qualités personnelles par son talent ou son aspect physique, ce qui est encore le mieux, qu'il donne envie d'oublier qu'il parle de publicité, pour ne plus se complaire que dans l'utilisation du personnage, c'est vrai que c'est l'arme absolue précise Richard DEROURE13, mais avec tout de même le risque que le personnage fasse oublier le produit." En 1987, l'agence DOLCI DIRE fut l'artisan d'un film publicitaire réalisé par le metteur en scène Vincent de BRUSS pour l'exposition CITECINE à la Cité de Sciences de LA VILLETTE. Le concept original était de montrer un montage image par image du contenu de l'exposition. Or, il était très difficile de faire un montage intéressant et surtout capteur d'attention sur quelque chose qui n'existait pas encore. L'agence eut alors l'idée originale de mettre en scène Gérard JUGNOT14. Le gros plan immédiat sur l'acteur munit de lunettes noires, accessoire essentiel d'une star, __________________ 12 - Annie POUSSIELGUES, Vice-Présidente de l'agence de publicité C.F.P.. Entretien privé accordé le 30 Mai 1988. 13 - Richard DEROURE, P.D.G. du groupe de communication DOLCI DIRE. Entretien privé accordé le 17 Mai 1988. 14 - "DOLCI DIRE martyrise Gérard JUGNOT" Véronique DHAM, STRATEGIES N°583 du 23 Novembre 1987. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 114 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ était alors le facteur anti-zapping, et le scénario du film suffisait ensuite à conserver l'attention du téléspectateur. Richard DEROURE raconte : "Nous avions choisi Gérard JUGNOT parce que c'est un comédien fantastique, et que c'est un comédien qui est aussi bon quand il parle que quand il ne parle pas. C'est aussi un mime. Or, nous voulions le mettre en scène avec Henri CHAPIER qui lui au contraire est très bavard." Pendant cette interview de Gérard JUGNOT, Henri CHAPIER est en définitive le seul à parler ! Et Richard DEROURE de conclure : "Un coût de production et d'espace très limité est toujours pour les créatifs une incitation à trouver quelque chose de très provocant." L'utilisation d'une célébrité comme facteur anti-zapping peut également naître pour des raisons de fortes concurrences conjoncturelles. Certains produits ont une consommation relativement saisonnière. En France, les glaces par exemple, voient leur consommation se concentrer essentiellement pendant l'été et par tradition, lors des fêtes de fin d'année. Cela occasionne sur les écrans profusion au même moment, de spots des différentes marques. En 1988, l'agence ALS CONSEIL eut l'idée de recourir à la chanteuse LIO pour la communication de son client, les glaces PILPA15. Même si elle avait été choisie par l'agence parce que "féminine, savoureuse et impertinente, elle __________________ 15 - En 1991, pour se rapprocher un peu plus de ses plus jeunes consommateurs et capter leur attention, PILPA utilisa les personnages des dessins animés de la WARNER tels que Daffy DUCK et Bugs BUNNY. correspondait à la personnalité de la marque" (sic), la chanteuse n'avait, a priori, pas de véritables rapports avec les glaces. Or, son utilisation originale par rapport aux films concurrents parvenait parfaitement à capter puis conserver l'attention du téléspectateur peu habitué à voir une star jouer au billard avec des boules de glace. Pour retenir immédiatement l'attention, l'agence eut même l'idée d'adapter la chanson en vogue de la star "Je casse tout ce que je touche" en "Je glace tout ce que je touche". La musique alors connue, jouait elle aussi le rôle d'un appréciable élément anti-zapping. En 1988, lorsque pour son annonceur, les salades 5ème SAISON, l'agence H.D.M. Lyon utilisa le concours de Monsieur Météo Alain GILLOT PETRE, c'était avant tout parce que le produit, peu connu des consommateurs, avait besoin d'un impact immédiat que la célébrité était éventuellement en mesure de lui fournir. Là aussi, hormis un éventuel lien indirect entre la météorologie et les salades, rappelons que la page météo d'un journal télévisé obtient toujours l'un des plus forts taux d'attention. Dès lors l'utilisation d'Alain GILLOT PETRE dans les écrans publicitaires du prime time semblait judicieuse. Les Américains ne s'y sont d'ailleurs pas trompés puisque Willard SCOTT, célèbre Monsieur Météo de l'autre côté de l'Atlantique, est lui aussi sollicité par de très nombreux annonceurs tels que la banque FIRST AMERICAN, les hôtels HOWARD JOHNSON, la boisson COCA-COLA, les peintures TRU-TEST WEATHERALL, le café MAXWELL Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 115 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ HOUSE, l'organisation NURSERY MARKETING COUNCIL, les magasins COTTER & COMPAGNY ou encore la collective de Agrumes de FLORIDE qui vit en lui un formidable porte-parole pour ses oranges, pamplemousses et citrons à travers le pays. En 1987, la COMPAGNIE FINANCIERE DE SUEZ fut privatisée. "On arrivait dans le domaine des privatisations après SAINT-GOBAIN et surtout PARIBAS qui avait eu en plus une campagne assez spectaculaire. Les premières privatisations avaient intéressé les Français parce que c'était les premières." explique Jean-Claude BOULET16, de l'agence B.D.D.P. qui réalisa la campagne pour SUEZ. L'idée fut alors de bâtir une campagne sur le thème "les stratèges de l'argent"17 en exposant les multiples capacités de SUEZ. Mais il fallait également avoir de l'impact. Un impact susceptible de générer rapidement de multiples actionnaires. Précisons que le contexte boursier était déjà assez morose et que la privatisation avait lieu au retour des vacances d'été. Autant d'éléments qui devaient être compensés par un élément exogène, capable d'introduire à la fois impact et séduction. Le choix de l'agence se porta alors sur le choix d'une célébrité : la première star française, ambassadrice du charme et de l'élégance, Catherine DENEUVE. __________________ Dans un premier film18 lancé le 14 Septembre, d'une voix off, douce et posée elle racontait SUEZ pour n'apparaître que pendant les 7 dernières secondes. Elle s'adressait alors directement aux téléspectateurs pour conclure avec un conseil d'ouverture : "Réfléchissez !". La rareté des prestations publicitaires françaises de la star ajoutait également à son impact. Une fois le concept installé, un autre film la montra plus longuement, par la suite. Les stars sont liées à l'argent ; une star comme Catherine DENEUVE exposant la manière de l'investir attira inévitablement l'attention du téléspectateur. Or, survint l'inattendu : le krach boursier international. Le spot ainsi que la prestation de Catherine DENEUVE furent amplement critiqués par certains journalistes assimilant la plupart du temps contexte boursier international et communication publicitaire hexagonale. On ne retiendra ici que deux éléments. En premier lieu, la campagne fut primée par les professionnels19 et ce à diverses reprises, ce qui est assez rare en France pour une campagne recourant à l'utilisation d'une personnalité20. En __________________ 18 - Catherine DENEUVE servait de lien à 4 films qui furent réalisés par Jean-Pierre ROUX, Pat MORGAN, Lester BOOKBINDER et David BAILEY. A noter que les 4 films furent tournés en un temps record puisque la production ne s'est étalée que de la mi-Juillet au 1er Septembre. 19 - B.D.D.P. reçut pour la campagne SUEZ, le prix 16 - BOULET Jean-Claude : Manager co-fondateur du Société de Service du Grand Prix Stratégies 1988. groupe de communication B.D.D.P. Paris. Entretien privé accordé le 18 Mai 1988. 20 - Cinq ans plus tard, YVES SAINT-LAURENT 17 - "SUEZ : la parole est d'argent" Anonyme, STRATEGIES N°573 du 20 Septembre 1987. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité confiera au réalisateur Jean-Baptiste MONDINO, le soin de mettre en scène Catherine DENEUVE pour la ligne de cosmétiques de la marque et encore une fois, la campagne sera primée. Elle obtiendra le prix "secteur hygiène, 116 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ second lieu, si elle bénéficia d'un score de reconnaissance très élevé de 87 % et d'un score d'agrément de 61 %, elle obtint surtout un score spécifique de 67 %, ce qui la classe en tête du hit-parade IPSOS des 30 meilleures campagnes télé de niveau 1 depuis 1982 en score spécifique. On notera cependant de moins bons résultats chez les hommes que chez les femmes. Le public masculin n'apprécierait-il pas les conseils d'une femme, et qui plus est Catherine DENEUVE, en matière de finance ? beauté, soins, accessoires" du Grand Prix Stratégies de la Publicité 1992. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 117 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Scores en % Ensemble Femmes Hommes film SUEZ Standards (Bud. = 4,9 MF) Impact . Brut 86 88 83 56 . Spécifique 67 72 61 22 . Prouvé 73 76 70 29 87 89 85 63 . Positif 61 64 58 64 . Négatif 22 21 23 20 . Indifférent 17 16 19 . Reconnaissance Agrément 10 "Suez : les stratèges de l'impact" Baromètre IPSOS-STRATEGIES STRATEGIES n°586 du 14 Décembre 1987 Les chiffres présentés ci-devant doivent cependant être relativisés dans le cas d'une comparaison au regard des standards, dès lors que le budget engagé par SUEZ n'avait rien de standard1. __________________ 1 - Alors que PARIBAS avait déjà dépensé un budget de 50 millions de francs pour sa campagne de privatisation, celui de la COMPAGNIE FINANCIERE DE SUEZ dépassa 62 millions de francs. Voir notamment "Des produits en panne d'image" Patricia LOUE, LE MONDE du Samedi 21 Novembre 1987 et "Rentable la publicité... Jusqu'où ?" Marc JEZEGABEL et Martine ROBERT, DYNASTEURS n°29 du mois de Septembre 1988. Il faut cependant noter que le message était très détaillé sur l'histoire et les métiers exercés par SUEZ. Ainsi cette relative "complexité" exigeait-elle un plan media important. On sait que dans ce cas, la répétition est impérative. Voir sur le lien entre la complexité du message et la répétition : "Ease of message as a moderator of reception effects in advertising" Punam ANAND et Brian STERNTHAL, JOURNAL OF MARKETING RESEARCH, Volume 27, Août 1990, traduction proposée par la revue RECHERCHE ET APPLICATIONS EN MARKETING "Le rôle modérateur de la compléxité du traitement des messages sur les effets de la répétition publicitaire", RAM Volume 6 , N°2 (1991) pp. 17-24. Les campagnes de lancement de produits sont les premières 2 "consommatrices" d'impact , car leur premier objectif est, avant de délivrer un message, de faire connaître le produit ou l'annonceur3. Le présentateur Antoine De CAUNES, participa pour ces mêmes raisons au lancement de la barre chocolatée MILKA NUSSINI. "C'est un coup de lancement" explique Jean-Michel __________________ 2 - "Leurs associations avec des marques sont pratiquées pour diminuer les risques de perception par le consommateur, en particulier pour de nouvelles marques, inconnues jusqu'à présent ou non encore essayées." in "What a spokesman does for a sponsor" Joseph M. KAMEN, Abdul G. AZHARI, Judith R. KRAGH, JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH, Volume 15, N#2, Avril 1975. 3 - "Les annonceurs devraient utiliser plus amplement ce type de porte-parole [célébrités] pour la publicité de leurs produits. Si le souvenir de la publicité et celui du nom de la marque sont les plus recherchés, les annonceurs devraient utiliser une célébrité comme porteparole." Hershey H. FRIEDMAN et Linda FRIEDMAN op. cit., pp.63-71 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 118 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ CARLO4 de l'agence YOUNG & RUBICAM qui avait la charge de ce lancement, "on arrivait avec une barre qui bénéficiait d'une expérience de chocolatier et non de confiseur comme de nombreuses autres. Il fallait faire une démonstration sur le produit qui plaise aux jeunes de 15 à 25 ans, sur un ton qui parvienne à être drôle et attractif. On a pensé à Antoine De CAUNES parce qu'il était le présentateur vedette d'une émission de rock depuis très longtemps et qu'il a l'humour de cette génération. De plus, il est sympa et parle avec un débit complètement accéléré." Au fils de trois films de 30 secondes, la star parvenait, imperturbable, à délivrer son message alors que divers éléments parasites (monstre, diable,...) venaient troubler sa prestation à dessein. "Le marché des barres légères possède beaucoup de leaders qui ont su faire de leurs campagnes de véritables légendes. Il fallait donc faire le trou dès le lancement et faire une campagne à fort impact"5. déjà originale en elle-même. Déclinée en presse magazine, télévision et affichage, cette campagne obtint elle aussi dans son ensemble et pour ses diverses exécutions, d'excellents scores d'impact. Deux vagues d'affichage eurent lieu, utilisant à chaque fois Grace JONES. La première du 1er au 15 Octobre 1984, la seconde, du 10 au 30 Septembre 1985. Le teasing, fort générateur d'impact lui-même, fut également utilisé à chaque fois. IPSOS calcula alors les résultats suivants : En 1984, il s'agissait toujours d'impact, lors d'une campagne d'affichage pour les automobiles CITROEN CX. L'agence R.S.C.G. fit appel la chanteuse et actrice, Grace JONES. Notons toutefois que la star venait ici parfaire l'impact d'une communication orchestrée par le metteur en scène Jean-Paul GOUDE et __________________ 4 - Entretien privé accordé le 28 Avril 1988. 5 - Cécile MOREL, Chef de Publicité sur NUSSINI chez YOUNG & RUBICAM, interviewé par Véronique DHAM, "MILKA ou la tentation" STRATEGIES N°584 du 30 Novembre 1987. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 119 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Scores campagnes CITROËN CX en % Moyenne Affichage du 19.10.84 Affichage du 8.10.85 voitures françaises Ensemble 18-34 ans Ensemble 18-34 ans (Ensemble) . Reconnaissance 84 87 67 75 46 . Attribution 41 48 39 47 22 . Confusion Agrément 31 31 15 16 14 . Positif 60 69 67 76 42 . Négatif 37 29 30 22 43 . Indifférent 3 2 3 2 15 Impact "Affiches de Pub 1983-1985" Phillipe BENOIT et Didier TRUCHOT Editions CHÊNE, Paris (1986) D'après les résultats de la p. 148 Cette campagne obtint de très bons résultats comme on peut le constater au vu des chiffres qui précèdent. En revanche, s'il existe une très nette différence entre la vague 1984 et la vague 1985, il serait risqué de comparer ces deux résultats sans précautions, même si tous les deux recoururent au teasing. En effet, il n'eurent pas lieu exactement à la même époque de l'année et quand bien même, encore faudrait-il considérer tous les éléments de la campagne tels que la création : buste stylisé de l'actrice dans la première vague, photographie et trucages dans la seconde ; le moment de l'enquête IPSOS - 4 jours après la première vague, 8 jours après la seconde - ; la pression publicitaire des concurrents ; le fait que la première vague consacra la totalité du budget à l'affichage, soit 2.300 panneaux - rare pour le secteur automobile -, alors que la seconde fut accompagnée d'un film à la télévision ; l'axe de la campagne : lancement de la CX injection turbo pour la première vague, lifting de la voiture pour la seconde,... Autant d'éléments différents qu'il est nécessaire de considérer pour ne pas tomber dans le piège de la comparaison hâtive. Mais cette campagne comporte un second intérêt qui illustre le fait que même en recourant à une star internationale, il est parfois difficile de décliner directement la campagne d'un pays à l'autre. La globalisation trouve vite ses limites à la rencontre des mentalités et des habitudes de chacun. "Je crois que c'est la meilleure utilisation de star qui ait été faite à l'agence et peut-être même en France." nous confia Jacques SEGUELA1, "Il y a une adéquation complète entre l'agressivité esthétique, un peu métallique de Grace JONES, et le restyling de la CX. Le film a beaucoup de talent et surtout les affiches. Sans __________________ 1 - Entretien privé accordé le 31 Janvier 1989. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 120 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ doute les plus belles affiches que j'ai pu faire. Lorsque l'on voit la CX dans sa coiffure ou l'affiche de Grace JONES où ses yeux sont remplacés par deux phares de CX. Cette campagne nous a d'ailleurs procuré beaucoup de soucis parce qu'elle a très bien marché en France et devait être Européenne. Mais elle a été refusée dans les pays un peu puritains comme la Suisse ou la Hollande, où l'on a été obligé de changer de campagne, tellement on a reçu de lettres d'insultes du consommateur de base. C'était une campagne très agressive. Grace JONES est noire, le consommateur dans beaucoup de pays reste très raciste même s'il ne l'avoue pas. Surtout, la création ne laisse jamais les gens indifférents. Elle devient passionnelle et provoque facilement l'amour ou la haine." Maintenant, si la star est par essence génératrice d'impact, il est toujours préférable de l'intégrer dans un scénario ou un décor qui mettra cet impact en valeur. C'est ce que compris l'agence OSCAR-INTERMARCO lorsqu'elle décida d'utiliser pour son client RADIOLA en mal de reconnaissance, les services des réalisateurs comédiens Gérard JUGNOT, puis Frédéric MITTERRAND2. __________________ 2 - "Le principe du maçon" Olivier DARMON, BAT n°99 du mois de novembre 1987. Frédéric BESSARD3, l'un des responsables du budget, précise les raisons de ce choix : "Dans la stratégie du groupe PHILIPS, RADIOLA était une marque qui était un peu suiveuse, une marque qui grâce à un réseau très provincial, très populaire, avait ce positionnement, et récupérait des acheteurs qui n'étaient pas couverts par la marque PHILIPS. En termes de produits, RADIOLA n'avait pas de plus qui lui permette d'avoir une communication innovatrice. Nous lui avons donc recherché une personnalité publicitaire. Cette personnalité publicitaire, nous l'avons faite en fonction des grands traits de caractère de la marque. Une marque à consonance française : RADIOLA. Elles ne sont pas nombreuses. Une marque qui du fait de sa distribution est très connue des gens, sympathique, sans frime et qu'ils apprécient pour sa solidité. Ce n'est pas du tout une marque haut de gamme à ce moment précis. Puis nous avons très vite porté notre choix sur le grand spectacle à la française et humoristique. Très logiquement, dans l'univers des Huns que l'on a développé à cette époque, on a cherché une vedette qui soit un accélérateur d'impact. C'était la pleine époque du Splendide et celle des gens du Splendide. Gérard JUGNOT est très vite devenu notre choix. Par ailleurs, nous travaillions avec Jean-Marie POIRE qui lui aussi nous recommandait JUGNOT." __________________ 3 - BESSARD Frédéric : Responsable commercial à l'agence OSCAR-INTERMARCO, Paris. Entretien privé accordé le 30 Mars 1988. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 121 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Le film magnétoscopes eut un score IPSOS de reconnaissance égal à 87 % et un score d'agrément de 89 %. L'agence réalisa un film pour les magnétoscopes, où grâce à l'arrêt sur image de sa télécommande, Gérard JUGNOT pouvait intervenir dans l'action et sauver sa Belle, des hordes de Huns ; ainsi qu'un film pour les téléviseurs où les Huns envahissaient le salon de la star pour lui voler son poste. Dans ce dernier film, Gérard JUGNOT tentait une riposte en brandissant la hache géante qu'un des Huns avait oubliée, mais se ravisait immédiatement après le grognement de l'un d'entre eux en lui susurrant "Vous oubliez votre serpette !". Ce fut l'élément le mieux mémorisé de la campagne. Pour l'anecdote, cette fameuse tirade ne figurait pas dans le story-board initial, et c'est sur proposition de Gérard JUGNOT au moment du tournage, qu'elle fut introduite. "Nous faisons un travail de collaboration termine Frédéric BESSARD, ce n'est pas un problème que l'idée vienne d'un acteur ou d'un réalisateur, si cela enrichit la communication". Au delà de l'anecdote, cette précision est relativement importante pour mesurer l'implication de la célébrité. Il sera toujours intéressant de rechercher sa participation active à la construction de la campagne, pour une prestation plus naturelle et donc normalement plus crédible auprès de la cible. Parfois, le publicitaire n'hésite pas à associer un soupçon de provocation pour que l'impact soit maximisé. Ce fut le cas de la campagne pour les sous-vêtements MARINER, que l'agence R.S.C.G. réalisa en 1986. Jean-Marie POIRE était une nouvelle fois derrière la caméra. Décidant de recourir à deux stars pour devenir les porte-parole de cette campagne, se posait une nouvelle fois le problème du produit. Comment le présenter ? L'agence eut alors l'idée de filmer deux véritables strip-teases. Si l'érotisme est fréquemment employé, le principe du strip-tease se rencontre assez rarement dans la communication publicitaire car il peut très facilement tomber dans le piège du vulgaire. Il est encore plus rare lorsqu'il s'agit de stars. Même l'actrice Kim BASINGER reste en négligé pour les bas GOLDEN LADY4. Décidé à provoquer un impact maximum, l'agence ne renonça pas à l'idée et parvint à convaincre deux stars de se déshabiller pour MARINER : le footballeur Dominique ROCHETEAU et l'écrivain Jean-Edern HALLIER. Ainsi, l'impact peut provenir de l'apparition de la star là où l'on ne l'attend pas du tout, sans recherche d'adéquation particulière. L'impact pour l'impact. Stratégie appréciable sur des marchés où sont présentes un grand nombre de marques, et où il est difficile de se distinguer par un plus produit. En 1986, l'acteur Jean-Marie PROSLIER surpris tous les téléspectateurs en tenue de Sol CARLUS, l'esclave de CESAR qui __________________ 4 - Voir notamment "BASINGER tours Europe, Japan in advertising" Michelle Mc CARTER, ADVERTISING AGE du 18 Février 1991 et "Kim BASINGER bissée par GOLDEN LADY" Philippe LATIL, COMMUNICATION CB NEWS n°270 du 28 Septembre 1992. Selon la société d'études PUBLIMETRIE, la diffusion du premier film en 1991 avait généré une augmentation de la notoriété de la marque passant de 20% à 35%. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 122 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ séduit CLEOPATRE par l'éclat de ses sols lavés avec TERRA de JOHNSON. En 1970, l'agence EUROADVERTISING réalisa pour son client le chocolat LANVIN, un film mettant en scène l'extraordinaire peintre Salvador DALI. Comme le précise JeanClaude BOULET5 de l'agence B.D.D.P., "il n'y a aucun rapport entre Salvador DALI et le chocolat à croquer. La star est alors un amplificateur, c'est tout.". L'impact de cette campagne fut tel que le spot fit le tour du monde. Jamais utilisé en publicité et pour un cachet de quelques 10.000 dollars, le souvenir du peintre de génie avec sa tirade : "Je suis Fou du chocolat LANVIN !" alors que sa célèbre moustache frétillait, reste encore aujourd'hui gravé dans bien des mémoires. Lors d'une interview réalisée sur le tournage du film, le Maître du surréalisme déclara que "l'unique différence entre DALI et un fou, c'est que je ne suis pas du tout fou. Mais sans être fou, j'apprécie comme la manifestation la plus... Pop, du cinéma, les intermèdes et le moment où je déguste les commercials [films publicitaires en anglais], justement dans lesquels il y a le chocolat LANVIN qui m'arrive,... qui me tombe sur la tête comme une figue !"6. Pour l'anecdote, il faut savoir que compte tenu de l'idée qui consistait à faire frétiller les moustaches du Maître pour attirer l'attention du consommateur, les publicitaires eurent recours à un masque de cire, réalisé spécialement à cet effet par le musée GREVIN. L'illusion était telle que personne ne s'en aperçut. Dix-neuf ans plus tard, l'agence C.L.M./B.B.D.O. lança la barre chocolatée PRALINI de LANVIN7. Le budget était très peu important et l'agence décida d'en consommer la totalité sur une seule journée - le dimanche 5 novembre 1989 - avec divers montages du film. Le scénario racontait l'histoire d'un casting réalisé en vue de trouver un sosie... du Maître ! L'impact du premier film avec DALI avait été tel, qu'il en restait encore quelque chose en 1989, dans la mémoire collective. Il existe enfin des cas où l'impact de la star est recherché en raison des connotations négatives qui entourent généralement la communication habituelle. C'est par exemple le cas de l'État et du Service Public en général. Annonceurs tout à fait particuliers, leurs messages peuvent à tout moment tomber dans un style direct ou non, ressenti comme autoritaire. Résultat, le public se détourne du contenu du message et la communication échoue. Il faut donc dans ces conditions dédramatiser. La star peut alors apparaître comme un générateur d'impact qui saura contourner - tout au moins en partie ces connotations négatives. __________________ 5 - Entretien privé accordé le 18 Mai 1988. 6 - "Interview de Salvador DALI", Anonyme, documentaire du Centre National d'Archives Publicitaires. __________________ 7 - "Pralini se lance en un dimanche" Alain CHARRIER, LIBRE SERVICE ACTUALITE N° 1184 du 10 Novembre 1989. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 123 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ En France, les exemples sont multiples de Bernard DARNICHE pour l'Agence pour les Economies d'Energie à Michel GALABRU pour le Ministère de l'Environnement. A l'agence SUCCESS / SLAD, Stan LEVY,8 qui mit en scène cette dernière campagne, se souvient : "Je cherchais d'une part un personnage qui puisse incarner le Français moyen ronchon, à la fois pour donner un impact à la campagne et en même temps une dimension populaire au message. Comme le message est un message transmis par un ministère, c'est toujours ressenti comme du prêchi-prêcha. Si vous décortiquez le contenu du message il est très très didactique, très sérieux. Alors Michel GALABRU, parce que l'idée est un Monsieur Français moyen, ronchon, qui a l'habitude en général de se plaindre du voisinage parce qu'il subit les nuisances. Ça s'est fait de la façon la plus simple et la plus farfelue compte tenu du comportement du bonhomme, qui n'a pas l'habitude de faire de pub. Il n'avait je crois, jamais fait de pub à l'image. C'est un homme qui n'a pas du tout fait un numéro de star. Ça a été pour moi, un régal de le diriger, parce que c'est une Rolls de la comédie. C'est ce qui m'a énormément surpris. Au cheveu près il vous sort l'intonation qu'il faut, la gestuelle qu'il faut. Ce fut très naturel. C'est un des comédiens les plus fins qui soit." Le 25 Octobre 1985 à 23 heures se produisit un événement qui changea __________________ 8 - LEVY Stan : Directeur de création de l'agence de communication SUCESS/SLAD, Paris. Entretien privé accordé le 27 Septembre 1988. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité la vie de 55 millions de Français9. Ce jour là, la Direction Générale des Télécommunications mit en place le système de la nouvelle numérotation. Si le célèbre bouton rouge sur lequel le Ministre des P.T.T. Louis MEXANDEAU appuya à l'heure dite était purement factice, l'opération de communication qui accompagna ce bouleversement fut elle, bien réelle. En raison de l'importance de cette opération, le budget total de communication était de 60 millions de francs. En Novembre 1983, après le lancement d'une spéculative entre les agences DELRIEU-DUPRAT, HAVAS Conseil, OPUS-HINTZY et PERCEVAL, c'est l'agence OPUSHINTZY qui fut chargée de la campagne publicitaire. Et c'est le présentateur vedette Léon ZITRONE fut retenu pour faire passer le message auprès des usagers. Assistée d'une petite fille pour rendre encore plus sympathique la communication, il expliquait avec sa précision habituelle, les modalités de ce changement. Pour l'anecdote on notera que le jour J, au Central Murat, lorsque Léon ZITRONE dut en direct passer officiellement le premier appel à 8 chiffres, il commit une erreur et tomba sur une abonnée inconnue... "Il faudra donc que Léon ZITRONE s'y reprenne à deux fois pour joindre Caroline, qui n'a pu s'empêcher d'éclater de rire en voyant son partenaire se tromper. Cette erreur imprévue aura finalement pour conséquence de crédibiliser __________________ 9 - "Un succès sur toute la ligne" Simone MUET et Jacques HINTZY, Editions de LA DOCUMENTATION FRANCAISE, Paris (1986). 124 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ immédiatement l'opération aux yeux et aux oreilles des journalistes" 10. Autre pays, autre exemple. L'objectif stratégique est similaire, mais la mise en application, différente. Aux Etats-Unis en 1987, le Ministère de l'intérieur décida de lancer une grande campagne en faveur de la préservation des parcs publics sur le thème : "Soyez fiers de l'Amérique". "Cette campagne fut développée à la suite des observations du Secrétaire d'Etat, M. HODEL, d'après lesquelles nous (Américains) ne serions pas capables de protéger 700 millions d'âcres de terre publique, si 240 millions d'Américains ne prenaient pas garde." nous expliqua Mark C. WESTERMAN, Vice-Président de l'agence W.B. DONNER qui eut la charge du budget. "Pour délivrer ce message, nous avons sélectionné des individus qui étaient perçus par les Américains comme très naturels dans ce rôle. Clint EASTWOOD, Charles BRONSON et Lou GOSSETT Jr.. C'était par ailleurs des vrais durs qui pouvaient inciter le public à faire quelque chose, à agir pour préserver ces ressources. Il ne suffisait pas d'obtenir une campagne dont on se souviendrait un an après, nous voulions une campagne qui les touche intérieurement et génère une réponse." C'est le Président Ronald REAGAN lui-même qui l'année précédente, avait personnellement adressé une requête __________________ 10 - "ZITRONC et DUTRONE : Les dessous d'un tournage fou" Philippe COLL et Philippe CHANCEL, CREATION n°5 du mois de Mai 1985 ; "L'histoire cachée de la numérotation" Philippe COLL, STRATEGIES n°531 du 6 Octobre 1986. en ce sens aux trois stars qui furent les porte-parole remarqués et écoutés de cette extraordinaire campagne11. Depuis 1950, le Service des Parcs Nationaux utilise le concours de sa mascotte, l'ours SMOKEY12, pour sensibiliser le public. Cette fois encore, la copy strategy recommandait une approche émotionnelle qui puisse mener à l'action. Bien qu'il s'agisse d'une campagne gouvernementale, l'agence W.B. DONNER choisit une approche beaucoup plus agressive de façon à obtenir le plus fort impact possible. Ainsi le film pouvait-il être interprété au premier ou au second degré. De surcroît, l'impact était aidé par la première participation publicitaire de Clint EASTWOOD hormis son engagement dans la lutte contre la drogue -13. De même que les acteurs Lou GOSSET Jr et Charles BRONSON, il se promenait dans un parc public et s'adressait directement __________________ 11- Voir également sur le communication des grandes causes, le chapitre 10 pp. 190-211, "Promoting through Mass Communication" in "Social Marketing : Strategies for changing public behavior" Philip KOTLER et Eduardo L. ROBERTO, Editions THE FREE PRESS, New York, Etats-Unis (1989). 12 - SMOKEY BEAR est même doté d'une licence commerciale cédée par le Service des Parcs Nationaux afin de récolter des fonds pour la prévention contre les incendies. "Old SMOKEY" Eileen KEERDOJA, NEWSWEEK du 15 Novembre 1976. 13 - L'acteur ne souhaita cependant pas apparaître sur les déclinaisons en presse écrite de la campagne. "Coming clean - President convinces tough guys to join for public lands" Janet MEYERS, ADVERTISING AGE du 13 Avril 1987. Voir également sur ces réserves de la star quant aux caractéristiques du plan-media, le cas de Catherine DENEUVE pour la COMPAGNIE FINANCIERE DE SUEZ page 573. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 125 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ aux téléspectateurs. Leur message concret exprimait leur dégoût et leur agacement de voir tant de gâchis, et la nécessité de prendre garde à la préservation des parcs publics en impliquant le téléspectateur. Les films se terminaient avec le logo de la campagne et l'adresse du comité de La mascotte du Service des Parcs Nationaux américains, SMOKEY the BEAR, est un animal encore aujourd'hui très célèbre aux EtatsUnis. Il est essentiellement destiné à séduire les enfants dans un premier temps, puis les parents par leur intermédiaire1. Il en est de même avec les personnages célèbres de bande dessinée ou de dessin animé qui ne sont pas toujours un facteur d'impact destiné à toucher une cible purement enfantine ? 3 - Les personnages de bandes dessinées : des cibles diverses Comment être d'accord avec David OGILVY lorsqu'il généralise et écrit que les dessins animés peuvent vendre aux enfants, mais que leurs __________________ 1 - "Alfred POFFENBERGER, psychologue très écouté des publicitaires, leur recommandait de s'adresser directement aux enfants. Ayant l'expérience des «difficultés considérables qu'on rencontre lorsque l'on s'attaque aux habitudes» des adultes, il insistait sur «l'importance qu'il y avait à faire passer l'innovation par le truchement des enfants»." Stuart EWEN "Conscience sous influence - Publicité et genèse de la société de consommation" Editions RES/Champ Urbain AUBIER MONTAIGNE, Paris (1977/1983), p.145. Voir également Vance PACKARD, op. cit. pp. 149-155, qui cite notamment les travaux de Clyde MILLER sur la manière de conditionner les réflex des enfants. soutien. Le résultat fut à la hauteur du pari. Des milliers de lettres parvinrent des quatre coins des Etats-Unis pour soutenir l'effort entrepris et une nouvelle campagne fut lancée à l'attention cette fois des enfants. résultats sont inférieurs à la moyenne quand il s'agit de vendre à des adultes2. En publicité, le seul principe général que l'on puisse considérer est qu'il est dangereux de généraliser. Notamment, dans le cas présent, lorsque ces dessins animés font par exemple eux aussi appel à une célébrité. Pourquoi cette approche serait-elle moins convaincante qu'un film ou une annonce avec des personnages réels, si les principes d'adéquation, d'originalité, de crédibilité et de bonne exécution sont réunis3 ? Divers exemples présentés ci-après viendront confirmer cette pensée. Lorsque l'on parle de célébrités, ce ne sont pas toujours des personnalités réelles, ou plus exactement des personnalités de chair et d'os. En effet, le talent de certains dessinateurs a, dans de nombreux cas, réussi à créer une personnalité dont les formes et le caractère étaient tout droit issus de leur fertile imagination. A l'exemple de nombreuses stars du cinéma, certains de ces personnages, telle la PANTHERE ROSE, naquirent d'un hasard cinématographique. Ce nonchalant personnage fut imaginé par __________________ 2 - David OGILVY, op. cit. p.109. 3 - "BD : Les publicitaires coïncent la bulle" Olivier LAMOUR, STRATEGIES n°595 du 15 Février 1988. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 126 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ les dessinateurs américains Fritz FRELENG et David De PATIE à la demande du metteur en scène Blake EDWARDS pour simplement donner une touche d'originalité au générique de son film The Pink Panther, en 1964. Qui aurait pu alors croire que c'était le début d'une longue carrière en tant que star du cartoon. Le personnage FIDO DIDO fut créé en 1985 par un Directeur Artistique de l'agence J. WALTER THOMPSON de New York, Susan ROSE. Sa conception provient d'un griffonnage sans intention que Susan ROSE avait fait sur un napperon de bar... L'année suivante, il devint l'une des plus grandes stars du licensing4 par l'intermédiaire de la société UNITEDMEDIA. En 1990, il devenait le porteparole publicitaire international n°1 de la boisson SEVEN-UP5 à travers le monde. Devenant ainsi, eux aussi des célébrités, ces personnages de bande __________________ 4 - Il arrive parfois que l'on rencontre le terme de merchandising utilisé pour représenter cette utilisation de droits dérivés. C'est là un abus de langage dû à une traduction littérale sans précautions. Le merchandising peut être défini comme l'élément du marketing englobant toutes les techniques commerciales qui permettent de déterminer l'emplacement et d'aménager le lieu de vente, puis d'y présenter le produit, dans des conditions physiques et psychologiques optimales. En fait, si l'on parle à tort de merchandising au lieu de licensing, c'est en raison d'une utilisation partielle du terme américain original pour désigner cette exploitation des droits dérivés : character merchandising. 5 - "FIDO-DIDO : l'impression sans blague" E.T., STRATEGIES n°650 du 10 Avril 1989, "FIDO DIDO manages to draw out the cool side of PEPSICO' SLICE" Bob GARFIELD, ADVERTISING AGE du 18 Juin 1990. dessinée ou de dessin animé constituaient naturellement un "outil" potentiel que la publicité s'est empressé de mettre à profit6. Aujourd'hui, tous se sont attachés une licence d'exploitation à des fins commerciales, parfois même beaucoup plus lucrative que la simple perception des droits de diffusion littéraire, télévisuelle et plus rarement cinématographique auxquels ils pouvaient aspirer. Ainsi, suivant le personnage et les conditions d'exploitation fixées par son créateur ou ses ayants droit, il est possible de défier les lois du cartoon et de la bande dessinée, en faisant courir WILL COYOTTE et BIP BIP non plus l'un après l'autre, mais pour les vêtements de sport NIKE, en utilisant la verve de DAFFY DUCK et le célèbre "What's up Doc ?" de BUGS BUNNY pour l'audiovisuel SONY, le pop-corn BAFF ou les glaces PILPA, en sollicitant le flegme de GASTON LAGAFFE pour le réseau télématique TRANSPAC ou pour l'Union des Transports Publics7, le sauvage RAHAN pour les vitamines ARKOGELULES, le marin POPEYE pour les comprimés HEPT-A-MYL, les confiseries KINDER ou les matelas DUNLOPILO, ou encore MICKEY pour rouler en CHEVROLET ou voler sur U.T.A. vers les Etats-Unis,... Quant aux professionnels, V.I.P., ALBERT-RENE, UNITED-MEDIA, __________________ 6 - "De nouvelles aventures pour TINTIN reporter ?" Dossier de L'INSTITUT DE L'ENFANT, Editions I.E.D. Paris, 1988. 7 - "LAGAFFE prend le bus" Eric de BRANCHE, STRATEGIES n°560 du 4 Mai 1987. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 127 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ WARNER Bros..8, A.P.M., BARAN LICENSING, WALT DISNEY, et quelques autres sociétés sont présentes sur le marché extraordinairement lucratif des droits dérivés, pour permettre aux célèbres personnages de bande dessinée et de dessin animé, de participer à différentes opérations publicitaires choisies9. Si l'on recherche la principale raison à cette utilisation, le premier réflexe serait de penser à la cible que l'on désire atteindre. L'équation est simple, la grande majorité du public de ces dessins animés ou de ces bandes dessinées est constituée par une population très jeune. Or, on sait que les produits pour lesquels le risque de performance ou risque socioéconomique est bas, la principale source d'information des jeunes se trouve être les media, alors que l'influence des parents et des pairs semble au contraire relativement faible ici, notamment chez les adolescents10. Dès lors, on comprend parfaitement que les barres chocolatées MILKY WAY utilisent la complicité du célèbre lapin, BUGS BUNNY, pour présenter publicitairement ses __________________ 8 - "BUGS BUNNY contre MICKEY" K.R., COMMUNICATION CB NEWS N° 157 du 19 Février 1990. 9 - "Marketers' ressource to licensing : special report" Collectif, ADVERTISING AGE du 28 Mai 1990. 10 - Voir notamment : George P. MOSCHI et Roy L. MOORE "Decision making among the young : a socialization perspective" JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 6 du mois de Septembre 1979, pp. 101-112. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité confiseries à ses jeunes consommateurs potentiels. "Dès 8 ans, l'enfant est capable de reconnaître dans un magazine, des pages de publicité d'autres types de discours, même si la page publicitaire met en scène un personnage de bande dessinée ou de télévision bien connu"11. C'est __________________ 11 - Georges RENOUARD "L'enfant et la publicité : Problèmes et résultats d'une expérience" p. 31. D'autres auteurs vont même plus loin : "Il semble que dès 2 ans et demie, les enfants se livrent à un «monitoring» c'est à dire que, sans regarder de façon constante, ils jettent fréquemment les yeux sur l'écran. C'est plus tard que l'assistance totale au spectacle télévisé commence, c'est à dire vers 4 ans et demi ou 5 ans" Jean MEE "L'enfant et la publicité : 10 ans d'expériences américaines" p. 121. Ces deux articles sont extraits du Séminaire I.R.E.P. sur "L'enfant et la publicité" d'Avril 1979. De surcroît, l'utilisation d'écrans séparateurs entre les publicités et les programmes ne semble pas affecter la perception / distinction des deux, par les enfants de 3 à 10 ans. "Program-commercial separators in children's television : do they help a child tell the difference between Bugs BUNNY and the QUIK RABBIT ?" Mary Ann STUTTS, Donald VANCE et Sarah HUDLESON, JOURNAL OF ADVERTISING n°10 du mois de Juin 1981, pp. 16-25. Voir également sur le lien entre l'enfant et la publicité : "Advertising directed at children / Endorsements in advertising" Reports by the Committee on Consumer Policy, OCDE Publications, Paris (1982), "Children and commercial persuasion : an attribution analysis" Thomas S. ROBERTSON et John R. ROSSITER, JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH 1, du mois de Juin 1974, pp. 13-20 ; et sur les campagnes de prévention menées aux Etats-Unis : "Group W. act ads urge parents to smarten up" Lenore SCENAZY, ADVERTISING AGE du 19 Janvier 1987. Voir également "Marketing to kids : Understanding the child consumer" Collectif, ADVERTISING AGE Special Report du 10 Février 1992. Manifestement, la publicité devra d'elle même se montrer de plus en plus honnête dans la présentation de ses produits à ces consommateurs bercés dès leur plus jeune âge par cette même publicité. Ils seront dès lors très probablement beaucoup plus exigeants que ne le furent les générations qui les précèdent. On notera toutefois q'une récente étude fait ressortir le fait que les enfants ont une attitude générale de plus en plus négative à l'égard de la publicité. Voir à ce propos : Glen RIECKEN et Ugur YAVAS "Children's general product and brand specific attitudes towards television commercials" 128 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ notamment ce qui motive les boissons FANTA, pour lesquelles l'agence Mc CANN ERICKSON crée de nouvelles aventures aux personnages de Walt DISNEY, MICKEY, DONALD, DINGO,... Jean-Claude ROBYN12 raconte l'adéquation de ce choix avec l'image du soft-drink : "Le concept d'utiliser des personnages de WALT DISNEY pour FANTA, est le fruit des cogitations de plusieurs agences Mc CANN dans le monde. Il est simple. On s'adresse à des enfants, qui sont prescripteurs, et l'acheteur est la mère de famille. Les enfants de l'âge de ceux qui boivent FANTA, on le sait aiment WALT DISNEY, il n'y a qu'à voir le succès du DISNEY CHANNEL. En second lieu, les mères de famille aiment WALT DISNEY, pour beaucoup de raisons. Ce sont des personnages qu'elles ont elles-mêmes connus lorsqu'elles étaient enfants, elles les trouvent sympathiques et ils sont très rassurants par rapport aux personnages des dessins animés japonais comme GOLDORAK et autres monstres de l'espace."13 Des stars en parfaite INTERNATIONAL JOURNAL OF ADVERTISING du mois de Septembre 1990, pp. 136-148. Il est donc impératif à la publicité de s'adapter, au risque de ne pas faire bénéficier ses produits du formidable effet prescripteur que représentent les enfants. En France en 1990, on estimait qu'ils influençaient 43% des dépenses des familles. "L'enfant, la pub et la TV" Caroline de MALET, MARKETING MIX n°68, Décembre 1992/Janvier 1993. 12 - Jean-Claude ROBYN, Président du groupe Mc CANN-ERICKSON France. Entretien privé accordé le 7 Avril 1988. 13 - "On ne peut bien développer des produits dérivés destinés aux enfants que si les personnages ont la caution des parents" Fabrice PLAQUEVENT, Directeur Commercial des licences chez WALT DISNEY Company adéquation par conséquent avec la cible des produits dont elles sont les porteparole. En revanche, lorsque l'on observe d'un peu plus près les différents produits qui, pour leur communication publicitaire, ont un jour fait appel à un personnage célèbre du dessin animé ou de la bande dessinée, notre équation initiale trouve très vite ses limites. Les enfants sont-ils coeur de cible des ordinateurs APOLLO lorsqu'ils sont présentés par le PETIT PRINCE d'Antoine de SAINTEXUPERY ? des bougies automobiles AUTO-LITE vantées par Dick TRACY ? des mini-ordinateurs I.B.M. lorsqu'ils sont vaillamment défendus par AGGAR le Viking ? des huiles B.P. recourant aux sympathiques SCHTROUMPFS ? de la compagnie AIR FRANCE lorsqu'elle utilise les services de la flegmatique PANTHERE ROSE ? des automobiles VOLVO lorsque SYLVESTRE le chat reste impuissant devant la cage de TITI, symbole de protection ? de LOGABAX pour ses ordinateurs prescrits par les personnages de DUPONT et DUPOND, en pleine odyssée lunaire ? du Sapeur CAMEMBERT pour le camembert BRIDEL ? de TOYOTA pour ses automobiles vantées par POPEYE le célèbre marin de Max FLEISCHER ? de A.T.T. lorsque la compagnie laisse à SUPERMAN le soin de personnifier ses France" in "A la une" Alain CHARRIER, L.S.A. n°1298 du 2 Avril 1992. Vance PACKARD - op. cit. page 154 - cite Ernst DICHTER à propos de l'utilisation dans les années 50 aux Etats-Unis, du personnage de Davy CROCKETT pour toucher les enfants : "Les enfants cherchent une occasion de s'exprimer en fonction des traditions du pays. CROCKETT la leur fournie. Les enfants très imaginatifs croyaient vraiment être Davy CROCKETT". Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 129 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ services ? de N.C.R. ou I.T.T. qui eurent eux-aussi recours au super-héros "kryptonien" de Jerry SIEGEL et Joe SHUSTER, pour leurs produits et leurs services ? Assurément non ! Lorsque toutes ces sociétés utilisent une star de la bande dessinée ou du cartoon pour faire valoir leurs produits ou leurs services, cela répond à d'autres impératifs, beaucoup plus subtiles qu'il n'y paraît souvent au premier abord. D'ailleurs, si les enfants sont plus rarement que prévu, la cible de telles publicités en France, c'est notamment en raison d'une recommandation du B.V.P. (Bureau de Vérification de la Publicité) qui indique que : "Les personnages de fictions classiques ou célèbres ou à la mode, nés de l'imagination de dessinateurs, de cinéastes ou d'écrivains (héros de bandes dessinées, de films de fiction, de fables ou de contes), jouissant d'une notoriété, ne peuvent être utilisés sous formes de dessins, marionnettes, comédiens costumés, etc. dans la publicité destinée aux enfants si cette utilisation est susceptible de constituer, aux yeux d'un public enfantin, une caution pour les produits présentés. Ces personnages ne doivent donc ni recommander le produit ou son utilisation, ni être en situation de l'utiliser de façon normale." Maintenant, lorsque pour ses téléviseurs FST VISION, PHILIPS utilise SCREWY SQUIRREL, l'écureuil fou, et son vieil ami, le chien MEATHEAD - deux créations du dessinateur Tex AVERY -, cela dénote complètement dans la communication traditionnelle des appareils audiovisuels, tout au moins en France. Ici, le consommateur potentiel est attiré par deux caractéristiques. Le fait que les dessins animés de Tex AVERY s'adressent à un public adulte1, susceptible d'être attiré par les __________________ 1 - Voir également sur ce point l'analyse de l'association d'un autre personnage de Tex AVERY, DROOPY avec les matériels de bureautique RANK XEROX en annexes, page 635. évolutions de deux personnages qu'il connaît. Mais surtout, par le côté tout à fait inhabituel de cette communication publicitaire. Il en est de même lorsqu'en 1973/74, l'agence PUBLICIS imagina pour son client, les AUTOMOBILES RENAULT, une campagne presse magazine basée sur l'utilisation de personnages de bande dessinée tels que MANDRAKE, BICOT, La Famille FENOUILLARD ou Bibi FRICOTIN2. La cible avouée était "jeune et moderne". Or, la communication reposait sur de "vieux" personnages classiques de la bande dessinée, que les __________________ 2 - Alain LACHARTRE "Objetif Pub" Editions ROBERT LAFFONT - MAGIC STRIP, Paris (1986) pp. 43-46. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 130 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ conducteurs d'automobiles de 1974, acheteurs potentiels, pouvaient avoir connus étant enfants. Enfin, elle aussi utilisait un mode de communication sortant totalement de l'ordinaire et conférant ainsi au produit un impact supplémentaire occasionné par la simple curiosité. Sur l'aspect de l'impact occasionné par le côté extraordinaire de l'utilisation de la bande dessinée, rappelons le lancement de la R5, en 1972. Devenu un cas d'école aujourd'hui, celui-ci avait été basé sur l'utilisation du dessin animé, faisant ainsi preuve d'une originalité extrême comparativement à tout ce qui avait pu être réalisé auparavant, pour le lancement d'une automobile. Or, si ces personnages sont très souvent utilisés pour dénoter avec la communication traditionnelle, ils sont parfois employés également pour leurs qualités intrinsèques. L'objectif est alors d'obtenir de l'impact auprès de la cible tout en utilisant un personnage que celle-ci reliera naturellement au message publicitaire ou à l'annonceur. C'est ainsi qu'en 1988, l'agence ETINCELLE eut la bonne idée de recourir à un plan extrait d'un long métrage des studios WALT DISNEY, montrant l'héroïne, BLANCHE NEIGE, en train de récurer la maison de Sept Nains. L'objectif était d'illustrer la compétence de son client, la société de nettoyage ABILIS. En utilisant un extrait de cette scène caractéristique de BLANCHE NEIGE et les Sept Nains, l'annonce, d'une manière très originale, conférait à la société ABILIS, les qualités de minutie et d'efficacité d'un personnage facilement identifiable. Allant encore plus loin dans la mise en valeur des qualités des personnages utilisés, certaines campagnes vont jusqu'à tenter l'identification avouée des éléments de la cible, aux héros de bandes dessinées ou de dessins animés utilisés. A titre d'exemple, citons la campagne pour la société multi-services informatiques, C.C.M.C., réalisée par l'agence RIO en 1986. Pendant plusieurs annonces, l'agence eut recours à deux agents secrets britanniques très célèbres, le colonel Francis BLAKE et son ami, le Professeur Philip MORTIMER, héros du dessinateur Belge Edgar Olrik P. JACOBS3. Recourant même à la célèbre Marque Jaune, l'agence réécrivit pour des déclinaisons en presse quotidienne et en presse magazine, de minihistoires empreintes des aventures de ces héros, où le colonel BLAKE symbolisait les experts comptables et où le Professeur MORTIMER représentait l'annonceur, C.C.M.C.. L'une des annonces presse quotidienne de 1987 s'étalait même sur trois pages. Elle se lisait comme une véritable bande dessinée, avec une histoire dont le dénouement finissait adroitement sur la présentation de la société C.C.M.C.. Il en fut de même en 1988, lorsque l'agence OSCARINTERMARCO réalisa pour son client, le CREDIT LYONNAIS, une campagne basée sur l'utilisation des personnages de dessin animé, imaginés en 1939 par les dessinateurs américains William __________________ 3 - Il en coûta entre 150.000 et 200.000 francs d'achat de droits à l'agence. "Jacobs à la rescousse de la micro" Anonyme, STRATEGIES n°535 du 3 Novembre 1986. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 131 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ HANNA et Joseph BARBERA, TOM et JERRY. Si les banques sont de plus en plus nombreuses à solliciter les économies des adolescents, cette campagne ne s'adressait néanmoins pas directement à cette cible, mais à tout client, acquis ou potentiel. L'utilisation de ces deux toons avait pour objectif d'une part de rompre le sérieux du ton habituel de la communication bancaire et d'autre part, de recourir à deux personnages originaux qui pouvaient très bien symboliser par leurs qualités, les rapports entre le CREDIT LYONNAIS et ses clients. Le cliché traditionnel veut que le banquier (TOM) soit toujours après son client (JERRY) pour lui faire respecter ses engagements aux échéances prévues. "Les personnages de TOM & JERRY ont été choisis pour illustrer la campagne «Epargne» car ils sont réputés pour leurs relations conflictuelles permanentes, mais qui se terminent toujours en happy-end", nous précisa Emmanuel GIRAUD, Responsable du budget à l'agence INTERMARCO, "ils permettent ainsi de représenter la relation difficile «traditionnelle» qui peut exister entre un client et son banquier, tout en évitant une trop forte agressivité dans le message. Le visuel du gruyère (happy-end) montre l'efficacité du CREDIT LYONNAIS a bien servir ses clients quels qu'ils soient". Il ne fut cependant pas possible d'obtenir d'informations sur le fait de savoir si ce très subtil symbolisme fut bien perçu / interprété par la cible... Par ailleurs, à l'observation des nombreux cas d'utilisation, on s'aperçoit que la publicité n'utilise pas seulement les stars de la bande dessinée, mais qu'elle attache également un certain intérêt au personnages dits "secondaires". La raison est double. Ils sont d'une part souvent plus malléables que les personnages centraux, et d'autre part, moins célèbres, leurs droits d'utilisation sont la plupart du temps plus abordables. "De toutes façons, nous ne voulions pas utiliser TINTIN dès le début car il était trop marqué par les albums. Tout l'intérêt de notre choix résidait dans le fait que le Professeur TOURNESOL n'était pas la vedette principale : nous avons donc pu peu à peu gommer son caractère et le façonner à l'image de FRUIT D'OR" expliquait-on chez ASTRA-CALVE4. On peut également citer le cas de la CASTAFIORE pour l'automobile GS CITROEN en Belgique, DAFFY DUCK pour les entremets FLANDISE, DINGO pour les yaourts CHAMBOURCY, Elmer FUDD pour les photocopieurs CANON, le capitaine HADOCK pour les paires de jumelles KRYS, Olive pour la lessive SOLO, Porky PIG pour la boisson BORDEN,... Tous personnages __________________ 4 - LACHARTRE Alain op. cit. p.39. Voir également en annexes l'analyse du cas TINTIN, page 639. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 132 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ secondaires, mais facilement "rattachables" aux aventures d'une star de la bande dessinée. Création de personnages "célèbres" Enfin notons le cas de personnages de la bande dessinée ou du cartoon qui, créés par et pour la publicité, devinrent eux-aussi célèbres. Parce que parfaitement intégrés dans leur champs de communication et dans notre univers de consommation, et surtout parce que ne bénéficiant pas d'aventures extra-publicitaires, ils sont moins présents dans nos esprits. Pourtant ils n'en demeurent pas moins des stars de la bande dessinée ou du dessin animé conçues et utilisées à des fins publicitaires. Le cas des céréales par exemple est extrêmement riche d'enseignements que ce soit le chien de CHOCAPIC, l'abeille de LOOPS, la grenouille de SMACK, le lièvre et la tortue de CHEERIOS, le singe de CHOCO POPS, les lutins de RICE CRISPIES, l'ours de CHOCOS, ou bien Tony, le tigre de FROSTIES apparu en 1956 et décliné aujourd'hui dans le monde entier. "L'avantage est qu'on peut leur faire dire ce que l'on veut" remarque Jean-Michel GOUDARD5. En effet, ici pas d'auteur ou d'ayant droit à qui l'agence et/ou l'annonceur devront payer des droits dérivés. De surcroît, ils sont beaucoup plus faciles à mettre en scène et surtout à concevoir en fonction du rôle auquel on les destine. En revanche, ils n'obtiennent pas toujours la célébrité à leur première apparition. Certains n'obtiendront d'ailleurs jamais la gloire escomptée. D'autres cependant gagneront la sympathie du public, deviendront célèbres telles les stars de cinéma et leur personnage restera ainsi gravé dans la mémoire de chacun. Enorme avantage : conçus pour le produit, ces personnages ne font que le servir sans aucun risque de parasitage. __________________ 5 - Jean-Michel GOUDARD, Président de l'International du groupe de communication ROUX, SEGUELA, CAYZAC, GOUDARD & Associés Paris. Entretien accordé en 1987. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 133 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ sympathique père DODU au célèbre dindonneau, de la bonne GRAND'MERE qui sait faire un bon café mais qui est réduite à une expression packaging aujourd'hui, de GROS QUICK qui a toujours une énorme envie de NESQUIK - que les personnages TOM et JERRY avaient auparavant dégusté le temps d'une campagne -, de MONSIEUR PROPRE toujours aussi propre que l'on peut se voir dedans, de la tornade blanche d'AJAX, et de bien d'autres encore, sans oublier bien sûr une célèbre mamie que l'on n'a jamais cessé de remercier... C'est le cas du rondouillard Bibendum MICHELIN du dessinateur O'GALOP, du tirailleur sénégalais de BANANIA, hélas aujourd'hui disparu au combat publicitaire à la demande d'intellectuels africains6, du __________________ 6 - La légende veut qu'un tirailleur sénégalais, dont l'histoire ne retiendra pas le nom, ait été évacué vers l'arrière après avoir été blessé au front en 1917. Recueilli par un pharmacien de Courbvoie, l'homme prononca la célèbre expression "Y'a Bon ! après voir goûté un mélange cacao-sucre-farine de banane que l'apothicaire commercialisait depuis 1912. C'est alors que ce dernier eut l'idée de reproduire le visage de son pensionnaire pour la publicité de son produit dès 1917. Toutefois, début des années 20, un serviteur noir né du crayon caricatural de JOLLIOT remplace le tirailleur. Vers 1925, le tirailleur réapparait pour s'installer définitivement dans le code graphique de la marque, même si, dès 1984, sa présence sur le packaging n'est plus que symbolique. De grands affichistes auront redessiner ses traits : SEPO, DORLAND, R.L. DUPUY, Hervé MORVAN" "Négripub" Collectif sous la direction d'Anne-Claude LELIEUR, Editions SOCIETE DES AMIS DE LA BIBLIOTHEQUE FORNEY, Paris (1986) p. 145 et suivantes. Voir également "Na ! de BANANIA : le petit déjuner espiègle" Patrick HAAS, LE FIGARO ECONOMIE du 4 Février 1991. "BANANIA au musée - 80 ans d'art et d'histoire Née chez PUBLICIS, MAMIE NOVA, à l'instar de son homologue torréfactrice, ne fut pas immédiatement un personnage célèbre de bandes dessinées. A son origine publicitaire, elle avait à faire à un garnement célèbre lui-aussi, qui ne voulait que du MAMIE NOVA comme dessert. Ce garnement 1912-1992" Collectif sous la direction d'Agnès DELANNOY, Editions MUSEE ROYBET-FOULD, Courbevoie (1992). "L'aventure BANANIA" Daniel BORDET, Editions C.P.C. France, Clamart (1991). Sur l'évolution et l'actualisation des traits des visages de la publicité, voir : "The face of advertising" Lucy A. Mc CAULEY, HARVARD BUSINESS REVIEW Volume 67, n°6 de Novembre / Décembre 1989, pp. 155-159. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 134 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ adulte mais néanmoins hurlant dans sa chaise pour bébé géante, n'était autre que le comédien Roger PIERRE, désopilant dans son interprétation du bébé capricieux, restée dans la mémoire de chacun. Philippe MICHEL7 raconte en détail cette double naissance : "MAMIE NOVA a été créée par PUBLICIS. Lorsque les Laiteries NOVA sont venues nous consulter [Agence C.L.M./B.B.D.O.], nous leur avons dit que PUBLICIS avait tout trouvé de la promotion de la marque NOVA lorsqu'il avait mis en scène Roger PIERRE sur sa chaise, et qui disait d'une façon débile, très content d'avoir régressé jusqu'à la chaise du bébé : «Merci MAMIE NOVA». C'est la raison pour laquelle je leur ai dit que nous allions continuer avec «Merci MAMIE NOVA» ! Ce film avait été jugé trop atroce, mais «Merci MAMIE NOVA» était la seule chose dont les gens se souvenaient. Or, comme ce que l'on garde en mémoire est ce qui est pertinent quelque part, c'est donc que cela apportait quelque chose aux gens. __________________ 7 - Entretien privé accordé le 30 Mai 1988. Au lieu de ce méfier de la régression à laquelle les produits laitiers frais appellent - le retour à l'enfance - je me suis dit avançons, mais profitons-en pour rendre à César ce qui est à César. C'est pas grâce à Maman, c'est pas grâce à Grand-Maman, c'est grâce à Mamie NOVA que les enfants sont contents. Alors que nous n'avions pas beaucoup d'argent et que nous cherchions un moyen de rentrer dans la mémoire, dans le Top of Mind, de façon très rapide, nous voulions trouver une idée qui s'intègre immédiatement dans le discours des foyers. Qu'est ce que l'on dit à sa Maman quand c'est bon, on dit : «Merci». Merci qui ? Merci Maman. Elle est gonflée Maman, parce que c'est Mamie NOVA qui fabrique, et le seul mérite qu'elle a eu, c'est de l'acheter. Alors merci qui ? «Merci MAMIE NOVA !». Or, la campagne initiale créée par C.L.M. / B.B.D.O. n'utilisait pas de personnages réels, mais un dessin d'une Mamie imaginaire. En 1984, MAMIE NOVA récoltait 77% de score de reconnaissance sur les 18-34 ans8. Trois ans plus tard, ce score grimpait à 93% ! Mais Philippe MICHEL va encore plus loin, en proposant à son client une campagne des plus surprenantes, et qui faisait de MAMIE NOVA la véritable star de la communication. Star qui là-encore pouvait difficilement porter atteinte au produit, puisqu'elle incarnait véritablement ce produit : "Et puis, j'ai __________________ 8 - "Affiches de Pub 1983-1985" Philippe BENOIT et Didier TRUCHOT, Editions CHÊNE, Paris (1986) pp. 36-37. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 135 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ aussi voulu démontrer une théorie de communication, qui était qu'il fallait tout faire, sans rien dire. J'avais alors dit au client que nous allions faire une campagne d'affichage où l'on ne verrait ni la marque, ni le produit ! Ah, ils furent vraiment surpris. Ni la marque, ni le produit ! Et pendant très longtemps, il n'y a jamais eu la marque. Ce sont les gens qui se sont dit euxmêmes : «Merci MAMIE NOVA» Ce sont eux qui ont découvert eux-mêmes la réponse9. Le jeux n'était pas bien complexe, nous l'avions effectivement rendu plus difficile, en lui cachant son beau regard, mais plus difficile tu parles... Alors que PUBLICIS ne s'en était jamais servi que comme un personnage publicitaire, nous lui avons donné une personnalité. Elle a revendiqué qu'on lui dise merci, et puis elle a rosi, elle s'est déguisée,..." Notons enfin, que jamais à court d'idées, l'agence relance la communication dès 1987, en mettant en scène, non plus MAMIE NOVA, mais ses rivales, les autres Grand-Mères, puis en 1989, ses petits-fils. Une nouvelle fois, Mamie NOVA disparaissait. Mais cette nouvelle communication un peu trop "décalée" ne plut pas à la cible. Les campagnes conçues pour une interprétation au second degré étaient comprises au __________________ 9 - En 1986, la campagne avec les affiches "pointillés" et "de dos" n'obtint qu'une mention dans la catégorie alimentation du Grand Prix de l'Affichage. Mais en 1987, la campagne avec les affiches "Qui est la plus appétissante ?", "Qui est la plus fraîche ?", "Qui est la plus parfumée ?" reçut le Prix de cette même catégorie. Voir également sur la découverte de la révélation par le public : "Allons z'enfants de la Pub - Nova : le slogan suggéré" Ghislaine OTTENHEIMER, L'EXPRESS du 5 Avril 1985. premier degré. Le budget passa alors dans les mains d'une autre agence, B.L. / L.B.. Toujours dans le domaine des produits laitiers, il est un personnage célèbre qui lui perdure de campagne en campagne ne cessant de rajeunir au fil des ans : LA VACHE QUI RIT. Ce produit des Fromageries BEL a même été exporté avec succès aux Etats-Unis. Une idée simple qui a fait son chemin, et qui fut mise en dessin animé par l'agence T.B.W.A10.. Sympathique, ce personnage née en 1927 du crayon de Benjamin RABIER11 a surpassé les espérances mises en elle lors de sa création. Si depuis lors, elle a subi sans dommage, quelques liftings destinés à rajeunir et moderniser son image, c'est qu'elle est bel et bien devenue une star elle aussi ; véritable symbole de la marque, immédiatement identifiée par le consommateur. Dans les différents exemples exposés ci-devant, les stratégies publicitaires mises en oeuvre __________________ 10 - Le concept de la vache-star fut créé en 1984 par l'agence T.B.W.A. puis décliné de campagne en campagne. Voir également "La VACHE QUI RIT tourne U.S." Julie ADES & Cristina ALONSO, STRATEGIES N°688 du 19 Février 1990. 11 - Alain LACHARTRE, op.cit. p.16. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 136 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ incorporent l'élément de la sympathie, que confère généralement à chaque fois à son personnage, l'utilisation de la bande dessinée ou du dessin animé. Quoi de plus logique dès lors, que de faire appel à ces personnages stylisés, pour être les porte-parole d'une communication d'Etat généralement a priori austère. BISON FUTE fut créé pour que les Français utilisent les itinéraires bis au départ des vacances, et GASPI naquit pour faire admettre à ces mêmes Français, que les économies d'énergie n'étaient pas ridicules, et qu'il fallait éviter de GASPIller. Le samedi 2 Août 1975, plus de 600 km de bouchons paralysèrent le réseau routier français. Quelques mois plus tard, le Ministère des Transports lança BISON FUTE sur le sentier de la guerre de l'embouteillage12. Annie POUSSIELGUES13, qui participa à l'élaboration des deux personnages raconte que "pour BISON FUTE, il __________________ existait déjà une opération du nom de Primevères. L'objectif était déjà de donner aux Français, avant qu'ils ne partent en vacances, des informations sur l'état des routes. L'émetteur était l'ordinateur du Ministère des Transports. Notre volonté fut alors d'essayer de déguiser un peu cet ordinateur à l'intérieur d'un petit personnage qui est devenu par la suite, BISON FUTE. Nous nous sommes alors dit que ce serait intéressant de créer un petit personnage sympathique, qui puisse plaire à la fois aux parents et aux enfants, qui puisse servir d'illustration au thème, qui puisse avoir une voix à la radio, etc. Nous avons fait une recherche très exhaustive et puis nous nous sommes dit que l'on partait sur la piste des vacances. Or, que pourrait-il y avoir sur la piste des vacances ? Et pourquoi pas un indien ? Nous avons donc créé un petit indien. S'est ensuite posée la question de savoir quel type d'indien. Parce qu'avant d'obtenir le petit indien que l'on connaît, il y eut entre autres, un grand chef Sioux, mais c'était un peu trop autoritaire. Etant trop autoritaire, il pouvait être ressenti comme donnant des ordres, et cela pouvait poser des problèmes de perception des messages. Il valait mieux inciter les gens à écouter les conseils. Donc, nous avons décidé de créer un petit indien très sympathique. Quant au nom, nous sommes parvenus à BISON FUTE après une recherche de noms, parce que cela exprimait bien le concept." 12 - "Le point sur... Bison Futé" Laurent ARTUR DU PLESSIS et Olivier MICHEL, LE FIGARO du 20 Mai 1989. 13 - Entretien privé accordé le 30 Mai 1988. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 137 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Début des années 80, le monde subit un second choc pétrolier, et l'heure est aux économies d'énergie. De même que dans l'exemple précédent, pas question d'imposer purement et simplement aux consommateurs, l'obligation de faire des économies d'énergie. C'est alors que naît GASPI. "Il fallait créer une imagerie concernante, c'est à dire qui délivre le message, et qui soit là aussi, incitateur mais pas autoritaire." poursuit Annie de POUSSIELGUES. "Dans la mesure où c'est un message gouvernemental, vous ne pouvez pas vous permettre d'être autoritaire, dans notre pays. S'il est perçu comme autoritaire, les gens le contournent immédiatement. Nous avons alors créé ce petit personnage un peu trop rond, dont on a dit à l'époque qu'il ressemblait beaucoup à Raymond BARRE, avec un entonnoir sur la tête. L'entonnoir était bien sûr le symbole de ce qui est débile. Il fallait par conséquent chasser ce petit personnage qui était tout bedonnant de son trop plein de pétrole. Et GASPI, tout simplement parce que GASPIllage". Aujourd'hui, le seul reproche que l'on pourrait faire à ses deux sympathiques personnages, qui remplirent parfaitement leur mission, c'est d'avoir disparu trop rapidement de la communication gouvernementale. Multiples changements de politiques et de gouvernements obligent. En 1986, Joseph DANIEL, ancien Chef du S.I.D.14 commentait que "cette symbolisation appelle tout naturellement le dessin __________________ 14 - Service d'Information et de Diffusion du Premier Ministre animé et une certaine caricature. D'où le fait que, après 1981, l'Etat ait refusé ce type de communication jugé infantilisant." Et Joseph DANIEL de donner l'exemple de DECIBEL, un autre petit personnage qui devait représenter la lutte contre le bruit, et dont la naissance fut ainsi refusée en 198215. Aujourd'hui, la surproduction de pétrole a rendu quelque peu obsolète le rondouillard GASPI. En revanche, le personnage de BISON FUTE subit plusieurs modifications. Si en 1985, le personnage disparut complément sur la décision d'un Directeur de la Sécurité Routière, sa tête réapparut ponctuellement à partir de 1987 alors qu'une étude montra qu'il bénéficiait encore d'un taux de reconnaissance assistée de 94 % et d'un taux d'agrément positif de 83%. En 1989, une peintre indienne émit une protestation à l'attention du Secrétariat d'Etat chargé des Transports Routiers. Elle trouvait que le personnage utilisé pouvait constituer une insulte envers un peuple presque disparu,... Le soin lui fut alors confié de le redessiner. C'est ainsi qu'une version très réaliste vit le jour cette année-là, superposée au "O" du mot "Bison". Malheureusement nombreux furent ceux qui trouvèrent que le nouveau personnage ressemblait plus à celui de la Mère Denis, qu'il n'illustrait le concept d'origine. En 1990, la Sécurité Routière prit enfin conscience qu'il était temps d'arrêter ces modifications successives. __________________ 15 - "L'Etat en marge du Star-System ?" Joseph DANIEL, ADETEM, REVUE FRANCAISE DU MARKETING N°108 1986/3 de Mai-Juin-Juillet 1986, pp. 69-70. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 138 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Après un appel d'offre public, six agences furent retenues pour la dernière étape d'une spéculative qui visait à concevoir un logo sans personnage. Cependant l'agence sélectionnée - CARRE NOIR - précisa qu'il "fallait un personnage déclinable mais stable ainsi qu'une charte graphique constante". Le résultat, fut la version stylisée du personnage qui apparaît encore en 1992, sur tous les documents de la Sécurité Routière. Nous venons de voir, que l'utilisation d'une célébrité pouvait être notamment très appréciable lors d'un lancement de produit. L'impact généré par le porte-parole permet alors parfois de se distinguer dans le bruit publicitaire. Dans ce cas, une fois repéré par le consommateur, grâce à la célébrité, il va falloir tout mettre en oeuvre pour transférer une partie de la notoriété du porte-parole sur le produit. B / Autres fondements Etre reconnu, séduire et convaincre, pour déclencher le comportement On critique souvent l'utilisation d'une célébrité en publicité, en indiquant qu'elles ne sont utilisables qu'à la seule fin de créer de l'impact, mais qu'elles ne peuvent aller jusqu'au déclenchement du comportement d'achat. Nous avons déjà vu dans le cadre de la section précédente que cette objection n'était pas réellement fondée. D'autre part on sait que le souvenir influence le jugement16. Enfin, est-il besoin de rappeler que dans leur étude sur l'efficacité de la publicité, Robert LAVIDGE et Gary STEINER placent la technique du "testimonial" non pas au niveau cognitif, ni même affectif, mais bien parmi le type de publicité relevant du domaine conatif17. Pour s'en convaincre, il suffit de constater que l'utilisation d'une célébrité ne répond pas au seul impératif d'impact, mais que d'autres fondements peuvent parallèlement ou même peut-être de manière intrinsèque, générer l'intérêt de recourir à un porte-parole célèbre. 1 - Transfert de notoriété "Tout le monde connaît nos jouets, mais personne de connaît notre nom" se plaignait Harold Nizamian DAKIN, Président de l'entreprise américaine DAKIN Toys en 1978. Jusqu'à ce que l'agence MAXWELL ARNOLD décide d'organiser une campagne utilisant des célébrités. Les acteurs Jonathan WINTERS et Vicki CARR ainsi que le boxeur Rocky GRAZIANO apparurent quelques semaines avant les fêtes de Noël. En utilisant ces porte-parole célèbres, __________________ 16 - Voir notamment : Donald V. MOSER "Does memory affect judgement ? Self-generated versus recall memory measures" JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY Volume 62, n°4, pp. 555-563. 17 - Robert J. LAVIDGE et Gary A. STEINER, op. cit. p. 61. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 139 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ "l'idée était de faire de DAKIN un nom générique pour les animaux en peluche" expliqua alors Bud ARNOLD, 18 responsable du budget . "La star s'est créée au travers de media une personnalité, une aura. Le publicitaire va essayer par la capitalisation de cette aura de greffer son produit et d'accélérer le mouvement, la connaissance du produit, par l'apport de cette personnalité qui elle a déjà construit depuis longtemps une aura" analyse Patrick PHILIPPART19. Absent de la publicité depuis 4 ans, le quotidien LA CROIX décida de communiqué à nouveau en 1988, pour essayer de regagner son lectorat perdu. "C'est un quotidien qui est très apprécié dans les milieux journalistiques mais qui souffre d'un manque évident de renommée, surtout parce qu'il est presque diffusé par abonnement" expliqua alors Evelyne SOUM, P.D.G. de l'agence AUDOUR, SOUM, LAURUE / S.M.S.20. Pour regagner cette notoriété : une grande campagne d'affichage, déclinée par la suite en radio et en presse magazine fut organisée. Les deux célébrités sollicitées pour cette campagne furent les comédiens Marie-Christine BARRAULT et Claude RICH. La même année, dotée d'un budget de 25 MF., __________________ 18 - "DAKIN gets Cuddly with celebrities" Margaret LeROUX, ADVERTISING AGE du 19 Juin 1978. 19 - Patrick PHILIPPART, Président de l'agence CORYPHE. Entretien privé accordé le 11 Avril 1988. l'agence MOUILLARD & MOUILLARD fut chargée de restaurer la notoriété de la marque française d'électroménager ARTHUR MARTIN. Raoul MOUILLARD expliqua alors que : "nous ne voulions pas d'un film lessive. Nous voulions un film drôle et des acteurs connus. C'est pour cela que nous avons demandé à Coline SERREAU de réaliser ces deux films et de diriger ainsi Marie-Anne CHAZEL et Claire NADEAU"21. Les célébrités sont célèbres. C'est un fait, voire un pléonasme que de le rappeler. L'intérêt d'utiliser l'une d'entre elles dans une campagne de publicité peut donc correspondre à la volonté d'attribuer au produit une partie de cette célébrité. Comme nous l'avons dit, l'objectif est alors d'utiliser une célébrité pour ensuite essayer de transférer une partie de sa notoriété en faveur du produit ou de l'annonceur qu'elle présente. La tâche est d'autant plus difficile qu'il n'existe de pas de procédé mécanique simple et infaillible permettant d'y parvenir. Si comme l'impact, ce résultat est recherché depuis que l'on utilise des célébrités en publicité, contrairement à l'impact, il n'est pas automatique. Nombreux sont les annonceurs qui ont marier leur produit avec une star, sans que ce mariage d'intérêt ne produise de résultats en faveur du produit. Pourquoi ? Tout simplement parce que le procédé de transfert entre parfois en opposition avec le processus d'impact. Pour avoir de l'impact, il est __________________ 20 - "LA CROIX part en Croisade" Etienne DUBOIS, 21 - "ARTHUR MARTIN fait son cinoche" Véronique STRATEGIES N°591 du 18 Janvier 1988. DHAM, STRATEGIES N°589 du 4 Janvier 1988. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 140 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ nécessaire de se faire remarquer, de mettre la célébrité en valeur de manière à ce qu'elle attire l'attention du consommateur. Or, de son côté, le transfert de notoriété requiert une présence de la célébrité qui soit suffisamment discrète, pour que, une fois l'attention du consommateur attirée, celle-ci se porte non sur le porte-parole22, mais sur le nom du produit ou de l'annonceur. L'art du publicitaire devra alors s'exercer pour doser cette apparition de la célébrité de manière à concevoir un scénario au profit du produit et non de son porteparole. L'objectif sera de rendre plus facile la mémorisation par le consommateur, du message présenté par une célébrité, qu'un message présenté par un consommateur type ou utilisant toute autre approche. En 1987, la société AMERICAN CAN qui recentrait ses activités dans les services financiers décida de changer de nom pour s'appeler désormais PRIMERICA. Elle contacta alors son agence de publicité __________________ 22 - "En moyenne, les films publicitaires construits autour de célébrités ne permettent pas assurément un changement de marque ; les consommateurs reconnaissant un changement influencé par un film utilisant une célébrité, étaient 21% de moins que la moyenne des changements tous films confondus. En revanche, lorsqu'ils sont observés sur la capacité du téléspectateur à se souvenir d'un message, 24 heures après l'avoir vu, ces films obtiennent des scores de 22% supérieurs à la moyenne. Pourquoi cette différence de 21% et +22% entre la préférence d'une marque et le souvenir ? Nous soupçonnons que c'est parce que la plupart de ces messages concentre l'attention sur la célébrité plutôt que sur le produit." David OGILVY et Joel RAPHAELSON, "Research on advertising techniques that work - and don't work" HARVARD BUSINESS REVIEW de Juillet / Août 1982, p. 15. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité MARQUARDT & ROCHE pour que celle-ci lui soumette divers projets visant à transférer la notoriété de AMERICAN CAN sur PRIMERICA dans les meilleures conditions. Budget : 3 millions de dollars. Sur les différentes solutions envisagées, l'annonceur retint celle mettant en scène une célébrité pour créer le lien nécessaire à ce transfert. L'agence contacta alors Michael WAYNE qui gère la succession de son père pour obtenir l'autorisation d'utiliser une photo du plus célèbre cow-boy des Etats-Unis : John WAYNE. En raison du fait que Michael WAYNE n'accorde que très difficilement et judicieusement cette autorisation23, John WAYNE est aujourd'hui légalement très peu utilisé par la publicité, et dispose ainsi d'un impact important. Quant à sa notoriété, chaque Américain a au moins une fois dans sa vie, vu l'un de ses films, et la cible des professionnels visés avait elle grandi avec ses multiples aventures sur le grand écran. L'idée fut d'associer le cas personnel de l'acteur à celui de la société. En effet, John WAYNE s'appelait en réalité Marion Michael MORRISON. Il avait lui-même changé de nom pour des raisons 24 professionnelles . A la sortie de la __________________ 23 - "Wayne heirs OK straight-shooting Primerica pitch" Nancy ZELDIS, ADVERTISING AGE du 1er Juin 1987. 24 - John WAYNE est crédité pour la première fois au générique d'un film en 1929. Il est figurant dans une comédie musicale Words and Music et utilise alors le nom Duke MORRISON. Après quelques autres films avec John FORD, il est remarqué par le metteur en scène Raoul WALSH. Celui-ci prépare un western The Big Trail 141 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ campagne, Ed ROCHE, le Directeur de Création de l'agence déclara au magazine Advertising Age : "Ce qui nous frappa fut le nom de Marion, ça ne correspond tout simplement pas à un héros de western, de la même manière qu'une compagnie qui propose désormais des services financiers ne correspond pas à l'appellation "can" [boîte de conserve en anglais]"25. Cette même approche avait déjà été utilisée en 1985 par l'agence FALLON MAC ELLIGOT pour les pizzas PONTILLOS qui souhaitaient changer de nom pour DAVANNI'S. La campagne avait alors utilisé comme porte-parole : JOHN WAYNE (exMarion MORRISON), Jean-Paul II (exKarol WOJTYLA) et Boris KARLOFF (ex-William PRATT). La même idée fut ensuite reprise en 1989 par le disposant d'un gros budget. Toutefois, Gary COOPER ayant décliné la proposition du rôle titre, Raoul WALSH décide d'économiser le cachet d'une star pour l'utiliser au profit de scènes en extérieur. Il engage alors un inconnu, Duke MORRISON, sur le conseil de John FORD. C'est alors que les Directeurs de la FOX décident de lancer à grands renforts de publicité, une nouvelle star nommée John WAYNE, nom pour lequel l'intéressé n'a jamais été consulté... Voir notamment : "John Wayne and the movies" Allen EYLES, Editions A.S. BARNES and Co. Inc., New York, Etats-Unis (1976). 25 - L'annonce fut insérée dans THE WALL STREET JOURNAL, BUSINESS WEEK, FORBES, INSTITUTIONAL INVESTOR, BARRON'S, FINANCIAL TIMES, INVESTOR'S DAILY, THE NEW YORK TIMES, USA TODAY et quelques autres publications sélectionnées. Aujourd'hui en raison de son succès, le changement de nom d'AMERICAN NATIONAL CAN en PRIMERICA est devenu un cas rédigé par Norman KLEIN et Stephen A. GREYSER étudié à la HARVARD BUSINESS SCHOOL case # 588066, "Cases in advertising and communications management" Stephen A. GREYSER, Editions PRENTICE-HALL, 3ème édition, Englewood Cliffs, NJ, Etats-Unis, (1992) pp. 119-140. groupe 3M, lorsque sa filiale HARRIS/3M pris le nom de LANIER. Quatre célébrités furent utilisées : les acteurs Boris KARLOFF à nouveau, Judy GARLAND (ex-Frances GUMM), W.C. FIELDS (ex-William Claude DUKENFIELD) et le chanteur Chubby CHECKER (ex-Ernest EVANS). De nombreuses études ont montré qu'au delà des rapports d'associations consuméristes, du gouvernement, ou encore de la simple et néanmoins puissante information verbale transmise par un proche, la marque était l'un sinon le critère le plus discrimant dans le processus d'achat26. La notoriété et l'image de celles que l'on appelle les "grandes" marques fait souvent bien plus que n'importe qu'elle publicité, destinée en définitive à entretenir cette notoriété et cette image. L'utilisation d'une célébrité est alors une solution pour les suiveurs ou les challengers pour accroître leur propre notoriété, par une opération publicitaire de transfert. En France, en 1986 les magasins de Télévision Hi-Fi Vidéo CONNEXION déclarèrent à leur agence de publicité, leur volonté expansionniste. Pour cela, ils nécessitaient une plus forte notoriété auprès de leurs clients potentiels, notamment pour se faire une place entre DARTY et la FNAC. Quelques mois plus tard, Serge GAINSBOURG __________________ 26 - Voir notamment : "Consumer ranking of risk reduction methods" Ted ROSELIUS, JOURNAL OF MARKETING 35, du mois de Janvier 1971, pp. 56-61. ou encore "The world of goods" Mary DOUGLAS et Baron ISHERWOOD, Editions BASIC BOOKS, New York, Etats-Unis, 1979, pp. 75-76. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 142 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ affirmait haut et clair : "CONNEXION : Des mecs qui en ont"27. Enorme impact, engendrant un surcroît de notoriété de l'enseigne, générant un trafic important et redynamisant la croissance. Pour expliquer le transfert de notoriété du personnage de Serge GAINSBOURG, Hervé LESUR28 alors en charge du budget, expose le raisonnement qui l'a amené à solliciter à nouveau le concours du seul homme à avoir osé brûler Pascal en direct à la télévision, en plein prime time: "Nous détenons le budget CONNEXION depuis longtemps. On est parti de la campagne de 1986 : «Des Mecs qui en ont» et on est arrivé sur cette campagne : «Pour l'innovation, je connexionne». Le seul link, le seul point commun, c'est GAINSBOURG. «Les mecs qui en ont» est une campagne qui a fonctionné début 1986, et qui a bien fonctionné car la marque CONNEXION s'est fait connaître grâce à la provocation verbale et grâce à GAINSBOURG. Cela a bien marché puisqu'il y a eu 35 % d'augmentation des ventes dans les magasins". Le transfert de notoriété de la célébrité vers la marque avait parfaitement fonctionné. S'est ensuite __________________ 27 - "Serge GAINSBOURG : de pubs en pubs..." Philippe LATIL, COMMUNICATION CB NEWS N°203 du 11 Mars 1991. "Serge GAINSBOURG était un vecteur intéressant pour toucher notamment la cible des 15-25 ans" in "Connexion s'attaque à DARTY" Chritine RICHARD, LE QUOTIDIEN DE PARIS du Lundi 21 Octobre 1985. 28 - Hervé LESUR, Directeur de la Création, associé de l'agence COLLETTE, LESUR, DE Entretien accordé le 20 Janvier 1987. SAINT-ALIRE. posé le problème des campagnes suivantes, pour savoir s'il fallait capitaliser sur l'image de Serge GAINSBOURG en continuant ce transfert ou au contraire changer complètement d'axe. "Pour la nouvelle campagne on s'est posé la question de savoir si on devait reprendre GAINSBOURG ou bien choisir quelqu'un d'autre. Il est évident qu'on avait intérêt à garder GAINSBOURG, parce que c'était un personnage qui nous avait bien aidé l'année précédente, qui a priori, a un jeu cohérent avec l'innovation et qui est une personnalité qui ne laisse pas indifférente, car il est haï par 90 % de la population. Mais au moins, il existe dans la tête des gens." Le décès de la star interrompit son utilisation. CONTEL est une importante société américaine spécialisée dans le secteur des télécommunications. Mais qui la connaissait avant de rencontrer une publicité sur laquelle figurait l'acteur Charlton HESTON ? D'aucuns diront qu'après tout peu importe, puisque l'on n'appartient certainement pas à la cible... En revanche, en 1985 il devint évident à son vice-Président Norm BRUST, que CONTEL était également très peu connue de sa cible ! Et là, le problème prenait forme. D'où la décision de créer cette année là, un véritable département communication. "Il n'y avait rien pour notre équipe de vente ou nos clients sur quoi accrocher leur chapeau" nous précisa avec humour David A. BROOKS, Responsable du département Communication, "Aucun hameçon si vous préférez. Il apparaissait clairement que si CONTEL ambitionnait d'occuper une niche dans Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 143 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ un environnement non-régulé, nous avions besoin de cet hameçon." L'une des solutions était alors de solliciter une célébrité et d'essayer de transférer rapidement un peu de la notoriété de son nom, de son image, sur celui de la société. S'adressant au grand public comme aux professionnels, encore fallait-il trouver une célébrité dont le sérieux et la réputation pourrait en faire un porte-parole permanent et non le jouet d'une simple annonce qui mettrait CONTEL en valeur l'espace de quelques heures ou quelques jours. "Monsieur HESTON apporta à notre compagnie un comportement professionnel et digne, à la manière d'un homme d'Etat" poursuivit David A. BROOKS, "un comportement auquel bien sûr, nous étions heureux d'être associés. Sa réputation et le taux de reconnaissance de son nom furent et demeurent extraordinaires. Quelle meilleure image pouvions nous utiliser dans un marché en expansion !". En Janvier 1988, une étude fut menée par le Wall Street Journal, sur la communication de la société CONTEL. Il s'avéra que 34,8 % des lecteurs étaient familiers avec CONTEL alors que ce taux atteignait 15,8 % avant la publication de la nouvelle campagne avec Charlton HESTON, qui ne dura que 16 mois. Notoriété transférée, opération réussie. Cette mise à profit de l'impact de la célébrité, doit non seulement permettre l'attention de l'audience en faveur du film, mais une amélioration de la notoriété de la marque ou du produit. Dans certains cas particuliers, il est également possible de solliciter directement la caution de la célébrité. 2 - Utiliser la caution de la célébrité Nous sommes ici dans le cas où le témoignage du porte-parole célèbre est si puissant qu'il devient une véritable caution en faveur du produit. L'objectif est alors double. Il s'agit non seulement de transférer une partie de la notoriété de la célébrité en faveur du produit, mais d'opérer également un transfert d'une partie de son image. Toutes les célébrités ne peuvent bien entendu prétendre à cet exercice, et cette approche dépend essentiellement de la crédibilité de la célébrité, perçue par l'audience. Lorsque le pilote automobile Bernard DARNICHE accepte de poser pour les publicités HAIRSKIN, il cautionne directement la marque de postiches et de soins capillaires tout simplement parce qu'il est un utilisateur naturellement convaincant du produit. Ainsi, pour se libérer de diverses contraintes ou de diverses connotations négatives qui pourraient être associées au produit en rendant plus puissante la communication, le publicitaire peut parfois rechercher chez la célébrité, un témoignage maximisant l'implication du porteparole. De manière à obtenir une véritable caution. Il faut toutefois noter que cette caution n'est possible que si la crédibilité du témoignage est immédiatement perçue par la cible. Dans le cas contraire, l'impact généré par le porte-parole jouera en la défaveur du produit, l'associant à une tromperie dans l'esprit du consommateur. Il est donc nécessaire que le lien quel qu'il soit avec le produit soit évident. C'est Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 144 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ pourquoi, c'est très souvent l'expérience du porte-parole qui sera mise à profit. L'approche est très ancienne. Dans les années 30, le LINGUAPHONE INSTITUTE, utilisait déjà le témoignage des plus grands linguistes et des plus célèbres écrivains de l'époque, pour attester de la qualité de son enseignement des langues. De H. G. WELLS à Bernard SHAW en passant par MAETERLINCK ou encore le Président de l'Académie Goncourt de l'époque, J.-H. ROSNY,... tous par leur témoignage d'hommes de lettres renommés venaient cautionner les propos tenus par l'Institut. En 1992, en France, l'agence GREY lança un nouveau produit via un film télévisé de trente secondes. L'objectif était d'introduire sur le marché français, un substitut de repas lancé aux Etats-Unis dans les années 70, SLIM-FAST. Cas intéressant car, ayant obtenu le visa PP délivré par le Ministère de la Santé29, il s'agissait de la première publicité télévisée en France, pour ce type de produit. S'il est fait le choix de recourir à une célébrité, au regard du produit, c'est pour que celle-ci puisse faire la preuve de son efficacité. En effet, un porte-parole célèbre revêt ici un avantage certain. Etant connu du consommateur __________________ 29 - "Première pub télé pour un substitut de repas" Emmanuel FRADET-VANANTY et Isabelle TERRAY, COMMUNICATION CB NEWS du 27 Avril 1992. Malgré l'attaque de divers concurrents, Ultra Slim Fast détenait aux Etats-Unis, au début de l'année 1992, 88% de parts de marché. "NESTLE targets dieters with new chocolate fix" Bradley JOHNSON, ADVERTISING AGE du 24 Août 1992. auparavant, celui-ci sera à même de constater de l'efficacité du produit. Alors que le doute subsistera toujours avec l'utilisation d'un consommateur type, inconnu de la cible auparavant. L'agence GREY, également détentrice du budget aux Etats-Unis a depuis longtemps recours à diverses célébrités connues pour leur embonpoint préalable. Ainsi, l'acteur Peter De LUISE, les sportifs Dan DIERDORF et Tommy LASORDA, le chanteur Mel TORME, les animatrices Oprah WINFREY, Kim FIELDS et Christina FERRARE ainsi que l'ancien Maire de la ville de New York Ed KOCH apparurent preuve à l'appui dans la communication de SLIM-FAST puis de ULTRA-SLIM-FAST, plus récemment. En France, c'est l'actrice Marie-Christine BARRAULT qui fut retenue pour le lancement du produit le Lundi 26 Avril 1992. Il fallait que ce soit une femme, notamment en raison du fait que si le produit à déjà conquis plus de 30 millions d'Américains, les consommateurs séduits sont à plus de 70 % des consommatrices. Filmée par Roger VADIM, la comédienne présentait au téléspectateur une photographie d'elle-même avant l'utilisation du produit, puis détaillait son mode d'utilisation ainsi que les raisons de son efficacité. La caution était alors crédible de visu. Les stars du cinéma sont par ailleurs reconnues pour les régimes drastiques que leur imposaient (imposent ?) les producteurs, ce qui ajoute à la puissance du message. Le dernier avantage de recourir à une célébrité pour un produit "amaigrissant" est également de Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 145 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ déculpabiliser en partie son utilisation. Pour s'imposer sur le marché des édulcorants, dans les années 40 puis 50 aux Etats-Unis, AYDS n'hésita à solliciter le concours de stars telles que Sonja HENIE, Paulette GODDARD, Joan BENNETT, Yvonne De CARLO, Hedy LAMARR, Corinne CALVET, Anita EKBERG, Mona FREMAN, Maureen O'SULLIVAN ou Ann SHERIDAN. A partir de 1983, WEIGHT WATCHERS eut recours à l'actrice Lynn REDGRAVE30 sur les conseils de son agence D.D.B.. Il peut être également intéressant de recourir à la caution d'une célébrité lorsque le produit est un bien anomal, c'est à dire qu'il dispose d'un prix élevé et que son l'achat nécessite réflexion en raison de ses caractéristiques. L'objectif est alors de faciliter son acceptation par le consommateur. Rien ne s'y oppose en théorie, toutefois, il devient capital, voire impératif, qu'un lien fort et indiscutable existe alors entre le produit et le porte-parole célèbre. Ce fut souvent le cas des appareils photographiques. Dans ce cas, deux méthodes sont en général employées. La première consiste tout simplement à solliciter le témoignage d'un photographe célèbre31, de préférence également connu pour __________________ 30 - Quatre ans plus tard, WEIGHT WATCHERS attribuait lui-même à cette campagne une grande partie de son succès. "WEIGHT WATCHERS gaining HEINZ unit builds share as it leans on STOUFFER" Judann DAGNOLI, ADVERTISING AGE du 13 Juillet 1987. 31 - "Nec plus Leica, vulgum pecus non est" Olivier LAMOUR, STRATEGIES n°561 du 11 Mai 1987. utiliser personnellement la marque d'appareils. Le choix du porte-parole dépendra alors de la cible que l'on souhaite atteindre. Plus celle-ci sera large, plus la renommée du photographe devra être importante, voire universelle. Ce fut par exemple le cas de la marque PENTAX, qui utilisa en 1975 le concours de Jacques-Henri LARTIGUE, pour son modèle ASAHI ESII. Plus de 70 ans au service de la photographie et des réalisations exceptionnelles conféraient à l'un des plus célèbres photographes du monde, une expérience incontestable aussi bien auprès des amateurs que des professionnels et cautionnait ainsi le choix de PENTAX. La seconde approche, plus fréquente, consiste à parfaire cette caution avec une illustration du travail du photographe avec le matériel présenté. Ce fut par exemple le cas la même année, de la campagne pour les appareils NIKON, dont le célèbre photographe Helmut NEWTON fut l'un des protagonistes. Certes, une discrète photographie du professionnel figurait sur l'annonce au regard des éléments de son témoignage, mais surtout, l'appareil faisait face à une photo prise par Helmut NEWTON avec son propre NIKON. Cas original, HASSELBLAD eut également recours à cette stratégie pour sa communication internationale, en sollicitant des célébrités du support sensible pour photographier d'autres célébrités telles que Debbie HARRY photographiée par Michael KENNEDY, Karl LAGERFELD par Patrick JACOB, FAYE DUNAWAY par Terry O'NEILL, Frank ZAPPA par Lynn GOLDSMITH, Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 146 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Johnny CASH par Dmitri KASTERINE, Chrissie HYNDE par Linda Mc CARTNEY, Anne-Sophie MUTTER par Christian VOGT, Esa-Pekka SALONEN par Tuija LINDSTRÖM, Ingemar STENMARK par Hans GEDDA ou Grace JONES par Greg NORMAN, par exemple. Compte tenu du grand nombre de célébrités ayant accepté le principe de la campagne, il était tout à fait possible de la décliner dans chaque pays avec des célébrités spécifiques et plus adaptées. C'est ainsi qu'apparurent notamment en France Isabella ROSSELLINI et Paul BOCUSE. Notons, parallèlement à ces deux approches, celle adoptée par la non moins célèbre marque LEITZ en 1987, pour son appareil LEICA R5. Elle utilisa la caution non d'un photographe, mais du fameux explorateur Robert SWAN de retour de son expédition au pôle Sud. Celui qui venait de marcher sur les traces du Capitaine SCOTT témoignait que, compte tenu des conditions naturelles extrêmes, il avait besoin du "meilleur appareil". Pas question une fois sur place d'avoir "une seconde chance". Là encore, le cautionnement technique était total. Dès lors, on s'aperçoit que dans la plupart des cas de caution, c'est une expérience qui est mise à profit pour illustrer cette caution au yeux de la cible. Nous reviendrons sur ce point plus en détail, sous l'angle de l'expérience dans le chapitre suivant. Enfin, remarquons un dernier cas de caution "indirecte" original. Celui de la comédienne Denise GREY dans la campagne de l'agence DASSAS JAGLIN pour son client JAVEL PLUS LA CROIX, en 198732. Ces dernières années, à diverses reprises la comédienne avait interprété le rôle d'une grand-mère dynamique et restée intellectuellement très jeune. Or, cette interprétation correspondait si bien à la comédienne elle-même, qu'elle lui valut une énorme notoriété en tant que telle. Par ailleurs, chacun sait la grande expérience que l'on reconnaît implicitement à une grand-mère en matière de bons gâteaux ou de linge bien lavé. Il suffit de se remémorer les évolutions de la sympathique Mère DENIS exposées précédemment, pour sans convaincre. D'ailleurs, la comédienne utilisée dans un scénario de fiction n'apportait pas la caution de Denise GREY - dont la connaissance d'un produit comme l'eau de Javel aurait pu être discutable -, mais celle d'une grand-mère se rendant à l'improviste chez sa petite-fille. Scores IPSOS film Denise Grey - Javel plus Impact . Score brut . Score spécifique . score prouvé . Score de reconnaissance Agrément . Positif . Négatif . Indifférent Juin 1987 67 58 59 78 89 5 6 "Film de Pub" Philippe BENOIT, Patrick LE BRIGAN, Didier TRUCHOT Editions GALLIMARD, Paris (1988) p. 108 Bien que très indirecte, la caution de la star, servie par __________________ 32 - "Lessieur lance JAVEL Plus" Philippe COLL, STRATEGIES n°547 du 2 Février 1987. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 147 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ l'exploitation d'un scénario original, reçut des scores IPSOS d'agrément positif assez exceptionnels, avec 89% chez les femmes, mais surtout de 94% chez les femmes de plus de 35 ans, d'après une source annonceur ! Dans certains cas, la caution de la célébrité peut être beaucoup plus spontanée et l'on peut alors espérer que ce lien naturel déclenche plus facilement encore la crédibilité du message aux yeux de la cible. C'est le cas d'une adéquation stratégique. 3 - Mise à profit d'une adéquation stratégique Pour être sûr de donner des résultats dépassant le simple stade de l'impact, la célébrité doit permettre de tirer profit d'une adéquation stratégique perceptible par le destinataire de la communication. Dans cette optique, la principale question que doit alors se poser l'agence de publicité est : "Quel est le lien entre la célébrité et le produit ou l'annonceur ?". Existe-t-il une quelconque adéquation stratégique entre le produit et ce porte-parole célèbre ? "Quand le personnage est en parfaite adéquation avec la stratégie de la campagne, c'est un accélérateur de mémorisation. Le problème est que souvent c'est mal utilisé, il y a un manque d'idée à la base." note Jacques HENOCH33 du groupe BELIER. "Quand le personnage est adapté au __________________ 33 - Entretien privé accordé le 17 Avril 1988. sujet, il devient témoin de la qualité du produit. Lorsqu'il n'est pas adapté, le personnage fait de l'ombre au produit, il le phagocyte" indique Jean-Charles BENCHETRIT34. Cette adéquation célébrité / produit fut souvent et est encore parfois négligée, parce que la célébrité est très souvent recherchée uniquement pour son simple impact. Mais dans la plupart des cas, il s'agit d'une grave erreur, dont le produit finit toujours par payer les conséquences en termes de résultats commerciaux. L'adéquation stratégique est le lien incontournable entre l'impact et la crédibilité. Or, c'est la plupart du temps cette crédibilité du message, qui permettra de détourner l'attention du consommateur de la célébrité vers le produit. Le message est crédible, son objet devient alors centre d'intérêt. L'adéquation en question peut revêtir plusieurs formes. La première et bien entendu la plus recherchée, car la plus facilement perceptible par le public, est l'adéquation directe célébrité / produit. Š Adéquation avec le produit L'utilisation de sportifs célèbres pour des matériels, des accessoires ou des vêtements de sport est l'une des illustrations traditionnelles. C'est par exemple en 1988, l'utilisation du tennisman Miloslav MECIR pour __________________ 34 - Jean-Charles BENCHETRIT, P.D.G. de l'agence B.C.R.C.. Entretien privé accordé le 23 Septembre 1988. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 148 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ présenter les chaussures de tennis REEBOK. Le porte-parole était alors champion de tennis, REEBOK fabrique des chaussures de tennis, le porteparole sollicité utilisait ces chaussures pour jouer au tennis,... l'adéquation existe naturellement. On retrouve ce cas d'adéquation directe entre un écrivain et un stylo, par exemple. Lorsque BIC Etats-Unis utilisa à la fin des années 80, le témoignage des écrivains à succès Robert LUDLUM et Ken FOLLETT pour son stylo à bille BIC METAL POINT ROLLER, il y avait adéquation stratégique entre le produit et la célébrité. Lorsque l'acteur américain Walter PIDGEON vantait les mérites des portails et grillages WALTER PIDGEON STEEL, que Polly BERGEN conseillait l'utilisation les cosmétiques TORTUE, que Jean-Claude KILLY présentait les anoraks KILLY, que Gérard PELISSON ou Paul DUBRULE exposent les résultats du groupe ACCOR, que Bernard TAPIE explique les activités du groupe B.T.F., ou que Lee IACOCCA35 recommande l'huile __________________ d'olive Villa NICOLA, leur message est également crédible, car leur adéquation stratégique au produit provient du fait qui sont les managers des entreprises qui sont mises en avant. Š Adéquation avec l'axe de la campagne Mais cette adéquation directe avec le produit est parfois difficile à obtenir en fonction du produit. On peut alors rechercher une adéquation avec l'axe et/ou le ton de la campagne. En 1988, l'animateur Frédéric MITTERRAND avec son élocution caractéristique fut ainsi utilisé pour la communication des automobiles OPEL. Le discours de la publicité automobile études marketing visant à définir le véhicule idéal qui conviendra au plus grand nombre obligent - se différencie peu d'une marque à l'autre, sur des segments identiques. L'objectif de l'agence Mc CANN ERICKSON n'était pas du tout de présenter Frédéric MITTERAND comme le conducteur idéal de voitures OPEL, mais simplement d'associer l'élocution particulière de la célébrité au ton de la campagne. 35 - "IACOCCA acts like Paul NEWMAN" Laurie KRETCHMAR, FORTUNE INTERNATIONAL, Volume 126, N°2/15 du 27 Juillet 1992. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 149 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Ainsi, cette adéquation célébrité / produit peut être indirecte. La même année, les bouillons cube KNORR utilisèrent le chanteur compositeur Pierre PERRET. Par ailleurs connu pour son goût pour la bonne cuisine et auteur du Petit PERRET Gourmand, il existait un lien, entre le produit et la star. Pierre PERRET fut également utilisé quelques mois plus tard par les chaudières E.L.M. LEBLANC1. Là aussi, il existait une certaine adéquation, en raison du succès de la chanson de Pierre PERRET, Le plombier, qui lui reste attachée et implicitement mise en avant. C'est également ce que fit l'agence américaine COMPTON 2 Advertising en 1984 . L'un de ses clients - la compagnie financière PAINE WEBBER lui avait demandé de concevoir un film mettant en scène le tennisman dont elle était le sponsor. Or, il n'y avait a priori pas de lien entre Jimmy CONNORS et PAINE WEBBER. Certes, une utilisation traditionnelle aurait été de présenter le sportif comme utilisateur des services financiers de la société. Mais pour se démarquer de cette solution de relative facilité, COMPTON choisit d'utiliser une adéquation avec l'axe de la communication. Cet axe était que vouloir investir tout seul était comme __________________ 1 - Voir notamment : "La communication Business to de vouloir jouer seul au tennis contre Jimmy CONNORS. Et le film de présenter un cours de tennis avec d'un côté le sportif, de l'autre la reproduction d'un bureau de la compagnie et ses employés, à même le cours. Bien entendu, malgré ses efforts, Jimmy CONNORS, seul, ne parvenait pas à gagner ce match des plus insolites. En 1981, la collective pour les avocats de Californie décida de faire appel à une star pour bénéficier de son impact. Dans le cas d'un produit de grande consommation comme l'avocat, il est difficile de trouver une star en adéquation avec le produit ou même représentative de la cible ; cette dernière est par trop hétérogène. De plus, en plein dans la vague santé et respect du corps, qui commençait à submerger les Etats-Unis, la collective souhaitait communiquer sur ce thème. Il fallait donc choisir une star qui puisse évoquer cet axe de la communication. La sculpturale Angie DICKINSON correspondait parfaitement à cette stratégie qui consistait à vanter la faible teneur en calories de l'avocat3. En 1988, les automobiles MERCEDES-BENZ confièrent à l'agence Philippe LORIN le soin de réaliser une campagne pendant le Festival International du Film, à Cannes. Chaque jour, une annonce paraissait dans Globe, quotidien de circonstances. Après quelques Business" de Pierre SIQUIER, Editions DUNOD, Paris, 1990, pp. 59-60. __________________ 2 - "2 chefs-d'oeuvre d'opportunisme" Anonyme, MEDIAS 3 - "DICKINSON dresses up avocado ads" Anonyme, n°83 du 10 Septembre 1984. ADVERTISING AGE du 29 Septembre 1980. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 150 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ recherches dans la photothèque privée de MERCEDES-BENZ, Philippe LORIN finit par extraire différentes photos en noir et blanc, parfois dédicacées, sur lesquelles diverses stars apparaissaient au volant ou aux côtés de leur voiture, une MERCEDES bien sûr4 ! L'accroche de la campagne "MERCEDES aime le cinéma, le cinéma aime MERCEDES" ainsi que le moment de son exploitation définissent à eux seuls l'axe et le ton de la campagne. Les stars apparaissaient dès lors comme des porte-parole idéals. Zsa Zsa GABOR, Lilian HARVEY, Anita EKBERG, Sophia LOREN, mais aussi FERNANDEL, Hardy KRUGER, Charles AZNAVOUR, Gary COOPER et Yul BRYNNER illustrèrent cette superbe campagne. Remarquons que les photos n'étaient pas simplement choisies en fonction de stars mais également de la voiture. Ainsi, les différents modèles présentés étaient-ils également sélectionnés pour montrer que depuis toujours, les stars aiment MERCEDES. Pour l'anecdote, on regrettera que l'agence n'est pas utilisé ou retrouvé la célèbre photo d'Alfred HITCHCOCK, au volant de son coupé MERCEDES et promenant Leo5, le lion de la M.G.M. assis à ses côtés. __________________ 4 - Voir également : "Cars of the stars : How auto-loving celebs stylish commute between camera sessions" Jean LEWIS, Special report, ADVERTISING AGE du 25 Juillet 1988. 5 - Lorsqu'en 1924 les compagnies METRO, GOLDWYN Pictures et Louis B. MAYER Pictures fusionnèrent, Leo le lion, emblème de la GOLDWYN Pictures, fut conservé en raison de son symbolisme fortement encré dans l'esprit des spectateurs. Il avait été imaginé quelques années auparavant, par le Responsable de la publicité du studio, Howard DIETZ, qui devint Chef de la publicité de la M.G.M.. Š Adéquation avec la cible du produit Il est également possible de rechercher une adéquation avec la cible du produit. En 1958, l'utilisation du jeune et dynamique chanteur Gilbert BECAUD correspondait parfaitement à la jeune cible des scooters VESPA, en matière de culture, goûts, de styles de vie,... Et même si l'identification totale n'était pas l'objectif avoué de la campagne, l'acceptation de la communication était amplement facilitée par ces différents points communs. Le public aime les célébrités en général et plus encore lorsqu'il pense avoir un lien avec elles. Lorsqu'en 1972, l'agence OGILVY & MATHER utilisa aux Etats-Unis, le célèbre sportif, Joe DiMAGGIO, en tant que porte-parole de la banque BOWERY SAVINGS, la Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 151 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ plus grande banque d'épargne de New York, l'attention portée à ses spots publicitaires grimpa de plus de 50 % en l'espace de seulement 8 mois. Joe DiMAGGIO, qui fut l'un des maris de Marilyn MONROE, avait auparavant été le plus célèbre joueur de base-ball depuis le grand Babe RUTH - de l'équipe des Yankees, exerçant justement dans la ville de New York. Il était le héros des new-yorkais et ainsi ressenti comme plus proche d'eux. terres down under aux Etats-Unis en 1985, il eut recours à l'acteur australien, Paul HOGAN6. L'année suivante, lorsque la SOPEXA communiqua sur le territoire américain en faveur des produits alimentaires et des vins français, elle utilisa le concours de l'emblématique mime Marcel 7 MARCEAU . __________________ Cas annexe d'adéquation à la cible, lorsqu'une société exporte ses produits. Deux solutions sont alors possibles si elle souhaite recourir à un porte-parole célèbre pour doter son produit d'un indispensable impact. La première consiste à, utiliser des stars nationales connues à l'étranger et que l'on "expatrie" avec le produit pour qu'il s'entoure des connotations de son pays d'origine. Lorsque l'Office du Tourisme australien voulu vanter la beauté des 6 - Le cas est intéressant car contrairement à l'Autralie où il était déjà une star du petit écran, Paul Hogan était encore peu connu aux Etats-Unis où son show était diffusé - le succès cinématographique international du film Crocodile Dundee n'invervint qu'en 1986 -, en revanche, il était un visage suffisamment connu et surtout déjà rattaché à l'Australie pour être utilisé avec profit. Voir notamment "Paul Hogan : The Aussie taking America by storm" Mary McKINNEY ADVERTISING AGE du 4 Février 1985. 7 - "European producers trying to drain surplus" Laurel WENTZ et Claire WILSON, ADVERTISING AGE Special Report du 31 Janvier 1985. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 152 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ C'est également le cas de nombreuses sociétés françaises dont les produits de luxe sont diffusés sur les marchés japonais et/ou américains. "La publicité japonaise utilise beaucoup d'Européens. Dès que l'on veut sophistiquer quelque chose, on met un Européen" observe Alain De 1 POUZILHAC . Alain DELON fut longtemps le porte-parole publicitaire des cognacs REMY MARTIN en Asie, Marcello MASTROIANNI celui de MARTELL, Catherine DENEUVE, l'ambassadrice de CHANEL n°5 aux Etats-Unis,... En 1982, la chaîne de grands magasins japonais haut de gamme, SEIBU, fit appel au comédien, écrivain, metteur en scène Woodie ALLEN. Après deux refus successifs en Juillet et Octobre, toute l'équipe de création de l'agence japonaise I&S se rendit à New York, au mois de Décembre, pour tenter une dernière fois de convaincre la star. Après avoir consulté son entourage, pris connaissance de tous les roughs que l'agence avait apportés et considéré le fait que ses films allaient prochainement être présentés au public japonais, Woodie ALLEN accepta de prêter son concours, parce que la communication respectait en définitive totalement son image. Mais quel était le véritable lien entre Woodie ALLEN et les magasins SEIBU ? Quelle adéquation l'agence I&S avait-elle trouvée entre le genial acteur et cet annonceur japonais ? De surcroît, le ton volontairement décalé de la communication ne pouvait en aucun cas toucher le grand public, cible de la campagne. Malgré toutes les objections conceptuelles que l'on pourrait adresser a priori à cette campagne, elle eut un immense et incontestable succès. Création artisitique exceptionnelle, elle parvint également à remplir ses objecifs commerciaux. "La plus belle campagne avec une star est une utilisation qui a été faite à Tokyo par un de mes copains, le grand créatif Japonais, Shigesato ITOI, pour les magasins SEIBU, où l'on voyait Woodie ALLEN avec tous les pêchers du monde, plus voûté que jamais, à son bureau et qui disait : "la vie est merveilleuse". C'était une utilisation vraie de tout l'humour européen de Woodie ALLEN et la campagne a été un grand succès" commenta Jacques SEGUELA2. En 1992, la société d'études VIDEORESEARCH Co publia les résultats d'une enquête sur le taux de reconnaissance des célébrités occidentales par les consommateurs japonais. __________________ __________________ 1 - Entretien privé accordé le 9 Juin 1988. 2 - Entretien privé accordé le 31 Janvier 1989. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 153 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Taux de reconnaissance des stars occidentales au Japon (1991) 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% Julia Roberts Jodie Foster Katharine Ross Liza Minnelli Brooks Shields Catherine Deneuve Jane Fonda Sophia Loren Elizabeth Taylor Audrey Hepburn Kevin Costner Al Pacino Clint Eastwood Kirk Douglas Eddie Murphy Arnold Schwarzenegger Dustin Hoffman Sylvester Stallone Sean Connery Alain Delon 0% Etude réalisée au mois d'Août 1991 (musiciens non considérés) Source : VIDEO RESEARCH Co. - Tokyo - DENTSU Inc. - 1992 On notera la première place de l'acteur français Alain DELON, les taux de reconnaissance relativement élevés plus de 80% pour les deux premières célébrités masculines et féminines ainsi que la présence de stars confirmées, essentiellement. "Bien que certaines stars telles que celles-ci soient très sélectives à propos de leur apparition dans des publicités sur leurs marchés domestiques, elles accueillent avec plaisir les opportunités outre-mer" commentait la journaliste Julie SKUR HILL en Juin 19921. Soit seconde approche, l'annonceur opte pour l'utilisation de célébrités locales plus en adéquation avec la cible et permettant alors de __________________ 1 - "Int'l stars warm up to ad climate outisde of U.S." Julie SKUR HILL, ADVERTISING AGE INTERNATIONAL du 22 Juin 1992. contourner partiellement du facteur N.I.H. de David OGILVY. REMY MARTIN sollicita ainsi le témoignage en tant qu'acteur, du metteur en scène Martin SCORSESE aux Etats-Unis. Autre cas, la SODIMA, qui commercialise les yaourts YOPLAIT aux Etats-Unis s'est ainsi associée les services de stars américaines du petit écran comme Jack KLUGMAN, Michael CONRAD, Terry GARR et Alice BEASLEY pour sa communication d'outre-Atlantique. Enfin, en 1989 les TELECOM britanniques utilisèrent différentes célébrités étrangères pour s'adresser aux touristes eux-aussi étrangers. C'est ainsi notamment que le comédiens Bob HOPE qui fut chargé d'attirer l'attention des vacanciers américains, alors que Michel DRUCKER s'adressait aux vacanciers français, belges et suisses. Destinés à figurer sur des documents d'informations tels que Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 154 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ des plan d'accès, la célébrité permettait d'attirer beaucoup plus facilement l'attention des touristes de chaque nationalité visée. Š Adéquation totale Maintenant, la combinaison éventuelle de ces différents types d'adéquation demeure la solution rare mais idéale. En 1987, la CARTE JEUNE eut recours à l'animateur vedette du moment : Childeric MULLER. Stan LEVY2 raconte ce mariage : "A l'époque CHILDERIC était animateur à RADIO MONTE CARLO. Notre démarche a été de ne pas considérer la CARTE JEUNE comme un produit émis par un Ministère, fait dans je ne sais quel but de récupération électorale. Le film comportait ce côté un peu dérision et l'on sait que les jeunes acceptent et apprécient la dérision. D'autre part, à la suite de tests, on s'est aperçu que leur façon de penser est très concrète. Savoir que l'on s'occupe d'eux, ils n'en ont rien à faire. Ce qui les intéresse c'est savoir concrètement ce que ça leur rapporte. Les tests ont révélé que leurs préoccupations concernaient les fringues, les concerts, les disques, le sport, les voyages... Il fallait trouver un ton jeune sans faire faux jeune, dans le coup sans faire branchouille, direct sans être prêchi prêcha, pour montrer les avantages de la carte. CHILDERIC nous paraissait être un personnage qui avait ce côté malin, en contact direct avec notre cible, les 15-25 ans. Il se __________________ 2 - Entretien privé accordé le 27 Septembre 1988. trouvait en plus qu'il allait commencer son émission sur LA 5. Tout cela faisait un mix très intéressant. Par ailleurs, le film était simple, drôle, et ne détruisait pas son image. On était en spéculative avec plusieurs agences. La meilleure idée était de faire les spots en maquette avec CHILDERIC. Je suis donc allé passer un week-end à Marseille avec lui, qui avait accepté le pari. Là aussi, j'ai fait le réalisateur en herbe dans un studio pourri du fond de Marseille pour faire une vidéo avec trois clous et deux radis. En définitive, le mariage CHILDERIC / CARTE JEUNE a très bien marché." Le budget fut donc confié à l'agence SUCCESS/SLAD. Après le lancement de la campagne, il se vendit plus de cartes en Novembre et Décembre 1987 que pendant toute l'année 1986 ! En adéquation avec la jeune cible du produit, CHILDERIC correspondait aussi parfaitement au ton de la communication ainsi qu'au produit lui-même. La communication fut reconduite l'année suivante3. En revanche, dans le cas d'absence totale d'adéquation, on tombe rapidement dans le cas des parachutages de stars pour l'impact, dont les résultats sont souvent à la hauteur de la méthode... Quel était le rapport entre le danseur Jacques CHAZOT et les plaquettes désodorisantes CRISTALLINES ? Entre __________________ 3 - La télévision est reconnue pour être devenue au fil des ans, l'une des principales - sinon la principale - sources d'information pour les jeunes consommateurs. Voir notamment : "Television and interpersonal influences on adolescent consumer learning" Gilbert A. CHURCHILL Jr. et George P. MOSCHIS, JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 6 du mois de Juin 1979, pp. 23-35. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 155 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ les chewing-gum FLEERS et l'actrice Joan CRAWFORD ? Entre les acteurs ABBOTT et COSTELLO, et la pastilles digestives TUMS ? Entre John WAYNE et le thon en conserve STAR-KIST ? Entre Jean ROCHEFORT et les tuiles REDLAND ? Entre le tennisman Arthur ASHE et l'aspirine BUFFERIN ? Entre le chanteur compositeur Elton JOHN et les biscuits CADBURY ? Entre Sylvester STALLONE et le jambon japonais ITO HAM ?... Pourtant, l'adéquation de la célébrité au produit, doit être considérée comme une condition indispensable, permettant de lier efficacement les deux protagonistes de ce mariage commercial. Sans elle, pas de lien. Et sans lien, l'impact n'engendrera jamais la totale reconnaissance du produit, l'attention du public demeurant sur le visage de la célébrité. Or, si l'on utilise une célébrité pour présenter ou vanter les avantages d'un produit, c'est avant tout pour faire la promotion du produit et non celle de la célébrité, qui logiquement n'en a pas besoin. C'est là un point capital sur lequel nous reviendrons dans le cadre du chapitre III, lors de l'analyse du choix d'une célébrité. En conclusion de ce paragraphe, on peut cependant isoler un cas particulier échappant partiellement à ce principe : le coupon-réponse. En 1952 et 1953 par exexmple, le constructeur d'appareils à air conditionné FEDDERS-QUIGAN utilisa aux Etats-Unis des stars telles que Humphrey BOGART, Jane RUSSELL, Ann SOTHERN ou José FERRER. Là aussi, il n'y avait aucune espèce d'adéquation évidente entre le produit et le porte-parole célèbre, l'axe de la communication ou la cible, si ce n'est la caution de la star simplement en tant que célébrité. Mais FEDDERSQUIGAN parvenait cependant à contourner cette lacune en utilisant le principe du couponing. La célébrité devait alors uniquement jouer son rôle de génératrice d'impact de manière suffisamment puissante pour orienter le lecteur vers l'argumentaire de l'annonce. Le contact avec le prospect devait être assuré par le coupon Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 156 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ figurant sur l'annonce. Peu importait dès lors les résultats d'un éventuel calcul du taux de reconnaissance a posteriori. Il vient d'être exposé que parmi des possibilités d'adéquation stratégique, figurait celle d'une identité du porte-parole célèbre avec la cible. Une approche annexe consiste à insister sur cet aspect de la communication de manière à miser sur l'identification. 4 - Recherche d'identification au modèle Pour toute une génération de consommateurs de bière, le buveur de GUINNESS n'a jamais eu de visage. C'est là un cas d'école. Dès années 1930 au années 1950 GUINNESS avait posé ce principe dans sa stratégie publicitaire. "Elle prétendait que si GUINNESS était une boisson pour chacun, l'identifier avec un segment particulier du marché aurait limiter son attrait"4. Il était impératif que l'identification avec un type de consommateur particulier ne soit pas possible. Dans son autobiographie, le grand metteur en scène américain Frank CAPRA raconte qu'en 1934, à la sortie de son film It happened one night, Harry COHN, le Président de la __________________ 4 - "The evolution of GUINNESS Advertising" F.G. WIGGLESWORTH, JOURNAL OF ADVERTISING HISTORY 3 de Mars 1980. Columbia qui avait produit le film, dut âprement lutter contre les fabricants de linge de corps "parce que GABLE avait lancé la mode de ne pas porter de maillots de corps"5. Il a été démontré que si le contexte dans lequel évolue le personnage d'un message publicitaire, ou le personnage lui--même est susceptible de rappeler au consommateur, un univers ou un comportement qui lui est familier, alors il est possible qu'il s'identifie au porteparole du message6. Ainsi son attitude peut-elle être plus facilement orientée favorablement envers le produit, voire dans certains cas considérablement modifiée par rapport à son attitude initiale7. La communication publicitaire peut alors servir de médiateur entre le __________________ 5 - "The name above the title" Franck CAPRA Editions MacMILLAN Company, New York, Etats-Unis d'Amérique (1976), paru en France sous le titre "Hollywwood Story" Editions STOCK/OPERA MUNDI (1976), Editions RAMSAY (1985) pp. 238-239. 6 - En s'attachant la participation de "gagneurs" les parcs d'attractions WALT DISNEY utilisèrent cette stratégie dans la seconde moitié des années 80. Le concept était de présenter l'exploit de la célébrité et de lui demander ce qu'elle comptait faire à présent. Celle-ci répondait alors "aller à Disneyland" et "aller à Disneyworld" en fonction des Etats d'exploitation du film... "DISNEY scouting winners for ads" Wayne WALLEY et Sara E. STERN, ADVERTISING AGE du 2 Mars 1987 et "Who's next for DISNEY ? Ads boost image by jumping into winner's circle" Wayne WALLEY, ADVERTISING AGE du 17 Octobre 1988. 7 - Voir notamment l'étude de Timothy C. BROCK "Communicator-recipient similarity and decision change" JOURNAL OF PERSONNALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY, 1965, Volume 1, n°6, pp.-650-654, sur le changement de décision d'un acheteur potentiel de peinture au regard d'une opinion du vendeur similaire ou différente à la sienne. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 157 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ produit et le consommateur pour créer cette relation de désir. "Les personnalités jouent seulement le rôle de porte-parole, de porte-voix, de hautparleur en raison de leur notoriété. Ça c'est le smig de la personnalité, mais quand elles sont bien intégrées, elles vont jouer ce rôle de médiateur, de transformateur d'une fonction de désir. A travers le processus d'identification, de projection, d'imitation, peu importe, à travers ce processus de médiation et de médiatisation s'opère une transformation en désir. Ce désir crée alors une intensité de transformation à la marque" analyse Daniel DAHAN8. Si parmi les fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité, la mise à profit de cette caractéristique de la star est aujourd'hui quelque peu en voie de disparition, elle mérite cependant d'être présentée car elle perdure pour certains produits (cosmétiques, 9 vêtements , bijoux,...) et surtout parce que le nombre de cas publicitaires ayant fait appel à elle dans le passé est __________________ 8 - Entretien, en compagnie de Claude DOUCE Président du groupe BELIER Paris, accordé le 3 Mai 1988. Voir également : "Personality characteristics related to susceptibility to influence by peers or authority figures" Leonard BERKOWITZ et Richard M. LUNDY, JOURNAL OF PERSONALITY Volume 25, 1956, pp. 306316. 9 - Ann HOLLANDER - "Seeing through clothes" Editions VIKING PRESS, New York, Etats-Unis, 1978 analyse parfaitement cette volonté d'identification voire d'imitation par le biais des vêtements. Les célébrités les plus médiatiques sont vecteurs et parfois même générateurs de la mode. Or, Thorstein VEBLEN mettait en évidence dès 1894, l'utilisation des vêtements comme expression d'une position sociale - "The economic theory of women's dress" POPULAR SCIENCE MONTHLY 46, du mois de Novembre 1894. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité très important. Comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, à sa naissance et pendant de nombreuses années, la star fut auréolée de tout un monde de rêve, de tout un mythe. Ce mythe suscita bien des passions et de farouches volontés d'identification10. Les annonces publicitaires d'alors ne nécessitaient que peu de réflexion quant à leur conception, la présence de la star suffisait par elle-même à justifier l'objectif. Inciter le consommateur à imiter son modèle. Sur le principe du symbole interprétatif détaillé par Bernard CATHELAT11, l'objectif de la communication est alors de pousser l'élément de la cible à s'identifier à la célébrité en consommant les mêmes produits. L'approche dite 12 situationnelle, montre que de __________________ 10 - "La star publicitaire n'est pas seulement un génie tutélaire qui nous garantit l'excellence d'un produit. Elle invite efficacement à adopter ses cigarettes, son dentifrice, son rouge à lèvres, son rasoir préféré, c'est à dire à nous identifier partiellement à elle. Elle fait vendre savons, combinaisons, réfrigérateurs, billets de loterie, romans, qu'elle imprègne de ses vertus. C'est un peu de l'âme et du corps de la star que l'acheteur s'appropriera, consommera, intégrera à sa personnalité." "Les stars" Edgard MORIN, op. cit. pp. 156-158. 11 - Dans sa typologie des symboles utilisés par les publicitaires - symboles intentionnels, symboles interprétatifs et symboles connatifs -, le sociologue Bernard CATHELAT analyse les symboles interprétatifs comme étant ceux qui "suscitent des sentiments, par la mise en scène de personnages dont les situations, les sentiments, les relations auxquels le consommateur peut et doit s'identifier". "Publicité et Société", Editions PETITE BIBLIOTHEQUE PAYOT / DOCUMENTS P83, Paris (1968, 1976, 1987, 1992) p. 145. 12 - Russell W. BELK "Situational variables and Consumer behavior", JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH, Décembre 1975, pp. 157-164, partiellement contesté par Bernard DUBOIS dans "Un autre aspect 158 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ nombreux et divers facteurs situationnels jouent un rôle dans le déclenchement du comportement d'achat, ainsi que sur les conditions de déclenchement de ce comportement. D'où l'intérêt de faire utiliser le produit par la célébrité. La mise en situation dans des conditions normales pourra susciter le souhait d'imitation13. Et si ce souhait d'identification est parfois très puissant, c'est qu'il n'est pas tant l'aspiration à l'identification, à l'imitation et/ou au fait d'atteindre ou exprimer un statut social supérieur, mais souvent celui de "masquer le niveau de vie présent du consommateur" ainsi que son statut social actuel14. Le principe était alors très simple et il faut bien admettre que comme tout principe qui dure, il devait/doit bien comporter quelque chose d'intéressant et surtout de valorisant et rentable pour l'annonceur. Dans ce cas précis, la célébrité utilisée est si célèbre qu'elle doit par sa renommée et son image, effacer tout doute quant à la crédibilité de la communication sur les qualités du produit, et générer un désir d'imitation15. A titre d'exemple, de grands noms du spectacle tels que John WAYNE, Agnès MOOREHEAD, Charles BOYER, Charles LAUGHTON, Cedric HARDWICK et le clown Emmett KELLY furent sollicités en 1953 pour une campagne collective des producteurs américains de café, de manière à inciter les américains à comme ces célèbres acteurs - faire des "pauses café". Dans le cas d'une cible très jeune, l'identification peut alors facilement faire appel au mythe du héros exposé dans le premier chapitre. En 1987, aux Etats-Unis, la préparation pour petit déjeuner OVALTINE fit appel à CAPTAIN MIDNIGHT, le héros de la série du même nom et très célèbre dès le milieu des années 195016. Lorsque ces mêmes petits Américains demandent à leur maman d'acheter des __________________ dans l'étude du consommateur : l'approche situationelle" REVUE FRANCAISE DE MARKETING n°129, 1990/4 pp. 73-81. 13 - "Les scores image-produit tendent à être plus favorables lorsqu'une célébrité est utilisée, un effet qui peut être fonction des conditions sociales dans lesquelles le produit pourraient être utilisé." Jon B. FREIDEN "Advertising Spokesperson effects : an examination of endorser type and gender on two andiences" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Volume 24, n°5 de Octobre / Novembre 1984, p.34. 14 - Voir à ce sujet les travaux de Marcus FELSON et notamment "Individuous distinctions among cars, clothes and suburbs" PUBLIC OPINION QUATERLY 42, Printemps 1978 pp. 49-58, et "The masking of material inequality in the contemporary United-States : Felson's reply" PUBLIC OPINION QUATERLY 43, Printemps 1979 pp. 120-122. 15 - "Il est enfin une autre manière par où un nom propre d'individu peut marquer un produit : c'est le cas de ce que nous appellerons «l'utilisateur prestigieux». Déjà au XIXe siècle , l'encre HUGO. KILLY pour le ski, BORG pour le tennis ont prêté, en même temps que leur nom, leur image de champion. Le consommateur espère bénéficier par contiguïté-similarité, bref par magie, des qualités du champion. En même temps qu'un objet, il achète un droit d'identification à l'image, droit attesté par le nom." Marcel BOTTON et Jean-Jack CEGARRA "Le nom de marque", Editions Mc GRAW-HILL, Paris (1990) pp.14-15. 16 - L'agence CAMPBELL-MITCHUM en charge du budget retrouva Richard WEBB - l'actor d'origine - et parvint à le convaincre de participer à une tournée publicitaire sur le thème de CAPTAIN MIDNIGHT. "Ovaltine goes classic : ads bring back flavor of 1950s" Scott HUME, ADVERTISING AGE du 26 Octobre 1987. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 159 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ sous-vêtements FRUIT OF THE LOOM, ce n'est pas par hasard, mais simplement parce que la publicité des produits les montrent en compagnie de BATMAN, MUSCLOR, SUPERMAN, SPIDERMAN, et autres super-héros. S'ils consomment des confiseries NUTS, c'est parce que POPEYE le fait aussi. S'ils acceptent de manger des plats cuisinés HEALTHY CHOICE, de boire des boissons A & W, et réclament d'aller passer un week-end au parc d'attraction KNOTT'S BERRY FARM, c'est parce que SNOOPY leur conseille. S'ils mangent des céréales GENERAL FOODS POSTUM, boivent du FANTA, se mouchent dans des mouchoirs KID CARE, jouent avec des jouets MATTEL ou des jouets LIGHT & LEARN, demandent à leur papa de s'arrêter chez ESSO pour prendre de l'essence et d'acheter un magnétoscope PANASONIC, c'est qu'ils sont sûrs de l'excellence de ces produits, car MICKEY17 leur a dit qu'ils deviendraient aussi fort et aussi intelligent que lui, s'ils faisaient comme lui...! En France, en 1988, en déclinaison de la campagne d'affichage présentée plus haut, BANANIA appela ZORRO au secours de son produit lors d'une campagne télévisée. Dans ce dernier cas, l'utilisation de l'alter-ego de Don Diego de VEGA répondait à la triple logique suivante : En premier lieu, il avait été l'un des visuels de la campagne d'affichage ayant eu le plus fort score d'impact. D'un autre côté, par __________________ 17 - Voir également "DISNEY ne s'endort pas sur Mickey" Catherine HEURTEBISE, COMMUNICATION BUSINESS n°83 du 13 Juin 1988. & l'intérêt que lui portent les enfants, il demeurait un personnage connu des mères de famille qui étaient alors plus sensibles à la communication ainsi qu'aux observations de leurs enfants18. Enfin, malgré son absence de couleurs, la série interprétée par Guy WILLIAMS en 1959 pour les Studios WALT DISNEY, conservait près de 30 années plus tard, tout son attrait. Au regard des taux d'audience obtenus par la rediffusion des aventures du personnage de Johnston MAC CULLEY, on s'aperçut qu'il suscitait encore fortement chez le jeune téléspectateur, passion et enthousiasme. Et ZORRO de triompher une nouvelle fois du Capitaine MONASTARIO, du Sergent GARCIA et du Caporal REYES, grâce à BANANIA bien entendu... Comme à l'habitude, le produit constituait alors le lien entre l'enfant et son héros, la possibilité d'identification par l'imitation. Par ailleurs, l'étonnant pouvoir de prescription de cette cible, justifiait alors à lui seul l'exploitation de ce vieux mythe du héros19. __________________ 18 - Voir notamment : Stephen C. COSMAS et Niki YANNOPOULOS "Advertising directed to children : a look at the mother's point of view" JOURNAL OF THE ACADEMY OF MARKETING SCIENCE, Volume 9, n°3, Eté 1981, pp. 174-190. 19 - "Les enfants sont enclins à croire que ce qu'ont leur dit dans un programme de télévision n'est pas la vérité, mais toute la vérité" Extrait du rapport de Lord ANNAN p. 166 "Report of the Committee on the Future of Broadcasting" (1977) cité par la F.T.C. (Federal Trade Commission). Voir "Federal Trade Commision staff report on TV advertising to Children" Summary and recommendation, ADVERTISING AGE du 27 Février 1977. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 160 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ En réalité, si cette approche des célébrités a très bien fonctionné dans le passé, c'est essentiellement en raison du fait qu'à l'origine, elle disposait de ce vaste pouvoir qui suscitait admiration et envie chez de nombreux fans, par ailleurs consommateurs potentiels. Dès lors, il est difficile de penser que ce type de consommateurs ait totalement disparu. En 1992, l'actrice Anny DUPEREY interpellait les consommatrices françaises en leur disant que que pour avoir le même teint qu'elle, il leur fallait boire VICHY CELESTINS. Toutefois, le En effet, ce sont là des attributs essentiels, reconnus à la star telle qu'on l'imagine. Toujours parfaitement maquillée et disposant des plus belles parures de joyaux1. Il existe donc une __________________ 1 - Voir notamment "The rise and fall of diamonds" de développement de l'instruction et des moyens d'information a fortement restreint l'importance relative de ces consommateurs. De ce fait, il serait dépassé et peut-être même risqué aujourd'hui, de fonder l'utilisation d'une célébrité sur cette raison, pour n'importe quel produit. On notera cependant que cette caractéristique fut et reste très souvent celle des produits de beauté, des parfums et des bijoux. La raison en est très simple. Ces éléments font très souvent partie intégrante de l'identité même de la star. New York, Etats-Unis, 1982, page 124, où l'auteur détaille la stratégie de la société DE BEERS, qui, dans les années 30 puis 40, visait à utiliser des stars de cinéma telles que Merle OBERON ou Claudette COLBERT, comme représentants "indirects" de la marque, en fournissant des parures de diamants aux productions cinématographiques, de manière à pouvoir ensuite utiliser certaines scènes montrant le produit, dans ses publicités. Edward Jay EPSTEIN, Editions SIMON & SCHUSTER, Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 161 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ adéquation stratégique naturelle entre la célébrité et le produit. Et c'est en raison de ce lien direct et naturel qui existe historiquement entre la star, sa définition et ces différents produits, que l'identification du consommateur au porte-parole est encore rendu possible aujourd'hui2. En France, le joaillier BURMA utilisa pendant de très nombreuses années le témoignage de célébrités pour créer cette volonté d'identification du consommateur aux grands noms du théâtre, du cinéma ou du music-hall. De 1936 à 1952, de célèbres visages vinrent illustrer la communication du bijoutier. Si dans les dernières années d'utilisation de cette stratégie, les porte-parole célèbres étaient moins nombreux ou utilisés épisodiquement et généralement de façon indépendante, il en fut tout autrement lors du lancement de cette campagne. Pendant ses premières années d'existence, il était impossible de comptabiliser le nombre de célébrités qui apparaissaient sur les nombreuses annonces de la marque. Ainsi, relève-t-on des noms aussi célèbres que Joséphine BAKER, __________________ 2 - Dans leur étude à propos des prescripteurs au regard du type de biens, William BEARDEN et Michael ETZEL définissent quatre catégories de biens - "publicly consumed luxuries, "privately consumed luxuries", "publicly consumed necessities" et "privately consumed necessities" - et mettent en évidence que plus les biens sont des produits de luxe et consommés en public, plus l'influence des groupes de référence est importante. "Reference groupe influence on products and brand purchase decisions" William O. BEARDEN et Michael J. ETZEL, JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH 9, Septembre 1982, pp. 183-194. Blanche MONTEL, MISTINGUETT, Elvire POPESCO, Viviane ROMANCE, Huguette DUFLOS, Dita PARLO, SPINELLY, Lucienne BOYER, Mireille BALIN, Claude MAY, Alice FIELD, Renée DARGENT, Mary MARQUET, Gaby MORLAY, Edwige FEUILLERE, Michèle MORGAN, Madeleine RENAUD, Suzy PRIM ou Leslie CARON par exemple. A titre exceptionnel, ces femmes célèbres furent même accompagnées par des hommes, eux aussi célèbres et présents pour personnifier l'une des principales caractéristiques du bijou, celle d'être "offert par un homme à une femme" ; et SAINT-GRANIER, André De JONQUIERES, Victor FRANCEN, Maurice CHEVALIER, Henri GARAT, Tino ROSSI ou Jules BERRY de participer à quelques campagnes. En définitive, cette campagne était ni plus ni moins que la déclinaison quelques années après, d'une campagne qui avait déjà ses propres références. En effet, dès les années 20 en GrandeBretagne, une Maison soeur des Bijoux BURMA, CIRO PEARLS, eut elle aussi amplement recours à cette approche pour la promotion de ses colliers de perles fines. Gertrude LAWRENCE, Fay COMPTON, Sylvia HAWKES, Eve GREY, Joan BARRY, Madge COMPTON, Lilian DAVIES, Dorothy FIELD et Sheila HUNT furent parmi les innombrables stars qui prêtèrent leur cou au célèbre joaillier londonien. Avec la multitude de célébrités qu'ils utilisaient, ces bijoutiers cautionnaient leur produit mais rattachaient également leur produit à l'univers de la star et non à l'utilisation d'une seule d'entre elles. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 162 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Plus récemment, le bijoutier américain FORTUNOFF, opta quant à lui pour la solution inverse qui consiste à n'utiliser le témoignage que d'une seule star. Il lui était alors impératif de choisir une très grande star. Car seul un "mythe" pouvait rallier à lui la totalité de la cible sans risque d'exclusion. Or, le célèbre bijoutier ne souhaitait pas recourir à l'image d'une star décédée, l'axe publicitaire visant à montrer une célébrité active et dynamique dans la vie courante. C'est alors qu'il parvint à séduire l'une des toutes dernières grandes stars, partie intégrante du mythe hollywoodien et dont la carrière cinématographique ne pouvait que conforter ce choix. communication du bijoutier avec une mise en page sensiblement identique depuis 1981. Le bijou était toujours accompagné d'une photo de la star sous-titrée d'une citation. Toutefois, dès 1983, FORTUNOFF utilisa d'anciennes photographies de Lauren BACALL, comme pour faire un peu plus encore appel au mythe de son porte-parole et à son extraordinaire beauté (d'alors). __________________ En France, en 1985, le bijoutier CAPLAIN SAINT-ANDRE souhaita accroître sa notoriété par le lancement d'une nouvelle campagne, sans toutefois tomber dans le piège potentiel traditionnel d'une collective des bijoux en or. De manière anecdotique, cet exemple est parfaitement caractéristique de ce phénomène d'identification. "Le budget n'était pas énorme" explique Patrick 4 PHILIPPART , de l'agence CORYPHE qui réalisa la campagne, "mais pour faire sortir CAPLAIN SAINT-ANDRE assez rapidement il fallait frapper un grand coup, et là, effectivement, l'utilisation d'une personnalité est intéressante. On n'a pas pris une star trop jeune parce que l'on ne voulait pas donner cette image à CAPLAIN SAINT-ANDRE. Notre cible était plutôt les 25-45 ans. Nos produits sont de moyen de gamme, il nous fallait donc par ailleurs quelqu'un de populaire. On a eu la chance d'avoir Marlène JOBERT qui correspondait parfaitement à cette approche et qui était disponible en termes de publicité. Elle n'avait pas d'autres contrats à ce moment-là." __________________ 3 - Jean TULARD op. cit. p. 136. 4 - Entretien privé accordé le 11 Avril 1988. La star qui accepta de se faire le porte-parole des bijoux FORTUNOFF fut l'actrice Betty PERSKE, mondialement connue sous le pseudonyme de Lauren BACALL. Celle qui fut un jour "remarquée par Howard HAWKS sur la couverture de HARPER'S BAZAAR" comme l'écrit Jean TULARD3, allait alors susciter le désir d'identification chez de nombreuses femmes américaines, en portant quelques unes des plus éclatantes parures FORTUNOFF et en présentant ses plus belles pièces d'orfèvrerie. A l'origine, "la campagne fut lancée en 1979 au moment de l'ouverture de notre boutique à Manhattan sur la 5ème Avenue" nous expliqua Barbara KAPLAN, vicePrésidente du Département Promotion. Dix années plus tard, la star était toujours présente dans la Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 163 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Exploitée en presse magazine, la campagne était déclinée en P.L.V. (publicité sur le lieu de vente) chez les bijoutiers "qui étaient heureux d'avoir Marlène JOBERT dans leur vitrine". La première annonce utilisée pendant trois semaines avec une dizaine de parutions, généra 22.000 appels sur le numéro vert et le dépôt de 15.000 bulletins dans les urnes placées chez les bijoutiers. Mais Patrick PHILIPPART nous raconta une anecdote qui illustre le fait que le rêve d'identification suscité par les stars, pour ce type de produit, n'a pas entièrement disparu. "Pour la première annonce il y avait un collier, un bracelet une boucle d'oreille et deux bagues. On a mis une bague sur son petit doigt parce que pour la photo, on la voyait plus entière. Or, on s'est aperçu que Marlène JOBERT avait de tous petits doigts et il a donc fallu couper la bague et la faire toute petite pour qu'elle puisse venir sur son petit doigt. Mais une fois la campagne passée, CAPLAIN SAINT-ANDRE s'est aperçu que les bijoutiers lui faisaient beaucoup de demandes de petites bagues, d'un diamètre anormalement petit. Pourquoi ? Parce que les gens venaient avec l'annonce de la campagne, et disaient : «On a vu Marlène JOBERT, et elle la porte sur le petit doigt, comme ça». Cela avait créé une espèce de mode. Enfin, une mode, c'est un grand mot, mais c'est là que l'on s'aperçoit de l'effet de la star. Or, le problème était que les bijoutiers ne les avaient pas en disponibilité bien sûr. CAPLAIN SAINT-ANDRE a donc été obligé de fabriquer très vite de nombreuses bagues à ce petit diamètre." Autre attribut pour lequel les célébrités, et principalement les stars du cinéma, suscitent encore l'envie d'identification, celui des cosmétiques5. Est-il besoin de rappeler que le secteur des produits de beauté est celui qui de loin, utilisa et utilise encore le plus grand nombre de célébrités. Bien avant George WESTMORE et ses fils6, Max FACTOR ou Elizabeth ARDEN, les produits de beauté des marques __________________ 5 - "Il y a dans la «personnalisation» un effet semblable à celui de la «naturalisation» qu'on retrouve partout à l'oeuvre dans l'environnement, et qui consiste à restituer la nature comme signe après l'avoir liquidée dans la réalité [...] le «naturel» qui hante toute publicité est ainsi un effet de «make-up» : «Ultra-Beauty vous garantit un maquillage velouté, uni, durable, qui donnera à votre teint cet éclat de naturel dont vous rêvez !» Jean BAUDRILLARD op. cit. pp. 126-127. 6 - WESTMORE Frank et Muriel DAVIDSON "The WESTMORES of Hollywood" Editions J.B. LIPPINCOTT COMPANY (1976), Philadelphie et New York, Etats-Unis. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 164 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ DIXOR, TOKALON, MALACEINE ou LENTHERIC par exemple, s'étaient faites leurs, la majeure partie des célébrités alors disponibles. La star est idéalement belle7. "A l'usine nous fabriquons des cosmétiques, au magasin nous vendons de l'espoir" dit un jour Charles REVSON, le Président des cosmétiques REVLON Inc8. __________________ 7 - Dans l'optique décrite par Erving GOFFMAN. La publicité devient selon lui une "hyper-ritualisation" en ce sens où elle vise à décrire des situations idéales et à présenter ces situations comme plausibles et réalisables aux consommateurs. "Gender advertisements" Erving GOFFMAN, Edtions HARPER and ROW, New York, Etats-Unis, pp. 15 et 84. 8 - Cité par Charles SANDAGE et Vernon FRYBERGER dans "Advertising theory and practice" Editions RICHARD D. IRWIN, Homewood, Illinois, Etats-Unis (1975) page 191. Voir également "L'imagination au service du Marketing" Theodore LEVITT, Editions ECONOMICA, Paris (1985), page 133 et suivantes, ainsi que "Fire and ice : the story of Charles REVSON - The Man who built the REVLON Empire" Andrew TOBIAS, Editions WILLIAM MORROW, New York, Etats-Unis, 1976. Sa beauté et sa jeunesse vont de pair avec son éclat. La star n'a pas d'âge, elle est belle, c'est tout. Si Marilyn MONROE, Louise BROOKS ou Greta GARBO ont suscité la création d'un mythe autour de leur nom, c'est en partie en raison du fait de la brièveté choisie ou non, de leur carrière cinématographique. Leur beauté intacte était alors à jamais gravée dans l'histoire du Septième Art et ainsi dans la mémoire collective. Le principal ennemi de la star de cinéma, n'est ni son personnage, ni son producteur, ni son agent, ni son public, c'est le temps. "Les stars se regardent dans leurs miroirs et constatent que leur beauté disparaît, que leur jeunesse s'enfuit, c'est une expérience difficile à vivre et encore plus dure pour les actrices, pour lesquelles beauté rime souvent avec célébrité." observait le metteur en scène américain Rouben MAMOULIAN. Leur statut confère aux stars du cinéma une position de référence, en matière de maquillage, parfums et autres produits de beauté. Leur utilisation par la publicité tend à rendre accessible à un large public l'une de leurs caractéristiques (beauté, jeunesse, statut, pouvoir de 9 séduction,...) . Si elles sont moins exposées aujourd'hui - notamment parce qu'elles mêmes sont moins nombreuses -, elles furent naguère le symbole d'innombrables marques, voire de plusieurs marques en même temps ! __________________ 9 - "La star peut aussi appeler l'identification en s'abaissant au niveau de la clientèle pour l'élever mieux (savon Lux)" Bernard CATHELAT op. cit. p. 161. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 165 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ A ce sujet, les noms de George WESTMORE et Max FACTOR reviennent souvent, car maquilleurs des stars hollywoodiennes, ils surent parfaitement utiliser à travers le monde, ces mêmes stars qu'ils côtoyaient sur les plateaux, pour mettre en valeur les différents produits qui portent encore aujourd'hui leur nom. Moins connu aujourd'hui, le nom de WESTMORE fut néanmoins pendant les années d'or des studios hollywoodiens, LA référence. George WESTMORE, fondateur du nom fut aux premiers jours des stars du cinéma, le maquilleur attitré de Mary PICKFORD, Mabel NORMAND et Marie DRESSLER entre autres. Véritable géniteur d'une dynastie de maquilleurs de stars. En 1935, quatre de ses fils, dignes successeurs du Maître, occupaient les postes suivants : Wally était Chef de maquillage à la PARAMOUNT, Perc, Chef de maquillage à la WARNER Bros, Ern, Chef de maquillage à la R.K.O., quant à Monty, ses responsabilités s'exerçaient à la M.G.M. ainsi qu'à la FOX. A l'instar de Max FACTOR, ou Elizabeth ARDEN, peu à peu, ces noms illustres devinrent de célèbres marques de cosmétiques utilisant les stars pour principal vecteur de leur publicité. A titre d'exemples, June ALLYSON, Joan CRAWFORD, Mirna LOY, Irène DUNNE, Rita HAYWORTH, Alice KELLY, Donna REED, Virginia MAYO, Alice KELLY, Rosalind RUSSELL, Arlène DAHL, Marilyn MAXWELL, Claudette COLBERT, Vera ELLEN, Ann SOTHERN, Yvonne De CARLO, Ava GARDNER, Eleanor POWELL, Judy GARLAND, Leslie CARON, Ginger RODGERS et plus récemment Dayle HADDON, Jane SEYMOUR et Jaclyn SMITH prêtèrent leur visage aux produits de beauté MAX FACTOR, dont l'extraordinaire fond de teint, "Satin smooth", avait déclenché les passions au milieu des années 30. On notera que jusqu'au début des années 60, ces stars étaient systématiquement présentées avec le titre de leur dernier film ainsi que le nom du studio qui les employait. Cette pratique disparue avec l'indépendance croissante des stars - en partie liée à l'étendue de leur renommée - qui rendait superflu et contractuellement "contournable" un tel rappel. Hillary BROOKE, Constance MOORE, Joan BLONDEL, Gail PATRICK, Martha O'DRISCOLL et Joan BENNETT posèrent pour BEAU CAKE - foncièrement inspiré du célèbre PAN-CAKE de MAX FACTOR - ; Virginia MAYO, Jane RUSSELL, Joan BENNETT, Claire TREVOR, BELITA et Gloria SWANSON pour les lotions JERGENS ; Maureen O'HARA, Anne BAXTER, Bette DAVIS, Anita EKBERG, Joan LESLIE, Gene TIERNEY et Marilyn MONROE pour WESTMORE HOLLYWOOD ; Paulette GODDARD, Deborah KERR, Dolores Del RIO, Virginia BRUCE, Myrna LOY, Brenda JOYCE, Susan PETERS, Merle OBERON, Joan FONTAINE et Ava GARDNER pour le fond de teint WOODBURY. Lily DAMITA, Merle OBERON, Frances LANGFORD, Ethel MERMAN, Madeleine CARROLL ou Miriam HOPKINS pour RICHARD HUDNUT. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 166 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Ava GARDNER mais cette fois accompagnée de Esther WILLIAMS, Barbara STANWYCK, Jeanne CRAIN, Jane WYMAN, Ruth ROMAN, June ALLYSON, Loretta YOUNG, Rhonda FLEMING, Anne BAXTER, Maureen O'HARA, Kathryn GRAYSON, Jane RUSSELL, Betty HUTTON, Lana TURNER ou Elizabeth TAYLOR pour la marque LUSTRE-CREME. Ainsi, comme on peut le constater sur ces quelques exemples, la plupart des stars apparurent sur les annonces de plusieurs marques concurrentes. C'est bien là, la preuve que ces annonceurs ne recherchaient pas une star particulière, mais la star en tant que telle10. Enfin, il ne faut pas oublier les stars masculines dont la beauté devait également être préservée. Et Burgess MEREDITH et le sportif Pete ROSE de calmer le feu du rasoir avec AQUA VELVA, alors que Farley GRANGER, Charlton HESTON, Dennis O'KEEFE, Alan LADD, William BENDIX, Dana ANDREWS, Kirk DOUGLAS, John GARFIELD et Ronald REAGAN participaient par exemple à la communication des __________________ 10 - On peut citer ici Michel GAY, car son analyse de l'image de la femme dans la publicité rencontre parfaitement le rôle donné à ces stars : "Le modèle publicitaire féminin dominant est alors jeune, bourgeois, et sexuellement libéré, parce que ces différents traits vont dans le sens du système marchand [...] Le personnage présenté dans le message publicitaire apparaît comme un être dénaturé et idéalisé qui n'a d'autre vocation de paraître : la femme nous est restituée comme signe. En ce sens, elle ne reflète pas une réalité immédiate, mais apparaît comme le symbole direct ou indirect d'une féminité mythique et d'un imaginaire collectif" p. 593. "L'image de la femme dans la publicité : 1969-1986" Michel GAY, Thèse de Doctorat de 3ème cycle, non publiée, Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne, 1988. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité lotions capillaires JERIS. John WAYNE, Stewart GRANGER, Charles BOYER, John HOWARD, Dick POWELL, Gregory PECK, Bruce CABOT ou George MONTEGOMERY lui préférèrent celle fabriquée par JERGENS. Pour l'anecdote, notons à la fin des années 1940 l'utilisation très sérieuse mais néanmoins pittoresque, de l'acteur Boris KARLOFF - maintes fois talentueux interprète du monstre hideux de FRANKENSTEIN - utilisé pour la crème à raser WILLIAMS, en raison de son "visage ultrasensible" ! Ce recours aux plus belles stars féminines est encore usité de nos jours. Parmi les utilisations les plus caractéristiques, on peut relever la campagne pour les cosmétiques REVLON, qui mit récemment en scène diverses célébrités telles que Liza MINNELLI, Grace JONES, Joan COLLINS, Lauren HUTTON, Audrey HEPBURN, Connie SELLECA, Melany GRIFFITH, Brooks SHIELDS ou l'animatrice vedette Oprah WINFREY. On trouve également L'OREAL qui utilisa Cybill SHEPHERD ; Diahann CARROLL pour LASSALE ; Eva GABOR pour PAULA YOUNG ; CLAIROL qui confia la présentation de sa gamme ULTRESS à Linda EVANS ; REXONA à Michelle PFEIFFER et Jenna De ROSNAY ; les shampooings JHIRMACK à Victoria PRINCIPAL ; MAYBELINE, qui fut dans le passé vanté par Rita HAYWORTH et Merle OBERON, utilisant Lynda CARTER devenue entre temps Directrice conseil de la marque en 198011, et LANCÔME __________________ 11 - Voir notamment : "Lynda CARTER helps whip up tactic for new MAYBELLINE line" Pat SLOAN, ADVERTISING AGE du 5 May 1980. 167 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ "monopolisant" Isabella ROSSELLINI pour la quasi totalité de ses campagnes dans le monde12. "Je trouve que l'utilisation d'Isabella ROSSELLINI c'est très malin, pour deux raisons", observe JeanMichel GOUDARD13, "la première est que pour avoir travaillé sur du cosmétique, je sais que le problème permanent est de trouver un modèle. A chaque photo, il faut trouver ce modèle. C'est un travail considérable. Alors quand vous en trouvez un qui est bon, autant le garder tout le temps. Vous évitez déjà de faire des erreurs. Le deuxième gros avantage, c'est Isabella ROSSELLINI, que ce soit en impact, en relations publiques, en retombées presse,... vous gagnez sur tous les tableaux." "C'est plus l'utilisation de la femme la plus belle du monde que l'utilisation d'une star. C'est la femme Isabella ROSSELLINI qui est la marque LANCÔME [...] C'est plus qu'une relation commerciale ordinaire, il y a eu un accord profond. Même si le pire arrivait, l'empreinte est indélébile" complète Christian VIAL14 de l'agence PUBLICIS. Les Etats-Unis et le Japon - où en 1988, bien des années après l'acteur Charles BRONSON (précurseur en 1970), le groupe musical A-HA __________________ 12 - "Visages de marques" Fabienne AZIRE & Birgitt HÖRLIN, L'EXPRESS supplément "STYLES" N°1 du 17 Octobre 1986. 13 - Entretien accordé en 1987. 14 - Christian VIAL, Vice-Président de l'agence de communication PUBLICIS. Entretien privé accordé le 7 Avril 1988. personnifiait les cosmétiques MANDOM - sont encore une fois de grands pourvoyeurs d'exemples. Toutefois, en France, Gaby DESLYS cautionnait dès 1916 la marque PERFECTA, Pearl WHITE préférait MALACEINE en 1923, Gaby MORLAY, les cosmétiques DIXOR en 1927, Blanche MONTEL le rouge à lèvres ROUGIX en 1929, imitées par de multiples autres célébrités d'alors et pour les marques les plus diverses. Aujourd'hui, les exemples sont plus ponctuels, comme Fanny COTTENCON dans une très belle campagne pour JULIAN JILL, Marlène JOBERT pour MARY COHR, ou Pauline LAFFONT15, Elisabeth BOURGINE, Charlotte VALENDREY et Annabelle MOULOUDJI pour LILIANE FRANCE, Gabrielle LAZURE pour DIADERMINE, Catherine DENEUVE en 1992, pour Yves SAINT-LAURENT16. Après analyse des informations de la base de données Alphastar, il __________________ 15 - Pour la première campagne seulement. 16 - On notera pour la France comme pour les Etats-Unis l'utilisation de célébrités d'âges très différents. De la vedette débutante comme Elisabeth BOURGINE à la star confirmée telle que Catherine DENEUVE. Un raisonnement hâtif pourrait conduire à penser que ces célébrités ne s'adressent manifestement pas à la même cible au niveau de l'âge. Or c'est un exemple intéressant montrant que la star n'est dans ce cas pas du tout segmentante. Des études réalisées en France au début des années 80 ont montré qu'en matière d'habitudes d'achat et d'usage de cosmétiques, le comportement d'achat subissait une influence réciproque entre les mères et leurs filles. E. TISSIER-DESBORDES, "Interaction familiale et comportement d'achat des mères et des filles" ACTES DU 10ème SEMINAIRE INTERNATIONAL DE RECHERCHE D'AIX, 1983, cité par Bernard DUBOIS, "Culture et Marketing" op. cit. p.56. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 168 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ s'avère que parmi les cas de publicité où les services d'une ou plusieurs célébrités furent utilisés, plus de 2 cas sur 10 furent des publicités pour des produits d'hygiène ou de beauté17. Comme le montrent les résultats présentés dans le tableau ci-dessous, le secteurs "hygiène et beauté" se détache très nettement des autres. __________________ 17 - Pour construire ce tableau synthétique, il a fallu effectuer divers regroupements parmi les 973 intitulés de produits figurants dans le fichier de correspondance Betastar3. La rubrique Divers qui figure en bas de tableau, regroupe ce qui n'a pu être logiquement affecté sans biais, aux autres rubriques. Il s'agit par exemple d'aluminium, de lentilles de contact, de services numismatiques, de serrures, d'hôtels, d'hôpitaux, d'engrais ou encore de filtre à café ou de paires de ciseaux,... Une analyse plus détaillée sera présentée dans le cadre de l'étude des caractéristiques de la célébrité page 445 et suivantes. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 169 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Répartition par secteurs des cas d'utilisation publicitaires recensés pour avoir utilisé une ou plusieurs célébrités 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 Hygiène et beauté Nombre Part en % 1572 19,19% Habillement et chaussures 895 10,93% Automobiles et transport 588 7,18% Produits alimentaires 535 6,53% Boissons non alcoolisées 473 5,77% Alcools 428 5,23% Loisirs, édition, presse,... 371 4,53% Photographie, cinéma, audiovisuel 365 4,46% Tabac, briquets et allumettes 358 4,37% Bijoux, montres et argenterie 320 3,91% Campagnes institutionnelles 292 3,56% Equipement de la maison 243 2,97% Banque et assurance 233 2,84% Associations, fondations, instituts, clubs,... 232 2,83% Distributeurs (magasin, enseigne,...) 178 2,17% Informatique, bureautique et télématique 155 1,89% Collectives (tous secteurs confondus) 135 1,65% Restaurants 119 1,45% Médical, pharmacie et parapharmacie 111 1,36% Produits d'entretien (détergents, lessives,...) 103 1,26% Campagnes publiques et parapubliques 93 1,14% Paires de lunettes (y compris de soleil) 70 0,85% Stylos, porte-plume, crayons,... 70 0,85% 252 3,08% 8.191 100,00% Divers Total Source : Base de données Alphastar (saisies arrêtées au 1er Août 1992) Comme son titre l'indique, ce tableau représente la répartition des cas d'utilisation recensés. Il est dès lors nécessaire de relativiser ses enseignements en disant qu'il ne tient pas compte de la pression publicitaire de chaque cas. En d'autre terme, il concerne chaque cas intrinsèquement, sans prendre en considération les répétitions et déclinaisons éventuelles d'une même campagne. Cela explique notamment le 9ème rang seulement des "tabacs, briquets et allumettes", alors que le simple exemple des cigarettes figure parmi les cas d'utilisation de célébrités les plus caractéristiques et les plus importants en volume, jusqu'au milieu des années 60 environ, mais cet exemple sera développé plus en détail dans le cadre du paragraphe suivant. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 170 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Représentation graphique de la répartition des secteurs d'activité des cas d'utilisation d'un porte-parole célèbre Stylos, porte-plume, crayons,... Hygiène et beauté Divers Paires de lunettes (y compris de soleil) Campagnes publiques et parapubliques Habillement et chaussures Produits d'entretien (détergents, lessives,...) Médical, pharmacie et parapharmacie Restaurants Collectives (tous secteurs confondus) Automobile et transports Informatique, bureautique et télématique Distributeurs (magasin, enseigne,...) Associations, fondations, instituts clubs, Banque et assurance Produits alimentaires Equipement de la maison Campagnes institutionnelles Bijoux, montres et argenterie Tabac, briquets et allumettes Boissons non alcoolisées Cinéma, audiovisuel, photographie, Loisirs, édition, presse,... Alcools Source : Base de données Alphastar (saisies arrêtées au 1er Août 1992) 5 - Normalisation de la consommation du produit "convention obsèques" dans un spot de marketing direct, sur les écrans de télévision français dès le début des années 90. Au départ, il s'agit d'un fondement associé à la recherche d'identification du consommateur, à la célébrité en tant que modèle. Mais la démarche va plus loin. Cette approche est utilisée pour déculpabiliser le consommateur et/ou normaliser la consommation du produit, la célébrité apportant sa caution de "connaisseur non professionnel". Les célébrités peuvent alors être de puissants normalisateurs, car elles permettent de dissiper en partie les connotations négatives qui sont attachées au produit dont elles ont la charge. Parler d'obsèques est un sujet très délicat en publicité. D'où l'intérêt de désensibiliser le sujet en utilisant un porte-parole célèbre. C'est ce que compris avec succès NORWICH UNION en utilisant l'acteur JeanMarie PROSLIER pour présenter sa Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 171 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Les deux types de produits qui recoururent le plus à des célébrités pour ces raisons, sont les dérivés du tabac et les boissons alcoolisées. L'utilisation de porte-parole célèbres permet de gommer en partie les aspects négatifs de l'image de ces produits à propos de leurs effets sur la santé du consommateur. Si un personnage aussi public qu'une star fume et boit sans altération majeure, pourquoi le consommateur moyen ne le pourrait-il pas lui aussi en toute liberté. La célébrité fait alors office de réducteur de frein à la consommation, notamment auprès de populations jeunes1 ou peu cultivées. __________________ 1 - Voir notamment les travaux de Sandra TEEL et J.E. TEEL "Marketing lessons learned from the ban on broadcast advertising for cigarettes" JOURNAL OF MARKETING, 43-1, (1979) pp. 45-50 ; ainsi que ceux de George P. MOSCHIS "Point of view : cigarette advertising and young smokers" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH, Avril / Mai 1989, pp. 51-60. Aujourd'hui, l'un des exemples les plus connus en raison de la carrière post-cinématographique de son porteparole, reste la publicité pour les cigarettes CHESTERFIELD, avec Ronald REAGAN exploitée notamment en 1948 à l'occasion de la Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 172 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ sortie de son dernier film The voice of the Turtle, ou encore celle parue à l'occasion de Noël, en 1951. Si cette approche a aujourd'hui cessé pour les raisons que nous analyserons, elle reste l'un des cas les plus caractéristiques de l'utilisation de cette stratégie visant l'effet normalisateur. C'est très probablement LUCKY STRIKE qui le premier employa des stars dans sa stratégie de communication et ce, dès la fin des années 19202. Mais déjà à cette époque, plusieurs marques telles que PLAYER'S et WILLS percevant l'impact des stars d'alors, inséraient dans leurs paquets, des vignettes à leur effigie. Et si l'on retrouve encore aujourd'hui de nombreux exemples publicitaires, c'est simplement que les différentes marques recouraient alors essentiellement au support de la presse magazine. Or, le cas des marques de cigarettes - essentiellement aux EtatsUnis - est particulièrement intéressant en termes de positionnement3. Aujourd'hui, bien qu'étant toujours et même plus qu'hier, issue d'une production oligopolistique, chaque marque de cigarettes a sa propre communication4. __________________ __________________ 2 - C'est pendant la décennie 1920-1930 que la consommation de cigarettes explose littéralement aux Etats-Unis. Dès 1919, les ventes de cigarettes dépassent celle du tabac à pipe. En 1921, elles devancent les ventes de cigares et en 1922 l'emportent sur la consommation du traditionnel tabac à chiquer. Les travaux de Benno MILMORE et Arthur CONOVER figurent - sous le titre "Tobacco consumption in the United States, 1880-1955" en appendice à l'étude de William HAENZEL, Michael B. SHIMKIN et Harman MILLER "Tobacco smoking Patterns in the United-States" PUBLIC HEALTH MONOGRAPH 45, 1956, page 107. 3 - Depuis les recherches de John WATSON à l'agence J. WALTER THOMPSON dans les années 20, on sait que les fumeurs de cigarettes sont majoritairement incapables de reconnaître leur marque de cigarettes lors d'un blind test [test à l'aveugle pendant lequel la marque est occultée]. Voir notamment "The founder of behaviourism" David COHEN et J.B. WATSON, Editions ROUTLEDGE & KEGAN PAUL, Londres, GrandeBretagne, 1979, page 178. 4 - Voir à ce sujet Michael SCHUDSON, "Advertising, the uneasy persuasion - its dubious impact on American society" Edition BASIC BOOKS, Etats-Unis, 1984, pp. 178-208. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 173 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Certaines sont très caractéristiques, comme l'esthétisme doré de BENSON & HEDGES dont le packaging est le devenu le héros, le mauve soyeux de SILK CUT, le chat noir de CRAVEN, l'aventurier de CAMEL5 ou le cow-boy de MARLBORO, la cigarette la plus vendue dans le monde. Chaque marque subit un véritable positionnement leur permettant seul, de se différencier de la concurrence. __________________ 5 - Aujourd'hui, dans les pays anglo-saxons comme au Japon, CAMEL n'utilise pas l'image de l'aventurier, mais celle d'un personnage de bande dessinée à tête de chameau surnommé Joe, devenu le héro de la marque, et très porteur auprès de jeunes consommateurs. Et l'on sait combien le modèle employé dans une publicité pour cigarettes est un facteur discrimant. Voir Michael B. MAZIS, Debra JONES RINGOLD, Elgin S. PERRY et Daniel W. DENMAN "Perceived Age and attractiveness of models in cigarette advertissements" JOURNAL OF MARKETING Volume 56, du moins de Janvier 1992, pp. 22-37. Or, à l'observation de la communication des principales marques, dès années 306 jusqu'au début des années 60, on s'aperçoit qu'avec quelques rares petits plus-produit différents, tous les leaders s'acharnaient à se battre sur le même terrain avec le même positionnement : celui des célébrités ! Ces leaders d'alors s'appelaient CAMEL, CHESTERFIELD et LUCKY STRIKE. Peut-être par crainte de perdre quelques pourcentages de parts de marché en adoptant une communication différente de celle de leurs principaux concurrents, tous s'évertuaient à séduire de nouvelles et plus nombreuses célébrités que leurs __________________ 6 - Une étude du numéro 12 du magazine FORTUNE - publiée sous le titre "The Fortune survey", (Juillet 1935) faisait état qu'à l'époque 26,2% des femmes de moins de 40 ans fumaient des cigarettes, de même que 65,5% des hommes de moins de 40 ans. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 174 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ concurrents. Ces célébrités étaient alors en grande majorité des stars de cinéma. La quasi uniformité de la communication explique sans doute le nombre très important de publicités qui furent exploitées à cette époque. On notera par ailleurs que la très grande majorité de ces publicités resituait toujours la star, d'après le film dont elle était la ou l'une des vedettes au moment de la parution de l'annonce. Cela permettait d'une part d'attirer un peu plus le rêve et la magie du cinéma sur le produit ; d'autre part, cela affirmait la crédibilité de certaines stars parfois peu connues d'une partie du public au moment de leur exploitation publicitaire7. __________________ 7 - L'autre explication - officieuse - de cette mention réside dans le fait que ces stars étaient alors sous contrat strict et exclusif, avec leur maison de production. Souvent, ces dernières n'autorisaient leurs stars à participer à différentes évolutions publicitaires, que si elles touchaient une commission au passage. Cette contrepartie de leur accord pouvant la plupart du temps prendre la forme d'une présentation de leur dernier film sur les dîtes publicités. Celles-ci jouaient alors le double rôle de faire cautionner la marque de cigarettes par la star, mais également d'annoncer la sortie du dernier film PARAMOUNT, de la dernière production WARNER BROS, du nouveau grand spectacle de la M.G.M. ou du dernier show télévisé de la C.B.S.,... Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 175 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Célébrités Chesterfield Lucille BALL Joan BENNETT Claudette COLBERT Gary COOPER Joan CRAWFORD Robert CUMMINGS Linda DARNELL Groucho MARX Maureen O'HARA Basil RATHBONE Rosalind RUSSELL N N N N N N N N N N N N STANWYCK Jack WEBB (82) Old Gold L&M Winston Fatima (14) (10) (6) (6) N N Philipp Morris (48) (2) N N N N N N N N N N N N N N Ann SOTHERN Barbara Lucky Strike (95) Jim ARNESS Camel N N N N N Source : Base de données Alphastar (saisies arrêtées au 1er Août 1992) Pour percevoir ô combien cette approche reposait sur l'utilisation de célébrités et non d'une célébrité particulière en adéquation stratégique avec le produit et/ou la marque, il suffit de noter le fait qu'à l'instar des cosmétiques que nous avons présentés précédemment, plusieurs de ces stars furent sollicitées - parfois à quelques mois d'intervalle seulement - pour différentes marques. Pour preuve, observons le tableau ci-dessus, extrait de la base Alphastar, et qui indique les différentes participations de quelques Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité célébrités, ainsi que le nombre de stars recensées à ce jour, pour chacune de ces marques1. __________________ 1 - Au regard des enseignements de la théorie de l'attribution, on peut s'interroger sur les résultats d'une telle homogénéité des messages et d'une inévitable superposition dans l'esprit du consommateur en raison du parasitage des marques entre elles. Diverses études ont montré que la similitude des messages faisait naître dans l'esprit de ce dernier non pas le lien avec les caractéristiques du produit qui étaient avancées, mais avec l'évidente intention de l'annonceur de lui vendre quelque chose. D'où dans certains cas l'apparition d'un blocage psychologique au regard de l'argumentaire véhiculé par le message publicitaire quel qu'il soit. Voir notamment sur ce point Robert B. SETTLE et Linda L. GOLDEN "Attribution theory and advertiser credibility" 176 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ A l'époque, bien que le Reader's Digest - premier support à soulever le problème - ainsi que diverses organisations dont le Ministère de la Santé Publique arguaient déjà des méfaits de l'abus produit sur la santé du fumeur, aucune indication n'était portée en ce sens sur le paquet ou sur les publicités en faveur du produit. Alors que la publicité pour le tabac et les cigarettes visait avant tout le développement des parts de marché par rapport aux concurrents plus que le développement de la consommation totale de cigarettes2, le cinéma luimême, contribuait, indirectement mais largement à la promotion du produit. Alors que le baiser d'un homme à une femme restait une évolution très contrôlée, la cigarette n'était pas du tout considérée comme un objet de délit3. Ce n'est qu'en 1966 que le gouvernement américain commença à imposer l'apposition, sur tous les paquets de cigarettes et leurs publicités, de formules préventives des dangers potentiels afférents à leur consommation, et c'est en 1971, que le produit fut interdit de publicité télévisée. En 1988, la législation américaine s'enrichit d'un nouveau cas de jurisprudence qui allait faire date. Une femme, Rose CIPOLLONE, puis ses descendants avaient attaqué plusieurs fabricants de cigarettes à propos de l'insuffisance de ces indications préventives sur l'emballage et les publicités. Pour la première fois, un plaignant obtenait gain de cause. Plus de 300 cas d'action en justice avaient été recensés aux Etats-Unis depuis 1954, et celui-ci faisait figure d'exception en accordant aux plaignants 400.000 $ de dommages et intérêts, après cinq années de procédure. Décédée d'un cancer du poumon, Rose CIPOLLONE n'avait pas arrêté de fumer après que l'on ait découvert chez elle, une tumeur maligne, ni même après les diverses opérations qu'elle subit. En fait, si ce cas nous intéresse plus particulièrement, c'est que l'essentiel du débat portait sur les publicités des marques incriminées. Comme indiqué plus haut, les différentes marques éprouvaient beaucoup de difficultés à personnaliser leur communication sans pour autant abandonner le terrain des stars4. Les __________________ JOURNAL OF MARKETING RESEARCH Volume XI, du mois de Mai 1974 pp. 181-185. 2 - Voir "Marketing : giving smokers added value is tobacco firms' latest idea" Margaret LOEB, THE WALL STREET JOURNAL du 30 Juin 1983. 3 - En 1957, le comédien George BURNS, qui fut élu Meilleur fumeur de cigares de l'année, déclara alors : "J'utilise depuis si longtemps un cigare comme accessoire sur scène, qu'il fait presque partie de ma personnalité". Il fut par ailleurs en 1944 avec sa partenaire Gracie ALLEN, l'un des porte-parole célèbres de la marque de cigares BLACKSTONE. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité 4 - CAMEL fut le premier dès les années 30 a séduire quelques sportifs comme le patineur Jack SHEA, le tennisman Bill TILDEN, les joueurs de baseball Lou GEHRIG, James COLLINS ou le nageur Larry "Buster" CRABBE. L'objectif était alors de démontrer que la consommation de cigarettes n'altérait en rien la forme physique. Quelques années plus tard, la même marque utilisait encore plus subtilement ce vieux truc publicitaire qu'est la caution indirecte et implicite. Avec son slogan More Doctors smoke CAMELS - Les docteurs sont plus nombreux à fumer des CAMEL -, le fabricant de cigarettes ne faisait certes que rapporter les résultats d'une enquête menée auprès de 113.597 docteurs. Mais sans l'être, cette indication comportait en définitive, 177 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ avocats de Rose CIPOLLONE avançaient que leur cliente avait été abusée par une publicité de la marque L&M au milieu des années 50, qui indiquait que les cigarettes avec filtre L&M étaient tout simplement recommandée par les docteurs. Rose CIPOLLONE avait alors adopté L&M en délaissant CHESTERFIELD. Les stars toujours présentes étaient d'ailleurs les supports indirects de ces "recommandations médicales". C'est essentiellement cet excès publicitaire qui fut condamné en 1988. Et comme le fit alors remarquer Hamish MAXWELL - P.D.G. de PHILIP MORRIS - "un cas ne crée pas une tendance", tout en faisant appel du jugement. toutes les caractéristiques d'une quasi caution de la part du corps médical. Voir également sur le cas particulier de l'action en justice de la famille CIPOLLONE contre le groupe LIGGETT : "Tobacco ads : times have changed" Fred DANZIG, ADVERTISING AGE du 20 Juin 1988, "Shattering the smoke freedom" Stephen KOEPP, TIME INTERNATIONAL du 27 Juin 1988, "Tobacco warnings" Brooks TIGNER, INTERNATIONAL MANAGEMENT de Février 1991 et "Suing cigarette makers" Marcus MABRY et Bruce SHENITZ, NEWSWEEK du 6 Juillet 1992. Toutefois, aux États-unis, notamment en raison des trop importantes connotations négatives qui commençaient à entourer le produit, les célébrités se dégagèrent peu à peu de sa communication, dès la fin des années 50. De plus en plus consciente de leur rôle d'agent normalisateur, elles contraignirent les annonceurs et leurs agences à plus d'originalité. La dernière grande campagne de ce type pouvant être définie comme étant celle réalisée en 1963 par l'agence J. WALTER THOMPSON, pour les cigarettes L&M et dont le champion de golf Arnold PALMER était le porte-parole. Ce retrait fut progressif et limité aux Etats-Unis au départ, puisque CAMEL par exemple, continua pendant quelques années encore à recourir à des sportifs célèbres à l'étranger et en France notamment. Enfin, dans certains pays, les stars continuèrent à prêter leur image au produit, comme par exemple en Argentine où l'acteur Mel FERRER se fit le porte-parole de Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 178 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ BENSON & HEDGES5, ou au Japon6, n'hésitant pas à recourir à des célébrités parfois décédées comme le grand jazzman Duke ELLINGTON, le peintre Man RAY, le scientifique Albert EINSTEIN, et l'écrivain Raymond CHANDLER ; les acteurs James COBURN, Roger MOORE, Tom BERENGER, Robert WAGNER et Pierce BROSNAN restant fidèles à la marque de cigarettes LARK, du groupe PHILIP MORRIS. Si en France, la communication publicitaire pour le tabac par l'intermédiaire de porte-parole célèbres, reste très exceptionnelle, il existe néanmoins dans le passé, quelques exemples très caractéristiques. Dès la fin des années 1920, la société d'État7 mettait en scène __________________ 5 - "FERRER touts B&H expensive image" Anonyme, ADVERTISING AGE du 10 Juillet 1978. 6 - Le 29 Septembre 1986, la newsletter marketing britannique Marketing Breakthrough indiquait qu'au Japon, une publicité sur deux recourait alors à l'utilisation d'une célébrité, nippone ou étrangère. de grandes vedettes d'alors telles que les chanteurs GEORGIUS, Georges MILTON ou Armand BERNARD . Mais ses deux plus belles réalisations restent les deux films qui dans les années 50, utilisèrent comme porteparole, les comédiens FERNANDEL et Michel SIMON. En raison de ces connotations de plus en plus négatives qui étaient attachées à la cigarette, on vit se développer nombre de campagnes antitabac. De fait, les stars ne pouvaient plus rester indifférentes. Surtout depuis que certaines d'entre elles, comme John WAYNE, rendait public leur maladie liée au tabagisme. Certes, dans les années 60, les stars n'étaient pas encore les porte-parole de la lutte contre le tabagisme ; il était encore trop tôt pour cela, alors qu'elles venaient à peine de cesser d'être les promoteurs de la cigarette. Mais stars et tabac ne faisaient plus bon ménage. Les fabricants quant à eux, avaient déjà compris qu'il était nécessaire de modifier sensiblement leur terrain de communication, de se trouver d'autres porte-parole. Par ailleurs, au regard de l'inexorable baisse de la consommation relative de cigarettes dans les pays occidentaux, et des contraintes légales de plus en plus nombreuses quant à la publicité, les grands fabricants américains accélérèrent leurs investissements dans des pays où ils étaient encore peu présents, comme par exemple les pays du Sud-Est asiatique. 7 - La S.E.I.T.A. (Société Nationale d'Exploitation Industrielle des Tabacs et Allumettes) fut créé en 1925. Elle est l'aboutissement de nombreuses dispositions des gouvernements royaux, impériaux et républicains d'alors, qui pendant 300 ans ont occasionné la création, la disparition ou la modification de plusieurs organismes dont l'objet était de permettre à l'Etat d'exercer un contrôle tantôt sur la production, tantôt sur la distribution, tantôt sur les deux, tantôt sur aucune de ces activités au nom de la liberté. A partir de 1926, elle fut progressivement doté d'un véritable objectif commercial avec tous ses attributs, dont une véritable fonction publicitaire. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 179 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Tel le tabac qui la compose, la cigarette avait consumé ses plus belles années dans les pays occidentaux. Ainsi, pour pouvoir raconter ses aventures aux jeunes Américains, même LUCKY LUKE dut remplacer son éternelle cigarette par un brin d'herbe jugé plus en adéquation avec le public du héros. Dès 1970, l'AMERICAN CANCER SOCIETY utilisait le témoignage vivant de stars telles que Raquel WELCH, Ali Mac GRAW ou Joan CRAWFORD dans des campagnes pour la prévention des cancers. En 1985, à la mort de Yul BRYNNER, à la suite d'un cancer du poumon, l'AMERICAN CANCER SOCIETY rendit public un film publicitaire réalisé quels temps auparavant. Il présentait Yul BRYNNER qui "maintenant qu'il était décédé" comme il le précisait lui-même, mettait le public solennellement en garde des méfaits du tabagisme. Ce témoignage d'outre-tombe avait la puissance de la plus cruelle des expériences qu'il nous ait été donné de voir et d'entendre. Exemple d'adéquation stratégique ultime et des plus crédibles. Seule la publicité pouvait se permettre se revirement. La boucle était bouclée, les stars devenaient de leur vivant ou à titre posthume, les porte-parole des détracteurs des firmes dont elles vantèrent jadis les produits8. __________________ 8 - Voir également : "The anti-smoking commercials : a study of television's impact on behavior" M.T. O'KEEFE, PUBLIC OPINION QUATERLY, 35 (1972) pp. 242-248 et "Reducing cigarette smoking : an opportunity for social marketing" Karen FOX et Philip KOTLER, L'AMERICAN LUNG ASSOCIATION n'est pas une association de lutte contre le tabagisme, elle tente simplement de faire prendre conscience aux fumeurs du lien qui existe entre le tabagisme et le cancer du poumon. En 1988, la très créative agence américaine DELLA FEMINA, TRAVISANO & Partners fut chargée de réaliser une campagne pour cette association. Elle était composée de trois annonces utilisant chacune une grande star décédée d'un cancer du poumon. Humphrey BOGART, Desi ARNAZ et John WAYNE en furent les témoins. Des accroches aussi directes que : "Si ce n'était pas à cause des cigarettes, il pourrait toujours te regarder, gamin." pour Humphrey BOGART, "Grâce aux cigarettes, vous ne pouvez voir Ricky que dans des rediffusions." pour Desi ARNAZ et "2.000 balles, 600 flèches, 82 tomahawks and 30 lances n'auraient pas pu faire ce qu'ont fait les JOURNAL OF HEALTH CARE MARKETING, 1, d'Hiver 1981, pp. 8-17. En France, on relève la prestation au début des années 1980, de l'acteur Maurice RISCH dans une campagne pour la lutte contre le tabagisme et en 1985, celle en faveur du COMITE FRANCAIS D'EDUCATION POUR LA SANTE, avec Claire NADEAU. Yves de GIVRY, Secrétaire Général du Comité National Contre le Tabagisme a bien voulu me faire part d'une enquête qu'il avait menée auprès de nombreuses personnalités en 1975 et 1976, complétée une nouvelle étude de réactualisation en 1986. Conscient de l'effet prescripteur des stars, il leur avait adressé un rapide questionnaire pour connaître les raisons qui les poussaient à fumer, ou au contraire qui les incitaient à ne pas ou ne plus fumer. Aucun secteur médiatique n'avait été épargné. Des acteurs, aux chanteurs, en passant par les sportifs, les journalistes, les réalisateurs, les écrivains,... nul ne fut oublié. Une grande majorité de non-fumeurs se précisait alors. Même, si parmi eux, il fallait encore distinguer ceux qui ne fumaient plus, de ceux qui aspiraient fortement à y parvenir. La leçon venue des Etats-Unis, avait trouvé écho parmi les stars françaises. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 180 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ cigarettes." pour John WAYNE, ne pouvaient laisser le lecteur indifférent. Les associations de consommateurs tentèrent parfois des actions de lobbying lorsqu'elles jugèrent l'effet normalisateur de la célébrité trop important au regard des caractéristiques du produit ; ainsi peuton noter au début des années 90, des protestations d'associations de consommateurs américains9 à l'encontre de CAMEL pour lequel le personnage du chameau Joe était jugé trop "sympathique aux yeux des jeunes consommateurs". Les pouvoirs publics eux aussi interviennent quelque fois. On relève en Australie à la suite d'un mouvement consumériste, l'intervention discrète du gouvernement, en 1980, pour dissuader la marque ROTHMANS de continuer à utiliser le comédien Paul HOGAN10, comme porte-parole dans une campagne pour les cigarettes de la marque, qui remportait un "trop" grand succès auprès des jeunes consommateurs. Cette intervention du gouvernement est parfois beaucoup plus directe comme par exemple en France avec la loi de 1976, dite loi VEIL, et limitant l'accès de la cigarette à certains media tels que la télévision ou la radio, complétée en 1990 par la loi EVIN encore plus draconienne et visant l'interdiction totale de toute publicité dès 199311. "Je n'arrose mes orangers qu'avec du gin comme ça je n'ai qu'à presser le jus du fruit directement dans mon verre" déclara en Décembre 1934, l'acteur William Claude FIELDS au magazine Hollywood Reporter Les boissons alcoolisées représentent le second type de produits ayant lui aussi recouru au service de __________________ __________________ 9 - Tout débuta dans les premières semaines de l'année 11 - Ces dispositions dotent d'ailleurs de la France d'une 1992 alors que diverses études parues dans JOURNAL OF THE AMERICAN MEDICAL ASSOCIATION avançaient que les publicités de CAMEL utilisant le personnage Joe, incitaient considérablement les jeunes à fumer. Répondant en écho la deuxième semaine de Mars, l'AMERICAN MEDICAL ASSOCIATION et le Ministre de la santé, Antonia NOVELLO, demandèrent que la F.T.C. (Federal Trade Commission) interdise l'utilisation publicitaire de ce personnage devenu trop célèbre... des réglementations les plus sévères de la C.E.E.. Et malgré le lobby des producteurs de cigarettes, principalement aux Etats-Unis, ces restrictions sont de plus en plus nombreuses dans les pays occidentaux, notamment sous la pression des associations de lutte contre le tabagisme. Voir notamment sur l'aspect publicitaire - "Les Justifications d'EVIN" François BELLANGER, COMMUNICATION CB NEWS N°163 du 2 Avril 1990 ; "L'interdiction qui tue" Laurent BAILLY, STRATEGIES N°695 du 9 Avril 1990 ; "La Pub part en fumée, le paquet flambe" Maud DOUARD, COMMUNICATION CB NEWS N°171 du 4 Juin 1990 ; "Tabac / Alcool : Comment la pub va s'adapter ?" F.B., COMMUNICATION CB NEWS N°171 du 4 Juin 1990 ; "Loi EVIN : les députés entrent dans la danse" Laurent BAILLY, STRATEGIES N°706 du 27 Juin 1990 ; "Abus dangereux de la Loi EVIN" Christian PECHENARD, STRATEGIES N°730 du 4 Février 1991 ; "Tabac : on rallume ou on écrase ?" dossier collectif, COMMUNICATION CB NEWS n°275 du 2 Novembre 1992. 10 - Aucune protestation n'eut lieu lorsqu'il fut utilisé en 1972, car il n'était pas connu du public. En revanche la popularité de son show sur la chaîne nationale 9 lui valut également un succès plus important en tant que porteparole publicitaire. Et si la publicité pour les cigarettes fut interdite à la télévision en 1976, Paul HOGAN continuait d'être utilisé en presse. Ce qui généra la constitution d'un groupe anti-tabac. L'annonceur cessa toute utilisation à partir du 30 Juin 1980. Voir : "Australian case proves self-regulation can work" Len BLANKET, ADVERTISING AGE du 2 Juin 1980. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 181 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ célébrités notamment pour leur effet normalisateur. Là encore, leur association n'est pas récente. Dans les premières années de ce siècle, la comédienne Sarah BERNHARDT posait déjà pour l'absinthe TERMINUS. Depuis, de très nombreuses stars ont été utilisées pour la promotion de boissons alcoolisées ; à l'exception bien sûr de celles qui nombreuses - étaient par trop connues pour leur consommation abusive du produit et qui n'auraient fait que détériorer son image. Hormis ce cas particulier, les célébrités représentaient là aussi a priori, un facteur très intéressant pour contourner le risque psychologique et social très important qui reste attaché au produit,12 et pouvant être perçu par le consommateur comme un puissant frein à la consommation. En 1983, Charles ATKIN et Martin BLOCK menèrent une enquête sur l'influence discriminante d'un porte-parole célèbre, comparé à un inconnu, pour une publicité de boisson alcoolisée13. __________________ 12 - Voir au sujet du risque perçu, l'étude du Professeur Hershey H. FRIEDMAN présentée page 211 ainsi que Jean-Jacques LAMBIN "Le Marketing stratégique" 2ème édition, Editions McGRAW HILL, Paris, 1991, page 71 13 - Charles ATKIN et Martin BLOCK "An experiment revealed the effectiveness of celebrity endorsers". Résultats présentés dans JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Volume 23, n°1, des mois de Février/Mars 1983 pp. 57-61. Hormis ses résultats, le principal intérêt de cette étude résulte sans doute dans le grand soin apporté à la composition de l'échantillon. Bien que ne comportant que 196 éléments, il avait été composé avec de multiples précautions. En effet, la moitié se composait d'adolescents de 13 à 17 ans pour analyser la différence de perception avec la seconde moitié, âgée de 18 à 77 ans et répartis de manière représentative à l'intérieur de ces La méthode expérimentale utilisée consista à tester trois versions quasiment identiques pour une marque de whiskey. Dans chacun des trois cas, la publicité était présentée avec une célébrité, et avec un porte-parole inconnu. L'acteur Telly SAVALAS fut utilisé en opposition à une publicité présentant un homme inconnu d'âge moyen selon la même présentation (tenue vestimentaire, position,...) que dans la publicité originale. Le même procédé fut utilisé avec une publicité utilisant l'ancien basketteur Happy HAIRSTON et avec le mannequin Cheryl TIEGS avant qu'elle ne devienne top-model. Dans ce dernier cas, la publicité avec porte-parole inconnu, reprenait Cheryl TIEGS, mais ne la présentait pas comme un célèbre mannequin international et ses cheveux avaient été changés de couleur. Une échelle différentielle sémantique en 18 points fut utilisée pour tester la publicité elle-même, une deux tranches d'âges. Au niveau de la répartition par sexe, il comportait 49% d'hommes et 51% de femmes. Considérait également le critère de la race puisque 84% étaient de race blanche, 12% Noirs, et 4% Chicanos ou Orientaux. 18% venaient de grandes villes, 30% de villes moyennes 31% de petites localités ou de zônes rurales. 35% étaient (ou leurs parents) issus de classes moyennes supérieures, 39% de classes moyennes inférieures et 29% de classes ouvrières ou de classes inférieures. 30% étaient pratiquants réguliers, 23% pratiquants occasionnels, 25% rarement, et 22% jamais. La dispersion géographique enfin visait une certaine diversification avec 52% du Michigan, 17% de Californie, 17% de New York et 14% de Géorgie. Voir également "Does advertising increase alcohol consumption ?" Jacques C. BOURGEOIS et James G. BARNES, JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Volume 19 n#4, Août 1979, pp. 19-29, et sur la liaison célébrités et boissons alcoolisées, "Do celebrities and alcohol mix ?" Steven W. COLFORD, ADVERTISING AGE du 25 Février 1985. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 182 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ échelle notée de 1 à 10 pour la crédibilité de la publicité, l'intention comportementale, ainsi que pour la notation du personnage (sur les critères de compétence, confiance et attrait physique), et enfin une échelle en 7 points pour la notation de l'image du produit. Lorsque l'on observe dans le tableau présenté ci-après, les notes moyennes obtenues par les deux types de publicités, on s'aperçoit que sur les 18 intitulés proposés, 15 donnent un score supérieur à la publicité utilisant un porte-parole célèbre. La somme des 18 échelles utilisées donne à cette dernière un score total de 76,7 (moyenne 4,26) alors que la publicité avec un porte-parole inconnu obtient un score total de 72,3 (moyenne 4,02). Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 183 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Critères d'appréciation de la publicité Porte-parole célèbre Porte-parole inconnu Inutile/utile 3,56 3,42 N'aime pas/aime 4,26 4,00 Mauvais/bon 4,07 3,82 Mauvais goût/bon goût 4,46 4,11 Malhonnête/honnête 3,56 3,90 Déplaisant/plaisant 4,61 4,28 Faux/vrai 3,51 3,65 Pas agréable/agréable 4,39 4,33 Irresponsable/responsable 3,86 4,03 Ennuyeux/intéressant 4,14 3,36 Traditionnel/moderne 4,76 4,38 Pas sexy/sexy 3,86 3,54 Faible/fort 4,81 4,16 Indécent/décent 5,11 5,08 Inefficace/efficace 4,59 3,89 Pas important/important 3,26 2,76 Ivre/sobre 4,90 4,79 Pauvre/riche 4,96 4,79 Charles ATKIN et Martin BLOCK "An experiment revealed the effectiveness of Celebrity Endorsers" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Février/Mars 1983 Extrait du tableau de la page 59 (moyenne, échelle notée de 1 à 7) La différence n'est pas significative en ce qui concerne la crédibilité de l'annonce en général. En revanche, la célébrité est perçue comme plus digne de confiance, plus compétente et plus attrayante. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 184 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Critères d'appréciation du porte-parole Porte-parole célèbre Porte-parole inconnu Digne de confiance 5,79 5,02 Attrayant 6,08 5,77 Compétent 6,08 5,45 Charles ATKIN et Martin BLOCK "An experiment revealed the effectiveness of Celebrity Endorsers" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Février/Mars 1983 Extrait du tableau de la page 59 (note moyenne : 1 = faible, 10 = beaucoup) Il en va de même pour l'image du produit. Les six attributs utilisés (aime/n'aime pas, mauvais/bon, déplaisant/plaisant, pas agréable/agréable, inférieur/supérieur, pas sexy/sexy) obtiennent de manière significative, de meilleures notes avec l'utilisation d'une célébrité avec un Sujet d'étude score total de 24,8 (moyenne 4,14) qu'avec l'utilisation d'un porte-parole inconnu avec un score total de 22,2 (moyenne de 3,76), sur une échelle en 7 points. La différence du critère intentionnel au regard du produit est favorable à la célébrité, mais pas de manière significative (2,82 contre 2,36). Type de répondants Porte-parole célèbre Porte-parole inconnu Publicité Jeunes 4,23 4,02 (moyenne des 18 critères) Adultes 4,28 4,19 Crédibilité de la publicité Jeunes 4,06 4,12 Adultes 3,57 3,81 Porte-parole Jeunes 6,03 5,42 (moyenne des 3 critères) Adultes 5,94 5,41 Image du produit Jeunes 4,13 3,38 (moyenne des 6 critères) Adultes 4,16 4,15 Intention comportementale Jeunes 2,82 1,98 Adultes 2,83 2,74 Charles ATKIN et Martin BLOCK "An experiment revealed the effectiveness of Celebrity Endorsers" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Février/Mars 1983 Tableau 2 de la page 60 L'étude comporte également l'intérêt de proposer un croisement avec l'âge du répondant. Comme on pouvait s'y attendre, les résultats Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 185 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ démontrent que les jeunes sont plus impressionnés par un porte-parole célèbre On perçoit alors l'intérêt d'utiliser une célébrité pour la publicité d'une boisson alcoolisée, puisque même l'image du produit obtient une impression plus favorable du 1 consommateur (notamment chez les jeunes). Cet impact plus important chez une population jeune peut s'expliquer selon les auteurs, au regard d'une perception plus orientée vers le porte-parole chez les jeunes et vers le produit chez une population adulte2. Enfin, dernier fondement évoqué, le souhait d'utiliser un porteparole célèbre peut provenir de la volonté de personnifier le produit. 6 - Personnification du produit En raison de ses caractéristiques intrinsèques ou environnementales, le produit peut donc rechercher le facteur de sympathie porté à la célébrité. Ce facteur de sympathie est alors utilisé pour "désensibiliser" le sujet de la communication. Comme nous l'avons vu, la célébrité intervient comme une sorte de normalisateur sur des sujets de __________________ 1 - Voir notamment : "Tapping a new style : Heileman revamps old style, COLT 45 ads" Ira TEINOWITZ, ADVERTISING AGE du 11 Avril 1988. 2 - Cette influence plus grande d'une cible jeune est confirmée par les travaux du Professeur FREIDEN, voir page 222. communication parfois délicats. Le publicitaire peut souhaiter aller au delà de cette normalisation dans certains cas, en voulant personnifier le produit. L'objectif est alors de lier fortement l'image des deux protagonistes célébrité et produit - de manière à ce qu'aux yeux du consommateur, l'image de la célébrité cautionne totalement celle du produit. Dès lors, celui-ci sera présent dans l'esprit du consommateur sous les traits du porte-parole. On perçoit alors parfaitement ici l'intérêt d'utiliser la publicité pour contribuer à orienter / modifier l'attitude du consommateur envers la marque / l'annonceur3. Aux Etats-Unis, en 1986, THONSON-CGR (aujourd'hui sous le contrôle de GENERAL ELECTRIC) demanda à son agence de lancer une campagne sur le thème très sérieux de la mammographie. C'est là, un sujet très délicat. Or, l'utilisation adéquate d'une célébrité peut permettre de communiquer sans pour autant vulgariser un thème très sérieux. Les photos elles-mêmes ainsi que l'emploi très sombre du noir et blanc étaient d'ailleurs là pour rappeler le sérieux de __________________ 3 - Voir notamment à ce sujet, les travaux de Scott MacKENZIE et Richard LUTZ : "Attitude toward the Ad as a mediator of advertising effectiveness : determinants and consequences" Richard J. LUTZ, Scott B. MacKENZIE et George E. BELCH in ADVANCES IN CONSUMER RESEARCH, Volume 10, R.P. BAGOZZI et A.A. MITCHELL, Editions : ASSOCIATION FOR CONSUMER RESEARCH, Ann Arbor, MI, Etats-Unis, pp. 532-539. "An empirical examination of the structural antecedents of attitude toward the Ad in an advertising pretesting context" Scott B. MacKENZIE et Richard J. LUTZ, JOURNAL OF MARKETING Volume 53, du mois d'Avril 1989, pp. 48-65. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 186 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ la communication. Jacques HODEN4 se souvient de la campagne : "En 1986, avec l'agence LORD GELLER FEDERICO EINSTEIN de New York, nous recherchions un concept de campagne pour sensibiliser le grand public et les médecins généralistes au dépistage. On s'est appuyé sur des femmes pour présenter la chose. Il faut savoir que le cancer du sein est le premier tueur de femmes aux EtatsUnis. Il tue une femme sur 11. Tout le principe de la campagne consistait à dire qu'il existait un appareil qui permettait de dépister le cancer du sein 3 ans avant qu'il ne soit décelable par la palpation. L'agence nous a présenté différentes campagnes. Nous en avons retenu deux. Celle utilisant Lee REMICK, Angela LANSBURY et Diahann CARROLL pour les EtatsUnis, la deuxième campagne, pour l'Europe, indiquait simplement que l'on pouvait gagner 3 ans dans la détection du cancer, elle ne faisait pas appel à des notoriétés. Pour la campagne américaine, nous avons reçu des milliers de lettres5." Certes, il est __________________ 4 - Jacques HODEN, Directeur de la Communication de GENERAL ELECTRIC - C.G.R.. Entretien privé accordé le 29 Juin 1988. 5 - Il est impossible de comparer les résultats des deux campagnes, dès lors que les annonces n'étaient pas les mêmes. D'ailleurs, pour cette approche, il aurait été nécessaire de recourir à des célébrités françaises, Lee REMICK, Angela LANSBURY et Diahan CARROL n'ayant pas une notoriété suffisante pour remplir leur mission en France. Par ailleurs, les plans media n'avaient également rien de comparable quantitativement. Une information obtenue "off-record" expliquait alors que les souhaits de communication de THOMSON-C.G.R. avaient été "limités par l'administration" en France, car la mammographie, prise en charge par la Sécurité Sociale, était un examen qui coûtait relativement cher... toujours possible de recourir à un "consommateur type" pour une communication de ce type, de manière à rechercher l'identification. Mais le recours à des porte-parole célèbres permettait de sensibiliser aux avantages de ce produit, sans effrayer. En personnifiant et humanisant une technique encore peu / mal connue du grand-public. Autre exemple, le cas du magazine HARMONIE DU COUPLE lancé en France en 1981. Nicolas MONNIER6 qui eut la charge de ce lancement, raconte que "le deal était de lancer la première encyclopédie pratique sur la sexualité, pour apprendre à faire l'amour. Dans l'esprit collectif des Français, il y a une chose dont ils sont sûrs, c'est qu'ils peuvent donner des cours au monde entier sur ce sujet là, mythiquement j'entends. Ce qui nous a semblé le plus important était de dédouaner tout le monde et de normaliser la chose. Le phénomène "gare" est totalement parisien. On sait que l'on peut acheter quelque chose de façon tout à fait anonyme, même si on l'achète tous les matins. Il y a 300.000 personnes qui achètent en même temps que vous et vous ne risquez pas d'être repéré. Par contre, lorsque vous êtes à Toulouse et que vous allez chercher votre exemplaire dans votre quartier, c'est Madame Denis qui vous reçoit et qui a l'habitude de vous donner aussi Le sport-auto, Le monde du tennis, Libé, Nousdeux,... __________________ 6 - Nicolas MONNIER, Président de l'agence de publicité ALICE. Entretien privé accordé le 14 Avril 1988. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 187 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Donc nous sommes allés chercher une personnalité pour normaliser la chose. Se posait alors le problème du choix. C'était manifestement une femme, parce que le seul biais pour ne pas attaquer de front la prétention collective des Français, s'était de s'adresser aux femmes. De toutes façons, les hommes sont tellement plus coincés que les femmes, que ne peut entrer dans un foyer quelque chose qui concerne le sexe et qui est novateur, que par le biais des femmes. Pour normaliser, il nous fallait une femme connue qui n'ait pas le statut de star mythique parce que dans ce cas elle ne ferait pas le pont recherché. Il fallait au contraire que ce soit quelqu'un de très connu mais qui ait le statut d'avoir une vie quotidienne comme tout le monde. Il n'y avait pas mieux que Marie-Christine BARRAULT, par ce qu'elle dit, par ce qu'elle vit et par ce qu'elle a tourné comme films,... elle représentait exactement cet univers. Là-dessus, on a vérifié par un test auprès de 800 femmes en lançant un certain nombre de personnalités, en disant : "elle a une vie de famille normale, elle aime ses enfants, elle a une vie sexuelle comme tout le monde, elle a des besoins d'argent comme tout le monde,..." pour vérifier les écarts. On a alors retrouvé Marie-Christine BARRAULT telle que notre bon sens l'intuitait. Les éditeurs anglais n'en voulaient pas, parce que ça leur paraissait une solution mystère trop tordue. Néanmoins ils ont plié, et ça s'est vendu à 1,6 million d'exemplaires pour le numéro 1." Le concours des célébrités est également demandé pour personnifier et humaniser des grandes causes et diverses organisations charitables. Ces organismes souhaitent ainsi bénéficier d'une image plus facilement introduite auprès du public. En France, on note les cas de Pierre BELLEMARE, Alain DELON, Denise GREY, Jean-Claude BRIALY, Jean CARMET, Victor LANOUX, Annie CORDIE ou Nicole GARCIA pour diverses associations de lutte contre le cancer7, Jean-Yves TERLAINT pour MEDECINS SANS FRONTIERES, Nastassja KINSKI pour EVIAN/LA CROIX ROUGE8, Isabelle ADJANI, Christophe LAMBERT et Michel DRUCKER pour l'A.I.C.F., Jean-Paul BELMONDO pour MEDECINS DU MONDE, Denise GREY en faveur de la Fondation pour la Recherche Médicale9 ou Charles AZNAVOUR pour les sinistrés d'ARMENIE. Ainsi que différentes entreprises personnelles comme celles de la chanteuse REGINE dans la lutte contre la drogue, des acteurs Lino VENTURA ou Michel CRETON pour l'aide à l'enfance handicapée, ou de la chanteuse Line RENAUD dans la lutte contre le Sida, par exemple. Implication __________________ 7 - Voir notamment "Une grande cause essaie le ton de la comédie" Philippe LEMAIRE, COMMUNICATION CB NEWS N°244 du 10 Février 1992, qui expose l'approche originale suivie par la LIGUE CONTRE LE CANCER en 1992. 8 - Voir notamment "Courrir pour une idée : le pari de Jean-Yve TERLAIN et de MEDECINS DU SANS FRONTIERES" Gilles HEURE, STRATEGIES n°482 du 22 Juillet 1985 ; "EVIAN : Une campagne de 6 mois au profit de LA CROIX ROUGE" Philippe DE L'ESTANG, COMMUNICATION & BUSINESS N°17 du 19 Janvier 1987. 9 - "Denise GREY se mobilise pour la recherche médiacale" Maurice DALINVAL, LE FIGARO du 17 Novembre 1988. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 188 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ donc des célébrités françaises, mais intervention plus limitée toutefois d'un point de vue publicitaire aujourd'hui, en comparaison de la participation massive des stars françaises à ces campagnes "grandes causes" au début des années 60. Ce, notamment parce que d'une manière étrange, leur intervention n'est pas toujours bien perçue / appréciée par leur public. Si l'on observe comparativement ce qui se passe dans les pays anglosaxons et notamment aux États-unis, les célébrités très souvent sollicitées paraissent moins hésiter à s'engager dans différentes campagnes de communication en faveur de telle ou telle cause. Il faut reconnaître par ailleurs que si c'est un point positif pour l'image de l'organisme, cela peu également le devenir pour la célébrité. On peut rappeler l'exemple déjà mentionné de Clint EASTWOOD, Lou Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité GOSSETT Jr ou Charles BRONSON dans une campagne pour le respect des parcs publics, de James Earl JONES, Telly SAVALAS ou Edward James OLMOS participant à des campagnes de lutte contre la délinquance, de Paul NEWMAN et sa femme, l'actrice Joanne WOODWARD pour l'aide aux enfants déshérités via leur propre fondation, de Frank SINATRA, Bob HOPE, Michael LANGDON, George BURNS et bien d'autres apparaissant sur des publicités pour la JUVENILE DIABETES FOUNDATION qui lutte contre le diabète chez l'enfant, de Jerry LEWIS extraordinaire promoteur du TELETHON, de William SHATNER, Ben VEREEN ou Morgan FAIRCHILD qui, avec de nombreuses autres stars participent à la communication de l'association CARE, de Whoopi GOLDBERG, Billy CRYSTAL et Robin WILLIAMS pour la collecte en faveur des sans-abri organisée par H.B.O., de Bill COSBY, Lucille BALL, Mike DOUGLAS, Bob HOPE et Dionne WARWICK pour la CROIX ROUGE10, de John LIGHTGOW, Pee Wee HERMAN, Scott BAIO, Clint EASTWOOD, Mister T, Michael J. FOX, Ally SHEEDY, Roy SCHEIDER, Ronald et Nancy REAGAN11,... dans des campagnes de lutte contre la drogue12, __________________ 10 - "RED CROSS drive result of research" Anonyme, ADVERTISING AGE du 15 Janvier 1979. 11 - "N'en prends pas ! Sinon..." Olivier LAMOUR, STRATEGIES n°541 du 15 Décembre 1986. 12 - "Celebrities join anti-drug campaign" Ronnie TELZER, ADVERTISING AGE du 27 Avril 1987 ; "AIDS on agenda for ANPA meeting" Patrick REILLY, ADVERTISING AGE du 18 Avril 1988. Voir également : "Experimentation for pretesting public health programs : The case of the anti-drug abuse campaign" M. RAY et S. 189 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ de Burt LANCASTER, Jeffrey BANKS, Calvin KLEIN, Kenzo TAKADA, Earvin Magic JOHNSON, Claire TREVOR, Liz TAYLOR13 ou Edward ASNER à nouveau entourés de très nombreuses autres stars, sur des publicités en faveur de la lutte contre le Sida14,... Et ce ne sont là que quelques exemples à peine représentatifs ne considérant pas les sportifs15. Aux Etats-Unis, les stars semblent ainsi beaucoup plus utiliser l'énorme pouvoir de représentation, de prescription et de personnification qu'elles détiennent, au service d'objectifs non commerciaux car bien entendu, ces participations sont logiquement effectuées bénévolement. En 1985, l'agence américaine FALLON MAC ELLIGOT eut même l'audace de mettre à profit l'image de stars décédées, en utilisant une photographie des tombes de Jimmy HENDRIX, John BELUSHI, Jim MORRISON, Brian JONES, Elvis PRESLEY, Lenny BRUCE, Janis JOPLIN et Sonny LISTON dans une campagne de lutte contre la drogue16. Sur des sujets beaucoup moins sensibles et parce que leurs produits ne sont pas toujours matérialisables, les entreprises de services peuvent également souhaiter utiliser cette approche. "Lorsque vous ne pouvez pas le toucher, vous devez vendre ses bénéfices"17 mais la tâche n'est pas toujours aisée18. C'est pourquoi l'utilisation d'un porte-parole célèbre peut devenir un vecteur favorable à la présentation de ces bénéfices, par le biais de la personnification du produit19. __________________ 16 - L'accroche percutante de l'annonce était : "Utilisez la drogue, et vous aussi pourrez avoir un monument construit à votre nom" ! 17 - William J. STANTON et Charles FUTRELL op. cit. p.498. 18 - "Pour conserver les clients de produits immatériels WARD, ADVANCES IN CONSUMER RESEARCH, 3 (1976), pp. 278-286. 13 - "Sida : le front britannique" Patricia ROLLAND, STRATEGIES n°544 du 12 Janvier 1987. Voir également l'émission "Culture Pub" de Christian BLACHAS du 15 Novembre 1992, production M6/COMMUNICATION CB NEWS. 14 - Voir également : "Minorities target of new aids education" Ronald KOTULAK, CHICAGO TRIBUNE du 26 Juillet 1987 et "The politics of AIDS" Bill HEWITT, NEWSWEEK du 10 Août 1987. 15 - Voir notamment : "Charity reap benefits : When athletes give their time" Wally ADVERTISING AGE du 19 Mai 1980. TOKARZ, livrés et consommés régulièrement, il faut leur rappeler régulièrement ce qu'il obtient. Les promesses faites pour capter le client doivent être reformulées régulièrement, alors que ces promesses sont satisfaites. Il faut même, à intervalles réguliers, amener le client à reprendre conscience de la source du produit fourni, de crainte qu'il n'oublie qui est son vendeur anonyme et silencieux." Theodore LEVITT "L'imagination au service du Marketing", Editions ECONOMICA, Paris (1985) page 112. 19 - "Nous, en Marketing, parlons depuis des années de publicité d'image, mais ce n'est pas assez précis pour ce qui je pense est nécessaire pour un service. J'appelle la forme de publicité de l'image recherchée par un service, la «publicité personnage»." "The role of advertising in service marketing creating relationship" Petit déjeuner de l'American Marketing Association / New York du 21 Mai 1986, Intervention de Joanne BLACK, vice-Présidente senior de MASTERCARD INTERNATIONAL. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 190 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Pour symboliser l'importance du choix d'une bonne assurance et donc d'un "bon partenaire" qui ne posera aucun problème lors d'une indemnisation éventuelle, le Fond américain F.F.C.I. eut recours en 1986 à une photo d'un film des comédiens ABBOTT et COSTELLO. Leur constante bonne humeur bien connue humanisait et devait personnifier la compagnie d'assurance. Aux EtatsUnis, nombreuses furent et sont encore les sociétés de services qui adoptèrent cette technique en s'associant même parfois le concours d'un porte-parole célèbre, officiel, permanent. AMERICAN EXPRESS recourut pendant plusieurs années au comédien Karl MALDEN, Jimmy CONNORS prêta son concours à une autre compagnie de ce secteur : PAINE WEBBER. GREAT WESTERN SAVINGS fit appel à John WAYNE, A.T.T. à Cliff ROBERTSON, les agents d'assurance indépendants I.I.A.A. à Raymond BURR, la banque BOWERY SAVINGS au sportif Joe DiMAGGIO20,... Mais nous reviendrons là aussi plus tard, sur le cas du porteparole permanent. Le transport aérien est l'un des secteurs caractéristiques des services, qui a depuis longtemps recours aux célébrités, notamment aux Etats-Unis. L'avion fait partie de leur vie professionnelle et privée, seul moyen de relier rapidement les différents points géographiques où s'exercent leurs activités. Par ailleurs, la célébrité et __________________ 20 - "Advertising pure and simple" Hank SEIDEN, Editions AMERICAN MANAGEMENT ASSOCIATION, 1976, 1990, page 128. notamment la star de cinéma, est également renommée pour ses exigences en matière de luxe et de confort personnel. Elle devenait ainsi un formidable porte-parole pour des compagnies qui ne pouvaient plus simplement argumenter sur les prix. Par son choix, elle allait permettre d'identifier une compagnie plutôt qu'une autre, de la personnifier. Les compagnies aériennes furent très nombreuses à recourir à cette stratégie, avec parfois des célébrités très inattendues, comme par exemple une annonce originale, réalisée en 1954 pour PAN AM, et qui présentait Albert SCHWEITZER nommé Prix Nobel de la Paix deux ans auparavant. Il y a même parfois une adéquation subtile comme l'utilisation en 1978 de l'écrivain James A. MICHENER par UNITED AIRLINES pour ses vols à destinations des îles Hawaii ou encore le surfeur Robby NAISH, sollicité pour les mêmes produits par HAWAIIAN AIRLINES. En 1965, la BRITISH OVERSEAS AIRWAYS CORPORATION s'offrit les jambes de Marlène DIETRICH et AIR FRANCE les visages de Brigitte BARDOT et Jeanne MOREAU. La compagnie française utilisa d'autres stars outreAtlantique, telles que Danny KAY, Gene KELLY, James STEWART, Maurice CHEVALIER ou Gregory PECK. En 1971, IRAN AIR employa l'acteur Curd JURGENS, BRITISH AIRWAYS recourut avec succès à un porte-parole officiel en l'acteur Robert MORLEY alors TWA échouait en utilisant un autre acteur britannique, Peter SELLERS. BRANIFF sollicita Andy WARHOL et le boxeur Sonny LISTON. EASTERN AIRLINES Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 191 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ engagea Orson WELLES et plus récemment, WESTERN AIRLINES s'attacha les services des acteurs Leonard NIMOY, William SHATNER21, Fred ASTAIRE et Gene KELLY. En 1987, la compagnie AUSTRIAN AIRLINES, associée à la ville de Vienne, eut recours à un plan du film Tuer n'est pas jouer avec Timothy DALTON et Maryam D'ABO. En 1988, CONTINENTAL AIRLINES s'offrit quant à elle, les services de l'acteur George BURNS. La LUFTHANSA détourna en 1989, l'image du Premier soviétique Michael GORBATCHEV. Enfin, dernièrement CATHAY PACIFIC AIRWAYS utilisa le tennisman Michael CHANG, alors qu'un autre tennisman, Stephan EDBERG - a l'instar de Bjorn BORG dans le passé - choisissait SAS. L'acteur Christophe LAMBERT préféra quant à lui AIR FRANCE, alors que VIRGIN ATLANTIC sollicitait le chanteur compositeur Phil COLLINS ou le dictateur Manuel NORIEGA (dans un détournement). Sans oublier le Japon où l'acteur Richard GERE, la chanteuse Janet JACKSON et le footballeur Ruud GULLIT volèrent sur JAPAN AIR LINES, Frank SINATRA et SNOOPY sur ALL NIPPON AIRLINES et Julio IGLESIAS sur la compagnie espagnole IBERIA qui souhaitait personnifier ses services aux yeux des consommateurs japonais. Un grand nombre d'exemples qui ne sont qu'une illustration très partielle des associations célébrités / __________________ 21 - Voir également le cas détaillé de la célébrité expert page 409 pour ce dernier exemple. compagnies aériennes qui eurent et ont encore lieu. Enfin, la personnification du produit peut être recherchée à des fins institutionnelles. C'est le cas particulier du porte-parole officiel d'une entreprise ou d'un groupe. La célébrité personnifie alors l'entité économique aux yeux du public. Déclinée dans toute la communication de l'entreprise, elle permet de fédérer l'ensemble de ses activités sur un visage. Ce rôle sera détaillé dans le cadre du chapitre suivant, comme nous l'avons déjà précisé. Ainsi, une célébrité n'est pas simplement recherchée pour son impact générateur d'attention. Comme exposé plus haut, divers autres fondements sont à l'origine de son utilisation en publicité. Il est par ailleurs très rare qu'elle ne soit recherchée que pour l'un de ces fondements. Et si la recherche d'impact perdure d'une campagne à l'autre, le publicitaire d'aujourd'hui est souvent motivé par d'autres fondements associés. Maintenant, cette utilisation correspond aussi à une action sur les motivations des consommateurs. Divers chercheurs ont d'ailleurs mené plusieurs études sur ce thème particulier. C / Etude des motivations du consommateur Etudes et travaux de recherche sur le rôle des célébrités en publicité Cette section porte l'intitulé "Etude des motivations du consommateur" car nous considérerons Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 192 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ au départ qu'elles sont à la base de la définition de l'attitude22, elle-même génératrice du comportement de ce consommateur. Dans un article célèbre, Ernst DICHTER expliqua qu'en publicité, la psychologie de la recommandation verbale reposait sur l'étude de deux problèmes introduits par les deux questions suivantes : 1. Qu'est ce qui motive une personne à parler d'un produit ou d'un service ? 2. Qu'est ce qui motive une personne à écouter une recommandation puis à agir en fonction d'elle ?23 Cette section sera composée de deux parties distinctes. Dans un premier temps, il sera rappelé l'enseignement de la recherche d'un point de vue général, et directement en liaison avec le sujet de cette thèse. Dans __________________ 22 - Nous n'aborderons la notion d'implication du consommateur que page 216, avec la présentation du modèle de Richard E. PETTY et John T. CACIOPPO. Selon le raisonnement de KRUGMAN, dans le cas d'une forte implication la communication persuasive agit sur les données cognitives, puis l'attitude et enfin le comportement. Alors que dans le cas d'une faible implication, cette même communication agit sur les données cognitives puis sur les comportements et enfin sur l'attitude. Herbert KRUGMAN "The impact of television advertising : learning without involvement" PUBLIC OPINION QUATERLY, 29, Automne 1965, pp. 349-346. Voir également Jean-Jacques LAMBIN, 1991, op. cit. page 115 et suivantes. 23 - Ernest DICHTER "How word-of-mouth advertising works", HAVARD BUSINESS REVIEW Volume 44, n°6, Novembre 1966, p. 148. Au cours de son étude sur 488 résultats d'achat, le Docteur DICHTER identifia notamment que 7,5% pouvaient être attribués à des témoignages de célébrités. un second temps, seront présentés les résultats d'une expérimentation. 1 / L'enseignement général de la recherche Aujourd'hui, le consommateur multi-facettes doit considérer un nombre croissant d'informations, émanant de multiples et diverses sources tantôt excitant ses motivations24, tantôt générant son refus - un frein - de l'acceptation25. Or, les variables cognitives ont longtemps constitué la base de la communication persuasive comme étant les principaux médiateurs de l'acceptation26 ou du refus27 du message publicitaire. Le chemin empreinté par le consommateur pour la formation de l'attitude est donc __________________ 24 - Voir également : "Some internal psychological factors influencing consumer choice" William Mc GUIRE, JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 2, du mois de Mars 1976, pp. 302-319. 25 - "Le discours publicitaire dissuade autant qu'il persuade et il semble que le consommateur soit, sinon immunisé, du moins un usager assez libre du message publicitaire" Jean BAUDRILLARD "Le système des objets" Editions TEL GALLIMARD n°33, Paris (1968) p. 231. 26 - Voir notamment : Peter L. WRIGHT "The cognitive processes mediating acceptance of advertising" JOURNAL OF MARKETING RESEARCH, Volume 10, du mois de Février 1973, pp. 53-62 et Robert B. ZAJONC et Hazel MARKUS "Affective and cognitive factors in preferences" JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 9, du mois de Septembre 1982, pp. 123-131. 27 - Voir notamment : "Factors affecting cognitive resistance to advertising" Peter L. WRIGHT, JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 2, du mois de Juin 1975, pp. 1-9. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 193 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ de plus en plus complexe, soumi à de multiples images28, et de plus en plus spécifique à chaque individu. "Les besoins deviennent ambigus au fur et à mesure que les choix individuels se multiplient."29 Ce dernier devant faire face à des intermédiaires plus ou moins nombreux, plus ou moins influents. Une influence subie, parfois inconsciemment, par le consommateur et tenant notamment à son humeur30, ses croyances31, au contexte de la communication32 ou au porte-parole du message par exemple33. De nombreux auteurs ont observé et observent encore les modalités de la formation de cette attitude34, conditionnant souvent le comportement du consommateur35. Issus du marketing, de la psychologie, __________________ 28 - Selon I. BIEDERMAN, qui utilisa un échantillon pris dans le dictionnaire WEBSTER, l'homme moyen est en mesure d'identifier facilement environ 30.000 objets / images. I. BIEDERMAN "Recognition by components - A theory of Human image understanding" PSYCHOLOGICAL REVIEW, 94 (1987), pp. 115-147. Simon J. THORPE estime quant à lui que si l'on utilise un échantillon plus large au départ - du type de l'enclyclopédie BRITANNICA - on peut estimer de 50 à 60.000 le nombre de ces images et objets, qui toujours selon l'auteur peuvent représenter "une iconothèque de "60 à 100.000 possibilités, et ceci dans un délai [d'identification] très bref, de l'ordre de 100 à 150 ms". Jean-Marie PRADIER, Derrick de KERCKHOVE, MarieClaude VETTRAINO-SOULARD, Simon J. THORPE, Herbert ZETTL "Le téléspectateur face à la Publicité" Rencontres sur "Oeil, cerveau et comportement du T.V. spectateur", MEDIATOP, Editions NATHAN, Paris (1989) pp. 63-65. Voir également : "Personality and persuasion : need for cognition moderates the persistence and resistance of attitude changes" Curtis P. HAUGTVEDT et Richard E. PETTY, JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY Volume 63, n°2, (1992), pp. 308-319, ainsi que "Do consumers evaluate products by adding or averaging attribute information ?" C. Michael TROUTMAN et James SHANTEAU, JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 3, du mois de Septembre 1976, pp. 101-106, où les auteurs expliquent que l'évaluation du produit par le consommateur se fait en définitive, en réalisant une moyenne des attributs qui lui sont soumis. 29 - "The limits to satisfaction" William LEISS, Editions UNIVERSITY OF TORONTO, Toronto, Canada, 1976, pp. 61-63. Voir également : "The varieties of consumption experience : compraring two typologies of emotion in consumer behavior" William J. HAVLENA et Morris B. HOLBROOK, JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 13, du mois de Décembre 1986, pp. 394-404. __________________ 30 - Voir notamment : "Mood states and consumer behavior : a critical review" Meryl Paula GARDNER, JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 12, du mois de Décembre 1985, pp. 281-300. 31 - Voir notamment : "Are product attribute beliefs the only mediator of advertising effects on brand attitude ?" Andrew A. MITCHELL et Jerry C. OLSON, JOURNAL OF MARKETING RESEARCH Volume 18, du mois d'Août 1981, pp. 318-332. 32 - Voir notamment : "A description of the affective quality attributed to environments" James A. RUSSELL et Geraldine PRATT, JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY Volume 38, n°2 (1980) pp. 311-322. 33 - Judson MILLS et Elliot ARONSON "Opinion change as a function of the communicator's attractiveness and desire to influence" JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY Volume 1, n°2, (1965) pp. 173177. 34 - Une attitude du consommateur envers la publicité, puis - ou directement - envers la marque. L'objectif dans le cas d'une attitude positive envers la publicité au préalable, étant de transférer ensuite ce sentiment à l'attention de la marque, en créant ainsi une attitude favorable à la marque. Voir notamment sur ce point : "Attitude toward the ad as a mediator of consumer brand choice" Terence A. SHIMP, JOURNAL OF ADVERTISING N# 10, du mois de Juin 1981, pp. 9-15. 35 - Voir notamment : James F. ENGEL, Roger D. BLACKWELL et Paul W. MINIARD "Consumer behavior", 7ème édition, Editions DRYDEN PRESS, Hinsdale, Il, (1968, 1993), Etats-Unis. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 194 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ de la sociologie36 ou de l'anthropologie notamment, ces chercheurs tentent indépendamment le plus souvent, d'où certains conflits - de comprendre la logique personnelle, le cheminement suivi par ce consommateur37, qui le mène tantôt à l'acte, tantôt au refus de l'acte. Notre propos n'est pas de présenter ici, l'ensemble de ces travaux - parfois contradictoires38 - en la matière, mais simplement de rappeler certaines grandes lignes permettant d'introduire notre sujet. Pour compléter la présentation débutée page 93 à propos de la notion d'impact, citons également parmi les chercheurs incontournables en matière de communication persuasive, Carl HOVLAND39 de l'Université de Yale40, __________________ et son plus célèbre disciple William Mc GUIRE41. Concernant les différentes étapes de ce cheminement, ce dernier propose notamment un processus en six étapes - voir schéma ci-après - qui mène traditionnellement de la prise de connaissance du message d'information par le consommateur, jusqu'au déclenchement de son comportement : Présentation du message Attention portée au message Compréhension, conclusion, arguments Soumission à la conclusion Conservation de la nouvelle conviction Comportement sur les bases de la conviction William Mc GUIRE "Behavioral and Management Science" Collectif, Editions DAVIS H.L. / SILK A.J. Ronald Press (1978), Etats-Unis D'après la figure 1 de la page 158. 36 - Voir notamment : "The distorted mirror : reflections of the unintented consequences of advertising" Richard W. POLLAY, JOURNAL OF MARKETING Volume 50, du mois d'Avril 1986, pp. 18-36. 37 - Voir notamment : "A behavior modification perspective on marketing" Walter R. NORD et J. Paul PETER, JOURNAL OF MARKETING Volume 44, de Printemps 1980, pp. 36-47. 38 - Leon FESTINGER ne concluait-il pas son étude en disant : "nous ne pouvons pas supposer sans hésitation l'existence d'une relation entre le changement de l'attitude et le comportement". "Behavioral support for opinion change" Leon FESTINGER, PUBLIC OPINION QUATERLY, 28, 3, Automne 1964. 39 - Le modèle décrit par Carl HOVLAND repose sur le principe que si la source utilisée est caractérisée par l'expérience et la loyauté de l'information, alors la communication est persuasive. Voir notamment : Carl HOVLAND et Walter WEIS "The influence of source credibility on communication effectiveness" PUBLIC OPINION QUATERLY 15 (1951) pp. 635-650 et Carl HOVLAND, Irving L. JANIS Harold H. KELLEY "Communication and persuasion", Editions YALE UNIVERSITY PRESS (1953), New Haven, Ct, Etats-Unis 40 - On parlera d'ailleurs de l'Ecole de Yale par rapport à l'Ecole de FISHBEIN. 41 - William Mc GUIRE proposa un modèle selon lequel l'efficacité du message reposait sur la connaissance, la ressemblance avec la source et la sympathie éprouvée pour elle. Ainsi, parce que les sources connues appréciées et familières au consommateur sont perçues comme attrayantes, le message est persuasif. Voir notamment : William Mc GUIRE "Behavioral and Management Science" Collectif, Editions DAVIS H.L. / SILK A.J. Ronald Press (1978), Etats-Unis. Voir également : "The Consumer Mind : How to tailor ad strategies" Richard VAUGHN, ADVERTISING AGE du 9 Juin 1980 page 45 ; "How the consumers react to advertising" Fred VAN RAAIJ, INTERNATIONAL JOURNAL OF ADVERTISING n°8 (1989) page 263 ; "A review and critique of the hierarchy of effects in advertising" Thomas E. BARRY et Daniel J. HOWARD, INTERNATIONAL JOURNAL OF ADVERTISING n°9 (1990) page 122 ; Grant Mc CRACKEN "Who is the celebrity endorser ? Cultural foundations of the endorsement process" JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 6, Décembre 1989, page 311. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 195 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Dès lors, une campagne ne sera efficace que si elle parvient à franchir avec succès chacune des étapes, séparant la prise de connaissance avec le produit et le déclenchement du comportement. La satisfaction du consommateur étant souvent le lien entre ces étapes42 dont les effets sont hiérarchisés43. Le processus se complexifie lorsque l'on prend conscience du fait que l'affectation de certaines étapes de manière positive peut entraîner, en contrepartie et sans que l'on puisse véritablement agir à l'encontre, une affectation négative des autres44. Au vu de ces conclusions Kristian PALDA,45 démontra que ces étapes pouvaient également intervenir dans un ordre différent et que dans divers cas, certaines pouvaient même ne pas survenir du tout.46 Ainsi l'achat __________________ 42 - Voir notamment : "A cognitive model of the antecedents and consequences of satisfaction decisions" Richard L. OLIVER, JOURNAL OF MARKETING RESEARCH, Volume 17, du mois de Novembre 1980, pp. 460-469. 43 - Robert J. LAVIDGE et Gary A. STEINER op. cit. Voir également : "Advertising research : The state of the art" Charles RAMOND, Editions ASSOCIATION OF NATIONAL ADVERTISERS Inc. (1976), New York, Etats-Unis, page 15. peut-il survenir par nécessité, induit par le style de vie du consommateur, pour cause d'achats imbriqués, en souvenir de préférences acquises pendant l'enfance, comme étant conforme aux normes de certains groupes ou par imitation de certains autres, exclusivement sur recommandations - personnelles ou non -, en tant que substitut d'autres produits, ou être fondé sur des bases superficielles ou aléatoires, comme l'analysent Richard OLSHAVSKY et Donald GRANBOIS47. L'appréhension du processus de formation ou de modification de l'attitude48 du consommateur est donc SCIENCE INSTITUTE, Cambridge, Etats-Unis, 1973, suggère que cette hiérarchie s'applique essentiellement aux nouveaux produits qui apparaissent importants aux yeux du consommateurs. Mais que lorsque les marques sont relativement indifférenciées et que les produits sont arrivés à la phase de maturité de leur cycle de vie, la décision d'achat peut intervenir en premier lieu sous la pression de conditions de vente personnelles pour n'être suivie qu'en ensuite, par un changement de l'attitude et de la compréhension des différents éléments de cette séquence. Voir également : "Strategic advertising campaigns" Don E. SCHULTZ, 3ème édition, Editions NTC BUSINESS BOOKS (1991), Lincolnwood, Ill, EtatsUnis, pp. 221-231. 47 - Dès lors "une part significative des achats peut ne pas effects : a partial evaluation" JOURNAL OF MARKETING RESEARCH du mois de Février 1966, pp. 13-24. être précédée d'un processus de décision" concluent Richard OLSHAVSKY et Donald GRANBOIS en 1979, confirmant ainsi les travaux de KASSARJIAN - Harold H. KASSARJIAN "Presidential address 1977 anthropomorphism and parsimony" ADVANCES IN CONSUMER RESEARCH Volume 5 ed. H. Keith HUNT, Ann ARBOR, MI : ASSOCIATION FOR CONSUMER RESEARCH pp. xii-xiv - sur ce sujet. Richard W. OLSHAVSKY et Donald H. GRANBOIS "Consumer decision making - fact of fiction ?" JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 6, du mois de Septembre 1979, page 98. 46 - Leo BOGART - op. cit. page 372 et 373 - cite à ce 48 - L'un des modèles précurseurs fut décrit par Martin sujet Michael RAY, qui dans "Marketing communication and the hierarchy-of-effects" Ed: MARKETING FISHBEIN. Ce modèle est fondé sur le fait que l'attitude (A) est prévisible lorsque l'on parvient à déterminer les 196 44 - Voir notamment : "The power of feelings in understanding advertising effects" Julie A. EDELL et Marian CHAPMAN BURKE, JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 14, du mois de Décembre 1987, pp. 421-433. 45 - Kristian S. PALDA "The hypothesis of a hierarchy of Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ un phénomène relativement complexe et dont il est extrêmement difficile, voire hasardeux d'essayer d'appliquer d'une manière générale, les résultats à l'ensemble des consommateurs49. Comment analyser par exemple la portée de l'expérience de chacun des consommateurs visés, et l'influence positive ou négative50 que celle-ci peut avoir sur leurs motivations et donc a fortiori sur leur attitude51 ? Comment considérer également de manière homogène, et scientifiquement acceptable, la puissance du phénomène de rétroaction dans la formation de cette attitude. critères de choix ainsi que l'ordre de ces critères dans le processus de décision. Ainsi obtient-on le modèle : A = Σ Pi Vi où Pi représente l'image de la marque au regard du critère i et Vi la puissance de critère. Dès lors il est possible de toucher le consommateur en agissant de cinq manières différentes. 1 - En modifiant sa perception de la marque, 2 - En modifiant la valeur des critères, 3 - En permettant la mémorisation d'informations publicitaires, 4 - En suscitant des réponses cognitives et 5 - En introduisant un contexte émotionnel. Voir notamment : "An investigation of the relationships between beliefs about an object and the attitude toward the object" HUMAN RELATIONS, n°16 du mois d'Août 1963, pp. 233-240 ainsi que "A consideration of beliefs, attitudes and their relationship" Ivan D. STEINER et Martin FISHBEIN, CURRENT STUDIES IN SOCIAL PSYCHOLOGY, Editions HOLT RINEHART AND WINSTON (1965), New York, Etats-Unis pp. 107-120 ; "A consideration of beliefs and their role in attitude measurements" READINGS IN ATTITUDE THEORY AND MEASUREMENT, Editions JOHN WILEY & SONS (1967) pp. 257-266 ; Jean-Michel RONSSE, op. cit. page 174. Il fut bien sûr contesté par différents auteurs : citons à simple titre d'exemple le modèle Vector de Olli T. AHTOLA "The Vector model of preferences : an alternative to the FISHBEIN model" JOURNAL OF MARKETING RESEARCH Volume 12, du mois de Février 1975. Lorsque le consommateur est exposé à la publicité, la formation de son attitude face au message transmis ainsi qu'au regard des conditions dans lesquelles il lui est transmis - sera influencé positivement, négativement ou de manière neutre par un phénomène de rétroaction. Ce phénomène est généré par une connaissance préalable, une association d'idées, une interprétation directement reliée par lui au produit ou au message. Comment contrôler alors l'aspect positif ou négatif de ce phénomène pour chacun des consommateurs ? Sur ce point, David AAKER cite le modèle construit par Morgan JONES qui l'utilisa dans un test à propos du dentifrice CREST aux Etats-Unis. Ce dentifrice bénéficia d'un témoignage en sa faveur de la part de l'Association Dentaire Américaine. Le modèle en question fut employé peu de temps après. "JONES nota que CREST était perçu comme ayant un désavantage sur le goût qui aurait pu contribuer à la rétroaction négative. L'acheteur fréquent fut présumé à ce point 49 __________________ - Morris B. HOLBROOK et Elizabeth C. HIRSCHMAN "The experiential aspects of consumption : consumer fantasies, feelings and fun" JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 9, du mois de Septembre 1989, pp. 132-140. 50 - Voir également : "Cognitive dissonance and consumer behavior : a review of the evidence" William H. CUMMINGS et M. VENKATESAN, JOURNAL OF MARKETING RESEARCH Volume 13 du mois d'Août 1976, pp. 303-308. 51 - "L'expérience peut agir comme un renforcement positif ou négatif : elle peut apporter des informations et des sensations agréables, synonymes de réussite comme elle peut être source d'informations négatives. Elle déclenchera alors des comportements d'évitement qu'il importe aussi d'analyser, parfois comme faisant partie d'un processus de motivation et non pas forcément de démotivation." Sandra MICHEL "Peut-on gérer les motivations ?" Editions PUF GESTION, Paris, 1989, p. 83. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 197 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ soucieux de sa santé que l'attrait du goût était moins important que la rétroaction positive qui pouvait exister"52 notamment en ce qui concerne l'efficacité du dentifrice, à propos de la prévention des carries par exemple. D'autres auteurs parvinrent même au résultat que la construction de l'attitude ne pouvait pas être le reflet d'un processus de décision. Dans cet esprit, Robert E. SMITH et William R. SWINYARD53 définissent le choix __________________ comme pouvant dépendre "d'algorithmes d'origine cognitive ou d'objectifs heuristiques ou de connaissances". Leurs travaux portant sur l'analyse comparative du consommateur exposé à la publicité, au regard de celui bénéficiant d'un essai, ils concluent que "la publicité ne semble pas pouvoir développer d'attitudes fortes". Ainsi la publicité influencerait-elle plus les achats d'essais qu'elle ne susciterait d'implication profonde en faveur du produit, et donc de comportements durables. Comment, dans ces conditions, l'utiliser efficacement une fois le produit lancé, et alors que le soucis de l'annonceur est de stimuler le réachat54 et donc une consommation habituelle et soutenue de son produit ? Le consommateur ayant déjà eu connaissance du produit, les résultats de la mesure de son attitude seront alors encore plus difficiles à appréhender, sachant que "l'expérience avec le produit a affecté son attitude 10 à 1.000 fois plus que son exposition aux annonces ou aux films publicitaires"55. D'autre part, l'attitude du consommateur est difficilement appréhendable au regard même des __________________ 54 - "La question clé est si oui ou non les gens continuent improve marketing decisions" JOURNAL OF MARKETING Volume 34 du mois de Juillet 1970, pp. 5257. Morgan J. JONES "A non-stationary probability diffusion model of consummer brand choice behavior" Working paper n°146, Western Management Science Institute, U.C.L.A. d'acheter une chose après qu'ils l'aient ou que leurs amis et voisins l'aient utilisée" Andrew S.C. EHRENBERG "Repetitive advertising and the consumer" JOURNAL ADVERTISING RESEARCH 14, du mois d'Avril 1974, page 26. Ce qui fait dire à Andrew S.C. EHRENBERG que la publicité n'a pas pour fonction de créer de nouveaux besoins, mais de renforcer des habitudes d'achat déjà développées. 53 - Robert E. SMITH et William R. SWINYARD, 55 52 - David A. AAKER "Using buyer behavior models to "Attitude-behavior consistency : the impact of product trial versus advertising", JOURNAL OF MARKETING Volume 20, Août 1983, pp. 257-267 - Charles K. RAMOND "Must advertising communicate to sell ?" HARVARD BUSINESS REVUE 43, 5, de Septembre / Octobre 1965, pp. 152. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 198 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ définitions qui lui sont données. Fort heureusement, si celles-ci sont multiples et variées,56 l'objectif reste cependant le même : attirer l'attention du consommateur et agir de manière telle sur son attitude, qu'il soit persuadé d'adopter un comportement57 donné. C'est la raison pour laquelle l'attitude fait souvent naturellement figure de pièce manquante au puzzle. Car on sait aujourd'hui aisément utiliser la publicité - entre autre - pour attirer / capter l'attention du consommateur. On sait également quel comportement achat, vote, déplacement, adhésion,... - on souhaite lui faire adopter. Mais en ce qui concerne le lien entre ces deux éléments les automatismes rationnels simples n'existent pas toujours. Tant la persuasion du consommateur, et donc le déclenchement de son comportement, dépendent d'un dosage A l'aide d'exemples caractéristiques, nous étudierons dans le cadre du chapitre IV, les nombreuses précautions à prendre pour essayer de rendre le message crédible lorsque l'on utilise une célébrité58 car bien souvent "une personne sain d'esprit ne croit pas réellement à une publicité ou à une offre promotionnelle ; pas de la manière que vous croyez un père ou un bon ami",59 ou encore le sens donné par le consommateur à la publicité ne correspond pas à celui recherché par __________________ __________________ 56 - "L'attitude est un processus de médiation groupant 58 - John HOUSEMAN, vieil acteur et producteur un ensemble d'objets de pensée dans une catégorie conceptuelle qui évoque des modèles de réponses" écrit William Mc GUIRE qui détaille ensuite les différentes approches dans "Attitudes and attitudes changes", Editions LINDSEY & ACRISON (1985) Etats-Unis, Chapitre 19 pp. 239 et suivantes. Voir également JeanNoël KAPFERER "Les chemins de la persuasion" Editions DUNOD ENTREPRISE, Paris (1990). américain très digne et très distingué fut jugé très crédible par les consommateurs - ainsi qu'en considération de l'accroissement de clientèle de l'annonceur - dans son rôle de porte-parole pour la compagnie financière SMITH BARNEY au début des années 80. Sécurisant, il incarnait la posibilité de "faire de l'argent avec les vielles méthodes". En revanche, le public ne parvint jamais à croire un instant qu'il pouvait manger des hamburgers chez McDONALD'S lorsque celui-ci eut recours à ses services peu de temps après. Il n'était pas du tout crédible. "It seemed like a good idea at the time" Christy MARSHALL, FORBES du 28 Décembre 1987. Voir également l'analyse de ce cas par Shekhar MISRA et Sharon E. BEATTY "Celebrity spokesperson and brand congruence : an assessment of recall and affect" JOURNAL OF BUSINESS RESEARCH, n°21, 1990, page 161, et pour d'autres exemples de cas d'échec : "Advertising blunders of the rich and famous" John MOTAVALLI, ADWEEK du 11 Janvier 1988. 57 - Il est impératif de bien dissocier ici l'attitude du comportement. L'attitude n'est qu'une étape intermédiaire pouvant générer, freiner ou simplement rester deconnectée du comportement recherché. A titre d'exemple, on pourra citer le cas d'école de la campagne collective pour la consommation de lait aux Etats-Unis. Bien qu'ayant eu un grand "succès" et qu'elle parvint à modifier l'attitude des consommateurs à l'égard du lait, la consommation du produit continua de baisser. "Marketing : beef industry turning to ads to change meat's reputation" Terry MINSKY, THE WALL STREET JOURNAL du 1er Avril 1982. Voir également : G. Ray FUNKHOUSER "Le pouvoir de persuasion", Editions SEUIL, Paris (1989) pp. 57-100. spécifique à chaque individu et fonction du produit, entre les éléments cognitifs, les éléments affectifs et les éléments conatifs contenus dans le message. Et William Mc GUIRE de définir une matrice de persuasion composée de trois pôles - crédibilité, attirance et puissance - pour parvenir à déclencher le comportement souhaité. 59 - Nicholas SAMSTAG "Because you have always told half-truths" SATURDAY REVIEW Volume 49 du 8 Janvier 1966, p. 112. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 199 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ l'annonceur. Même avec une célébrité séduisante dans le simple espoir de susciter un mimétisme recherché par le consommateur. Car "la source d'attirance devient critique pour l'impact persuasif, dans la mesure où le récepteur est motivé par la mise en valeur du sens de sa propre réputation sociale, de son rôle gratifiant d'un point de vue relationnel, en s'identifiant avec des sources admirées et introjectant leurs attitudes"60. Par ailleurs, d'autres auteurs nous portent à croire que même la recherche du porte-parole célèbre le plus crédible possible ne serait jamais la solution parfaite. A la fin des années 70, Brian STERNTHAL, Lynn W. PHILLIPS et Ruby DHOLAKIA démontrèrent que "la source hautement crédible réduit l'obtention de contrearguments lorsque les destinataires sont prédisposés de manière négative à un attrait, alors qu'une source faiblement crédible stimule l'obtention d'arguments supports parmi ceux qui ont une prédisposition favorable au message"61. Ainsi, les trois chercheurs estiment-ils qu'il est parfois plus judicieux de recourir à une source faiblement crédible car "lors de l'utilisation d'une source hautement __________________ 60 - William Mc GUIRE (1985) op. cit. page 264. "L'attirance physique met en valeur l'impact persuasif sans tenir compte du sexe de la source ou du récepteur. Peut-être simplement en raison du fait qu'il n'est pas simplement motivé par la beauté mais par d'autres facteurs tels que l'estime, l'intelligence." 61 - Brian STERNTHAL, Lynn W. PHILLIPS et Ruby DHOLAKIA "The persuasive effect of source credibility : a situational analysis" PUBLIC OPINION QUATERLY, 42, 3, Automne 1978, p. 307. crédible, le résultat est incertain quant à ses modalités d'obtention, il peut être dû à des dispositions favorables envers le comportement ou simplement au fait que les raisons avancées le sont par une source hautement crédible." Dans l'optique de ces auteurs, une forte crédibilité sera considérée comme génératrice du "signal" permettant de réduire les raisons qui motivaient jusqu'à lors le comportement du consommateur à l'égard du produit, mais qui ne parvient pas à "consolider une disposition favorable à son attention". Lorsque la source sera faiblement crédible, le consommateur aura davantage la possibilité de croire que son attitude est l'aboutissement de motivations qui lui sont propres et non de celles communiquées par la source. C'est la raison pour laquelle on peut alors penser que l'attitude sera plus puissante - car perçue comme plus personnelle, plus naturelle - que si elle n'était étayée que par le discours d'une source externe. Quand à l'attirance physique de la source - caractéristique relativement importante et souvent mise à contribution lors de l'utilisation de stars - et de sa possible influence sur le comportement du consommateur, il est là aussi très difficile de tirer des conclusions universelles. Certes, à l'aide de différents contre-exemples pourrait-on conclure à l'instar du Professeur Benoy JOSEPH que l'attirance physique "n'est pas une source forte ou particulièrement importante d'influence Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 200 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ interpersonnelle"62. Mais comment se convaincre des résultats des études allant dans ce sens, dés lors qu'au regard de l'hypothèse du Professeur CHAIKEN, on s'aperçoit que dans des conditions de laboratoires les répondants se montrèrent plus tentés "d'adopter des fonctionnements cognitifs hautement logiques, et par conséquent, de sous-utiliser l'information du caractère attirant dans la formation de leur opinion"63. On comprend dès lors, dans l'optique développée par Peter DRUCKER64 que l'analyse de cette attitude conditionne sensiblement la démarche marketing dans son ensemble. Mais à l'intérieur de ce vaste champ de recherche, concentrons nous maintenant sur l'étape suivante, en observant les principaux enseignements de la recherche sur le thème particulier de l'utilisation d'un porte-parole célèbre. __________________ 62 - W. Benoy JOSEPH "The credibility of physically attractive communicators" JOURNAL ADVERTISING, Volume 11, n°3, 1982, p.22. OF 63 - Shelly CHAIKEN "Communicator physical attractiveness and persuasion' JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY, n°37, 1979, p. 1395. 64 - "L'objectif du marketing est de rendre la vente superflue. L'objectif du marketing est de connaître et comprendre si bien le consommateur que le produit ou le service lui convienne et se vende lui-même" Peter DRUCKER "Management : tasks, responsabilities, practices" Editions HARPER & ROW, New York, EtatsUnis, 1974, page 61. Voir également dans la même optique "Marketing : a contemporary analysis" Robert D. BUZZELL, Robert E. M. NOURSE, John B. MATTHEWS jr. et Theodore LEVITT, Editions McGRAW-HILL, New York, Etats-Unis, 1972, page 17 : "la vente concentre son attention sur les besoins du vendeur, le marketing sur les besoins de l'acheteur". 2 / Recherche sur l'utilisation d'un porte-parole célèbre : En 1980, la société d'études américaine VIDEO STORYBOARD fit paraître les résultats d'une enquête menée l'année précédente auprès de 15.000 personnes à qui il fut demandé quels étaient les films publicitaires qui les avaient marqués au court des quatre semaines précédentes. Dave 65 VADEHRA - Président de VIDEO STORYBOARD - estime que pendant cette période, un Américain moyen est exposé à plus de 2.500 films publicitaires. Le classement des 20 premiers est reproduit ci-dessous. Chacune des marques suivie par le symbole ☺ utilisait la participation d'une célébrité dans le film publicitaire considéré. Classement VIDEO STORYBOARD des films publicitaires diffusés à la télévision américaine (1979/80) ☺ ☺ 12 - Jell-O ☺ 1 - Coca-Cola 2 - Mc Donald's 11 - Schlitz 3 - Pepsi 13 - Levi's 4 - Miller ☺ 14 - Ford ☺ __________________ 65 - Voir notamment : "COKE, Mc DONALD'S lead outstanding TV commercials" Dave VADEHRA, ADVERTISING AGE du 26 Mai 1980. Le classement présenté est extrait d'une liste dont la compilation tint compte de trois facteurs : le poids et l'efficacité media ainsi que le souvenir spontané positif d'un ou plusieurs films de la même campagne. 5% des répondants nommèrent une mauvaise marque par rapport au film dont ils avaient le souvenir (leur vote fut comptabilisé en faveur de la marque). Un tiers des répondants interrogés déclara ne se souvenir d'aucun film en particulier. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 201 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ 5 - Oscar Mayer ☺ 7 - Dr Pepper ☺ 8 - Polaroid ☺ 9 - Budweiser ☺ 6 - Alka Seltzer 10 - Bell Telephone 15 - Purina Cat Chow 16 - Anheuser Busch 17 - Life Cereal 18 - Meow Mix ☺ ☺ 19 - Purina Dog Chow 20 - Fruit of the Loom A priori, l'utilisation d'une célébrité doit permettre de jouer à la fois sur les trois principales composantes de l'attitude. Le cognitif, en n'utilisant pas simplement une célébrité, mais un porte-parole célèbre, véhicule d'un message d'information concret à l'origine. Le conatif, car la célébrité ne doit pas seulement attirer l'attention du consommateur, mais également faciliter le déclenchement du comportement recherché, en lui fournissant des éléments en ce sens. Et bien sûr l'affectif, car elle est surtout sensée être connue et appréciée par la cible avant d'apparaître sur une publicité. Dans ces conditions, ce dernier élément doit logiquement permettre de favoriser le passage du cognitif au conatif, voire de contourner le cognitif en jouant immédiatement sur l'émotionnel. C'est la raison pour laquelle de nombreux chercheurs66 __________________ 66 - Hershey H. FRIEDMAN et Linda FRIEDMAN - op. cit. pp. 63-71 - citent le cas de H. RUDOLPH qui en 1947, dans "Attention and interest factors in advertising", Editions PRINTERS' INK, New York, montrait déjà à la suite d'une étude comparative de 6 stratégies publicitaires, que l'approche testimoniale recourant à l'utilisation d'une célébité, obtenait les meilleurs scores auprès du lectorat considéré. Les auteurs mentionnent par ailleurs le cas de W. FREEMAN en 1957 qui, dans "The big name", Editions PRINTERS' INK, New York, faisait état d'une étude menée par Daniel STARCH et son équipe. Les résultats démontraient qu'en moyenne, les consommateurs lisaient plus les publicités utilisant le témoignage d'une célébrité que les publicités sans principalement aux Etats-Unis étudièrent le problème de l'impact des célébrités sur les motivations des consommateurs et le déclenchement ou non de leur comportement d'achat dans de meilleures conditions67. Les résultats de quelques unes de ces études, parmi les plus représentatives68 sont présentés et analysés ci-après. L'intérêt de ces études est de pouvoir appréhender leurs résultats au regard du sujet de cette thèse. Cependant, ces résultats ne peuvent être parfaitement appréciés qu'en ayant connaissance de la méthodologie suivie pour leur obtention, qui comporte un intérêt aussi grand que les résultats eux- témoignage. On notera également en contrepartie, une autre analyse de la société d'études américaine VIDEO STORYBOARD TESTS qui mettait en évidence un accroissement du désintérêt des consommateurs pour les spots publicitaires utilisant des célébrités, à la fin des années 80 aux Etats-Unis. "PEPSI eyes WILLIS, wife" Patricia WINTERS, ADVERTISING AGE du 6 Novembre 1989. 67 - En 1977, Hershey H. FRIEDMAN, Salvatore TERMINI et Robert WASHINGTON publiaient dans JOURNAL OF ADVERTISING Volume 6, pp. 22-24, les résultats d'une étude sur trois mesures (crédibilité, goût et intention d'achat) faite sur des échelles divisées de 0 à 10, auprès d'un échantillon d'étudiants. Pour l'occasion, un expert professionnel, le Président de la compagnie et un consommateur type avaient été comparés à l'acteur américain Al PACINO, sur une publicité pour une marque de vin à base de sangria. Une cinquième publicité de contrôle était utilisée pour vérification. Sur les trois mesures, aucun des trois porte-parole n'était apparu aussi influent que Al PACINO. Comparé à la publicité de contrôle, ses scores étaient : crédibilité (4,1 contre 2,8), goût (5,6 contre 4,0) et intention d'achat (3,9 contre 2,7). 68 - Elles sont toutes issues de revues américaines ou internationales. Diverses recherches, notamment auprès des deux principaux organismes que sont l'I.R.E.P. (Institut d'Etudes et de Recherches Publicitaires) et l'A.D.E.T.E.M. (Association Nationale du Marketing) n'ont malheureusement pas permis de trouver à ce jour, similaires études réalisées en France. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 202 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ mêmes. C'est la raison pour laquelle, la présentation qui suit tentera autant que possible de donner les détails méthodologiques qui furent observés. La première étude présentée date de 1961 et fut menée par deux publicitaires américains de l'agence KENYON & ECKARDT Inc. : Arthur J. KOVER, Project Supervisor du Département Recherche et Seymour LIEBERMAN, vice-Président Responsable du groupe Marketing de l'agence69. Leur analyse porta sur un échantillon de 590 propriétaires de véhicules automobiles. Les répondants furent sélectionnés sur six marchés différents de manière à obtenir une variété quant aux régions et à la taille des marchés. Puis, l'échantillon fut divisé selon un procédé aléatoire, en deux sous-échantillons d'importance relativement égale. Pour chacun des échantillons, les répondants se virent projeter à leur domicile, un des deux films publicitaires en faveur d'une marque automobile, conçus pour l'occasion. Chaque film utilisait un porte-parole célèbre différent, dont l'étude ne relate malheureusement pas les noms. En revanche, les auteurs précisèrent que ces deux porte-parole avaient été choisis parce que leur âge, leur apparence physique ainsi que leurs manières personnelles étaient différentes. Le questionnaire comportait deux parties. La première consistait après projection du film - en utilisant un échelle de Likert, à poser au répondant la question suivante : "Que ressentez-vous au sujet de la personne présente dans ce film : Diriez-vous que vous l'aimez beaucoup, que cous l'aimez un peu, sans opinion à son sujet, que vous ne l'aimez pas, que vous ne l'aimez pas du tout ? Dans la seconde partie, le répondant se voyait remettre une liste d'adjectifs qu'il devait noter de 0 à 10, au sujet du porte-parole. Les résultats furent les suivants : __________________ 69 - "Selecting commercial spokesmen" Arthur J. KOVER et Seymour LIEBERMAN, JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH, Issue N# 5, du mois de Septembre 1961, pp.22-25. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 203 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Porte-parole Porte-parole A B Aime beaucoup 36% 31% Aime un peu 41% 35% Sans opinion 19% 31% N'aime pas 4% 2% N'aime pas du tout 0% 1% 100% 100% 298 292 Echelle d'attitude TOTAL Base (nombre de répondants) Arthur J. KOVER et Seymour LIEBERMAN "Selecting Commercial Spokeperson" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH N#5 Sept. 1961, p.23 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 204 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Porte-parole A Porte-parole B Traits de personnalité Aime le N'aime pas Score de Aime le N'aime pas Score de du porte-parole porte-parole le porte- différence porte-parole le porte- différence parole parole Maturité 8.8 8.2 +06 8.2 7.1 +1.1 Intelligent 8.6 7.8 +0.8 8.6 7.4 +1.2 Sincère 8.9 6.5 +2.4 8.5 6.5 +2.0 Amical 8.7 7.1 +1.6 8.1 7.0 +1.1 Décontracté 8.2 6.6 +1.6 8.0 6.1 +1.9 Convaincant 8.2 6.1 +1.8 8.1 5.7 +2.4 Terre-à-terre 8.4 6.6 +1.8 7.8 5.6 +2.2 Viril 7.8 6.7 +1.1 7.9 6.8 +1.1 Sympathique 7.9 6.3 +1.6 8.2 6.7 +1.5 Fort 7.9 6.5 +1.4 8.0 6.3 +1.7 Cultivé 8.0 6.5 +1.5 7.9 6.1 +1.5 Vif / vivant 7.4 6.0 +1.4 7.6 6.6 +1.0 Bon sens de l'humour 7.8 5.8 +2.0 7.3 5.3 +2.0 Energique 6.5 5.7 +0.8 6.7 5.9 +0.8 Jeune 4.6 3.6 +1.0 6.5 5.4 +1.1 Distant 2.5 3.5 -1.0 1.8 3.0 -1.2 Froid 1.5 3.4 -1.9 1.7 2.8 -1.1 Dépassé 2.1 3.3 -1.2 1.3 2.4 -1.1 Borné 1.5 3.5 -2.0 1.2 2.9 -1.7 Faible 1.9 3.2 -1.3 1.5 2.4 -0.9 Base 232 66 195 97 Arthur J. KOVER et Seymour LIEBERMAN "Selecting Commercial Spokeperson" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH N#5 Sept. 1961, d'après le tableau de la page 24 On s'aperçoit que - logiquement - les répondants qui aiment le porteparole donnent des notes plus fortes aux adjectifs positifs, et que inversement, ceux qui n'aiment pas le porte-parole donnent des notes plus fortes pour les adjectifs négatifs. Les résultats du calcul du coefficient de corrélation montrèrent qu'il existait une corrélation entre les scores de différence des deux porte-parole. La dernière étape de l'analyse consista à calculer les moyennes des scores de différence, pour trouver les traits de personnalité les plus Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 205 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ intéressants. Il ressortit que le porteparole idéal pour vendre des automobiles devait en priorité être sincère, convaincant, terre-à-terre et avoir un bon sens de l'humour... Traits de personnalité moyenne des Traits de personnalité moyenne des du porte-parole scores du porte-parole scores Sincère +2.2 Intelligent +1.2 Convaincant +2.1 Viril +1.1 Terre-à-terre +2.0 Jeune +1.1 Bon sens de l'humour +2.0 Maturité +0.9 Energique +0.8 Décontracté +1.8 Cultivé +1.7 Distant -1.1 Sympathique +1.6 Faible -1.1 Fort +1.6 Dépassé -1.2 Amical +1.4 Froid -1.5 Vif / vivant +1.2 Borné -1.9 Base 590 Arthur J. KOVER et Seymour LIEBERMAN "Selecting Commercial Spokeperson" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH N#5 Sept. 1961, p.25 Certaines limites sont avancées par les auteurs qui réservent leurs conclusions pour le cas de vente d'automobiles uniquement, les résultats pouvant être fondamentalement différents pour d'autres produits. En revanche, précisant que les automobiles des films A et B étaient différentes, on peut également s'interroger sur la similitude ou non des deux scénarii. Dans l'affirmative, le modèle de la voiture a peut-être influencé, même inconsciemment, le répondant ? Dans le cas contraire, un biais n'est-il pas là aussi possible, au regard du scénario et Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité de son appréciation consciente ou pas, par le répondant ? Dans un second temps, on rappellera qu'il ne s'agissait pas de qualification spontanée, mais assistée, et que l'analyse doit être replacée dans son contexte, à savoir le début des années 60, aux Etats-Unis. En 1972, le professeur Joseph M. KAMEN dirigea une enquête1 sur le __________________ 1 - Ses principaux enseignements furent reproduits en 1975 dans la revue JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH sous le titre "What a spokesman does for a sponsor" Joseph M. KAMEN, Professeur de Marketing à 206 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ rôle d'un porte-parole dans la communication de la compagnie pétrolière américaine AMOCO Oil alors connue sous le nom de AMERICAN OIL COMPANY. L'enquête visait à étudier l'impact de l'utilisation d'un porteparole célèbre - en l'occurrence le chanteur musicien Johnny CASH - sur l'image de la compagnie pétrolière. L'enquête est particulièrement intéressante, notamment en raison des moyens qui furent mis en oeuvre pour analyser le phénomène. La méthodologie suivie comportait trois étapes. La première étape - appelée monitoring marketing - fut réalisé avec le concours de NATIONAL FAMILY OPINION Inc. L'enquête porta sur un échantillon de 1.500 personnes et fut menée pendant 21 mois sur deux régions des Etats-Unis : le Sud-Est et le Mid-Ouest. Des questionnaires de 12 à 16 pages furent confiés à chaque fois à la personne qui, dans le ménage, était le principal acheteur de carburant. Une partie du questionnaire concernait directement l'intérêt de l'association AMOCO / Johnny CASH, pour savoir si la célébrité était convaincante dans son rôle. L'enquête portait également sur le jugement qualitatif des autres marques (en utilisant des échelles à 7 niveaux) ; sur le niveau de satisfaction du consommateur au regard de 7 items (qualité du produit, variété proposée, l'Université Indiana Northwest ; Abdul G. AZHARI, Directeur de la cellule Recherche consommateur à la compagnie AMOCO Oil ; Judith R. KRAGH, analyste marketing à la compagnie AMOCO Oil. JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH, Volume 15, N#2, Avril 1975. qualité des chemins d'accès, services de réparation et d'entretien, prix des carburants, intérêt porté à la communauté et publicité commerciale) ; sur l'analyse du brand-switching2 pendant les six derniers mois ; sur la mesure du degré d'appréciation de la publicité pour les carburants dans sa région. Pour la deuxième étape, une enquête téléphonique fut menée sur un échantillon d'un peu plus de 1.000 personnes, en Juin 1972 et en Février 1973. La première vague concerna un échantillon d'automobilistes sélectionnés au hasard (mais toujours également répartis dans les deux régions retenues). La seconde vague se concentra sur les 15 métropoles des régions statistiques standard où AMOCO effectuait ses plus fortes ventes. Cette distinction provenait du fait que les études préalables avaient révélé que Johnny CASH était relativement moins bien accepté dans les grandes métropoles. Chaque groupe fut également divisé en deux sousgroupes. Chaque sous-groupe se voyait questionné sur AMOCO, mais sur le plan comparatif, les concurrents cités différaient d'un sous-groupe à l'autre. Enfin, pour la dernière étape, les chercheurs utilisèrent le raisonnement de KRUGMAN, pour mener deux études expérimentales. La première en Janvier 1972 sur trois groupes de 1.000 personnes : le premier groupe fut exposé à une animatique neutre, le second fut questionné sur le logotype __________________ 2 - Passage d'une marque à l'autre. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 207 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ et le troisième sur l'association Johnny CASH / Logo. Tous les matériels utilisés étaient en couleur pour éviter certains biais. La seconde étude, menée en Septembre 1973, était une analyse des facteurs deux à deux sur un échantillon de 1.000 personnes. Avec ou sans Johnny CASH et avec ou sans montage des paroles. Au sujet des biais, notons que les questions sur Johnny CASH n'étaient posées que lorsqu'il apparaissait. Ainsi, concernant les questionnaires où son cas n'était pas traité, des questions neutres étaient rajoutées pour obtenir des longueurs équivalentes. Pour évaluer l'image du chanteur et celle de la compagnie, deux listes d'adjectifs - assortis à chaque fois d'échelles à 5 niveaux - furent proposées aux répondants, et pour éviter l'effet de lassitude, Johnny CASH bénéficiait de 34 items, nombre qui fut réduit à 24 pour la publicité AMOCO et à seulement 17 expressions pour l'analyse de l'image de marque de la compagnie. Enfin, au départ, le cas de Johnny CASH fut étudié parmi celui de 4 autres célébrités (Andy GRAVATELLI, Arthur GODFREY, Danny THOMAS, Ed Mac MAHON). Le tableau de résultats présenté ci-après montre le changement de l'image d'AMOCO après l'utilisation de Johnny CASH, pour la région Sud-Est et la région Mid-Ouest. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 208 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Différence en pourcentages pour chaque trait de l'image de la compagnie AMOCO après l'utilisation de Johnny CASH Sud - Est Mid-Ouest Services des détaillants Préoccupés à satisfaire le client 6 7 Les meilleurs détaillants 5 5 Ont ma totale confiance 3 1 Donnent un excellent service 9 6 Sont très commodes Orientation client de la compagnie 7 9 Travaille très dur pour satisfaire ses clients 12 13 Recherche constamment des améliorations 12 0 Fait payer des prix honnêtes Réputation institutionnelle 7 5 Leader de l'industrie des carburants 10 9 A la meilleure essence 12 8 Excellent placement financier 6 7 Excellente compagnie où travailler 2 5 Soucieuse de l'environnement 9 5 Excellente entreprise citoyenne 4 1 Compagnie qui a ma totale confiance Publicité 7 1 Utilise une publicité divertissante 20 13 12 4 Utilise une publicité informative Joseph M. KAMEN, Abdul C. AZHARI et Judith R. KRAGH "What a spokesman does for a sponsor" JOURNAL OF MARKETING RESEARCH, Vol 15, n°2, Avril 1975, p. 23 Une grande majorité des répondants trouvèrent Johnny CASH convaincant dans son rôle de porteparole de la marque AMOCO, soit en raison de sa personnalité, soit parce qu'ils trouvaient le discours lui-même convaincant, soit enfin parce que le chanteur disposait d'une image comme étant à l'abri de besoins financiers et qu'il était perçu comme une source crédible pour cette raison. A l'inverse les répondants non convaincus minoritaires - objectèrent soit qu'il était chanteur et n'avait donc pas de lien direct avec la vente de carburant, soit tout simplement qu'ils n'appréciaient déjà pas le personnage auparavant. En définitive, cette étude montra que le porte-parole célèbre avait favorisé la croissance du taux de reconnaissance de la marque AMOCO, comme étant l'un des trois premiers investisseurs en publicité sur le marché du carburant. Les auteurs Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 209 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ reconnaissant que "c'est peut-être là le principal enseignement à l'utilisation d'un porte-parole", il fut analysé que Johnny CASH avait permis une meilleure sensibilisation à la marque avec une nuance près, concernant les jeunes hommes automobilistes urbains pour lesquels les résultats étaient sensiblement plus faibles1. Concernant le tableau présenté ci-dessus, un évident effet de halo général fut reconnu. Quant aux résultats moins important de le MidOuest que dans de Sud-Est. Ils peuvent en partie, aisément s'expliquer par un effet de plafond généré par une implantation de la compagnie plus caractéristique dans cette région des Etats-Unis. A l'Eté 1973, l'image de la publicité de la compagnie s'était améliorée, comme le montrent les résultats du tableau présenté cidessous. Les résultats du Mid-Ouest doivent une fois encore être relativisés par un effet de plafond. Par ailleurs, il est à noter que Johnny CASH ne fut jamais utilisé dans des spots promotionnels ou pour des produits annexes (pneus, batteries,...). Enfin, plus de la moitié des répondants reconnurent que le porte-parole convenait bien à la marque, et en tout état de cause bien mieux que les 4 autres porte-parole potentiels. Ce dernier point inquiétait - crainte d'un __________________ 1 - On rappellera ici que Johnny CASH est essentiellement un chanteur de musique "country", ce qui peut probablement expliquer en partie le phénonème de rejet de la part d'un population citadine, au moment de l'avènement de la musique "disco". effet boomerang - beaucoup AMOCO, au regard des très nombreuses lettres de protestation qui furent adressées au siège, le premier mois de l'exploitation des films publicitaires avec Johnny CASH. Différence en pourcentages des caractéristiques de l'image de la publicité de la marque AMOCO après l'utilisation de Johnny CASH Sud - Est Mid -Ouest Amicale 16 5 Informative 12 1 Sincère 11 2 Divertissante 14 7 Intéressante 11 3 Attirante 2 0 Efficace 12 4 Convaincante 7 6 Originale 8 1 Joseph M. KAMEN, Abdul C. AZHARI et Judith R. KRAGH "What a spokesman does for a sponsor" JOURNAL OF MARKETING RESEARCH, Vol 15, n°2, Avril 1975, p. 24 Si l'utilisation de Johnny CASH apporta indéniablement un plus - tant quantitatif que qualitatif - à l'image de la compagnie AMOCO, il faut préciser que cette innovation publicitaire fut accompagnée par l'introduction de nouveaux services, d'une amélioration de l'esthétisme des stations services, ainsi que de diverses opérations promotionnelles, dont l'influence n'est pas mesurée - si toutefois cela était possible - par les auteurs. D'autre part, ce cas fut présenté comme une innovation. L'apparition le 1er Janvier 1972 sur les petits écrans, d'une célébrité du monde du spectacle en tant que porte-parole d'une marque, se distinguant des témoignages ponctuels, prestations d'acteur et autres cautions d'expert. Or, on peut retrouver différents cas similaires dans Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 210 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ le passé. L'actrice Joan BENNETT n'avait-elle pas été nommée porteparole officiel et exclusif des parfums SEVETEEN en 1930 ? Bob HOPE, porte-parole officiel des lames de rasoir GEM en 1937 ? Anita LOUISE, porteparole officiel des laboratoires NAYLIFE en 1940 ? Et plus original le personnage du célèbre dessinateur Al CAPP, Li'l ABNER, nommé porteparole officiel des céréales CREAM OF WHEAT en 1942... Enfin, comment ne pas penser au cas de Fred ALLEN qui fut au début des années 40, le célèbre porte-parole officiel de la compagnie TEXACO, l'un des principaux concurrents de AMOCO...? Or, pour chacun de ces quelques exemples, l'implication de l'intéressé justifiait le terme de porte-parole officiel. L'industrie et la distribution des carburants a d'ailleurs souvent eu recours à des célébrités aux Etats-Unis. Peut-être est-ce en raison du fait que les stations service sont souvent perçues comme étant "un collecteur de taxe à qui chacun est obligé de payer un péage périodique représentant le prix de l'utilisation de sa voiture"2. Dès lors, l'utilisation d'une célébrité était tout à fait indiquée. Maintenant, quant au mode d'utilisation du porte-parole officiel3, notons que deux ans avant la __________________ 2 - "Marketing Myopia" Theodore LEVITT, HARVARD campagne AMOCO, Catherine DENEUVE entamait officiellement à la télévision américaine, une "carrière" de porte-parole officiel du parfum CHANEL n°5, qui allait durer 8 ans4 ! En 1979, le Professeur Hershey H. FRIEDMAN et Linda FRIEDMAN menèrent une autre étude sur ce sujet5. Celle-ci est également intéressante notamment parce qu'elle prend en considération des risques de différente nature, concernant les produits testés et parce qu'elle vérifie le modèle de Mc GUIRE6. Les chercheurs isolèrent tout d'abord trois types de témoignages publicitaires : la célébrité, connue pour ses activités autres, telles que ses spectacles ou ses émissions ; le professionnel expert, dont l'expérience et les connaissances sur le produit sont mises à profit ; et le consommateur type, utilisateur ordinaire du produit. Ils convinrent au vu des résultats des études préalables que "la confiance est probablement la dimension majeure sous-jacente à toute source de crédibilité. Sans elle, toute autre qualité du porte-parole publicitaire est incapable de produire un changement d'attitude". Les auteurs citent alors publicitaires.Voir sur ce point, l'analyse du porte-parole officiel présentée page 397. BUSINESS REVIEW Septembre / Octobre 1975, pp. 44. 4 - "Les belles de CHANEL N°5" Véronique DAHM, 3 - On reprochera la mise en exergue de l'appellation elle- COMMUNICATION CB NEWS N°193 du 17 Décembre 1990. même de porte-parole, comme porte-drapeau, représentant officiel de la compagnie. Nous verrons que cette appellation correspond à une "implication" de la célébrité beaucoup plus importante. Son image devenant peu à peu celle de l'entreprise - et réciproquement fédérant l'ensemble des opérations de communication, et pas simplement l'apparition au cours de quelques films 5 - Hershey FRIEDMAN et Linda FRIEDMAN firent paraître les résultats de cette étude sous le titre "Endorser effectiveness by product type" op. cit., pp. 63-71. 6 - Voir note de bas de page supra, page 195. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 211 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ KELMAN7 pour ce qui est des processus d'influence sociale générés par l'utilisation d'un porte-parole. L'étude devait vérifier ou contredire cinq hypothèses de base sur la perception et le souvenir des messages, le déclenchement du comportement d'achat, le prix associé au regard du type de porte-parole. D'une manière originale et très intéressante, ces hypothèses furent construites en tenant compte de cinq risques8 : + Le risque financier : la probabilité de perdre de l'argent en achetant le produit. + Le risque de performance : la probabilité que le produit ne donne pas entière satisfaction. + Le risque physique : la probabilité que le produit cause une blessure physique à l'utilisateur. + Le risque psychologique : la probabilité que le produit ne __________________ 7 - "L'acceptation" est liée à l'honnêteté, la sincérité et l'expérience alors que "l'identification" est liée à l'attirance et à la sympathie. L'effet de l'utilisation du consommateur type se situant entre les deux. KELMAN Herbert. "Processes of opinion change" PUBLIC OPINION QUATERLY Volume 25, n°1, Printemps 1961 pp. 57-78. 8 - Voir également : "The role of risk in consumer behavior : a comprehensive and operational theory of risk taking in consumer behavior" James W. TAYLOR, JOURNAL OF MARKETING Volume 38, n°2, du mois d'Avril 1974, pp. 54-60 et A.E. PITCHER "The role of branding in International advertising", INTERNATIONAL JOURNAL OF ADVERTISING Volume 4, 1985, pages 242-et 243. corresponde pas bien à l'image personnelle du consommateur. + Le risque social : la probabilité que l'utilisation du produit affecte la perception du consommateur par autrui. Il fut alors réalisé un "pré-test" pour déterminer les produits et les célébrités à utiliser. Dix types de produits furent proposés assortis d'échelles en 7 points pour mesurer le risque perçu. L'échantillon de 50 personnes fut divisé en 5 groupes (1 pour chaque risque) pour éviter l'effet de halo. Puis, les répondants durent noter sept célébrités féminines9 sur 4 attributs (connaissance, sympathie, attirance physique, confiance) toujours en utilisant des échelles à 7 points. C'est ainsi que furent retenus : un aspirateur (risques social et psychologique bas contre risques financier, physique et de performance élevés), des bijoux fantaisie (risques physique, financier et de performance bas contre risques psychologique et social élevés) et une boîte de cookies (tous risques bas). La célébrité sélectionnée fut la comédienne Mary TYLER MOORE10. __________________ 9 - Les sept célébrités retenues n'avaient pas encore participé à une campagne de publicité au moment de l'énquête. 10 - Peu connue du lecteur français, l'actrice Mary TYLER MOORE était particulièrement célèbre à l'époque. De 1970 à 1977, elle avait été l'héroïne principale de 168 épisodes du Mary TYLER MOORE Show, une sitcom diffusée sur CBS et extrèmement populaire. "Total Television" Alex McNEIL op. cit. pp.478-479. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 212 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Douze publicités (3 x 4) furent fabriquées par des professionnels. 3 porte-parole x 3 produits (+ 3 visuels de contrôle sans porte-parole). Le nom retenu pour le produit fut MAJESTIC1, car il était facile à mémoriser, applicable aux trois produits et assez "connu" pour pouvoir être associé à une compagnie existante. Le nom de Joan GREEN fut utilisé (sauf pour la célébrité bien entendu). Le questionnaire se composait de 360 ménagères de la classe moyenne, de la région de Brooklin et à prédominance de race blanche. Les répondants étaient exposés à la publicité puis une enquêtrice - toujours la même - les interviewait par téléphone, 48 heures après, à l'aide d'un questionnaire utilisant des échelles unidimensionnelles à 6 points à propos de 20 adjectifs. Les résultats sont essentiellement basés sur la méthode MANOVA (analyse multiple de la variance) et permettent la construction des graphiques présentés ci-après : __________________ 1 - Toutefois, aucune autre indication n'est donnée quant à la portée de ce nom et à son influence chez le répondant. Pouvant apparaître comme un simple détail, cet élément revêt en définitive une importance énorme lors de l'étude du comportement du consommateur si l'on considère la personnalité de chaque marque, a fortiori ici, dès lors que les auteurs eux-mêmes reconnaissaient que le nom était "assez connu" pour être utilisé. Mais l'étude ne fournit aucune autre précision à ce propos. Voir notamment à ce sujet : "How personnality makes a difference" Joseph T. PLUMMER in JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Volume 24 n°6 de Décembre 1984 / Janvier 1985, pp. 27-31. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 213 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Hershey H. FRIEDMAN et Linda FRIEDMAN "Endorser effectiveness by product type" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Vol. 19, n°5, Octobre 1979 D'après les figures 1-4 p.67 et figure 5 p.69 Il est manifeste que la célébrité est plus efficace que les autres porteparole au niveau du souvenir de la publicité et du nom de la marque du Souvenir de la marque produit, quel que soit son type, comme le montrent les résultats du tableau présenté ci-dessous. Il existe donc bien une interaction porte-parole / produit. Porte-parole Totaux Célébrité NON OUI Totaux Autres 24 (38,1%) 39 (61,9%) 129 103 (56,6%) 79 (43,4%) 182 127 118 245 Hershey H. FRIEDMAN et Linda FRIEDMAN "Endorser effectiveness by product type" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Vol. 19, n°5, Octobre 1979 p.71 Si le risque majeur concernant le produit est d'origine sociale ou psychologique, la célébrité est une bonne solution. En revanche, si ce risque est essentiellement d'origine financière, physique ou attrayant à la performance du produit - et c'est notamment le cas des produits dits complexes -, alors le porte-parole souhaitable s'avère être l'expert. Maintenant, si aucun risque ne paraît important, le porte-parole recommandé est le consommateur type. Comme on peut le constater sur les quatre graphiques précédents, la célébrité obtient de meilleurs scores avec les bijoux fantaisie, l'expert avec l'aspirateur et le consommateur type avec la boîte de cookies. Enfin, l'étude permis d'infirmer l'une des hypothèses de départ selon laquelle, le type de porte-parole influençait le prix de vente attendu du produit. Certes, des différences sont constatées d'un porte-parole à l'autre et d'un produit à l'autre, mais assez significatives selon les auteurs, au terme de l'analyse MANOVA, pour être considérées (voir résultats du tableau Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 214 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ présenté ci-dessous, exprimés en dollars). Moyenne de la mesure du prix de vente attendu Porte-parole Produit Célébrité Expert Consommateur type Contrôle Aspirateur Cookies Bijoux fantaisie 124,46 0,78 12,33 114,33 0,71 9,53 91,77 0,71 6,72 105,78 0,72 10,60 Hershey H. FRIEDMAN et Linda FRIEDMAN "Endorser effectiveness by product type" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Vol. 19, n°5, Octobre 1979 p.70 Les auteurs apportèrent des limites à leurs recherches expliquant dans un premier temps qu'il s'agissait d'une étude de laboratoire. En effet, il ne faut pas oublier ici le caractère très régional du test et donc les difficiles possibilités de généralisation. Ensuite, les répondants ne furent exposés qu'une seule fois à la publicité et de surcroît hors du contexte traditionnel d'un magazine. On regrettera les conditions de laboratoire, principalement au regard de l'aspect "artificiel"1 des publicités utilisées. On notera aussi la caractéristique exclusivement féminine de l'échantillon, ainsi que des porteparole utilisés. Or, même si son degré diffère d'un pays à un autre, d'un Etat à un autre, d'un individu à un autre, on sait que le sexe d'un porte-parole publicitaire conditionne en partie la réaction du consommateur2. D'autre __________________ 1 - Jon B. FREIDEN, op. cit. p. 34. 2 - Voir notamment à ce sujet : Mary C. GILLY "Sex roles in advertising : a comparison on television advertisements in Australia, Mexico and the UnitedStates", JOURNAL OF MARKETING Volume 52, n°2, (Avril 1988) pp. 75-85 et "No sex please, we're skittish" Warren BERGER, CREATIVITY du 5 Octobre 1992. part, comme nous l'avons vu, la prise en considération des différents risques perçus, par la cible, dote l'étude d'un intérêt supplémentaire. En revanche, ce critère du risque perçu, apparaît être un facteur limitatif à la généralisation des résultats. En effet, une étude menée un an auparavant, mais présentée cette fois dans la revue Journal of Marketing, faisait apparaître de sensibles différences d'un pays à l'autre3. Enfin, on peut s'interroger sur les résultats qu'aurait obtenus une célébrité déjà connue pour une ou plusieurs autres prestations publicitaires. Cependant, cette étude confirme les associations porte-parole / produit auxquelles on pouvait logiquement s'attendre en fonction de la nature des __________________ 3 - Robert J. HOOVER, Robert T. GREEN et Joel SAEGERT, "A cross-national study of perceived risk", JOURNAL OF MARKETING de Juillet 1978, pp. 102-108. Les auteurs y analysent le risque perçu auprès d'une population américaine et d'une population mexicaine. Les résultats sont différents d'une population à l'autre. Le risque perçu est beaucoup moins important chez les Mexicains que chez les Américains. Même si les auteurs expliquent que de plus amples recherches sont nécessaires sur ce point, il est très important de noter que la fidelité envers une marque apparaît en général liée à ce risque perçu. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 215 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ produits et des types de porte-parole sélectionnés. Mais elle est également très intéressante au regard du fait qu'elle est l'une des premières, sinon la première à comparer avec une précision statistique, différents types de porteparole. C'est là un centre d'intérêt qui fut à nouveau retenu cinq ans plus tard, par Jon B. FREIDEN. Au début des années 80, Richard PETTY et John CACIOPPO4 introduisirent une nouvelle approche de l'analyse de l'attitude et de sa formation. L'objectif de leurs recherches était de démontrer que les études avaient jusqu'à maintenant porté sur l'analyse d'une route centrale où le changement d'attitude provenait de la prise en compte d'informations. La communication persuasive trouvait alors ses bases dans la justification cognitive5 ; dans la compréhension, __________________ 4 - Voir notamment : Richard E. PETTY et John T. l'apprentissage et la mémorisation d'informations6 ; dans la nature des réponses cognitives caractéristiques apportées par une personne7 ; dans la manière dont les croyances pouvant être considérées par le 8 consommateur ,... Le principe mis en évidence et testé par Richard PETTY et John CACIOPPO découle de leur modèle E.L.M.9. Il se fonde sur l'observation que les changements d'attitude surviennent dans certains cas "via une route périphérique et ils n'ont pas lieu parce qu'un individu a personnellement considéré les avantages et les inconvénients d'une situation, mais parce que le problème ou l'objet de l'attitude est associé à des signaux positifs ou négatifs, ou parce que la responses" Richard E. PETTY et John T. CACIOPPO, JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY Volume 37, n°10, (1979), pp. 1915-1926. CACIOPPO "Attitudes and persuasion : Classic and contemporary approaches" Editions WILLIAM C. BROWN (1981), Dubuque, IA, Etats-Unis ; "Central and peripheral routes to persuasion : application to advertising" in ADVANCES AND CONSUMER PSYCHOLOGY, Rédacteurs : Larry PERCY et Arch WOODSIDE, Editions LEXINGTON BOOKS (1983), Lexington, MA, Etats-Unis, pp. 3-23 ; "Communication and persuasion : central and peripheral routes to attitude change" Editions SPRINGER / VERLAG (1986), New York, Etats-Unis. 6 - Voir notamment : William Mc GUIRE "Some internal 5 - Voir notamment : William H. CUMMINGS et M. BETTMAN "Multiattribute models in marketing : a bicentennial review" in CONSUMMER AND INDUSTRIAL BUYING BEHAVIOR, rédacteurs : Arch WOODSIDE, Jagdish SHETH et Peter D. BENNETT, Editions ELSEVIER NORTH-HOLLAND (1977), New York, Etats-Unis, pp. 137-150. VENKATESAN "Cognitive dissonance and consumer behavior : a review of the evidence" op. cit. pp. 303-308 ; "Cognitive effects of false heart-rate feedback" Stuart VALINS, JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY Volume 4, n°4, (1966), pp. 400-408 ; "Effects of message repetition on cognitive responses, recall and persuasion" John T. CACIOPPO et Richard E. PETTY, JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY Volume 37, n°1, (1979), pp. 97-109 ainsi que "Issue involvement can increase or decrease persuasion by enhancing message-relevant cognitive psychological factors inluencing consumer choice" JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH Volume 2, du mois de Mars 1976, pp. 302-319. 7 - Voir notamment : Peter L. WRIGHT "Message-evoked thoughts : persuasion research using thought verbalizations" JOURNAL OF CONSUMMER RESEARCH Volume 7, du mois de Septembre 1980, pp. 151-175. 8 - Voir notamment : Richard J. LUTZ et James 9 - Elaboration of Likelihood Model (of attitude change) Richard E. PETTY et John T. CACIOPPO "Attitudes and persuasion : Classic and contemporary approaches" (1981) opt. cit. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 216 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ personne tire des conclusions de la situation prescrite, fondée sur de simples signaux dans le contexte de persuasion"10. Lorsque la "probabilité d'élaboration" est élevée, que l'implication du consommateur par rapport au produit et à la nature du message est importante, l'utilisation de la route centrale est recommandée. Dans ce cas, le consommateur tiendra essentiellement compte des arguments développés par la publicité - les réponses cognitives -, ainsi que de la qualité de ces arguments pour former son attitude et adopter un comportement adéquat. Alors que si cette probabilité d'élaboration est peu élevée, qu'en d'autres termes la situation présente une implication relativement faible, la route périphérique est préférable. Autorisant une modification des croyances plus rapide, le comportement du consommateur sera influencé avant même que son attitude n'ait changé. On peut dès lors tenter de résumer cette approche à l'aide du schéma suivant : __________________ 10 - Richard E. PETTY, John T. CACIOPPO et David SCHUMANN "Central and peripheral routes to advertising effectiveness : the moderating role of involvement" JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH, Volume 10, du mois de Septembre 1983, page 135. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 217 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ communication persuasive conception d'un message choix d'une source et d'un support route centrale route périphérique situation de forte implication situation de faible implication réponses cognitives changement des croyances changement des croyances et de l'attitude changement du comportement changement du comportement Persuasion obtenue d'après les arguments du message changement de l'attitude Persuasion obtenue d'après des signaux périphériques Description schématique du modèle E.L.M. D'après Richard E. PETTY et John T. CACIOPPO "Communication and persuasion : central and peripheral routes to attitude change" Editions SPRINGER / VERLAG (1986), New York, Etats-Unis ; Michael R. SOLOMON "Consumer behavior" Editions ALLYN AND BACON / SIMON & SCHUSTER Inc. (1992), Needham Heights, MA, Etats-Unis page 187, et James F. ENGEL, et Roger D. BLACKWELL et Paul W. MINIARD "Consumer behavior" Editions DRYDEN PRESS, Hinsdale, Il, Etats-Unis, (1968-1993) page 466. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 218 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Dès lors que l'on considère que "l'affectif n'est pas nécessairement post-cognitif"1 cette approche comporte un intérêt fondamental dans le cas précis de l'utilisation d'une célébrité, pour son expérience ou son attirance physique par exemple. Ce sont là des "signaux périphériques" qui auront un impact persuasif beaucoup plus important et beaucoup plus direct, lorsque le message publicitaire "jouera" sur l'affectif. Ce, encore une fois, lorsque le consommateur sera dans des conditions d'implication faible.2 Richard PETTY et John CACIOPPO, présentés ci-après : Comme l'illustrent parfaitement les deux schémas issus des travaux de __________________ 1 - Voir notamment : Christian DERBAIX "Le comportement de l'acheteur : voies d'études pour les années à venir" RECHERCHE ET APPLICATIONS EN MARKETING Volume II, n°2, 1987 page 84, qui rappelle à ce sujet les travaux de Robert ZAJONC réalisés en 1980 et déjà cités dans les pages qui précèdent. Voir également : Christian DERBAIX et Michel Tuan PHAM "Pour un développement des mesures de l'affectif en marketing : synthèse des prérequis" RECHERCHE ET APPLICATIONS EN MARKETING Volume IV, n°4, 1989, pp. 71-87. 2 - Voir notamment : Richard E. PETTY, JohnT. CACCIOPO et Rachel GOLDMAN "Personal involvement as a determinant of argument-based persuasion" JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY, 41, Novembre 1981, pp. 847-855 ; Shelly CHAIKEN "Heuristic versus systematic information processing and the use of source versus message cues in persuasion" JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY, 39, Novembre 1980, pp. 752-766 ; "Effects of ego-involvement conditions on attitude change to high and low credibility communicators" Homer H. JOHNSON et John A. SCILEPPI, JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY Volume 13, n°1, (1969), pp. 31-36, et Ramon RHINE et Laurence J. SEVERANCE "Egoinvolvement, discrepancy, source credibility and attitude change" JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY, Volume 16, n°2, Octobre 1970, pp. 175190. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 219 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ 1.8 porte-parole célèbre 1.2 Attitude post-message 0.6 porte-parole inconnu 0 -0.6 -1.2 faible implication forte implication Attitude produit 1.8 arguments puissants 1.2 Attitude post-message 0.6 arguments faibles 0 -0.6 -1.2 faible implication forte implication Attitude produit Richard E. PETTY, John T. CACIOPPO et David SCHUMANN "Central and peripheral routes to advertising effectiveness : the moderating role of involvement" JOURNAL OF CONSUMER RESEARCH, Volume 10, du mois de Septembre 1983, D'après le graphique (figure B) de la page142 On notera également les moins bons résultats obtenus par le porteparole célèbre, qu'un porte-parole inconnu, dans le cas d'une forte implication, en ce qui concerne l'attitude post-message consommateur. du Remarquons qu'en France, en 1983, Gilles LAURENT et Jean-Noël Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 220 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ KAPFERER proposèrent un nouveau modèle s'attachant à mesurer cette implication du consommateur1 dont les conséquences devaient avoir des incidences sur la stratégie publicitaire, comme l'exprime le schéma représenté ci-dessous. L'hypothèse de base était que le choix du consommateur subissait non pas une mais plusieurs influences, variables suivant le degré d'implication de ce même consommateur. __________________ 1 - Pourtant, Jean-Noël KAPFERER et Gilles LAURENT ne font pas référence aux travaux de Richard E. PETTY, John T. CACIOPPO dans "Comment mesurer le degré d'implication des consommateurs" Echanges d'Expérience de l'Institut de Recherches et d'Etudes Publicitaires du 20 Avril 1983, Editions IREP, Paris (Juillet 1983). Voir également sur ce point : "Measuring consumer involvement profiles" Gilles LAURENT et Jean-Noël KAPFERER, JOURNAL OF MARKETING RESEARCH, Volume 22, du mois de Février 1985, pp. 4153 ; "Les profils d'implication" Gilles LAURENT et JeanNoël KAPFERER, RECHERCHE ET APPLICATIONS en MARKETING, Volume 1, n°1, du mois d'Avril 1986, pp. 41-57 ; "La communication publicitaire" in "La communication" Cahier Français n°258 - Octobre / Décembre 1992, LA DOCUMENTATION FRANÇAISE pp. 39-44 ; mais aussi : "Product involvement and brand commitment" Mark B. TRAYLOR, JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Volume 21, n°6, du mois de Décembre 1981 pp. 51-56 et "Low involvement strategies for processing advertisements" Meryl Paula GARDNER, Andrew A. MITCHELL et J. Edward RUSSO, JOURNAL OF ADVERTISING Volume 14, n°2 (1985), pp. 4-12 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 221 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ degré d'implication de la cible dans la catégorie de produit à conséquences de à l'implication : . processus de incidences pour la stratégie publicitaire : . objectifs choix entre . copy-stratégie marques . ton . besoins / attentes . format d'information . média stratégie . répétition . réceptivité à la publicité . pré-testing Jean-Noël KAPFERER et Gilles LAURENT "Comment mesurer le degré d'implication des consommateurs" Echanges d'Expérience de l'Institut de Recherches et d'Etudes Publicitaires du 20 Avril 1983, Editions IREP, Paris (Juillet 1983), figure de la page 5 Les auteurs considèrent alors que cette implication est "un concept composite ayant plusieurs facettes" que sont : 1 . le degré d'importance perçue du produit pour savoir si le choix porte à conséquence, 2 . le risque perçu associé au produit (avec le degré d'importance des conséquences négatives en cas de mauvais choix et la probabilité subjective d'effectuer un mauvais choix), 3 . le degré de plaisir conféré par le produit et 4 . le degré de valeur de signe attribué au produit, son achat ou sa consommation. Dès lors que cette "implication n'est pas une variable uni-dimensionnelle", il semble plus adéquat de parler de "profil d'implication". En 1983, reprenant partiellement ses précédents travaux1, __________________ 1 - "An evaluation of spokeperson and vehicle source effects in advertising" Jon B. FREIDEN, CURRENT ISSUES AND RESEARCH IN ADVERTISING (1982) p. 77-87. le Professeur Jon B. FREIDEN2 mena une nouvelle étude. Son objectif était d'analyser l'impression des membres d'un échantillon de consommateurs, après exposition à une publicité fictive, pour savoir : + Si la réaction des répondants étaient différentes suivant le type de porte-parole utilisé, + Si le sexe du porte-parole influençait les réactions des répondants, + Si de jeunes consommateurs réagissaient à la présence d'un porte-parole célèbre de la __________________ 2 - Jon B. FREIDEN est Professeur associé de Marketing à l'école de commerce de l'Université d'Etat de Floride. Son étude, déjà citée dans les pages qui précèdent, fut publiée sous le titre : "Advertising Spokesperson effects : an examination of endorser type and gender on two andiences" op. cit., pp. 33-41. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 222 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ même manière que des consommateurs plus âgés. Concernant les types de porteparole, l'étude considéra le cas d'une célébrité, d'un Président de compagnie, d'un expert et d'un consommateur type. Elle fut menée au Printemps 1983, dans une petite SMSA1 du Sud-Ouest, impliquant 8 points d'enquête. 226 personnes furent interrogées. La souspopulation adulte fut construite à partir d'une grande variété d'organismes civiques et culturels2. La sous-population d'étudiants fut tirée de quatre classes d'arts libéraux3. popularité et sincérité. Les publicités furent distribuées alternativement du numéro 1 à la numéro 8, accompagnées d'une fiche d'instructions, ainsi que d'un questionnaire à auto-administrer. ! Attention, la graduation des échelles étant l'inverse de celle utilisée jusqu'à présent, il faut lire les graphiques qui suivent, en considérant que plus le résultat obtenu se rapproche de 1, meilleur il est, et plus il se rapproche de 7, plus mauvais il est. La publicité utilisée consistait en huit versions d'une annonce pour un poste de télévision en couleur - dont le nom de la marque était masqué -, insérée dans un magazine en noir et blanc. Le choix du produit fut retenu comme étant un bien durable, d'intérêt général. Leur construction était aux dires de l'auteur, très réaliste. Le choix des célébrités permit de retenir les acteurs Paul NEWMAN et Linda EVANS, à la suite d'un mini-test sur 12 personnes devant noter 10 célébrités en termes de crédibilité, sympathie, __________________ 1 - région métropolitaine statistique standard 2 - L'auteur était conscient que ce type d'organisations générerait l'obtention de consommateurs plus aisés et bénéficiant d'une meilleure éducation que la moyenne nationale. Mais sur le principe que ce type de consommateurs est plus souvent recherché par les annonceurs, cette base fut conservée. 3 - Cette spécialité fut choisie par l'auteur pour éviter le biais caractéristique dû au choix d'étudiants en Marketing ou en Publicité, qui peuvent dans un certain sens être considérés comme des "experts". Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 223 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Porte-parole bien informé 5 4 3 2 1 0 Céléb. Prés. Exp. Cons. Jeune consommateur Porte-parole homme Porte-parole femme Porte-parole bien informé 6 5 4 3 2 1 0 Céléb. Prés. Exp. Cons. Consommateur âgé Porte-parole homme Porte-parole femme Porte-parole sympathique 5 4 3 2 1 0 Céléb. Prés. Exp. Cons. Jeune consommateur Porte-parole homme Porte-parole femme Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 224 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Porte-parole sympathique 4 3 2 1 0 Céléb. Prés. Exp. Cons. Consommateur âgé Porte-parole homme Porte-parole femme Publicité digne de confiance 4 3 2 1 0 Céléb. Prés. Exp. Cons. Jeune consommateur Porte-parole homme Porte-parole femme Publicité digne de confiance 5 4 3 2 1 0 Céléb. Prés. Exp. Cons. Consommateur âgé Porte-parole homme Porte-parole femme Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 225 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Qualité du produit 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 Céléb. Prés. Exp. Cons. Jeune consommateur Porte-parole homme Porte-parole femme Qualité du produit 3,5 3 2,5 2 1,5 1 0,5 0 Céléb. Prés. Exp. Cons. Consommateur âgé Porte-parole homme Porte-parole femme Jon B. FREIDEN "Advertising Spokesperson effects : an examination of endorser type and gender on two audiences" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Vol. 24, n°5 de Octobre / Novembre 1984 Graphiques construits d'après les valeurs de la table des moyennes p.38 Indubitablement, les résultats montrèrent que le type de porte-parole influençait la réponse du consommateur. Par ailleurs, en considérant les variables retenues (sympathique, digne de confiance, crédible, objectif, persuasif, bien informé) aucun type de porte-parole n'obtint un effet uniformément favorable sur l'ensemble des facteurs. "Ainsi, si la célébrité génèra une performance supérieure en ce qui concerne l'attribut «porte-parole Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité sympathique», elle n'obtint pas de scores très favorables pour les termes «porte-parole-bien-informé», «qualité du produit» et «publicité digne de confiance» ; l'expert parvint mieux à créer une attitude positive sur l'attribut «bien informé» notamment chez les jeunes consommateurs".1 D'autre part, __________________ 1 - S'il est indéniable qu'aujourd'hui les sportifs sont essentiellement recherchés pour leur expérience sur tel ou tel produit, on ne peut s'empêcher de penser à l'étude qui fut menée au Etats-Unis par ALAN R. NELSON 226 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ les résultats de l'étude laissent à penser qu'en général le sexe du porte-parole n'affecte pas réellement l'attitude du consommateur envers un produit de ce type, c'est à dire bénéficiant d'un intérêt général. En revanche, sur certains critères isolés - tels que «porteparole bien informé» et «publicité informative» - les résultats font dire à l'auteur que "dans le doute, il est préférable d'utiliser un porte-parole masculin". Enfin, cette enquête permet de démontrer que l'attitude exprimée par les jeunes répondants diffère substantiellement de celle exprimée par les répondants plus âgés. Les jeunes, moins expérimentés, ont ainsi un jugement plus favorable des stimuli de la publicité qui furent alors testés. Traditionnellement, l'auteur expose les limites de son étude, en indiquant essentiellement que ses résultats ne pouvaient être appliqués à d'autres media. Mais il explique aussi de manière très intéressante, qu'il serait RESEARCH Inc. en 1973 et de rapprocher ses résultats avec ceux obtenus par le Professeur FREIDEN. Après avoir constitué un échantillon représentatif de 2.500 hommes, NELSON RESEARCH lui soumit le cas de 192 figures du sport, présentées comme des porte-parole publicitaires potentiels. Concernant la crédibilité, les trois premiers cités furent dans l'ordre Stan MUSIAL, 53 ans, qui n'avait pas joué pour les Cardinals de St Louis depuis 10 ans, Mickey MANTLE, 42 ans, qui s'était battu avec les Yankees de New York, la dernière fois en 1968, et Yogi BERRA, le manager des Mets de New York ! Les plus célèbres étaient le joueur de base-ball Willie MAYS, le footballeur Joe NAMATH et le boxeur Mahammad ALI, mais lorsque l'on considérait la crédibilité du porteparole, on retrouvait ces trois dernières célébrités respectivement à la 31ème, 156ème et 190ème place ! Difficile donc de relier a priori célébrité et crédibilité. Voir notamment "Who do you trust ?" Anonyme, TIME du 31 Décembre 1973. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité nécessaire d'analyser l'influence du sexe du répondant au regard de celui du porte-parole, qu'il serait intéressant de connaître l'influence non plus de plusieurs types de porte-parole, mais de plusieurs types de célébrités2. Et il indique également qu'il serait utile de qualifier le souvenir du répondant, obtenu avec l'utilisation d'un porteparole. Concernant cette étude on ne regrettera que deux détails, pour lesquels il n'est pas fait allusion dans les limites. Le premier concerne l'étude elle-même. A l'inverse des travaux qui furent exposés précédemment, l'utilisation appréciable d'une publicité contrôle n'a pas été envisagée ici. D'autre part, en ce qui concerne la conception "très réaliste" des annonces, il faut savoir que le porte-parole était simplement représenté par une petite photo d'identité dans l'angle supérieur gauche de la publicité. Cela comporte l'avantage et l'inconvénient d'une "distance" entre le produit et le porteparole. Peut-être faut-il relier ce détail au fait que l'auteur indique dans ses conclusions, qu'il serait intéressant de mesurer lors de prochains travaux, l'influence du degré d'implication du porte-parole dans la publicité. Trente années séparent la première étude présentée dans ces pages et celle qui suit. Début 1991, une enquête du Professeur Roobina OHANIAN3 est venue compléter les __________________ 2 - Voir les travaux du Professeur R. OHANIAN réalisés en 1991 et présentés pages suivantes. 3 - "The impact of celebrity spokeperson's perceived image on consumer's intention to purchase" Roobina 227 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ travaux déjà existants. L'objectif initial était d'analyser ce que plusieurs références de la littérature identifient comme étant les trois sources de la crédibilité : la compétence ou l'expérience du porte-parole, la confiance que l'on pouvait lui porter et son attirance physique4. La méthodologie suivie par le Professeur OHANIAN fut la suivante : Il fut tout d'abord construit un échantillon de 40 étudiants diplômés à qui il fut demandé de lister les noms des célébrités qui leur venaient à l'esprit, et ce, dans un laps de temps de 3 minutes. Quatre célébrités furent OHANIAN, Professeur de Marketing à l'Université Emory, JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH, Février/Mars 1991, pp.46-54. 4 - De nombreuses études montrèrent que l'attirance physique du porte-parole était un facteur pouvant influencer favorablement l'attitude du consommateur à l'égard du message publicitaire, et par là, son comportement. Citons simplement Karen DION, Ellen BERSCHEID et Elaine WALSTER "What is beautiful is good" JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY, 1972, Volume 24, n°3, pp. 285-290, qui testèrent diverses opinions des répondants à propos de trois photos d'individus plus ou moins attirants. Ainsi que David LANDY et Harold SIGALL "Beauty is talent : Task evaluation as a function of the performer's physical attractivness" JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY, 1974, Volume 29, n°3 pp.299304 qui testèrent l'opinion des répondants sur le contenu d'un texte au regard de la photo de l'auteur qui y était jointe. Dans les deux cas, les personnages physiquement attirants obtinrent les meilleurs résultats. Toutefois d'autres études concluent que "la beauté n'est pas un facteur significatif induisant une conformité comportementale" Marjorie J. CABALLERO, James R. LUMPKIN et Charles S. MADDEN "Using physical attractiveness as an advertising tool : an empirical test of the attraction phenomenon" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH, 29, du mois d'Août / Septembre 1989, page 20. Voir également page 446 les travaux de Michael KAMINS et Lynn KAHLE. retenues parmi les plus citées et selon deux critères annexes : le sexe (deux femmes et deux hommes) ainsi que leur participation préalable, ou non à une publicité commerciale. Furent retenues selon ces critères : + Deux célébrités ayant déjà fait de la publicité : - Linda EVANS (actrice) - John Mc ENROE (tennisman) + Deux célébrités n'ayant jamais fait de publicité : - Tom SELLECK (acteur) - MADONNA (chanteuse) Un autre échantillon, de 38 lycéens cette fois, fut alors questionné de manière à savoir pour quels produits, ces célébrités pourraient logiquement faire la publicité selon eux. Les cosmétiques et le parfum furent associés à Linda EVANS, les raquettes de tennis et les équipements sportifs furent associés à John Mc ENROE, l'eau de toilette pour hommes fut associée à Tom SELLECK5 et des __________________ 5 - L'association par les éléments de l'échantillon, d'une eau de toilette pour hommes avec Tom SELLECK nous semble particulièrement intéressante. En effet, si le Professeur OHANIAN n'y fait pas allusion, rappelons que Tom SELLECK fut en 1979 et 1980 le porte-parole remarqué de l'eau de toilette pour hommes CHAZ. Remarqué, car alors simple top-model, c'est essentiellement cette prestation qui attira l'attention des producteurs de la CBS. Quelques mois plus tard il devint le personnage principal d'une nouvelle série télévisée Magnum P.I., qui lança sa carrière d'acteur. Voir notamment : "Model agencies intensifying search for '10'" et "Major model hunts near wrapup" James P. FORKAN, ADEVRTISING AGE du 7 Avril 1980. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 228 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ vêtements modernes et/ou une nouvelle marque de jeans à MADONNA6. Quatre questionnaires contenant trois parties chacun furent alors développés (un pour chaque célébrité). La première partie portait sur la connaissance de la célébrité et sur l'association de son nom à un spectacle ou une émission particulière. La deuxième partie comportait 15 questions munies d'échelles pour mesurer les trois sources de crédibilité précitées. Enfin, une troisième partie présentait un questionnaire visant à analyser la probabilité de déclenchement du comportement d'achat, pour un usage personnel ou dans l'optique d'offrir un cadeau. 97 éléments de l'échantillon furent sélectionnés pour des raisons de répartition géographique, 246 pour leur appartenance à trois paroisses différentes et 217 pour le fait qu'ils étaient ou non diplômés. L'administration des questionnaires s'étala sur deux mois et chaque répondant avait la même probabilité de recevoir l'un des 4 questionnaires. Enfin, pour éliminer certains biais, deux versions du questionnaire furent proposées, permettant ainsi une alternance de l'ordre de présentation des échelles. Une analyse de la covariance montra que l'âge et le sexe du répondant n'avaient pas d'influence sur l'évaluation des trois sources de crédibilité, ainsi que sur l'intention d'achat. En revanche les quatre célébrités n'obtinrent pas les mêmes résultats pour chacune des trois sources analysées, de même que pour l'intention d'achat. __________________ 6 - A propos de la chanteuse MADONNA, voir également l'étude menée par Mary WALKER, Lynn LANGMEYER et Daniel LANGMEYER l'année suivante. La star était alors opposée au mannequin top-model Christie BRINKLEY au sujet de trois produits : des serviettes de bain, des jeans et des magnétoscopes. Utilisant 25 associations semantiques différentielles descriptives, les auteurs obtiennent des résultats qui relativisent sensiblement l'impact de la star quant à la perception des attributs du produit. Mary WALKER, Lynn LANGMEYER et Daniel LANGMEYER "Celebrity endorsers : Do you get what you pay for ?" JOURNAL OF CONSUMER MARKETING Volume 9, n°2 (Printemps 1992) pp. 69-76 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 229 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Roobina OHANIAN "The impact of celebrity spokeperson's perceived image on consumers' intention to purchase" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH Février / Mars 1991 Graphiques reproduits d'après les indications présentées p.50 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 230 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Roobina OHANIAN utilisa ensuite le modèle LISREL1 pour déterminer l'impact de chaque source sur l'intention d'achat. Il s'avéra que l'attirance physique et le caractère de confiance n'ont pas de lien significatif avec l'intention d'achat que ce soit pour une utilisation personnelle ou pour un cadeau. A l'inverse, la compétence apparaît comme étant un facteur influençant l'intention d'achat. Par ailleurs, l'étude montra que chaque célébrité "disposait" de sa propre combinaison des trois sources de crédibilité. Enfin, tout en précisant les précautions d'usage quant aux __________________ 1 - Le Professeur OHANIAN utilisa la méthodologie mise en évidence par K.G. JORESKOG et D. SORBOM dans "LISREL 7 : A guide to the program and applications", Editions SPSS Inc., Chicago, Ilinois, Etats-Unis (1988). Ledit modèle LISREL y est défini par l'équation mathématique suitante : η = Γ ξ + ζ où η est un vecteur colonne (1x1) de l'intention d'achat obtenu d'après la dérivée de variables dépendantes γ (considère, se renseigne au sujet de, achète réellement) ; Γ est une matrice coefficient (3x1) relative à l'indépendance des sources de crédibilité et de l'intention d'achat ; ξ est un vecteur colonne (3x1) des éléments de la source de crédibilité dérivés des variables indépendantes (x) ; ζ est un vecteur colonne (1x1) de l'erreur dans les équations structurales. On pourra également se reporter à un précédent article du Professeur OHANIAN, mais paru cette fois dans JOURNAL OF ADVERTISING "Construction and Validation of a scale to Measure Celebrity Endorsers' perceived expertitise, trustworthyness and attractiveness" Volume 19, n°3 (1990), pp. 39-52. Les détails de la méthodologie suivie y étaient déjà présentés, expliquant notamment comment les trois composantes "attirance physique" "confiance" et "expérience/compétence" pouvaient permettre de mesurer la source de crédibilité représentée par la célébrité. possibles biais ainsi qu'aux risques de généralisation hâtive à des populations différentes, le professeur OHANIAN conclut que la célébrité choisie doit en définitive être "bien informée, dotée d'expérience et qualifiée pour parler du produit" et que "des efforts doivent être faits pour utiliser des porte-parole célèbres qui ont un lien direct avec le produit qu'ils représentent, et [des porte-parole] qui soient perçus comme des experts par la cible", mettant en garde tant les annonceurs que les publicitaires. L'intérêt de la sélection des célébrités était de présenter une actrice et un acteur, un sportif et une chanteuse, donc des porte-parole ayant obtenu leur célébrité par le biais d'activités différentes. Mais l'on peut ici s'interroger sur les scores qu'auraient obtenu Jimmy CONNORS ou André AGASSI au lieu de John McENROE, Barbra STREISAND ou Diana ROSS au lieu de MADONNA2, Harrison FORD ou Mel GIBSON au lieu de Tom SELLECK, Elizabeth TAYLOR ou Sigourney WEAVER au __________________ 2 - Sur la pertinence du choix de MADONNA pour ce type de test, on notera qu'une enquête nationale réalisée aux Etats-Unis à la même époque, par la société TOTAL RESEARCH Corp. et portant sur 54 célébrités, classait MADONNA parmi les 5 dernières. L'enquête portait sur un échantillon de 2.000 personnes âgés de 15 ans et plus, composé de manière aléatoire et interrogé sur la qualité des célébrités à devenir un porte-parole publicitaire. Les 5 premières furent dans l'ordre Bob HOPE, Bill COSBY, Walter CRONKITE, George BUSH et Clint EASTWOOD. Voir à ce sujet "How to find the right spokesman" Steven W. COLFORD, ADVERTISING AGE du 28 Octobre 1991. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 231 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ lieu de Linda EVANS ? Peut-on considérer que la question posée permettait d'obtenir la célébrité la plus représentative dans son domaine d'activité, ou simplement une célébrité plus célèbre que les autres. Toujours sur cette sélection, on notera le choix de deux acteurs ayant fait essentiellement carrière à la télévision et non au cinéma, ainsi que l'absence de célébrité de couleur. l'on connaît par ailleurs, l'utilisation publicitaire de stars telles que Oprah WINFREY, Tina TURNER ou Bill COSBY4 on peut s'interroger l'attitude des répondants dans ce cas. On notera enfin par ailleurs que MADONNA n'avait pas encore été utilisée directement par la publicité, lors de la réalisation de l'enquête5. Elle le fut quelques mois plus tard, non pas pour des jeans ou des vêtements de modes comme pressentie par les répondants, mais pour les produits audiovisuels PIONEER, le magazine VOGUE, et une campagne en faveur du droit de vote, aux Etats-Unis ; pour les salons de beauté ELU SEINU au Japon ; pour la station de radio N.R.J. en France ; et pour la boisson DIET PEPSI à l'international... GOULD, Norman B. SIGBAND et Cyril E. ZERNER Jr., JOURNAL OF MARKETING, Juillet 1970, pp. 20-26. "Ads appealing to big sity blacks don't necessarily reach other, Kaiser says" ADVERTISING AGE du 9 Mars 1970. 4 - On relève notamment pour Bill COSBY, une Or, sur ce dernier point on sait que le comportement du 3 consommateur est différent . Et lorsque __________________ 3 - Au sein même de la communauté noire, les généralisations en matière de comportement d'achat sont hasardeuses. Voir notamment "Advertising and the Black community" Dorothy COHEN, JOURNAL OF MARKETING, Octobre 1970, pp. 3-11. La perception publicitaire générale diffère également sensiblement selon que le mannequin utilisé est blanc, noir ou que plusieurs mannequins de différentes couleurs sont présents. Voir à ce propos "Black consumer reactions to integrated advertising : an exploratory study" John W. participation à la communication des ordinateurs TEXAS INSTRUMENT, des automobiles CHRYSLER puis des automobiles FORD, de la compagnie financière E.F. HUTTON, de la boisson COCA-COLA, des chemises HATHAWAY, de la société INTERNATIONAL PAPER Cie, des confiseries JELL-O ainsi que des appareils photographiques et pellicules KODAK. Voir notamment : "Don't need to graduate to know how to sell, says new Ph.D. Bill COSBY" Chuck WINGIS, ADVERTISING AGE du 18 Octobre 1976 ; "COSBY SHOW : Billy et ses kids" Sophie GRASSIN, L'EXPRESS du 15 au 21 Avril 1988 ; "Bill COSBY, Incorporated" Richard ZOGLIN, TIME International du 28 Septembre 1987 ; "Classic summer : COSBY back for major COKE push" Patricia WINTERS, ADVERTISING AGE du 15 Mai 1989. 5 - A l'exception d'une campagne pour les produits audiovisuels MITSUBISHI. Mais cette campagne n'ayant été exploitée qu'au Japon, elle ne biaisait pas l'enquête considérée. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 232 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ En conclusion générale de ces différentes recherches, on remarquera que tous ces auteurs reconnaissent l'influence privilégiée sur la cible, d'un porte-parole célèbre, mais que comme pour toute étude statistique, il convient d'être très prudent en ce qui concerne les généralisations. Ces quelques travaux présentent chronologiquement un aperçu scientifique des principales recherches qui furent réalisées sur ce sujet. On notera cependant que le fait qu'ils s'orientent tous à des degrés divers et parfois sur différents points particuliers, vers l'obtention de résultats positifs voire supérieurs avec une célébrité, ne doit néanmoins pas donner lieu à la présomption d'une quelconque subjectivité dans le choix des études présentées. Non seulement les recherches menées n'ont à ce jour pas permis de rencontrer de travaux contradictoires, mais de surcroît, d'autres études, confirmant elles aussi cette tendance, seront présentées dans les prochains chapitres. 3 / Méthodologie de l'expérimentation DESTOUCHES écrivit dans le Glorieux que "la critique est aisée et l'art est difficile". Diverses critiques furent faîtes à l'encontre des travaux présentés ci-devant, non pour renier leurs enseignements, mais pour montrer que, comme pour toute étude statistique, leurs résultats comportent naturellement des limites. Les résultats de l'étude terrain6 présentée ci-après __________________ 6 - Pour ne pas alourdir cette partie avec les diverses n'échappent malheureusement pas à cette règle. Par ailleurs, en raison notamment de son aspect expérimental, celle-ci ne prétend pas rivaliser avec les travaux susmentionnés, mais en revanche de jeter les bases de futures recherches sur ce thème en contribuant à une meilleure compréhension de cette approche publicitaire. Les travaux qui viennent d'être exposés sont tous d'origine américaine, probablement en partie du fait des nombreux cas d'utilisation recensés aux Etats-Unis. Il ne fut cependant pas possible à ce jour, de trouver similaires études réalisées en France, c'est principalement la raison pour laquelle il paraissait donc intéressant d'observer l'attitude du consommateur, de ce côté de l'Atlantique. Cette expérimentation utilise comme diverses études expérimentales, une population estudiantine. Or, maints travaux ont montré que les étudiants réagissaient parfois différemment des adultes ou d'autres cibles7. Le but n'était pas non plus de pratiquer une déclinaison des études qui furent déjà menées aux Etats-Unis sur ce thème, et dont il a été fait mention. Certes, nous aurions pu questionnaire, celle-ci fut remisée à la suite des annexes. Voir questionnaire d'enquête page 694. 7 - Voir notamment à ce sujet : Donald VINSON et William LUNDSTROM, "An examination of the external validity of using students as surrogates in Marketing Research", PROCEEDINGS OF THE SOUTHERN MARKETING ASSOCIATION, (1976) ou encore Inder KHORA et James BENSON "Are students really poor substitutes for business in behavioral research ?" JOURNAL OF MARKETING RESEARCH Volume 7, n°4 (1970) pp. 529-532. précisions méthodologiques quant à la construction du Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 233 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ imaginer reprendre les techniques du plan d'échantillonnage de l'une de ces enquêtes - utilisant elles aussi fréquemment une population estudiantine -, de manière à administrer un questionnaire équivalent sur des publicités semblables. Mais un parallèle parfait n'aurait jamais pu être réalisé, et ce pour plusieurs raisons : b Les publicités testées n'auraient pas pu être exactement les mêmes, pour de simples raisons techniques (localisation des documents, perception / adaptation de documents en langue anglaise par un public français, connaissance des produits et des marques soumis à l'enquête,...), b Les goûts et les motivations évoluent rapidement ; il aurait dès lors fallu pouvoir mener ces deux enquêtes, de front, de chaque côté de l'Atlantique, b Il n'existe pas en France de réel cas d'utilisation d'une célébrité, comme porte-parole officiel d'une entreprise au sens où on l'entend aux Etats-Unis. b Les personnages testés ne pouvaient pas être les mêmes : l'évocation de l'acteur Telly SAVALAS8, du chanteur Johnny __________________ 8 - Charles ATKIN and Martin BLOCK op. cit. p.58. CASH9, ou du sportif John McENROE10 ne suscite pas la même réaction auprès du public français qu'auprès du public américain, b Certaines de ces études obtinrent le soutien financier des établissements pour lesquels travaillaient les enseignants chercheurs, ou de la part de sociétés de recherches ou d'annonceurs plus particulièrement intéressés. Cela permit notamment l'utilisation d'échantillons très représentatifs et/ou de taille importante. Nous n'avons donc pas cherché à isoler telle ou telle tendance nationale sur les motivations d'un échantillon représentatif, mais au contraire a-t-on essayé d'analyser la qualité du souvenir ainsi que les motivations supports de ce souvenir, sur un traditionnel petit groupe de consommateurs d'âges et de formation semblables, de manière expérimentale. L'originalité de cette enquête ne porte donc pas sur la définition de son échantillon, mais essentiellement sur le support utilisé, le mode d'exposition de l'échantillon et le mode d'administration du questionnaire. Dès lors, tirant profit de l'enseignement de la recherche exposé ci-devant, et au regard des réserves __________________ 9 - Joseph M. KAMEN, Abdul G. AZHARI, Judith R. KRAGH, op. cit. pp. 17 et suivantes. 10 - Roobina OHANIAN, op. cit. p.47. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 234 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ émises, nous poserons les hypothèses suivantes pour guider notre recherche : 0 H0 : Les publicités contenues dans le support testé et qui utilisent une ou plusieurs célébrités bénéficient d'un souvenir spontané supérieur à celui porté aux publicités concernant le même type de produits et n'utilisant pas de célébrités. 0 H1 : Les publicités contenues dans le support testé et qui utilisent une ou plusieurs célébrités bénéficient d'un souvenir assisté supérieur à celui porté aux publicités concernant le même type de produits et n'utilisant pas de célébrités. 0 0 0 0 H2 : L'attitude du répondant face à une publicité utilisant une célébrité est différente en fonction du sexe du répondant. H3 : L'achat ou la consommation préalable d'un produit n'influence pas l'impact sur le répondant, d'une publicité utilisant une célébrité. H4 : La sympathie à l'égard d'une célébrité n'influence pas le souvenir de la publicité utilisant cette célébrité. H5 : La notoriété du porteparole publicitaire est perçue comme étant l'argument publicitaire le plus convaincant, lorsqu'une publicité utilise une célébrité. 0 H6 : L'acteur demeure encore aujourd'hui, le type de célébrité jugé le plus convaincant, dans l'objectif d'une utilisation publicitaire. Dans cette optique, notre enquête était initialement prévue pour avoir lieu au mois de Novembre ou de Décembre 1992, car la fin d'année est une période où le contenu publicitaire des magazines11 est alors tel quantitativement et qualitativement -, qu'un support pouvait très facilement permettre de réaliser l'étude, selon les modalités souhaitées. Or, parce qu'un support adéquat, paru au mois de Juin 1992, correspondait aux caractéristiques recherchées au delà de nos espérances, ladite enquête put être menée avec six mois d'avance. Etait considéré a priori le fait, que l'emploi d'une fausse publicité, à l'instar de celles utilisées habituellement, comportait un inévitable biais très difficilement maîtrisable. L'objectif était alors simple : Exposer une population à un support __________________ 11 - Même si un support de la presse écrite est très souvent utilisé pour ce type d'étude, pour des raisons pratiques et financières, nous rappellerons que la presse magazine figure parmi les media auxquels le consommateur accorde le plus de confiance. Voir notamment "Consumer perceptions of the media and their advertising content" Ernest F. LARKIN, JOURNAL OF ADVERTISING, 8, Printemps 1979 pp. 5-7. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 235 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ réel - comportant des publicités réelles12 - dans les conditions les plus "normales" possibles, et tester ensuite son souvenir publicitaire, ainsi que ses principales motivations se rapportant à notre sujet. Une sorte de split-run13 a posteriori, en contournant le problème de la fausse revue et en éludant le besoin d'une seconde exposition à l'annonce publicitaire. En effet, les publicités plus particulièrement visées recourant à l'utilisation d'une célébrité, il n'était pas souhaité de ré-exposer le répondant à ces publicités au cours du questionnaire, le biais potentiel généré par la célébrité étant jugé trop incontournable ici. Ce souvenir devait être au départ le plus "pur" possible, même s'il était parfois assisté par écrit. C'est la raison pour laquelle le __________________ 12 - Il est nécessaire d'insister ici sur le fait qu'il s'agissait bien de publicités réelles, car cela génère naturellement un autre biais inévitable dû cette fois au fait que le lecteur pourra avoir déjà rencontré cette même publicité dans un autre support, une publicité similaire pour la même marque et/ou le même produit, ou encore une publicité avec la même célébrité, pour ce qui est des cinq publicités qui vont nous intéresser plus particulièrement ici. Nous sommes conscient qu'une étude après une exposition au message ne procure pas les mêmes résultats que la même étude après plusieurs expositions au même message. Voir notamment à ce sujet : les recherches de la société McCOLLUM-SPIELMAN & Co Inc. "Multiple exposure test needed to evaluate commercials" paru dans MARKETING NEWS, du 31 Septembre 1979. Mais c'est là un biais que nous assumons, au regard du bénéfice d'utiliser de réelles publicités et donc de contourner ainsi le biais que nous estimons plus pernicieux de la publicité fausse ou "artisanale". 13 - Le split-run est un pré-test de création publicitaire qui consiste à insérer deux messages dans un nombre égal d'exemplaires d'un même support de manière à mesurer l'impact de chaque annonce. Voir Pierre GREGORY "Contrôle de l'efficacité publicitaire" op. cit. ; Bernard BROCHAND, Jacques LENDREVIE "Le publicitor" Editions DALLOZ, Paris (1983) p. 341. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité questionnaire est relativement long, de manière à qualifier au maximum ce souvenir. Compte tenu de la date de parution du support, il n'était plus possible de mobiliser d'étudiants à proprement parler, c'est pourquoi l'échantillon est composé d'élèves d'une école de commerce - l'Ecole Supérieure de Gestion, 25 rue Saint-Ambroise, 75011 Paris. Il se compose de 59,6 % de filles et de 40,4% de garçons, dont l'âge varie de 20 à 26 ans et issus de 4 classes14 différentes ce qui explique en partie la tranche d'âges ; l'âge moyen étant de 21 ans et demi. Dès le départ, il avait été fait le choix d'un échantillon d'étudiants15, ne serait-ce que pour des raisons financières et techniques. L'étude de cette population comporte des avantages et des inconvénients. Nous avons vu que l'extrapolation des résultats d'une enquête les concernants était délicate16. En revanche, les __________________ 14 - Classe 1GB4 : 25 élèves, classes de la promotion 2GA : 31 élèves, classes de la promotion 2GB : 31 élèves, classe 3C : 27 élèves. La légère disproportion entre classes s'explique par le fait que malheureusement les questionnaires qui n'ont pû être retenus pour une raison ou pour une autre, l'ont essentiellement été dans les classes 1GB4 et 3C. 15 - Déjà en 1972, Ben ENIS, Keith COX et James STAFFORD observaient que plus de la moitié des études portant sur le comportement du consommateur, utilisait des échantillons composés d'étudiants. Ben M. ENIS, Keith K. COX et James E. STAFFORD "Students as subjects in consumer behavior experiments" JOUNAL OF MARKETING RESEARCH Volume 9, du mois de Février 1972, pp. 72-74. 16 - Voir notamment Donald VINSON et William LUNDSTROM op. cit. ; Inder KHORA et James BENSON op. cit., et aussi VINSON Donald et William LUNDSTROM "The use of students as experimental subjects in Marketing research", JOURNAL OF THE 236 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ réactions de ces étudiants - éléments potentiels d'une future population de cadres - obtiennent très souvent l'attention des annonceurs, pour lesquels ils représentent une cible prochaine des plus intéressantes17. La qualité secondaire de ce type d'échantillon comparativement à une population universitaire parisienne, est que ces éléments ont une origine géographique beaucoup plus variée. En revanche, s'il apparaît intéressant de noter ce critère d'hétérogénéité relative, ce dernier ne sera pas retenu pour dresser une éventuelle typologie des motivations au regard d'une origine géographique particulière. Bien qu'issus des quatre coins de l'hexagone, ces étudiants résident pour la plupart à Paris, le temps de leurs études. La mise en valeur d'une éventuelle disparité géographique d'exposition "médiaticosocio-culturelle" était alors biaisée à l'origine. Quant au biais potentiel induit par des observateurs "experts"18 en communication et en marketing, il importait relativement peu ici, au regard de la nature des questions posées. Le support maintenant. Il s'agit du numéro 2.422 du 1er Juin 1992 du magazine ELLE19, comportant 182 pages. Il s'agit d'un magazine féminin, hebdomadaire. Pourquoi ce support ? Tout d'abord parce que le souvenir d'une étude personnelle des caractéristiques du titre quelques années auparavant, nous incitait à son choix20. Ensuite, parce que le numéro sélectionné avait l'extraordinaire avantage de comporter 5 publicités susceptibles de nous intéresser : + 1 double page couleur, avec photographie (deuxième de couverture) pour les cosmétiques Imanance de LANCÔME avec Isabella ROSSELLINI (non-citée). __________________ 19 - ELLE est un magazine féminin hebdomadaire orienté mode, lancé en France en 1945, par Hélène GORDONLAZAREFF. La diffusion O.J.D. (Office de Justification de la diffusion) France 91 était de 286.406 numéros. La diffusion totale payée était de 328.636 (diffusion totale : 347.041) numéros avec 41,16% d'abonnés. Le lectorat (source annonceur 91/92) défini par le Centre d'Etude des Suports Publicitaires indiquait 2.013.000 lecteurs dont 460.000 hommes (soit environ 23%) et 1.554.000 femmes (soit environ 77%). 20 - Et que d'autre part, il est reconnu que "le magazine ACADEMY OF MARKETING SCIENCE Volume 6, n°1, pp. 114-125, Lawrence C. SOLEY et Leonard N. REID "On the validity of students as subjects in advertising experiments" JOURNAL OF ADVERTISING RESEARCH, Volume 23, n°4, Août/Septembre 1983. 17 - Jon B. FREIDEN, op. cit. p. 35. On notera par ailleurs que comme nous l'espérions nous obtînmes un échantillon de répondants n'ayant qu'une faible connaissance du magazine. 51,75 ne connaissaient pas du tout le support, 39,47% le lisait une fois par mois ou moins, 5,26%, deux à trois fois par mois, et 3,51% seulement, chaque semaine. 18 - Ibid. p. 35. ELLE s'adresse à la femme post-moderne [...] la lectrice européenne de ELLE est le prototype de la «combiwoman» multi-facettes, avec de nombreuses et différentes tâches et responsabilités. Elle n'a pas un style de vie, mais un kaléidoscope de styles différents qu'elle peut faire alterner dans l'heure. Pour ELLE, il ne s'agit donc pas de correspondre à un style de vie précis, mais d'être le point de rencontre social entre la femme postmoderne et les tendances les plus notables de l'instant, et cela à chaque numéro, dans chaque pays. L'alchimie de ELLE est donc moins un produit marchand tangible avec rubriques, photos et articles, qu'un produit virtuel, un concept social avec style, tendances et sensations esthétiques". Olivier BADOT et Bernard COVA, op. cit. pp.21-22 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 237 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ + 1 double page noir et blanc, avec photographie stock shot (p. 28 et 29) pour les montres BREITLING avec Franklin D. ROOSEVELT et Winston CHURCHILL (non-cités)1. __________________ 1 - La campagne obtint le Grand Prix A.P.P.M. 92 (Association pour la Promotion de la Presse Magazine) décerné en Novembre 1992. Voir : "BREITLING, Grand Prix de la presse magazine" Sabine PAIREAULT, STRATEGIES n°812 du 4 Décembre 1992. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 238 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ + 1 page simple (gauche) noir et blanc, avec photographie (p. 38) pour la lingerie féminine VARIANCE avec Gérard 1 LANVIN (non-cité) . __________________ 1 - L'annonce "Gérard LANVIN" avait été précédée par une annonce similaire, mais avec le joueur de tennis Yannick NOAH, la semaine précédente. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 239 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ + 1 double page couleur avec photographie (p. 96 et 97) pour les cosmétiques LES POLYSIANES avec Jenna De ROSNAY (citée). + 1 double page couleur avec photographie (p. 150 et 151) pour un jeu concours HOLLYWOOD chewing-gum light avec Gabriela SABATINI (citée indirectement). Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 240 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Un numéro du magazine a donc été confié à un groupe de 132 étudiants volontaires1, pendant la semaine de parution en leur demandant de lire / consulter / parcourir / regarder /... ce magazine, comme ils avaient l'habitude de le faire avec ce type de support. Il était ici impératif que les étudiants abordent ce magazine dans des conditions similaires à tout autre lecteur - hormis le mode d'obtention. Cette précision était très importante, tout simplement de manière à ce que les répondants ne recherchent pas une information particulière dans l'optique de l'enquête. D'autre part, il était impératif que le support soit obtenu la semaine réelle de parution. Le contenu rédactionnel ne devait pas constituer un biais supplémentaire. En effet, le support concerné contient comme la plupart des magazines de ce type, des pages d'actualité. Il s'agissait de surcroît, d'un numéro thématique "spécial mode d'été". Aurait dès lors constitué un biais de fait, une administration même décalée de __________________ 1 - Contrairement à certaines études, il ne fut promis aucun avantage aux étudiants participants volontaires, si ce n'est la conservation éventuelle du support. Par ailleurs, en raison de la date de survenance de l''enquête, les moyennes de fin d'année avaient déjà été communiquées. Aucun lien ne pouvait donc être fait entre la participation à l'enquête et l'obtention potentielle d'un bonus de la part de l'enseignant. On pouvait donc espérer une implication relativement faible de la part du lecteur, d'où des conditions plus favorables à l'influence d'une célébrité. Voir notamment sur ce point : Richard E. PETTY et John T. CACIOPPO "Communication and persuasion : central and peripheral routes to attitude change" Editions SPRINGER / VERLAG (1986), New York, Etats-Unis pp. 143-146. quelques semaines avec la semaine normale de parution. Concernant ces éventuels - et de toutes les manières incontournables biais à ce stade de l'exposition, il faut noter que ces étudiants ne connaissaient pas la raison précise de la perception de ce magazine, et que de ce fait, ils pouvaient encore moins imaginer le centre d'intérêt principal de l'enquête à laquelle ils seraient exposés. On peut même noter que les deux seuls élèves à avoir véritablement spontanément posé la question, étaient parvenus à la supposition qu'il s'agirait probablement "d'une analyse de la construction d'un magazine féminin" (sic). On peut donc a priori éliminer un éventuel biais dû à la connaissance préalable de l'objectif poursuivi, et donc provenant d'une attention particulière qui aurait pu être portée aux 5 publicités visées. Les résultats moyens de mémorisation spontanée sont présents au besoin, pour confirmer cette observation. S'agissant d'un hebdomadaire, il fut décidé d'administrer le questionnaire une semaine, jour pour jour, après la remise du support. Le risque pouvait alors être de s'exposer à un naturel oubli - partiel sinon total de l'information publicitaire contenue dans le support et qui allait être analysée. C'est là une caractéristique importante du mode d'administration qu'il faut conserver à l'esprit pour appréhender la nature et la qualité de l'information recueillie. Mais l'on rappellera ici, qu'il s'agit d'un public jeune, relativement cultivé, curieux et Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 241 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ donc assez captif a priori2. Par ailleurs, une telle administration devait permettre également de croiser un réel souvenir publicitaire avec le déclenchement d'un éventuel comportement à la suite de cette exposition à l'information publicitaire contenue dans le magazine. Dernière précision, les résultats qui vont suivre portent sur un échantillon de 114 questionnaires seulement. Dix-huit questionnaires "douteux" ont donc été retirés par mesure de précaution. Dès lors que l'échantillon était de petite taille, il apparaissait plus prudent de se défaire des questionnaires "à risque". Par questionnaire "à risque" nous entendions un questionnaire qui ne présentait pas de lien logique entre les réponses obtenues à la série n°1 en spontanée puis en assisté à la série n°2 ; une incohérence entre les questions 2.A et 2.B, 2.B et 3.A, 3.B et 3.C, 5.C et 5.D ou 5.E et 5.F - 2.B, 3.A, 3.C, 5.D et 5.F servant respectivement de questions filtres - ; ou encore présentant une parfaite symétrie des réponses à la question 5.I. Cela exprimait __________________ 2 - Plusieurs auteurs se sont penchés sur la durée des effets d'une publicité. Passant en revue 70 études, Darral CLARKE évalua cette durée entre 0,8 mois et 1,368 mois. "Econometric measurement of the duration of advertising effect on sales" Darral G. CLARKE, JOURNAL OF MARKETING RESEARCH 13, du mois de Novembre 1976, pp. 345-357. Toutefois, notons que les travaux de Nariman DHALLA nuancèrent ces résultats en démontrant que la durée variait considérablement d'une catégorie de biens à l'autre, et que pour certaines catégories - carburants, cigarettes,... -, les résultats variaient également de manière importante d'une marque à l'autre. "Assessing the long-term value of advertising" Nariman K. DHALLA, HARVARD BUSINESS REVIEW de Janvier / Février 1978, pp. 87-95. manifestement une certaine "fantaisie" dans les réponses, et causa le retrait de 9 questionnaires. Sept questionnaires supplémentaires furent soustraits à l'étude car les réponses à la question 5.G n'étaient pas utilisables3. Un autre fut retiré parce que considéré trop incomplet. Enfin un dernier questionnaire ne fut pas retenu car ne comportant pas la première page de la série n°5 - questions 5.A à 5.F, probablement en raison d'un regrettable incident d'assemblage lors du tirage automatique. 4 / Résultats et analyse Les résultats seront présentés dans deux sous-paragraphes, le premier traitant des résultats généraux de l'enquête ainsi que du souvenir spontané puis assisté sur les cinq marques cibles, le second présentant les résultats spécifiques ayant __________________ 3 - Cette question concernant directement le sujet d'étude, ces questionnaires ne pouvaient être considérés. Après avoir été modifiée à la suite du premier prétest, la nouvelle formulation n'avait pas semblé poser de problèmes. La raison qui causa la suppression de 7 questionnaires est que les répondants utilisèrent les chiffres 1, 2 et 3 pour classer TOUS les types de personnages proposés, ce qui rendait de ce fait indiscernable le classement effectué. Ce retrait illustre un prétest insuffisant sur cette question, ainsi qu'une rédaction pas assez claire, car on observera par ailleurs que 19 questionnaires parmi les 114 retenus comportaient pour cette question soit un classement total de tous les types proposés, soit des traces de ratures, d'effacements ou de corrections. On notera également que pour le questionnaire oté car jugé trop incomplet, le répondant avait - entre autre - reporté le principe du classement de la question 5.G sur la question 5.I et ne classant que les 3 principaux arguments. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 242 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ directement trait à l'utilisation d'une célébrité par la publicité4. A chaque fois que cela était possible et à l'instar des études présentées dans les pages qui précèdent, une représentation graphique fut jointe aux tableaux de données. Ces graphiques ont l'avantage de permettre une lisibilité plus instantanée des résultats obtenus. a / Résultats généraux Le support lui-même a une grande importance pour l'analyse des résultats. Or, en raison du format, il était impossible d'en joindre durablement un exemplaire à cette thèse. De manière à pouvoir juger du contenu publicitaire du support utilisé ainsi que de l'emplacement des cinq publicités plus particulièrement visées par l'enquête, nous proposons dans le tableau ci-après, le détail de la pagination publicitaire du magazine. Les publicités sont classées par ordre d'apparition : __________________ 4 - Les questionnaires furent dépouillés à l'aide du logiciel MARKINFO DATASTAT. Mais pour des raisons de souplesse des calculs et de précisions des résultats, ces derniers furent obtenus par exportation puis traitement des données brutes dans le tableur MICROSOFT EXCEL version 4. Cela permettait avantageusement de d'exporter ensuite ces résultats directement dans le corps du texte, ou encore de les retraiter dans l'application de dessin MICROSOFT DRAW version 1.0 ou dans le logiciel de dessin MICROSOFT PAINTBRUSH version 3.1, ce que n'autorisait pas le logiciel utilisé pour le dépouillement. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 243 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Annonceurs A B C D E F G Secteurs LANCÔME D 2 2C P C LOUIS VUITTON 1 4 G FT P C BAGAGES RICCI 1 6 G FT P C PARFUMS DIOR D 8 P C COSMETIQUES ROGER 1 GALLET D 18 P C COSMETIQUES COSMETIQUES CHRISTIAN LACROIX 1 20 G FT P C PARFUMS NEW WEST 1 23 D FT P C PARFUMS VUARNET 1 25 D FT P C LUNETTES TED LAPIDUS 1 27 D FT P N VETEMENTS BREITLING D 28 P N MONTRES ELIZABETH ARDEN 1 30 G FT P C COSMETIQUES HUIT 1 33 D FT P C LINGERIE FEMININE CLARINS 1 35 D FT P C COSMETIQUES SANT'ANGELICA D 26 P C ACCESSOIRES PARAMEDICAUX VARIANCE 1 38 G FT P N LINGERIE FEMININE GRASSET 1/3 40 GVE FT P N EDITION HEI POA 2/3 41 DVE FT P N COSMETIQUES JOLEN 1/3 42 GVE FT P N COSMETIQUES COVERMARK 1/3 43 DVE FT JEAN-LOUIS DAVID D 44 GUERLAIN 1 46 G FT P N COSMETIQUES P N COIFFEURS P C COSMETIQUES PHILIP MORRIS 1 49 D FT P C TABAC JACQUES DESSANGE 1 51 D FT P N COIFFEURS CHANTELLE 1 53 D FT P C MCDONALD'S 1 55 D FT DP NBC LINEANCE 1 57 D FT P C COSMETIQUES CANDEREL 1 58 D FT P C EDULCORANTS CANDEREL 1 60 D FT P C EDULCORANTS KLORANE 1 63 D FT P C COSMETIQUES THAI 1 65 D FT P C COMPAGNIES AERIENNES GUCCI 1 HP D FT P C INSTITUTIONNELLE LINGERIE FEMININE RESTAURATION ALFRED DUNHILL D HP P C SAN DANIELE D HP P NBC VETEMENTS MILLCREEK 1/4 HP GBE FT P N COSMETIQUES CHOPARD 1 HP D FT P C MONTRES PICARDIE 1 HP D FT P C REGIONS ALIMENTAIRE SOLDES TROIS 1/8 HP GHI FT T N VETEMENTS HELENE GALE 1/8 HP GHI FT T C CENTRES BEAUTE TODAY'S LOOK 1/16 HP GBI FT P N COIFFEURS A CORPS PARFAIT 1/16 HP GBI FT T C CENTRES BEAUTE CENTRE MEDES 1/8 HP GBI T C CENTRES BEAUTE PRINTEMPS 1 HP D FT P C DISTRIBUTION PETRO DI ROMA 1 HP G FT P C CHAUSSURES MERCURE DE FRANCE 1/3 68 GVE FT P N EDITION MAURICE LACROIX 1 69 D FT P C MONTRES FAYARD 1/3 70 GVE FT P N EDITION FOLIO 1 71 D FT P C EDITION PYGMALION 1/3 72 G FT P N EDITION FLAMMARION 1 73 D FT P N EDITION CLUB MED D 74 P C VOYAGES FREEDOM 1 77 P NBC D FT HYGIENE FEMININE Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 244 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Annonceurs A B YVES ROCHER D SHELL D S COMME SOIE 1 82 RAY BAN 1 DANIEL BOURDON 1 SISLEY D 88 CHANEL 1 BIOVIMER LIERAC LES POLYSIANES D C D E F G Secteurs 78 P C 80 P C CARBURANTS COSMETIQUES G FT P C VETEMENTS 85 D FT P C LUNETTES 87 G FT P N VETEMENTS P C COSMETIQUES 91 D FT P C COSMETIQUES 1 93 D FT T C THALASSOTHERAPIE D 94 P C PR COSMETIQUES 96 P C COSMETIQUES ALIMENTAIRE DISTRIFRANCE - TUO 1 99 HOLLYWOOD D 150 PIER AUGE 1 152 D G FT FT P C P C CO CONFISERIE / CONCOURS P C COSMETIQUES PEUGEOT 1 155 D FT P C AUTOMOBILES LISTEL 1 157 D FT P C ALIMENTAIRE SOCO 1 159 D FT P C BAGAGES FT ANTINEA 1 161 D P C LINGERIE FEMININE MATRA 1 162 G P C CO TELEPHONES CHAMBOURCY 1 163 D P C BR ALIMENTAIRE WINSTON LEGEND 1 169 D FT D C LOISIRS MINCIR CROQ 1/2 171 GB FT P C DIETETIQUE DIVERS 1 172 G FT PDT NBC NRJ MUSIC 1/2 173 D FT P C ANNONCES DIVERSES EDITION n°1 1/3 177 DE FT P NB EDITION JEAN-LOUIS DESFORGES 1 179 D FT P NB COIFFEURS RASUREL 1 181 D FT P C LINGERIE FEMININE GUERLAIN SAMSARA 1 182 4C P C PARFUMS RADIO Légendes : A Espace occupé par la publicité en page (D = double page) Localisation (n° de page, HP:Hors pagination) B Emplacement (G:Gauche, D:Droite, E:Extérieur, I:Intérieur, V:Vertical, H:horizontal, 2C:deuxième de couverture,...) C D FT : Emplacement face texte Nature du visuel (P:Photo, D:Dessin, T:Texte) E Couleur (C:Couleur, NB:Noir et Blanc) F Divers (CO:Concours, BR:Bon de réduction PR:Publi-rédactionnel) G En gras Publicité utilisant une ou plusieurs célébrités Au regard de cette pagination publicitaire, la question 1.B a généré 344 citations spontanées, ce qui représente un peu plus de 3 citations par répondant. Toutefois, il faut remarquer que 40 citations portaient sur des marques qui ne figuraient pas parmi les 76 principales, recensées dans ce numéro. Cela donne un pourcentage d'erreur de 11,63%, que l'on peut considérer comme très honorable dès lors que le questionnaire était, rappelons-le, administré une semaine après remise et que cette question sollicitait un souvenir spontané. Vingtneuf des 76 principaux annonceurs ne furent jamais cités ce qui représente 38,16% des marques présentes dans le Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 245 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ support et 26,45% de l'espace publicitaire qui ne généra aucun souvenir spontané. Les trente premières marques citées en spontané sont regroupées dans les tableaux1 présentés cidessous : __________________ 1 - Tous les tableaux présentés jusqu'à la fin du chapitre ne seront pas sourcés individuellement dès lors qu'ils ont tous été contruits d'après les résultats de l'enquête. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 246 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Souvenir publicitaire - Citations spontanées en pourcentages (ensemble des répondants) 30% 29% 28% 25% 20% 18% 15% 15% 7% 7% 7% 6% 6% 5% 5% 5% 4% 4% 4% 4% 4% 4% 4% 4% 3% 3% 3% FOLIO 8% CHAMBOURCY 9% 9% RAY BAN 10% 10% MCDONALD'S 11% 11% 10% ELIZABETH ARDEN 13% HOLLYWOOD LES POLYSIANES RICCI TED LAPIDUS CHANTELLE CHRISTIAN LACROIX LOUIS VUITTON HUIT ALFRED DUNHILL DIOR NEW WEST CHANEL CLUB MED VUARNET VARIANCE CANDEREL GUCCI PHILIP MORRIS CLARINS KLORANE YVES ROCHER GUERLAIN LANCOME BREITLING SAMSARA 0% Note : Les pourcentages figurant au sommet de chaque pile sont arrondis pour des raisons de lisibilité. On note immédiatement le détachement très net de la marque SAMSARA, citée par 28,95% des répondants et de LANCÔME, citée par 28,07% des répondants. Cette première place pour SAMSARA peut s'expliquer en grande partie par le fait que cette publicité figurait en 4ème de couverture, emplacement reconnu comme étant le meilleur d'un support en termes d'impact. Les deuxième et troisième places sont chacune occupées par une publicité qui nous intéresse plus particulièrement dans le cadre de cette étude. En effet, LANCÔME (avec Isabella ROSSELLINI) fut citée en spontané par 28,07% des répondants et BREITLING (avec Winston CHURCHILL et Franklin ROOSEVELT) par 17,54% de ces mêmes répondants. Certes, l'impact de la publicité LANCÔME doit-il lui aussi être modéré par son emplacement privilégié - double page en deuxième de couverture -, mais il reste cependant très élevé comparativement aux autres marques. Quant au score de la publicité BREITLING il est lui aussi très élevé sans qu'a priori un emplacement particulier puisse l'expliquer en partie. Le score de la publicité VARIANCE (avec Gérard LANVIN) reste important lui aussi, avec 8,77% des répondants en ayant un souvenir spontané, avec une simple page, mais face texte. En revanche, HOLLYWOOD (avec Gabriela SABATINI) et LES POLYSIANNES (avec Jenna de ROSNAY) figurent parmi les moins bons résultats des marques citées, avec respectivement 3,51% et 2,63% des répondants. Le pourcentage moyen de répondants se souvenant d'une marque x présente dans le magazine étant de 3,51%. A Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 247 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Analysons maintenant les tableaux des résultats par sexe. La première observation est à l'évidence une grande différence dans le hitparade des marques dont chacun des sexes a le souvenir. l'égard de la publicité HOLLYWOOD, on peut citer le fait que cette dernière n'intervenait qu'à la fin du magazine (page 152/182) bénéficiant peut-être ainsi d'une attention moindre. Souvenir publicitaire - Citations spontanées en pourcentages (filles) 30% 29% 28% 25% 20% 18% 15% 15% 15% 12% 12% 10% 10% 9% 7% 7% 7% 6% 6% 6% 6% 6% 6% 6% 6% 4% 4% 4% 4% 4% 5% 3% 3% 3% 3% 1% 1% LES POLYSIANES LISTEL HOLLYWOOD LINEANCE FOLIO HELENE GALE RICCI RAY BAN DIOR LIERAC VUARNET CHANTELLE PHILIP MORRIS HUIT LOUIS VUITTON ELIZABETH ARDEN CHANEL CHRISTIAN LACROIX ALFRED DUNHILL VARIANCE NEW WEST BREITLING CLUB MED GUERLAIN CANDEREL GUCCI CLARINS YVES ROCHER KLORANE SAMSARA LANCOME 0% Note : Les pourcentages figurant au sommet de chaque pile sont arrondis pour des raisons de lisibilité. On notera avec intérêt dans le tableau présenté ci-dessus et présentant le souvenir publicitaire du groupe des filles, l'apparition en 1ère position de la première des cinq marques qui nous préoccupent plus particulièrement, LANCÔME. Déjà très proche de SAMSARA dans le tableau du classement général, elle devance cette dernière dans le souvenir du groupe des filles. On notera, également que le souvenir de la marque BREITLING ne concerne que 8,82% des répondantes et que la marque VARIANCE recule proportionnellement légèrement avec 7,35% des répondantes. Enfin, le très mauvais résultat des marques HOLLYWOOD et LES POLYSIANES 1,47% des répondantes seulement chacune - les repoussent un peu plus à la fin du tableau. Les résultats du tableau présenté ci-après à propos des 30 premières marques représentatives du souvenir publicitaire du groupe des garçons sont eux aussi très intéressants. La 1ère position est occupée par l'une des publicités contenues dans le magazine et qui utilisent une célébrité : BREITLING. Ainsi, c'est manifestement le souvenir du groupe des garçons qui contribue largement à Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 248 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ attribuer à BRIETLING l'avantage d'être un produit destiné plus spécialement aux hommes, ce qui n'est pas du tout le cas de LANCÔME. Or, la marque LANCÔME obtient également de très bons résultats, puis qu'elle arrive 3ème dans ce classement avec 26,09% des répondants qui en avait le souvenir. placer le souvenir de cette marque à la 3ème position dans le classement général, car elle n'était que la 9ème marque citée par le groupe des filles. Mais surtout, on observera que cette publicité placée à la page 28, obtient chez le groupe des garçons, le même résultat que la 4ème de couverture avec SAMSARA. On pourrait cependant Souvenir publicitaire - Citations spontanées en pourcentages (garçons) 35% 30% 30% 30% 26% 25% 20% 20% 15% 15% 11% 11% 11% 9% 7% 7% 7% 7% 7% 7% 7% 7% 7% 7% 4% 4% 4% CLARINS 7% 5% CHANTELLE 9% ALFRED DUNHILL 10% 4% 4% 4% 4% 4% SHELL RASUREL ROGER 1 GALLET LOUIS VUITTON LES POLYSIANES HOLLYWOOD NEW WEST TED LAPIDUS MCDONALD'S JEAN-LOUIS DAVID HUIT JACQUES DESSANGE GUCCI CLUB MED CANDEREL CHAMBOURCY DIOR CHANEL VUARNET YVES ROCHER VARIANCE GUERLAIN PHILIP MORRIS LANCOME SAMSARA BREITLING 0% Note : Les pourcentages figurant au sommet de chaque pile sont arrondis pour des raisons de lisibilité. Dans cette hypothèse d'une influence de la connotation du produit et/ou de la marque, on considérera alors le score encore plus intéressant de la lingerie féminine VARIANCE qui obtint le souvenir spontané de 10,87% des répondants., la plaçant ainsi à la 6ème position de ce classement, ex aequo avec les marques VUARNET et YVES ROCHER. Rappelons que dans le classement du groupe des filles, VARIANCE n'obtenait que 7,35%, ce qui la plaçait à la 10ème place seulement, ex aequo avec les marques CLUB MED et NEW WEST. C'est donc le souvenir des garçons qui "tire" vers le haut du classement, la place du souvenir de cette marque. Or, dans ce dernier cas, le produit n'avait manifestement pas de connotations masculines. D'ailleurs à l'étude de l'ensemble des 30 premières marques dont le groupe des garçons ait le souvenir, on peut aisément remarquer que les marques à Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 249 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ connotation masculine ne sont pas majoritaires1. L'impact relativement important de cette publicité provient donc d'une autre origine. Enfin, scores relativement médiocres pour les marques HOLLYWOOD et LES POLYSIANES, même si l'on peut noter que c'est encore une fois essentiellement le souvenir des garçons de la publicité HOLLYWOOD - avec 6,52% - qui tire la marque, et lui permet de figurer à une meilleure place dans le classement général des 30 premières marques. Si l'on représente graphiquement les résultats obtenus par chacun des deux sexes pour les seules cinq marques qui nous vont nous intéresser plus particulièrement dans la seconde partie de l'analyse, on obtient les deux tracés suivants : __________________ 1 - Nous reviendrons page 274 sur l'étude d'une éventuelle liaison à ce sujet. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 250 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Souvenir spontané d'avoir vu une publicité pour la marque (garçons / filles) 35% Garçons 30% Filles 25% 20% 15% 10% 5% 0% Lancôme Breitling Variance On perçoit alors immédiatement que pour ces marques, les filles sont à chaque fois, proportionnellement moins nombreuses que les garçons sur le plan du souvenir spontané, à l'exception de la marque LANCÔME, et que la différence la plus caractéristique se situe à propos de la marque BREITLING. Concernant la question 1.C, à propos des marques qui selon le répondant "comportent un éléments incitant à l'achat", le nombre des réponses est beaucoup moins important. On peut dès lors penser que les répondants ont bien assimilé la question et plus particulièrement au Les Polysianes Hollywood regard de la précédente. Faisant appel à leurs motivations, il semble alors logique que le nombre de réponses obtenues soit inférieur à celui de la question 1.B. Ainsi, seules 75 citations soit moins d'une citation par répondants - furent obtenues ici, dont 7 portaient sur des marques qui ne figuraient pas dans le magazine, soit moins de 10%. Là aussi on peut considérer qu'il s'agit d'un pourcentage "d'erreur" très honorable au regard des conditions d'administration dans le temps, de cette enquête. On obtient pour l'ensemble des répondants, le tableau de résultats présenté ci-dessous : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 251 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Publicités incitant à l'achat - Citations spontanées en poucentages 14% 13% 12% 10% 8% 6% 4% 4% 4% 4% 3% 3% 2% 2% 2% 2% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% SANT'ANGELICA 2% 2% ROGER 1 GALLET 2% PRINTEMPS 3% 2% S COMME SOIE RASUREL LINEANCE KLORANE LES POLYSIANES JEAN-LOUIS DAVID GUCCI HOLLYWOOD FOLIO CHANTELLE ANTINEA CANDEREL YVES ROCHER ALFRED DUNHILL SAMSARA VARIANCE LIERAC HUIT JACQUES DESSANGE ELIZABETH ARDEN MCDONALD'S CHANEL CLARINS BREITLING CLUB MED LANCOME GUERLAIN 0% Note : Les pourcentages figurant au sommet de chaque pile sont arrondis pour des raisons de lisibilité. Si l'on considère les 30 premières marques citées, à l'exemple de la question précédente, on constate une différence importante en ce qui concerne la position de LANCÔME, qui devient alors de manière très significative la première marque citée par 13% des répondants. Alors que SAMSARA - en 1ère position dans le classement de la question précédente est reléguée à la 5ème place ex aequo avec cinq autres marques et seulement 1,75% des répondants l'ayant citée. Pour expliquer en partie cette situation, on peut notamment avancer la raison que le produit Imanance de LANCÔME revêtait un intérêt conjoncturel - protection contre "les méfaits du soleil" - supérieur au parfum SAMSARA (parfum). Cela peut d'ailleurs être confirmé par le fait que la marque GUERLAIN - cosmétiques protecteurs TERRACOTTA - dépasse ici SAMSARA (lui aussi produit GUERLAIN)1. En revanche, cette hypothèse ne paraît pas s'appliquer à l'autre marque de cosmétiques photo-protecteurs, LES POLYSIANNES, qui recule même par rapport à son résultat en souvenir spontané. Elle incite donc a priori relativement moins à l'achat que sa concurrente LANCÔME. Au regard des résultats par sexe, c'est manifestement ici le sentiment du groupe des filles qui place LANCÔME en 1ère position avec 19,12% des __________________ 1 - Concernant les résultats de la marque SAMSARA, on peut cependant légitiment s'interroger sur la parfaite distinction par les répondants de la publicité GUERLAIN (pour les cosmétiques) et la publicité SAMASARA (lui-aussi produit GUERLAIN et explicitement présenté comme tel). Difficile de dire donc si une part des citations "GUERLAIN" n'est pas attribuable à SAMSARA. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 252 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ convaincre 65% des filles qui avaient le souvenir spontané de l'avoir remarquée, ce qui est énorme. Alors qu'elle semble n'avoir convaincu que 16,67% des garçons qui avaient eux aussi le souvenir spontané de l'avoir remarquée. répondants pour lesquels la publicité incitait à l'achat. Or, dans le tableau des résultats du groupe des garçons présenté plus loin, LANCÔME n'obtient ce même sentiment que chez 4,34% des répondants. Ainsi, la publicité LANCÔME est parvenue à Publicités incitant à l'achat - Citations spontanées en pourcentages (filles) 20% 19% 18% 16% 14% 12% 10% 8% 7% 6% 4% 4% 3% 3% 3% 1% 1% 1% 1% 2% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% 1% SHELL VARIANCE SAMSARA SANT'ANGELICA PRINTEMPS ROGER 1 GALLET LIERAC LES POLYSIANES HUIT KLORANE GUCCI CLUB MED BREITLING CANDEREL ANTINEA YVES ROCHER ELIZABETH ARDEN CHANEL CLARINS LANCOME GUERLAIN 0% Note : Les pourcentages figurant au sommet de chaque pile sont arrondis pour des raisons de lisibilité. Concernant les autres marques qui nous préoccupent plus particulièrement et toujours en considérant le groupe des filles, seules BREITLING, LES POLYSIANES et VARIANCE sont citées, mais aucune ne se détache des 15 marques ex aequo, chacune citée par 1,47% des répondantes. Mais là-encore; il paraît plus intéressant de croiser les résultats avec ceux de la question précédente. Ainsi, il apparaît que la publicité pour la marque LES POLYSIANES a très bien su convaincre - à 100%1 - les filles qui avaient eu le souvenir spontané de la marque. La publicité pour la marque BREITLING semble avoir convaincu 16,67% des filles qui en avaient eu le souvenir. Quant à la publicité de la marque VARIANCE, 1 fille sur 5 soit 20% de celles qui s'étaient souvenues __________________ 1 - Il est cependant nécessaire de relativiser la portée de ce taux de "réussite absolu", car le souvenir spontané du groupe des filles pour la marque LES POLYSIANES ne représentait qu'une seule répondante. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 253 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Elles ne sont pas exactement les mêmes que celles citées par le groupe des filles. En définitive, ce n'est là qu'une confirmation par le détail, car on pouvait s'y attendre à la lecture du classement général présentant une majorité de très faibles pourcentages. d'avoir vu la publicité trouvèrent qu'elle incitait à l'achat. La première observation à l'étude du classement obtenu avec le groupe des garçons concerne les marques "résiduelles", c'est à dire n'obtenant que de faibles résultats. Publicités incitant à l'achat - Citations spontanées en pourcentages (garçons) 7% 7% 7% 7% 6% 5% 4% 4% 4% 2% 2% 2% 2% ALFRED DUNHILL CHANEL CHANTELLE FOLIO 3% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 2% 1% VARIANCE SAMSARA RASUREL S COMME SOIE LINEANCE LIERAC HUIT JEAN-LOUIS DAVID HOLLYWOOD LANCOME JACQUES DESSANGE MCDONALD'S BREITLING CLUB MED 0% Note : Les pourcentages figurant au sommet de chaque pile sont arrondis pour des raisons de lisibilité. Si l'on procède au même rapport que sur les résultats du groupe des filles, on obtient que la publicité pour la marque BREITLING incite à l'achat 21,43% des garçons qui avaient le souvenir spontané de l'avoir remarquée ; VARIANCE : 20% et HOLLYWOOD : 33,33%.1 On notera donc en conclusion, qu'à l'exception de la publicité pour la marque VARIANCE, l'incitation à l'achat des autres publicités fut perçue très différemment d'un sexe à l'autre. __________________ Tableau récapitulatif des répondants ayant eu le souvenir spontané de la publicité, qui trouvent qu'elle incitait à l'achat Lancôme Breitling Variance Les Polysianes Hollywood Filles Garçons 65,00% 16,67% 20,00% 100,00% - 16,67% 21,43% 20,00% 33,33% 1 - Il paraît là aussi nécessaire de relativiser la portée de ce taux de 33,33%, car le souvenir spontané du groupe des garçons pour la marque HOLLYWOOD ne représentait que trois répondants. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 254 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Pour compléter cette réponse, la question 1.D devait identifier les comportements d'achat déclenchés. Seuls 18 répondants (15,79%) admirent qu'une des publicités contenues dans le support avait déclenché chez eux un Marques ayant déclenché un comportement Lancôme Mac Donald's Club Med Huit Klorane hors magazine produit non cité % de l'ensemble des répondants % des répondants incités à l'achat par la publicité 5,26% 1,75% 1,75% 1,75% 0,88% 2,63% 1,75% 40,00% 66,67% 66,67% 100,00% 100,00% - En définitive, nous constatons que rédigé sous cette forme, ce type de question se prête difficilement à une enquête par questionnaire comportant un grand nombre de questions. Dans le cadre qui nous intéresse ici, même si LANCÔME se détache - logiquement Part de l'espace publicitaire Secteurs d'activité COSMETIQUES ALIMENTAIRE VETEMENTS LINGERIE FEMININE COIFFEURS MONTRES PARFUMS EDITION ACCESSOIRES PARAMEDICAUX BAGAGES CARBURANTS EDULCORANTS LUNETTES VOYAGES ANNONCES DIVERSES 27,63% 8,57% 6,27% 6,12% 4,97% 4,90% 4,90% 4,47% 2,45% 2,45% 2,45% 2,45% 2,45% 2,45% 1,22% comportement, ce qui à notre avis est très/trop faible pour être significatif quant aux marques citées. Pour illustration, on notera que les réponses concernaient : par rapport aux résultats précédents très nettement, ces réponses ne seront pas retenues pour le reste de l'analyse. De manière à relativiser les résultats obtenus pour chacune des marques visées, il semblait intéressant de considérer la répartition de l'espace publicitaire du support. Si l'on fait abstraction du coefficient multiplicateur dû à l'emplacement de la publicité et qu'il est difficile d'apprécier avec précision et objectivité, l'espace publicitaire des "81,7" pages de publicité contenues dans ce support se répartissait de la manière suivante : Secteurs d'activité AUTOMOBILES CHAUSSURES COMPAGNIES AERIENNES DISTRIBUTION INSTITUTIONNEL LOISIRS HYGIENE FEMININE REGIONS RESTAURATION TABAC TELEPHONIE THALASSOTHERAPIE DIETETIQUE RADIO CENTRES BEAUTE Part de l'espace publicitaire 1,22% 1,22% 1,22% 1,22% 1,22% 1,22% 1,22% 1,22% 1,22% 1,22% 1,22% 1,22% 0,61% 0,61% 0,38% En gras : Secteurs d'appartenance des cinq publicités visées. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 255 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Ce qui donne la répartition graphique suivante : Répartition de l'espace publicitaire par secteurs, du magazine ELLE du 1er Juin 1992 RESTAURATION, et suivants HYGIENE FEMININE REGIONS LOISIRS INSTITUTIONNEL COSMETIQUES DISTRIBUTION COMPAGNIES AERIENNES CHAUSSURES AUTOMOBILES ANNONCES DIVERSES VOYAGES LUNETTES EDULCORANTS CARBURANTS BAGAGES ACCESSOIRES PARAMEDICAUX ALIMENTAIRE EDITION PARFUMS VETEMENTS MONTRES COIFFEURS LINGERIE FEMININE En éclaté : secteurs d'appartenance des cinq publicités visées Cela renforce l'idée que le score de LANCÔME est excellent, car l'espace publicitaire occupé par des produits cosmétiques représentait 27,63% de l'espace publicitaire total, avec 18 annonceurs de ce secteur (dont 6 présents avec une double page). Confirmation également du bon score de BREITLING qui "luttait" contre deux autres annonceurs (CHOPARD et MAURICE LACROIX). Toutefois, dans ce dernier cas, il faut reconnaître la plus faible notoriété des deux autres annonceurs, et préciser qu'ils n'utilisaient chacun qu'une seule page. Concernant VARIANCE, on remarquera, que la marque "affrontait" 4 autres annonceurs (HUIT, ANTINEA, CHANTELLE et RASUREL) tous également présents avec une simple page. On notera que cela n'empêche cependant pas VARIANCE de se détacher nettement par rapport à ses concurrents, sur le 1er graphique du souvenir publicitaire. En revanche, il obtient le même résultat 1,75% - d'incitation à l'achat que la marque HUIT et sont tous les deux talonnés par les trois autres marques qui obtiennent chacune 0,88%. Si l'on observe maintenant les résultats obtenus à la question 2.A sur le souvenir d'avoir vu une publicité pour une marque des différents types de produits proposés par la question, pour les trois secteurs qui nous intéressent, on obtient le tableau suivant : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 256 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Souvenir assisté de l'ensemble des répondants d'avoir vu une publicité certains presque croient sûrs pour une marque de ensemble Non d'accord ne savent pas Lingerie Féminine 72,81% 15,79% 7,02% 95,61% 1,75% 2,63% Montres 47,37% 20,18% 14,04% 81,58% 4,39% 14,04% Cosmétiques 84,21% 8,77% 4,39% 97,37% 0,88% 1,75% Chewing gum1 0,88% - - 0,88% - - 70,00%. Les trois types étudiés ici étant donc largement au dessus de la moyenne. En général, les résultats des secteurs qui nous intéressent sont très élevés. Ce qui semble a priori logique au regard de l'espace publicitaire - parmi les plus importants - occupé par chacun de ces secteurs. Le pourcentage moyen de souvenir assisté pour l'ensemble des répondants, à propos de 10 types de produits - 5 types ne figuraient pas parmi les annonceurs présents dans le support était de Souvenir assisté du groupe des filles d'avoir vu une publicité pour certaines Lorsque l'on observe les résultats calculés pour chacun des deux sexes, on s'aperçoit que les garçons ont - pour les trois principaux types de produits qui nous intéressent - un souvenir plus fort que celui des filles. presque croient sures une marque de filles Non d'accord ne savent pas Lingerie Féminine 73,53% 13,24% 7,35% 94,12% 2,94% 2,94% Montres 39,71% 16,18% 20,59% 76,47% 5,88% 17,65% Cosmétiques 85,29% 5,88% 5,88% 97,06% - 2,94% Chewing gum - - - - - - Le pourcentage moyen du souvenir assisté pour le groupe des Souvenir assisté du groupe des garçons d'avoir vu une publicité certains presque filles, à propos des types de produits présents dans le support était : 68,24% croient sûrs pour une marque de ensemble Non d'accord ne savent pas Lingerie Féminine 71,74% 19,57% 6,52% 97,83% - 2,17% Montres 58,70% 26,09% 4,35% 89,13% 2,17% 8,70% Cosmétiques 82,61% 13,04% 2,17% 97,83% 2,17% - __________________ 1 - Ce type de produits ne devait pas être testé à l'origine - voir l'élaboration du questionnaire page 684 à propos de la question 2.A - mais il se trouve que l'un des répondants a utilisé la 16ème ligne de la question 2.A pour le mentionner. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 257 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Chewing gum 100,00% - Le pourcentage moyen du souvenir assisté pour le groupe des garçons, à propos des types de produits présents dans le support était : 72,61% Excellents dans l'ensemble, ces résultats sont assez difficiles à interpréter, c'est pourquoi la question 2.A était directement complétée par la Souvenir assisté de l'ensemble des répondants d'avoir vu une publicité certains presque - - question 2.B. Or, on constate que tous ces résultats faiblissent lorsque l'on observe plus précisément le souvenir d'avoir vu une publicité pour une marque précise. Les marques présentées dans le tableau ci-dessous, le sont dans leur ordre d'apparition à l'intérieur du magazine : croient sûrs pour la marque - 100,00% ensemble Non d'accord ne savent pas Lancôme 50,88% 18,42% 15,79% 85,09% 3,51% 11,40% Breitling 44,74% 8,77% 15,79% 69,30% 7,89% 22,81% Variance 23,68% 14,91% 23,68% 62,28% 14,04% 23,68% Les Polysianes 19,30% 7,02% 14,04% 40,35% 29,82% 29,82% Hollywood 14,91% 10,53% 12,28% 37,72% 35,09% 27,19% Bien que restant élevés dans l'ensemble, on notera que ces résultats diminuent, plus la publicité se trouve insérée vers la fin du magazine. Une représentation graphique permet de considérer cette observation de manière encore plus instantanée. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 258 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Souvenir assisté d'avoir vu une publicité pour la marque (ensemble des répondants) 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme Breitling Variance Si le trend descendant est manifeste - presque régulier ! - pour Souvenir assisté du groupe des garçons d'avoir vu une publicité certains presque Les Polysianes l'ensemble des répondants, mais il en va différemment lorsque l'on analyse le souvenir assisté de chacun des sexes. croient sûrs pour la marque Hollywood garçons Non d'accord ne savent pas Lancôme 43,48% 26,09% 10,87% 80,43% 4,35% 15,22% Breitling 60,87% 10,87% 21,74% 93,48% - 6,52% Variance 17,39% 19,57% 21,74% 58,70% 6,52% 34,78% 6,52% 13,04% 17,39% 36,96% 28,26% 34,78% 10,87% 17,39% 26,09% 54,35% 21,74% 23,91% certaines presque croient filles Non ne savent Les Polysianes Hollywood Souvenir assisté du groupe des filles d'avoir vu une publicité pour sures la marque d'accord pas Lancôme 55,88% 13,24% 19,12% 88,24% 2,94% 8,82% Breitling 33,82% 7,35% 11,76% 52,94% 13,24% 33,82% Variance 27,94% 11,76% 25,00% 64,71% 19,12% 16,18% Les Polysianes 27,94% 2,94% 11,76% 42,65% 30,88% 26,47% Hollywood 17,65% 5,88% 2,94% 26,47% 44,12% 29,41% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 259 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ BREITLING et HOLLYWOOD. On notera à ce sujet qu'aucun garçon ne répondit "non" à la question concernant BREITLING. Si l'on superpose sur le même graphique les résultats des deux groupes, on perçoit immédiatement le déséquilibre qui existe sur ces deux dernières marques : Alors que ce souvenir est relativement le même pour le groupe des filles que pour celui des garçons pour les marques LANCÔME, VARIANCE et LES POLYSIANES avec un souvenir proportionnellement légèrement meilleur pour le groupe des filles que pour celui des garçons -, il est foncièrement différent sur les marques Souvenir assisté d'avoir vu une publicité pour la marque (garçons / filles) 100% Garçons 90% Filles 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme Breitling Variance Au regard du fait que le souvenir du groupe des garçons est significativement meilleur que celui du groupe des filles pour les publicités des marques BREITLING et HOLLYWOOD, on émettra dès à présent l'hypothèse que peut-être le personnage célèbre utilisé a-t-il eu plus d'impact auprès de la population masculine qu'auprès de la population féminine. Nous reviendrons sur ce point particulier dans les pages qui suivent en proposant notamment pour chacun des sexes, une analyse de Les Polysianes Hollywood l'indice de sympathie de ces personnages célèbres et en pratiquant une analyse croisée du souvenir spontané de la marque et de celui de la célébrité. De manière intrinsèque pour chacune des marques, ces résultats ne comportent que peu d'intérêt, si ce n'est de reconnaître au passage les très bons scores de souvenir assisté des marques VARIANCE, BREITLING et LANCÔME. En revanche, associé aux résultats de la question 1.B sur le Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 260 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ souvenir spontané, il permet de constater l'évolution par rapport au souvenir assisté pour les cinq marques Souvenir d'avoir vu une publicité pour la marque qui nous intéressent particulièrement : plus évolution du nombre de répondants en % % des répondants en spontané % des répondants en assisté Lancôme 28,07% 85,09% + 203,12% Breitling 17,54% 69,30% + 295,00% Variance 8,77% 62,28% + 610,00% Les Polysianes 2,63% 40,35% + 1.433,33% Hollywood 3,51% 37,72% + 975,00% Pourcentage moyen 3,51% 54,70%* - (*) au regard de la liste proposée à la question 2.B et pour les marques présentes dans le support. (de manière à pouvoir servir de comparaison "équitable", toutes les autres marques prises en considération, utilisaient au minimum une page entière). Bien que subissant des évolutions extraordinaires en pourcentages, on notera que même en assisté, le souvenir des répondants est inférieur à la moyenne - au regard des marques de la liste qui étaient présentes dans le support - pour les publicités des marques LES POLYSIANNES et HOLLYWOOD. Toujours présentées dans le tableau suivant leur ordre d'apparition dans le support, on notera également que les marques bénéficient d'une évolution plus importante lorsqu'elles se situent Souvenir d'avoir vu une publicité pour la marque dans les dernières pages du magazine. Ces chiffres très élevés sont également rendus possibles en grande partie en raison du fait que le souvenir spontané pour ces marques était très bas au départ. Si l'on observe le même tableau pour chacun des deux sexes, on constate que les évolutions ne sont pas les mêmes. Seule la marque LANCÔME bénéficie d'une évolution sensiblement identique d'un sexe à l'autre avec 200% pour les filles et 208,33% pour les garçons. évolution du nombre de filles en % % des filles en spontané % des filles en assisté Lancôme 29,41% 88,24% + 200,00% Breitling 8,82% 52,94% + 500,00% Variance 7,35% 64,71% + 780,00% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 261 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Les Polysianes 1,47% 42,65% + 2.800,00% Hollywood 1,47% 26,47% + 1.700,00% % des garçons en spontané % des garçons en assisté évolution du nombre de garçons en % Lancôme 26,09% 80,43% + 208,33% Breitling 30,43% 93,48% + 207,14% Variance 10,87% 58,70% + 440,00% Les Polysianes 4,35% 36,96% + 750,00% Hollywood 6,52% 54,35% + 733,33% Souvenir d'avoir vu une publicité pour la marque que les pourcentages du groupe des filles en souvenir spontané étaient dans l'ensemble plus bas - hormis pour la publicité LANCÔME - que ceux des garçons. On perçoit encore plus aisément cette énorme différence entre le souvenir spontané et le souvenir assisté, par le biais d'une représentation graphique : En revanche, on s'aperçoit que concernant les marques BREITLING, LES POLYSIANES et HOLLYWOOD, les filles ont vu leur souvenir évoluer du spontané à l'assisté, d'une manière beaucoup plus forte que celui des garçons. Ce qui une fois encore s'explique en partie en raison du fait Comparaison souvenir assisté / souvenir spontané du groupe des filles page 2 page 28 page 38 90% page 96 page 150 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme souvenir assisté Breitling Variance souvenir spontané Les Polysianes Hollywood Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 262 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Comparaison souvenir assisté / souvenir spontané du groupe des garçons page 2 page 28 page 38 100% page 96 page 150 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme souvenir assisté Breitling Variance souvenir spontané Les Polysianes Hollywood En revanche, si l'on présente conjointement les résultats obtenus en souvenir assisté et en souvenir spontané pour l'ensemble des répondants sans tenir compte des sexes, il se produit une sorte de "lissage" des résultats d'un sexe à l'autre. Cela permet de percevoir d'autant mieux un phénomène de souvenir apparemment lié en partie à l'emplacement de la publicité dans le magazine. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 263 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Comparaison souvenir assisté / souvenir spontané de l'ensemble des répondants page 2 page 28 page 38 90% page 96 page 150 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme souvenir assisté Breitling Variance souvenir spontané Les Polysiannes Hollywood Plus, la publicité est située vers la fin du magazine moins elle semble générer un souvenir - spontané comme assisté1 - de la part du répondant. Considérant le fait qu'une petite moitié de l'échantillon avait déclaré avoir commencé à lire le magazine par la première page, il paraissait intéressant de vérifier si au delà de l'emplacement de la publicité dans le support, la raison de cette différence quant au souvenir n'était pas lié à la manière dont le répondant avait déclaré avoir lu le magazine. __________________ 1 - Exception faite de la très légère augmentation du résultat du souvenir spontané de la marque HOLLYWOOD par rapport à la marque LES POLYSIANES. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 264 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Début de lecture du magazine Par la 1ère page Par la fin Au hasard A l'aide du sommaire Ensemble de l'échantillon 47,37% 7,89% 35,97% 8,77% Pour vérifier cette éventuelle liaison, nous avons pratiqué un test du χ²1 sur les deux sous-échantillons composés des lecteurs ayant commencé par la première page d'un côté, et sur les autres lecteurs de l'autre. Observons dans un premier temps les résultats du test du χ² pour la notoriété spontanée. En ce qui concerne la marque LANCÔME, les totaux lignes sont légèrement différents en raison du fait que nous avons regroupé les répondants qui avaient déclaré avoir lu le magazine à l'aide du sommaire avec ceux qui déclaraient avoir commencé par la première page. La publicité LANCÔME se trouvant entre la première page et le sommaire, cela semblait nécessaire pour éviter la formation d'un biais. On notera d'ailleurs que cela ne modifie pas les résultats en notoriété spontanée, mais seulement en notoriété assistée. __________________ 1 - Table de distribution disponible page 705. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 265 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Notoriété spontanée Lancôme Identif. Non- Notoriété spontanée Total Breitling Identif. Identif. 21 41 62 Par la 1ère p. Autres 11 41 52 Total 32 82 114 9 45 54 Autres 11 49 60 Total 20 94 114 χ² calculé χ² théorique : 2,265 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance : 0,05457 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance Notoriété spontanée Variance Total Identif. Par la 1ère p. χ² calculé χ² théorique Non- Identif. Non- Notoriété spontanée Total Polysianes Identif. Identif. Non- Total Identif. Par la 1ère p. 3 51 54 Par la 1ère p. 3 51 54 Autres 7 53 60 Autres 0 60 60 10 104 114 Total 3 111 114 Total χ² calculé χ² théorique χ² calculé χ² théorique : 1,326 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance : 3,423 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance Notoriété spontanée Hollywood Identif. Non- Total Identif. Par la 1ère p. 2 52 54 Autres 2 58 60 Total 4 110 114 χ² calculé χ² théorique : 0,0115 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 266 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Dès lors, si à la lecture du graphique proposé ci-dessus, le souvenir spontané semble lié à l'emplacement de la publicité dans le support, en revanche, au regard des résultats de ce test, ce souvenir n'est a priori pas lié à la manière dont les répondants ont commencé à lire le magazine. On retiendra cependant la valeur du χ² calculé, obtenue pour la notoriété spontanée de la publicité pour la marque LES POLYSIANES. Il est proche ce celle du χ² théorique. Et même si l'absence de dépendance perdure, la publicité LES POLYSIANES est celle - parmi les cinq annonces considérées - pour laquelle la situation est la moins "nette". Observons maintenant les résultats en matière de notoriété assistée. Notoriété assistée Lancôme Identif. Non- Notoriété assistée Total Breitling Identif. Identif. Non- Total Identif. Par la 1ère p. 54 8 62 Par la 1ère p. 42 12 54 Autres 43 9 52 Autres 37 23 60 Total 97 17 114 Total 79 35 114 χ² calculé χ² théorique χ² calculé χ² théorique : 0,432 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance Notoriété assistée Variance : 3,467 Identif. Non- Notoriété assistée Total Polysianes Identif. Identif. Non- Total Identif. Par la 1ère p. 34 20 54 Par la 1ère p. 23 31 54 Autres 37 23 60 Autres 46 14 60 Total 71 43 114 Total 69 45 114 χ² calculé χ² théorique : 0,0203 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance χ² calculé χ² théorique : 13,811 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Dépendance Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 267 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Notoriété assistée Hollywood Identif. Non- Total Identif. Par la 1ère p. 22 32 54 Autres 21 39 60 Total 43 71 114 χ² calculé χ² théorique : 0,398 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance A la lecture des résultats, on s'aperçoit que seul le souvenir de la publicité pour les cosmétiques LES POLYSIANES avec Jenna de ROSNAY apparaît comme étant lié à la manière dont les répondants ont abordé le magazine. Le cas est également intéressant au regard de l'observation que nous faisions concernant cette même publicité, mais au sujet cette fois des résultats portant sur la notoriété spontanée. Comment peut-on essayer d'expliquer ce phénomène ? Nous proposons l'observation suivante : Cette publicité est l'avantdernière, avant le cahier rédactionnel "spécial mode d'Eté" inséré entre les pages 100 et 149. Pour les lecteurs qui ont commencé à lire le magazine par la première page, elle arrive alors après une longue liste d'informations publicitaires - 59 annonceurs la précèdent. Alors que pour les lecteurs qui ont commencé par la fin du support, elle n'est que le 16ème annonceur principal, d'où un parasitage moindre. Par ailleurs elle intervient toujours pour les lecteurs qui ont commencé par la dernière page - en deuxième position seulement, après le cahier rédactionnel "spécial mode d'Eté". D'où un parasitage encore plus faible. Pour renforcer cette hypothèse on indiquera que le seul répondant ayant cité la publicité pour la marque DISTRIFRANCE - TUO, n'avait pas non plus commencé par la première page. Or cette publicité est la première à la sortie du cahier "Spécial mode d'Eté" si l'on commence par la fin, ou la dernière des 62 premières annonces publicitaires si l'on commence par la première page1. Toutefois une vérification statistique permet de réfuter cette hypothèse. En effet, 100% des répondants ayant eu le souvenir __________________ 1 - Il n'est pas possible de faire également le parallèle avec les résultats de notoriété assistée pour la publicité de cette marque, car elle ne figurait pas dans la liste des 20 marques proposées à la question 2.B. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 268 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ En ce qui concerne maintenant l'identification précise des produits des cinq marques qui nous intéressent, les résultats de la question 3.A permettent l'obtention du tableau de résultats figurant ci-dessous. Les marques sont toujours présentées dans l'ordre d'apparition des publicités dans le support. spontané de la publicité LES POLYSIANES déclarèrent avoir commencé à lire le support par la première page. Quant aux répondants ayant eu le souvenir assisté de la publicité, ils se répartissent de manière parfaitement égale : 50% ayant déclaré avoir commencé à lire le magazine par la première page, 50% différemment. Identification spontanée du produit par Bon Mauvais Ne savaient produit produit pas Lancôme 53,51% 3,51% 42,98% Breitling 62,28% - 37,72% Variance 47,37% 0,88% 51,75% Les Polysianes 30,70% - 69,30% Hollywood 38,60% - 61,40% l'ensemble des répondants, si souvenir de la publicité On constate que dans l'ensemble, les répondants ayant eu le souvenir d'avoir vu la publicité, se trompent très peu sur l'identification spontanée du produit. Les éléments retenus de l'échantillon paraissent donc avoir "joué le jeu", et s'être rabattus sur la proposition "ne sait pas" lorsqu'ils n'avaient plus souvenir du produit. On expliquera en partie les 3,51% d'erreur de la publicité LANCÔME par le fait qu'il s'agit d'un annonceur très important, communicant tout au long de l'année et pour des produits cosmétiques ou des parfums, toujours avec Isabella ROSSELLINI. Or, sur ce dernier point, le "mauvais produit" cité est à chaque fois un parfum. On peut dès lors s'interroger pour savoir si ce n'est pas la participation d'Isabella ROSSELLINI à la communication de la dernière fragrance de LANCÔME - Trésor - qui parasita en partie ce souvenir. Toutefois, rien ne permet de le vérifier ici. Ces résultats permettent de construire le graphique suivant : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 269 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Identification du produit si souvenir de la publicité (ensemble des répondants) 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme Breitling Variance Les Polysianes Hollywood mais cela ne suffit pas à expliquer un aussi bon résultat. C'est donc la publicité pour la marque BREITLING avec Winston CHURCHILL et Franklin ROOSEVELT qui obtint le meilleur pourcentage d'identification du produit. Rappelons qu'utilisant une double page noir et blanc, l'annonce consacrait les 2/3 de sa page de droite à la présentation visuelle du produit, En superposant maintenant la courbe du souvenir assisté avec celle de l'identification du produit on découvre pour chacune des marques les déperditions qui se produisirent. Comparaison du souvenir de la publicité et de l'identification du produit (ensemble) 90% Identification du produit 80% Souvenir assisté 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme Breitling Variance Les Polysianes Hollywood Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 270 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ On constate que seuls les répondants qui avaient identifié la publicité pour la marque HOLLYWOOD semblent être en général parfaitement en mesure d'identifier le produit. Ce résultat est à notre avis très logique si l'on considère que la communication de la marque de chewing gum a de tout temps consisté à associer le type de produit au nom de la marque, qui serait sans cela relativement générique. D'où l'enchaînement "naturel" : HOLLYWOOD CHEWING GUM. Cette hypothèse sera confirmée par les résultats concernant le groupe des filles présentés ci-après. Les quatre autres marques perdent du terrain lorsqu'il s'agit Identification du produit si souvenir assisté de la publicité d'identifier le produit par rapport au souvenir assisté d'avoir vu la publicité. Le cas le plus significatif étant celui de la publicité de la marque LANCÔME qui avait bénéficié du souvenir assisté de 85,09% des répondants, mais pour laquelle, seuls 53,51% des répondants étaient en mesure de nommer le produit bénéficiant de la publicité. A l'analyse comparative des deux sexes à propos de l'identification du produit, on note quelques différences importantes, notamment en ce qui concerne la publicité pour le marque BRIETLING. Celle-ci est considérablement mieux identifiée par le groupe des garçons que par celui des filles. Filles Garçons Lancôme 52,94% 54,35% Breitling 48,53% 82,61% Variance 51,47% 41,30% Les Polysianes 36,76% 21,74% Hollywood 41,18% 34,78% Pour les autres marques, LANCÔME est identifiée dans les mêmes conditions par le groupe des filles que par le groupe des garçons proportionnellement au nombre de répondants dans chacun des groupes - alors que les marques VARIANCE, LES POLYSIANES et HOLLYWOOD sont mieux identifiées toujours proportionnellement - par les filles que par les garçons. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 271 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Identification du produit si souvenir assisté de la publicité (Garçons / filles) 90% Garçons 80% Filles 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme Breitling Variance Les Polysianes Hollywood courbe de souvenir assisté de la marque avec celui de l'identification du produit pour chacune de ces marques, on obtient les graphiques suivants : Si maintenant, à l'exemple de la manipulation pratiquée pour l'ensemble des répondants, on superpose pour chacun des sexes, la Comparaison souvenir de la marque / identification du produit (filles) 90% Souvenir assisté 80% Identification du produit 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme Breitling Variance Concernant le groupe des filles, le résultat le plus intéressant est de constater que les deux tracés se Les Polysianes Hollywood croisent pour la publicité de la marque HOLLYWOOD. Cela exprime une certaine contradiction. En effet cela Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 272 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ qui concerne la publicité pour la marque LANCÔME, pour laquelle seules 52,94% des répondantes furent en mesure d'identifier correctement le produit, alors que 88,24% d'entre elles avaient déclaré avoir le souvenir assisté - d'avoir vu une publicité pour la marque dans le magazine. Sur l'ensemble des cinq marques et pour le groupe des filles, les résultats de l'identification du produit par rapport au souvenir assisté d'avoir vu la publicité, baissent de 16,04%, ce qui signifie qu'en moyenne, 8,82% des répondantes ayant eu le souvenir d'avoir vu une publicité de la marque ne furent pas en mesure d'identifier son produit. signifie que parmi le groupe des filles, il s'est trouvé plus de répondantes pour identifier le produit au regard du nom de la marque, que pour se souvenir de cette même marque de manière assistée. Cela ne fait que confirmer l'hypothèse que nous émettions au sujet de l'association relativement automatique dans l'esprit des consommateurs visés pas le produit, entre "HOLLYWOOD" et "Chewing Gum". Hypothèse également confortée par le fait que la marque HOLLYWOOD est par ailleurs leader sur son secteur. Voir à ce sujet page 275, l'analyse des consommateurs / utilisateurs préalables des produits de chacune des marques étudiées, qui apporte une confirmation supplémentaire à cette hypothèse. L'analyse comparative de ces mêmes résultats pour le groupe des garçons génère le graphique suivant : On observera enfin, la perte de terrain relativement importante en ce Comparaison souvenir de la marque / identification du produit (garçons) 100% Souvenir assisté 90% Identification du produit 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme Breitling Variance Les deux tracés se suivent presque régulièrement à un niveau différent, ce qui signifie qu'il n'y pas de Les Polysianes Hollywood contradiction entre les deux informations telles que nous l'avions Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 273 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ constaté pour les résultats du groupe des filles. De même que pour le groupe des filles, les résultats sur l'identification du produit par rapport au souvenir d'avoir vu une publicité pour la marque, perdent du terrain, avec une perte plus importante pour la marque LANCÔME. En revanche, cette perte de terrain semble a priori plus importante pour le groupe des garçons que pour celui des filles. Sur l'ensemble des cinq marques étudiées, les résultats de l'identification du produit par rapport au souvenir assisté d'avoir vu la publicité, baissent de 27,52%, ce qui signifie qu'en moyenne, 17,87% des répondants ayant eu le souvenir d'avoir vu une publicité pour la marque ne furent pas en mesure d'identifier son On suivants : obtient les Lancôme Bon Faux/nsp Garçons 25 Filles Total χ² calculé χ² théorique produit afférent. On ne peut cependant pas comparer ce pourcentage avec celui obtenu pour le groupe des filles dans de bonnes conditions, en raison du résultat "contradictoire" sur la publicité de la marque HOLLYWOOD pour ce dernier groupe. Trois des publicités dont les marques sont étudiées - LANCÔME, VARIANCE et LES POLYSIANES s'adressent a priori plus particulièrement à un public féminin en considérant la nature du produit ellemême. Il devenait alors intéressant de pratiquer à nouveau un test du χ² pour savoir s'il existait un lien entre le fait d'identifier le produit des publicités de ces marques et le sexe du répondant. résultats Total Breitling Bon 21 46 Garçons 38 8 46 36 32 68 Filles 33 35 68 61 53 114 Total 71 68 114 Total χ² calculé χ² théorique : 0,022 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance Faux/nsp Total : 13,57 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Dépendance Variance Bon Faux/nsp Garçons 19 27 Filles 35 Total 54 Total Polysianes Bon Faux/nsp 46 Garçons 10 36 46 33 68 Filles 25 43 68 60 114 Total 35 79 114 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 274 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ χ² calculé χ² théorique χ² calculé χ² théorique : 1,14 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance Hollywood Bon Faux/nsp Garçons 16 30 46 Filles 28 40 68 Total 44 70 114 χ² calculé χ² théorique : 2,91 Total : 0,47 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance montre, alors que seulement 48,53% des filles l'avaient fait. Ainsi, à l'étude des résultats du test du χ² et contrairement à l'hypothèse émise sur les produits à connotation féminine, il apparaît que seul le cas des montres BREITLING fait preuve d'une dépendance entre les deux variables : identification du produit et sexe du répondant. On rappellera que 82,61% des garçons avaient identifié correctement la Garçons Filles acheteurs acheteuses Concernant l'achat et/ou la consommation/utilisation préalable d'un produit de la marque, observons les résultats de la question de la série n°4, au sujet des marques qui nous intéressent. On obtient le tableau de résultats suivants : Total Garçons Filles consommateurs consommatrices / utilisateurs / utilisatrices Total Lancôme 21,74% 57,35% 42,98% 47,83% 38,24% 42,11% Breitling 2,17% 1,47% 1,75% 6,52% - 2,53% Variance 10,87% 36,76% 26,32% - 39,71% 23,68% Polysianes 6,52% 4,41% 5,26% 4,35% 7,35% 6,14% Hollywood 93,48% 91,18% 92,11% 93,48% 100,00% 97,37% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 275 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Si l'on traduit ces résultats graphiquement, on obtient la représentation suivante : Analyse de l'achat préalable de produits des marques concernées 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% acheteurs 30% acheteuses 20% 10% 0% acheteuses Lancôme Breitling Variance acheteurs Les Polysianes On notera avec un intérêt particulier les résultats de la marque de lingerie féminine VARIANCE. Certes, très logiquement on s'aperçoit sur le graphique proposé ci-après, qu'aucun garçon n'utilise de produits de cette marque. En revanche, 10,87% des garçons ont déclaré avoir déjà acheté des produits de la marque. Dès lors, les bons résultats de la marque VARIANCE aidé notamment par le souvenir du groupe des garçons - alors que cinq marques concurrentes étaient présentes dans le support - trouvent ici une part d'explication. En revanche, à propos de l'explication sur le fond de ces résultats, nous n'avons pas d'hypothèse particulière à émettre. Quant aux filles, près de 4 sur 10 déclarèrent avoir déjà porté / utilisé des Hollywood produits de la marque VARIANCE. On peut donc penser que leur attention était plus facilement captée par une publicité en faveur de ladite marque. L'analyse inverse est possible en ce qui concerne la marque de chewing gums HOLLYWOOD. Les résultats sont à l'image de ceux que l'on pouvait espérer d'une marque leader sur son marché, avec des taux d'achat et d'utilisation dépassant 90% à chaque fois. Cela conforte en partie l'hypothèse selon laquelle le fait que la publicité était insérée dans les dernières pages du magazine, et qu'il ne s'agissait pas d'une publicité traditionnelle, a pu lui valoir de mauvais résultats lors des précédentes questions. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 276 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Analyse de la consommation / utilisation de produits des différentes marques concernées 100% 90% 80% 70% 60% 50% utilisateurs 40% 30% utilisatrices 20% 10% 0% utilisatrices Lancôme Breitling Variance utilisateurs Les Polysianes Les résultats de la marque BREITLING sont eux aussi très intéressants, car l'on aurait pu penser que les très bons résultats en souvenir spontané, ainsi qu'en identification du produit auraient pu provenir d'un "biais" dû à une connaissance directe et préalable du produit. Il n'en est rien a priori. Seuls 6,52%1 des garçons "utilisent" directement cette marque de montres. Quant aux 1,47% des filles qui déclarèrent avoir déjà acheté une montre de cette marque, on peut raisonnablement émettre l'hypothèse qu'il s'agissait d'un cadeau, dès lors qu'il n'y a aucune utilisatrice déclarée __________________ 1 - Seuls 2,17% des garçons déclarèrent être à la fois acheteur et utilisateurs préalables d'une montre de marque BREITLING, les 4,35% restant n'étant qu'utilisateurs préalables. Hollywood et que les résultats sur l'identification du produit ne présentent aucune erreur sur cette marque. Enfin, concernant la marque LANCÔME, on notera que les garçons sont proportionnellement légèrement plus nombreux à déclarer avoir déjà utilisé le produit. Rappelons ici qu'il ne s'agissait pas de cosmétiques ordinaires, mais d'une protection solaire, ce qui peut contribuer à expliquer cette différence. Si l'on essaie maintenant de croiser l'information obtenue à propos du souvenir assisté sur la marque par rapport à l'utilisation ou la consommation préalable du produit, on obtient les résultats présentés ci-après. On appellera "contact" le fait que le répondant ait déjà consommé ou acheté un produit de la marque considérée. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 277 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ rapport au souvenir assisté des éléments du groupe considéré préalablement acheteurs ou utilisateurs d'un produit de la marque. Nous reproduirons à chaque fois, le tracé du souvenir assisté de la marque pour l'ensemble du groupe considéré, de manière à percevoir sa valeur par Ensemble des répondants Achat ou consommation préalable du produit souvenir assisté de la marque souvenir assisté si contact préalable Lancôme 49,12% 85,09% 47,36% Breitling 3,51% 69,30% 2,63% Variance 28,07% 62,28% 18,42% Les Polysianes 8,77% 40,35% 4,39% Hollywood 99,12% 37,72% 36,84% Comparaison du souvenir assisté de la marque et de l'achat ou la consommation préalable du produit (ensemble des répondants) 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme consommation ou achat préalable Breitling Variance Les Polysianes souvenir assisté de la marque Le tracé des points représentant le souvenir assisté de la marque au cas où un contact préalable avait été déclaré par le répondant (ronds gris), se trouve systématiquement en dessous de celle de la consommation ou de l'achat préalable. Ce qui signifie que tous les consommateurs ou acheteurs préalables n'ont pas eu le souvenir d'avoir vu une publicité pour le produit Hollywood souvenir assisté si contact préalable considéré. Le cas le plus manifeste étant celui pour la publicité de la marque HOLLYWOOD. D'un autre côte on remarquera que tous ceux qui ont eu le souvenir d'avoir vu la publicité pour la marque HOLLYWOOD étaient consommateurs ou acheteurs préalables de chewing gums de la marque (superposition des points sur le graphique). Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 278 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ La même analyse pour chacun des deux sexes procure les résultats suivants : Groupe des filles Achat ou consommation préalable du produit souvenir assisté de la marque souvenir assisté si contact préalable Lancôme 64,71% 88,24% 61,76% Breitling 1,47% 52,94% - Variance 39,71% 64,71% 26,47% 7,35% 42,65% 4,41% 100,00% 26,47% 26,47% Les Polysianes Hollywood Comparaison du souvenir assisté de la marque et de l'achat ou la consommation préalable du produit (groupe des filles) 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme consommation ou achat préalable Breitling Variance Les Polysianes souvenir assisté de la marque Concernant le graphique représentatif des réponses du groupe des filles, on notera que l'écart se creuse légèrement pour la marque VARIANCE, entre la consommation ou l'achat préalable du produit et le souvenir d'avoir vu une publicité par Hollywood souvenir assisté si contact préalable des utilisatrices ou acheteuses préalables. Il en va de même pour la publicité HOLLYWOOD, mais cela est en partie dû dès le départ à un souvenir assisté de la marque plus mauvais chez les filles que chez les garçons. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 279 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Groupe des garçons Achat ou consommation préalable du produit souvenir assisté de la marque souvenir assisté si contact préalable Lancôme 26,09% 80,43% 26,09% Breitling 6,52% 93,48% 6,52% Variance 10,87% 58,70% 6,52% Les Polysianes 10,87% 36,96% 4,35% Hollywood 97,83% 54,35% 52,17% Comparaison du souvenir assisté de la marque et de l'achat ou la consommation préalable du produit (groupe des garçons) 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme consommation ou achat préalable Breitling Variance Les Polysianes souvenir assisté de la marque Cas intéressant en ce qui concerne l'étude du graphique illustrant les réponses du groupe des garçons, on remarque une parfaite superposition des points représentant la consommation ou l'achat préalable d'une part et le souvenir assisté des acheteurs ou utilisateurs d'autre part, pour les marques LANCÔME et BREITLING. Cela signifie que tous les utilisateurs / consommateurs Hollywood souvenir assisté si contact préalable préalables de produits de chacune de ces marques, eurent le souvenir d'avoir vu une publicité pour la marque respective. Il paraissait intéressant de pratiquer la même analyse comparative avec cette fois, les résultats sur le souvenir spontané des répondants pour chacune de ces marques : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 280 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Ensemble des répondants Achat ou consommation préalable du produit souvenir spontané de la marque souvenir spontané si contact préalable Lancôme 49,12% 28,07% 16,67% Breitling 3,51% 17,54% 1,75% Variance 28,07% 8,77% 1,75% 8,77% 2,63% - 99,12% 3,51% 3,51% Les Polysianes Hollywood Comparaison du souvenir spontané de la marque et de l'achat ou la consommation préalable du produit (ensemble des répondants) 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme consommation ou achat préalable Breitling Variance Les Polysianes souvenir spontané de la marque Toujours en faisant abstraction des résultats obtenus sur la marque HOLLYWOOD pour les raisons évoquées précédemment quant au produit lui-même et à la position de leadership de la marque, on remarquera immédiatement sur le graphique que les deux tracés - consommation / achat préalable et souvenir spontané si contact préalable - semblent moins liés pour les marques LANCÔME, VARIANCE et dans une moindre mesure LES POLYSIANES. Mais surtout, on s'aperçoit qu'à l'exception de la publicité pour la marque Hollywood souvenir spontané si contact préalable BREITLING, le tracé du souvenir spontané général de la marque passe en dessous de celui des acheteurs / consommateurs de la marque, ce qui n'était pas le cas à propos du souvenir assisté. Le fait qu'aucun acheteurs / consommateurs préalables de la marque de cosmétiques LES POLYSIANES n'ait eu le souvenir spontané d'avoir vu une publicité pour cette marque doit être relativisé au regard du fait que le taux de souvenir Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 281 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ d'impact, au regard du très faible pourcentage d'acheteurs / utilisateurs préalables de la marque. Elle a su séduire l'échantillon de jeunes étudiants utilisé en attirant leur attention. spontané général était déjà très bas à l'origine (2,63%). C'est ici manifestement la publicité pour la marque BREITLING qui obtient le meilleur résultat Observons maintenant les résultats pour chacun des deux sexes : Groupe des filles Achat ou consommation préalable du produit souvenir spontané de la marque souvenir spontané si contact préalable Lancôme 64,71% 29,41% 19,12% Breitling 1,47% 8,82% - Variance 39,71% 7,35% - 7,35% 1,47% - 100,00% 1,47% 1,47% Les Polysianes Hollywood Comparaison du souvenir spontané de la marque et de l'achat ou la consommation préalable du produit (groupe des filles) 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme consommation ou achat préalable Breitling Variance Les Polysianes souvenir spontané de la marque A l'observation du graphique qui précède, deux enseignements semblent importants. Le premier concerne le tracé des points représentant le souvenir spontané des utilisatrices / Hollywood souvenir spontané si contact préalable consommatrices préalables du produit, pour les marques BREITLING, VARIANCE et LES POLYSIANES - la marque HOLLYWOOD étant une nouvelle fois écartée au regard du trop Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 282 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ faible nombre de répondants considérés. Il se situe très précisément sur l'axe des abscisses, ce qui signifie qu'aucune des consommatrices / utilisatrices préalables de ces marques n'eut le souvenir spontané d'avoir vu une publicité pour ces marques. Si le phénomène est en partie compréhensible pour la marque BREITLING pour laquelle seulement 1,47% des filles interrogées avaient déclaré avoir déjà acheté une montre de cette marque, et dans une moindre mesure pour la marque LES POLYSIANES pour laquelle seulement 7,35% des filles interrogées avaient déclaré avoir déjà acheté ou utilisé les cosmétiques, ces résultats sont très étranges en ce qui concerne la marque Groupe des garçons VARIANCE. En effet, près de 4 filles sur 10 déclarèrent avoir déjà acheté ou utilisé un produit de la marque et pas une seule ne se souvint spontanément d'avoir vu la publicité avec Gérard LANVIN dans les pages du support ! D'une certaine manière, la même observation pourrait être faite à l'égard de la publicité pour la marque LANCÔME, pour laquelle seulement 29,55% des utilisatrices ou acheteuses préalables se souvinrent spontanément d'avoir vu une publicité pour la marque. Le groupe des garçons génère une nouvelle fois l'obtention de résultats très différents : Achat ou consommation préalable du produit souvenir spontané de la marque souvenir spontané si contact préalable Lancôme 26,09% 26,09% 13,04% Breitling 6,52% 30,43% 4,35% Variance 10,87% 10,87% 4,35% Les Polysianes 10,87% 4,35% - Hollywood 97,83% 6,52% 6,52% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 283 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Comparaison du souvenir spontané de la marque et de l'achat ou la consommation préalable du produit (groupe des garçons) 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Lancôme consommation ou achat préalable Breitling Variance Les Polysianes souvenir spontané de la marque Concernant le graphique illustrant les réponses du groupe des garçons, on remarquera immédiatement la superposition des tracés des points représentant la consommation ou l'achat préalable du bien d'une part et le souvenir spontané général d'autre part, pour les publicités des marques LANCÔME et VARIANCE. Mais cela signifie simplement que les consommateurs / acheteurs préalables de cosmétiques LANCÔMES et de lingerie VARIANCE sont respectivement aussi nombreux que ceux qui eurent respectivement le souvenir d'avoir vu une publicité pour chacune de ces marques. Car le rond gris du souvenir spontané des acheteurs / utilisateurs préalables est situé en dessous. Ce qui signifie qu'une Hollywood souvenir spontané si contact préalable fois de plus les utilisateurs / acheteurs préalables de ces marques n'eurent pas tous les souvenir d'avoir vu une publicité pour ladite marque. En revanche, concernant la publicité de la marque HOLLYWOOD, tous les garçons qui eurent le souvenir d'avoir vu une publicité pour la marque, étaient consommateurs / acheteurs préalables de chewing-gums HOLLYWOOD. Si l'on pratique maintenant le test du χ² sur ces données, on obtient les résultats présentés ci-dessous. Nous entendrons toujours par "contact direct" le fait que le répondant ait déclaré avoir préalablement acheté ou utilisé le produit de la marque. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 284 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ souvenir spontané Lancôme Identif. Non- souvenir assisté Total Lancôme Identif. Identif. Non- Total Identif. contact direct 19 37 56 contact direct 54 2 56 pas de contact 13 45 58 pas de contact 43 15 58 Total 32 82 114 Total 97 17 114 χ² calculé χ² théorique χ² calculé χ² théorique : 1,870 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Dépendance souvenir spontané Breitling : 11,156 Identif. Non- souvenir assisté Total Breitling Identif. Identif. Non- Total Identif. contact direct 2 2 4 contact direct 3 1 4 pas de contact 18 92 110 pas de contact 76 34 110 Total 20 94 114 Total 79 35 114 χ² calculé χ² théorique : 3,018 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance χ² calculé χ² théorique : 0,063 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 285 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ souvenir spontané Variance Identif. Non- souvenir assisté Total Variance Identif. Identif. Non- Total Identif. contact direct 2 29 31 contact direct 21 10 31 pas de contact 8 75 83 pas de contact 50 33 83 10 104 114 Total 71 43 114 Total χ² calculé χ² théorique χ² calculé χ² théorique : 0,286 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance souvenir spontané Polysianes : 0,054 Identif. Non- souvenir assisté Total Polysianes Identif. Identif. Non- Total Identif. contact direct 0 9 9 contact direct 5 4 9 pas de contact 3 102 105 pas de contact 41 64 105 Total 3 111 114 Total 46 68 114 χ² calculé χ² théorique : 0,264 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance χ² calculé χ² théorique : 0,938 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 286 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ souvenir spontané Hollywood Identif. Non- souvenir assisté Total Hollywood Identif. Identif. Non- Total Identif. contact direct 4 109 113 contact direct 42 71 113 pas de contact 0 1 1 pas de contact 1 0 1 Total 4 110 114 43 71 114 χ² calculé χ² théorique : 0,036 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance Total χ² calculé χ² théorique : 1,665 : 3,84 Degré de liberté : 1 Risque d'erreur : 5% Pas de dépendance Ainsi, seul le souvenir assisté de la marque LANCÔME semble être lié à un achat ou une utilisation préalable, 96,42% des répondants qui déclarèrent avoir eu un contact préalable avec le produit furent en mesure de se souvenir - en assisté - avoir vu une publicité LANCÔME dans les pages du support. Toutes les autres marques voient leur souvenir spontané comme assisté, détaché de tout lien avec un contact direct préalable avec le produit, au regard de ce test. Concernant l'analyse des résultats des questions 5.B à 5.D - sur l'attitude du lecteurs au regard de certaines caractéristiques des publicités -, il est nécessaire de rappeler qu'il s'agit d'une expérimentation sur la manière dont les personnes interrogées décrivent elles-mêmes leur attitude et non sur l'observation de leur attitude. Celle-ci fera l'objet d'une prochaine enquête, dont l'orientation sera en partie définie par les enseignements de la présente. S'agissant de résultats généraux, nous n'attacherons pas de réelle importance ici au le degré d'accord ou de désaccord du répondant exprimé par les échelles. Au sujet de l'utilisation d'une photographie par la publicité, on obtient le tableau de résultats et la représentation graphique corollaire suivants : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 287 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Répondants pensant être plus attirés par une publicité utilisant une photographie D'accord Garçons Filles Ensemble 78,26% 89,71% 85,09% 2,17% 1,47% 1,75% 17,39% 8,82% 12,28% 2,17% - 0,88% Pas d'accord Indifférents Ne savent pas Garçons plus attirés par une publicité utilisant une photographie Filles plus attirées par une publicité utilisant une photographie 2% 18% 1% 90% D'accord 9% 2% 78% Pas d'accord Indifférents Ne savent pas Une très nette majorité de répondants se déclarèrent être plus attirés par une publicité qui comporte une photographie ; majorité supérieure et plus déterminée en ce qui concerne le groupe des filles. On rappellera que les cinq publicités utilisant une célébrité et qui nous intéressent plus particulièrement ici, comportaient toutes une photographie. A l'origine, lors de la construction du questionnaire, les questions 5.C et 5.D. étaient essentiellement là pour servir de D'accord Pas d'accord Indifférentes Ne savent pas questions filtres sur l'attention du répondant portée à l'autoadministration du questionnaire. Ce qui explique la parfaite compatibilité des résultats obtenus d'un côté pour la photographie en couleur, pour la photographie en noir et blanc de l'autre, dès lors que les questionnaires "à risque" ont été ôtés. A ce sujet, l'ensemble des répondants se dit être plus attiré par une publicité en couleur que par une publicité en noir et blanc, comme l'expriment les résultats et les représentations graphiques proposées ci-dessous. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 288 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Garçons attirés par Filles attirées par Ensemble attiré par Couleur N et B Couleur N et B Couleur N et B D'accord 60,87% 32,61% 58,82% 36,76% 59,65% 35,09% Pas d'accord 10,87% 26,09% 20,59% 26,47% 16,67% 26,32% Indifférents 28,26% 36,96% 20,59% 32,35% 23,68% 34,21% - 4,35% - 4,41% - 4,39% Ne savent pas Garçons plus attirés par une publicité utilisant une photographie couleur Garçons plus attirés par une publicité utilisant une photographie noir et blanc 4% 28% 33% 37% 61% 11% 26% D'accord Pas d'accord Indifférents Ne savent pas Filles plus attirées par une publicité utilisant une photographie couleur D'accord Pas d'accord Indifférents Ne savent pas Filles plus attirées par une publicité utilisant une photographie noir et blanc 5% 24% 35% 34% 60% 16% 26% D'accord Pas d'accord Indifférentes Ne savent pas On remarquera cependant que les garçons sont plus nombreux à être indifférents que les filles, que ce soit pour la couleur ou pour le noir et blanc. Toutefois on peut s'interroger de savoir D'accord Pas d'accord Indifférentes Ne savent pas si les réponses à l'attirance du noir et blanc ne sont pas en partie biaisées par le conditionnement dû à la réponse apportée à la question précédente. Au vu des résultats, nous pensons qu'il Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 289 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ pourra être intéressant de renouveler ce type de questions dans une prochaine enquête, en fractionnement l'échantillon en deux sous-groupes, de manière à alterner la présentation des deux questions, à l'instar de ce qui fut pratiqué pour les questions 5.G et 5.I suscitant un classement. Ces observations concluent les résultats généraux obtenus à l'aide de cette enquête. Nous allons dès lors pouvoir analyser les résultats spécifiques à l'objet de cette thèse. des résultats. Mais cette approche permet également une analyse comparative graphique plus rapide des résultats obtenus pour chacun des deux sexes, et d'un argument à l'autre, au regard de la question considérée1. Les premiers résultats traités sous cet angle sont ceux obtenus à la question 5.E sur l'attention portée à une publicité si la présence d'un personnage célèbre était détectée par le répondant. On obtient les résultats suivants : b / Résultats spécifiques A propos maintenant de l'utilisation de célébrités par la publicité, les questions 5.E et 5.F furent utilisées pour connaître le sentiment des répondants sur l'attention qu'ils pensaient porter à des publicités utilisant des célébrités. De même que pour les questions 5.B à 5.D, il ne s'agit pas de déduire ici une attitude, mais la perception par le répondant lui-même d'une motivation ou d'un frein dont il aurait conscience. Bien que nécessaires pour obtenir une information plus précise, les pourcentages n'expriment pas immédiatement l'attitude générale constatée. Plutôt que les histogrammes à multiples épaisseurs, nous proposons donc ici une construction sous forme de radars, tous de mêmes dimensions, tous orientés de la même manière et reprenant les cinq niveaux de réponse proposés par les échelles de LIKERT utilisées ici. Ils comportent l'avantage d'autoriser une appréciation plus facile __________________ 1 - La construction manuelle des surfaces de réponses explique le léger décalage sur certains radars (graphes multi-polaires), mais n'altère pas l'interprétation visuelle générale. Nous utiliserons cette représentation graphique à chaque fois pour exprimer les sentiments des répondants à l'égard des publicités recourant à des célébrités. Puis, pour bien distinguer les deux, nous reviendrons à l'utilisation des secteurs lorsqu'il s'agira de présenter le sentiment des répondants à l'égard des célébrités elles-mêmes. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 290 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Répondants déclarant regarder systématiquement une publicité utilisant une célébrité Répondants Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Indifférents Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Filles 27,94% 47,06% 11,76% 5,88% 7,35% Garçons 17,39% 63,04% 10,87% 8,70% - Ensemble 23,68% 53,51% 11,40% 7,02% 4,39% Regardent systématiquement la publicité si elle utilise une célébrité (groupe des filles) Regardent systématiquement la publicité si elle utilise une célébrité (groupe des garçons) Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférents On s'aperçoit immédiatement que les garçons comme les filles sont en majorité d'accord pour dire qu'ils portent systématiquement leur attention sur une publicité, dès lors que celle-ci utilise le concours d'une célébrité. On notera cependant que le sentiment des filles semble plus tranché que celui des garçons, car la surface de réponses s'étire plus vers le haut que sur le radar des filles alors que sur celui des garçons, il semble fuir vers la droite. Nous constaterons d'ailleurs plus tard que les filles furent proportionnellement plus nombreuses pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférents que les garçons à avoir le souvenir spontané d'avoir vu une célébrité dans les pages publicitaires du support. Pour affiner quelque peu l'attitude du lecteur face à une publicité utilisant une célébrité, la question 5.F venait compléter les résultats de la question précédente. Il était alors demandé au répondant si l'attention qu'il portait à cette publicité allait jusqu'à la prise de connaissance du nom du produit. On parvient au tableau de résultats suivant : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 291 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Répondants déclarant regarder systématiquement le nom du produit d'une publicité utilisant une célébrité Répondants Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Indifférents Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Filles 26,47% 44,12% 13,24% 11,76% 4,41% Garçons 17,39% 52,17% 19,57% 8,70% 2,17% Ensemble 22,81% 47,37% 15,79% 10,53% 3,51% Regardent systématiquement le nom du produit d'une publicité si elle utilise une célébrité (groupe des filles) Regardent systématiquement le nom du produit d'une publicité si elle utilise une célébrité (groupe des garçons) Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférents A l'étude simultanée des deux tableaux, on constate que l'ensemble des répondants se déclare attentif de manière sensible, à une publicité, ainsi qu'au produit qu'elle concerne, lorsque celle-ci utilise un personnage célèbre. Même si une fois encore le sentiment des filles est plus net que celui des garçons au sujet du produit plus particulièrement, on observera toutefois un léger tassement des résultats dans l'ensemble. Le pourcentage des répondants se déclarant attentifs diminue, aussi bien chez les garçons que chez les filles. Et la part des indifférents est alors légèrement plus importante chez les garçons que chez les filles. pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférents D'ailleurs, le comportement des garçons est en moyenne plus homogène que celui des filles sur ce sujet. En effet, si l'on observe le score moyen ainsi que la variance de ces scores, pour ces deux questions et chacun des deux groupes (avec pour échelle la notation suivante1 : "tout à fait d'accord" : 2, "d'accord" : 1, "Indifférent" : 0, "plutôt pas d'accord" : 1 et "pas d'accord du tout" : -2), on obtient les résultats suivants : __________________ 1 - Cette notation sera systématiquement retenue par la suite, lorsque la question concernée utilise une échelle de LIKERT, de manière à permettre des comparaisons quant à la dispersion des réponses des répondants. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 292 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Regardent la publicité Filles Garçons Ensemble Score moyen 0,82 0,89 0,85 Variance 1,28 0,63 1,01 Ecart-type 1,13 0,80 1,01 Ce qui nous donne alors la confirmation que dans l'ensemble, les filles comme les garçons sont d'accord pour dire qu'ils regardent systématiquement une publicité lorsque la présence d'un personnage célèbre est repéré. On notera que les scores moyens sont d'ailleurs peu différents d'un sexe à l'autre (filles : 0,82 ; garçons : 0,89). En revanche, l'analyse de la variance donne des résultats sensiblement différents d'un sexe à l'autre, mettant en lumière un comportement beaucoup plus homogène de la population masculine (variance : 0,62) comparativement à la population féminine (variance : 1,26) Effectuant la même analyse sur les résultats de la question suivante (5.F), traitant cette fois de l'attention portée au nom du produit plus particulièrement, on obtient le tableau de résultats suivant : Regardent le nom du produit Filles Garçons Ensemble Score moyen 0,76 0,74 0,75 Variance 1,23 0,86 1,07 Ecart-type 1,11 0,93 1,04 On observera qu'une fois encore le score moyen calculé exprimant l'accord pour chacun des deux sexes diffère peu, mais qu'en revanche, l'analyse de la variance montre une nouvelle fois des réponses beaucoup plus hétérogènes de la part de la population féminine, que de la part de la population masculine. On rappellera par ailleurs, que les deux questions portant sur des thèmes connexes, se suivaient dans l'ordre de présentation, ce qui peut en partie expliquer des résultats peu différents d'une question à l'autre. Toutefois, on obtient cependant d'une part confirmation que lors de la présence d'un personnage célèbre, l'attention portée systématiquement au nom du produit plus particulièrement est légèrement moindre, que celle portée systématiquement à la publicité en général, et ce, pour chacun des deux sexes (filles : 0,82 / 0,76 ; garçons : 0,89 / Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 293 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ 0,74). D'autre part, on remarque un léger "tassement" de la variance chez les filles de la question 5.E à la question 5.F (1,28 / 1,23), alors qu'elle augmente chez les garçons (0,63 / 0,86), bien que toujours moins importante que celle calculée pour le groupe des filles. D'où une réaction moins homogène chez les garçons, quant à l'attention portée au nom du produit par rapport à celle concernant l'attention portée en général à la publicité. Poursuivant l'étude avec les résultats de la question 5.G, nous pouvons alors déterminer le type de personnages célèbres le plus convaincant à leurs yeux, lorsqu'il s'agit de l'utiliser pour une publicité. Avant d'analyser le classement obtenu, il est nécessaire de préciser que lorsque la question fut rédigée, nous avions décidé de nous conformer à l'usage, en offrant une alternative par le biais d'une 11ème possibilité - autre choix - au cas où le type de personnages célèbres le plus crédible en publicité aux yeux du répondant, ne figurerait pas dans les dix proposés. Ce, alors que nous pensions couvrir la totalité des principaux types de personnages célèbres envisageables. A l'origine, ce 11ème choix n'avait donc pas d'autre objectif que d'éviter un éventuel biais dû à la contrariété potentielle du répondant pour lequel on aurait omis un type de personnages célèbres qui lui était cher. Or, le dépouillement nous révéla avec surprise une utilisation de cette alternative, largement supérieure à celle escomptée. Surprise d'autant plus grande qu'à la suite du pré-test nous avions limité aux trois principaux, le nombre des types de personnages à classer. En définitive, 18,42% des questionnaires retenus incluaient ce personnage célèbre du "11ème type", dans leur classement. Ce pourcentage nous semble très élevé dès lors qu'il illustre une démarche active de la part du répondant. Dès lors qu'il s'agit d'une utilisation spontanée en marge de 10 propositions déjà faîtes, on peut légitimement penser que ce 11ème personnage célèbre aurait probablement retenu l'attention d'autres répondants s'il avait été proposé dès le départ. Ces résultats devront donc être considérés dans cette optique et il sera impératif de l'intégrer dans les prochaines enquêtes sur ce thème. Impératif en effet, car les 18,42% de questionnaires qui utilisèrent ce 11ème type, le firent de surcroît tous sans exception pour le même type : le top-model, parfois cité comme "mannequin célèbre". Dans les pages qui précèdentnous avons indiqué la prépondérance grandissante notamment depuis la fin des années 801 , de ces nouvelles stars, en publicité. Mais c'était sans imaginer l'impact que semble déjà avoir ces visages et ces corps de rêve. Rappelons cependant que cette enquête ne portait pas sur un échantillon représentatif de la population nationale, mais à dessein sur un groupe d'étudiants d'âges et formations semblables. Toutefois, il n'en demeure pas moins que c'est là un enseignement de cette expérimentation, des plus intéressants. __________________ 1 - Voir notamment la note de bas de page qui y est consacrée page 42. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 294 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Les classements obtenus pour l'ensemble des répondants, nous fournissent suivant : le classement général CLASSEMENT GENERAL Rang 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Type de personnage Nb de points Acteur 215 Sportif 150 Journaliste 56 Personnage de fiction 55 Personnage Historique 52 Top-model 46 Musicien 40 Chanteur 38 Grand-cuisinier 19 Homme politique 7 Animateur 6 C'est donc sans grande surprise que nous constatons que l'acteur se détache très sensiblement des autres types de célébrités, et qu'il est suivi par le sportif1. Même s'il n'est pas possible d'extrapoler ces résultats, nous pensons que certains répondants ont pu être influencés par l'habitude, c'est à dire par les principaux types de porteparole célèbres qu'ils rencontrent en publicité. En revanche, nous fûmes surpris de trouver respectivement en 4ème et __________________ 1 - Sans surprise, car l'acteur est comme nous l'avons vu page 45, le type de porte-parole célèbre qui fut le plus utilisé à ce jour, suivi par le sportif dont l'utilisation augmente proportionnellement depuis quelques années. 5ème position, les types : "personnage historique" et "personnage de fiction" devançant notamment les types plus "classiques" que sont le musicien, le chanteur et l'animateur, beaucoup plus utilisés par la publicité. On pourra dès lors s'interroger à l'avenir sur l'intérêt de recourir à ces trois types de porteparole, plutôt qu'à un personnage historique ou encore à un personnage de fiction encore peu utilisé aujourd'hui. Cet étonnement est également à considérer au regard des résultats obtenus à la question 5.I sur les arguments d'une publicité utilisant une célébrité, jugés les plus convaincants par les répondants, que nous présenterons page 353. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 295 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ En revanche, ce classement reste compréhensible lorsque l'on observe les résultats obtenus aux questions 5.K et 5.L sur l'utilisation par la publicité de personnages célèbres décédés et de personnages de fiction. Ces deux dernières questions avaient été incorporées au questionnaire en raison de l'apparition de plus en plus fréquente dans les écrans publicitaires télévisés - et à un degré moindre dans les autres media - français et étrangers, de films utilisant tantôt des célébrités décédées, tantôt des célébrités par le biais des personnages de fiction qu'elles avaient interprétés. On parvint à l'obtention des résultats suivants : Répondants déclarant accepter qu'une publicité utilise un personnage célèbre décédé Répondants Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Indifférents Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Filles 41,18% 26,47% 17,65% 10,29% 4,41% Garçons 30,43% 30,43% 26,09% 6,52% 6,52% Ensemble 36,84% 28,07% 21,05% 8,77% 5,26% Acceptent qu'une publicité utilise un personnage célèbre décédé (groupe des filles) Acceptent qu'une publicité utilise un personnage célèbre décédé (groupe des garçons) Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférents Si le sentiment du groupe des filles apparaît une nouvelle fois plus nettement en faveur de l'acceptation du principe (score moyen de 0,90 contre 0,72), que celui des garçons, les répondants se disent favorables dans l'ensemble à l'utilisation de personnages célèbres décédés. pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférents On notera cependant une variance relativement importante pour chacun des deux groupes, comme le montrent les résultats du tableau présenté ci-dessous. Ce qui exprime une nouvelle fois, une relative hétérogénéité des réponses sur l'acceptation de l'idée (hétérogénéité légèrement plus prononcée chez les filles que chez les garçons). Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 296 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Acceptent l'idée Filles Garçons Ensemble Score moyen 0,90 0,72 0,82 Variance 1,39 1,33 1,37 Ecart-type 1,18 1,15 1,17 Maintenant, on remarquera d'autre part que lorsque les répondants se voient demander s'ils apprécient voir tableau et graphiques présentés cidessous - ce même principe, on observe un léger tassement de la surface de réponses sur les radars. Bien qu'exprimant toujours un avis favorable comme au sujet de l'acceptation du principe d'utilisation, les résultats sont plus nuancés sur l'appréciation. Alors que 64,91% des répondants se déclaraient d'accord en général sur le principe d'utilisation, ils ne sont plus que 57,02% pour l'apprécier. Ce chiffre reste cependant supérieur à la moyenne ce qui peut en partie contribuer à expliquer la 5ème position de ce type de personnages célèbres dans le classement général, ainsi bien entendu que la publicité pour les montres BREITLING avec Winston CHURCHILL et Franklin ROSSEVELT ait été autant remarquée par les répondants. Les résultats sont les suivants : Répondants déclarant apprécier qu'une publicité utilise un personnage célèbre décédé Répondants Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Indifférents Plutôt pas d'accord Filles 26,47% 30,88% 25,00% 13,24% 4,41% Garçons 23,91% 32,61% 23,91% 8,70% 10,87% Ensemble 25,44% 31,58% 24,56% 11,40% 7,02% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne Pas du tout d'accord 297 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Apprécient qu'une publicité utilise un personnage célèbre décédé (groupe des filles) Apprécient qu'une publicité utilise un personnage célèbre décédé (groupes des garçons) Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord pas du tout d'accord Indifférents Les surfaces de réponses rapprochant plus du carré ou pentagone que du "triangle élancé" pouvait logiquement craindre que Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord se du on les Indifférents réponses obtenues proviennent de sentiments très contrastés. C'est ce que confirme le tableau d'analyse de la variance présenté ci-dessous. Apprécient l'idée Filles Garçons Ensemble Score moyen 0,62 0,50 0,57 Variance 1,29 1,55 1,40 Ecart-type 1,14 1,25 1,18 Le score moyen confirme un accord moins puissant (filles : 0,90 / 0,62 ; garçons : 0,72 / 0,50) qu'en ce qui concerne l'acceptation de l'idée ellemême. Quant à l'analyse de la variance, elle exprime à nouveau un sentiment très contrasté au sein de chacun des groupes (filles : 1,39 / 1,29 ; garçons : 1,33 / 1,55) même si l'on note un tassement de cette hétérogénéité chez les filles et au contraire une accentuation chez les garçons. Concernant maintenant, le type : "personnage de fiction", les résultats sont encore plus nettement favorables, pour l'acceptation comme pour l'appréciation du principe d'utilisation. Comme on peut le constater à la lecture des résultats présentés ci-dessous, les surfaces de réponses semblent toutes fuir très nettement vers le sommet des radars par la droite. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 298 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Répondants déclarant accepter qu'une publicité utilise un personnage de fiction Répondants Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Indifférents Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Filles 42,65% 38,24% 16,18% 2,94% - Garçons 52,17% 39,13% 6,52% 2,17% - Ensemble 46,49% 38,60% 12,28% 2,63% - Acceptent qu'une publicité utilise un personnage de fiction (groupe des filles) Acceptent qu'une publicité utilise un personnage de fiction (groupe des garçons) Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord pas du tout d'accord Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord Indifférentes On obtient donc un sentiment très tranché en faveur de ce principe, car aucun répondant ne se déclare "pas du tout d'accord" sur le principe d'utilisation. Par ailleurs, on notera que ce sont cette fois les garçons (score moyen : 1,41) qui se montrent plus nettement favorables que les filles (score moyen : 1,21) au principe d'utilisation d'un personnage de fiction. Indifférents 80,89% des filles déclarent accepter ce principe, alors que 91,30% des garçons sont d'accord ou tout à fait d'accord ; la surface de réponses des garçons fuyant plus vers le sommet que celle des filles. Cette observation graphique est d'ailleurs confirmée par l'analyse du score moyen et de la variance présentée ci-dessous : Acceptent l'idée Filles Garçons Ensemble Score moyen 1,21 1,41 1,29 Variance 0,66 0,50 0,61 Ecart-type 0,81 0,72 0,78 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 299 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Supérieur à 1, le score moyen confirme parfaitement un accord presque total de chacun des sexes sur l'acceptation de l'idée, avec un score moyen légèrement plus élevé chez les garçons que chez les filles. Quant à la l'analyse de la variance, elle reflète un sentiment beaucoup plus homogène que celui constaté sur l'utilisation de personnages décédés, lors de la question précédente. On notera cependant que le score moyen légèrement plus élevé du groupe des filles s'accompagne d'une variance elle aussi légèrement plus forte que celle calculée pour le groupe des garçons. Cet avis légèrement plus favorable pour le groupe des garçons que pour celui des filles se confirme à l'étude des résultats concernant l'appréciation du principe cette fois, comme le montrent les résultats suivants : Répondants déclarant apprécier qu'une publicité utilise un personnage de fiction Répondants Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Indifférents Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Filles 44,12% 30,88% 17,65% 5,88% 1,47% Garçons 69,57% 19,57% 6,52% 4,35% - Ensemble 54,39% 26,32% 13,16% 5,26% 0,88% Apprécient qu'une publicité utilise un personnage de fiction (groupe des filles) Apprécient qu'une publicité utilise un personnage de fiction (groupe des garçons) Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférentes A l'étude des radars présentés ci-dessus, on peut aisément observer un sentiment général très favorable à propos de l'appréciation de l'utilisation d'un personnage de fiction dans une publicité. Toutefois, là encore l'appréciation du groupe des garçons pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférents est plus manifeste que celui des filles, dans lequel un plus grand nombre de répondants se déclarent indifférents. 89,14% des garçons disent apprécier ce principe en général alors que "seuls" 75% des filles ont le même sentiment. On peut apporter confirmation à cette Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 300 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ observation en présentant le calcul du score moyen : Apprécient l'idée Filles Garçons Ensemble Score moyen 1,10 1,54 1,28 Variance 0,97 0,64 0,89 Ecart-type 0,99 0,80 0,94 Le score moyen calculé pour le groupe des filles diminue (1,21 / 1,10) par rapport à celui obtenu pour la question sur l'acceptation de l'idée. Alors que celui calculé pour le groupe des garçons augmente (1,41 / 1,54) toujours par rapport à celui obtenu à la question précédente. On notera enfin que l'analyse de la variance révèle cette fois-ci une augmentation pour chacun des deux sexes, ce qui exprime un avis moins homogène quant à l'appréciation de l'idée que pour l'acceptation ellemême. Toutefois, c'est cette fois le groupe des filles qui fait preuve d'un sentiment plus hétérogène, même si dans l'ensemble cette hétérogénéité est moins importante que celle constatée à propos de l'utilisation d'une célébrité décédée. Ces résultats sont des plus intéressants dans le cadre de l'étude du classement des différents types de personnages célèbres jugés les plus convaincants et qui nous préoccupait initialement. Car en effet, ils contribuent à expliquer en partie la différence qui existe entre le classement proposé par les garçons et celui donné par les filles, notamment en ce qui concerne les personnages de fiction comme nous allons le constater. Poursuivons donc l'analyse de ces classements du type de personnages célèbres au regard du sexe du répondant. Compte tenu du fait que l'échantillon comportait plus de filles que de garçons, la prise en considération du nombre de points n'était plus significative ici. Dès lors, pour permettre une meilleure comparaison du classement réalisé par chacun des sexes, le nombre de points à été ramené proportionnellement à un pourcentage des points distribués par chacun de ces sexes. On obtient alors pour chacun des deux sexes, les résultats suivants : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 301 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Classement par les filles Rang 1 2 3 4 5 5 7 7 9 10 11 Type de personnage Classement par les garçons Part des points Acteur 33,82% Sportif 16,91% Journaliste 10,05% Personnage historique 8,09% Personnage de fiction 7,11% Chanteur 7,11% Musicien 5,39% Top-model 5,39% Grand cuisinier 4,66% Homme politique 0,98% Animateur 0,49% Les deux classements sont très sensiblement différents ce qui signifie donc que chacun des sexes n'attache pas la même valeur à chacun des types de porte-parole célèbres proposés. Alors que les garçons considèrent les sportifs comme les porte-parole publicitaires les plus convaincants, suivis de près par les acteurs, le binôme de tête est inversé chez les filles. De surcroît, la seconde position des sportifs chez les filles se Rang 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Type de personnage Part des points Sportif 29,35% Acteur 27,90% Personnage de fiction 9,42% Top-model 8,70% Personnage historique 6,88% Musicien 6,52% Journaliste 5,43% Chanteur 3,26% Animateur 1,45% Homme politique 1,09% Grand cuisinier - trouve très loin derrière celle les acteurs, alors que pour le groupe des garçons, les deux types de personnages obtiennent une part des points peu différente. Sur ce dernier point nous apporterons un élément d'explication avec l'analyse croisée permettant de comparer les résultats au regard du sexe du répondant et de la version du questionnaire auquel il était exposé. On notera également avec intérêt que les grands cuisiniers ne furent jamais cités par les garçons alors qu'ils apparaissent en 9ème position dans le classement des filles avec 4,66% des points ; que les journalistes obtiennent moitié moins de points chez les garçons que chez les filles ; et avec amusement, que les top-models se placent en 4ème position avec 8,70% des points chez les garçons, mais en 7ème position ex aequo seulement chez les filles avec 5,39% des points. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 302 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Dès lors que nous recherchions des volontaires pour cette expérimentation, il était a priori difficile d'obtenir un nombre identique de filles que de garçons, notamment au regard du support auquel les répondants allaient être exposés, qui lui-même comme nous l'avons vu, ne comporte pas dans la réalité, autant de lecteurs que de lectrices. En revanche, dès lors que deux versions du questionnaire1 étaient utilisées, il était impératif d'obtenir des groupes de taille sensiblement équivalente de manière à permettre une analyse comparative dans de bonnes conditions. Malheureusement, après le filtrage des questionnaires "à risques" les deux groupes de 66 questionnaires de chacune des versions devinrent 58 questionnaires de la version A et 56 de la version B. Cependant, compte tenu de la différence relativement faible, le test sur l'ordre fut maintenu. __________________ 1 - Voir en annexes le détail de l'élaboration du questionnaire page 684. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 303 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Tableau de répartition Version A Version B Filles 37 31 68 Garçons 21 25 46 Total 58 56 114 Comme détaillé dans l'analyse de la construction du questionnaire, l'ordre proposé par chacune des deux versions consistait simplement en une permutation complète des différents types proposés : Ordre des propositions de la version A 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Sportif Chanteur Personnage historique Animateur Acteur Homme politique Grand-cuisinier Journaliste Musicien Personnage de fiction Autre : . . . . . . . . . . . . . . . . . Total Ordre des propositions de la version B 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Personnage de fiction Musicien Journaliste Grand-cuisinier Homme politique Acteur Animateur Personnage historique Chanteur Sportif Autre : . . . . . . . . . . . . . . . . . Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 304 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Les classements et la répartition des points obtenus pour l'ensemble des répondants furent les suivants : Classement par l'ensemble des répondants version A du questionnaire Rang 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Type de personnage Part des points Acteur 30,17% Sportif 24,14% Journaliste 8,91% Personnage historique 7,18% Personnage de fiction 6,90% Top-model 6,61% Musicien 5,75% Chanteur 5,17% Grand cuisinier 3,74% Homme politique 1,44% Animateur - Classement par l'ensemble des répondants version B du questionnaire Rang 1 2 3 4 5 6 7 7 9 9 11 Type de personnage Part des points Acteur 32,74% Sportif 19,64% Personnage de fiction 9,23% Personnage historique 8,04% Journaliste 7,44% Top-model 6,85% Musicien 5,95% Chanteur 5,95% Grand cuisinier 1,79% Animateur 1,79% Homme politique 0,60% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 305 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Or, nous savions à l'étude des résultats par sexes, que c'est essentiellement le classement du groupe des filles qui permit au type "journaliste" de figurer à la troisième place du classement général. Par ailleurs, nous savions qu'un plus grand nombre de filles furent exposées à la version A qu'à la version B. Cela nous incita à pousser l'analyse sur un double croisement des données, par sexe et par type de version de questionnaire. Au regard des différences relativement peu importantes entre la version A et la version B, nous avancerons la conclusion que l'ordre des propositions n'a a priori pas véritablement influencé le classement proposé par l'ensemble des répondants, pour cette question. Seul le saut du type "journaliste" de la 5ème place pour la version B à la 3ème place pour la version A semblait difficilement explicable. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 306 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ On obtient alors les résultats suivants : Classement par les filles version A du questionnaire Rang 1 2 3 4 5 5 7 8 9 10 11 Type de personnage Classement par les filles version B du questionnaire Part des points Acteur 27,48% Sportif 18,92% Journaliste 11,26% Personnage historique 9,46% Personnage de fiction 6,76% Chanteur 6,76% Musicien 6,31% Grand cuisinier 5,86% Top-model 5,41% Homme politique 1,80% Animateur - Quelques différences sont perceptibles dans le classement du groupe des filles suivant qu'elles furent exposées à la version A ou à la version B. Ces différences sont en partie dues au très grand nombre de filles qui, exposées à la version B du questionnaire, choisirent le type "acteur" comme étant le type de porte- Rang 1 2 3 4 4 6 7 8 9 10 11 Type de personnage Part des points Acteur 41,40% Sportif 14,52% Journaliste 8,60% Personnage de fiction 7,53% Chanteur 7,53% Personnage historique 6,45% Top-model 5,38% Musicien 4,30% Grand cuisinier 3,23% Animateur 1,08% Homme politique - parole célèbre le plus convaincant. Nous n'avons aucune explication à fournir sur ce gonflement du pourcentage quant à la construction de la question, dès lors que le type "acteur" est justement l'un des deux types situés au milieu, dans l'ordre des propositions faites par la version A comme dans celui de la version B. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 307 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Classement par les garçons version A du questionnaire Rang 1 2 3 4 5 5 7 8 9 10 11 Type de personnage Classement par les garçons version B du questionnaire Part des points Acteur 34,92% Sportif 33,33% Top-model 8,73% Personnage de fiction 7,14% Musicien 4,76% Journaliste 4,76% Personnage historique 3,17% Chanteur 2,38% Homme politique 0,79% Grand cuisinier - Animateur - Rang 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Type de personnage Part des points Sportif 26,00% Acteur 22,00% Personnage de fiction 11,33% Personnage historique 10,00% Top-model 8,67% Musicien 8,00% Journaliste 6,00% Chanteur 4,00% Animateur 2,67% Homme politique 1,33% Grand cuisinier - place du classement. A l'étude des deux groupes dans leur ensemble, nous avions observé que si les filles indiquaient de manière sensible que l'acteur était à leurs yeux le type de porte-parole célèbre le plus convaincant, les garçons trouvaient qu'il s'agissait du sportif. Or, à l'étude du groupe des garçons pour chacune des fractions exposées à l'une ou l'autre des versions du questionnaire, on trouve l'explication du fait qu'ils placent le sportif en tête de classement, mais immédiatement suivi par l'acteur. Le classement effectué par le groupe des garçons suivant la version du questionnaire est plus intéressant. En effet, il présente une information importante à propos de la première En effet, seuls les garçons exposés à la version B placent le sportif en première position, alors que ceux exposés à la version A rejoignent sur ce point le sentiment des filles, en plaçant l'acteur en première position, certes, immédiatement suivi par le sportif. Faut-il y voir une influence des garçons Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 308 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ prochaines études, d'obtenir des échantillons de tailles rigoureusement identiques par version de questionnaire, de manière à éviter ce genre de biais. par l'ordre des propositions des types de porte-parole ? Cela semble difficile à établir dès lors que le sportif arrive en tête du classement des garçons exposés à la version B du questionnaire, version qui justement présente le type "sportif" en dernière position, juste avant la 11ème possibilité "autre". En revanche, le fait que les garçons exposés à la version B du questionnaire soient plus nombreux que ceux exposés à la version A contribue à différencier le classement général des garçons au regard de celui des filles. D'où l'impératif pour nos A présent et plus particulièrement au sujet des publicités contenues dans ce magazine, une très nette majorité de répondants (64,04%) répondirent y avoir vu des publicités avec des personnages qu'ils connaissaient (question 3.B). Publicités avec des personnages connus Attitude Garçons Filles Ensemble D'accord 60,87% 66,18% 64,04% Pas d'accord 13,04% 10,29% 11,04% Ne savent pas 26,09% 23,53% 24,56% Souvenir spontané de publicités avec des personnages connus 70% 60% 50% D'accord 40% Ne savent pas 30% Pas d'accord 20% 10% 0% Garçons Filles Ensemble Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 309 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ tournoi des Internationaux de tennis de ROLAND GARROS. De la même manière, on pouvait craindre a priori, que Isabella ROSSELLINI plus topmodel qu'actrice de cinéma à ce jour, ne puisse être identifiée de manière nominative par tous les répondants qui connaissaient son visage. Ou encore que Jenna de ROSNAY bénéficie de la capitalisation du souvenir créée par la diffusion à la télévision au moment de l'enquête, d'un film publicitaire avec elle pour LES POLYSIANES. Autant de biais qu'il était très difficile de maîtriser. Et l'on s'aperçoit également à l'observation du graphique, que les filles étaient proportionnellement, légèrement plus nombreuses que les garçons à penser que le magazine comportait des publicités, dont elles connaissaient les personnages. De manière à juger une fois encore du souvenir spontané des répondants à propos de ces personnages connus et reconnus ici, les répondants étaient également sollicités pour identifier nommément les personnages qu'ils pensaient avoir reconnus (question 3.C). Toutes ces craintes allaient en définitive s'effacer les unes après les autres pour laisser place à des résultats parfois très surprenants. Des résultats relativement bons dans l'ensemble pour une question de souvenir spontané de ce type, et où l'on constate que le souvenir des filles est légèrement supérieur à celui des garçons, pour 4 des 6 personnages célèbres utilisés par une publicité dans ce magazine. Lorsque l'on pose ce type de question pour établir un souvenir spontané, on s'expose toujours au biais de la notoriété subjective des personnages étudiés. Certes, nous nous adressions à un public jeune ce qui réduit en partie ce biais, mais l'on pouvait par exemple craindre que le souvenir de la joueuse Gabriela SABATINI soit excessivement élevé en raison de la proximité temporelle du Souvenir spontané de personnages connus Célébrités Garçons Filles Ensemble Oui Non Oui Non Oui Non Isabella Rossellini 32,61% 67,39% 38,24% 61,76% 35,96% 64,04% Winston Churchill 21,74% 78,26% 7,35% 92,65% 13,16% 86,84% Franklin Roosevelt 2,17% 97,83% 1,47% 98,53% 1,75% 98,25% Gérard Lanvin 21,74% 78,26% 26,47% 73,53% 24,56% 75,44% Jenna de Rosnay 13,04% 86,96% 23,53% 76,47% 19,30% 80,70% Gabriela Sabatini 8,70% 91,30% 7,35% 92,65% 7,89% 92,11% Autre (absent) 4,35% 95,65% 13,24% 79,41% 9,65% 90,35% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 310 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ L'étude graphique résultats permet de immédiatement sur de ces constater quel(s) personnage(s) les différences surviennent entre les deux sexes : Souvenir spontané de personnages connus 40% 35% 30% Isabella Rossellini Gérard Lanvin 25% Jenna de Rosnay Winston Churchill 20% Autre 15% Gabriela Sabatini Franklin Roosevelt 10% 5% 0% Garçons Filles Même si la publicité LANCÔME figurait en deuxième de couverture, on notera le très bon résultat de l'actrice mannequin Isabella ROSSELLINI avec 35,96% des répondants qui connaissaient son nom et se souvinrent spontanément l'avoir vue dans les pages du support. Un résultat supérieur chez les filles que chez les garçons, qu'il est possible d'attribuer en partie à la publicité elle-même, puisque comme nous l'avons vu dans les pages qui précèdent, celle-ci obtint de meilleurs résultats en souvenir spontané comme en souvenir assisté, chez les filles que chez les garçons. Très bon souvenir spontané également de l'acteur Gérard LANVIN Ensemble avec 24,56% des répondants ayant le souvenir de l'avoir vu. Ce, alors lors qu'il figurait sur une publicité simple page - et non double comme les 4 autres -, au surplus située à gauche, et dès lors qu'il n'était pas cité. A nouveau, la population féminine fut proportionnellement plus nombreuse que la population masculine à s'en souvenir. Le score de la véliplanchiste Jenna de ROSNAY - notamment chez les filles - fut également très bon. Très bon, mais surtout très largement supérieur au résultat obtenu par la marque. Rappelons également pour modérer ces meilleurs résultats obtenus par la population féminine, qu'il s'agissait dans ces trois cas de produits Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 311 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ qui leur étaient plus particulièrement destinés. Mais le cas le plus intéressant est sans doute celui des hommes politiques Winston CHURCHILL et Franklin ROOSEVELT, utilisés par la marque de montres BREITLING. Winston CHURCHILL obtint un très bon score de souvenir spontané de 13,16% en général ; score atteignant même 21,74% auprès de la population masculine, beaucoup plus touchée a priori que la population féminine (7,35%). Mais le phénomène le plus marquant demeure l'extraordinaire impact du Premier Ministre britannique par rapport au Président des États-unis d'alors, Franklin ROOSEVELT. Ce dernier n'obtint le souvenir que de 1,75% des répondants, avec une "majorité" de garçons. Or, le cas devient particulièrement intéressant lorsque l'on se souvient que les deux personnages ont la même importance, sur la photographie d'archives, détournée par la publicité. Certes, l'emplacement central de Winston CHURCHILL est peut-être plus favorable à l'impact que celui de Franklin ROOSEVELT, et il est le seul des deux personnages à "s'exprimer". Mais nous pensons qu'il s'agit plus probablement d'une méconnaissance relative de la part de l'échantillon, du visage de Franklin ROOSEVELT par rapport à celui de Winston CHURCHILL, plus directement lié à l'Histoire de la France. Rappelons, que les personnages n'étaient pas nommés. Quant à Gabriela SABATINI, avec 7,89%, son résultat demeure l'un des plus mauvais, peut-être parce qu'une fois encore la publicité était située en fin de support. Mais l'on peut penser que ce résultat est également dû au fait que la photographie de la joueuse de tennis faisant indirectement l'objet du jeu concours n'était pas immédiatement identifiable. Le résultat reste cependant très faible au regard de l'hypothèse émise au départ, sur un éventuel parasitage favorable des Internationaux de tennis de ROLAND GARROS. A propos de la rubrique "autre", elle regroupe toutes les citations de personnages célèbres que les répondants (9,65%) pensaient avoir rencontrés dans le magazine, mais qui n'y figuraient pas. On retiendra ici, une meilleure qualité du souvenir chez les garçons que chez les filles, beaucoup plus nombreuses à avoir eu le souvenir d'un personnage inexistant. Mais dans l'ensemble et toujours considération faite des modalités d'administration du questionnaire, ce "taux d'erreur" ne nous semble pas excessif. Par ordre d'apparition les citations erronées portèrent sur Paulina PORIZKOVA - le mannequin vedette des cosmétiques ESTEE LAUDER, absent des annonceurs du magazine - (3 citations), Catherine DENEUVE (2 citations), Gabrielle LAZURE, Carole BOUQUET, Yves ROCHER, Johnny HALLYDAY, Ingrid BERGMAN et Michael DOUGLAS (1 citation chacun). Si l'on observe à présent les résultats de l'analyse comparative du souvenir spontané respectif de personnages connus au regard de ceux obtenus à la question 1.B, sur le souvenir spontané de la marque, on obtient les tableaux et les graphiques présentés ci-dessous. L'utilisation de Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 312 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ de la célébrité afférente, pour chacun des deux sexes. graphiques permet à nouveau une analyse comparative immédiate entre le souvenir spontané de la marque et celui Analyse comparative souvenir spontané : marque / célébrité Garçons Filles Total Marque Lancôme 26,09% 29,41% 28,07% Isabella Rossellini 32,61% 38,24% 35,96% 40% 35% 30% 25% 20% Marque Lancôme 15% Isabella Rossellini 10% 5% 0% Isabella Rossellini Garçons Marque Lancôme Filles Total Dans le cas de la publicité pour la marque LANCÔME présentée cidevant, on constate manifestement que le nom de la célébrité génère plus facilement le souvenir spontané que le nom de la marque elle-même. Nous rappellerons ici que la question sur le souvenir spontané de personnages connus (question 3.C) intervenait bien après celle sur le souvenir spontané de marques publicitaires (question 1.B) et qu'il était impossible au répondant de revenir en arrière pour corriger ou compléter éventuellement ses réponses précédentes. Il n'en reste pas moins que les résultats demeurent extrêmement bons pour une célébrité, qui comme nous l'avons déjà dit, est essentiellement top-model et donc pour laquelle a priori le consommateur moyen a rarement connaissance de son nom. Maintenant, on peut également ajouter que ces résultats ne peuvent en aucun cas ici exprimer une nuisance du souvenir de la célébrité par rapport à celui de la Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 313 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ marque, dès lors que Isabella ROSSELLINI est sous contrat exclusif pour LANCÔME1. L'association Isabella ROSSELLINI / LANCÔME ne peut normalement pas être parasitée par d'autres prestations publicitaires. Concernant maintenant la publicité pour la marque BREITLING qui utilisait les personnages de Winston CHURCHILL et Franklin D. ROOSEVELT : __________________ 1 - Voir à ce sujet page 397, le détail du cas du porte- parole officiel. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 314 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Analyse comparative souvenir spontané : marque / célébrité Garçons Filles Total Marque Breitling 30,43% 8,82% 17,54% Winston Churchill 21,74% 7,35% 13,16% 2,17% 1,47% 1,75% Franklin Roosevelt 35% 30% 25% 20% Franklin Roosevelt 15% Winston Churchill 10% Marque Breitling 5% Marque Breitling 0% Winston Churchill Garçons Franklin Roosevelt Filles Total La situation est inversée dans le cas de la publicité pour la marque BREITLING, dont nous avons déjà souligné les excellents résultats. Ici, le souvenir spontané du nom de la marque l'emporte sur celui des personnages historiques célèbres qui furent utilisés. Au titre des éléments pouvant contribuer à expliquer cette situation, nous avancerons le fait que Winston CHURCHILL et Franklin D. ROOSEVELT sont des personnages historiques, et que par conséquent leur médiatisation actuelle est résiduelle, comparativement à celle des autres célébrités qui font ici l'objet d'une étude. Certes, le public jeune auquel s'adressait ce questionnaire était sensé connaître ces figures de l'Histoire relativement récente, mais les Français dans leur ensemble ayant déjà des difficultés à se souvenir de leurs propres Présidents, peut-être ne fallaitil pas dès le départ trop espérer pour ces deux hommes politiques étrangers. On pourra cependant s'interroger sur la disproportion des résultats concernant Winston CHURCHILL, d'un groupe à l'autre. Pourquoi les garçons furent-ils à ce point plus sensibles au souvenir du Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 315 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Premier Ministre britannique que les filles ? Les garçons sont-ils réellement plus sensibles à l'Histoire que les filles ? Difficile de trouver une explication rationnelle à cette différence, d'autant plus que dans le classement des types de personnages célèbres jugés les plus convaincants et présenté ci-dessus, le type "personnage historique" intervient relativement à la même position et sensiblement avec le même résultat d'un groupe à l'autre (5ème position avec 6,88% chez les garçons et 4ème position avec 6,93% chez les filles). Analyse comparative souvenir spontané : marque / célébrité Garçons Filles Total Marque Variance 10,87% 7,35% 8,77% Gérard Lanvin 21,74% 26,47% 24,56% 30% 25% 20% 15% Marque Variance 10% Gérard Lanvin 5% 0% Gérard Lanvin Garçons Marque Variance Filles Total Nouvelle inversion de situation pour la publicité de la marque VARIANCE avec l'acteur Gérard LANVIN. C'est ici à nouveau la célébrité qui obtint le souvenir spontané d'un nombre supérieur de répondants, au regard de ceux qui se souvinrent spontanément du nom de la marque. On notera cependant avec intérêt de l'analyse comparative des deux sexes. En effet, si les garçons sont proportionnellement plus nombreux que les filles à citer spontanément le nom de la marque VARIANCE, ces dernières sont proportionnellement plus nombreuses que les garçons à citer spontanément le nom de l'acteur Gérard LANVIN. Ce, alors que le Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 316 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ publicité se tromperait-elle de cible ? produit est très féminin a priori. La Analyse comparative souvenir spontané : marque / célébrité Garçons Filles Total 4,35% 1,47% 2,63% 13,04% 23,53% 19,30% Marque Les Polysianes Jenna de Rosnay 25% 20% 15% Marque Les Polysianes 10% Jenna de Rosnay 5% 0% Jenna de Rosnay Garçons Marque Les Polysianes Filles Total Il est possible - à une moindre échelle - de faire le même constat pour la publicité de la marque LES POLYSIANES avec Jenna de ROSNAY. Le souvenir spontané de la célébrité utilisée devance largement celui de la marque. Publicitairement parlant, les résultats sont encore plus catastrophiques pour les filles que pour les garçons, tant l'écart entre le nombre de celles qui mentionnèrent spontanément le nom de la célébrité et celui de celles qui se souvinrent spontanément de celui de la marque est grand. Par ailleurs, à l'instar de la publicité pour la marque VARIANCE, les garçons sont proportionnellement plus nombreux à se souvenir spontanément de la marque que les filles. Alors que ces dernières se souviennent spontanément proportionnellement plus de Jenna de ROSNAY que les garçons. Ces résultats pour VARIANCE comme pour LES POLYSIANES nous apparaissent assez étranges, dès lors que s'agissant de produits à connotation féminine dans les deux cas, l'on aurait pu sans surprise s'attendre au résultat inverse. A savoir que les garçons qui ne sont a Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 317 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ publicitaire, que le nom de la marque elle-même. Or, dans les deux cas, cette hypothèse est démentie priori pas visés directement par ces produits mémorisent spontanément et toujours proportionnellement, davantage le nom du porte-parole ! Analyse comparative souvenir spontané : marque / célébrité Garçons Filles Total Marque Hollywood 6,52% 1,47% 3,51% Gabriela Sabatini 8,70% 7,35% 7,89% 9% 8% 7% 6% 5% 4% Marque Hollywood 3% Gabriela Sabatini 2% 1% 0% Gabriela Sabatini Garçons Marque Hollywood Filles Total Résultats encore plus décevants pour la publicité de la marque HOLLYWOOD avec la joueuse de tennis Gabriela SABATINI, où encore une fois le souvenir spontané de la marque est devancé par celui de la célébrité. Observons cependant une nouvelle fois - voir échelle du graphique - que tous les résultats de cette association sont par ailleurs très faibles - en nombre de répondants - et donc moins significatifs que ceux des premières associations étudiées. Concernant ces 5 publicités, il apparaît donc que dans l'ensemble la célébrité ait un impact supérieur à la publicité elle-même, toujours en termes de souvenir spontané. Mais, il est impossible de généraliser sur le terme de "célébrité" car dans le cas de la marque BREITLING, on constate au Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 318 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ correspondante, parmi les répondants qui se rappelèrent spontanément avoir vu la marque concernée. Puis dans un second temps, la part des répondants qui se souvinrent de la marque comme étant présente publicitairement dans le support, parmi ceux qui eurent le souvenir spontané de la célébrité correspondante. contraire que le souvenir spontané de la publicité elle-même est supérieur à celui-ci des célébrités très particulières utilisées ici. Pratiquons maintenant une double analyse croisée de manière à comparer la part de ceux qui eurent le souvenir spontané de la célébrité souvenir spontané de la célébrité SI souvenir spontané de la marque Filles Garçons Ensemble Isabella Rossellini si Lancôme 75,00% 66,67% 71,88% Winston Churchill si Breitling 33,33% 50,00% 45,00% Franklin Roosevelt si Breitling - 7,14% 5,00% Gérard Lanvin si Variance 60,00% 80,00% 70,00% Jenna de Rosnay si Les Polysianes 16,67% 28,57% 23,08% - 33,33% 25,00% Gabriela Sabatini si Hollywood Analyse croisée du souvenir spontané de la célébrité si souvenir spontané de la marque 80,00% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00% Isabella Rossellini si Lancôme Winston Churchill si Breitling Filles Gérard Lanvin si Variance Franklin Roosevelt si Breitling Garçons Jenna de Rosnay si Les Polysianes Gabriela Sabatini si Hollywood Ensemble Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 319 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Le graphique précédent illustre clairement le fait qu'une large majorité des répondants qui se souvinrent spontanément d'avoir vu une publicité pour la marque LANCÔME, se rappelèrent également spontanément d'avoir vu le top-model Isabella ROSSELLINI (avec un pourcentage légèrement meilleur pour les filles que pour les garçons). Il en va de même pour la publicité de la marque VARIANCE et de l'acteur Gérard LANVIN (avec cette fois une part plus importante chez les garçons que chez les filles). Concernant la publicité pour la marque BREITLING, la moitié des garçons qui en eurent le souvenir, se souvinrent également du personnage de Winston CHURCHILL, alors que ce dernier n'était cité que par un tiers des filles s'étant rappelé de la marque. En revanche, confirmation nous est donnée, de l'impact très limité du personnage de Franklin ROOSEVELT que seuls nommèrent 7,14% des garçons qui eurent le souvenir de la marque, alors qu'aucune fille ayant eu ce souvenir ne cita ce nom. Or, dans le cas de ce dernier personnage, on se souvient que 1,47% de l'ensemble du groupe des filles en eurent le souvenir spontané. Ce qui constitue un phénomène particulier, en ce sens où dans l'ensemble le personnage de Franklin ROOSEVELT retint peu l'attention des répondantes. Mais de surcroît, ces résultats montrent qu'il ne retint l'attention que de filles n'ayant pas eu le souvenir spontané de la marque. Le peu de répondantes concernées ne nous permet pas d'affirmer que le personnage historique "vampirisa" le nom de la marque aux yeux des filles, mais constitue cependant un cas très intéressant. Mauvaise performance relative également de la véliplanchiste Jenna de ROSNAY dont la présence ne fut mémorisée que par 28,57% des garçons qui se souvinrent de la marque et 16,67% des filles. Quant à Gabriela SABATINI, à l'exemple de Franklin ROOSEVELT, aucune fille ne s'en souvint, alors qu'un tiers des garçons qui se rappelèrent de la marque, eurent également le souvenir de la joueuse de tennis. On rappellera toutefois à nouveau ici que le nombre de répondants considérés dans le cas de la marque HOLLYWOOD était très peu important. Toutefois, on observera avec intérêt - à l'instar de ce qui avait été constaté pour Franklin ROOSEVELT et BREITLING et pour le même groupe des filles - que 7,35% avaient eu le souvenir spontané d'avoir vu Gabriela SABATINI dans les pages du magazine. Ce qui signifie une nouvelle fois, que toutes les filles qui eurent le souvenir spontané de la joueuse de tennis, n'eurent pas le souvenir de la marque HOLLYWOOD. On remarquera enfin - à la seule exception d'Isabella ROSSELLINI pour LANCÔME - que dans l'ensemble, les garçons qui eurent le souvenir spontané de la marque eurent plus facilement que les filles le souvenir spontané de la célébrité correspondante. Si l'on inverse maintenant l'analyse croisée, en recherchant la part des répondants qui eurent le souvenir Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 320 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ de la marque, parmi ceux qui citèrent spontanément le nom de la célébrité souvenir spontané de la marque SI souvenir spontané de la célébrité correspondante, on obtient le tableau de résultats et le graphique suivants : Filles Garçons Ensemble Lancôme si Isabella Rossellini 57,69% 53,33% 74,19% Breitling si Winston Churchill 40,00% 70,00% 60,00% Breitling si Franklin Roosevelt - 100,00% 50,00% 16,67% 40,00% 25,00% 6,25% 40,00% 14,29% - 25,00% 11,11% Variance si Gérard Lanvin Les Polysianes si Jenna de Rosnay Hollywood si Gabriela Sabatini Analyse croisée du souvenir spontané de la marque si souvenir spontané de la célébrité 100,00% 90,00% 80,00% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00% Lancôme si Isabella Rossellini Breitling si Winston Churchill Breitling si Franklin Roosevelt Filles La première information communiquée par ce dernier graphique - par rapport à celui de l'analyse croisée précédente - est l'obtention de résultats sensiblement plus différents d'un sexe à l'autre ; notamment au regard du souvenir de la marque BREITLING, Variance si Gérard Lanvin Garçons Polysianes si Jenna de Rosnay Hollywood si Gabriela Sabatini Ensemble parmi ceux qui eurent le souvenir du personnage de Franklin ROOSEVELT. Mais là encore, cela concerne un trop petit nombre de répondants pour être considéré comme réellement significatif. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 321 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ En revanche, il apparaît toujours à l'exception de la marque LANCÔME et d'Isabella ROSSELLINI - que dans l'ensemble, le souvenir de la marque par les garçons ayant eu le souvenir de la célébrité soit sensiblement meilleur que celui des filles répondant aux mêmes critères. On notera également avec intérêt une nouvelle fois pour l'ensemble des répondants, la tendance décroissante des résultats, plus la publicité est située vers la fin du support. Ce qui signifie que plus la publicité est éloignée du début du magazine, moins le souvenir spontané de la marque existe chez les répondants qui eurent le souvenir spontanée de la célébrité. Or, ce phénomène n'apparaissait pas sur le graphique de l'analyse croisée précédente. Si l'on superpose maintenant le tracé des deux analyses croisées, on obtient les représentations suivantes : Analyse comparative du souvenir spontané de la marque si souvenir spontané de la célébrité et du souvenir spontané de la célébrité si souvenir spontané de la marque (ensemble des répondants) 80,00% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00% Isabella Rossellini / Lancôme Winston Churchill / Breitling Franklin Roosevelt / Breitling célébrité si marque Pour l'ensemble des répondants, on s'aperçoit instantanément que seule l'association LANCÔME / Isabella ROSSELINI obtient une part des répondants ayant eu le souvenir spontané de la marque si ils se rappelaient spontanément avoir vu la Gérard Lanvin / Variance Jenna de Rosnay / Polysianes Gabriela Sabatini / Hollywood marque si célébrité célébrité correspondante, relativement identique à la part des répondants ayant eu le souvenir spontané de la célébrité si ils se rappelaient spontanément avoir vu la marque correspondante. Le "transfert" célébrité Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 322 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ / marque et réciproquement, fonctionne bien dans l'esprit des répondants. Toutes les autres publicités génèrent des résultats différents suivant le sens suivi par l'analyse croisée. Ce qui montre bien que la réaction des répondants quant au souvenir des deux éléments principaux qui nous intéressait - marque et célébrité - ne fut pas la même, avec parfois des comportements presque opposés. Ainsi, il est manifeste que le souvenir spontané de Franklin ROOSEVELT générait un bon souvenir spontané de la marque BREITLING, alors que le souvenir spontané de la marque VARIANCE si les répondants se souvenaient de Gérard LANVIN était bien moins bon que celui de Gérard LANVIN lui-même si les répondants se souvenait de VARIANCE. D'ailleurs, on perçoit ici immédiatement que les trois premières associations génèrent un meilleur souvenir spontané de la célébrité dans le cas d'un souvenir spontané de la marque ; alors qu'à l'inverse, les trois dernières associations expriment un meilleur souvenir spontané de la marque dans le cas d'un souvenir de la célébrité. Au regard de l'emplacement de la publicité dans le support, cela pourrait signifier que l'association "marque si célébrité" est plus favorable lorsque la publicité est insérée dans les premières pages du magazine. Mais un test du type split-run serait ici nécessaire pour vérifier pleinement cette hypothèse. Faute de pourvoir disposer de cette étude complémentaire, on notera cependant que pour l'ensemble des répondants, le souvenir spontané de la marque dans le cas du souvenir spontané de la célébrité, est proportionnellement plus important que le souvenir spontané de la célébrité dans le cas du souvenir spontané de la marque, à propos des trois premières associations (LANCÔME / Isabella ROSSELLINI, BREITLING / Winston CHURCHILL et BREITLING / Franklin ROOSEVELT). On constate le phénomène inverse dans le cas des trois dernières associations (VARIANCE / Gérard LANVIN, LES POLYSIANES / Jenna de ROSNAY, Gabriela SABATINI / HOLLYWOOD). Quant à l'analyse de la superposition de ces deux tracés pour chacun des deux sexes, elle met en évidence des résultats sensiblement différents d'un sexe à l'autre. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 323 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Analyse comparative du souvenir spontané de la marque si souvenir spontané de la célébrité et du souvenir spontané de la célébrité si souvenir spontané de la marque (groupe des filles) 80,00% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00% Isabella Rossellini / Lancôme Winston Churchill / Breitling Franklin Roosevelt / Breitling célébrité si marque Concernant le groupe des filles, il apparaît qu'à l'exception de l'association BREITLING / Winston CHURCHILL, le souvenir des deux éléments - marque et célébrité - se fait mieux dès lors que l'on considère l'ensemble des répondantes qui ont eu le souvenir spontané de la marque, que si l'on considère au départ l'ensemble des répondantes qui ont eu le souvenir spontané de la célébrité. Cela montre qu'a priori pour le groupe des filles, le souvenir de la marque génère plus facilement celui de la célébrité, que l'inverse. L'exemple le plus caractéristique étant celui de l'association VARIANCE / Gérard LANVIN. Par ailleurs, on retrouve également l'expression des très mauvais résultats à propos des Gérard Lanvin / Variance Jenna de Rosnay / Polysianes Gabriela Sabatini / Hollywood marque si célébrité associations Franklin ROOSEVELT / BREITLING et Gabriela SABATINI / HOLLYWOOD. L'absence de résultats illustre ici l'absence de lien dans l'esprit des filles, entre la célébrité et la marque. Le graphique exprime immédiatement le fait que le souvenir spontané de l'une ou l'autre n'a, dans aucun cas, engendré le souvenir spontané du second élément. A propos du groupe des garçons, le graphique illustre le fait que le souvenir spontané de la marque BREITLING, lors du souvenir spontané de Winston CHURCHILL est moins important que celui de la marque, lors du souvenir de Franklin ROOSEVELT. Alors que l'inverse se produit pour ces deux personnages au sujet du souvenir de la célébrité, lors du souvenir de la marque. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 324 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Analyse comparative du souvenir spontané de la marque si souvenir spontané de la célébrité et du souvenir spontané de la célébrité si souvenir spontané de la marque (groupe des garçons) 100,00% 90,00% 80,00% 70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00% Isabella Rossellini / Lancôme Winston Churchill / Breitling Franklin Roosevelt / Breitling célébrité si marque Cela signifie que le souvenir de la marque était proportionnellement beaucoup plus facilement lié au souvenir de Franklin ROOSEVELT. Alors que c'est le souvenir de Winston CHURCHILL qui semble proportionnellement beaucoup plus facilement lié au souvenir de BREITLING. Cela prouve si besoin était, ô combien deux personnages célèbres de même type - a priori d'importance semblable - peuvent générer des réactions très différentes d'un personnage à l'autre, et même d'un répondant à l'autre - notamment au regard du sexe de ce répondant. On constate également un meilleur lien pour le groupe des garçons que pour le groupe des filles à Gérard Lanvin / Variance Jenna de Rosnay / Polysianes Gabriela Sabatini / Hollywood marque si célébrité propos de associations HOLLYWOOD / Gabriela SABATINI et Jenna de ROSNAY / LES POLYSIANES quel que soit le sens de l'analyse croisée ; en ne manquant pas de noter cependant pour ce dernier, que le souvenir de la marque dans le cas du souvenir spontané de la célébrité, est meilleur que celui de la célébrité dans le cas du souvenir spontané de la marque pour le groupe des garçons. Alors que l'inverse se produisit pour le groupe des filles. Cela pourrait signifier a priori que la marque LES POLYSIANES est proportionnellement plus facilement liée à la célébrité, que Jenna de ROSNAY à la marque pour les filles. Alors que pour les filles c'est proportionnellement Jenna de ROSNAY qui est plus facilement liée à Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 325 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ pour l'ensemble des répondants et pour chacun des deux sexes, les résultats présentés ci-après. Le tracé labellé "produit ou marque" représente l'ensemble des répondants ayant identifié partiellement ou totalement la prestation publicitaire de la célébrité. Les trois autres tracés sont totalement indépendants les uns des autres. la marque, que LES POLYSIANES à la célébrité. Et si l'on poursuit l'analyse en observant maintenant les résultats obtenus à la question 5.M, pour connaître le lien fait par les répondants entre le nom de la célébrité et une marque et/ou un produit, on obtient Ensemble des répondants identification du produit noms proposés Identification de la marque Identification de la marque et du produit Identification de la marque ou du produit Isabella Rossellini 3,51% 46,49% 10,53% 60,53% Winston Churchill 8,77% 25,44% 16,67% 50,88% Franklin Roosevelt 6,14% 14,04% 9,65% 29,82% Gérard Lanvin 10,53% 13,16% 10,53% 34,21% Jenna de Rosnay 21,05% 14,04% 5,26% 40,35% Gabriela Sabatini 1,75% 14,91% 10,53% 27,19% Ensemble des répondants 70% 60% 50% Produit 40% Marque Produit + marque 30% Produit ou marque 20% 10% 0% Isabella Rossellini Winston Churchill Franklin Roosevelt Gérard Lanvin Jenna de Rosnay Gabriela Sabatini Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 326 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Ces nouveaux résultats nous enseignent que dans l'ensemble - sauf cas de la publicité pour les cosmétiques LES POLYSIANES - les répondants ont plus de facilité à identifier la marque que le produit auquel se rapporte précisément la publicité. Attention, il est toutefois nécessaire de considérer les résultats obtenus sur le nom d'Isabella ROSSELLINI avec prudence. Bien que l'intitulé de la question spécifiait que celle-ci portait sur le contenu du magazine, rappelons qu'Isabella ROSSELLINI est le mannequin vedette des produits LANCÔME depuis plusieurs années. Comment dès lors ne pas retenir ce biais pour contribuer à expliquer en partie les très bons résultats du triplé Isabella ROSSELLINI / cosmétiques / LANCÔME. les différences sont moins importantes d'une célébrité à l'autre. Et l'on observera avec intérêt les résultats obtenus sur le nom de Jenna de ROSNAY et sur celui de Gabriela SABATINI, qui dans l'ensemble (produit ou marque) surpassent largement ceux obtenus jusqu'à présent respectivement par les marques LES POLYSIANES et HOLLYWOOD. Cela pourrait signifier que la notoriété spontanée de Jenna de ROSNAY - voire son identification physique - reste à parfaire, mais que son association avec des cosmétiques et même directement avec la marque LES POLYSIANES est déjà assimilée par l'ensemble des répondants. Dans le cas de Gabriela SABATINI, la publicité - jeu concours répondait à une conception particulière. On remarquera également qu'en ce qui concerne l'identification complète "type de produit + marque", Si l'on étudie à présent ces mêmes résultats, mais au regard de chacun des deux sexes : Groupe de garçons noms proposés identification du produit Identification de la marque Identification de la marque et du produit Identification de la marque ou du produit Isabella Rossellini 4,35% 39,13% 6,52% 50,00% Winston Churchill 4,35% 34,78% 30,43% 69,57% Franklin Roosevelt 2,17% 19,57% 19,57% 41,30% Gérard Lanvin 15,22% 8,70% 6,52% 30,43% Jenna de Rosnay 23,91% 13,04% - 36,96% Gabriela Sabatini - 13,04% 13,04% 26,09% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 327 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Groupe des garçons 70% 60% 50% Produit 40% Marque Produit + marque 30% Produit ou marque 20% 10% 0% Isabella Rossellini Winston Churchill Franklin Roosevelt Gérard Lanvin Jenna de Rosnay Maintenant, la meilleure identification du produit et/ou de la marque par le groupe des filles peut paraître très compréhensible au regard de la nature du produit et de sa cible naturelle. Cette logique peut également s'appliquer aux triplés Jenna de ROSNAY / cosmétiques / LES POLYSIANES et Gérard LANVIN / lingerie féminine / VARIANCE. Toutefois, on retiendra avec intérêt que les différences entre les deux sexes sont ici beaucoup plus faibles, bien qu'une meilleure identification soit à mettre une nouvelle fois au bénéfice du groupe des filles. Concernant plus particulièrement la marque 1 VARIANCE , on notera cependant que __________________ 1 - Les répondants ayant correctement identifié le produit et la marque se rapportant au nom de la célébrité ne seront pas retenus dans ce cas, car pouvant être ajoutés Gabriela Sabatini le groupe des garçons identifia proportionnellement plus facilement le produit (15,22%) que la marque (8,70%), alors que le groupe de filles identifia plus facilement la marque (16,18%) elle-même que le produit (7,35%). On peut émettre à nouveau l'idée que la population masculine n'étant pas directement visée par le produit - même si 10,87% des garçons avaient déclaré à la question 4.A, avoir déjà acheté un produit de la marque auparavant - elle aura sans doute porté son attention sur la publicité en général, sans attacher une grande importance à l'annonceur lui-même. Alors que dans le cas de la population féminine - pour laquelle 36,76% déclaraient avoir déjà acheté, et 39,71% avoir déjà utilisé un produit de la marque - l'identification de la marque VARIANCE, voire de la marque et du aussi bien au groupe identificateur de produit seulement, qu'à celui n'ayant identifié que la marque. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 328 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ produit était plus naturelle, donc plus facile. Groupe de filles noms proposés identification du produit Identification de la marque Identification de la marque et du produit Identification de la marque ou du produit Isabella Rossellini 2,94% 51,47% 13,24% 67,65% Winston Churchill 11,76% 19,12% 7,35% 38,24% Franklin Roosevelt 8,82% 10,29% 2,94% 22,06% Gérard Lanvin 7,35% 16,18% 13,24% 36,76% Jenna de Rosnay 19,12% 14,71% 8,82% 42,65% Gabriela Sabatini 2,94% 16,18% 8,82% 27,94% Groupe des filles 70% 60% 50% Produit 40% Marque Produit + marque 30% Produit ou marque 20% 10% 0% Isabella Rossellini Winston Churchill Franklin Roosevelt Gérard Lanvin Jenna de Rosnay En revanche les moins bons résultats du souvenir spontané de personnages connus par les filles en ce qui concerne Winston CHURCHILL et Franklin ROOSEVELT pour les montres BREITLING, sont ici confirmés par une bien moins bonne identification du produit ou de la Gabriela Sabatini marque par les filles que par les garçons. Quant à l'identification Gabriela SABATINI / HOLLYWOOD / Chewing-gum ou concours, elle récolte une nouvelle fois de mauvais résultats, sans qu'une différence importante soit constatée entre le groupe des filles et celui des garçons. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 329 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Complétons cette analyse en observant maintenant les résultats du sentiment de sympathie1 des répondants à l'égard des célébrités proposées dans le cadre de la question 5.A. __________________ 1 - A l'instar des autres échelles utilisées jusqu'à présent, un coefficient 2 a été affecté à chaque réponse "très sympathique", 1 à chaque réponse "sympathique", -1 à chaque réponse "pas sympathique", -2 à chaque réponse "pas du tout sympathique", et le coefficient 0 aux autres réponses. Par ailleurs, nous ne retiendrons pour l'analyse, que les six célébrités réellement présentes dans les pages du support. Les cas additionnels de Florence ARTHAUD, Johnny HALLYDAY et Nathalie BOURRIEZ ne seront considérés que dans le cadre des classsements, pour permettre une vue d'ensemble. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 330 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Ensemble des répondants Isabella Rossellini Winston Churchill Franklin Roosevelt Gérard Lanvin Jenna de Rosnay Gabriela Sabatini Inconnu(e) 10,53% 1,75% 0,88% 1,75% 1,75% - Très sympathique 47,37% 9,65% 7,89% 37,72% 50,00% 1,75% Sympathique 29,82% 45,61% 35,96% 37,72% 35,09% 24,56% Sans opinion 12,28% 34,21% 50,00% 10,53% 6,14% 24,56% Pas sympathique - 7,02% 4,39% 11,40% 6,14% 38,60% Pas du tout sympathique - 1,75% 0,88% 0,88% 0,88% 10,53% Nous pouvons très simplement utiliser une représentation graphique pour visualiser la dispersion ou au contraire la concentration de ce sentiment à l'égard de chaque célébrité. De façon à rendre l'analyse des graphiques présentés ci-dessous, plus aisée, les motifs ont été choisis de manière à lier l'intensité du sentiment des répondants à la densité des motifs. Plus les motifs sont clairs, plus la célébrité paraît sympathique. Inconnu(e) Très sympathique Sympathique Sans opinion Pas sympathique Pas du tout sympathique Sentiment de l'ensemble des répondants Sentiment de l'ensemble des répondants à l'égard de Isabella ROSSELLINI à l'égard de Winston CHURCHILL 12% 11% 7% 2% 2% 10% 34% 30% 47% 45% Variance : 0,69 Variance : 0,64 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 331 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Sentiment de l'ensemble des répondants Sentiment de l'ensemble des répondants à l'égard de Franklin ROOSEVELT à l'égard de Gérard LANVIN 1% 4% 1% 8% 11% 1% 2% 11% 37% 36% 50% 38% Variance : 1,04 Variance : 0,55 Sentiment de l'ensemble des répondants Sentiment de l'ensemble des répondants à l'égard de Jenna de ROSNAY à l'égard de Gabriela SABATINI 6% 6% 1% 2% 10% 2% 25% 50% 35% 38% 25% Variance : 1,00 Variance : 0,83 Soit à l'observation des graphiques, soit en considérant le calcul de la variance présenté pour chacune des célébrités considérées, on constate que c'est le personnage de Franklin ROOSEVELT qui génère le sentiment le plus homogène de la part des répondants - en raison notamment de l'influence de la part importante de "sans opinion" : 50% - ; et qu'à l'opposé, Gérard LANVIN semble être la célébrité sur laquelle les sentiments sont les plus partagés. Toutefois, bien que très utiles pour nous autoriser à juger de la dispersion des sentiments portés à ces diverses célébrités, ces informations ne nous permettent pas de savoir par exemple qu'elle est la célébrité la plus sympathique aux yeux des répondants. Pour reprendre le cas caractéristique de Franklin ROOSEVELT pour lequel le sentiment des répondants semblait le plus homogène, si l'on observe le contenu du graphique, on se rend immédiatement compte que le sentiment majoritaire des répondants est justement de ne pas avoir d'opinion à son sujet. D'où l'intérêt de calculer un indice de sympathie pour obtenir un classement des différentes célébrités. On obtient alors les résultats suivants : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 332 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Ensemble des répondants Jenna de ROSNAY 145 Isabella ROSSELLINI 142 Gérard LANVIN 114 Gabriela SABATINI 106 Florence ARTHAUD 68 Winston CHURCHILL 62 Franklin ROOSEVELT 52 Nathalie BOURRIEZ 4 Johnny HALLYDAY -36 -50 0 50 100 150 Indice de sympathie Echelle Pas du tout Pas garçons sympathique sympathique Nombre de points -115 et moins de 0 à -114 Jenna de ROSNAY et Isabella ROSSELLINI furent perçues par les éléments de l'échantillon comme étant très sympathiques, Gérard LANVIN, Gabriela SABATINI, Florence ARTHAUD, Winston CHURCHILL et Franklin ROOSEVELT comme étant sympathiques - Gérard LANVIN étant à la limite du très sympathique. On notera que la célébrité inventée recueille néanmoins 4 points, 2 filles et un garçon pensant la connaître. Le fait que Winston CHURCHILL obtienne un meilleur indice de sympathie que sympathique Très sympathique de 0 à 114 115 et plus Franklin ROOSEVELT, s'explique en partie par la meilleure connaissance a priori du personnage lui-même, telle qu'elle fut mise en évidence au cours des résultats aux questions précédentes. On rappellera que le nom du chanteur Johnny HALLYDAY1 avait __________________ 1 - Le choix de ces deux célébrités avait été dicté par le fait qu'un film publicitaire les utilisant était exploité à la télévision, au moment de l'étude (Florence ARTHAUD / TAILLEFINE ; Johnny HALLYDAY / LEGAL). Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 333 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ été ajouté à dessein, mais il ne nous intéresse pas particulièrement ici. On remarquera cependant avec surprise, l'indice de sympathie extrêmement mauvais obtenu par la star française du rock and roll, auprès de ce jeune public. Si l'on pratique les mêmes calculs pour chacun des deux sexes, on obtient les résultats présentés ci-après. En ce qui concerne tout d'abord l'analyse de la dispersion : Isabella Winston Franklin Gérard Jenna de Gabriela Rossellini Churchill Roosevelt Lanvin Rosnay Sabatini 8,82% 2,94% 1,47% 2,94% 1,47% 2,94% Très sympathique 51,47% 8,82% 7,35% 41,18% 39,71% 20,59% Sympathique 30,88% 39,71% 30,88% 30,88% 7,35% 42,65% Sans opinion 8,82% 38,24% 55,88% 13,24% 39,71% 25,00% Pas sympathique - 8,82% 4,41% 10,29% 10,29% 4,41% Pas du tout sympathique - 1,47% - 1,47% 1,47% 4,41% Groupe des filles Inconnu(e) Isabella Winston Franklin Gérard Jenna de Gabriela Rossellini Churchill Roosevelt Lanvin Rosnay Sabatini Inconnu(e) 13,04% - - - 2,17% - Très sympathique 41,30% 10,87% 8,70% 32,61% 65,22% 47,83% Sympathique 28,26% 54,35% 43,48% 47,83% 4,35% 39,13% Sans opinion 17,39% 28,26% 41,30% 6,52% 28,26% 6,52% Pas sympathique - 4,35% 4,35% 13,04% - 4,35% Pas du tout sympathique - 2,17% 2,17% - - 2,17% Groupe des garçons Ce qui permet la construction des graphiques suivants : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 334 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Sentiment du groupe des filles Sentiment du groupe des garçons à l'égard de Isabella ROSSELLINI à l'égard de Isabella ROSSELLINI 9% 9% 13% 17% 31% 51% Variance : 0,58 28% 42% Variance : 0,71 Sentiment du groupe des filles Sentiment du groupe des garçons à l'égard de Winston CHURCHILL à l'égard de Winston CHURCHILL 9% 1% 3% 4% 9% 2% 11% 28% 38% 40% 55% Variance : 0,69 Variance : 0,65 Sentiment du groupe des filles Sentiment du groupe des garçons à l'égard de Franklin ROOSEVELT à l'égard de Franklin ROOSEVELT 4% 1% 4% 7% 2% 9% 31% 41% 44% 57% Variance : 0,48 Variance : 0,64 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 335 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Sentiment du groupe des filles Sentiment du groupe des garçons à l'égard de Gérard LANVIN à l'égard de Gérard LANVIN 10% 1% 3% 13% 33% 7% 13% 42% 31% 47% Variance : 1,12 Variance : 0,91 Sentiment du groupe des filles Sentiment du groupe des garçons à l'égard de Jenna de ROSNAY à l'égard de Jenna de ROSNAY 10% 1% 1% 2% 28% 41% 4% 40% 66% 7% Variance : 1,03 Variance : 0,37 Sentiment du groupe des filles Sentiment du groupe des garçons à l'égard de Gabriela SABATINI à l'égard de Gabriela SABATINI 4% 4% 3% 7% 21% 4% 2% 25% 48% 39% 43% Variance : 0,97 Variance : 0,84 L'analyse de la dispersion du sentiment porté à chacune des célébrités au regard du sexe du répondant, confirme la mise en valeur d'un sentiment assez hétérogène dans l'ensemble, pour chacun des deux Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 336 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ d'une part, et de Jenna de ROSNAY d'autre part. sexes. Les deux célébrités obtenant le sentiment "le plus unanime" étant Franklin ROOSEVELT de la part du groupe des filles et Jenna de ROSNAY de la part du groupe des garçons. On remarquera à l'opposé, le sentiment très dispersé de la part du groupe des filles à l'égard de Gérard LANVIN Mais là aussi, il semblait intéressant de compléter cette analyse, avec un calcul de l'indice de sympathie porté à ces célébrités par chacun des deux sexes. On obtient les classements suivants : Groupe des filles Isabella ROSSELLINI 91 Jenna de ROSNAY 72 Gérard LANVIN 68 Gabriela SABATINI 48 Florence ARTHAUD 33 Winston CHURCHILL 31 Franklin ROOSEVELT 28 Nathalie BOURRIEZ 2 Johnny HALLYDAY -40 -27 -20 0 20 40 60 80 100 Indice de sympathie Echelle filles Pas du tout sympathique Pas sympathique sympathique Très sympathique Nombre de points -68 et moins de 0 à -68 de 0 à 68 69 et plus L'analyse des indices de sympathie en fonction du sexe du répondant procure un bas de classement similaire pour les garçons et les filles. En revanche, les quatre premières places sont différentes d'un sexe à l'autre. Gérard LANVIN est dans les deux cas à la limite du sympathique Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 337 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Concernant la première place en indice de sympathie, Isabella ROSSELLINI se détache nettement chez les filles, alors que les points obtenus par le groupe des garçons, y positionne la véliplanchiste Jenna de ROSNAY. et du très sympathique. Mais Gabriela SABATINI est trouvée très sympathique par les garçons ce qui la positionne à la deuxième place, alors que le groupe des filles la trouve seulement sympathique, ce qui la positionne à la quatrième place. Groupe des garçons Jenna de ROSNAY 73 Gabriela SABATINI 58 Isabella ROSSELLINI 51 Gérard LANVIN 46 Florence ARTHAUD 35 Winston CHURCHILL 31 Franklin ROOSEVELT 24 Nathalie BOURRIEZ 2 Johnny HALLYDAY -20 -9 0 20 40 60 80 Indice de sympathie Echelle garçons Pas du tout sympathique Pas sympathique sympathique Très sympathique Nombre de points -47 et moins de 0 à -46 de 0 à 46 47 et plus Il était également possible d'affiner ces résultats en les croisant avec ceux obtenus aux questions de souvenir spontané et de souvenir assisté de la publicité de la marque correspondante, pour savoir si le sentiment à l'égard d'une célébrité influençait systématiquement l'un et/ou l'autre de ces souvenirs. On obtient alors le tableau suivant : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 338 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Isabella Winston Franklin Gérard Jenna de Gabriela Rossellini Churchill Roosevelt Lanvin Rosnay Sabatini - - - - - - Très sympathique 85,00% - 16,67% 60,00% 100,00% - Sympathique 15,00% 66,67% 33,33% - - 100,00% Sans opinion - 33,33% 50,00% 40,00% - - Pas sympathique - - - - - - Pas du tout sympathique - - - - - - - - - - - - Très sympathique 58,33% 14,29% 14,29% 20,00% 100,00% 100,00% Sympathique 33,33% 64,29% 57,14% 80,00% - - Sans opinion 8,33% 14,29% 28,57% - - - Pas sympathique - 7,14% - - - - Pas du tout sympathique - - - - - - - - - - - - Très sympathique 75,00% 10,00% 15,00% 40,00% 100,00% 75,00% Sympathique 21,88% 65,00% 50,00% 40,00% - 25,00% Sans opinion 3,13% 20,00% 35,00% 20,00% - - Pas sympathique - 5,00% - - - - Pas du tout sympathique - - - - - - Sentiment à l'égard de la célébrité si souvenir spontané de la publicité correspondante Filles Inconnu Garçons Inconnu Ensemble Inconnu La même analyse pratiquée sur les résultats du souvenir assisté permet la construction du tableau suivant : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 339 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Isabella Winston Franklin Gérard Jenna de Gabriela Rossellini Churchill Roosevelt Lanvin Rosnay Sabatini 7,14% - - 4,55% 3,45% - Très sympathique 58,93% 2,78% 5,56% 52,27% 41,38% 16,67% Sympathique 26,79% 41,67% 25,00% 20,45% 48,28% 55,56% Sans opinion 7,14% 47,22% 63,89% 9,09% 6,90% 16,67% Pas sympathique - 8,33% 5,56% 11,36% - 5,56% Pas du tout sympathique - - - 2,27% - 5,56% 8,51% - - - - - Très sympathique 34,04% 9,30% 9,30% 37,04% 76,47% 52,00% Sympathique 27,66% 53,49% 44,19% 40,74% 23,53% 44,00% Sans opinion 29,79% 30,23% 41,86% 11,11% - 4,00% Pas sympathique - 4,65% 2,33% 11,11% - - Pas du tout sympathique - 2,33% 2,33% - - - 7,77% - - 2,82% 2,17% - Très sympathique 47,57% 6,33% 7,59% 46,48% 54,35% 21,92% Sympathique 27,18% 48,10% 35,44% 28,17% 39,13% 28,77% Sans opinion 17,48% 37,97% 51,90% 9,86% 4,35% 5,48% Pas sympathique - 6,33% 3,80% 11,27% - 1,37% Pas du tout sympathique - 1,27% 1,27% 1,41% - 1,37% Sentiment à l'égard de la célébrité si souvenir assisté de la publicité correspondante Filles Inconnu Garçons Inconnu Ensemble Inconnu On peut obtenir une interprétation plus rapide de ces résultats à l'aide des graphiques présentés ci-dessous. Ils illustrent le sentiment des seuls répondants ayant eu le souvenir - spontané : graphique de gauche, et assisté : graphique de droite - d'avoir vu une publicité pour la marque correspondant à la célébrité considérée. Pour chacun des graphiques, nous avons calculé la valeur de la variance1 correspondant à chaque fois là-encore à la l'analyse de la "dispersion des sentiments" à l'égard des célébrités considérées. __________________ 1 - Attention, le calcul de la variance est donné ici à simple titre d'illustration dans le cas du souvenir spontané d'avoir vu une publicité pour les marques LES POLYSIANES et HOLLYWOOD, car le nombre de réponses obtenu est trop peu important pour rendre cette appréciation significative. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 340 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Nous utiliserons les mêmes motifs que précédemment pour les représentations graphiques, pour faciliter d'éventuelles comparaisons. Ainsi, plus le motif des différents secteurs est clair, plus la célébrité est jugée sympathique. Inconnu(e) Très sympathique Sympathique Sans opinion Pas sympathique Pas du tout sympathique Sentiment à l'égard de Isabella ROSSELLINI, des répondants Sentiment à l'égard de Isabella ROSSELLINI, des répondants qui ont eu le souvenir spontané de la publicité LANCÔME qui ont eu le souvenir assisté de la publicité LANCÔME 3% 17% 22% 8% 27% 48% 75% Variance : 0,57 Variance : 0,26 Alors que l'indice général de sympathie du top-model Isabella ROSSELLINI était de 142 points, les répondants ayant identifié spontanément la marque LANCÔME lui accordent un indice de sympathie de 195,94 points1 et les répondants ayant eu le souvenir assisté de la marque, un indice de sympathie de 154,45 points. Cela signifie que les répondants ayant identifié la publicité LANCÔME de manière assistée ou __________________ spontanée, éprouvaient un sentiment de sympathie plus grand à l'égard d'Isabella ROSSELLINI. Quant au calcul de la variance, il fournit - quel que soit le souvenir considéré - des valeurs moins élevées que pour l'ensemble des répondants (0,64). Cela signifie que le sentiment à l'égard d'Isabella ROSSELLINI, des éléments considérés, était ici à chaque fois plus homogène, que celui de l'ensemble des répondants, ce qui en définitive peut sembler logique. 1 - De manière à permettre la comparaison, cet indice fut à chaque fois là-aussi, ramené proportionnellement au nombre de répondants considérés par rapport au nombre total de répondants. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 341 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Sentiment à l'égard de Winston CHURCHILL, des répondants Sentiment à l'égard de Winston CHURCHILL, des répondants qui ont eu le souvenir spontané de la publicité BREITLING qui ont eu le souvenir assisté de la publicité BREITLING 5% 6% 10% 1% 6% 20% 38% 49% 65% Variance : 0,46 Variance : 0,52 Le personnage de Winston CHURCHILL avait obtenu un indice général de sympathie de 62 points. L'indice représentant le sentiment des répondants ayant eu le souvenir spontané de la marque est de 91,20 points et celui des répondants ayant eu le souvenir assisté de la marque : 59,16 points. On remarquera ici avec intérêt que si le sentiment des répondants ayant eu le souvenir spontané de la publicité BRETLING, à l'égard de Winston CHURCHILL est plus favorable que celui de l'ensemble des répondants, ce n'est pas le cas de ceux qui eurent le souvenir assisté de la marque. L'analyse de la variance nous procure une fois de plus des résultats moins élevés que pour l'ensemble des répondants (0,69) et donc un sentiment à l'égard du personnage dans les deux cas -, là aussi plus homogène que pour l'ensemble des répondants. Sentiment à l'égard de Franklin ROOSEVELT, des répondants Sentiment à l'égard de Franklin ROOSEVELT, des répondants qui ont eu le souvenir spontané de la publicité BREITLING qui ont eu le souvenir assisté de la publicité BREITLING 4% 15% 1% 8% 35% 35% 52% 50% Variance : 0,46 Variance : 0,55 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 342 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ L'indice général de sympathie à l'égard de Franklin ROOSEVELT était de 52 points. Le sentiment à l'égard du même personnage, des répondants ayant eu le souvenir spontané de la marque est de 91,20 points - soit le même que celui obtenu par Winston CHURCHILL. Le sentiment des répondants ayant eu le souvenir assisté de la marque est de 50,51 points. On retrouve donc la même situation que pour le personnage célèbre précédent, en ce sens que les répondants ayant eu le souvenir assisté de la marque, ont, à l'égard de Franklin ROOSEVELT, un sentiment plus défavorable l'ensemble de répondants. que A l'instar de Winston CHURCHILL, le calcul de la variance à propos du sentiment à l'égard de Franklin ROOSEVELT de la part des répondants considérés génère des valeurs une nouvelle fois inférieures ou égales à celle obtenue pour l'ensemble des répondants (0,55) à l'égard du même personnage. Le sentiment des répondants considérés ici est donc plus homogène. Sentiment à l'égard de Gérard LANVIN, des répondants qui ont Sentiment à l'égard de Gérard LANVIN, des répondants qui ont eu le souvenir spontané de la publicité VARIANCE eu le souvenir assisté de la publicité VARIANCE 11% 20% 1% 3% 10% 40% 47% 28% 40% Variance : 0,56 Variance : 1,23 Le sentiment général à l'égard de l'acteur Gérard LANVIN était de 114 points. Les répondants ayant eu le souvenir spontané de la marque éprouvent pour lui un sentiment égal à 102,60 points. Quant aux répondants ayant eu le souvenir assisté de la marque, ils éprouvent pour lui un sentiment égal à 122,01 points. Le cas de l'association Gérard LANVIN / VARIANCE est donc l'inverse des deux précédents. Ici, l'acteur bénéficie d'un sentiment plus favorable de la part de l'ensemble des répondants, que de la part de ceux qui eurent le souvenir spontané de la marque. Alors que ce sentiment est plus favorable de la part des répondants qui eurent le souvenir assisté de la marque, que celui de l'ensemble des répondants. Au sujet du calcul de la variance, seuls les répondants ayant eu le souvenir spontané de la marque ont un souvenir plus homogène, à l'égard de l'acteur, que l'ensemble des répondants (1,04). Bien que toujours favorable, le sentiment à l'égard de Gérard LANVIN Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 343 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ étant beaucoup plus partagé au sein des répondants ayant eu le souvenir assisté de la marque. Sentiment à l'égard de Jenna de ROSNAY, des répondants qui Sentiment à l'égard de Jenna de ROSNAY, des répondants qui ont eu le souvenir spontané de la publicité LES POLYSIANES ont eu le souvenir assisté de la publicité LES POLYSIANES 4% 2% 39% 55% 100% Variance : 0 Variance : 0,38 Alors que Jenna de ROSNAY obtenait la première place du classement général pour l'ensemble des répondants avec un indice égale à 145 points, elle obtient de la part des répondants ayant eu le souvenir spontané de la marque, un indice égale à 228 points. En revanche l'indice de sympathie obtenu auprès des répondants ayant eu le souvenir assisté de la marque redescend - bien que toujours très élevé - à 173,48. Mais l'on rappellera ici - comme pour Gabriela SABATINI et HOLLYWOOD - que les répondants ayant eu le souvenir spontané de la marque étaient peu nombreux. La valeur de la variance concernant les répondants ayant eu le souvenir assisté de la marque est sensiblement inférieure à celle de l'ensemble des répondant (0,83), exprimant de ce fait un sentiment plus homogène à l'égard de Jenna de ROSNAY, de la part des éléments considérés. Sentiment à l'égard de Gabriela SABATINI, des répondants qui Sentiment à l'égard de Gabriela SABATINI, des répondants qui ont eu le souvenir spontané de la publicité HOLLYWOOD ont eu le souvenir assisté de la publicité HOLLYWOOD 9% 25% 2% 2% 37% 75% Variance : 0,19 50% Variance : 0,83 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 344 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ L'indice général de sympathie à l'égard de Gabriela SABATINI pour l'ensemble des répondants était égal à 106 points. Le même indice pour les répondants ayant identifié spontanément la marque est égal à 199,50 points, et celui calculé pour les répondants ayant eu le souvenir assisté de la marque, égal à 137,86 points. Ce qui exprime un sentiment évoluant de la même manière que pour Jenna de ROSNAY, avec deux indices supérieurs à celui obtenu pour l'ensemble des répondants ; avec toutefois pour les répondants ayant eu le souvenir spontané, un indice inférieur à celui de ceux ayant eu un souvenir assisté de la marque. Enfin, on retiendra également que le sentiment à l'égard de la joueuse de tennis était plus homogène chez les répondants considérés dans chaque cas ici, que pour l'ensemble des personnes soumises à l'enquête (1,00). A l'exception de l'acteur Gérard LANVIN, le sentiment général des répondants est plus favorable à l'égard de la célébrité chez les répondants qui ont eu le souvenir spontané de la marque, que chez ceux qui ont eu le souvenir assisté de cette même marque. Malheureusement le contre-exemple de Gérard LANVIN pour VARIANCE notamment, nous interdit de tirer toute conclusion ici quant à un impact supérieur d'une publicité utilisant une célébrité lorsque celle-ci évoque un sentiment de sympathie chez le lecteur. Nous rappellerons toutefois par ailleurs, qu'il s'agissait également de la seule célébrité pour laquelle le calcul de la variance donnait une valeur plus élevée pour les répondants ayant eu le souvenir assisté de la marque que pour l'ensemble des répondants. Concernant toujours l'analyse de la variance, l'autre observation concernant l'ensemble des répondants à propos de cette analyse croisée, réside dans la plus grande hétérogénéité des sentiments portés à l'égard des célébrités, lorsque l'on considère le souvenir assisté au regard du souvenir spontané. Cette observation étant en partie fondée sur le fait qu'un plus grand nombre de répondants était alors logiquement considéré à chaque fois. En revanche, d'une célébrité à l'autre, l'analyse de la variance nous procure une information intéressante sur cette hétérogénéité du sentiment. En effet, il apparaît également très clairement sur les graphiques, que certaines célébrités provoquent un sentiment beaucoup plus partagé que d'autres, à leur égard. A l'étude de l'ensemble des répondants ayant eu respectivement le souvenir de la marque, c'est l'acteur Gérard LANVIN - variance de 1,23 pour les répondants qui ont eu le souvenir spontané - qui bien que bénéficiant d'un sentiment positif dans l'ensemble, génère la plus grande hétérogénéité. Alors que c'est la véliplanchiste Jenna de ROSNAY qui bénéficie du sentiment le plus homogène, chez les répondants ayant eu le souvenir assisté de la marque. Cette importance de la valeur de la variance, notamment dans le cas de l'acteur Gérard LANVIN, nous incita à construire des représentations graphiques et à analyser les indices de Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 345 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ sympathie, pour chacun des deux sexes afin de vérifier si le sexe pouvait être un facteur expliquant ces variations1 : __________________ 1 - Nous conserverons la présentation utilisée jusqu'à lors, en présentant sur les graphiques de gauche, les répondants ayant eu le souvenir spontané de la marque et à droite, ceux qui en eurent le souvenir assisté. Par ailleurs, les graphiques concernant le groupe des filles précèderont toujours ceux concernant le groupe des garçons. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 346 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Sentiment à l'égard de Isabella ROSSELINI, des filles qui ont eu Sentiment à l'égard de Isabella ROSSELINI, des filles qui ont eu le souvenir spontané de la publicité LANCÔME le souvenir assisté de la publicité LANCÔME 7% 15% 7% 27% 59% 85% Variance : 0,13 Variance : 0,50 Sentiment à l'égard de Isabella ROSSELLINI, des garçons qui Sentiment à l'égard de Isabella ROSSELLINI, des garçons qui ont eu le souvenir spontané de la publicité LANCÔME ont eu le souvenir assisté de la publicité LANCÔME 8% 9% 30% 33% 33% 59% 28% Variance : 0,42 Variance : 0,68 Concernant l'association Isabella ROSSELLINI / LANCÔME, on remarque que le sentiment à l'égard du top-model, des garçons ayant eu le souvenir - spontané ou assisté - d'avoir vu une publicité de la marque est beaucoup moins homogène que celui du groupe des filles. Dans les deux cas la variance est plus élevée. En revanche, que ce soit le groupe des filles ou celui des garçons, pour les répondants ayant eu le souvenir spontané (filles : 125,80 points ; garçons : 69 points) ou le souvenir assisté (filles : 98,36 points ; garçons : 55,95 points) de la marque, l'indice de sympathie porté à Isabella ROSSELLINI est à chaque fois respectivement plus favorable que celui de l'ensemble des filles (91 points) et que celui de l'ensemble des garçons (51 points) . Concernant l'analyse de la variance, pour chacun des deux sexes et quelque soit le souvenir considéré, les valeurs de la variance sont à chaque fois inférieures à celles obtenues pour le groupe des filles d'une part (0,58) et pour le groupe des garçons d'autre part (0,71). Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 347 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Sentiment à l'égard de Winston CHURCHILL, des filles qui ont Sentiment à l'égard de Winston CHURCHILL, des filles qui ont eu le souvenir spontané de la publicité BREITLING eu le souvenir assisté de la publicité BREITLING 3% 8% 33% 42% 67% Variance : 0,22 47% Variance : 0,46 Sentiment à l'égard de Winston CHURCHILL, des garçons qui Sentiment à l'égard de Winston CHURCHILL, des garçons qui ont eu le souvenir spontané de la publicité BREITLING ont eu le souvenir assisté de la publicité BREITLING 7% 5% 14% 2% 9% 14% 30% 54% 65% Variance : 0,55 Variance : 0,65 A l'instar de l'association étudiée précédemment, le sentiment à l'égard du personnage de Winston CHURCHILL est plus homogène chez les filles que chez les garçons, pour lesquels le calcul de la variance donne des résultats plus élevés. garçons (31 points). Mais cet indice exprime d'un autre côté, un sentiment moins favorable de la part des éléments ayant eu le souvenir assisté (filles : 26,44 points ; garçons : 28,88 points) de la marque, que pour l'ensemble des répondants de chacun des deux sexes. En revanche, l'indice de sympathie est plus favorable pour chacun des sexes pour les éléments ayant eu le souvenir spontané de la marque (filles : 45,33 points ; garçons : 39,43 points) que pour l'ensemble des filles (31 points) ou pour l'ensemble des A l'exemple de l'analyse de la célébrité précédente, le sentiment des filles comme celui des garçons considérés ici est plus homogène, que celui de l'ensemble des filles d'une part (variance : 0,69) et que l'ensemble des garçons (variance : 0,65) d'autre part. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 348 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Sentiment à l'égard de Franklin ROOSEVELT, des filles qui ont Sentiment à l'égard de Franklin ROOSEVELT, des filles qui ont eu le souvenir spontané de la publicité BREITLING eu le souvenir assisté de la publicité BREITLING 6% 17% 6% 25% 50% 33% Variance : 0,56 63% Variance : 0,43 Sentiment à l'égard de Franklin ROOSEVELT, des garçons qui Sentiment à l'égard de Franklin ROOSEVELT, des garçons qui ont eu le souvenir spontané de la publicité BREITLING ont eu le souvenir assisté de la publicité BREITLING 2% 14% 2% 9% 29% 42% 45% 57% Variance : 0,41 Variance : 0,62 Concernant le personnage de Franklin ROOSEVELT si le sentiment des garçons est toujours plus hétérogène que celui des filles, pour les éléments ayant eu le souvenir assisté de la marque, en revanche c'est le sentiment des filles à l'égard du personnage qui est le plus hétérogène si l'on considère les éléments ayant eu le souvenir spontané de la marque. Cas intéressant sur la comparaison des indices de sympathie, les indices obtenus par Franklin ROOSEVELT des filles ayant eu le souvenir spontané (33,67 points) de la marque, comme de celles ayant eu le souvenir assisté (20,78 points) de cette même marque est moins favorable que celui de l'ensemble des filles à l'égard du personnage (28 points). Alors que pour le groupe des garçons on constate purement et simplement l'inverse. En ce sens, le sentiment de l'ensemble des garçons (24 points) est moins favorable que celui de ceux ayant eu le souvenir spontané (39,43 points) de la marque ou de celui de ceux ayant eu le souvenir assisté (25,67 points) de cette même marque. A l'inverse des deux précédentes célébrités, l'analyse de la variance révèle un sentiment moins homogène de la part des filles ayant eu le souvenir spontané de la marque comparativement à l'ensemble des filles (variance : 0,48) soumises à l'enquête. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 349 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Sentiment à l'égard de Gérard LANVIN, des filles qui ont eu le Sentiment à l'égard de Gérard LANVIN, des filles qui ont eu le souvenir spontané de la publicité VARIANCE souvenir assisté de la publicité VARIANCE 11% 2% 5% 9% 40% 60% 53% 20% Variance : 0,96 Variance : 1,40 Sentiment à l'égard de Gérard LANVIN, des garçons qui ont eu Sentiment à l'égard de Gérard LANVIN, des garçons qui ont eu le souvenir spontané de la publicité VARIANCE le souvenir assisté de la publicité VARIANCE 11% 20% 11% 80% 37% 41% Variance : 0,16 Variance : 0,92 Que l'on considère les éléments ayant eu le souvenir spontané ou ceux ayant eu le souvenir assisté de la marque, les filles éprouvent un sentiment très hétérogène à l'égard de Gérard LANVIN, par rapport à celui éprouvé par les garçons, même si le calcul de la variance reste élevé pour ces derniers dans le cas des éléments ayant eu le souvenir assisté de la marque VARIANCE. On retiendra d'ailleurs sur ce dernier point, la modification considérable de la valeur de la variance que l'on considère les éléments ayant eu le souvenir spontané ou ceux ayant eu le souvenir assisté de la marque. Concernant la valeur des indices de sympathie, que l'on considère les éléments ayant eu le souvenir spontané (filles : 81,60 points ; garçons : 55,20 points) ou le souvenir assisté (filles : 74,18 points ; garçons : 47,70 points) de la marque, les indices sont respectivement plus favorables pour chacun des deux sexes que ceux obtenus par l'ensemble des filles (68 points) et par l'ensemble des garçons (46 points). Le phénomène est d'autant plus remarquable au vu des précisions Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 350 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ sur la valeur de la variance - dans chacun des cas - faites précédemment. Dans le cas de cette association, le calcul de la variance indique que c'est cette fois le groupe des filles ayant eu le souvenir assisté de la marque qui génère une variance supérieure à celle obtenue par l'ensemble des répondants du même sexe (1,12). Sentiment à l'égard de Jenna de ROSNAY, des filles qui ont eu Sentiment à l'égard de Jenna de ROSNAY, des filles qui ont eu le souvenir spontané de la publicité LES POLYSIANES le souvenir assisté de la publicité LES POLYSIANES 7% 3% 41% 49% 100% Variance : 0 Variance : 0,45 Sentiment à l'égard de Jenna de ROSNAY, des garçons qui ont Sentiment à l'égard de Jenna de ROSNAY, des garçons qui ont eu le souvenir spontané de la publicité LES POLYSIANES eu le souvenir assisté de la publicité LES POLYSIANES 24% 76% 100% Variance : 0 Variance : 0,18 Le sentiment à l'égard de Jenna de ROSNAY, des garçons, est une nouvelle fois plus homogène que celui des filles, comme le confirme le calcul de la variance. A propos de la valeur de l'indice de sympathie, celui-ci est respectivement plus élevé pour chacun des sexes (filles : 89,10 ; garçons : 81,18) lorsque l'on considère les éléments de chacun des groupes, ayant eu le souvenir assisté de la marque, que celui de l'ensemble des filles (72 points) et que celui de l'ensemble des garçons (73 points). On ne retiendra pas ici pour l'analyse, l'indice de 68 points pour les filles et 46 points pour les garçons, obtenus en considérant les éléments ayant eu le souvenir spontané de la marque, toujours en raison du trop Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 351 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ faible nombre concernés. de répondants Ici, le calcul de la variance indique à nouveau des valeurs inférieures à celles obtenues par l'ensemble des filles d'une part (1,03) et par l'ensemble des garçons d'autre part (0,37) et ce, quel que soit le souvenir considéré. Cela exprime donc dans ce cas, un souvenir plus homogène de la part des répondants de chacun des sexes et qui ont eu le souvenir spontané et/ou assisté - de la marque, que celui de l'ensemble des répondants de chacun des deux sexes. Sentiment à l'égard de Gabriela SABATINI, des filles qui ont eu Sentiment à l'égard de Gabriela SABATINI, des filles qui ont eu le souvenir spontané de la publicité HOLLYWOOD le souvenir assisté de la publicité HOLLYWOOD 6% 6% 16% 17% 55% 100% Variance : 0 Variance : 1,27 Sentiment à l'égard de Gabriela SABATINI, des garçons qui ont Sentiment à l'égard de Gabriela SABATINI, des garçons qui ont eu le souvenir spontané de la publicité HOLLYWOOD eu le souvenir assisté de la publicité HOLLYWOOD 4% 44% 52% 100% Variance : 0 Variance : 0,31 Une dernière fois et de manière encore plus manifeste, le sentiment des garçons à l'égard de Gabriela SABATINI, est beaucoup plus homogène que celui des filles. On notera cependant toujours à l'étude de la variance, que les filles ayant eu le souvenir assisté de la marque éprouvent un sentiment beaucoup plus hétérogène à l'égard de la joueuse de tennis, que l'ensemble des répondantes (variance : 0,97) alors que ce dernier était déjà relativement hétérogène. Concernant les indices de sympathie, à l'instar de l'analyse Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 352 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ précédente faite à propos de Jenna de ROSNAY, nous ne considérerons pas les indices de 68 points pour les filles et 92 points pour les garçons, au sujet des éléments ayant eu le souvenir spontané de la marque, car les répondants étaient là aussi trop peu nombreux. En revanche, concernant les éléments ayant eu le souvenir assisté de la marque, on note qu'encore une fois l'indice de sympathie des filles (49,11 points) comme celui des garçons (68,08 points) est plus favorable à ceux de l'ensemble des éléments de chacun des deux sexes (filles : 48 points ; garçons : 58 points). Ainsi, nous constatons que dans la majorité des cas le sentiment à l'égard d'une célébrité est plus favorable de la part de ceux qui eurent le souvenir de la marque. Ce qui semble logique, dès lors que ce que l'esprit apprécie, l'esprit le mémorise plus facilement. En revanche nous observerons qu'il existe quelques exceptions qui nous interdisent toute généralisation à ce sujet. A propos des arguments jugés convaincants (question 5.I) par les répondants lors de l'utilisation d'un personnage célèbre, on obtient les résultats présentés ci-après. Pour chaque argument et pour chacun des deux sexes, il sera présenté les résultats en pourcentages par rapport aux 5 points de l'échelle, puis le score moyen accompagné de la variance et de l'écarttype de manière à pleinement percevoir la dispersion des réponses. Puis, nous utiliserons à nouveau ici une construction graphique sous forme de radars, toujours de mêmes dimensions et orientés à l'identique, de manière à autoriser une appréciation visuelle plus immédiate des résultats. La notoriété du personnage, est généralement le premier argument avancé, lors de l'utilisation d'une célébrité. La notoriété du personnage Répondants Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Indifférents Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Filles 55,88% 30,88% 8,82% 2,94% 1,47% Garçons 43,48% 50,00% 4,35% 2,17% - Ensemble 50,88% 38,60% 7,02% 2,63% 0,88% Notoriété Groupe des filles Notoriété Groupe des garçons Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 353 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord pas du tout d'accord Indifférents Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord On constate un sentiment favorable dans l'ensemble, à propos de cette notoriété du personnage en tant qu'argument convaincant, même si l'on perçoit que le groupe des filles semble plus catégorique que celui des garçons. En effet la surface de réponses est beaucoup plus étroite sur le radar des filles que sur celui des garçons et semble fuir vers le sommet, alors que celui des garçons s'étend vers la droite. Notoriété Filles Garçons Ensemble Score moyen 1,37 1,35 1,36 Variance 0,76 0,44 0,63 Ecart-type 0,87 0,67 0,80 Si l'on observe le tableau des scores moyens en revanche, peu de différence entre les deux sexes. C'est donc au niveau de la variance qu'il faut Indifférents rechercher l'explication. On constate en effet que le sentiment des filles est plus hétérogène que celui des garçons sur l'aspect convaincant de la notoriété. La crédibilité personnelle du personnage Répondants Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Indifférents Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Filles 42,65% 47,06% 2,94% 7,35% - Garçons 43,48% 43,48% 6,52% 4,35% 2,17% Ensemble 42,98% 45,61% 4,39% 6,14% 0,88% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 354 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Crédibilité Crédibilité Groupe des filles Groupe des garçons Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord pas du tout d'accord Indifférents Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord Surfaces de réponses presque identiques d'un groupe à l'autre, ce qui exprime un sentiment - ainsi qu'une intensité de ce sentiment - relativement semblable et largement positive dans l'ensemble, chez les filles comme chez les garçons. Crédibilité Filles Garçons Ensemble Score moyen 1,25 1,22 1,24 Variance 0,69 0,82 0,74 Ecart-type 0,83 0,92 0,86 A nouveau des scores moyens peu différents donc. En revanche, concernant cette crédibilité personnelle du personnage, ce sont cette fois les filles qui se montrent plus homogènes dans leur réponse, comparativement aux garçons. Crédibilité accordée Indifférents à un personnage célèbre Indifférents Nous pouvons affiner les résultats de cet argument à l'aide du traitement de la question 5.J sur le sexe du personnage célèbre. célébrité célébrité Ne féminine masculine savent pas en fonction du sexe Filles 51,47% 26,47% 19,12% 2,94% Garçons 54,35% 41,30% 4,35% - Ensemble 52,63% 32,46% 13,16% 1,75% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 355 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Crédibilité accordée à une célébrité utilisée par la publicité, en fonction du sexe de la célébrité (ensemble des répondants) 60% 50% 40% 30% Filles 20% Garçons 10% Ensemble 0% indifférents célébrité féminine Ensemble célébrité masculine Garçons ne savent pas Filles Une proportion relativement équivalente de garçons et de filles - un peu plus de la moitié - se déclare indifférente sur le sexe d'une célébrité utilisée par la publicité, quant à sa crédibilité. En revanche, Il apparaît particulièrement intéressant de remarquer que les garçons sont relativement sensiblement plus nombreux que les filles à accorder de la crédibilité à une célébrité du sexe opposé, 41,30% contre 19,12%. On peut d'ailleurs mettre en évidence encore plus nettement la crédibilité prépondérante accordée à un porte-parole féminin, par rapport à un porte-parole masculin, en ne considérant que les répondants qui reconnurent être sensibles au sexe du porte-parole, sur ce critère. Rappelons toutefois qu'il s'agit d'un sentiment exprimé et non constaté. On obtient cependant les résultats et la représentation graphique suivants : Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 356 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Crédibilité accordée à un personnage célébrité célébrité célèbre en fonction du sexe, par les féminine masculine Filles 58,06% 41,94% Garçons 90,48% 9,52% Ensemble 71,15% 28,85% répondants sensibles à ce facteur Crédibilité accordée à une célébrité utilisée par la publicité, en fonction du sexe de la célébrité (répondants ayant reconnu être sensibles à ce facteur) 100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0% Filles Garçons Ensemble Ensemble célébrité féminine Garçons célébrité masculine Filles On notera avec intérêt le pourcentage très élevé en ce qui concerne le groupe des garçons, où 90,48% dirent accorder plus de crédibilité à un porte-parole célèbre féminin. Ainsi, pour l'ensemble des résultats, 7 répondants sur 10 dirent attacher plus de crédibilité à une célébrité féminine, ce qui confirme les résultats obtenus aux Etats-Unis en 1981 par Harold SPIELMAN et sur lesquels nous reviendrons page 448. Le domaine d'expérience du personnage sur le produit Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 357 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Répondants Tout à fait Plutôt d'accord d'accord Filles 39,71% 29,41% Garçons 43,48% Ensemble 41,23% Indifférents Plutôt pas Pas du tout d'accord d'accord 13,24% 10,29% 7,35% 23,91% 15,22% 13,04% 4,35% 27,19% 14,04% 11,40% 6,14% Domaine d'expérience Domaine d'expérience Groupe des filles Groupe des garçons Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord pas du tout d'accord Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord Indifférents Certes, une majorité de répondants apparaît se déclarer d'accord pour dire que le domaine d'expérience du personnage est un argument convaincant (score moyen : 0,86). En revanche, il est également manifeste que cet argument ne suffira pas pour convaincre l'ensemble des répondants, car on voit bien que les surfaces de réponses se prolongent légèrement également en bas et à droite des radars, ce qui exprime la présence d'individus ne pensant pas qu'il s'agit d'un argument convaincant, ou encore qu'ils y sont indifférents. Phénomène confirmé par le calcul de la variance. Domaine d'expérience Filles Garçons Ensemble Score moyen 0,84 0,89 0,86 Variance 1,58 1,49 1,54 Ecart-type 1,26 1,22 1,24 Scores moyens sensiblement équivalents pour chacun des deux sexes. En revanche, l'analyse de la variance fait ressortir un perception très hétérogène au sein de chacun des Indifférents groupe (légèrement plus accentuée pour le groupe des filles) quant à l'aspect convaincant du domaine d'expérience du personnage sur le produit concerné. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 358 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ La qualité de la mise en scène Répondants Tout à fait Plutôt d'accord d'accord 35,29% 42,65% 14,71% 7,35% - 2,17% 54,35% 28,26% 13,04% 2,17% 21,93% 47,37% 20,18% 9,65% 0,88% Filles Garçons Ensemble Indifférents Plutôt pas Pas du tout d'accord d'accord Mise en scène Mise en scène Groupe des filles Groupe des garçons Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférents Pour la qualité de la mise en scène, les filles se déclarent d'accord en général à 77,94% (dont 35,29% tout à fait d'accord) alors que seulement 56,52% les garçons sont d'accord en général (dont 2,17% uniquement, tout à fait d'accord). Graphiquement, on constate bien d'ailleurs sur les radars que la surface de réponses du groupe pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférents des garçons est nettement plus aplatie et se répand plus vers le bas à droite, exprimant la présence d'indifférents plus nombreux chez les garçons. Seraitce à dire que les filles interrogées attachent plus d'importance à la présentation du message que les garçons ? Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 359 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Qualité de la Filles Garçons Ensemble Score moyen 1,06 0,41 0,80 Variance 0,79 0,68 0,85 Ecart-type 0,89 0,82 0,92 mise en scène L'observation des scores moyens confirme cette différence très importante entre les deux sexes, alors que l'analyse de la variance génère des résultats peu différents d'un groupe à l'autre. C'est donc a priori un résultat significatif du sentiment du groupe de filles interrogé. L'image du personnage perçue par le répondant Répondants Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Indifférents Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Filles 58,82% 32,35% 4,41% 4,41% - Garçons 58,70% 34,78% 6,52% - - Ensemble 58,77% 33,33% 5,26% 2,63% - Image du personnage Groupe des filles Image du personnage Groupe des garçons Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférents Cas intéressant en ce qui concerne l'image du personnage, car alors que le sentiment de chacun des groupes était légèrement différent comme nous l'avons vu, à propos de la pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord Indifférents notoriété du personnage ; les surfaces de réponses des deux radars sont ici presque les mêmes, ce qui exprime un sentiment relativement identique d'un sexe à l'autre et avec la même intensité Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 360 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ pour chacun des groupes. Toutefois, il se trouve quelques 4,41% des filles qui se déclarèrent "plutôt pas d'accord" sur l'aspect convaincant de l'argument, alors que pas un seul garçon ne se dit en opposition avec cet aspect de l'image du personnage. Image Filles Garçons Ensemble Score moyen 1,46 1,52 1,48 Variance 0,60 0,38 0,51 Ecart-type 0,78 0,62 0,72 On notera d'ailleurs que la valeur de la variance confirme cette différence dès lors qu'elle est à nouveau plus élevée pour le groupe des filles que pour celui des garçons. Enfin, nous pourrions dès à présent émettre l'hypothèse que cet argument semble avoir a priori plus d'importance aux yeux de chacun des groupes, que la simple notoriété. Ce, si l'on compare les scores moyens (filles : 1,37 / 1,46 ; garçons : 1,35 / 1,52). Nous vérifierons cette hypothèse plus tard à l'aide des classements. La qualité du témoignage direct du personnage Répondants Tout à fait d'accord Plutôt d'accord Indifférents Plutôt pas d'accord Pas du tout d'accord Filles 16,18% 48,53% 17,65% 13,24% 4,41% Garçons 23,91% 34,78% 23,91% 17,39% - Ensemble 19,30% 42,98% 20,18% 14,91% 2,63% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 361 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Qualité du témoignage Qualité du témoignage Groupe des filles Groupe des garçons Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord pas du tout d'accord Indifférents Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord A propos de la qualité du témoignage du personnage, les sentiments à l'intérieur du groupe des garçons semblent plus partagés, même si contrairement au groupe des filles, aucun d'entre eux ne se déclare "pas du tout d'accord" à propos de l'aspect convaincant de cet argument. Témoignage Filles Garçons Ensemble Score moyen 0,59 0,65 0,59 Variance 1,10 1,05 1,08 Ecart-type 1,05 1,03 1,04 L'étude de cet argument illustre parfaitement la complémentarité de l'analyse statistique de la variance d'une part, et de l'analyse graphique d'autre part. En effet, alors que l'analyse graphique présentait des surfaces de réponses sensiblement différentes, les calculs statistiques complémentaires expriment une valeur élevée de la Indifférents variance et d'une importance à peu près équivalente pour chacun des deux groupes, les scores moyens étant eux aussi peu différents. Rappelons que l'analyse de la variance fournit une analyse quantitative de la dispersion et non qualitative, ce qu'expriment dans un certain sens le score moyen et la représentation graphique. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 362 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ L'identification possible du répondant au personnage Répondants Tout à fait Plutôt d'accord d'accord Filles 30,88% 29,41% Garçons 10,87% Ensemble 22,81% Indifférents Plutôt pas Pas du tout d'accord d'accord 20,59% 14,71% 4,41% 52,17% 10,87% 15,22% 10,87% 38,60% 16,67% 14,91% 7,02% Identification au personnage Identification au personnage Groupe des filles Groupe des garçons Tout à fait d'accord Tout à fait d'accord pas du tout d'accord Plutôt pas d'accord Plutôt d'accord pas du tout d'accord Indifférents Plutôt d'accord Plutôt pas d'accord On retrouve en partie une différence - à propos de l'intensité du sentiment du groupe - à propos de l'identification possible au personnage : 60,29% des filles se déclarent d'accord en général (dont 30,88% tout à fait d'accord). Mais si 63,04% des garçons sont d'accord en général, seulement 10,87% sont tout à fait d'accord. Identification Filles Garçons Ensemble Score moyen 0,68 0,37 0,55 Variance 1,40 1,41 1,42 Ecart-type 1,18 1,19 1,19 Ce que confirme l'analyse statistique en nous procurant une valeur de la variance relativement élevée - mais d'importance égale - pour chacun des deux groupes, pour des Indifférents scores relativement faibles et mêmes très faibles pour le groupe des garçons. Cela exprime manifestement le sentiment d'un ensemble d'arguments pour lesquels les répondants sont en Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 363 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ moyenne faiblement d'accord sur leur aspect convaincant, lors de l'utilisation En revanche, comme le rappelle le tableau récapitulatif présenté ci- tableau récapitulatif Notoriété du porte-parole d'une célébrité en publicité. dessous, ce sentiment est perçu très différemment d'un argument à l'autre et même d'un sexe à l'autre. Crédibilité du Expérience du Qualité de la porte-parole porte-parole mise en scène Image du porte-parole Qualité du témoignage Possibilité d'identification Filles Score moyen 1,37 1,25 0,84 1,06 1,46 0,59 0,68 Variance 0,77 0,70 1,60 0,80 0,61 1,11 1,42 Ecart type 0,88 0,84 1,27 0,90 0,78 1,05 1,19 Score moyen 1,35 1,22 0,89 0,41 1,52 0,65 0,37 Variance 0,45 0,84 1,52 0,69 0,39 1,08 1,44 Ecart type 0,67 0,92 1,23 0,83 0,62 1,04 1,20 Score moyen 1,36 1,24 0,86 0,80 1,48 0,61 0,55 Variance 0,64 0,75 1,56 0,85 0,52 1,09 1,44 Ecart type 0,80 0,87 1,25 0,92 0,72 1,04 1,20 Garçons Ensemble Si l'on essaie maintenant de calculer un score général pour chacun des deux sexes, de l'ensemble des sept arguments soumis aux répondants, on obtient les résultats ci-après : Ensemble des sept arguments Filles Garçons Ensemble Score général moyen 1,03 0,92 0,99 Variance 1,09 1,08 1,09 Ecart type 1,04 1,04 1,04 Attention à l'interprétation ici. On constate que la valeur de la variance est quasiment identique d'un groupe à l'autre, et que les scores moyens eux mêmes sont peu différents. Ce calcul est caractéristique d'une sorte d'effet de lissage des résultats, qui masque diverses hétérogénéités spécifiques à chacun des arguments considérés indépendamment, et que nous avons Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 364 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ mises en valeur dans les pages qui précèdent. ces arguments qui était sollicité dans la seconde partie de la question. Supérieurs à zéro, ces scores généraux moyens signifient donc simplement que dans l'ensemble, les répondants perçoivent les différents arguments proposés comme étant convaincants - aucun n'obtenant d'avis de désaccord manifeste - mais que des différences persistent d'un groupe à l'autre et même ici d'un argument à l'autre. Les arguments pour lesquels le plus grand nombre de répondants sont d'accord en général pour penser qu'ils sont convaincants, sont l'image perçue du personnage, sa notoriété et sa crédibilité personnelle. Mais cela ne nous permet cependant pas de dire qu'ils sont les plus importants les uns par rapport aux autres, aux yeux de ces mêmes répondants. Il faut pour cela compléter ces observations avec les résultats obtenus sur le classement de On obtient alors des résultats quelque peu différents, puisque pour l'ensemble des répondants, il apparaît nettement que l'argument le plus convaincant à leurs yeux est le domaine d'expérience du personnage célèbre qui n'obtenait qu'un score d'ensemble de 0,86 quant à sa perception d'argument convaincant. Même si comme nous l'avons vu, l'on reconnaît en général aux répondants d'une enquête, un comportement plus logique qu'au naturel, cela exprime néanmoins ici la recherche d'un lien entre le produit et son porte-parole d'une adéquation stratégique - pour considérer plus aisément l'information, pour convaincre plus facilement le répondant de la validité des arguments avancés par le message publicitaire. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 365 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Classement général par l'ensemble des répondants Rang Arguments Nb. Point s 1 2 3 4 5 6 7 Domaine d'expérience 613 Identification possible 534 Qualité du témoignage direct 519 Image perçue du personnage 455 Crédibilité personnelle 383 Notoriété 352 Qualité de la mise en scène 336 Dans l'ensemble les répondants s'étaient montrés d'accord à 68,42% avec le fait que cet argument était convaincant, ce qui n'était pas le meilleur résultat et de loin (image du personnage perçue par le répondant : 92,10% d'accord dans l'ensemble). Maintenant, rappelons que sans tenir compte de la qualité de la réalisation publicitaire et en supposant que le produit était en adéquation aux yeux du répondant avec le personnage célèbre qui le présente, le type de célébrité jugé le plus convaincant par ces mêmes répondants était les acteurs. Si l'on relie ces résultats avec le classement obtenu pour les arguments jugés convaincants, nous pourrions nous interroger pour savoir quel peut bien être alors aux yeux des répondants, le domaine d'expérience où les acteurs sont les plus convaincants. Il apparaît intéressant ici d'introduire les principaux résultats recueillis à la question 5.H1, sur les genres de produits pour lesquels un type de porte-parole est jugé le plus convaincant. Observons les graphiques ci-dessous qui présentent les 10 premiers types de produits cités de manière spontanée : __________________ 1 - Cette question appelait une réponse spontanée. Les filles se montrèrent proportionnellement plus inspirées que les garçons sur cette question. Leur groupe comprenant 68 répondants fournit 95 réponses, soit un coefficient d'environ 1,4, alors que le groupe des garçons comprenant 46 répondants ne fournit que 45 réponses, soit un coefficient inférieur à 1. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 366 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Produits pour lesquels un acteur est le plus convaincant (ensemble des répondants) 45,61% Parfums Cosmétiques 25,44% Vêtements 25,44% Films 3,51% Tout 2,63% Produits de Luxe 2,63% Voyages 1,75% Sous-vêtements 1,75% Humanitaire 1,75% Cigarettes 1,75% 0,00% 5,00% 10,00% 15,00% 20,00% 25,00% 30,00% 35,00% 40,00% 45,00% 50,00% Quant aux résultats par sexe, on relève en définitive peu de différences pour les principaux produits. Produits pour lesquels un acteur est le plus convaincant (groupe des filles) 45,59% Parfums 30,88% Cosmétiques 29,41% Vêtements Films 5,88% Tout 2,94% Produits de Luxe 2,94% Voyages 2,94% Sous-vêtements 2,94% Humanitaire 2,94% Cigarettes 2,94% 0,00% 5,00% 10,00% 15,00% 20,00% 25,00% 30,00% 35,00% 40,00% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 45,00% 50,00% 367 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ premiers choix soient les mêmes pour les garçons et les filles est très significatif, dès lors qu'il s'agissait d'une question ouverte. Les trois produits se détachant très nettement, et ce, aussi bien chez les garçons que chez les filles, sont les parfums, les cosmétiques et les vêtements. Le fait que ces trois Produits pour lesquels un acteur est le plus convaincant (groupe des garçons) 45,65% Parfums 19,57% Vêtements 17,39% Cosmétiques Tout 2,17% Produits de Luxe 2,17% Paires de lunettes 2,17% Déodorants 2,17% Dentifrice 2,17% Automobiles 2,17% Produits alimentaires 2,17% 0,00% 5,00% 10,00% 15,00% 20,00% Dans ces conditions, il semble que les répondants soient logiques avec eux-mêmes pour la combinaison des réponses fournies à ces trois questions. En effet, on peut penser que ces trois types de produits puissent être du domaine d'expérience des acteurs. On remarquera toutefois avec intérêt le fait que le parfum se détache très nettement en tête de ces produits pour lesquels l'acteur est jugé le plus convaincant. Avec intérêt, car l'expérience des cas d'association rencontrés dans le passé ou encore 25,00% 30,00% 35,00% 40,00% 45,00% 50,00% exploités actuellement montre que très rares sont les exemples de succès1. Cela signifierait-il qu'un obstacle sépare la perception d'une association produit / porte-parole célèbre comme étant convaincante et le déclenchement du comportement d'achat ? Le raisonnement peut difficilement être posé en ces termes simplificateurs, car nous constaterons plus tard qu'en ce qui concerne le secteur des parfums, la célébrité est souvent un excellent facteur d'impact __________________ 1 - Voir infra la présentation de plusieurs exemples dans le cadre du chapitre IV, page 536. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 368 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ pour inciter à un achat d'essai, mais il reste ensuite au produit à faire ses preuves. De surcroît, le marché des parfums - qui peut s'avérer très rémunérateur cependant - est sollicité par de très nombreuses marques qui détournent parfois le consommateur de la fidélité à une fragrance habituelle particulière. Le sportif ayant obtenu 150 points au classement général des types de porte-parole les plus convaincants de la question 5.G, il paraissait également intéressant de faire le rapprochement avec les réponses obtenues sur les types de produits2, au regard des arguments jugés eux aussi comme étant les plus convaincants par les répondants. A l'instar de l'acteur, on obtient les graphiques suivants : __________________ 2 - Le sportif généra un plus grand nombre de réponses spontanées que l'acteur chez les filles avec 91 réponses soit un coefficient 1,5, alors que le groupe des garçons ne suscita que 45 réponses, soit le même coefficient inférieur à 1, que pour l'acteur. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 369 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Produits pour lesquels un sportif est le plus convaincant (ensemble des répondants) 45,61% Accessoires de sport 34,21% Vêtements de sport 11,40% Boissons 10,53% Aliments énergétiques Produits alimentaires 4,39% Parfum 4,39% Lunettes 1,75% Cosmétiques 1,75% Chewing gums 1,75% Humanitaire 0,88% 0,00% 5,00% 10,00% 15,00% 20,00% A la différence des classements générés sur le type "acteur," on observe 25,00% 30,00% 35,00% 40,00% 45,00% 50,00% quelques différences à l'étude des résultats par sexe : Produits pour lesquels un sportif est le plus convaincant (groupe des filles) 45,59% Accessoires de sport 38,24% Vêtements de sport 19,12% Boissons 8,82% Aliments énergétiques 7,35% Parfum 5,88% Produits alimentaires Cosmétiques 2,94% Chewing gums 2,94% Lunettes 1,47% Humanitaire 1,47% 0,00% 5,00% 10,00% 15,00% 20,00% 25,00% 30,00% 35,00% 40,00% Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 45,00% 50,00% 370 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ plus convaincant, les accessoires et les vêtements de sport, et ce pour chacun des deux sexes. Très logiquement, on retrouve en tête des citations spontanées de produits pour lesquels le sportif est perçu comme étant publicitairement le Produits pour lesquels un sportif est le plus convaincant (groupe des garçons) 45,65% Accessoires de sport 28,26% Vêtements de sport 13,04% Aliments énergétiques Rasoirs 2,17% Produits alimentaires 2,17% Montres 2,17% Parapharmacie 2,17% Lunettes 2,17% 0,00% 5,00% 10,00% 15,00% 20,00% Il y a donc une certaine logique là encore entre les réponses obtenues et le fait que l'argument jugé le plus convaincant soit le domaine d'expérience de la célébrité. Il y a encore plus manifestement ici une adéquation stratégique, un lien très direct recherché entre le domaine d'expérience du porte-parole et la catégorie de produits dont il est susceptible de vanter les mérites. Toutefois, on relèvera qu'un peu plus de 19% des filles perçoivent le sportif comme un porte-parole convaincant pour une boisson, alors que ce produit n'est jamais cité par les garçons. Des garçons qui présentent 25,00% 30,00% 35,00% 40,00% 45,00% 50,00% d'ailleurs un éventail de produits beaucoup plus restreint, puisque seuls 9 types de produits permettent selon eux un témoignage convaincant du sportif. Si l'on observe maintenant les résultats obtenus pour chacun des sexes, on se rend compte que l'ordre de prise en considération des arguments n'est pas tout à fait identique. De même que pour les résultats par sexe de la question 5.G, nous utiliserons ici un classement au regard de la part (en pourcentages) des points distribués par chaque groupe, de manière à permettre une comparaison plus aisée. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 371 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Classements par les filles Rang Arguments Classement par les garçons % des Rang Arguments Points 1 2 3 4 5 6 7 Domaine d'expérience 18,86% Qualité du témoignage direct 17,02% Identification possible 16,28% Image perçue du personnage 13,18% Qualité de la mise en scène 11,87% Notoriété 11,61% Crédibilité personnelle 11,19% % des Points 1 2 3 4 5 6 7 Domaine d'expérience 19,72% Identification possible 17,39% Image perçue du personnage 15,84% Qualité du témoignage direct 15,14% Crédibilité personnelle 13,20% Notoriété 10,17% Qualité de la mise en scène 8,54% Les filles comme les garçons considèrent que le premier argument est le domaine d'expérience, ce qui explique dans une certaine mesure que ce dernier soit nettement en tête dans le classement général. En revanche, hormis le classement de la notoriété à la 6ème position, les arguments ne sont pas considérés dans le même ordre par chacun des sexes. On notera en définitive deux groupes secondaires d'arguments : les positions 2, 3 et 4 et les positions 5, 6 et 7. Groupes secondaires à l'intérieur desquels on retrouve les mêmes arguments pour chacun des sexes. Toutefois, l'ordre d'apparition à l'intérieur de ces deux groupes secondaires n'est pas le même. Ayant utilisé deux versions du questionnaire, il était intéressant de comparer là aussi les résultats obtenus pour chacune des versions1. __________________ 1 - Pour plus de détails sur la construction de la question 5.I, se reporter en annexes page 684. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 372 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ 1 2 3 4 5 6 7 Ordre des arguments Ordre des arguments proposé par la version A proposé par la version B 1 2 3 4 5 6 7 Notoriété Crédibilité personnelle Domaine d'expérience Qualité de la mise en scène Image perçue du personnage Qualité du témoignage direct Identification possible Classement par l'ensemble des répondants version A du questionnaire Rang 1 2 3 4 5 6 7 Arguments % des Points Domaine d'expérience 18,66% Identification possible 17,73% Qualité du témoignage direct 16,63% Image perçue du personnage 14,10% Notoriété 11,51% Crédibilité personnelle 10,90% Qualité de la mise en scène 10,47% L'observation des résultats est d'autant plus intéressante que l'on retrouve, quelle que soit la version, l'argument "Domaine d'expérience du personnage" en 1ère position, alors que celui-ci était proposé en 3ème choix dans la version A et en 5ème choix dans la version B. Cela exprime une certaine homogénéité des réponses au regard d'une attention certaine portée à l'ensemble des arguments proposés, quelle que soit la version rencontrée. Identification possible Qualité du témoignage direct Image perçue du personnage Qualité de la mise en scène Domaine d'expérience Crédibilité personnelle Notoriété Classement par l'ensemble des répondants Version B du questionnaire Rang 1 2 3 4 5 6 7 Arguments % des Points Domaine d'expérience 19,77% Qualité du témoignage direct 15,88% Identification possible 15,69% Image perçue du personnage 14,41% Crédibilité personnelle 13,14% Qualité de la mise en scène 10,59% Notoriété 10,52% On rappellera également qu'il est parfois à redouter dans ce type de classement que la première proposition bénéficie d'un avantage dû à son arrivée en tête de liste. Or, dans le cas présent, l'argument "Identification possible au personnage" arrive en 2de position dans le classement des répondants exposés à la version A, alors qu'il était proposé en fin de liste. Et il arrive en 3ème position dans le classement des répondants exposés à la version B - soit un rang plus tard que dans le classement Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 373 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ précédent - alors qu'il était proposé en tête de liste par cette version. Bien que les versions soient différentes, on retrouve les deux groupes d'arguments secondaires identifiés précédemment. Ils présentent une nouvelle fois, un ordre différent des arguments qui les composent, et un ordre également différent de ceux obtenus à la lecture des classements effectués par chacun des deux sexes, à Classement par les filles Classement par les filles version A du questionnaire Version B du questionnaire Rang 1 2 3 4 4 5 6 l'exception du 1er groupe secondaire du classement des répondants à la version B et de celui du classement effectué par les filles. Peut-on dès lors en conclure que les filles furent a priori très majoritairement exposées à la version B du questionnaire ? Non, car c'est justement l'inverse qui se produisit : seules 45,59% d'entre elles furent exposées à la version B alors que 54,41% le furent à la version A. Arguments % des Points Domaine d'expérience 18,53% Qualité du témoignage direct 17,37% Identification possible 16,89% Notoriété 13,03% Image perçue du personnage 13,03% Qualité de la mise en scène 11,39% Crédibilité personnelle 9,75% On notera cependant avec intérêt le fort recul de la 4ème place (version A du questionnaire) à la 7ème place (version B du questionnaire) de l'argument "Notoriété" qui était proposé en 1ère position dans la version A, mais en dernière - donc 7ème position dans la version B. Rang 1 2 3 4 5 6 7 Arguments % des Points Domaine d'expérience 19,24% Qualité du témoignage direct 16,59% Identification possible 15,55% Image perçue du personnage 13,36% Crédibilité personnelle 12,90% Qualité de la mise en scène 12,44% Notoriété 9,91% L'analyse spécifique du groupe des garçons est également intéressante, car pour la première fois, l'argument "Domaine d'expérience du personnage" n'apparaît pas pour chacune des versions, en tête du classement. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 374 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Classement par les garçons Classement par les garçons version A du questionnaire Version B du questionnaire Rang Arguments % des Rang Arguments Points 1 2 3 4 5 6 6 Identification possible 19,22% Domaine d'expérience 18,88% Image perçue du personnage 15,99% Qualité du témoignage direct 15,31% Crédibilité personnelle 12,93% Notoriété 8,84% Qualité de la mise en scène 8,84% Certes, la part des points attribués est peu différente entre les arguments "Identification possible avec le personnage" et "Domaine d'expérience du personnage" mais elle suffit dans le cas des répondants exposés à la version A, pour inverser la tête du classement constaté jusqu'à lors. Alors que la différence de la part des points accordés à chacun de ces deux arguments par les répondants exposés à la version B est plus significative d'une hiérarchie beaucoup plus distincte. En revanche, on ne peut làencore expliquer cette différence par l'observation de l'enseignement de la recherche indiquant une préférence relative au premier item proposé par la version d'exposition du questionnaire, car l'argument "Identification possible avec le personnage" arrive en tête dans le classement des répondants exposés à la version A du questionnaire, où cet argument est justement proposé en fin de liste. % des Points 1 2 3 4 5 6 7 Domaine d'expérience 20,43% Identification possible 15,86% Image perçue du personnage 15,71% Qualité du témoignage direct 15,00% Crédibilité personnelle 13,43% Notoriété 11,29% Qualité de la mise en scène 8,29% Toutefois, constatant une nouvelle fois l'inverse des observations mises en avant par la littérature, on peut émettre une suggestion au regard de la construction de la question 5.I. Rappelons que de manière à ne pas altérer l'utilisation des échelles par le répondant, la sous-question du classement ne survenait qu'après la dernière échelle1. Or, si l'on considère que le premier argument rencontré bénéficie d'un avantage quant au classement, cela signifierait que les répondants ont en général repris la liste des arguments proposés, du bas vers le haut de la page. Cette hypothèse serait également confirmée par le fait que l'argument "Domaine d'expérience du personnage" est situé plus tôt dans l'ordre des propositions de la version B que dans celui de la version A, toujours dans l'optique où l'on déplace l'oeil du bas vers le haut de la page. Or, c'est bien par les garçons exposés à la __________________ 1 - Voir l'exemplaire des deux versions du questionnaire présenté en annexes page 694 Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 375 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ version B que cet argument est nettement classé en tête des arguments convaincants. Un autre enseignement très intéressant de l'analyse du groupe des garçons au regard de leur exposition à la version A ou à la version B du questionnaire tient au fait que hormis les deux premières places, le classement des 5 autres arguments est identique, quelle que soit la version du questionnaire à laquelle le répondant ait été exposé2. Cela exprime manifestement une certaine homogénéité de la population masculine étudiée, sur cette question. 5 - Conclusions Au regard des hypothèses posées en introduction, quels enseignements généraux peut-on tirer de cette expérimentation ? 0 H0 : Les publicités contenues dans le support testé et qui utilisent une ou plusieurs célébrités bénéficient d'un souvenir spontané supérieur à celui porté aux publicités concernant le même type de produits et n'utilisant pas de célébrités. A l'étude des résultats qui précèdent nous avons observé la présence en deuxième et troisième position des publicités LANCÔME et BREITLING, qui bénéficiaient de notre attention parce qu'utilisant des célébrités3. Elles sont toutefois devancées par la publicité placée en 4ème de couverture, ce qui ne permet pas de dire que d'une manière absolue, une publicité utilisant une célébrité obtient un meilleur souvenir spontané. En revanche au regard de l'hypothèse que nous avions formulée, les résultats mettent en évidence que c'est à chaque fois une publicité utilisant une célébrité qui se trouve en tête des citations spontanées, par rapport aux autres publicités concernant le même type de produits, et présentes dans le support. Certes, le résultat du souvenir spontané pour la publicité pour la marque LES POLYSIANES avec Jenna De ROSNAY est relativement mauvais. Il s'agissait pourtant d'une double page, en couleur de surcroît, et sur laquelle la célébrité était clairement nommée. Mais nous restons conscient qu'utilisant un support réel spécifique, de nombreux autres facteurs (emplacement de la publicité4, surface __________________ 3 - On pourrait en partie expliquer le résultat __________________ 2 - Avec toutefois la nuance que les arguments "Notoriété" et "Qualité de la mise en scène" sont à égalité dans le classement des répondants exposés à la version A, et ordonnés avec une préférence à l'argument "Notoriété" dans le classement des répondants exposés à la version B. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité relativement mauvais obtenu par la publicité pour le jeu concours de la marque HOLLYWOOD, par le fait que la célébrité - Gabriela SABATINI - n'était pas directement citée, et à la limite, peut-être même difficilement identifiable par les lecteurs. 4 - On notera sur ce point particulier que la publicité pour la marque CHANEL insérée page 91, donc proche de la publicité pour la marque LES POLYSIANES (située page 96) obtint un taux de souvenir spontané de 7,02% 376 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ publicitaire utilisée, approche du support par le répondant, sexe et intérêt du répondant par rapport à la nature même du support,...) conditionnent ces résultats. Nous retiendrons également que c'est une publicité utilisant une célébrité - LANCÔME avec Isabella ROSSELLINI - qui est arrivé en tête des citations spontanées des publicités incitant le plus à l'achat. Et enfin, que c'est à nouveau la première marque à être citée parmi celles ayant déclenché un comportement d'achat entre l'exposition à la publicité et l'administration du questionnaire. Si l'on observe le tableau récapitulatif présenté ci-dessous, on s'aperçoit aisément que les publicités qui faisaient l'objet de cette étude ne figurent pas systématiquement toutes en tête de tableau, la première place étant même occupée une nouvelle fois par la marque GUERLAIN, dont la publicité était située en 4ème de couverture (parfum SAMSARA) et en page 46 (protection solaire). 0 H1 : Les publicités contenues dans le support testé et qui utilisent une ou plusieurs célébrités bénéficient d'un souvenir assisté supérieur, à celui porté aux publicités n'utilisant pas de célébrités. Rappelons que la question 2.B comportait vingt marques, proposées au répondant, et que parmi ces vingt marques, figuraient les cinq dont la publicité nous intéressait plus particulièrement, neuf qui avaient été tirées au hasard parmi les annonceurs du support dont l'espace publicitaire était au moins égale à une pleine page, et enfin six présentant le nom de marques pour lesquelles il n'était pas fait de publicité dans le support utilisé. pour l'ensemble. Alors que de surcroît cette publicité n'utilisait qu'une page simple. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 377 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Marques Ensemble Filles Garçons Guerlain 86,84% 85,29% 89,13% Lancôme 85,09% 88,24% 80,43% Breitling 69,30% 52,94% 93,48% Canderel 69,30% 70,59% 67,39% Yves Rocher 69,30% 66,18% 73,91% Variance 62,28% 64,71% 58,70% Vuarnet 58,77% 55,88% 63,04% Folio 49,12% 52,94% 43,48% Elizabeth Arden 44,74% 52,94% 32,61% Kloranne 43,86% 55,88% 26,09% Les Polysianes 40,35% 42,65% 36,96% Hollywood 37,72% 26,47% 54,35% Mac Donald's 28,95% 23,53% 36,96% Listel 20,18% 20,59% 41,30% Taux moyen 54,70% 54,20% 56,99% Si nous ne pouvons pas conclure par l'affirmative l'hypothèse H1, on notera cependant que lorsque l'on considère les résultats des différentes marques proposées, en fonction du sexe du répondant, la première place est en revanche à chaque fois occupée par l'une des publicités qui utilisaient une célébrité - LANCÔME pour les filles et BREITLING pour les garçons. Mais les autres marques n'obtiennent pas toutes d'aussi bons résultats. Et si l'on calcule le taux moyen de ce souvenir assisté pour les différentes marques dont la publicité était faite dans le magazine, on observe que les publicités des marques LES POLYSIANES et HOLLYWOOD n'atteignent même pas ce niveau. Ainsi, ces résultats nous autorisent à dire que l'utilisation d'une célébrité ne permet pas à une marque d'obtenir systématiquement un taux de souvenir assisté supérieur à celui des autres marques soumises à l'expérimentation, dont les publicités figuraient dans le support, et qui n'utilisaient pas de célébrités. 0 H2 : L'attitude du répondant face à une publicité utilisant une célébrité est différente en fonction du sexe du répondant. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 378 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Au regard des différents résultats obtenus, il est manifeste que le groupe des garçons n'a pas réagi scrupuleusement de la même manière que celui des filles, sur différents points. On peut d'ailleurs observer dans un premier temps que l'attitude de chacun des sexes était différente à propos des célébrités elles-mêmes. Le classement des types de célébrités jugées les plus convaincants dans Célébrités jugées les plus sympathiques par les filles l'optique d'une utilisation publicitaire était différent d'un groupe à l'autre. Le sportif étant jugé par les garçons comme étant le plus convaincant des différents types de célébrités proposés, alors que les filles plaçaient l'acteur en tête du classement. Même en considérant les indices de sympathie, obtenus pour les différentes célébrités exploitées à des fins publicitaires dans le support utilisé, le classement était lui aussi significativement différent d'un sexe à l'autre. Célébrités jugées les plus sympathiques par les garçons 1 - Isabella ROSSELLINI 1 - Jenna de ROSNAY 2 - Jenna de ROSNAY 2 - Gabriela SABATINI 3 - Gérard LANVIN 3 - Isabella ROSSELLINI A propos des publicités plus particulièrement visées par l'enquête, nous rappellerons qu'aucune n'obtint le même score de souvenir spontané d'un groupe à l'autre. Et si certaines marques comme LANCÔME obtenait 29,41% de souvenir spontané chez les filles et 26,09% chez les garçons - des scores peu différents donc entre les deux sexes -, en revanche d'autres marques comme BREITLING - 8,82% de souvenir spontané chez les filles et 30,43% chez les garçons - suscitaient un taux de souvenir très différent. Le souvenir assisté du groupe des garçons était légèrement plus faible que celui des filles pour les marques LANCÔME, VARIANCE1 et LES POLYSIANES. En revanche, il était très sensiblement supérieur pour les marques BREITLING et HOLLYWOOD. On retrouve également des résultats très différents d'un sexe à __________________ 1 - Un post-test sur 200 femmes eut lieu du 1er au 4 Juin 1992 pour la campagne VARIANCE. Toutes les personnes interrogées lisaient au moins un des supports Femme actuelle et Elle qui avaient été utilisés et des quotas de répartition par âge - 20-24 ans : 25%, 25-34 ans : 40%, 35-49 ans : 25% et 50-60 ans : 10% -. VARIANCE obtient 5% de notoriété spontanée, un score de reconnaissance de 26% et un score d'agrément de 54% pour l'annonce Gérard LANVIN. Rappelons que l'annonce "Gérard LANVIN" avait été précédée par une annonce similaire, mais avec le joueur de tennis Yannick NOAH, la semaine précédente. (source annonceur et agence - 1992) Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 379 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ l'autre lorsque l'on observe les résultats de l'identification du produit et/ou de sa marque par rapport au nom de la célébrité qui était proposé. Si 50,00% des garçons furent en mesure d'identifier le nom du produit ou de la marque LANCÔME par rapport au nom d'Isabella ROSSELLINI, les filles furent 67,65%. Plus significatives encore sont les réponses obtenues sur les noms de Winston CHURCHILL et Franklin D. ROOSEVELT. 22,06% des filles furent capables d'identifier le nom du produit ou de la marque BREITLING sur la proposition du nom de Franklin D. ROOSEVELT, et 38,24% sur celui de Winston CHURCHILL. Alors que les garçons furent 41,30% a identifier correctement la marque ou le nom du produit à la proposition du nom de Franklin D. ROOSEVELT et 69,57% à la proposition du nom de Winston CHURCHILL. Le souvenir spontané pour ces deux personnalités - et plus particulièrement dans le cas de Winston CHURCHILL - était déjà très différent d'un sexe à l'autre, puisque si 21,74% des garçons eurent le souvenir spontané d'avoir vu le Premier Ministre britannique sur une publicité contenue dans le magazine, seuls 7,35% des filles s'en souvinrent spontanément. . Or, comme nous l'avions vu, il est ici impossible de généraliser en indiquant que le type de montres commercialisées par BREITLING étant destiné à un public masculin, il était logique de retrouver un souvenir de meilleure qualité chez les garçons que chez les filles, car une autre publicité nous fournit un contre-exemple. En effet, l'étude du même objet - analyse comparative du souvenir spontané de la marque et de la célébrité - pour la publicité VARIANCE montre que 10,87% des garçons se souvinrent spontanément d'avoir vu une publicité pour VARIANCE dans le support, alors que seules 7,35% des filles en eurent le souvenir. Or, la lingerie féminine n'était pas a priori un produit destiné à un public de consommateurs masculins. Et l'on retrouvait ce même avantage - à moindre échelle - dans le cas de la marque LES POLYSIANES pour laquelle 4,35% des garçons avaient le souvenir d'avoir vu une publicité, pour seulement 1,47% des filles. Quant aux sept arguments testés à propos de la prestation publicitaire d'une célébrité, pour savoir quels étaient ceux qui étaient le plus convaincants, on retrouve là-encore des divergences importantes sur certains d'entre eux, d'un sexe à l'autre. C'est notamment le cas de la possibilité d'identification à la personnalité utilisée. Le groupe des filles (score moyen : 0,68) est plus nettement d'accord dans l'ensemble que celui des garçons (score moyen : 0,37). Même s'il faut reconnaître dans ce dernier cas une variance relativement élevée pour chacun des sexes (groupe de filles : 1,42 ; groupe des garçons : 1,44). On peut également citer le cas encore plus significatif de la qualité de la mise en scène. Le groupe des filles (score moyen : 1,06) est nettement d'accord avec l'aspect convaincant de cet argument, alors que les garçons (score moyen : 0,41) sont très faiblement d'accord dans Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 380 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ l'ensemble à propos de ce même argument. Ainsi, même si l'on peut déplorer une variance relativement importante (groupe des filles : 1,09 ; groupe des garçons : 1,08) pour l'analyse d'ensemble de ces sept arguments, il n'en reste pas moins que le score moyen du groupe des filles (1,03) est plus élevé que celui des garçons (0,92). Cela exprime - sous réserve bien entendu des hétérogénéités spécifiques présentées dans les pages qui précèdent - dans une certaine mesure que le groupe des filles semble plus sensible aux sept arguments proposés, que le groupe des garçons. D'ailleurs, si l'on analyse dans un second temps les résultats du classement de ces arguments pour chacun des deux groupes, on s'aperçoit que le principal argument est le domaine d'expérience, mais qu'au delà, les avis diffèrent d'un sexe à l'autre, sur l'ordre d'importance de ces arguments. Ainsi, ne pouvons nous que conclure par l'affirmative l'hypothèse H2. Alors qu'appartenant à un groupe de consommateurs dont l'âge et la formation étaient peu différents pour chacun des individus, le répondant réagit différemment à une publicité utilisant une célébrité, suivant qu'il est du sexe masculin ou du sexe féminin. Et cela ne paraît par ailleurs pas être fonction de l'appartenance ou non à la cible naturelle du produit. 0 H3 : L'achat ou la consommation préalable d'un produit n'influence pas l'impact sur le répondant, d'une publicité utilisant une célébrité. Au regard des résultats obtenus à la question de la série n°4, croisés avec ceux de la question 1.B puis 2.B, il est possible de conclure l'hypothèse H3 par l'affirmative. Seul le cas de la publicité LANCÔME - et de surcroît pour ce qui est du souvenir assisté uniquement - permet de mettre statistiquement en évidence à l'aide du test du χ², un lien entre le contact direct préalable avec le produit et le souvenir assisté de la marque par le répondant. Tous les tests pratiqués sur les résultats des autres publicités expriment au contraire une absence de lien entre le contact préalable avec le produit et le souvenir spontané ou assisté d'avoir vu une publicité pour la marque correspondante, dans les pages du support. Au surplus, si l'on compare les résultats obtenus pour les publicités des marques BREITLING et HOLLYWOOD, on constate que les réactions sont complètement opposées. Ainsi, alors que la marque de chewing gums bénéficie d'un taux de 92,11% d'acheteurs et d'un taux de 97,37% pour les consommateurs préalables du produit, elle n'obtint le souvenir spontané que de 3,51% des répondants, et le souvenir assisté de 37,72%. En revanche, seuls 1,75% des répondants déclarèrent avoir déjà acheté une montre, et 2,63% dirent l'utiliser, parmi ceux qui eurent le souvenir spontané de la marque BREITLING. Or, cette marque obtint le souvenir spontané de 17,54% des répondants et le souvenir assisté de 69,30%. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 381 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ La vérification de cette hypothèse nous permet également de considérer que les résultats aux trois précédentes hypothèses peuvent être pris en compte, sans craindre le biais du parasitage d'un contact préalable avec le produit concerné. 0 H4 : La sympathie à l'égard d'une célébrité n'influence pas le souvenir de la publicité utilisant cette célébrité. Diverses études menées aux Etats-Unis mirent en évidence le fait que la sympathie à l'égard d'une célébrité n'était pas un critère influençant l'impact obtenu par une publicité l'utilisant2. L'analyse qui précède à ce sujet fut menée aussi bien à propos du souvenir spontané que du souvenir assisté, et pour chacune des célébrités présentes dans le support. L'absence de constat d'une relation systématique à ce propos nous permet également de conclure cette hypothèse par l'affirmative. Certes Gabriela SABATINI, Jenna de ROSNAY ou encore Isabella ROSSELLINI obtiennent des indices de sympathie plus élevés chez les répondants ayant eu le souvenir spontané ou assisté de la publicité, que chez l'ensemble des répondants. Mais la même observation ne peut être faîte à propos de Winston CHURCHILL et Franklin ROOSEVELT pour __________________ 2 - Voir notamment les travaux de Michael KAMINS (1990) présentés page 447. BREITLING, ou à propos de Gérard LANVIN pour VARIANCE. L'association BREITLING / Franklin ROOSEVELT / Winston CHURCILL montrant bien qu'une célébrité peut être attirante sans pour autant paraître sympathique aux yeux des consommateurs. On observe simplement une variance plus faible concernant les résultats obtenus auprès des répondants ayant eu le souvenir spontané, par rapport à ceux ayant eu le souvenir assisté de la publicité. Cet écart étant en partie dû au nombre de répondants logiquement moins important dans le premier cas que dans le second. On ne peut s'empêcher de penser ici au cas d'école bien connu du personnage de Mr. WHIPPLE3 qui fut utilisé pendant de nombreuses années aux Etats-Unis pour le papier toilette CHARMIN de PROCTER & GAMBLE. Les films publicitaires réalisés se montrèrent très efficaces en termes d'impact et de résultats sur les ventes, alors qu'une majorité de consommateurs déclaraient détester cette publicité et ce personnage4. __________________ 3 - Voir à ce propos : "Marketing : As Mr. WHIPPLE shows, ad stars can bring long-term sales gains" Lawrence INGRASSIA, THE WALL STREET JOURNAL du 12 Février 1981. 4 - Voir notamment : "Marketing : Ring around the collar' ads irritate many yet get results" Bill ABRAMS, THE WALL STREET JOURNAL du 4 Octobre 1982. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 382 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ 0 H5 : La notoriété du porte-parole publicitaire est perçue comme étant l'argument publicitaire le plus convaincant, lorsqu'une publicité utilise une célébrité. Cette hypothèse nous semblait importante à vérifier, car lorsque nous interrogeâmes divers professionnels de la communication publicitaire, la notoriété de la célébrité fut systématiquement mise en avant comme étant la raison essentielle motivant son utilisation. D'ailleurs, la notoriété fut longtemps dans le passé l'un, sinon l'unique motif d'utilisation d'une star en vue d'obtenir de l'impact auprès des consommateurs. Classement des arguments Rang + 1 2 3 4 5 6 7 jugés convaincants, par l'ensemble des répondants Domaine d'expérience Identification possible Qualité du témoignage direct Image perçue du personnage Crédibilité personnelle Notoriété Qualité de la mise en scène Or, à l'étude du classement réalisé par les répondants à propos des arguments jugés les plus convaincants rappelé dans tableau récapitulatif présenté ci-dessus -, lors de l'utilisation d'une célébrité par la publicité, il ressort que la notoriété arrive en fin de liste, tout juste avant la qualité de la mise en scène. Certes, nous avons constaté que des différences existaient d'un sexe à l'autre, et même dans certains cas d'une version du questionnaire à l'autre. Mais ces différences ne remettent jamais en question le fait que la notoriété ne semble pas être un argument majeur aux yeux des répondants. Certains publicitaires tels que Jacques SEGUELA1 présentèrent les années 90, comme la fin de la publicité spectacle et le retour des valeurs ; le fond reprenant ses droits sur la forme trop souvent privilégiée la décennie précédente. Or, le peu d'attachement à cet argument nous permettant de rejeter l'hypothèse H5, il semble que le consommateur soit en partie lui aussi de cet avis. Par ailleurs, il est manifeste qu'en plaçant en tête de classement - et de manière très significative - le __________________ 1 - Entretien privé accordé le 31 Janvier 1989. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 383 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ domaine d'expérience de la célébrité, comme étant l'argument jugé le plus convaincant, les répondants confirment totalement cette tendance. 0 H6 : L'acteur demeure encore aujourd'hui, le type de célébrité jugé le plus convaincant, dans l'objectif d'une utilisation publicitaire. Nous avions constaté dans le cadre du chapitre I, que l'acteur avait été dans le passé, le type de célébrité le plus utilisé par la publicité. Or, disposant d'un échantillon de population très jeune, il paraissait intéressant de les interroger pour savoir quel était selon eux le type de célébrité le plus convaincant aujourd'hui, dans l'optique d'une utilisation publicitaire. Rappelons qu'à de nombreuses reprises, le calcul de la variance révéla une dispersion importante des réponses d'un sexe à l'autre, voire à l'intérieur d'un même groupe, signifiant ainsi un sentiment très hétérogène parmi les répondants. Que de surcroît, la présence heureuse dans le support, de cinq publicités utilisant une ou plusieurs célébrités, nous permis de confirmer que les réactions des répondants, d'un type de célébrité (acteur contre sportive, personnage historique contre top-model,...) à l'autre, voire d'une célébrité à l'autre pour un même type (Winston CHURCHILL contre Franklin ROOSEVELT par exemple), pouvaient générer des résultats forts différents. Enfin, à l'instar de ce qui ce produisit pour le sujet de l'hypothèse H5 nous avons constaté des différences d'un sexe à l'autre et d'une version de questionnaire à l'autre. Mais comme le montre le tableau récapitulatif ci-dessous, l'acteur est toujours le type de célébrité jugé le plus convaincant, par les répondants soumis à l'étude. Ce qui permet donc de conclure par l'affirmative la présente hypothèse. Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 384 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Rang Classement des types de personnage par l'ensemble des répondants + 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 Acteur Sportif Journaliste Personnage de fiction Personnage Historique Top-model Musicien Chanteur Grand-cuisinier Homme politique Animateur Ainsi, cette étude contribue-telle à condamner le principe d'utilisation à l'aveugle d'une célébrité, pour la simple et unique raison qu'elle est une célébrité. Chaque type de célébrité et plus précisément, chaque célébrité est un cas unique, doté de caractéristiques spécifiques, agissant et générant des résultats différents d'un produit à l'autre, d'une cible à l'autre, d'un mode d'utilisation à l'autre. C'est la raison pour laquelle, au regard de ces conclusions, nous allons pouvoir à présent détailler le fait que son choix doit être très strictement conditionné par la stratégie publicitaire, et non l'inverse ! Chapitre II : Fondements marketing de l'utilisation d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 385 Doctorat de l'Université Paris 1 - Panthéon Sorbonne Thèse de Sciences de Gestion - Spécialisation Marketing présentée et soutenue publiquement le 29 Janvier 1993 par Jean-Marc LEHU ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ tome 2/2 Président du Jury : M. le Professeur Henri MERCILLON (Professeur à l'Université PARIS 1 - Panthéon Sorbonne) Suffragants M. le Professeur Pierre GREGORY (Professeur à l'Université PARIS 1 - Panthéon Sorbonne) Mlle le Professeur Claire OPSOMER (Professeur à l'Université PARIS 1 - Panthéon Sorbonne) M. le Professeur Jean-Claude GILARDI (Professeur à l'Université de NANCY II - Pôle Lorraine de Gestion) Mme Claudine de FRANCE (Chargée de Recherches au Centre National de la Recherche Scientifique) ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Sommaire - Tome 2 Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité A / Définition du rôle publicitaire de la célébrité 390 393 1 - Le témoin 2 - Le porte-parole officiel 3 - Le bénéficiaire d'un contrat de sponsoring 4 - L'expert 394 5 - Le manager 6 - L'acteur 430 B / Caractéristiques de la célébrité recherchée 397 399 409 439 445 1 - Sexe et âge de la célébrité 448 2 - Porte-parole unique ou porte-parole multiples 3 - Utilisation des droits dérivés 469 C / Elaboration du contrat 478 485 1 - Dispositions légales 486 2 - Caractéristiques du contrat 3 - L'agent artistique 4 - Coût de la célébrité 499 Chapitre IV : Analyse du mode et des règles d'utilisation d'une célébrité A / Risques publicitaires à éviter 503 506 524 527 387 Sommaire tome 2 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ 1 - La vampirisation du message 2 - L'absence de crédibilité 3 - La non identification du porte-parole B / Précautions et caractéristiques d'exploitation 1 - Précautions pour la célébrité 2 - Précautions pour l'annonceur 3 - Durée d'utilisation et supports adéquats C / Evocation publicitaire de la célébrité 1 - Sosies et imitations 2 - Le principe du détournement 3 - Les astuces publicitaires 528 536 559 571 571 577 586 597 598 607 620 Conclusions générales 627 Annexes 633 Annexe n°1 : Stars de bandes dessinées 1 - Le cas Droopy / Rank Xerox 2 - Le cas Astérix et Obélix 3 - Le cas Tintin 4 - Le cas Peanuts Annexe n°2 : Le cas de la montre Rolex 634 635 636 639 642 645 1 - L'huître la plus chère du monde 2 - Sélection des porte-parole 3 - Succès de la campagne 645 4 - Concurrence 651 646 649 388 Sommaire tome 2 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Annexe n°3 : Le cas de la carte American Express 1 - Do you know me ? 2 - Evolution : la campagne Portraits 3 - Adaptation : communication hexagonale 4 - Concurrence et détournements 656 657 662 664 665 Annexe n°4 : Le cas du savon Lux 669 1 - Origine de l'axe de la campagne 2 - Le choix des stars 670 3 - Pérennité et succès de la campagne 679 Questionnaire d'enquête 674 684 A / Construction du questionnaire 684 B / Versions A et B du questionnaire d'enquête 694 Table de distribution du χ² 705 Lexique 707 Références bibliographiques 728 . Principaux ouvrages et travaux de recherches . Principaux articles de presse 729 756 Index + 787 Informations pratiques 808 389 Sommaire tome 2 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ III Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité A / Définition du rôle publicitaire de la célébrité 390 393 1 - Le témoin 2 - Le porte-parole officiel 3 - Le bénéficiaire d'un contrat de sponsoring 394 4 - L'expert 5 - Le manager 6 - L'acteur 409 B / Caractéristiques de la célébrité recherchée 397 399 430 439 445 1 - Sexe et âge de la célébrité 448 2 - Porte-parole unique ou porte-parole multiples 3 - Utilisation des droits dérivés 469 C / Élaboration du contrat 478 485 1 - Dispositions légales 486 2 - Caractéristiques du contrat 3 - L'agent artistique 4 - Coût de la célébrité 499 Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 503 506 390 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ III "La vedette d'aujourd'hui est souvent le clochard de demain" Groucho MARX "Groucho and Me" 1959. Analyse du choix d'une célébrité *** En 1986, l'acteur américain Andy GRIFFITH, fut choisi par l'agence J. WALTER THOMPSON1 de Chicago pour faciliter le repositionnement des 110 produits de la société KRAFT, spécialisée dans le fromage sous toutes ses formes. En raison de la bataille sur les prix que menaient ses concurrents, KRAFT souhaitait expliquer à des consommateurs très sensibles à cet argument, que son prix légèrement supérieur provenait d'une qualité elle aussi supérieure. Compte tenu de l'importance stratégique de la campagne, elle fut dotée d'un budget de Un an plus tard en France, le comédien Bernard BLIER fut choisi pour participer à trois films pour le camembert PRESIDENT. Il fallait montrer que le fromage était bon et que l'on pouvait en manger à toute heure. __________________ __________________ 1 - La société KRAFT est cliente de l'agence J. WALTER 2 - "KRAFT spells out new tack in its cheese advertising" THOMPSON depuis 1922. Julie FRANZ, ADVERTISING AGE du 8 Septembre 1986. 24 millions de dollars. A ce niveau, l'attention portée au choix de la célébrité est capitale. Parce qu'il représentait exactement les qualités "naturelles, honnêtes et crédibles" du produit, l'acteur américain Andy GRIFFITH fut choisi parmi plus de 400 autres stars2 ! Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 391 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Un film montrait le comédien au petit déjeuner dans sa cuisine, un autre au dîner en compagnie de deux invités, et enfin dans la journée à son bureau de travail3. Proposé à l'agence PUBLICIS par son fils, le metteur en scène Bertrand BLIER, Bernard BLIER ne fut pas simplement choisi pour son talent de comédien ; encore fallait-il quelqu'un de sympathique et crédible au yeux du public pour une telle prestation. Pour affiner son choix, l'agence fit alors réaliser un sondage par la société d'études IPSOS. Il en ressortit que 60 % des Français faisaient confiance à l'acteur, mais surtout que 85 % le trouvaient sympathique. Son choix était alors tout indiqué. "On l'imaginait parfaitement bon vivant, bien français, un peu iconoclaste,... et la pub disait ça, commente Jean-Michel CARLO4, la personnalité et le caractère de Bernard BLIER étaient totalement au service du produit. Le message était cohérent et c'est comme ça que ça marche." A l'exception de l'objectif aveugle5 consistant à faire appel à une __________________ 3 - Voir notamment "Bernard BLIER plébiscité pour Président" Anonyme, STRATEGIES N°546 du 26 Janvier 1987 et "Le Camembert PRESIDENT s'abandonne a un anti-héros", Anonyme, MEDIAS N°178 du 6 Mars 1987. 4 - Entretien privé accordé le 28 Avril 1988. 5 - Pour l'anecdote, on citera le contre-exemple raconté par Stephen FOX, dans "The mirror makers : A history of American advertising and its creators" op. cit. page 157, à propos de la sélection d'une star pour un programme radiophonique en 1934. "Y&R [YOUNG & RUBICAM] réussit son premier hit en prime time avec un spectacle star quelle qu'elle soit pour avoir de l'impact quel qu'il soit, le choix (casting) de la star revêt une importance considérable, fondamental pour le bon déroulement et l'efficacité de la communication. Pour le choix d'un mannequin "inconnu", le casting est déjà important puisque l'heureux élu incarnera le lien entre le produit et le consommateur. Dans le cas d'une star, le fait que celle-ci soit par définition déjà connue de la cible, implique de plus amples précautions encore. "Si elle est bien choisie, les valeurs qu'elle incarne ne peuvent que retomber sur votre marque [...] Ce qui importe c'est que le choix réponde bien plus qu'à une attente du consommateur, à une adéquation entre le produit et ce qui est proposé par ces vedettes" considère Michel ROGALE6. Et Jean-Michel CARLO7 de compléter en expliquant que "si le produit est mal choisi, cela peut temporairement nuire [à la star]. Ça peut se passer en France, où les stars sont beaucoup plus soucieuses de leur image et demandent des cachets de variétés pour JELL-O en 1934. «Jack BENNY fut retenu parce qu'il était disponible» se rappelle Lou BROCKWAY. Des comédiens plus populaires tels que Will ROGERS et Eddie CANTOR étaient enchaînés à des contrats à long-terme. «Nous fûmes très francs avec notre client en lui présentant Benny. Nous lui dîmes qu'il n'était ni notre premier choix, ni le deuxième, ni même le troisième, mais qu'il était disponible et qu'il avait un bon registre, sinon remarquable» raconte BROCKWAY. GENERAL FOODS fut d'accord pour dépenser 7.500 $ par semaine pour les coûts de production et de diffusion. Après trois mois, les ventes de JELL-O grimpèrent et le pari fut déclaré comme étant un succès." 6 - Entretien privé accordé le 12 Juillet 1988. 7 - Entretien privé accordé le 28 Avril 1988. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 392 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ extraordinaires. Mais Alice SAPRITCH pour JEX FOUR, je suis sûr que ça lui a rendu service. Pourquoi ? Parce que l'idée était formidable, le film était bien fait, et la façon dont on la faisait tourner était le côté iconoclaste de SAPRITCH. Si l'on avait mis Catherine DENEUVE pour faire ça, cela aurait été une catastrophe. Il faut faire attention dans le choix d'une personnalité. Il faut qu'elle ait un rapport direct avec le concept visé ou le produit." En définitive, nous pensons que le premier critère de ce choix dépendra directement du degré d'intervention de la célébrité dans la communication, de son rôle. D'où la nécessité impérieuse de la définition préliminaire en des termes précis de ce rôle que devra assurer la célébrité. Cette approche nous semble plus logique d'un point du vue marketing, que la définition de types de célébrités eux-mêmes8. A / Définition du rôle publicitaire de la célébrité Si pour le spectateur profane, l'utilisation par la publicité d'une célébrité, reste toujours l'utilisation par la publicité d'une célébrité, il en va tout autrement dans la réalité, où l'on distingue différentes approches, et __________________ 8 - Voir notamment Jack G. KAIKATI "Celebrity advertising : A review and synthesis", INTERNATIONAL JOURNAL OF ADVERTISING du mois de Juin 1987, page 94, qui définit 4 types de célébrités. La célébrité authentique, les sosies, les chefs d'entrepises, les évocations indirectes. surtout différents degrés d'implication de la célébrité. Si le principal mode d'utilisation des célébrités dans le monde demeure le témoignage, son intervention peut également se faire en tant que porte-parole officiel de l'annonceur, expert, bénéficiaire d'un contrat de sponsoring, ou simple acteur dont les qualités dans l'Art dramatique sont ainsi sollicitées. Ce sont là autant de rôles représentatifs d'un degré d'implication très différent pour la célébrité. Cette définition du rôle publicitaire de la célébrité est une étape préliminaire capitale, ne serait-ce que parce que ce rôle lui-même contribue déjà à expliquer en partie l'objectif poursuivi. Ainsi, nous avons vu précédemment que les célébrités utilisées en tant que témoin ou porteparole temporaire d'un produit pouvaient être d'excellents moyens de dynamiser les ventes d'un produit, notamment lors d'un lancement. Or, ces mêmes études ont également montré que l'on ne pouvait espérer aboutir aux mêmes résultats avec une opération de sponsoring9 par exemple. "C'est pour cela qu'une fois que l'on a déterminé le cadre, le champ __________________ 9 - Les travaux de N. WAIT - "Sponsorship in context" Thèse de Doctorat, Cranfield Institut of Management, 1979, non publiée - et E. QUINN - "Sponsorship as a Marketing Tool", thèse de MBS, Dublin, non publiée, 1982 - sont cités à ce sujet par Frédéric ANNE et Emmanuel J. CHERON dans "Mesure de l'efficacité du sponsoring : une analyse des effets intermédiaires sur l'audience directe de l'événement" REVUE FRANCAISE DU MARKETING n°131, 1991/1 pp.69-81. Voir également : "Sports Marketing" Special Report, Collectif, ADVERTISING AGE du 27 Août 1979. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 393 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ d'exercice du comédien ou de la comédienne, à ce moment là on regarde quels sont ceux qui correspondent à cela. Je crois que le pire c'est de monter à cheval sur la notoriété du comédien et de s'en servir à tous prix. C'est à dire la forcer à rentrer dans nos problèmes ou notre problématique. Mais je crois que le public ne fonctionne jamais, il y a toujours refus. La réussite d'un morceau de communication, c'est que celui ou ceux qui la reçoivent le considèrent comme évident. Il doit y avoir de l'harmonie dans le propos de communication" analyse Jean 10 FELDMAN de l'agence F.C.A.! 1 - Le témoin Le cas du témoignage de la célébrité va souvent de pair avec l'utilisation simultanée ou successive de plusieurs porte-parole, car la célébrité n'est pas ici recherchée pour une connaissance / une expérience particulière11, mais simplement parce qu'elle est connue du public ciblé et qu'à ce titre, elle bénéficie d'une certaine "autorité". Il est également le cas qui fut le plus utilisé dans le passé. "Ce n'est pas moi qui les choisissais, c'était la foule et leur talent" nous raconta Marcel BLEUSTEINBLANCHET12 à propos de la sélection __________________ 10 - Jean FELDMAN, P.D.G. de l'agence de communication F.C.A.!. Entretien privé accordé le 13 Avril 1988. 11 - Voir à ce sujet le cas de l'expert page 409. 12 - Entretien privé accordé le 23 Mai 1991. de ces porte-parole particuliers. publicitaires Le témoignage est l'une des approches qui nécessite le moins d'attention dans le choix de la célébrité puisqu'en définitive, celle-ci est généralement choisie pour l'unique et simple raison qu'elle est célèbre. Seule cette célébrité est mise en valeur et il importe peu qu'elle n'ait éventuellement pas de rapport direct avec le produit dont elle fait la promotion. L'intérêt est de sélectionner si possible une célébrité motivé par le produit ou la marque et qui continuera d'être son témoin, même après sa prestation publicitaire13. Un porteparole célèbre est générateur d'impact par son nom, son statut et/ou son image, et sa présence suffit même parfois à susciter au delà de l'attention, l'identification et/ou le déclenchement du comportement. En France, en 1964, la marque de lunettes SOL-AMOR utilisa de multiples stars pour présenter ses montures. Citons pour l'exemple, Gilbert BECAUD, Françoise HARDY, Marcel MOULOUDJI, Isabelle AUBRAY, Michèle MORGAN, Maurice CHEVALIER, Hugues AUFFRAY ou Juliette GRECO. Aucun __________________ 13 - Voir notamment : "How testimonials succeed in a personal referreal market" Douglas B. LEWIS, BUSINESS MARKETING du mois d'Avril 1984. Le principe est encore plus valable dans le cas des "infomercials" ou "informercials" - contraction de "information" et "commercials", film publicitaire de longue durée utilisé en night time ou sur le cable, dès les années 50 et dont l'un des pionniers est le célèbre inventeur / présentateur Ron POPEIL - pour lesquels les célébrités furent abondamment utilisées au début des années 90 aux Etats-Unis. Dans ce cas, le lien célébrité / argumentaire / produit est encore plus puissant dans l'esprit du consommateur. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 394 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ lien particulier, aucun message spécifique de la part des porte-parole, utilisés comme simples capteurs d'attention. Depuis 1973, WOOLITE fait appel aux stars pour vendre sa lessive. A priori, l'approche semblait complètement absurde. Des stars avec de la lessive, quel rapport ? Et même si Maurice BIRAUD avait vanté les mérites DASH aux ménagères françaises de 1967, Guy GROSSO, Michel MODO et Jacques BALLUTIN ceux de BONUX, c'était la plupart du temps sur un ton humoristique et d'une manière très ponctuelle. Pour une approche crédible, restait un gap entre le statut de star et la lessive qui pouvait s'avérer préjudiciable à la 14 communication . Or, même si les stars étaient parfois filmées dans leur intimité, elles permettaient de faire preuve d'originalité dans une communication lessivière trop souvent rébarbative. Leur simple témoignage suffisait à doter le produit de la séduction nécessaire à son succès. "Le fait de choisir des vedettes pour vanter les mérites de WOOLITE pouvait paraître paradoxal. La lessive et les stars paraissent deux concepts antinomiques. Mais cela se justifiait par __________________ 14 - Si l'image de Sarah BERNHARDT recommandait la lessive BI-VEGETAL au début de ce siècle, on notera que nombreuses sont les stars américaines à s'être un jour mises les mains dans la lessive. LUX lui-même pour la déclinaison en paillettes de son savon utilisa dès la fin des années 1920 / début des années 1930, Ruby KEELER, Alice FAYE puis Glenda FARRELL, Dorothy JORDAN, Loretta YOUNG. D'autres marques s'en inspirèrent comme IVORY avec Denna DURBIN, AXION avec Arthur GODFFREY ou encore BORAX avec Ronald REAGAN. le fait que ce que nous cherchions à vendre ce n'était pas de la propreté mais de la séduction, de la beauté. Cela fonctionnait alors très bien avec l'univers féminin des stars".15 Scores IPSOS Miou-Miou / WOOLITE Impact . Score brut . Score spécifique . Score prouvé . Score de reconnaissance Agrément . Positif . Négatif . Indifférent Mai 1985 84 35 52 84 53 20 27 "Film de Pub" Philippe BENOIT, Patrick LE BRIGAN, Didier TRUCHOT Editions GALLIMARD, Paris (1988) p. 130 "C'est la même stratégie que LUX, observe Jean-Michel CARLO16, avec d'autres types de femmes. Moins stars, moins hollywoodiennes, plus proches, plus quotidiennes, qui vivent plus. Je pense que là on voit que l'effet d'entraînement marche. Ça dure depuis 15 ans, c'est au service du produit". De Christine DELAROCHE (1974) à Emmanuelle BEART (1988), on trouve Sylvie VARTAN (1976-77 et 1978), Brigitte FOSSEY (1976-77), Jane BIRKIN (1976-77), Marie-Christine BARRAULT (1978), Romy SCHNEIDER (1978), Marlène JOBERT (1979, 1983 et 1985), Anne PARILLAUD (1980 et 1982), Isabelle ADJANI (1980, __________________ 15 - Dominique CHEVALLIER, Directeur Général Adjoint et Directeur de la Création chez R.S.C.G., "Films de Pub" Philippe BENOIT, Patrick Le BRIGAND et Didier TRUCHOT, op. cit. p. 130. 16 - Entretien privé accordé le 28 Avril 1988. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 395 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ 1982 et 1985), Géraldine CHAPLIN (1981), Catherine DENEUVE (1982 et 1986/87), Annie GIRARDOT (1984), Clio GOLDSMITH (1984), MIOU MIOU (1985 et 1986/87) dont le tableau de scores IPSOS est présenté ci-dessus, Sophie DUEZ (1986/87), Nathalie BAYE (1986/87), ainsi que Jacques DUTRONC (1984). En 1989, Charlotte De TURCKHEIM renouvelait très habilement et de manière humoristique le style du témoignage employé auparavant17. Aux Etats-Unis, les cas d'utilisation d'une célébrité pour son simple témoignage, et/ou son pouvoir d'incitation à l'identification sont beaucoup plus nombreux, toujours en raison de la relative simplicité de cette stratégie. Simplicité qui n'est cependant pas nécessairement synonyme de résultats au dessous de la moyenne. A titre d'exemple, citons le cas d'école du début des années 1950 de la marque américaine WHITMAN'S qui eut recours avec succès à de multiples stars pour présenter ses boîtes de chocolats. Burt LANCASTER, Douglas FAIRBANKS Jr, Elizabeth TAYLOR, Humphrey BOGART, Sue et Alan LADD, Esther WILLIAMS, James STEWART, Robert YOUNG, Van JOHNSON, Jeanne CRAIN John WAYNE, Deborah KERR, Bob HOPE, Dorothy LAMOUR et Bing CROSBY __________________ 17 - Quatre films de 30 secondes - "Mère-Fille", "2 copines", "Belle-mère" et "La voisine" - furent produits. Mais en 1991, l'agence réorienta la communication vers le produit et ses qualités, abandonnant l'utilisation de stars. "WOOLITE a changé de fil conducteur" Philippe LEFEVRE, COMMUNICATION / CB NEWS n°235 du 2 Décembre 1991. entre autres apparurent, sur les annonces publicitaires du chocolatier. L'objectif de ces annonces très esthétiques était alors tout simplement d'utiliser le témoignage de ces stars pour pousser le consommateur à l'achat de chocolats WHITMAN'S, sans autres raisons particulières que celle qu'elles étaient sensées consommer ces confiseries elles aussi. Le principal problème pouvant surgir lors de l'utilisation de cette approche, est bien entendu, l'effacement du produit au profit de la célébrité ou l'impression flagrante d'un "placage" de celle-ci en contrepartie d'une évidente compensation financière. Mais on rencontre assez rarement cet inconvénient dans la communication commerciale américaine, notamment en raison de l'abondance des stars en publicité et parce que ces dernières sont reconnues pour bénéficier en général d'un a priori favorable du consommateur. En France, pour un tout autre produit : le saucisson, Olivier BENSIMON18 nous expliqua qu'avec "COCHONOU, les acteurs jouent leur rôle, ils ne sont plus simplement des Monsieur Loyal ou des hommes sandwich. BRASSEUR joue du BRASSEUR avant de jouer du COCHONOU, pareil pour CARMET. Et ça, ça me semble particulièrement intéressant. Ils ne sont pas au service du produit, il sont d'abord eux-mêmes, au service du produit. Le saucisson est __________________ 18 - Entretien privé accordé le 25 Mars 1988. Analyse du cas COCHONOU avec les acteurs Claude BRASSEUR et Jean CARMET. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 396 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ un produit éminemment populaire, BRASSEUR et CARMET ne sont pas des gens éminemment populaires euxmêmes, mais enfin, ils s'adressent à des gens populaires. Ils sont appréciés, nous le savons, par une clientèle populaire, et l'idée qu'ils jouent est particulièrement attractive et originale". Pour justifier un peu plus la rémunération de la célébrité - disent avec ironie ses détracteurs -, de manière à ce qu'elle ne masque pas le message par une mémorisation de son nom ou de sa prestation publicitaire au dépend du produit lui-même, il est possible de s'associer les services d'un porte-parole célèbre d'une façon plus permanente et plus surtout plus officielle. Cela crée un lien plus solide avec le produit et rend d'autant plus crédibles ses propos sur le produit ou en faveur de l'annonceur. C'est le cas du porte-parole officiel. 2 - Le porte-parole officiel En Europe, et notamment en France, on rencontre encore très peu ce type de "mariage". Les célébrités paraissent quelque peu effrayées de se lier aussi intimement avec un annonceur. Et les seuls cas que l'on pourrait relever sont en définitive des porte-parole officiel de fait, c'est à dire des célébrités qui par leurs nombreuses apparitions dans la communication d'un produit, finissent par en devenir virtuellement un porte-parole quasi officiel. En France, le cas le plus caractéristique demeure celui du chanteur CARLOS dans divers films pour la boisson OASIS. Il sera détaillé dans le cadre de la section B. Aux Etats-Unis en revanche, les annonceurs ont parfaitement compris les avantages d'une telle approche de la célébrité, et celle-ci participe plus volontiers à une communication pour laquelle sa prestation apparaît moins comme la simple cerise sur un gâteau à la crème. On peut citer le cas de l'acteur Jesse WHITE19 qui fut pendant 21 ans le représentant de la compagnie MAYTAG, de l'animateur vedette Ed Mac MAHON pendant plus de 15 ans au service de la bière ANHEUSERUSH, Yul BRYNNER qui fut pendant plusieurs années à travers le monde, le porte-parole officiel des pellicules FUJI et des appareils photographiques FUJICA, Charlton HESTON pour CONTEL, David LEISURE pour les automobiles ISUZU, George KENNEDY pour les climatiseurs YORK, le pilote d'essai Chuck YAEGER pour les accessoires ACDELCO de la société GENERAL MOTORS, le sportif Jim PALMER pour les sous-vêtements JOCKEY, les acteurs Cliff ROBERTSON pour le géant des télécommunications A.T.T., Jack KLUGMAN pour les photocopieurs CANON ou encore Raymond BURR pour l'Association des Assureurs Américains Indépendants. Ce dernier cas est des plus intéressants en raison de l'engagement __________________ 19 - Voir notamment : "More than just a passing fancy" Ainsworth HOWARD, ADVERTISING AGE du 30 Juillet 1979 et "Life after MAYTAG : Jesse WHITE heads for footlights" Maurine CHRISTOPHER, ADVERTISING AGE du 3 Avril 1989. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 397 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ total de la star. Aux Etats-Unis, les agents d'assurance indépendants sont regroupés au sein de l'INDEPENDENT INSURANCE AGENTS OF AMERICA (I.I.A.A.). Dans les années 60, l'I.I.A.A. eut épisodiquement recours à diverses célébrités pour assurer sa publicité, parmi lesquelles on retrouve les acteurs William HOLDEN et Robert VAUGHN ainsi que différentes personnalités du monde du sport comme le joueur de base-ball Brooks ROBINSON, le footballeur Bart STARR ou le golfeur professionnel Gay BREWER. En 1982, elle décida de s'associer les services d'une seule et unique personnalité, de façon à accroître la crédibilité de son discours. Après avoir sélectionné plus d'une vingtaine de célébrités dont les caractéristiques correspondaient aux objectifs de communication, son choix s'arrêta sur le nom de l'acteur Raymond BURR. Malgré une courte carrière cinématographique, c'est la télévision qui lui donna son réel succès, et plus particulièrement les séries Ironside (L'homme de fer) et Perry Mason où son interprétation reste mémorable. Par l'image extrêmement respectable et respectée qu'il avait véhiculée dans ces deux séries20, il correspondait parfaitement aux souhaits de l'annonceur. De plus, "Monsieur BURR a foi en ce qu'il vend : l'agent d'assurance indépendant" nous précisa __________________ 20 - Il incarna un avocat talentueux dans 271 épisodes de Perry Mason (du 21 Septembre 1957 au 4 Septembre 1966 sur CBS). Il reprit son rôle le 1er Décembre 1981 pour une série de téléfilms. Il interprétait le rôle du Chef des Inspecteurs du département de police de San francisco dans 195 épisodes de Ironside (du 14 Septembre 1967 au 16 Janvier 1975 sur NBC). "Total Television" Alex McNEIL op. cit. pp.376 et 595-596. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité Donald O. MILLER21, "il avait lui-même personnellement utilisé les services d'un agent d'assurance indépendant pendant plus de 30 années". C'est ainsi qu'il est devenu le visage de l'I.I.A.A.. Son rôle de porte-parole de le cantonne pas à une simple participation à un spot de publicité. Bien entendu, il apparaît sur le petit écran au nom de l'I.I.A.A., mais, et c'est là l'intérêt de cet exemple, on l'entend également à la radio, il apparaît aussi sur les documents de marketing direct, sur les dépliants, sur les présentoirs de P.L.V., dans les pages jaunes des annuaires, sur la newsletter de l'I.I.A.A. et naturellement sur les différentes campagnes d'incentive. Une telle implication ne peut que bénéficier à la crédibilité de la communication. Par ailleurs, constituant le lien entre chaque élément de cette communication, il permet à la marque une capitalisation de son image et ainsi, une identification immédiate de l'I.I.A.A. par le consommateur. Et c'est bien là le principal avantage à l'utilisation d'un porteparole officiel. "A chaque fois que le porte-parole apparaît dans un spot ou autre part, il doit rappeler les associations passées avec l'annonceur et stimuler le souvenir des messages passés. Il doit relier les nouveaux messages avec les anciens et ainsi construire une image de marque unie, cohérente, continue et consistante"22. __________________ 21 - Donald O. MILLER est Directeur de la publicité à l'Independent Insurance Agents of America. 22 - "What a spokesman does for a sponsor" Joseph M. KAMEN, Abdul G. AZHARI, Judith R. KRAGH, op. cit., 398 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ L'intérêt de ce type d'utilisation, est de fédérer l'ensemble des opérations de communication derrière les traits d'un seul et même visage. NIPPON STEEL l'a bien compris avec l'actrice Sigourney WEAVER, de même que L'OREAL avec l'actrice / top-model Isabella ROSSELLINI23. Du rapport annuel à la campagne institutionnelle24, en passant par la communication commerciale de la majorité des produits LANCÔME, le porte-parole est le lien qui permet immédiatement consciemment ou pas au consommateur de décoder le message quant à l'identité de l'émetteur. On perçoit dès lors aisément le soin qu'il est nécessaire d'apporter au choix de ce porte-parole officiel, tant l'image de la marque sera liée à celle de pp. 23-24. Voir également : "The practice of public relations" Fraser P. SEITEL, 5ième édition, Editions MacMILLAN (1992), New York, Etats-Unis, Chapitre 11, pp. 283-293. la célébrité. Compte tenu de l'exploitation sur le moyen, voire long terme, de la célébrité, la recherche d'adéquation stratégique prend ici tout son sens. C'est également la raison pour laquelle il est toujours préférable, pour l'annonceur de s'assurer impérativement dans ce cas, l'exclusivité totale de la célébrité ; même après la fin du contrat d'exploitation. Toute apparition pour un autre annonceur ne pourrait que parasiter, voire phagocyter, une partie de l'image ainsi construite.25 Une troisième approche permet de gommer totalement toute connotation négative pouvant surgir au sujet de la rémunération de la célébrité : le contrat de sponsoring. Il est également parfois choisi à la base pour pallier un univers publicitaire saturé26. 3 - Le bénéficiaire d'un contrat de sponsoring 23 - Isabella ROSSELLINI devint mannequin vedette pour LANCÔME France en mars 1983. C'est Lindsay OWEN-JONES, alors Vice-P.D.G. du groupe L'OREAL, qui fit ce choix lors d'un séjours aux Etats-Unis. Isabella ROSSELLINI signa alors un contrat de 5 ans pour 2 millions de dollars, ce qui faisait d'elle le mannequin le plus payé au monde. La marque L'OREAL elle-même utilisa pour symbole dès le début des années 90, une autre actrice mannequin : Andy Mac DOWELL. Voir notamment : "L'OREAL Parfumerie étend son univers de marques" Léna ROSE, POINTS DE VENTE n°470, du 3 Juin 1992. 24 - "La publicité corporate doit avoir le même charme et le même but que la publicité produit : vous devez non pas convaincre les institutions financières mais l'ensemble du public." explique Sean O'CONNOR - Responsable du budget HANSON - à propos de la participation de l'actrice Glenda JACKSON. Interview extraite de l'article "Quand Glenda JACKSON fait de la pub" Isabelle MUSNIK, COMMUNICATION CB NEWS N°180 du 17 Septembre 1990. Oubliée aujourd'hui, la radiation des compétitions officielles de l'athlète Guy DRUT en 1976, pour avoir accepté __________________ 25 - Lorsqu'en 1984 Catherine DENEUVE lança son parfum "Deneuve by Catherine", elle choisit bien entendu les Etat-Unis, où elle était assurée de jouir d'une capitalisation immédiate de 8 années de bons et loyaux services au profit du N° 5 de CHANEL. Même après 6 années d'absence, sa présence au travers de plus de 53 films (réalisés par les plus grands metteurs en scène tels que Richard AVEDON ou Helmut NEWTON) et d'innombrables annonces presse, était encore dans la mémoire de la cible. 26 - Frédéric ANNE, Emmanuel J. CHERON, op. cit p.69. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 399 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ quelques milliers de francs lors d'une rencontre post-olympique27 Certes, cette stratégie n'est pas adaptable à n'importe quelle célébrité et surtout à n'importe quel produit. Seules les stars du sport peuvent généralement en bénéficier dans les meilleures conditions, à quelques exceptions anecdotiques près, comme le producteur Eddie BARCLAY qui en 1988 trouva le moyen de faire sponsoriser son nouveau mariage par le constructeur d'électroménager, MIELE. "Eddie BARCLAY a beaucoup d'humour, de même que sa femme, et MIELE trouva notre proposition très drôle. D'ailleurs, il y eut de nombreuses retombées presse" commenta Alain MAROUANI28. Le principe est des plus simples. Le sportif accepte pour parrain un annonceur décidé à investir dans son avenir et/ou ses capacités29. Le principal avantage pour la future star est qu'elle perçoit de la part de son parrain une rémunération (fixe, variable selon ses résultats, ou mixte). Cet apport financier lui permet dans le meilleur des cas de se concentrer exclusivement à sa discipline de prédilection, sans se soucier de ses ressources, alors qu'il est encore débutant30. Lorsque ses résultats lui permettent d'empocher les gains mis en jeu lors des compétitions, matchs et autres tournois, les versements de son ou ses sponsors constituent alors un appréciable complément de revenu. En contrepartie, le sponsor a la possibilité d'améliorer son image, son statut d'entreprise citoyenne31 et même sa notoriété, lorsque le sportif remporte des victoires. Il demande également en général l'utilisation exclusive de son matériel s'il est en rapport avec la discipline du sportif, et/ou l'apposition d'un écusson à son nom, son sigle ou son logo sur les vêtements du sportif, __________________ McENROE : troisième set gagné" M.D., LE FIGARO du 9 Mars 1991. 27 - "L'argent des dieux du stades" Eric WATTEZ, 30 - C'est notamment la raison pour laquelle ces contrats CAPITAL n°11 du mois d'Août 1992. de sponsoring coûtent au départ, en valeur absolue, très chers aux sponsors, car ils leur faut s'assurer l'utilisation de leurs produits par le plus grand nombre d'espoirs possible, pour avoir une chance de monter avec l'élu sur le podium. Ensuite, c'est en valeur relative - lorsque le sportif a remporté la victoire et que ses exigences sont "différentes" - que ces contrats deviennent très onéreux. Voir notamment "Waxing sales with a downhill race" Stephen KOEPP, Thomas McCARROLL et Robert C. WURMSTEDT, TIME du 6 Février 1984 ; "Athletes' agents sound alarm" Brian MORAN, ADVERTISING AGE du 22 Juin 1987. 28 - Alain MAROUANI, Directeur aux Productions EDDIE BARCLAY, Agent. Entretien privé accordé le 12 Avril 1989. 29 - Voir notamment sur ce point : "A word from the sponsors" Anonyme, TIME du 30 Juin 1980 ; "Sports Marketing : special report" Collectif, ADVERTISING AGE du 5 Mars 1990 ; "JORDAN stars for GATORADE" Bob GARFIELD, ADVERTISING AGE du 12 Août 1991 ; "La course à l'athlète" Hélène CONSTANTY, TERTIEL de Mars 1987 sur le contrat Stéphane CARISTAN / BNP ; "Quand le tennis rackette la publicité" Guillonne de LAFORCADE, STRATEGIES n°564 du 1er Juin 1987 ; "Saint MARADONNA" Philippe BOGGIO, LE MONDE du 6 Décembre 1988 ; "88 Olympic Games less than golden : 1988 Olympic gold medalists' endorsements" Dossier spécial "Sports Marketing", collectif, ADVERTISING AGE du 13 Mars 1989 ; "PERRIER- 31 - Voir notamment le développement du cas de la politique de sponsoring de la compagnie pétrolière ELF AQUITAINE, par son Directeur de la Communication "Le sponsoring sportif chez ELF AQUITAINE" JeanPierre LABRO, REVUE FRANCAISE DU MARKETING n°115 1987/5 pp. 53-58. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 400 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ sans oublier la potentielle participation du sportif à la communication publicitaire voire à la communication interne32. Rappelons que le sponsor se distingue du mécène notamment par l'objectif commercial poursuivi. Les voeux de Gaïus Clinius MAECENAS sont ici totalement oubliés, rentabilité oblige33. Le sponsor peut alors demander au sportif de participer à sa communication publicitaire, notamment en fonction du respect du principe du double budget34. Soit de façon passive et indirecte en utilisant des photographies de ses matchs ou ses concours pour les annonces présentant les produits du sponsor. Ce fut par exemple le cas de J.V.C. qui fut l'un des sponsors de Bjorn BORG et utilisa longtemps des photos de championnat du tennisman qui portait un bandeau __________________ 32 - Pierre SAHOUN "Sponsoring, mode d'emploi" Editions CHOTARD & Associés, Paris (1986) p.109-116, 167. Voir également "Hawking tall : marketers discover Manute Bol" Mari E. RECIO, BUSINESSWEEK du 28 Avril 1986. 33 - "Le sponsoring s'inscrit dans une politique de communication de l'entreprise où la valeur philanthropique accordée au sport est faible. La somme des dépenses, consacrées au sport, laisse entrevoir un objectif plus rentable." Nathalie RAGOT, "Sport : logique sportive - logique d'entreprise" REVUE FRANCAISE du MARKETING n°138 - 1992/3, p. 102. 34 - Frédéric ANNE, Emmanuel J. CHERON, op. cit. p.71 et 80. Voir également : GREGORY Pierre "Sponsoring et Mécénat : Instruments de communication institutionnelle" REVUE FRANÇAISE DE GESTION du mois de Septembre-Octobre 1984, pp. 163-175 ; "America's corp. : CONNER pushes for logos" Patrick McGEEHAN, ADVERTISING AGE du 29 Février 1988, sur le cas particulier du skipper Dennis CONNER et ses sponsors PEPSI COLA, PHILIP MORRIS et MERRILL LYNCH dans le cadre de la course nautique America's Cup. sur lequel on pouvait lire les trois lettres du sigle de la compagnie japonaise. Notons également le cas des outils MAKITA, sponsor du tennisman Miloslav MECIR, ou encore des photocopieurs MITA, sponsor de l'athlète médaillée olympique Joan BENOIT SAMUELSON. En France, à la fin des années 80, en tant que sponsor de la Fédération Nationale du sport universitaire, la société MANNESMAN TALLY utilisa pour sa communication publicitaire, des sportifs tels que Cécile NOWAKS, Bruno MARIE-ROSE ou Catherine PLEWINSKI35. "C'est un cas qui tient à la personnalité du président de MANNESMAN TALLY France, très impliqué dans l'élaboration de l'activité publicitaire de son groupe, ce qui est rare aujourd'hui." nous expliqua Richard DEROURE36, du groupe DOLCI-DIRE alors en charge de sa communication. "Cet homme est par ailleurs un grand sportif et un homme qui a pour lui-même une façon personnelle de vivre, avec un esprit de compétition. Cette attitude l'a amené à affecter une partie non négligeable de son budget au sponsoring de plusieurs sportifs. A partir de là, ayant consacré des sommes importantes à cette activité, il a souhaité que nos campagnes soient le prolongement de __________________ 35 - Au regard des résultats aux Jeux Olympiques de Barcelonne en 1992, il est regrettable que MANNESMAN TALLY ait interrompu l'utilisation de cet axe, car considérant la médiatisation grandissante de la manifestation sportive, une médaille aux J.O. est toujours une source de communication valorisante pour l'annonceur sponsor, à l'externe comme à l'interne. 36 - Entretien privé accordé le 17 Mai 1988. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 401 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ cette décision. Notre mission fut de faire en sorte que l'on débouche néanmoins sur une communication qui soit vendeuse". Les exemples sont nombreux : le skieur Ingemar STENMARK pour la compagnie 3M, le boxeur Muhammad ALI pour les bons municipaux américains F.G.C.I., la joueuse de tennis Chris EVERT pour les vêtements ELLESSE, le pilote automobile Jean ALESI pour les matériels informatiques EPSON, le boxeur Ray Sugar LEONARD pour la bière ADOLPH COORS, les joueurs de tennis Yannick NOAH pour LE COQ SPORTIF et Gabriela SABATINI pour les automobiles SEAT,... Le sport étant un vecteur de prescription très fort chez les jeunes consommateurs, cela explique également en partie, la participation de plusieurs marques de cigarettes à ces contrats de sponsoring, tentant d'échapper aux diverses restrictions légales dans les media traditionnels37. Ces produits restent toutefois encore interdits de Jeux Olympiques ou le sponsoring est pourtant devenue la "discipline" la plus pratiquée38. Sponsor __________________ officiel des Jeux Olympiques de 1984, la chaîne de magasins 7-ELEVEN confia à son agence YOUNG & RUBICAM, le soin de réalisé plusieurs films publicitaires mettant en scène divers grands sportifs dont ils était le sponsor tels que le perchiste Billy OLSON et le célèbre discobole Al OERTER sur le thème : "Le rêve commence avec la liberté"39. En 1992, cette stratégie fut également suivie par les confiseries MARS et M&M, utilisant de jeunes espoirs sportifs. Ce ne sont là que deux exemples parmi les plus représentatifs. Lorsque, l'annonceur est également sponsor officiel d'une manifestation, et il se doit alors d'utiliser cette occasion pour capitaliser sur ses deux investissements en organisant une campagne de publicité permettant la synergie et exprimant encore un peu plus son image dynamique. Car c'est là l'un des avantages sur le plan de la communication, l'entreprise sponsor essaye de tirer partie du dynamisme de ces sportifs. Le sponsoring sportif est d'ailleurs une approche publicitaire en pleine expansion puisque sur les trois dernières Olympiades le montant des recettes du C.I.O.40 en matière de 37 - On peut citer les cas de l'emblème MARLBORO très étroitement associé à l'écurie de course automobile MAC LAREN, le CAMEL Trophy et le Raid GAULOISES, le tournoi de tennis VIRGINIA SLIMS, le championnat de Bowling LUCKY STRIKE, le tournoi de rodéo WINSTON,... Voir notamment "WARNING : Sports stars may be hazardous to your health" résumé d'après un article de Jason DePARLE, paru dans WASHINGTON MONTHLY, READER's DIGEST du mois de Janvier 1990. 38 - Voir notamment "Japon : 50 sponsors très motivés" Antigone SCHILLING, COMMUNICATION CB NEWS n°265 du 16 Juillet 1992. "Tous [les sponsors] reconnaissent qu'un produit se vend mieux s'il est estampillé de l'emblème olympique" Nathalie HAMOU Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité "Barcelone : le triomphe du sport-business / Quand le marketing olympique explose" LA TRIBUNE du 24 Juillet 1992. 39 - "Les 4 grands films américains", Anonyme, MEDIAS n°82 du 23 Juillet 1984. 40 - Le Comité International Olympique, via la société ISL Marketing qui se charge de la commercialisation de l'emblème olympique. Voir notamment : Israel D. NEBENZAHL et Eugene D. JAFFE "The effectiveness of sponsored events in promoting a country's image", INTERNATIONAL JOURNAL OF ADVERTISING Volume 10, 1991, pp. 223-237 et "Sponsors lash Olympic 402 © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ sponsoring sont passées de 189 millions de dollars en 1984 (Los Angeles) à 225 millions de dollars en 1988 (Séoul), pour atteindre 564 millions de dollars en 1992 (Barcelone). Mais gageons qu'avec l'augmentation - l'explosion du prix des tickets d'entrée atteignant parfois 300% pour les sponsors qui seront présents à Atlanta, on dépassera encore largement ces résultats en 1996. Le monopole de l'olympisme n'a pas de prix... La participation active du sportif à la communication publicitaire peut d'autre part constituer un moyen de rapprocher le sportif du produit, lorsque ce dernier n'a pas réellement de rapport direct avec sa discipline. C'est ainsi que le coureur moto Giaccomo AGOSTINI participa directement à la publicité pour la boisson GINI, les joueurs de tennis Boris BECKER pour les appareils photographiques POLAROID, Steffi GRAF pour les automobiles OPEL, Jimmy CONNORS pour la compagnie financière américaine PAINE WEBBER, le coureur cycliste Eddy MERCKX pour la lessive ARIEL, les athlètes Ben JOHNSON pour la collective finlandaise du lait et Carl LEWIS pour l'audiovisuel PANASONIC, les footballeurs Ruud GULLIT pour la compagnie aérienne JAPAN AIR LINES, Michel PLATINI pour les téléviseurs THOMSON, Jean-Pierre PAPIN pour les rasoir BIC, Diego MARADONA pour la bière japonaise ASAHI, la navigatrice Florence ARTHAUD pour les yaourts TAILLEFINE,... ambushers" Joe MANDESE et Alison ADVERTISING AGE du 17 Février 1992. FAHEY, Cette implication plus directe du sportif dans la communication du sponsor est de plus en plus souvent recherchée aujourd'hui, car elle donne plus de naturel à la communication, que la simple apposition d'une photo de compétition ou d'entraînement sur l'annonce. La communication croît en crédibilité dès lors que l'implication réelle du sportif peut être perçue par le consommateur. Du côté des célébrités du monde sportif, il faut cependant relativiser le potentiel et surtout l'attrait commercial de chaque discipline. Quel judoka, quel tireur à l'arc, quel gymnaste, quel escrimeur aussi médaillé soit-il, pourrait rivaliser avec par exemple, les 130 millions de revenus annuels en 1991 du basketteur américain Michael JORDAN, provenant de contrats commerciaux41 ? On peut émettre deux raisons à cela. La première réside dans le fait que la plupart de ces sportifs n'utilisent pas d'équipements que l'on puisse destiner __________________ 41 - Pour avoir un aperçu de l'irrésistible ascension de l'utilisation publicitaire du joueur de basket américain, de 1985 à 1992, voir notamment : "Air JORDAN takes off" Anonyme, NEWSWEEK du 17 Juin 1985 ; "Air JORDANS : how much JORDAN how much AIR ?" H.F. RUBINSTEIN, SPORT MAGAZINE du mois de Mars 1986 ; "Jordan's Wilson deal nest him $1 million" Anonyme, JET du 2 Novembre 1987 ; "Air JORDAN has the BULLS walking on the cloud" M.D. O'NEAL, BUSINESSWEEK du 12 Décembre 1988 ; "Michael Jordan calls criticism a bum rap" Anonyme, JET du 7 Mai 1990 ; "JORDAN stars for GATORADE" Bob GARFIELD, ADVERTISING AGE du 12 Août 1991 ; "Michael Mania ! Why it's not easy being America's biggest sports hero" Collectif, SPORTS ILLUSTRATED FOR KIDS du mois de Mai 1992 ; "JORDAN stars in spanish undies spot" John POLLACK, ADVERTISING AGE du 26 Octobre 1992. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 403 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ à des marchés de masse. A combien se monte les marchés de la vente de barres parallèles, d'arcs de compétition, de fleurets ou kimonos, comparativement à ceux de la chaussure de sport, du short, du survêtement ou même de la raquette et des balles de tennis ? Rien de comparable ici. La seule possibilité résiduelle pour ces sportifs, est de devenir à ce point célèbres, qu'ils deviendront potentiellement (commercialement) intéressants, même pour un sponsor dont le produit n'a rien à voir avec la discipline considérée. On retrouve ici, l'une des conditions incontournables de la célébrité de la star : sa médiatisation, et c'est là, la seconde raison pouvant expliquer les différences entre disciplines. Il y des sports de télévision et des sports confidentiels. Or, les oubliés du petit écran, le sont aussi la plupart du temps des sponsors qui n'y trouvent pas un intérêt aussi grand. La retransmission d'une compétition ou d'un tournoi, un reportage sportif, un sujet lors d'un journal télévisé, l'interview d'un sportif,... sont autant d'occasions pour le sponsor de voir son nom bénéficier d'une présentation supplémentaire sans frais, à des millions de consommateurs potentiels. En France, même si le C.S.A. (Conseil Supérieur de l'Audiovisuel), au nom notamment de la déontologie, recommande que ces publicités indirectes soient limitées au minimum incontournable, aucun coureur cycliste, aucun tennisman, aucun athlète,... n'oublierait de réajuster son maillot, son blouson ou sa casquette à l'effigie de son ou ses sponsors, avant de passer devant les caméras. Seuls les Jeux Olympiques42 permettaient il y a quelques années encore, aux champions de ces disciplines délaissées, de séduire quelques annonceurs passionnés pour des contrats de courte durée. Mais l'on peut penser que, depuis que l'amateurisme prôné si chèrement par Pierre de COUBERTIN est remisé, au profit de manifestations commercialement plus porteuses avec la participation de sportifs professionnels, cette disproportion entre disciplines ne va pas cesser de croître. Revers de la médaille pour les sportifs, cette commercialisation extrême des vedettes du sport doit être rentable pour l'annonceur43. Pas question d'être le sponsor d'un perdant au regard des dépenses engagées44. Et aujourd'hui, pour de nombreux "sportifs", lorsqu'ils ne montent pas sur le podium, peu importe de perdre une __________________ 42 - Certains pays récompensent leurs sportifs méritants. Ainsi par exemple, en 1992, aux Jeux Olympiques de Barcelone, la France payait 80.000 F. une médaille de bronze, 150.000 F. une médaille d'argent et 250.000 F. une médaille d'or ; exonérés d'impôts, ces montants sont versés par le Fonds National pour le Développement du Sport. En revanche, le Comité Olympique Américain, estimant déjà très avantageuses les rémunérations procurées par les contrats de sponsoring publicitaire, ne versait aucune récompense. "J.O. : le salaire de la victoire / Les Etats qui versent le salaire de la sueur" Richard LOYANT et Etienne MOATTI, LA TRIBUNE du 3 Août 1992. 43 - Principalement en terme de notoriété et d'image. Voir "La mesure de l'efficacité du Marketing" Frédéric ANNE, REVUE FRANCAISE DU MARKETING n°138 1992/3, pp. 123-136. 44 - Voir notamment : "Applications of consumer behavior : redaings and exercises" Gail TOM, Editions PRENTICE-HALL Inc. (1984), Englewood Cliffs, NJ, Etats-Unis, pp. 79-80. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 404 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ médaille, la catastrophe se situe au niveau des centaines de milliers, voire des millions de dollars de contrats publicitaires qui vont inéluctablement leur échapper45. Enfin, les sponsors recherchent bien entendu de plus en plus le sportif dont la discipline bénéficie de l'attention d'un public qui correspond le mieux possible à sa cible en termes d'âge, de sexe ou encore de catégorie socioprofessionnelle46. Bien que cette approche soit essentiellement réservée au monde du sport, on constate également l'intérêt des annonceurs pour séduire de jeunes vedettes de la chanson et s'associer à la production de l'un de leurs disques, de l'un de leurs concerts ou d'un vidéoclip. En France, le magazine NOUS DEUX participa au premier disque de la chanteuse EMMANUELLE, les jeux d'assemblage LEGO devinrent parrain pour le groupe LES AVIONS, le CREDIT AGRICOLE sponsor du groupe GOLD, les cosmétiques NIVEA du groupe NIAGARA, LUSTUCRU pour LES ABLETTES, THOMSON pour Jeanne MAS,... En Mai 1987, la __________________ 45 - Voir à ce sujet : "After the games, cash" Jerry ADLER, Martin KASINDORF, Daniel PEDERSEN, Richard MANNING et John McCORMICK in NEWSWEEK du 20 Août 1984 ; "Navy's Robinson sets sail - Shoe, ball endorsements close" Steven W. COLFORD, ADVERTISING AGE du 21 Septembre 1987. 46 - Ainsi en France en 1992, le cyclisme correspondait un cible masculine de plus de 50 ans, l'athlétisme à une cible mixte (à tendance féminine) âgée de 15 à 34 ans, le patinage à une cible féminine composée de femmes actives et de ménagères, la boxe à une cible mixte (à tendance masculine) âgée de 15 à 49 ans,... Voir sur ce sujet l'étude IDEMEDIA TV / MEDIAMETRIE in "Le sport cherche ses marques" Caroline de MALET, MARKETING MIX n° 67 du mois de Novembre 1992. chanteuse LIO apparut sur des publicités PHILIPS47 pour le movingsound réalisées par l'agence PUBLICIS. Choisie à la suite de tests effectués auprès de lycéens parce que le produit s'adressait essentiellement aux 12-16 ans, LIO correspondait parfaitement à la cible du produit. PHILIPS quant à lui, participa activement au spectacle de la chanteuse à l'Olympia, cette année-là. "Cela s'insérait dans la stratégie de la marque et pas seulement dans la stratégie de communication" nous expliqua Christian VIAL48, de l'agence PUBLICIS qui conçut la campagne, "il est logique que PHILIPS, un des grands spécialistes mondiaux du son, s'associe à la musique via le sponsoring"49. Ainsi, nombreux sont aujourd'hui les chanteurs confirmés qui __________________ 47 - "PHILIPS : c'est déjà demain pour LIO" Christine HALARY, STRATEGIES n°561 du 11 Mai 1987 ; "Moving sound et moving star" N.V., L'ECHO DE LA PRESSE ET DE LA PUBLICITE du 13 Mai 1987. 48 - Entretien privé accordé le 7 Avril 1988. 49 - PHILIPS est depuis 1985, le sponsor officiel des concerts du groupe DIRE STRAITS. A l'origine, le contrat avait été signé pour promouvoir le disque compact du groupe néerlandais qui souhaitait se détacher de l'image "ringarde" (sic) que subissait PHILIPS en matière de matériel audio. Les cibles réciproques des deux produits - 20-45 ans - coïncidaient. "Nous pouvons approcher les médias beaucoup plus facilement que si nous n'avions pas DIRE STRAITS. Nous avons calculé que chaque dollar investi dans ce type de publicité a un rendement dix fois supérieur à celui de la publicité classique pour des produits PHILIPS" explique Steven KOK, Responsable de la communication du département audio de PHILIPS Consumer Electronics. "PHILIPS et DIRE STRAITS unis par les liens du marketing" R. DE GRAAF, HET FINANCIEELE DAGBLAD, dont la traduction est parue dans COURRIER INTERNATIONAL N°85 du 18 Juin 1992. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 405 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ recherchent ce type d'associations lucratives. que se livrent les compagnies COCACOLA et PEPSI-COLA52. S'il est toujours difficile de départager ces deux géants sur le goût de leur boisson fétiche, malgré les tests d'importance nationale du "PEPSI Challenge" que PEPSI-COLA diffusa sur les antennes américaines dans les années 70, les deux limonadiers sont captivants par le combat qu'ils se livrent sur le terrain des célébrités. Toutefois, le rapport de force entre COCA-COLA et PEPSICOLA est totalement différent d'un pays à l'autre. En France par exemple, la communication publicitaire des deux géants ne nous permet pas à l'heure actuelle, d'assister encore en détail à ce combat de stars53. Il n'en va pas de même aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, on peut citer le cas du chanteur Phil COLLINS ou Steve WINWOOD dont la bière MICHELOB50 fut le sponsor, les cigarettes CAMEL pour Eric 51 CLAPTON,... Mais l'exemple le plus intéressant qui nous vient une fois de plus des Etats-Unis, est probablement le combat titanesque et international __________________ __________________ 50 - Steve BLOUNT et Lisa WALKER, 1988, op. cit. pp. 52 - Voir notamment : "Big gain for MONTANA in 126-137. Voir également : "KOOP's swan song : Celebrity beers ads could feel new heat" Steven W. COLFORD, ADVERTISING AGE du 22 Mai 1989., à propos de l'inquiétude des pouvoirs publics américains sur le puissant effet normalisateur que peuvent avoir ces stars. endorsements bowol" Scott DONATON, Patricia WINTERS et Cleveland HORTON, ADVERTISING AGE du 30 Janvier 1989 ; "PEPSI cals COKE ads misleading" Patrica WINTERS, ADVERTISING AGE du 30 Janvier 1989 ; "PEPSI/COCA : La comparative par excellence" Jean-Sébastien STEHLI, COMMUNICATION CB NEWS N°192 du 10 Décembre 1990 et sur l'historique de cette guerre : l'émission "Bubbles war" John PILGER, DAILY MIRROR / CENTRAL INDEPENDANT TELEVISION P.L.C. (1984). 51 - Sur le rôle de ces nouveaux Médicis des temps modernes, on pourra notamment se reporter à l'article "Wing - Tip Rock and Roll : Companies and stars benefit from sponsorships, but, for some, a sellout stigma remains" John SCHWARTZ et Harry HURT III, NEWSWEEK du 26 Septembre 1988. Voir également : "REEBOK scores with 'BOSS' : Concert tie-in turns into marketing bonanza" Judith GRAHAM, ADVERTISING AGE du 18 Juillet 1988. 53 - "COCA-COLA : 99 ans pour changer" Sylvianne STEIN, L'EXPRESS du 7 au 13 Juin 1985, "COKE's brash new European strategy" Patricia SELLERS, FORTUNE INTERNATIONAL, Volume 122, n°4 du 13 Août 1990. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 406 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ musique. Si vous regardez les films COCA aux Etats-Unis, le problème est de rester dans l'air du temps". "J'ai travaillé aux Etats-Unis sur COCA-COLA. C'est une marque qui vit du show-business" analyse Vincent NEGRE54. "Leur marketing est lié à une image qui a terriblement besoin de rester contemporaine. Le grand danger pour une marque comme ça, c'est de se figer dans une époque passée quelle qu'elle soit. Contrairement à la France, il est extrêmement dangereux de rester dans un quelconque stéréotype américain. Ce serait une menace d'extinction. Il faut constamment être en phase avec la nouvelle génération, les jeunes de 12-14 ans qui mettent une pièce de 25 cents dans une machine pour avoir une boîte de COKE, pensent et vivent dans un univers de musique. Les ados, leur premier intérêt est toujours la musique, c'est pour cela que l'on voit chez ces marques là une utilisation intense des vedettes de la __________________ 54 - Vincent NEGRE, P.D.G. du groupe de communication LINTAS France. Entretien privé accordé le 2 Mai 1988. Dès l'émergence des stars, COCA-COLA les utilisa de façon intermittente pour la publicité de sa boisson gazeuse. Johnny WEISSMULLER et Maureen O'SULLIVAN, Jean HARLOW, Jeannette Mac DONALD, Maurice CHEVALIER, Greta GARBO, Joan CRAWFORD,... Pour se convaincre que cette utilisation n'est pas récente, il suffit de se remémorer par exemple la célèbre affiche de 193355 qui regroupait autour du metteur en scène George CUKOR, les principaux acteurs de son excellent film Dinner at Eight. On pouvait y reconnaître Edmund LOWE, George CUKOR, Lionel BARRYMORE, Jean HARLOW, Phillips HOLMES, Madge EVANS, Louise CLOSSER HALE, Billie BURKE, Marie DRESSLER, Karen MORLEY et Grant MITCHELL. Alors que la communication s'était par la suite retournée de part et d'autre, essentiellement vers le produit56, on assiste depuis quelques années et pour le plaisir du consommateur amateur, à une bataille __________________ 55 - Voir notamment : Donald HAVER "David O. SELZNICK'S HOLLYWOOD" Editions SECKER & WARBURG (1980), Londres, Grande-Bretagne, page 131. 56 - A l'exception de quelques campagnes secondaires, notamment chez PEPSI-COLA où, dans les années 1950, Phill BAKER, Constance MOORE, Lucille BALL, Broderick CRAWFORD, William BENDIX, Joseph COTTEN, Richard DIX ou Joan BLONDELL par exemple, furent les porte-parole d'une campagne pressemagazine. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 407 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ de stars notamment sur les versions diététiques de la boisson57. Et les agences LINTAS (COCA-COLA) et B.B.D.O. (PEPSI-COLA) d'être les grands stratèges de cette "guerre des colas". Toutefois, avant de commenter leur générique respectif, observons que ni l'un ni l'autre ne se cantonne sur le terrain des stars58. Si celui-ci nous __________________ 57 - Si ni COCA-COLA ni PEPSI-COLA n'eurent abondamment recours aux stars dans les périodes fastes des années 40 et 50, c'est tout simplement qu'un troisième prétendant, ROYAL CROWN, avait fait sienne, cette approche publicitaire. Ne regroupait-il pas alors sous sa bannière Gary COOPER, Lucille BALL, Jane WYMAN, Elizabeth SCOTT, Lauren BACALL, Barbara STANWICK, Jeanne CRAIN, Steve ALLEN, Bing CROSBY, Sonja HENIE, Mona FREEMAN, Irene DUNNE, Carole LANDIS, Ronald REAGAN, Paulette GODDARD, Claudette COLBERT, Betty GRABBLE, Linda DARNELL, Ann RUTHERFORD, Alida VALLI, Hedy LAMARR, Virginia MAYO, Bob HOPE, Shirley TEMPLE, Jerry LEWIS, Rita HAYWORTH, Ginger ROGERS, Betty HUTTON, Shelley WINTERS, Gene TIERNEY et Loretta YOUNG notamment. Générique qu'il aurait été difficile de surpasser. Pour l'anecdote, notons qu'une grande star dirigea même l'un de ces géants du cola. En 1959 au décès d'Alfred STEELE, le grand patron de PEPSI-COLA, c'est sa femme Joan CRAWFORD, qui le remplaça et devint l'ambassadrice de la firme. Se souvenait-elle alors que par une ironie du sort, elle avait été en 1933 le porte-parole publicitaire de COCA-COLA et en 1946 celui de ROYAL CROWN COLA ? Cette stratégie fut manifestement profitable à la marque ROYAL CROWN car l'on retrouve une analyse des parts de marché de 1950 à 1964 dans le livre de Jules BACKMAN "Advertising & competition", Editions NEW YORK UNIVERSITY PRESS (1967), New York, EtatsUnis, page 107. Alors que la part de marché de COCACOLA baissait de 48,0% à 37,5%, celle de ROYAL CROWN COLA progressait de 5,1% à 10,5%. Voir également : "Celebrity cocktail : soft drink ads showing lots of new talent" Collectif, ADVERTISING AGE du 17 Novembre 1980. 58 - Dave VADEHRA, de la société d'études VIDEO STORY BOARD, osbervait au sujet de l'utilisation de célébrités par les deux grandes marques - dans un article intéresse plus spécialement ici, il ne fait que compléter une communication tantôt axée sur le produit et sa consommation, tantôt sur la comparaison avec le concurrent. Maintenant, si COCA-COLA semble s'intéresser plus particulièrement au monde du sport avec des stars comme Boris BECKER, Marvin HAGLER, Bruce WEITZ, Hugo SANCHEZ, Michael JORDAN, et des footballeurs américains tels que Joe GREEN, Charles MANN, John ELWAY ou Ronnie LOTT, il dut bien se résoudre à solliciter aussi le monde de la musique et de la chanson avec Julio IGLESIAS59, Tom JONES, Ray CHARLES, Huey LEWIS, George MICHAEL60 ou THE NEW KIDS ON THE BLOCK, recourant également au sponsoring de concerts avec Whitney HOUSTON, Elton JOHN, Eric CLAPTON ou JeanJacques GOLDMAN entre autres. PEPSI-COLA avait quant à lui dès le départ, opté stratégiquement pour la musique devenant le sponsor de stars aussi prestigieuses que Tina TURNER61, David BOWIE, Glenn FREY, Lionel RITCHIE, Rod paru dans le magazine américain ADVERTISING AGE, "PEPSI eyes WILLIS, wife" Patricia WINTERS, le 6 Novembre 1989 -, que "si l'un des deux le fait, l'autre doit également le faire. Ils n'ont pas le choix." Voir à propos de la guerre des colas, Hank SEIDEN, op. cit., pp. 59-67. 59 - "Julio I. le plus grand dealer de COKE du monde" Collectif, CREATION n°1 du mois de Janvier 1985. 60 - "George MICHAEL's spot for DIET COKE lacks pop" Bob GARFIELD, ADVERTISING AGE du 13 Février 1989. 61 - "Tina COLA et PEPSI TURNER : Voyage de noces européen" Philippe LEFEVRE, COMMUNICATION & BUSINESS N° 18 du 26 Janvier 1987, . Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 408 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ STEWART, MADONNA62 ou l'incontournable Michael JACKSON63. PEPSI-COLA pratique également ce sponsoring musical avec des stars locales des pays dans lesquels il est présent64, Evandro MESQUITA au Brésil, Emmanuel au Mexique, ANCHALEE en Thaïlande, Gino PADILLA aux Philippines,... Ces stars sont alors souvent associées à une grande star américaine, comme Tina TURNER, lors de leurs prestations publicitaires65. __________________ 62 - Il est intéressant de noter que lors de la remise en compétition par le groupe PERNOD de son budget ORANGINA en 1987, l'une des agences (P.B.E.) participant à la spéculative avait pressentie - et obtenu son accord - MADONNA pour devenir le nouveau porteparole de la boisson en France. Nous travaillions alors pour cette agence et la star avait donné son accord. Mais la décision du groupe PERNOD voulut qu'une autre agence (PUBLICIS-SUCCESS SLAD) se voit attribuer le budget. Pour sa participation à la communication PEPSI voir notamment : "PEPSI should offer prayer to MADONNA" Bob GARFIELD, ADVERTISING AGE du 6 Mars 1989. 63 - "Son marché : le monde" François CUEL, MEDIAS N°74 du 30 Mars 1984 ; "Michael PEPSI JACKSON" Collectif, ADVERTISING AGE du 28 Septembre 1987 ; ENRICO Roger et Jesse KORNBLUTH "The other guy blinked, how Pepsi won the Cola Wars" Editions BANTAM (1986), New York, Etats-Unis, chapitres 7 et 8. 64 - Aux Etats-Unis, PEPSI-COLA offrit également des contrats de sponsoring à des chanteurs ou des groupes représentatifs de la minorité hispanique et peu connus, tels que MENUDO, CHAYANE ou encore MIAMI SOUND MACHINE, en contre-partie de leur participation à la communication publicitaire de la boisson. Ce fut pour la plupart un véritable tremplin vers la gloire - internationale parfois. Voir notamment : "PEPSI breaks the sound barrier" Ed FITCH, ADVERTISING AGE du 27 Février 1989. 65 - "Nous nous battons contre COKE dans 130, 140 pays. Nous sommes n°1 dans près de 40 pays et nous sommes n°2 dans les autres, c'est pourquoi nous avons besoin d'une campagne qui soit très flexible" expliquait Robert WALKER, Vice-Président du Marketing et des ventes Si au delà de l'impact "naturel", l'objectif de l'utilisation d'une célébrité dans la publicité est avant tout de convaincre, il pourra être intéressant de rechercher un quatrième type de porteparole, reconnu pour sa connaissance / sa maîtrise du sujet, bref, un expert. 4 - L'expert Pour dépasser le stade de l'impact, l'une des principales qualités que doit avoir la célébrité est comme nous l'avons vu, d'être crédible auprès du public auquel elle s'adresse66. Si ce dernier suppose un instant qu'elle n'a aucun lien avec le produit dont elle est le porte-parole ; si l'espace d'une seconde, naît dans son esprit que la relation financière qui l'unit au produit est la seule existante, le charme est rompu, la banalité publicitaire refait surface, l'objectif de séduction / déclenchement du comportement ne sera jamais atteint. Aujourd'hui, dans la grande majorité des cas d'utilisation de célébrités, pour vanter les mérites d'un produit ou d'un service, le publicitaire s'efforce de prendre ce critère en considération, car il est l'un des éléments moteurs permettant de générer une attitude favorable du pour l'International. "PEPSI spotlights Tina TURNER overseas new $20 million pitch from O&M" Nancy GIGES, ADVERTISING AGE du 10 Mars 1986. Voir également "Son partenaire : une boisson gazeuse" Philippe BLOCH, MEDIAS n°74 du 30 Mars 1984. 66 - Voir également Hershey FRIEDMAN et Linda FRIEDMAN, op. cit. (1979). Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 409 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ consommateur, à l'égard du produit67. Plus encore lorsque le degré d'implication du consommateur est faible68. L'objectif est alors de trouver le ou les porte-parole qui en raison de leur profession, leur passion, leurs qualités ou tout simplement les attributs et connotations qui leur sont attachés, apporteront le maximum de crédibilité au message. L'un des plus sûrs moyens de parvenir à associer célébrité, produit et crédibilité est de recourir à la célébrité-expert. Mais qu'est-ce qu'une célébritéexpert ? La célébrité-expert est justement celle qui par sa profession, ses différentes activités ou l'image dont elle bénéficie, symbolise immédiatement dans l'esprit du public, le ou les liens qui l'ont amenée à devenir le porte-parole du produit ou du service concerné. En tant qu'expert, elle met ainsi son savoir et son expérience au service du produit. Il ne reste plus au publicitaire qu'à révéler au consommateur, les qualités du produit, par l'intermédiaire de cette expérience. Plus le produit sera sophistiqué, technique, plus les messages factuels, argumentés et précis __________________ 67 - "The effet of salesman similarity and expertise on consumer purchasing behavior" Arch G. WOODSIDE et William J. DAVENPORT Jr., JOURNAL OF MARKETING RESEARCH, Volume XI (Mai 1974) p. 201. 68 - Voir notamment : "Personnal involvement as a determinant of argument-based persuasion" Richard E. PETTY, John T. CACIOPPO, Rachel GOLDMAN, JOURNAL OF PERSONALITY AND SOCIAL PSYCHOLOGY Volume 41, n°5, (1981), page 852. seront attendus de la part du consommateur. Les attributs qualitatifs émotionnels ne sont plus ici les premiers recherchés, comme ils l'étaient pour des produits comme les cosmétiques ou les cigarettes69. De tout temps, les publicitaires souhaitant utiliser une personnalité pour sa crédibilité en plus de son impact, ont recherché les célébritésexpert susceptibles de convaincre le public, parce qu'elles sont celles qui comportent le plus faible risque de rejet. En 1910, par exemple, les machines parlantes de la marque GRAMOPHONE, utilisaient la caution de cinq ténors et de deux cantatrices célèbres. Par l'apposition de leur photographie accompagnée de leur nom, la marque utilisait leur expérience pour attester que ses machines parlantes étaient "vraiment parfaites" en affirmant : "Les artistes les plus célèbres de notre époque en ont témoigné hautement. Ils ne chantent qu'au GRAMOPHONE". Parmi ces personnalités, figurait le grand ténor italien Enrico CARUSO, au sommet de la gloire et devenu quelques années auparavant, Premier Ténor au Metropolitan Opera de New York. Qui mieux que des chanteurs célèbres de ce talent pouvaient attester de la qualité de reproduction sonore du produit ? Parmi les célébrités dont le savoir et l'expérience furent les plus sollicités par la publicité, on distingue __________________ 69 - Voir notamment Morris HOLBROOK "Beyond Attitude structure : toward informational determinants of attitude" JOURNAL OF MARKETING RESEARCH 15, du mois de Novembre 1978, page 554. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 410 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ principalement cinq catégories de porte-parole. Il s'agit des producteurs de ces produits - les managers, dont le cas sera traité séparément dans le paragraphe suivant -, des sportifs, des musiciens, des grands cuisiniers notamment en France -, et des acteurs, ou plus exactement comme nous le constaterons, des personnages symboles qu'ils incarnèrent à l'écran et dont l'expérience ne serait être mise en doute par la cible... séparation, 2 : l'initiation, 3 : le retour. Cela lui permet de définir une matrice tridimensionnelle représentant les différentes combinaisons possibles. Les sportifs. Nous ne traiterons ici que de la publicité faîte pour des articles pouvant bénéficier de l'expérience des différents sportifs célèbres. En ce sens, nous ne reviendrons pas sur l'aspect contrat de sponsoring vu précédemment. Ces sportifs, ces "héros du stade" sont aujourd'hui devenus redevenus ? - de véritables et incontestables stars, connues et reconnues au même titre, et parfois plus que les stars de cinéma ellesmêmes. Reprenant l'analyse du psychologue Carl Gustav JUNG, Alf H. WALLE70 observe que les trois composantes du héros universel de légende peuvent s'appliquer aux sportifs célèbres d'aujourd'hui. 1 : la Ainsi, trois types d'initiation seraient possibles selon le Professeur WALLE, le héros Blitzkrieg dont la célébrité est rapide, quasi instantanée ; le héros esclave dont les capacités ne sont pas exploitées et à qui un ancien peut parfois venir en aide ; et l'étranger mystérieux aux prouesses nonhéraldiques. Une fois établi, le sportif peut alors rencontrer des obstacles tels que des blessures physiques, des faiblesses psychologiques ou encore un vieillissement rapide. Lors de la troisième et dernière phase, le héros peut enfin retrouver ses prouesses d'antan, surmonter les suspicions à son égard ou encore contrecarrer les assauts du temps. __________________ 70 - Professeur à l'Université de Akron aux Etats-Unis, Alf H. WALLE s'est essentiellement servi du cas du quaterback professionnel du football américain et de celui du joueur de baseball, pour son étude. Toutefois, l'intérêt de son analyse nous porte à penser qu'elle pourrait s'appliquer à d'autres disciplines sans obstacles majeurs quant à sa déclinaison. Voir notamment : Alf H. WALLE "Archetypes, athletes and advertising : a Jungian approach to promotion" JOURNAL OF CONSUMER MARKETING Volume 3, n°4 (Automne 1986) pp. 21-29. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 411 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Variantes des archétypes de la légende du quaterback Séparation Physiologique Psychologique Viéillissement Prouesses retrouvées Doute intelligemment surmonté Héros Blitzkrieg Viéillissement contourné Héros esclave Retour Etranger mystérieux Initiation Alf H. WALLE "Archetypes, athletes and advertising : a Jungian approach to promotion" JOURNAL OF CONSUMER MARKETING Vol. 3, n°4 (Automne 1986) D'après la figure n°1 de la page 24 Il est entendu qu'aujourd'hui, tous les sportifs de haut niveau dont la discipline est médiatisée, ont un ou plusieurs sponsors et qu'en contrepartie de ces contrats, les sportifs sont amenés à prêter leur image à des fins purement commerciales et pour des produits où leur expérience reste à définir, comme par exemple le coureur automobile Jacky STEWART pour le whisky GLENFIDDICH, le tennisman Yannick NOAH pour les jeans C17 ou encore l'audiovisuel HITACHI, le joueur de basket-ball Michael JORDAN pour les automobiles CHEVROLET, le golfeur Arnold PALMER pour les photocopieurs APECO, le coureur Jesse OWENS pour le bourbon JIM BEAM, le skieur Franck PICCARD pour les pellicules FUJI,... Ces contrats de sponsoring ne nous intéressent pas ici en tant que tels. Maintenant, pourquoi utiliser un sportif-expert, et quel sportif ? Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 412 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ que Jean-Michel CARLO2 appelle "la proximité immédiate entre la marque et une vedette". Compte tenu du développement de l'information, les sportifs et notamment pour certains sports tels que le tennis, le football, la course automobile, le base-ball au Etats-Unis ou le cyclisme en France, n'ont pas échappé à une forte médiatisation. Celle-ci a pour résultante de faire connaître le champion non seulement aux sportifs amateurs, licenciés ou pas du sport concerné, mais aussi à ceux que nous appellerons les sportifs occasionnels, qui, bien que ne pratiquant pas le sport en question de manière assidue, n'en sont pas moins consommateurs de vêtements, chaussures et autres équipements divers. Ces stars sportives devenaient dès lors de formidables prescripteurs, munis d'une expérience de professionnels que la publicité s'empressa de mettre à profit1. C'est ce __________________ 1 - Sans oublier le fait que pour une cible de jeunes Ici plus qu'ailleurs, l'exclusivité est indispensable pour un même type de produit. Alors que l'on a vu par exemple en France, le comédien Claude BRASSEUR participer successivement à la publicité ou à la promotion des marques automobiles VOLVO, RENAULT et MERCEDES, il ne peut en aller de même dans le monde du sport où les différentes marques leaders s'arrachent parfois à prix d'or l'exclusivité des grands champions. Lorsque le coureur automobile Alain PROST apporta son expérience du monde de l'automobile à la marque MIDAS, il était absolument nécessaire de s'assurer de cette exclusivité. souvent des modèles. "Les grands annonceurs recherchent des athlètes dont le rôle puisse faire s'échapper leurs fans de leur vie quotidienne" expliquait Leigh STEINBERG, l'un des agents les plus importants aux Etats-Unis. "Air JORDAN takes off" Anonyme, NEWSWEEK du 17 Juin 1985 ; "Heroes getting squeezed" Brian MORAN, ADVERTISING AGE du 17 Août 1987. Voir également "Smooth sailing up madison avenue" Annetta MILLER et Maggie MALONE, NEWSWEEK du 30 Mars 1987 ; "NIKE, REEBOK staging their own Olympic battle" Joe MANDESE, Gary LEVIN, ADVERTISING AGE du 3 Août 1992 ; "It's a whole new GODZILLA" Alice Z. CUNEO, ADVERTISING AGE du 14 Septembre 1992. 2 - Entretien privé accordé le 28 Avril 1988. consommateurs, ces sportifs de haut niveau deviennent Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 413 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Certains publicitaires, comme Jean-François VARIOT3, pensent cependant qu'il y avait "une confusion générale, une superposition de PROST et de la profession, un problème de crédibilité grave. Il essaye de faire passer la caution, le label, mais ça ne passe pas et il y a du brouillage. Il y a un gap tel entre la technicité d'une formule 1 et la façon dont Alain PROST exprime son soutien à MIDAS, que ça ne passe pas. La relation entre la personnalité et la marque n'est pas évidente". Mais tests à l'appui, Michel VADON4 - de l'agence FAURE, VADON, FOREST, BRIDOUX qui eut la charge du budget - observe que la crédibilité était due au contraire à cette expérience du pilote : "cette collaboration avec MIDAS a accéléré la notoriété sans aucune erreur d'attribution. Alain PROST cautionne le produit, il vient appuyer le message. Ce n'est que si la star vient appuyer un concept, que les gens restituent la marque". d'expert du pilote en débutant par un "plagiat" de testimonial traditionnel pour des couche culottes, des savonnettes ou des robots de cuisine5. "C'est conceptuel, intelligent parce que son expérience dans le domaine de la voiture est une évidence. D'autre part, je trouve que c'est assez malin de prendre le contre-pied au départ, pour exprimer sa crédibilité dans son domaine" complète Jean-François MINNE6, de l'agence T.B.W.A.. Pourquoi Jean-Claude ROBYN7, de l'agence Mac CANN-ERICKSON, at-il utilisé le pilote automobile pour la marqe américaine de pneus GOOD YEAR ? Pour l'impact certes, mais surtout pour la caution de l'expert. "La réponse est simple, explique-t-il, c'est parce qu'il était champion du monde. Certainement l'un des coureurs automobiles les plus connus dans le monde, et certainement le coureur automobile, le champion le plus connu en France en matière de course automobile. On vend des pneus, Eagle NCT, qui sont des pneus très performants et particulièrement au niveau de la tenue de route. Si vous avez vu le film, il vaut mieux qu'ils tiennent la route. On a donc fait un film spectacle. Mais la notion de rêve intervient aussi, parce que lorsque l'on voit ce jeune gardien de parking qui descend au volant de cette voiture en prenant tous les risques... Il y a je crois En 1988, quatre films viendront d'ailleurs mettre l'accent sur la qualité __________________ __________________ 5 - "MIDAS : Plein pot" Isabelle Sophie LECORNE, STRATEGIES N°599 du 14 Mars 1988. 3 - Entretien privé accordé le 24 Mai 1988. 6 - Entretien privé accordé le 20 Avril 1988. 4 - Entretien privé accordé le 4 Juin 1991. 7 - Entretien privé accordé le 7 Avril 1988. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 414 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ une crédibilité lorsque Alain PROST dit : «Oui, les pneus Eagle NCT, ça compte !», et les recommande. Il faut connaître Alain PROST, ce n'est pas quelqu'un qui pour de l'argent dirait n'importe quoi, pour n'importe quel produit8. Du reste, il fait très peu de publicité. En fait, tout le message est là. Je crois que c'est une caution, ça apporte une valeur ajoutée à la marque, c'est la caution d'un spécialiste." Cette expérience peut indéniablement porter ses fruits auprès du public. D'ailleurs, rapidement perçus comme des prescripteurs potentiels auprès de nombreux consommateurs9, les pilotes de course automobile ont dès leur apparition, suscités l'intérêt des publicitaires, mettant cette expérience au service de la promotion des produits dont ils avaient la charge. Les pneus ENGLEBERT (devenus UNIROYAL), les pneus GENERAL TIRES, les bougies CHAMPION, las batteries AUTO-LITE, ou encore les lubrifiants __________________ 8 - En Novembre 1992, Alain PROST participa à la communication des produits ELF. Il déclara alors au magazine COMMUNICATION CB NEWS ; "Je suis fan d'ELF et des techniciens en général qui contribuent à l'amélioration de la compétitivité en sport auto. Donc je me sens parfaitement à l'aise pour défendre la marque et ses produits [...] En fait, j'ai fait peu de pub. Je n'ai tourné que pour MIDAS, GOODYEAR et maintenant ELF. On peut ajouter AGIP, mais il ne s'agissait que de l'utilisation de mon nom, sans que j'apparaisse physiquement. Toujours dans l'univers automobile, parce que c'est là que j'ai une crédibilité. Mais j'ai refusé beaucoup de propositions publicitaires." "PROST : une bonne communication s'appuie sur une réalité" propos recueillis par Philippe LEFEVRE, COMMUNICATION CB NEWS, n°276 du 9 Novembre 1992. 9 - James F. ENGEL, Roger D. BLACKWELL et Paul W. MINIARD "Consumer behavior" op. cit. page 471. KERVOLINE et MOBILOIL notamment, utilisèrent ce type d'expérience. Mais aujourd'hui, les sportifs les plus sollicités par la publicité pour leur expérience, sont différents d'un pays à l'autre10. En France, on utilise volontiers les joueurs de football, alors qu'aux Etats-Unis on préférera les joueurs de base-ball ou de basket-ball. Au plan mondial, les sportifs les plus sollicités par la publicité à l'heure actuelle, sont probablement les pratiquants de la forme évoluée du jeu de paume, le tennis. Le marché des consommateurs potentiels, professionnels ou amateurs, s'étant développé au rythme de la très large démocratisation de ce sport, les sponsors des grands joueurs ont tous inclus dans leur contrat, la participation de ces derniers à des campagnes de publicité. __________________ 10 - Partout dans le monde, les sportifs mettent ainsi leur expérience essentiellement au service de matériels, d'équipements ou de produits, qu'en fonction de leurs activités ils sont amenés à utiliser. Parce qu'on le surnomme POPEYE et qu'il est très célèbre au Japon, l'agence DENTSU utilisa en 1983, le golfeur professionnel Masahiro KURAMOTO pour le baume anti-fatigue de son client HISAMITSU SEIYAKU. La campagne jouait ici totalement sur l'expérience du sportif, propre à générer la caution du produit. "Vous aussi vous serez capables de faire des exploits comme le champion KURAMOTO en prenant l'habitude de conditionner vos muscles avec AIR SALON PASS" arguait la voix off du film. La première année, les ventes furent multipliées environ par deux. Elles quadruplèrent en trois ans. De par son expérience "universellement reconnue au Japon", Masahiro KURAMOTO parvint même à convaincre une cible plus jeune, jusqu'alors insensible à la communication. Voir également "Banking on heroes" Rob HUGUES, INTERNATIONAL MANAGEMENT d'Octobre 1989. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 415 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Les exemples sont légion et permettent par ailleurs de mettre une nouvelle fois en évidence, une composante essentielle de cette association joueurs / annonceurs : l'indispensable victoire. Celle que se doivent d'obtenir les athlètes pour justifier ces rémunérations extrasportives, dépassant parfois de très loin les gains qu'ils peuvent espérer obtenir en remportant la victoire aux diverses manifestations auxquelles ils participent. L'équation commerciale est très simple. Si le consommateur fait confiance à l'expérience des joueurs de haut niveau pour le choix de son équipement personnel, il ne faut cependant pas négliger l'idée que dans son esprit, la réussite du joueur est en partie due au matériel employé. Attention : c'est là une arme à double tranchant que les annonceurs connaissent bien. Tant que le joueur est glorieux, l'annonceur peut en tirer profit car ses résultats sont "manifestement" le reflet d'une expérience sur le choix du matériel11. __________________ 11 - Pour l'anecdote, Pierre LEMONNIER, Président de l'agence IMPACT (entretien privé le 29 Mars 1988), nous raconta comment un sportif, Jimmy CONNORS, l'avait étonné : "Les stars du tennis maculent leurs chemises avec n'importe quoi d'illisible. Prêtes à tout parce que jeunesse passe vite dans ce circuit-là. Mais pas JIMBO. Il y a 20 ans, il a cru dans une WILSON à petit tamis (une création géniale de René LACOSTE). Les grands tamis sont arrivés ; puis les moyens. CONNORS est resté fidèle à son petit panier. Il restait ainsi l'un des cinq meilleurs du monde. Mais personne n'achetait plus de WILSON comme la sienne : il a perdu son contrat puisque son sponsor n'était plus en mesure de financer ce modèle. Seigneur et fier de l'être, CONNORS a joué gratuitement jusqu'en 1986 avec sa vieille raquette. Comme quoi un boulimique du dollar peut être désintéressé. Inutile d'ajouter que, pour les amateurs avertis, sachant cela, Mais dès que son étoile pâlit, les équipements utilisés prennent immédiatement l'image de ceux d'un perdant. L'annonceur ne tarde alors pas à dénoncer son contrat pour porter son attention sur une autre star naissante ou confirmée, mais dont l'éclat n'est pas encore terni par l'échec. Lorsque l'athlète américain Carl LEWIS fut accusé de dopage, NIKE n'attendit pas le résultat des analyses - qui au surplus se révélèrent négatives - pour rompre ses relations avec le quadruple champion olympique. Cela explique en partie pourquoi les sportifs arrivés au sommet de leur gloire, sont avides de contrats publicitaires, la célébrité en ce qui les concerne étant d'une durée de plus en plus courte12. En 1992, à la fin des Jeux Olympiques de Barcelone, la gymnaste américaine Mary Lou CONNORS reste une conscience qui n'aura pas de prix pour ses prochains sponsors. Voir également : "CONNORS catches on - finally : Tennis star snares endorsements with major companies. Patrick McGEEHAN, ADVERTISING AGE du 21 Mars 1988"EVERT's grand slam : Tennis star still hitting aces with off-court endorsements" Tim HARPER, ADVERTISING AGE du 27 Juin 1988 ; COURTING SUCCESS : AGASSI skyrockets to fame - GRAF aces endorsement game" Patrick McGEEHAN, ADVERTISING AGE du 29 Aoùt 1988. 12 - Voir notamment "After the Games, cash" Jerry ADLER, Martin KASINDORF, Daniel PEDERSEN, Richard MANNING et John McCORMICK in NEWSWEEK du 20 Août 1984. Voir également "HIV revelation tests Magic's ad appeal" Collectif, ADVERTISING AGE du 11 Novembre 1991 et "JOHNSON's ad magic may be back" Christy FISHER, ADVERTISING AGE du 20 Avril 1992, à propos des doutes sur la poursuite de la carrière du basketteur américain Earvin "Magic" JOHNSON après qu'il eut révélé sa séropositivité à la presse. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 416 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ RETTON13 fit paraître une lettre ouverte à l'attention des sportifs nouvellement médaillés pour leur recommander la prudence. 1 . Choisissez des entreprises de qualité, dont la réputation est bonne Elle se résumait en 10 conseils essentiels. 3 . Recherchez un produit auquel on croit 2 . Portez attention à l'adéquation avec le produit 4 . Prenez garde aux sur-participations publicitaires 5 . Apprenez à connaître l'entreprise et le produit 6 . Apprenez à communiquer 7 . Contrôlez la manière dont vous êtes utilisé(e) 8 . Ne soyez pas éblouis par les dollars (contrôlez votre image) 9 . Impliquez-vous et aimez le produit 10 . Considérez-le comme une expérience enrichissante. Source :"Advice to Olympians : becoming 'perfect 10' as a spokesperson" Mary-Lou RETTON, D'après la lettre parue dans ADVERTISING AGE du 10 Août 1992 __________________ 13 - Mary Lou RETTON fut la première Américaine à remporter une médaille d'or en gymnastique, aux Jeux Olympiques de 1984. Elle est devenue un exemple depuis, pour la gestion de sa carrière post-sportive en tant que porte-parole célèbre de diverses sociétés (GENERAL MILLS, McDONALD'S, J.C.PENNEY, SEARS,...). Voir notamment à son sujet "Mary Lou RETTON" D. DONAHUE, PEOPLE WEEKLY du 24 Décembre 1984 ; "Olympic Gold's Lost luster" Kim FOLTZ et Linda TIBBETTS, NEWSWEEK du 1er Juillet 1985 ; "The champion of breakfasts" D. LEVINE, SPORT MAGAZINE du 21 Janvier 1986 ; "Advice to Olympians : becoming 'perfect 10' as a spokesperson" Mary-Lou RETTON, ADVERTISING AGE du 10 Août 1992, et plus généralement sur les de ces sportifs au sein de l'entreprise : "Sporting chances zap competitors" Tom EISENHART, BUSINESS MARKETING du mois de Janvier 1988. C'est pourquoi dans le cas particulier des sportifs, il est impératif de multiplier les porte-parole pour éviter un lien trop fort avec un nom en particulier. La marque de raquettes DONNAY vit ses parts de marcher fondre à vue d'oeil lorsque son tennisman fétiche, le suédois Bjorn BORG, abandonna la compétition. Restant par ailleurs, attaché aux raquettes en bois, alors que ses concurrents optaient pour de nouveaux matériaux tels que la fibre de carbone, DONNAY, ne tarda pas à éprouver de grosses difficultés. Bien que beaucoup plus coûteuse au départ, le recours à plusieurs sportifs sans cesse renouvelés est une solution qui permet une transition et une rotation beaucoup plus souple vis-à-vis du public. Aujourd'hui, engagées dans un inlassable dépistage, les grandes marques Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 417 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ telles NIKE14, ADIDAS, REEBOK, LE COQ SPORTIF, FILA, PUMA, L.A. GEAR, CONVERSE,...15 s'associent les services d'un maximum de champions, dans toutes les disciplines ayant les faveurs du public, donc des media, pour faciliter la transition et le renouvellement déjà mentionnés, mais aussi pour réduire les risques en se diversifiant16. Cette recherche de futures stars n'est d'ailleurs pas sans rappeler celle des talent-scouts d'Hollywood. Ainsi assiste-t-on aujourd'hui au même type de lutte publicitaire que celui évoqué plus haut entre PEPSICOLA et COCA-COLA. Citons pour l'anecdote, le cas NIKE / ADIDAS en __________________ 14 - "NIKE tira beaucoup de profits de ses efforts pour associer dans l'esprit du public ses produits à des athlètes célèbres. Le premier d'entre eux fut en 1973, un héros local, le coureur de fond de l'Oregon et détenteur du record du monde, Steve PREFONTAINE. Puis la même année, la vedette de tennis, Ilie NASTASE et le vainqueur du marathon de Boston, Jon ANDERSON, devinrent des promoteurs de la marque. En 1974, le tableau d'honneur s'enrichit du vainqueur de Wimbledon, Jimmy CONNORS" "12 idées de génie auxquelles personne ne croyait" "11 - NIKE le Cendrillon de la piste" P. Ranganath NAYAK et John M. KETTERINGHAM, Editions FIRST, Paris (1987) page 319. 15 - Sans oublier la montée en puissance des fabricants japonais. Des noms comme MIZUNO ou ASICS, encore inconnus il y a quelques années, sont inéluctablement promis à un avenir sur le devant de la scène sportive. Bien qu'encore très discrêts sur le plan de la publicité, n'arrivaient-ils pas respectivement 2ème et 3ème en nombre de médailles d'or en athlétisme, tout juste derrière l'américain NIKE, aux Jeux Olympiques de Barcelone ? "JO : la percé des sponsors japonais / NIKE et le japonais MIZUNO sont les vrais vainqueurs des JO" Géraldine MEIGNAN, LA TRIBUNE du 12 Août 1992. 1984. L'athlète canadien Ben JOHNSON avait un rival américain, Carl LEWIS. Or, comme pour illustrer encore plus la concurrence de ces deux hommes les plus rapides du monde, ils avaient pour sponsors des marques elles aussi concurrentes sur le marché mondial, Carl LEWIS étant alors équipé par NIKE, Ben JOHNSON par ADIDAS. Sensiblement de même niveau, les deux champions se volaient à eux-mêmes et presque à tour de rôle, victoires et records. Ainsi, les pendules que Ben JOHNSON remettait à l'heure dans la campagne YOUNG & RUBICAM, n'étaient pas tant celles des juges arbitres que celles de l'agence T.B.W.A. qui avait quelques temps auparavant, réalisé une campagne pour NIKE avec Carl LEWIS. Et Jean-François MINNE17, de l'agence T.B.W.A., de souligner que "c'est la récupération d'un événement qui rentre dans le cadre de la campagne. Nous l'avons utilisé dans l'Equipe, sur une page, au moment où il a gagné le 100 mètres. Vous savez, c'est assez évident, Carl LEWIS utilise des NIKE18, donc le lien entre la pertinence, le sportif et la chaussure est évident. Cependant, nous n'avons pas dit tout bêtement NIKE a gagné le 100 mètres, ou, il portait des NIKE. On a essayé de mettre le lecteur de notre côté avec la mention : «Carl, arrête, on va se faire remarquer». Et c'était signé NIKE." __________________ 17 - Entretien privé accordé le 20 Avril 1988. 16 - "PUMA leaves red-ink tracks" Laurel WENTZ et 18 - Voir également Stephen KESSLER "CHIAT/DAY : Dagmar MUSSEY, ADVERTISING INTERNATIONAL du 19 Octobre 1987. The first twenty years" Editions RIZZOLI (1990), New York, Etats-Unis, pp. 170-183. AGE Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 418 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ A l'agence YOUNG & RUBICAM, Jean-Michel CARLO19 apporta quelques précisions sur la campagne : "Ben JOHNSON, équipé par ADIDAS, avait battu le record du monde que tout le monde pensait imbattable. Au passage, il avait même battu Carl LEWIS. Il avait battu un record tellement formidable que c'était un moyen de dire ADIDAS gagne, en ayant le plus grand record du monde. Et puis il y avait eu, il y a quelques temps, une pub T.B.W.A. pour NIKE, le concurrent mondial de ADIDAS, et qui aux Jeux Olympiques, avait dit «Arrête Carl, on va se faire remarquer». L'exploitation du record est un truc très simple. Il ne faut pas oublier que ces pubs sont faites dans la nuit pour passer le lendemain matin, puisque c'est sur les résultats. Si les champions sont chez ADIDAS plus que le véhicule publicitaire de la marque, sa raison d'être, le coeur de ADIDAS, le problème devient alors de les utiliser de façon intéressante, sinon cela devient d'une banalité totale". __________________ 19 - Entretien privé accordé le 28 Avril 1988. Dernier cas d'utilisation des sportifs pour leur expérience, lorsqu'ils sont sollicités non plus en fonction de la discipline pratiquée et/ou du matériel utilisé, mais en tant que sportif. Ainsi sont-ils également très demandés pour tout produit dont la consommation a pour but d'entretenir la forme physique. Là encore les exemples sont très nombreux. Le joueur de Base-ball Joe DiMAGGIO fut ainsi le prescripteur des céréales WHEATIES GENERAL MILLS. Le tennisman Ivan LENDL a pendant plusieurs années été le témoin des qualités nutritives des produits JACQUET. Ce fut également le cas du tennisman John Mc ENROE pour les produits laitiers SVELTY de CHAMBOURCY, de la véliplanchiste Jenna De ROSNAY et du motocycliste Cyril NEVEU pour les céréales GERBLE, du navigateur Loïc COURTEAU pour la boisson énergétique ATHLON, des joueuses de tennis Martina NAVRATILOVA et Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 419 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ Chris EVERT pour les céréales GENERAL FOODS, de la nageuse Murielle HERMINE pour le fromage FLORMAIGRE, de Smead JOLLEY pour les céréales NABISCO, de JeanClaude KILLY pour l'eau d'EVIAN,... Les musiciens Les musiciens célèbres sont eux aussi de formidables experts prescripteurs. Et si l'on entend le terme musicien dans sa plus large acceptation, on s'aperçoit rapidement que les virtuoses, mais aussi les compositeurs et les chanteurs furent très nombreux à présenter les qualités d'un produit dont leur expérience suffisait à lui conférer toutes les vertus escomptées et attendues par la cible. En introduction de ce paragraphe, nous présentions déjà le cas de la société GRAMOPHONE et de l'utilisation de célèbres chanteurs tels Enrico CARUSO. La même société, spécialisée dans tout ce qui a trait à la musique, eut recours en 1930, au témoignage de l'un des fidèles de TCHAIKOVSKI, le compositeur pianiste Sergheï RACHMANINOV. Ainsi, vingt ans plus tard, la publicité portait à nouveau sur les machines parlantes commercialisées par la société, mais également sur les principales oeuvres du Maître, disponibles sur disque. Nombreuses furent les sociétés dont l'activité était liée à la musique, qui essayèrent de s'attacher les témoignages des plus grands compositeurs de l'époque, gage ultime de la reconnaissance d'une très grande qualité, et d'une très haute fiabilité. Dès 1924, AEOLIAN, le grand fabricant de pianos PIANOLA DUO-ART présentait sur ses publicités la caution de compositeurs tels que Edvard GRIEG, Camille SAINT-SAENS, Claude DEBUSSY, Gabriel FAURE, Gustave CHARPENTIER, Giaccomo PUCCINI, ainsi que celles de nombreux chanteurs et de nombreux virtuoses. L'une des plus célèbres campagnes ayant recouru à l'utilisation de virtuoses reste sans doute la campagne américaine exploitée à l'international et lancée en 1951, par un autre fabricant de pianos, STEINWAY. Mettant en scène les plus grands Maîtres tels que Clifford CURZON, Rudolph SERKIN, Eugene LIST, Friedrick GULDA et bien sûr Vladimir HOROWITZ. Les annonces présentaient une photographie des divers porte-parole à leur instrument, un piano STEINWAY, "l'instrument des Immortels". Mais le recours à des célébritésexpert appartenant au monde la musique ne concerne pas uniquement la musique dite classique. Nombreuses sont les sociétés - japonaises notamment - fabricantes d'instruments de musique ou de matériels Hi-Fi, qui recherchèrent elles aussi cette expérience pour leurs produits. C'est ainsi par exemple que J.V.C. utilisa Lionel HAMPTON, Dizzy GILLESPIE, Steve RAY VAUGHAN ou encore B.B. KING, que SONY s'associa les services des compositeurs George BENSON et Giorgio MORODER, que TECHNICS engagea Johnny CASH, Lionel HAMPTON et Chuck MANGIONE, que AKAI lui préféra Quincy JONES qui lui même choisit récemment HITACHI, que les cassettes AXIA et Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 420 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ l'audiovisuel SANYO recoururent au groupe BON JOVI, que PANASONIC sollicita le groupe EARTH WIND AND FIRE pour sa gamme audio ou encore que SANSUI utilisa Elton JOHN. Lorsque l'expérience est mondialement reconnue et que la célébrité permet de sensibiliser une cible importante, ces campagnes peuvent facilement être utilisées, déclinées à un niveau international. Ce fut par exemple le cas du fabricant américain MEMOREX qui utilisa longtemps, à la fin des années 70, la caution de Count BASIE, de Jimmy HENDRIX, de Duke ELLINGTON, mais surtout celle de la chanteuse Ella FITZGERALD, dans diverses campagnes sur la fidélité de reproduction de ses cassettes audio. Chacun se souvient de la voix de la grande chanteuse noire qui, au naturel comme d'après son enregistrement fidèlement reproduit sur cassette MEMOREX, brisait un verre à pied. Derniers exemples anecdotiques, le cas des marques PIONEER et T.D.K. qui utilisèrent respectivement les chanteurs compositeurs Ray CHARLES aux Etats-Unis et Stevie WONDER au Japon. L'intérêt de présenter ces deux campagnes réside essentiellement dans le fait qu'elles faisaient appel à l'expérience de ces deux célébrités en tant que musiciens, mais elles mettaient également à profit leur handicap personnel. En effet, ces deux génies de la musique étant aveugles, ils apportaient en plus, l'expérience de leur handicap qui veut que leurs autres sens, et plus particulièrement l'ouïe, soient plus développés que chez le commun des mortels. La campagne PIONEER utilisait Ray CHARLES pour attester de la qualité des enregistrements lus sur platines laser. La campagne japonaise T.D.K. quant à elle, recourait à Stevie WONDER pour la promotion de ses cassettes audio20. Les grands cuisiniers Il est une autre profession, notamment en France, dont l'expérience fait foi et à qui, la publicité fit appel à maintes reprises : les grands cuisiniers. Mais là aussi, ne nous éloignons pas du sujet. Il ne s'agit ici de cuisiniers tels que ceux qui apparurent au hasard des campagnes dans les publicités pour les potages ROYCO, la levure VAHINE, les biscuits DELACRE, les poêles TEFAL ou encore les cocottes VISION par exemple. Si l'expérience du cuisinier sous diverses __________________ 20 - Voir notamment : "Love light in flight" Dossier spécial, Collectif, CREATION n°24 de Février 1987. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 421 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ formes est souvent là aussi mise à profit, ces cas ne nous intéressent pas ici, en raison de leur recours à un comédien anonyme vêtu d'un tablier et d'une toque. Point de célébrité ici donc. Mais il est par ailleurs des grands cuisiniers, ceux que l'on nomme également les Grands Chefs de la Cuisine française, comme Raymond OLIVER, Gaston LENOTRE ou Paul BOCUSE, qui avec quelques autres prêtèrent par exemple leur image à des publicités pour le SAVOUR CLUB dont ils font partie, ou encore Michel GUERARD pour la ligne de produits "les Cuisinés" qu'il présente chez FINDUS. Pays de tradition gastronomique incontesté, la France s'est dotée depuis que l'homme mange au lieu de se nourrir, de nombreux maîtres queue plus respectables les uns que les autres. Ces hommes - la gent féminine ayant beaucoup de difficultés à se faire reconnaître -, dont les succulentes réalisations, au même titre que leurs étoiles et fourchettes dans les différents guides sont le gage de leur expérience, ne pouvaient bien entendu échapper au pantagruélique appétit de la publicité. De fait, ils devinrent eux aussi les porte-parole célèbres de produits pouvant largement bénéficier de cette expérience dans l'art culinaire. Alors que certains bénéficient d'une très large couverture médiatique, la profession demeure toutefois beaucoup moins sollicitée que les milieux du spectacle. Or, cette caractéristique est un atout supplémentaire pour le publicitaire. Car, cette distance qu'ont su conserver les grands chefs avec le monde des lumières imaginaires, ne donne que plus de poids à leur témoignage publicitaire. Ils n'apparaissent pas comme acteurs comédiens commerciaux l'espace d'un spot publicitaire -, mais comme experts, garants d'une authenticité gastronomique qui les honore. C'est cette authenticité, cette expérience, puissante caution, que les publicitaires sont allés chercher, et parfois de père en fils. Ainsi retrouve-t-on le Grand Chef Raymond OLIVER garant des bienfaits du petit déjeuner BANANIA, des services de table en porcelaine de Limoges, mais surtout, attestant de la qualité et de la robustesse des cuisinières AUER. Hormis quelques innovations technologiques vite communes, les cuisinières sont devenues à l'instar de bien d'autres produits de consommation, la proie de la banalisation industrielle, développant peu à peu l'image de produits presque génériques. En raison du faible nombre de constructeurs comparativement à celui des marques proposées sur le marché, mais surtout parce qu'une certaine standardisation a su s'imposer. C'est en partie la raison pour laquelle, certaines marques firent appel à la caution de ceux qui ne pouvaient exiger de par leur profession et leur expérience, que du matériel de qualité. C'est ainsi que l'on retrouva quelques années plus tard Michel OLIVER, fils du précédent, grand cuisinier lui aussi, mais ayant opté pour les cuisinières de la marque SAUTER. Un autre Grand Chef fut lui aussi, et pendant plusieurs années, le porte-parole d'une autre grande marque de cuisinières. Paul BOCUSE, Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 422 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ apparut en effet pour la marque ROSIERES, dans diverses campagnes développées par l'agence R.S.C.G.. Là aussi, le Grand Chef lyonnais attestait de la qualité des cuisinières ROSIERES soit en apparaissant et signant les annonces presse magazine, soit en prêtant son concours à la réalisation de spots télévisés. Paul BOCUSE, en raison de son talent et de sa très importante médiatisation est probablement à ce jour le plus sollicité des Grands Chefs français, puisqu'il accorda notamment, l'utilisation de son image en faveur de campagne pour le fromage LION REYBIER, au profit des eaux VICHY CELESTINS, à la célèbre collection de portraits pour les appareils photo HASSELBLAD ou encore à une gamme de produits en conserves WILLIAM SAURIN, dont il était à l'origine. Car en effet, les fabricants de cuisinières ne sont pas les seuls à pouvoir tirer profit de la notoriété et de l'expérience des Grands Chefs. Ainsi, l'agence D.M.B.&B. associa le temps de la campagne presse magazine "Chef et toqué de riz", la marque UNCLE BEN'S à l'image de divers Grands cuisiniers dont Pascal TINGAUD, Emile JUNG, Luce BODINAUX et Gérald PASSEDAT. Les différentes annonces utilisaient toutes une photographie d'un plat dont la recette était donnée par le Grand Chef dans les pages suivantes du magazine. Une recette à base de riz UNCLE BEN'S, bien évidemment, dont la réussite était garantie par le porte-parole de l'annonce. Tous associés aux "Relais Châteaux", ces Grands Chefs avaient par ailleurs l'avantage de voir présenter en contrepartie, l'adresse de leur restaurant sur l'annonce. Même si l'acteur Paul NEWMAN21 revêtit un jour, une tenue de maître queue pour la publicité des vinaigrettes qui portent son nom, il s'agit là d'une anecdote et non d'un exemple d'expérience mise à profit. En revanche, tout acteur cache en lui de multiples experts que l'oeil commercialement exercé du publicitaire a parfaitement su déceler. Les acteurs et les actrices, ou tout au moins les plus talentueux d'entre eux ne sont-ils pas des experts de la commedia dell'arte ? Les personnages Mais pour quel(s) produit(s) un acteur pourrait-il apporter son expérience de comédien ? Du maquillage peut-être ? Comme nous l'avons vu, Max FACTOR qui fut à l'origine maquilleur de stars de cinéma, compris très vite les débouchés potentiels sur le plan commercial, d'une telle expérience. Hormis cette composante néanmoins essentielle d'un personnage, il ne faut pas perdre de vue que la comédie reste avant tout de la simulation, aussi forte et aussi bien interprétée soit-elle. Or, qui dit simulation, dit quelque part, absence de vérité, et de fait, manque de __________________ 21 - Et lorsqu'en 1991, il participa à la campagne italienne des pâtes BARILLA, il revêtait un habit de Père Noël et était plus Paul NEWMAN jouant un rôle. Voir notamment "BARILLA puts NEWMAN into Santa Claus suit" Anna MASERA, ADVERTISING AGE du 11 Novembre 1991 et "Depardieu met la main à la pâtes" Philippe LEMAIRE, COMMUNICATION CB NEWS n°276 du 9 Novembre 1992. Chapitre III : Analyse du choix d'une célébrité © Jean-marc Lehu, 1993 - Thèse de Doctorat, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne 423 ORIGINES ET MODES D'UTILISATION DES CÉLÉBRITÉS PAR LA PUBLICITÉ crédibilité. Le monde du septième Art serait-il alors le seul dont l'expérience, ne puisse être explicitement mise en valeur par la publicité ? envoya un jour quérir parce que leur expérience pouvait être exploitée en plus de leur célébrité, lors d'une campagne. Ainsi, le réalisateur Frank CAPRA et l'actrice Joan CRAWFORD attestèrent de la qualité des appareils photo STEREO REALIST qui procuraient des photographies en trois dimensions, le metteur en scène David LYNCH de la qualité des caméras PANAVISION, le réalisateur Akira KUROSAWA et le directeur de la photographie David WATKIN de la sensibilité de la pellicule AGFAGEVAERT. Photographiés par Norman SEEFF, les metteurs en scène John HUSTON, Ridley SCOTT, Billy WILDER, Martin SCORSESE, Jim HENSON et Bob FOSSE, testèrent la qualité de reproduction des téléviseurs à écran géant du fabricant japonais MITSUBISHI22 ; les géniaux producteurs Menahem GOLAN et Yoram GLOBUS confirmèrent la qualité des pellicules EASTMAN KODAK dans une publicité parue en 1986 dans le quotidien américain VARIETY Daily23. __________