1110 L’INFORMATION DENTAIRE n° 25 - 24 juin 2015 L’INFORMATION DENTAIRE n° 25 - 24 juin 2015
Dossier l
Urgences
Interactions médicamenteuses
Interactions alimentaires
La prescription est un acte médical sous la responsabilité
du praticien ayant rédigé l’ordonnance. Cela implique
que les effets indésirables médicamenteux pouvant sur-
venir au cours d’un traitement sont aussi sous la respon-
sabilité du prescripteur. Il est donc important, lors de
la rédaction d’une ordonnance, de limiter la prescrip-
tion aux seules spécialités nécessaires. Par ailleurs, il est
primordial de s’assurer de la bonne compréhension du
patient quant à l’intérêt de son traitement, à ses modali-
tés de prise, ainsi que des effets indésirables pouvant sur-
venir. Enfin, un point important, mais souvent négligé,
est d’informer le patient sur d’éventuelles interactions
médicamenteuses pouvant exister entre son traitement
et certains aliments.
À titre d’exemple, une attention toute particulière devra
être portée sur l’ensemble des jus de fruits [9] qui peuvent
être à l’origine de fortes interactions pharmacociné-
tiques avec la plupart des médicaments. Ainsi, la prise de
médicament avec un jus de fruit est à déconseiller.
La coadministration d’antibiotiques avec des produits
laitiers devra également être évitée. En effet, ces der-
niers sont riches en ions bivalents, comme le calcium ou
le magnésium, et forment des complexes avec certains
antibiotiques limitant ainsi leur absorption [9].
Lors de la prescription de métronidazole, le patient
devra être informé sur le risque d’un possible effet anta-
buse en cas de consommation d’alcool. Celui-ci peut se
caractériser par des bouffées vasomotrices au niveau du
visage, des nausées, une tachycardie, une lipothymie ou
encore une ataxie.
Enfin, la prise simultanée d’hydroxyzine et d’alcool
implique une majoration de l’effet sédatif pouvant
entraîner un risque de somnolence particulièrement
dangereux en cas de conduite de véhicules ou d’engins.
Toutes ces précautions d’emploi devraient être signalées
au patient par le praticien à la fois oralement et sur l’or-
donnance délivrée.
Interactions entre dispositifs médicaux
Au-delà des médicaments que nous sommes amenés à
prescrire, nous utilisons également un grand nombre de
dispositifs médicaux qui peuvent eux aussi présenter des
interactions avec les médicaments.
Par exemple, l’irrigation canalaire lors du traitement
endodontique implique un seringage à l’hypochlorite de
sodium. Le recours à une association avec la chlorhexi-
dine a été envisagé, car leurs actions sont synergiques
et augmentent ainsi leurs effets propres. Cependant, il
a été montré que l’association hypochlorite de sodium/
chlorhexidine est responsable de la formation de précipi-
tés colorés inactifs difficiles à éliminer et qui pourraient
être carcinogènes. Après utilisation de chlorhexidine, il
est donc indispensable de rincer le canal à l’eau stérile ou
à l’alcool et de le sécher avec des pointes de papier [10].
Nous pouvons noter que l’irrigation à la chlorhexidine
après un rinçage avec de l’acide éthylène diamine tétra-
acétique (EDTA) provoque également un précipité non
souhaitable [11].
Enfin, il existe aussi un risque d’apparition d’érythème,
de phlyctènes voire de nécroses cutanéomuqueuses
en lien avec la formation de complexes caustiques en
cas d’association entre la povidone iodée (Bétadine®)
et les antiseptiques mercuriels (Solution aqueuse de
Mercurescéine Gifrer 2%).
Prévention et conduite
à tenir face à une interaction
médicamenteuse
Pour prévenir les interactions médicamenteuses, le pra-
ticien peut faire appel à différents outils.
Comme abordé précédemment, le premier outil à la
disposition du praticien est une anamnèse soignée afin
d’identifier les médicaments pouvant être potentielle-
ment responsables d’interactions médicamenteuses en
cas d’association.
Le deuxième outil est le suivi thérapeutique pharmacolo-
gique (STP), particulièrement utile pour l’adaptation et
le suivi des concentrations sanguines des médicaments à
marge thérapeutique étroite. L’activité de STP est acces-
sible dans les laboratoires de pharmacologie clinique de
tous les centres hospitaliers et universitaires de France.
Le troisième outil est la pharmacovigilance, activité dis-
ponible au sein des centres régionaux de pharmacovigi-
lance (CRPV). Il est à rappeler que tout effet indésirable
constaté par un professionnel de santé est à déclara-
tion obligatoire au CRPV de la région où cet effet a été
constaté. La participation des praticiens à la déclaration
des effets indésirables est une garantie pour une évalua-
tion au plus juste de la sécurité des médicaments sur le
territoire national. En effet, toute nouvelle donnée sur
l’effet indésirable d’un médicament (nature, fréquence,
sévérité) contribuera à préciser les données de sécurité
de ce médicament. Ces données réactualisées peuvent,
après évaluation par l’ANSM, contribuer à compléter
Molécule Niveau de
contrainte
Association Effet
Josamycine
CONTRE-
INDICATION
Ivabradine Risque de bradycardie excessive
Pimozide Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
Disopyramide
Risque de majoration des effets indésirables
du disopyramide (hypoglycémies sévères,
allongement du QT et troubles
du rythme ventriculaire graves)
Ebastine Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire (sujets prédisposés)
Halofantrine Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
Tacrolimus Risque d’augmentation d’exposition/ASC cible
Pristinamycine CONTRE-
INDICATION Colchicine Risque majoré d’effets indésirables de la
colchicine
Télithromycine
CONTRE-
INDICATION
Alcaloïdes de l’ergot de seigle
vasoconstricteurs
Risque d’ergotisme ou de poussées
hypertensives
Atorvastatine Simvastatine Risque majoré de rhabdomyolyse
Mizolastine Risque majoré de troubles du rythme
ventriculaire
ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
Carbamazépine
Phénobarbital
Primidone
Millepertuis
Rifampicine
Risque d’échec de la télithromycine
(induction enzymatique)
Immunosuppresseurs Risque d’augmentation d’exposition/ASC cible
MÉTRONIDAZOLE ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE
Busulfan Risque d’augmentation d’exposition/ASC cible
Disulfirame
Risque d’épisodes de psychose aiguë ou
d’état confusionnel, réversibles à l’arrêt de
l’association
PÉNICILLINES ASSOCIATION
DÉCONSEILLÉE Méthotrexate
Augmentation de la toxicité hématologique
du méthotrexate par inhibition de sécrétion
tubulaire
1
ASC : Aire Sous Courbe (paramètre pharmacocinétique évaluant l’exposition d’un patient à un médicament).
2
QT: représentation électrocardiographique de la dépolarisation ventriculaire et de la repolarisation qui suit.
Autres types d’interactions
Homéopathie
Dans le cadre de nos pratiques actuelles, un praticien
peut être amené à prescrire des traitements homéopa-
thiques ou à y être confronté, car ils sont utilisés par ses
patients. Ainsi, il est important de connaître les interac-
tions pouvant avoir un impact sur ces traitements. En
effet, l’ensemble des traitements homéopathiques est par-
ticulièrement inhibé par la prise concomitante de men-
thol [8], mais aussi par celle de camomille, de verveine,
de quinine, de camphre ou d’huile camphrée. Ainsi, tous
les dentifrices contenant du menthol sont à proscrire et
certaines marques proposent par ailleurs aujourd’hui des
dentifrices sans menthol compatibles avec l’homéopathie.