grand renfort de farinesdouteuses? Il n'estde se-
maine, sinon de jour,où tombeunenouvelle étude
concernant ce qu'il ya lieu d'ingurgiter ou de pros-
crire radicalement. Et si le seul vrai conseilàdonner
était de reprendrela notion de «justemilieu», esso-
rée, frite et recuite par les penseurs antiques? Carce
quinuit,c'est évidemment l'excès. Bien sûr, desbalises
raisonnables doiventinciterle consommateur à ban-
nirlesnourritures industrielles, à se défier de tout ce
qu'onsaitfondamentalementnocifpour la santé.Et
commencerpar réduirefortement l'alcool, tant qu'on
yest,puisqu'il est le premier àfaire desravages, cultu-
rels il estvrai... Il y a aujourd'huiun vrai retour vers les
produits authentiques, vers les circuits courts. Lespri-
vilégier constitue déjà un bon pas.
T
HIERRYNELISSEN
Commentaire
Photos:AlainRischard
Le Jeudi: «Lerapport de l'OMS, un
sale coup pourla boucherie?»
FrankSteffen: «Une telleana-
lyse me paraît impossible tant une
multitude de facteurs entrenten
jeu. Lesrésultatssont toujours in-
certains. Mais il me paraît clair
qu'unetrop grandeconsommation
génère desrisques, commepour
beaucoup d'aliments, le lait par
exemple. L'alimentation, c'est un
tout.Elle dépendaussi de la façon
dont on vit. Je dismoi-même que
manger un steaktrois fois parse-
maine, c'est trop.Et je ne l'ai ja-
mais recommandé, même si nos
produits sontsains et irréprocha-
bles au niveau nutritif et de l'hy-
giène. Je déconseilleaussi de man-
ger trop de charcuterie, quiest
moinsdigeste. Je serai plus inquiet
lorsque l'Europe importera des
USA de la viande hormonée.Je me
demande ce que cela va nousap-
porter?»
Equilibre
sans monotonie
Le Jeudi: «Les clientsréagissent-ils
au rapport de l'OMS?»
F. S.: «Iln'yapas encore de
réaction de leurpart,pas de chan-
gement de comportement. Le
client estaujourd'hui bien in-
formé. Il s'intéresse à sasanté et ne
veut pasn'importequoi.Le bio a
du succès.De notrecôté, nous
fournissons 70 à78% de nourri-
ture bio à la cantine.
Nous avonstout intérêt à ce que
notreclientèle reste en bonne
santé. Nous lui disons qu'il faut
une alimentation équilibrée, mais
une alimentation produite dans de
bonnes conditions. Equilibre ne
veut pas dire monotonie. Il faut de
la viande, du poisson, des crusta-
cés, des légumes...On estun peuce
qu'on mange. Al'égard de nos
clients, noussommes des conseil-
lers et des spécialistes.En tout cas,
je vois quele commerce continue.
Le clientsaitlire entreles lignes. Il
fait trèsbienla part des choses. Il a
déjàune vie équilibrée.»
Le Jeudi: «Comment augmenter
encore la qualité?»
F. S.: «La qualité sanitaire est
excellente au Luxembourg.L'Ins-
pection sanitairefait bien sontra-
vail.Nous avonsla dignité de pro-
poser un bon produit,ce qui a un
prix. C'estplus cher?OK,mais
dans l'assiette, c'est le jouret la
nuit.De moncôté, je diversifie en-
core la viande. Depuis quelques se-
maines, je proposedesviandes is-
sues de vieilles races françaises
ainsiqu'uneautre de Flandre.Ces
races nous permettent delaisser
rassir la viande plus longtemps au
crochet, de 5à7semaines contre,
souvent, 2à3semaines pour les ra-
ces communes.
C'est ce quidonneau produit un
meilleur goût, un arôme, une
viande plus sèche. C'estcommele
vin, quivieillit,ou le fromage, qui
subitun long affinage. A chaque
situation plus difficile, nous
voyons une opportunité. Il ne faut
pas se priverde la joie de dégus-
ter.»
PROPOS RECUEILLIS
PARM. P.
Troisquestions àFrank Steffen
«La joie de déguster»
Chez lesSteffen, on
est dans la viande
depuispresque la nuit
des temps. Peut-être
sixgénérations. Le
groupe occupe
désormais 150
personnes. Et sait ce
que viandeveut dire.
Dans les coupablesde la détério-
ration de la qualité desproduits
alimentaires, il est logique de
laisser dosà dosle couple ven-
deur-consommateur.
Les acheteursveulent payer
moins,la concurrencedans la
grande distribution fait rage, les
producteurs sont étranglés... et
l'on partdans des systèmes de
production à grande échelleoù la
qualitédu produitn'aplus rien à
voir avec l'idée qu'ons'en faisait
à l'origine.La plupart des perver-
sions dans le secteur de l'alimen-
tation proviennentdu désir de
comprimer lescoûts à tout prix.
Et l'appât du gain pousse même
certains producteursàplonger
dans l'illégalitépour soigner
leursmarges.
Le consommateur qui,pour maî-
triser son budget,a été au moins
complice de la dérive,prendde
plus en plusconscience que c'est
de luiquedoit venir un renverse-
ment du paradigme. Même si
cela doit luicoûter.
Et de fait: «On a remarqué un
changement de consommation
depuisdeux ou trois ans, surtout
chez les jeunes coupleset les fa-
milles, constate Karin Pütz, res-
ponsable desrelations publiques
chez Cactus.Les consommateurs
achètent moins de viande. Le bio
est enforte croissance, et il y a
une tendance très sensible aux
produitsvégétariens. Lessubsti-
tuts aux viandes ou auxproduits
laitiers sont également de plus en
plus prisés. Nous ne cherchons pas
à précéder la demande, mais no-
treassortiment s'adapte évidem-
mentaux désirs des clients.
Même dans les produits plus tra-
ditionnels,l'acheteurest attentif.
Il cherchedes produits locaux,
dans lesquels il a plus confiance.
C'est la tendancequenous sui-
vons depuis unevingtaine d'an-
nées avec notreproprelabel de
viandede bœuf.
Mais la vianden'estpas la seule
concernée: nous nous rendons
compte qu'il est important de
mettre en avanttous les produc-
teurs locaux.Nous considérons
que notreboulot, c'est d'offrir des
produitsde qualité, et nous som-
mes d'autantplus concernés que
nous sommes aussitraiteurs et
restaurateurs.
Ceci dit, les fêtesde find'année
approchent... je suis prête àparier
que lesgensvont fairede sérieu-
ses entorseset choisirune nourri-
ture un peuplus riche.»
Méfiant, le consommateur se
tourne donc de plusen plus vers
lesproduits locaux,qui luipa-
raissent moinssuspects,sinon
pluscontrôlables.
Resteaux convaincus à trans-
mettre cette quête du produit
sain aux plus jeunes,à les faire
maîtriser sucre, sel et autres piè-
ges.L'initiative du ministère de la
Santéd'éditer un classeur de re-
commandationsalimentaires à
destination des maisons relais
mérite déjà d'être saluée.
ENTRE CONFIANCE ET VIGILANCE
De nombreux scandalesse sont succédé àun rythme
soutenudepuis une trentaine d'années.On pense à
la vachefolle (encéphalopathiespongiforme bo-
vine), sans conteste l'un desplus inquiétants. Elle
auraitpu,si l'on osedire, célébrer son vingtième an-
niversaire.En mars 1996, on apprenait qu'une di-
zaine de Britanniques étaientdécédés d'une forme
inhabituelle de la maladiede Creutzfeldt-Jakob. La
dégénérescencedu cerveau étaitimputée à la
consommation de viande bovine.L'enquête sanitaire
mit en causeles farines alimentaires du bétail.La
maladie a touché unecentaine de personnes en Eu-
rope.
Puis ce futle scandale de la dioxine(lepoulet à la
dioxine, source de cancerset de troubleshormo-
naux)découvertedans desfarines fabriquées en Bel-
gique.
A l'époque,leséleveursnourrissaientlescheptels,
végétariens par essence, avecde la farine issue de la
transformation du poisson. On ne déplorepas de dé-
cès.
Débutdes années 2000, la chaîne Buffalo Grill est
épinglée pour avoir importé des viandesinterdites
en France.
En 2011, l'Escherichia coli contamineles steaks ha-
chés et provoque la mort d'unequarantaine de per-
sonnes en Europe. Peu après, ce sera la viandede
cheval quisera vendue comme viande de bœuf pour
la préparation de platscuisinés.
Une instruction se poursuit en France et en Belgique
suite àl'introduction dans la chaîne alimentaire de
chevaux(de laboratoire,et d'ancienschevaux de
compétition destinés aux abattoirs)impropres à la
consommation.
Il y eut aussi,scandale révélé en 2008, la poudre de
laitchinoise coupée àla mélamine (10.000 bébés
touchés) ouencore l'huilefrelatée en Espagne (an-
nées 80).
HARO SUR LA MALBOUFFE